Notes
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[1]
Questo contributo è stato elaborato nell’ambito del progetto di ricerca « The Reception of Vernacular Midwifery Handbooks in Renaissance Italy », Andrew W Mellon Fellowship, Villa I Tatti, The Harvard University Center for Italian Renaissance Studies, 2017-2018.
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[2]
Roberti Grosseteste Versio Caelestis Hierarchiae Pseudo-Dionysii Areopagitae cum scholiis ex Graeco sumptis necnon commentariis notulisque eiusdem Lincolniensis, éd. Declan Anthony Lawell, James McEvoy, James Stanley McQuade, Turnhout, Brepols (coll. « Corpus Christianorum Continuatio Medieualis » 268), 2015 ; 15,5 x 25, xlii + 330 p., 210 €. ISBN : 978-2-503-55593-5.
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[3]
Ptolemy’s Tetrabiblos in the Translation of William of Moerbeke. Claudii Ptolemaei Liber Iudicialium, edited by Gudrun Vuillemin-Diem and Carlos Steel, with the assistance of Pieter De Leemans, Leuven, Leuven University Press (coll. « Ancient and Medieval Philosophy. De Wulf-Mansion Centre, Series I » 19), 2015 ; 16,5 × 24,5, x + 443 p., 107 €. ISBN : 978-90-5867-962-8.
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[4]
L’attribution à Guillaume de Moerbeke avait été déjà suggérée par Fernand Bossier et Luc Anthonis, qui avaient entamé le travail d’édition (p. 2).
-
[5]
Cf. Simplicius, In De caelo II, 11, ad 291b 17 (éd. J. L. Heiberg, Berlin, Reimer [coll. « Commentaria in Aristotelem Graeca », vol. VII], 1894, p. 479, 1-480, 23).
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[6]
Mes recherches récentes ont pu établir que la tradition de la Sent. lib. De caelo de Thomas d’Aquin se divise en deux branches, la première, que j’appelle Φ, comptant trente-trois manuscrits, parmi lesquels se trouvent les manuscrits à pièces, la seconde, que j’appelle Ψ, comptant deux témoins du xve s., qui remontent cependant à un modèle commun plus ancien (je ne prends pas ici en compte les fragments mineurs et les abrégés) ; je n’ai pu, pour le moment, établir si la branche Φ dérive entièrement de l’exemplar universitaire ou bien si la tradition universitaire n’est qu’une partie de la branche Φ. Quoi qu’il en soit, pour le passage en question, j’ai vérifié les deux manuscrits de la branche Ψ, qui ont tous les deux sinchaseos (Vaticano, BAV Urb. lat. 217, f. 325vb : le manuscrit A de la « vieille » Léonine ; Firenze, Bibl. Med. Laur. Fiesolano 104, f. 17 7va-vb, inconnu de la « vieille » Léonine) ; les neuf manuscrits que j’ai vérifiés pour la branche Φ ont majoritairement sinthaseo, avec de menues variantes graphiques (témoins portant des indications de pièces : Firenze, Bibl. Med. S. Croce Plut. XXIX dext. 12, f. 31ra, sinthaseo ; Paris, BnF lat. 16144, f. 74rb, sincheseo ; 16154, f. 116vb, sintheseo, légèrement douteux ; Troyes, Bibl. mun. 1063, f. 265va, sinthaseo ; manuscrits qui ne portent pas d’indications de pièces : Oxford, Balliol College 287, f. 228rb, sinthaseo ; Paris, BnF lat. 6525, tardif, synthaseo ; Vaticano, BAV Vat. lat. 770, f. 41ra, sinthaseo ; Borgh. 114, f. 99vb, sinthaseo ; Urb. lat. 24, f. 99rb, sinthaseo).
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[7]
. C’est cette même traduction que Thomas avait citée dans le Super Boetium De Trinitate : voir, par exemple, q. 5, a. 1, s.c. 3 (éd. Léon., t. 50, p. 137, 91-92) ; q. 6, a. 1, s.c. 1 (p. 158, 70-75) ; ibid., resp. (p. 161, 278-287).
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[8]
Claudius Ptolomaeus, Syntaxis mathematica, Pars I, Leipzig, Teubner (coll. « Claudii Ptolemaei opera quae exstant omnia » 1), 1898.
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[9]
Il me semble que, dans un bon nombre de cas, les citations de Ptolémée dans la Sent. lib. De caelo sont faites à partir de la traduction latine de Simplicius ; voir, par exemple, Sent. lib. De caelo I, 2 (éd. Léon., t. 3, p. 7a) : « probare demonstrative esse solum tres dimensiones, pertinet ad mathematicum : sicut Ptolomaeus probat per hoc quod impossibile est coniungi simul lineas perpendiculares plures quam tres super idem punctum » ; voir Simplicius, In de caelo I, 1 (éd. Bossier, Leuven, Leuven University Press [coll. « Corpus Latinum Commentariorum in Aristotelem Graecorum » VIII, 1], 2004, p. 12, 83-92) ; ou encore, Thomas d’Aq., Sent. lib. De caelo I, 3 (éd. Léon., t. 3, p. 11a) : « nam, secundum Ptolomaeum, motus planetarum est in excentricis et epicyclis ; qui quidem motus non sunt circa medium mundi, quod est centrum terrae, sed circa quaedam alia centra » ; voir Simplicius, In de caelo I, 2 (éd. Bossier, p. 43-45).
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[10]
Radulphus Brito, Quaestiones super Priora Analytica Aristotelis, edited by Gordon A. Wilson, Leuven, Leuven University Press (coll. « Ancient and Medieval Philosophy. Series 1 » 54), 2016 ; 16 × 24, lxviii + 616 p., 120 €. ISBN : 978-94-6270-086-4.
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[11]
Du point de vue de la critique textuelle, le texte présente des analogies importantes avec le commentaire de l’Éthique à Nicomaque du même auteur : voir notre édition, Le Questiones di Radulfo Brito sull’Etica Nicomachea, Turnhout, Brepols (coll. « Studia Artistarum. Études sur la faculté des arts dans les universités médiévales » 17), 2008.
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[12]
Voir « Appendix I », p. 581-583.
-
[13]
Voir p. 200-208. Signalons que la q. 30 n’est pas omise par la redactio parisiensis, malgré la présence de la question interpolée.
-
[14]
Les deux questions sont éditées l’une à la suite de l’autre, p. 60-65, 66-71. Il aurait été peut-être préférable de donner en appendice le texte de la question 10 de la redactio parisiensis.
-
[15]
Voir « Appendix I », p. 583-585.
-
[16]
Voir « Appendix II », p. 589-591.
-
[17]
Voir ibid., p. 591-592.
-
[18]
Voir ibid., p. 593-594.
-
[19]
L’hypothèse de notes marginales ou celle, évoquée par G. W., de feuillets ajoutés après coup semblent les plus vraisemblables.
-
[20]
Dragos Calma (éd.), Neoplatonism in the Middle Ages, 2 vol., Turnhout, Brepols (coll. « Studia Artistarum » 42), 2016 ; 15, 5 x 23, 5, 980 p., 100 €. ISBN : 978-2-503-55474-7.
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[21]
Vol. I : New Commentaries on Liber de causis (1250-1350 ca.), coll. « Studia Artistarum » 42-1, 562 p. ISBN : 978-2-503-56701-3. Sommaire : D. Calma, « Acknow-ledgements », 9-10. — [1] Id., « The Exegetical Tradition of Medieval Neoplatonism. Considerations on a Recently Discovered Corpus of Texts », 11-52. — [2] Mihai Maga, « Remarques sur le commentaire au Liber de causis attribué à Pierre d’Auvergne », 53-135. — [3] Alexandra Baneu, D. Calma, « The Glose super Librum de causis and the Exegetical Tradition », 137-152. — [4] A. Baneu, D. Calma, « Le commentaire sur le Liber de causis de Jean de Mallinges », 153-286. — [5] Iacopo Costa, Marta Borgo, « The Questions of Radulphus Brito (?) on the Liber de causis, 287-357. — [6] Iulia Székely , D. Calma, « Le commentaire d’un maître parisien conservé à Erfurt », 359-465. — [7] Delphine Carron, « A Theological Reading of the Liber de causis at the Turn of the Fourteenth Century : The Example of William of Leus », 467-549. — « Index of Manuscripts », 553-554. — « Index of Names (before 1800) », 555-558. — « Index of Names (after 1800) », 559-562.
-
[22]
Ces commentaires ont été découverts par D. C. et l’équipe de recherche qu’il a dirigée entre 2011 et 2016 à l’université Babeş-Bolyai de Cluj-Napoca, en Roumanie, dans le cadre d’un projet financé par le Centre national de la recherche roumain.
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[23]
Vol. II : New Commentaries on Liber de causis and Elementatio theologica (ca. 1350-1500), coll. « Studia Artistarum » 42-2, 418 p. ISBN : 978-2-503-56700-6. Som-maire : [1] D. Calma, « A Medieval Companion to Aristotle : John Krosbein’s Paraphrase on Liber de causis », 11-97. — [2] Fiorella Retucci, « Sententia Procli alti philosophi. Notes on an Anonymous Commentary on Proclus’ Elementatio theologica », 99-179. — [3] D. Calma, I. Székely, « Cause and Causality in Henry of Geismar’s Questio de quolibet », 181-223. — [4] Mario Meliadò, « Le Questiones super Librum de causis attribuite a Johannes Wenck. Concezione, fonti e tradizione manoscritta del commento », 225-270. — [5] Alexander Baumgarten, « Theologia philosophorum parcialis. Un commentaire sur le Liber de causis », 271-336. — [6] Laure Miolo, Liber de causis in libraria. Pour une mise en perspective du Liber de causis dans la bibliothèque du collège de Sorbonne », 337-400. — « Index of Manuscripts », 403-405. – « Index of names (before 1800) », 407-411. — « Index of names (after 1800) », 413-417.
-
[24]
Joseph Koch, Durandus de S. Porciano O.P. Forschungen zum Streit um Thomas von Aquin zu Beginn des 14. Jahrhunderts. Erster Teil : Literaturgeschichtliche Grundlegung, Münster, Aschendorff (coll. « Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters » 26), 1927. Les deux volumes Kleine Schriften, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura (coll. « Storia e Letteratura. Raccolta di Studi e Testi » 127-128), 1973, contiennent les autres travaux concernant Durand, son conflit avec l’ordre et la réception de sa pensée ; en particulier on y trouve une importante biographie : « Die Magister-Jahre des Durandus de S. Porciano o. p. und der Konflikt mit seinem Orden », ibid., vol. II, p. 7-118.
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[25]
On trouvera plus d’informations sur ce projet au lien suivant : durandus.phil-fak.uni-koeln.de.
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[26]
Durandi de Sancto Porciano ord. Praed. et Meldensis Episcopi, In Petri Lombardi Sententias Theologicas Commentariorum libri IIII, Nunc demum, post omnes omnium editiones, acuratissime recogniti et emendati, Venetiis MDLXXI, Ex Typographia Guerraea ; reproduction photomécanique : Ridgewood (New Jersey), Gregg Press, 1964. Il existe plusieurs autres éditions antérieures dont l’editio princeps : Expectatissime et suo merito laudatissime in quattuor sententiarum libros questionum plurimarum resolutiones et exactissime decisiones ... magistri Durandi de Sancto Portiano, ... meldensis ecclesie episcopi ... a magistro Jacobo Merlino recognite. Venumdantur ab Joanne Parvo, cujus impendio et cura ab Ascensio impresse sunt, Parisiis, in vico Divi Jacobi, sub Leone argenteo, 1508. Ces indications ne se trouvent pas dans les volumes de la nouvelle édition de Cologne. Il aurait été opportun d’ajouter dans les listes bibliographiques un relevé complet de toutes les éditions antérieures du commentaire. Je voudrais ajouter que dans l’apparat des sources des deux volumes de Nicolai Medensis (Durandelli) Evidentiae contra Durandum, éd. Prospero T. Stella, Tübingen – Bâle, Francke (coll. « Corpus Philosophorum Medii Aevi » 3), 2003, l’éditeur a transcrit, à partir de certains manuscrits, un nombre très important de textes de la première rédaction du Commentaire de Durand, à savoir tous les passages auxquels l’auteur se réfère dans son impugnatio. Avant l’édition de Cologne ces notes furent une intéressante source d’informations sur la première rédaction.
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[27]
Sur l’évolution du projet colonais voir Thomas Jeschke, Fiorella Retucci, Guy Guldentops, Andreas Speer, « Durandus von St. Pourçain und sein Sentenzenkommentar. Eine kritische Edition der A- und B-Redaktion », Bulletin de Philosophie médiévale 51 (2009), p. 113-143.
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[28]
Dvrandi de Sancto Porciano Scriptum super IV libros Sententiarum, Buch II, Dist. 1-5, éd. F. Retucci, Leuven-Paris-Walpole (MA), Peeters (coll. « Recherches de Théologie et Philosophie médiévales. Bibliotheca » 10.2.1), 2012 ; 15, 5 x 24, 116* + 250 p., 69 €. ISBN : 978-90-429-2633-2.
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[29]
Id., Scriptum super IV libros Sententiarum, Buch II, Dist. 22-38, éd. F. Retucci, Massimo Perrone, Leuven-Paris-Walpole (MA), Peeters (coll. « Recherches de Théologie et Philosophie médiévales. Bibliotheca » 10.2.3), 2013 ; 15, 5 x 24, 120* + 308 p., 79 €. ISBN : 978-90-429-2679-0.
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[30]
Id., Scriptum super IV libros Sententiarum, Buch II, Dist. 39-44, éd. M. Perrone, Leuven-Paris-Walpole (MA), Peeters (coll. « Recherches de Théologie et Philosophie médiévales. Bibliotheca » 10.2.4), 2014; 15, 5 x 24, 96* + 178 p., 78 €. ISBN : 978-90-429-3129-9.
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[31]
A. Speer, « The Durandus Project at the Thomas-Institut », dans A. Speer, F. Retucci, T. Jeschke, G. Guldentops (éd.), Durand of Saint-Pourçain and His Sentences Commentary. Historical, Philosophical, and Theological Issues, Leuven-Paris-Walpole (MA), Peeters (coll. « Recherches de Théologie et Philosophie médiévales. Bibliotheca » 9), 2014, p. 57-70 : 63-64. Pour plus de détails sur les contenus de ce volume, voir ci-dessous, p. 672-673, avec la n. 36.
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[32]
Dvrandi de Sancto Porciano Scriptum super IV libros Sententiarum, Buch IV, Dist. 1-7, éd. G. Guldentops, Gianfranco Pellegrino, Leuven-Paris-Walpole (MA), Peeters (coll. « Recherches de Théologie et Philosophie médiévales. Bibliotheca » 10.4.1.1), 2014 ; 15, 5 x 24, 54* + 220 p., 75 €. ISBN : 978-90-429-2677-6.
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[33]
Id., Scriptum super IV libros Sententiarum, Buch IV, Dist. 43-50, éd. T. Jeschke, Leuven-Paris-Walpole (MA), Peeters (coll. « Recherches de Théologie et Philosophie médiévales. Bibliotheca » 10.4.4), 2012 ; 15, 5 x 24, 132* + 460 p., 79 €. ISBN : 978-90-429-2678-3.
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[34]
Voir Benedictus Maria Reichert (éd.), Acta capitulorum generalium, vol. II : ab anno 1304 usque ad annum 1378, Romae, Ex Typographia polyglotta s. c. de propaganda fide (coll. « Monumenta ordinis fratrum praedicatorum historica » 4), 1899, p. 38, 23-25 : « Volumus et districte iniungimus lectoribus et sublectoribus universis, quod legant et determinent secundum doctrinam et opera venerabilis doctoris fratris Thome de Aquino. »
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[35]
Il existe deux listes d’erreurs de Durand établies par des commissions de l’ordre : une première de 1314 contenant quatre-vingt-treize erreurs et une deuxième de 1317, avec deux cent trente-cinq erreurs. Les deux listes ont été éditées par J. Koch, « Die Magister-Jahre... », art. cit., p. 52-118. Pour l’ensemble de la controverse entre Durand et l’ordre et sur sa signification, voir Isabel Iribarren, Durandus of St. Pourçain. A Dominican Theologian in the Shadow of Aquinas, Oxford, Oxford University Press (coll. « Oxford Theology and Religion Monographs »), 2005.
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[36]
On signale la parution d’un sixième volume, dont on n’a pourtant pas pu tenir compte dans cette notice : Dvrandi de Sancto Porciano Scriptum super IV libros Sententiarum, Buch I, Dist. 4-17, éd. M. Perrone, F. Retucci, Leuven-Paris-Walpole (MA), Peeters (coll. « Recherches de Théologie et Philosophie médiévales. Bibliotheca » 10.1.2), 2017 ; 15, 5 x 24, 92* + 277 p., 94 €. ISBN : 978-90-429-3444-3.
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[37]
A. Speer, F. Retucci, T. Jeschke, G. Guldentops (éd.), Durand of Saint-Pourçain and His Sentences Commentary, op. cit. ; 16 x 24, iv + 436 p., 87 €. ISBN : 978-90-429-3136-7. Sommaire : « Preface », 3-9. — « List of Contributors », 11-12. — I. Context : [1] William J. Courtenay, « Durand in His Educational and Intellectual Context », 13-34. — [2] I. Iribarren, « Durand after the Censures. Theology as a Vocation », 35-56. — II. Commentary : [3] A. Speer, « The Durandus Project at the Thomas-Institut : The Status Quaestionis », 57-70. — [4] F. Retucci, « Selected Problems in Books I-II of Durand’s Sentences Commentary », 71-96. — [5] T. Jeschke, « The Manuscript Tradition of Book IV of Durand’s Sentences Commentary », 97-118. — [6] William Duba, « Rebuilding the Stemma : Understanding the Manuscript Tradition of Francis of Marchia’s Commentaries on Book II of the Sentences », 119-170. — III. Doctrine : [7] Stephen F. Brown, « The Early Durand of Saint-Pourçain on the Scientific Character of Theology », 171-184. — [8] Jean-Luc Solère, « Sine Qua Non Causality and the Context of Durand’s Early Theory of Cognition », 185-228. — [9] Peter Hartman, « Causation and Cognition : Durand of Saint-Pourçain and Godfrey of Fontaines on the Cause of a Cognitive Act », 229-256. — [10] G. Guldentops, « God’s Knowledge of Evil. Durand’s ‘Thomistic’ View and Its Influence », 257-294. — IV. Influence : [11] Monica Brînzei, Russell L. Friedman, and Chris Schabel « The Late-Medieval Reception of Durand’s Sentences Commentary, with Two Case Studies : Peter Auriol (†1322) and Nicholas of Dinkelsbühl (†1433) », 295-342. — [12] Sven K. Knebel, « Durandus, Quirós, Consciousness », 343-384. — [13] Giuliano Gasparri, « Notes on the Legacy of Durand in the Early Modern Era », 385-422. — « Index of Names », 423-434. — « Index of Manuscripts », 435-436.
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[38]
Dvrandus de Sancto Porciano, Scriptum, IV, d. 7, q. 3 (éd. cit., p. 208, 244-245).
-
[39]
Iohannis Duns Scoti Collationes Oxonienses, a cura di G. Alliney e M. Fedeli, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo (coll. « Unione Accademica Nazionale. Corpus Philosophorum Medii Aevi. Testi e studi » 24), 2016 ; 17,5 x 24,5, clxxxiv + 317 p., 72 €. ISBN : 978-88-8450-737-2.
-
[40]
Franz Pelster, « Handschriftliches zur Überlieferung des Quaestiones super libros Metaphysicorum und der Collationes des Duns Scotus. 2. Die Collationes Parisienses und Oxonienses », Philosophisches Jahrbuch 44 (1931), p. 79-92.
-
[41]
Palémon Glorieux, « L’enseignement au Moyen Âge. Techniques et méthodes en usage à la Faculté de Théologie de Paris au xiiie siècle », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 35 (1968), p. 65-186, surtout p. 122.
-
[42]
Jacqueline Hamesse, « Collatio et reportatio : deux vocables spécifiques de la vie intellectuelle au Moyen Âge », dans Olga Weijers (éd.), Terminologie de la vie intellectuelle au Moyen Âge, Turnhout, Brepols (coll. « Civicima » 1), 1988, p. 78-87, spéc. p. 78-83 ; O. Weijers, « Le vocabulaire du Collège de Sorbonne », dans Ead., Vocabulaire des collèges universitaires (xiiie-xvie siècles). Actes du Colloque, Leuven 9-11 avril 1992, Turnhout, Brepols (coll. « Civicima » 6), 1993, p. 9-25, spéc. p. 18-19.
-
[43]
Serge Lusignan, « L’enseignement des arts dans les collèges parisiens au Moyen Âge », dans O. Weijers, Louis Holtz (éd.), L’Enseignement des disciplines à la Faculté des Arts (Paris et Oxford, xiiie-xve siècles). Actes du Colloque International, Turnhout, Brepols (coll. « Studia Artistarum » 4), 1997, p. 43-54, spéc. p. 47 ; Bert Roest, A History of Franciscan Education (c. 1210-1517), Leiden-Boston-Köln, Brill (coll. « Education and Society in the Middle Ages and Renaissance » 11), 2000, p. 133 ; Marian Michèle Mulchahey, « First the Bow is Bent in Study ». Dominican Education Before 1350, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies (coll. « Studies and Texts » 132), 1998.
-
[44]
Ioannes Duns Scotus, Ordinatio, I, dist. 2, p. 2, qq. 1-4, n. 303, adn. a, studio et cura Commissionis Scotisticae, Civitas Vaticana, Typis Polyglottis Vaticanis (coll. « Doctoris Subtilis et Mariani Ioannis Duns Scoti Fratrum Minorum Opera Omnia » 2), 1950, p. 309, 5-24, spéc. ligne 11.
-
[45]
Dominique Demange, Jean Duns Scot. La théorie du savoir, Paris, Vrin (coll. « Sic et non »), 2007, p. 179.
-
[46]
G. Alliney, « The Treatise on the Human Will in the Collationes Oxonienses Attributed to John Duns Scotus », Medioevo 30 (2005), p. 206-269 ; Id., « Le Collationes Oxonienses sulla volontà. Analisi degli influssi dottrinali in un apocrifo scotiano », dans G. Alliney, M. Fedeli, A. Pertosa (éd.), Contingenza e libertà. Teorie francescane del primo Trecento, Macerata, EUM (coll. « eum x filosofia »), 2012, p. 19-44 ; Id., « Scoto contro Scoto sull’argomento Principium eodem modo se habens uniformiter agit », Franciscan Studies 72 (2014), p. 225-257.
-
[47]
Mark G. Henninger, Relations. Medieval Theories 1250-1325, Oxford, Clarendon Press, 1989, p. 108-109.
-
[48]
Stephen D. Dumont, « William of Ware, Richard of Conington and the Collationes Oxonienses of John Duns Scotus », dans Ludger Honnefelder, Rega Wood, Mechthild Dreyer (éd.), Johns Duns Scotus. Metaphysics and Ethics, Leiden-New York-Köln, Brill (coll. « Studien und Texte zur Geistesgeschichte des Mittelalters » 53), 1996, p. 59-85.
-
[49]
Richard Cross, « Scotus’s Collatio oxoniensis 17 and the Ontological Status of impossibilia », Recherches de théologie et philosophie médiévales 84 (2017), p. 383-406 (version définitive modifiée après la parution de l’édition par G. A. et M. F.).
-
[50]
Je voudrais remercier Jacopo Francesco Falà d’avoir attiré mon attention sur ce passage.
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[51]
Anna Rodolfi, « Cognitio obumbrata ». Lo statuto epistemologico della profezia nel secolo XIII, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo (coll. « Micrologus’ Library » 74), 2016 ; 14 x 21, vii + 216 p., 40 €. ISBN : 978-88-8450-6896-4.
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[52]
. Jean-Pierre Torrell, Initiation à saint Thomas d’Aquin. Sa personne et son œuvre, nouvelle édition profondément remaniée et enrichie d’une bibliographie mise à jour, Paris, Éditions du Cerf, 2015 ; 15, 5 x 24, 574 p., 34 €. ISBN : 978-2-204-10553-8. Comme dans les éditions précédentes, le livre comprend, après le texte principal, une série d’annexes très utiles pour s’orienter non moins dans le volume lui-même que dans le corpus thomiste qui en fait l’objet. On y trouve tout d’abord une « chronologie sommaire » (p. 421-424), dont les critères de compilation et rédaction sont bien explicités en ouverture ; suit une « table des écrits de saint Thomas » (p. 425-427), opportunément anticipée par rapport à l’édition précédente, qui sert de pont entre le texte principal et le « catalogue des œuvres de saint Thomas » qui suit (p. 429-486). Ce dernier, établi une première fois par Gilles Émery, est mis à jour dans cette nouvelle édition par les soins de J. P. T. Il en va de même pour la bibliographie (p. 487-547), qui reprend les titres des ouvrages, contributions et articles cités au cours du livre. Pour les éditions et les traductions, il faudra se référer par contre au catalogue des œuvres qu’on vient de mentionner. Le volume se clôt par un index des noms de personnes (p. 549-566) et une table des matières détaillée (p. 567-570).
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[53]
Id., Initiation à saint Thomas d’Aquin. Sa personne et son œuvre, Fribourg (Suisse)-Paris, Éditions universitaires de Fribourg-Cerf (coll. « Vestigia. Pensée antique et médiévale. Initiation » 13), 1993 ; deuxième édition revue et augmentée d’une mise à jour critique et bibliographique, 2002. J. P. T. tient à préciser qu’une supposée troisième édition qui a récemment circulé n’est en effet qu’une réimpression de la deuxième édition, « faussement rebaptisée à l’insu de l’auteur » (p. 16, n. 18).
-
[54]
Adriano Oliva, Les débuts de l’enseignement de Thomas d’Aquin et la conception de la sacra doctrina, Paris, Vrin (coll. « Bibliothèque thomiste » 58), 2006.
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[55]
Pour une mise en contexte de cette discussion, voir M. Borgo, « Littérature sententiaire », dans « Bulletin d’histoire des doctrines médiévales », Rev. Sc. ph. th. 96 (2012), p. 768-773, spéc. p. 771-773.
-
[56]
Pasquale Porro, Tommaso d’Aquino. Un profilo storico-filosofico, Roma, Carocci (coll. « Frecce » 136), 2012.
-
[57]
Id., Thomas Aquinas. A Historical and Philosophical Profile, Washington D. C., The Catholique University of America Press, 2016 ; 23,5 x 16, xiii + 458 p., 65 $. ISBN : 9780813228051. Une traduction française, par les soins de Stéphanie Vermot-Petit-Outhenin, paraîtra bientôt dans la collection « Philosophie » aux Presses de l’université Paris-Sorbonne.
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[58]
Si l’on regarde de près en quoi se traduit concrètement la distinction entre ouvrages d’intérêt philosophique et ouvrages éminemment théologiques ou spirituels, on se rendra compte que cette démarcation s’avère plutôt intuitive, surtout si l’on se met dans la perspective du lecteur non-spécialiste contemporain. Si P. P. juge que « les premiers cours sur la Bible n’ont pas d’intérêt philosophique, dans la mesure où ils se focalisent sur l’interprétation littérale du texte » (p. 5) ou que les opuscules en défense des frères mendiants « n’ont pas une valeur strictement philosophique » (p. 59), il n’a pas de difficulté à reconnaître les enjeux ouvertement philosophiques d’œuvres théologiques comme le sont le commentaire au livre de Job, au sujet de la providence, ou à l’évangile de Jean (p. 265), au sujet de l’existence de Dieu et de sa démontrabilité. On peut aisément convenir aussi sur le caractère hybride de la Somme contre les Gentils, qui consiste en une exposition de la foi catholique, comportant pourtant l’engagement de son auteur dans des démarches proprement philosophiques (p. 127-128).
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[59]
La perspective dans laquelle P. P. aborde les textes de Thomas comporte parfois des amplifications de l’importance philosophique de certains ouvrages par rapport à l’interprétation traditionnelle, parfois un rétrécissement. Si par exemple le De ente et essentia et le De principiis naturae, présentés par J. P. T. comme deux œuvrettes de jeunesse, sont introduites par P. P. comme la meilleure des initiations possibles au vocabulaire philosophique de Thomas (p. 6), utile à se repérer même par la suite, le De aeternitate mundi et le De unitate intellectus sont relus par P. P. comme des pièces d’une polémique de portée non seulement philosophique. Voir ci-dessous, p. 695-696.
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[60]
Considérée la nature exégétique de cet ouvrage, il nous semble qu’il faudrait nuancer cette thèse, qui donne trop d’importance à l’ordre de succession, plutôt qu’à d’autres considérations contextuelles.
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[61]
En matière de chronologie, s’il se réfère normalement à J. P. Torrell, P. P. n’y dépend pas de manière acritique, comme le prouvent les cas, relativement nombreux, où il opte pour des solutions différentes. Le fait d’observer Thomas dans une perspective philosophique ne l’empêche aucunement de toucher, quoique de manière ponctuelle, à certaines questions philologiques et codicologiques, qu’il considère essentielles pour situer correctement tel ou tel ouvrage. C’est par exemple le cas de la distinction qu’il rappelle entre enseignement oral et publication des leçons (p. 26-27), de l’attention qu’il porte aux contributions venant à la recherche doctrinale de l’étude des autographes ainsi que des lignes qu’il consacre aux difficultés matérielles posées par l’édition critique du corpus paulinien (p. 188-190).
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[62]
Très incisive, par exemple, est la présentation du chapitre général des dominicains à Valenciennes en 1259 (p. 116-120). P. P. démêle les enjeux politico-académiques, culturels et religieux des décisions prises à cette occasion en matière d’éducation et formation continue des frères dominicains, convaincu que le travail de la commission dont l’Aquinate faisait partie ne visait pas simplement à la réorganisation des études dans l’ordre, notamment à la formulation d’une ratio studiorum, mais plutôt à l’élaboration d’une véritable stratégie éducative, voire culturelle, durable, apte à revigorer et formaliser les propos du fondateur.
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[63]
. Igor Agostini, La Démonstration de l’existence de Dieu. Les conclusions des cinq voies de saint Thomas d’Aquin et la preuve a priori dans le thomisme du xviie siècle, Turnhout, Brepols (coll. « The age of Descartes – Descartes et son temps » 1), 2016 ; 15,6 x 23,4, 704 p., 105 €. ISBN : 978-2-503-56578-1.
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[64]
Carla Casagrande, Gianfranco Fioravanti (éd.), La Filosofia in Italia al tempo di Dante, Bologna, Il Mulino (coll. « Le vie della civiltà »), 2016 ; 13,5 x 21,2, xxi + 291 p., 23 €. ISBN : 978-88-15-2651-66. — Sommaire : « Indice », v-vii. — C. Casagrande, G. Fioravanti, « Prefazione », ix-xxi. — Parte prima. Il ritorno dei filosofi in Italia. Bologna 1295 : I. G. Fioravanti, « Morte e rinascita della filosofia. Da Parigi a Bologna », 11-24. — II. Andrea Tabarroni, « La nascita dello Studio di Medicina e Arti a Bologna », 25-36. — III. Chiara Crisciani, « Medici e filosofia », 37-64. — IV. G. Fioravanti, « I filosofi e la medicina : una progressiva autonomia », 65-75. — V. Ch. Crisciani, G. Fioravanti, « I filosofi e i medici come gruppo : autorappresentazione e autopromozione », 77-90. — VI. G. Fioravanti, « I filosofi e gli altri », 91-122. — VII. G. Fioravanti, « Fare filosofia », 123-161. — Parte seconda. Contesti, temi, figure : VIII. Roberto Lambertini, « Aristotele e la riflessione politica in Italia nel primo Trecento », 165-190. — IX. Sonia Gentili, « La filosofia dal latino al volgare », 191-224. — X. Paolo Falzone, « Il Convivio di Dante », 225-264. — XI. S. Gentili, « Petrarca e la filosofia », 265-280. — « Indice dei nomi », 281-291.
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[65]
Fulvio Delle Donne, « La fondazione dello Studium di Napoli : note sulle circolari del 1224 e del 1234 », Atti della Accademia Pontaniana N. S. 42 (1993), p. 179-197 ; Id., « Per scientiarum haustum et seminarium doctrinarum : edizione e studio dei documenti relativi allo Studium di Napoli in età sveva », Bullettino dell’Istituto storico italiano per il medioevo 111 (2009), p. 101-225, avec l’édition de 32 documents (p. 164-225).
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[66]
Francesco Siri (éd.), Le Pater noster au xiie siècle. Lectures et usages, Turnhout, Brepols (coll. « Biblithèque d’histoire culturelle du Moyen Âge » 15), 2015 ; 15,6 x 23,4, 266 p., 80 €. ISBN : 978-2-503-55346-7. Sommaire : F. Siri, « Avant-propos », 5-6. — Gilbert Dahan, « L’exégèse du “Notre Pèreˮ au xiie siècle. Quelques lignes générales », 7-28. — Alexander Andrée, « Le Pater (Matth. 6,9-13 et Luc 11,2-4) dans l’exégèse de l’école de Laon : la Glossa ordinaria et autres commentaires », 29-74. — Francesco Siri, « En quête d’ordre : Hugues de Saint-Victor commentateur du “Notre Pèreˮ », 75-92. — Valeria De Fraja, « Le don d'un laïc à son fils : le commentaire du Pater de Maione de Bari », 93-111. — Emmanuel Bain, « Pierre le Mangeur et le “Notre Pèreˮ », 113-155. — Marco Rainini, « Symbolic Representations and Diagrams of the Lord’s Prayer in the Twelfth Century », 157-186. — Annie Noblesse-Rocher, « L’explanatio dominicae orationis de Frowin d’Engelberg (xiie s.) », 187-195. — Uwe Brunn, « Les oraisons des hérétiques. De la récitation du Pater noster aux “rituels catharesˮ », 197-234. — Geneviève Hasenohr, Anne-Françoise Labie-Leurquin, « Traductions et commentaires médiévaux du Pater en langue d'oïl : inventaire provisoire », 235-248. — « Index des manuscrits » 251-255. — « Index des auteurs anciens, médiévaux et du xvie siècle », 256-258. — « Index des auteurs modernes », 259-262. — « Table des illustrations », 263. — « Table des matières », 265.
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[67]
Voir par exemple Christopher T. Baglow, Modus et forma : A New Approach to the Exegesis of Saint Thomas with an application to the Lectura super Epistolam ad Ephesios, Roma, Pontificio Istituto Biblico (coll. « Analecta biblica » 149), 2002 ; Michael Dauphinais, Matthew Levering (éd.), Reading Romans with Thomas Aquinas, Washington D. C., Catholic University of America Press, 2012 ; Id., Reading John with St. Thomas Aquinas : Theological Exegesis and Speculative Theology, Washington D. C., The Catholic University of America Press, 2005 ; Thomas G. Weinandy, Daniel Keating, John Yocum (éd.), Aquinas on Scripture. An Introduction to his Biblical Commentaries, Londres-New York, T&T Clark International, 2005.
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[68]
Pour ne citer que les ouvrages qui ont été présentés dans des livraisons précédentes de notre « Bulletin d’histoire des doctrines médiévales », voir : Martin Sabathé, La Trinité rédemptrice dans le Commentaire de l’Évangile de saint Jean par Thomas d’Aquin, Paris, Vrin (coll. « Bibliothèque thomiste » 62), 2011 (avec G. Berceville, « Exégèse biblique », Rev. Sc. ph. th. 98 [2014], p. 790-792) ; Paweł Klimczak, Christus Magister : le Christ Maître dans les commentaires évangéliques de saint Thomas d’Aquin, Academic Press, Fribourg, 2013 (avec G. Berceville, « Exégèse biblique », Rev. Sc. ph. th. 99 [2015], p. 719-723). On mentionnera aussi l’entreprise de traduction intégrale du commentaire de Thomas d’Aquin au corpus paulinien, par Jean-Éric Stroobant de Saint-Eloy. Une présentation d’ensemble de ce projet est disponible ici : www.thomasdaquin-bible.eu/.
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[69]
Piotr Roszak, Jörgen Vijgen (éd.), Reading Sacred Scriptures with Thomas Aquinas. Hermeneutical Tools, Theological Questions and New Perspectives, Turnhout, Brepols (coll. « Fédération internationale des Instituts d’Études médiévales. Textes et études du Moyen Âge » 80) 2015 ; 16,5 x 24, xvi + 601 p., 65 €. ISBN : 978-2-503-56227-8. Sommaire : « Table of Contents », p. v-vi. — P. Roszak, J. Vijgen (éd.), « Towards a ‘Biblical Thomism’ : Introduction », vii-xvi. — Part 1. Hermeneutical Tools : 1. Marco Passarotti, « What You Can Do with Linguistically Annotated Data. From the Index Thomisticus to the Index Thomisticus Treebank », 3 -44 . — 2. Gilbert Dahan, « Thomas Aquinas : Exegesis and Hermeneutics », 45-70. — 3. Elisabeth Reinhardt, « Thomas Aquinas as Interpreter of Scripture in the Light of his Inauguration Lectures », 71-90. — 4. Jeremy Holmes, « Participation and the Meaning of Scripture », 91-113. — 5. P. Roszak, « The Place and Function of Biblical Citations in Thomas Aquinas’s Exegesis », 115-139. — 6. Mauricio R. Narváez, « Intention, probabiles rationes and Truth : The Exegetical Practice in Thomas Aquinas. The Case of Expositio super Iob ad litteram », 141-169. — 7. Margherita Maria Rossi, « Mind-space. Towards an “Environ-mental Method” in the Exegesis of the Middle Ages », 171-198. — 8. Olivier-Thomas Venard, « Metaphor in Aquinas : Between Necessitas and Delectatio », 199-228. — 9. Timothy F. Bellamah, « The Interpretation of a Contemplative. Thomas’ Commentary Super Iohannem », 229-255. — 10. Leo Elders, « The Presence of the Church Fathers in Aquinas’ Commentaries on the Gospel of Matthew and the Gospel of John », 257-285. — 11. J. Vijgen, « Aristotle in Aquinas’s Biblical Commentaries », 287-346. — Part 2. Theological Questions and New Perspectives : 12. Matthew Levering, « Supplementing Pinckaers : the Old Testament in Aquinas’s Ethics », 349-373. — 13. Enrique Martínez, « The Elevation of Human Knowledge According to the Biblical Commentaries of St. Thomas Aquinas », 375-413. — 14. Robert J. Woźniak, « An Emerging Theology Between Scripture and Metaphysics : Bonaventure, Aquinas and the Scriptural Foundation of Medieval Theology », 415-434. — 15. Mirosław Mróz, « Virtue Epistemology and Aquinas’s Biblical Commentary to the Corpus Paulinum », 435-456. — 16. Lluís Clavell, « Philosophy and Sacred Text : A Mutual Hermeneutical Help. The Case of Exodus 3, 14 », 457-480. — 17. Matthew J. Ramage, « In the Beginning : reading Genesis with Thomas Aquinas & Benedict XVI », 481-505. — 18. Daniel A. Keating, « Exegesis and Christology in Thomas Aquinas », 507-530. — 19. Christopher T. Baglow, « The Principle(s) of Ecclesial Nature. The Church in the Ephesians Commentary of St. Thomas Aquinas », 531-554. — « Bibliography », 555-590. — « Indices », 591-601.
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[70]
Au cours du volume, on parle à plusieurs reprises de Thomas « bachelier biblique ». On prendra cette formule avec prudence, étant donné qu’on ne peut pas être sûr que Thomas ait jamais eu ce titre. Voir J.-P. Torrell, Initiation, op. cit., p. 54, 84 ; Olga Weijers, Terminologie des universités au xiiie siècle, Roma, Edizioni dell’Ateneo (coll. « Lessico intellettuale europeo » 39), 1987, p. 175-176, 329-331.
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[71]
Sur cet aspect voir Matthew Levering, Paul in the Summa Theologiae, Washington (D. C.), Catholic University of America Press, 2014 ; Wilhelmus G. B. M. Valkenberg, Words of the Living God. Place and Function of Holy Scripture in the Theology of Saint Thomas Aquinas, Leuven, Peeters (coll. « Thomas Institute Utrecht » 6), 2000.
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[72]
L’argument, très convaincant, de G. D. se fonde sur un bon nombre de passages de l’Aquinate. Parmi d’autres ouvrages, il cite aussi le commentaire aux Lamentationes, dont l’attribution à Thomas est pourtant incertaine. Voir dans ce même volume, p. 237, n. 28.
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[73]
Ce livre est en partie issu d’une conférence sur l’exégèse biblique de Thomas et sa pertinence aujourd’hui, qui a eu lieu en Pologne, à la faculté de théologie de l’université Nicolaus Copernicus de Torún, en avril 2015. On trouvera plus d’informations sur le projet « Biblical Thomism » dont cette publication constitue un intéressant résultat à l’adresse suivante : http://biblicalthomism.umk.pl.
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[74]
Alain Rauwel, Rites et société dans l’Occident médiéval, Paris, Picard (coll. « Les médiévistes français… et d’ailleurs » 13), 2016 ; 16 x 24, 152 p., 30 €. ISBN : 978-2-7084-1013-8.
Éditions de textes
1 Ps.-Denys l’Aréopagite. — Trois éditeurs ont mis la main à cette édition de la traduction latine de la Hiérarchie céleste du pseudo-Denys par Robert Grosseteste [2], Declan A. Lawell [D. L.] achevant ici une entreprise marquée d’abord par la publication des dix premiers chapitres par James Stanley McQuade en 1961. James McEvoy se chargea des cinq suivants, et de la préparation de l’édition scientifique de l’œuvre entière, que sa mort interrompit en 2010. Il ne fut pas possible d’établir le stemma des manuscrits retenus d’après les notes laissées par son prédécesseur. Le dommage, assure-t-on, n’est pas si considérable, au vu de la remarquable qualité du principal manuscrit noté T ( Dublin, Trinity College 163 ), qui comprend les deux Hiérarchie, avec prologue, scholies, epigrammata, sommaires des quinze chapitres, marginalia, commentaires de Grosseteste. De fait, la présente édition se confond avec celle de ce manuscrit, l’apparat critique indiquant les points où les autres présentent des leçons différentes, par simple acquis de conscience en quelque sorte. On remarque cependant qu’au moins le manuscrit C ( Cesena, Bibl. Malatestiana Pl. XII dest. i ) est donné pour contemporain de T. On aurait aimé quelques hypothèses touchant leur parenté éventuelle. Les éditeurs ont eu soin de vérifier le texte sur un témoin important : le manuscrit Oxford, Bodleian Library Canon Gr 97 (Gr), qui présente le texte grec d’où Grosseteste a tiré sa version latine. Il est vrai par ailleurs que T se signale par un système propre pour les termes grecs que Grossesteste, selon sa manière, a préféré translittérer plutôt que de tenter de leur donner un équivalent latin (d’où « H » majuscule pour le êta, donnant au texte un aspect curieux). D. L. estime que ce système s’est abâtardi chez les copistes du reste de la tradition manuscrite. Il y voit un argument en faveur de l’autorité de T, outre les soins évidents dont il a bénéficié dans son exécution. Les interventions de D. L. se limitent volontairement à l’insertion de capitales, à la numération des lignes et des sections, à une ponctuation plus syntaxique que les « breathing and sparse ponctuation marks » qui caractérisent à ses yeux les manuscrits médiévaux. Le souci de fidélité à T, selon son « canonical status », va jusqu’à reproduire les variations que présente, au cours du texte, la graphie d’un même phonème.
2 J. Ch. N.
3 Ptolémée. — L’importance des écrits de Claude Ptolémée pour la philosophie et la science latines médiévales est notoire. Il faut donc saluer la parution de l’édition critique [3], par les soins de Gudrun Vuillemin-Diem et Carlos Steel, de la traduction gréco-latine, faite par Guillaume de Moerbeke, du Tetrabiblos (ou Apotelesmatica). Plusieurs traductions latines de cet ouvrage ont été réalisées au Moyen Âge, l’arabo-latine achevée en 1138 par Platon de Tivoli (Plato Tiburtinus) étant celle qui a connu la diffusion la plus importante. La traduction gréco-latine de Guillaume de Moerbeke n’est aujourd’hui conservée que par deux manuscrits, signe évident d’une diffusion modeste. Il s’agit des manuscrits suivants : Oxford, Bodleian Library Digby 179 (première moitié du xive siècle), et Venezia, Bibl. naz. Marc. lat. XIV, 242 (= 4295) (fin du xve siècle). Seul le manuscrit d’Oxford est complet, celui de Venise s’interrompant au chapitre 9 du deuxième livre. Les fautes de copie communes aux deux manuscrits montrent qu’ils dérivent d’un modèle commun, modèle qui n’est pas l’original ; ils sont par contre réciproquement indépendants. La qualité du texte transmis par le manuscrit de Venise est supérieure à celle du texte transmis par le manuscrit d’Oxford (p. 7-8).
4 Avec des arguments solides (p. 9-37), les éditeurs démontrent que Guillaume de Moerbeke est l’auteur de cette traduction ; dans les manuscrits qui la conservent, la traduction est en effet anonyme. Les éditeurs établissent l’attribution au savant dominicain par des arguments internes (analyse de la technique de traduction et comparaison avec d’autres traductions du même Guillaume) et externes : parmi ces derniers, l’argument le plus fort est tiré du fait que Henry Bate utilise la traduction gréco-latine ; or les deux savants étaient en contact et une partie de leurs échanges concernait justement des questions astronomiques. Notons que, dans cette traduction, le texte porte le titre de « Iudicialia » [4].
5 Il convient de revenir sur le témoignage offert par Thomas d’Aquin. Sur la base d’une citation littérale des Iudicialia que Thomas insère dans sa Sententia libri De caelo, les éditeurs concluent : si Thomas connaissait une traduction si peu diffusée, ça ne pouvait être que grâce à un échange direct avec le traducteur, Guillaume de Moerbeke (p. 10). À ce propos, il est à mon sens opportun d’élargir quelque peu l’analyse.
6 Il est incontestable qu’à l’époque où il commentait le De caelo (en 1272-1273, à Naples), Thomas d’Aquin a eu entre les mains la traduction du Tetrabiblos faite par Guillaume de Moerbeke. Il la cite ainsi :
Et inde est etiam quod, secundum Ptolomaeum in Quadripartito, quod ea quae sunt Saturni attribuuntur ad universalia loca temporum ; ea autem quae sunt Iovis, ad loca annualium temporum ; ea vero quae sunt Solis et Martis et Veneris et Mercurii, ad loca mensium ; transitus vero Lunae ad loca diurna (Sent. lib. De caelo II, 18, éd. Léon., t. 3, p. 194b).
8 Si Thomas utilise, sans doute par habitude, le titre de la traduction arabo-latine, Quadripartitum, c’est bien la traduction de son confrère Guillaume qui est ici citée (p. 9-10 : analyse de la citation ; p. 301, 643-302, 651 : texte cité par Thomas).
9 Mais voici une autre citation de Ptolémée :
Dicitur autem luna dichotoma, secundum quosdam, quando est plena, quia tunc mensem dividit in duo media : dichotomos enim dicitur a divisione in duo. Sed hoc repugnat ei quod infra dicetur, quod lunam vidimus dichotomam existentem, subintrantem autem Martem, et occultantem secundum nigrum ipsius, exeuntem autem secundum clarum et lucidum ; ex quo patet quod dichotoma dicitur luna quando superficies eius quae est versus nos in duas partes dividitur, ita quod media pars eius est obscura, media clara. Et sic etiam accipitur hoc nomen in libro Syntheseos Ptolomaei, translato de Graeco (Sent. lib. De caelo II, 16, éd. Léon., t. 3, p. 183a).
11 La question discutée est de savoir ce que signifie le terme διχοτόμος, qu’Aristote applique à la lune (De caelo II, 291b 21), dicho-tomia dans la traduction de Guillaume du De caelo. Thomas reprend ici Simplicius : à l’explication erronée, remontant à Aratos, d’après laquelle διχοτόμος signifierait la pleine-lune, puisque la pleine-lune divise le mois en deux parties (διὰ τὸ διχῇ τέμνειν τὸν μῆνα), Simplicius oppose celle, correcte, qui prend διχοτόμος au sens de demi-lune [5]. À l’appui de cette explication du terme διχοτόμος, Thomas invoque le témoignage d’une traduction gréco-latine de Ptolémée, où διχοτόμος signifie toujours la demi-lune. Ce qui doit retenir notre attention est le fait que Thomas se réfère ici au Liber Syntheseos (c’est-à-dire à la Μαθηματικὴ σύνταξις, ou Almageste) ; or « Syntheseos » imprimé par la « vieille » édition Léonine ne reflète pas les leçons des manuscrits : ceux-ci semblent se diviser principalement entre Sinthaseo et Sinchaseos [6]. Plus précisément, Thomas se réfère à l’Almageste dans la traduction anonyme gréco-latine faite en Sicile vers le milieu du xiie siècle [7]. Ici, le terme διχοτόμος est traduit par dichotomia, par exemple au début du cinquième livre : κατ’ ἀμφοτέρας τὰς διχοτόμους (éd. Heiberg [8], p. 351, 5), « secundum utrasque dichotomias » (Vat. lat. 2056, f. 41r, 5 ab imo ; Palat. lat. 1371, f. 77v, 25-26). Or ici, Thomas néglige manifestement la traduction du Tetrabiblos faite par son confrère Guillaume : ce dernier avait, lui aussi, utilisé dichotomia pour rendre διχοτόμος (voir Ptolemy’s Tetrabiblos, Index graeco-latinus, p. 323 et 399).
12 Les deux seuls faits sûrs sont alors les suivants : Thomas cite un passage du Tetrabiblos dans la traduction de Guillaume ; il aurait pu invoquer son autorité au moins une autre fois (à propos du sens de διχοτόμος), mais il ne l’a pas fait. Sur la base de ces faits, est-on en droit d’affirmer : « If Thomas also used this extremely rare translation of the Iudicialia, then he must have likewise known it through the translator himself, William of Moerbeke » (p. 10), et d’ajouter que « This is a new important argument in support of the claim that Thomas had a “privileged relation” with the translator and received from him copies of new translations » (ibid., note 1) ? Pas tout à fait : tout ce que la documentation dont nous disposons autorise à affirmer, c’est que Thomas a pu consulter un passage du Tetrabiblos dans la traduction gréco-latine et qu’il ne semble pas avoir réservé à cette traduction une si grande attention [9].
13 Les éditeurs viennent ensuite à la comparaison des Iudicialia avec les autres traductions connues de Guillaume de Moerbeke. Ici, l’analyse minutieuse des caractéristiques des Iudicialia (vocabulaire, syntaxe, etc.) appuie sérieusement l’hypothèse de l’attribution au savant dominicain (p. 13-24). La traduction des Iudicialia serait tout de même moins « littérale » que d’autres traductions de Guillaume (p. 24-26). En ce qui concerne la datation, les éditeurs pensent que celle-ci serait à fixer entre 1266 et 1269 (p. 26-27). Des pages intéressantes sont consacrées à la traduction des termes astrologiques, médicaux, ainsi que des hapax et des mots rares, dont le texte de Ptolémée est particulièrement riche. Enfin, les éditeurs précisent que, selon toute probabilité, Guillaume ne s’est pas inspiré, dans sa tâche de traducteur, de la version arabo-latine de Platon de Tivoli.
14 Le troisième chapitre de l’introduction étudie la réception des Iudicialia chez Henry Bate de Malines et, plus tard, chez Agostino Nifo. Les éditeurs répertorient les citations du Tetrabiblos présentes dans trois ouvrages d’Henry (Liber serui Dei, De mundo uel celo, Speculum diuinorum), ainsi que les lieux où la citation d’Henry peut être comparée avec le texte des deux témoins de la traduction gréco-latine. Le cas de Nifo est différent : celui-ci a commenté le livre I des Apotelesmatica (à partir du chapitre 4) et il a lui-même traduit les lemmes commentés du texte grec. Sur la base d’une comparaison entre les deux traductions, les éditeurs concluent que Nifo se serait inspiré du travail de Guillaume de Moerbeke.
15 Le quatrième chapitre est consacré à la comparaison de la traduction latine avec la tradition grecque du texte. Par une analyse minutieuse, les éditeurs parviennent à situer précisément le modèle grec utilisé par Guillaume dans la tradition du texte : ce modèle dépend de l’hyparchétype ψ, dont il est une copie de qualité excellente. Le cinquième chapitre montre la contribution de l’étude de la traduction de Guillaume à celui de la tradition grecque.
16 I. C.
17 Raoul le Breton. — Gordon A. Wilson [G. W.] publie l’édition critique du commentaire des Analytiques premiers écrit par Raoul le Breton [10], maître à la faculté des arts, puis à la faculté de théologie de Paris entre la fin du xiiie siècle et le début du xive. Cette édition constitue une pièce extrêmement importante pour notre connaissance de la logique de Raoul, mais aussi pour notre connaissance de sa méthode de travail [11].
18 Le texte est transmis par sept témoins plus ou moins complets (voir p. xvii-xxxi : les descriptions fournissent les données matérielles essentielles des manuscrits, les contenus, ainsi qu’une bibliographie).
19 B : Bruxelles, Bibl. Royale 3540-47 (2910), xve siècle, témoin complet ;
20 C : København, Kongelige Bibl. Fragm. 1063, début du xive siècle, fragment contenant uniquement les questions 1-3 et 18-20 du premier livre ;
21 L : Leipzig, Universitätsbibl. lat. 1363, xive siècle, témoin incomplet, qui s’interrompt au milieu de la q. 72 du premier livre ;
22 O : Osimo, Bibl. del Collegio Campana 39, xive-xve siècle, témoin incomplet du premier livre, attestant une version différente du texte ;
23 P : Paris, BnF lat. 14705, début du xive siècle, témoin complet, mais omet le prologue et atteste, lui aussi, une rédaction différente ; la copie du commentaire de Raoul aux Anal. pr. est datée précisément à l’année 1312 ;
24 S : Salamanca, Bibl. Univ. 2350, témoin complet ;
25 V : Venezia, Bibl. naz. Marciana lat. VI, 150 (X.39), xive siècle, témoin complet, mais omet le prologue.
26 Ces sept manuscrits transmettent en réalité une pluralité de rédactions (p. xxxvi-xl) : la rédaction de BLSV (redactio communis), auxquels s’ajoute le fragment C ; la rédaction du manuscrit P (redactio parisiensis) ; enfin, celle du manuscrit O. La redactio communis est formée par un prologue et quatre-vingt-dix-huit questions (soixante-quinze sur le premier livre, vingt-trois sur le deuxième livre). Ajoutons que le manuscrit V semble transmettre un état du texte légèrement moins complet que celui transmis par BLS. Chacune de ces rédactions a ses caractéristiques propres. Nous allons présenter ici les conclusions de G. W. La redactio parisiensis (manuscrit P) présente les caractéristiques que voici :
27 – Le prologue y est omis.
28 – P ajoute, entre les q. 9 et 10 du premier livre de la redactio communis, une question supplémentaire (utrum syllogismus expositorius sit bonus) [12], qui fait en réalité double emploie avec la q. 30 de la redactio communis, sur le même thème [13].
29 – La redactio parisiensis remplace la q. 10 de la redactio communis (utrum universalis negativa de inesse convertatur simpliciter) par une question différente, portant sur le même sujet [14].
30 – P ajoute, à la fin du texte, une question supplémentaire (utrum syllogismus simpliciter habeat probare suam conclusionem) [15], mais une note du manuscrit P indique que cette question doit être placée après la q. 8 du premier livre.
31 – Enfin, la redactio parisiensis présente, au cours des questions qu’elle partage avec la redactio communis, trois brefs ajouts : un supplément d’arguments et réponses au cours de la q. 12 du premier livre ; toujours au premier livre, une réponse alternative au premier argument de la q. 29 ; enfin, au deuxième livre, q. 12, la réponse à un argument omis par les témoins de la redactio communis.
32 Par une analyse rigoureuse, G. W. conclut que la redactio parisiensis est probablement postérieure à la redactio communis, que son auteur est le même Raoul, et qu’elle est, en grande partie, une réélaboration de la redactio communis. Les caractéristiques de la rédaction du manuscrit O sont par contre les suivantes :
33 – Au premier livre, O insère des questions supplémentaires : une question entre les q. 3 et 4 de la redactio communis (utrum propositio syllogistica sit genus ad propositionem dialecticam et demonstra-tivam) [16] ; une question faisant suite à la q. 66 de la redactio communis (utrum in secunda figura contingat syllogizare ex obliquis) [17] ; à la fin du premier livre, il ajoute une question extraite des questions de Simon de Faversham (ca. 1260-1306) sur les Analytiques premiers (I, q. 79 : utrum in propositionibus praedicatum possit vere reduplicari supra se ipsum), ainsi que les titres de deux dernières questions (utrum duae contradictoriae simul possint esse verae ; utrum ad negativam de praedicato finito sequatur de praedicato infinito) [18], questions qui ne sont cependant pas traitées : la rédaction O précise, en effet, que la première peut être discutée dans les Topiques ou dans le Peryermeneias ; la seconde peut, elle aussi, être discutée dans le Peryermeneias.
34 – Au premier livre, O omet les q. 67-72 et 75.
35 – Au cours des q. 1 et 2 du premier livre, O présente deux brefs ajouts analogues à ceux qu’on trouve ailleurs dans la redactio parisiensis.
36 – Enfin, au deuxième livre, O se détache définitivement tant de la redactio communis que de la parisiensis ; il transmet 16 questions en tout : 13 extraites de Simon de Faversham (rédaction O, II, q. 1-3, 5, 7-13, 15-16 = Simon, II, q. 1-4, 6-14), plus trois questions anonymes (rédaction O, II, q. 4, 6 et 14).
37 Rappelons que le colophon du manuscrit O, raturé dans un second temps, attribue à Raoul l’ensemble des questions. Cependant, à juste titre, G. W. émet des doutes à propos du fait que les questions anonymes contenues dans O soient l’œuvre du maître breton (p. xl) : la « contamination » du commentaire de Raoul avec celui de Simon de Faversham doit sûrement décourager une telle hypothèse.
38 Après avoir ainsi décrit la structure des trois différentes rédactions, G. W. passe à l’étude des rapports entre les manuscrits (p. xl-li). Tout d’abord, il reprend la question des différences rédactionnelles de P par rapport aux témoins de la redactio communis. En premier lieu, il analyse trois passages qui montrent bien la nature des variantes rédactionnelles de P (p. xli-xliv) ; ensuite (p. xliv-xlv), il analyse trois cas dans lesquels P présente des ajouts par rapport à la redactio communis. À ce propos, je tenterai d’approfondir quelque peu l’analyse de G. W. en examinant, un par un, ces trois cas.
39 La q. 12 du deuxième livre (utrum syllogismus ad impossibile sit bonus) est ainsi structurée : quatre arguments quod sic (1.1-1.4) ; un argument in oppositum (2) ; la solution ; enfin, la réponse aux arguments. La redactio communis répond aux arguments 1.1-1.3, passe ensuite à la réponse à l’argument in oppositum (2), omettant ainsi la réponse à l’argument 1.4. La redactio parisiensis, au contraire, inclut une réponse à l’argument 1.4 (p. 511, 117-121). Dans l’édition de G. W. cette réponse fait suite à la réponse à l’argument in oppositum (2, p. 511, 111-116), mais si l’on se reporte à P, on constate qu’il présente, dans le bon ordre, d’abord la réponse aux arguments 1.1-1.4, puis celle à l’argument in oppositum ; or il aurait été préférable de respecter l’ordre de P. Mais il faut aussi s’interroger sur l’absence de réponse à l’argument 1.4 dans la redactio communis, ce qui peut certainement dépendre directement de l’auteur : il est fréquent que, dans les quaestiones, des arguments restent sans réponse, soit par inadvertance de l’auteur, soit parce que celui-ci considère que l’argument a été plus ou moins explicitement résolu au cours de la question. Dans le cas présent, nous pouvons imaginer que Raoul a omis, dans un premier temps, la réponse à 1.4, pour l’ajouter au cours d’une révision successive du texte.
40 Pour ce qui concerne la seconde addition, il n’y a rien à ajouter à l’analyse de G. W. Dans la q. 29 du premier livre, la redactio parisiensis présente une réponse supplémentaire à l’argument 1.1, introduite par les mots « Vel potest dici quod » (p. 200, apparat). Ici également, nous pouvons penser à un complément ajouté par le même Raoul au cours d’une révision du texte.
41 Le troisième cas est, en revanche, légèrement plus délicat. La q. 12 du premier livre (p. 78-84) discute le problème utrum ista propositio sit vera : « aliquis homo est species ». En voici la structure : (A) trois arguments (1.1-1.3) prouvent que la proposition « aliquis homo est species » est valide ; (B) l’argument in oppositum (2) prouve qu’elle est fausse ; (C) la solution prouve également que la proposition est fausse ; (D) enfin, les réponses aux arguments 1.1-1.3.
42 La redactio parisiensis ajoute, à la fin de la section A, un quatrième argument prouvant que la proposition « aliquis homo est species » est valide : « Item, probatur quod haec sit falsa […] “aliquis homo est species” » (p. 79, apparat). À la fin de la question (section D), la redactio parisiensis ajoute la réponse à cet argument supplémentaire : « Ad aliam quae probat quod sua contradictoria [...] et ideo variatur medium, ideo etc. » (p. 84, apparat). Mais ce n’est pas tout : toujours dans P, cet argument est précédé par la réponse à un autre argument : « Ad aliam, cum dicitur : “illa propositio est vera cuius contradictoria est falsa” […] secundum intentionem Philosophi II Priorum » (ibid., apparat). G. W. note correctement, en apparat, qu’il faut référer cette réponse à l’argument 1.3 ; elle constitue donc une réponse alternative à la réponse à l’argument 1.3 de la redactio communis (réponse qui se trouve aussi dans P). On peut cependant ajouter que la réponse alternative n’est pas ici précédée par une formule telle que « Vel dicendum » ou « Vel potest dici », comme c’était le cas pour la q. 29 (voir ci-dessus). Le témoignage de P est ici quelque peu maladroit, puisqu’il ne fournit pas les éléments pour situer précisément cet ajout. De cet accident, retenons l’aspect important pour notre connaissance de la tradition du texte : ici encore, comme dans le premier cas analysé ci-dessus, P semble avoir accès à des matériaux assez mal organisés [19].
43 Le cadre est ultérieurement compliqué par les éléments suivants (p. xlv-xlviii). La redactio parisiensis et celle de O sont bien deux rédactions différentes. Cependant, les leçons d’O et P convergent souvent. Or ils convergent tant dans des variantes rédactionnelles (ajout de quelques mots dans la q. 9 du premier livre ; omission de quelques lignes de la q. 32 du même livre) que dans des omissions apparemment accidentelles (une homéotéleute peu significative, de 5 mots seulement, dans la q. 9 du premier livre ; une autre dans la q. 22 du premier livre, plus significative : 19 lignes !). Il aurait été peut-être préférable, pour le lecteur, d’avoir à disposition, dans la préface, une liste complète de fautes communes à O et P, ainsi que des fautes significatives communes aux autres manuscrits.
44 Grâce à son analyse de la tradition, G. W. parvient à établir un stemma qui tient compte à la fois des rapports entre les manuscrits et de l’évolution du texte.
45 Nous ne partageons pas tous les choix de l’éditeur : si, comme il est raisonnable, G. W. édite la redactio communis, dont le texte est mieux attesté, tous les ajouts de la redactio parisiensis (P) devraient se trouver en apparat ; ceci vaut aussi pour l’ajout de la réponse à l’argument 1.4 à la fin de la q. 12 du deuxième livre (voir ci-dessus) : l’absence de réponse dans la redactio communis ne semble en effet pas dépendre de causes accidentelles. La même chose vaut pour la q. 10 du premier livre, différente dans la redactio parisiensis, qui devrait se trouver en appendice.
46 Cette édition est — nous le répétons — une pièce importante pour notre connaissance de la logique et de l’activité magistrale de Raoul le Breton, et G. W. gère avec intelligence et finesse une tradition complexe et désordonnée.
47 I. C.
48 Néoplatonismes médiévaux. — Les études sur le néoplatonisme médiéval viennent de s’enrichir d’un ouvrage précieux consacré à la tradition latine médiévale du Liber de causis et de l’Elementatio theologica de Proclus [20]. Paru en 2016, par les soins de Dragos Calma [D. C.], ce recueil s’articule en deux volumes. Le premier [21], qui porte sur les années 1250-1350, s’ouvre par une contribution de D. C., qui fait aussi office d’introduction générale. D. C. y délimite le corpus exégétique concerné — quatorze commentaires inédits au Liber de causis, répertoriés en 1984 par Richard Taylor (I, p. 17, 20-21), plus une soixantaine d’autres commentaires, non seulement inédits mais jusqu’à présent inconnus [22], composés dans différents milieux intellectuels de l’Europe, entre le xiiie et le xvie siècle — et il y définit les critères, pour la plupart matériels, selon lesquels ont été retenus les textes édités dans l’ouvrage (I, p. 21-26). Tout en soulignant que ces deux volumes ont surtout le but de mettre à la disposition des chercheurs de nouveaux textes pour ranimer l’étude de quelques grandes questions et pour revenir sur certaines thèses classiques autour du néoplatonisme médiéval, D. C. indique cependant quelques pistes de recherche prometteuses. Il émet, par exemple, l’hypothèse que le néoplatonisme de Proclus et du Liber de causis fasse l’objet, dès la fin du xiiie siècle, d’une sorte de translatio studiorum de Paris à l’ensemble de l’Europe, Cologne jouant un rôle de carrefour. D. C. envisage ensuite la possibilité de considérer la tradition néoplatonicienne médiévale comme véritablement indépendante, voire parallèle, à la tradition exégétique aristotélicienne (I, p 27), ce qui ne pourra être corroboré qu’en étudiant de manière systématique non seulement les commentaires ici édités partiellement (dans un certain nombre de cas on s’est limité au prologue et au commentaire de la première proposition) ou intégralement, mais aussi le reste du corpus des commentaires.
49 Nous avons dressé, ci-dessous, une liste complète des éditions contenues dans chacun des deux volumes, avec les propositions de localisation et de datation (voir I, p. 22-23). Nous renvoyons aux introductions et aux annexes, souvent très détaillés, des différentes contributions pour toutes précisions ultérieures.
50 Dans le premier volume, qui couvre la période 1250-1350, sont édités les textes suivants :
51 a. Anonymvs Sectator philosophie, Questiones super Librum de causis (Paris, BnF lat. 12951, f. 73v), p. 48-52. – Paris (?), autour de 1277.
52 b. Ps.-Petrvs de Alvernia, Questiones super Librum de causis : Reportatio Vindobonensis (Wien, Österreichische Nationalbibl. lat. 2330, f. 107ra-109vb), p. 72-120 ; Reportatio Godefridi de Fontibus (Paris, BnF lat. 15819, f. 308rb-309ra ; lat. 15815, f. 172vb-175rb), p. 121-135. – Paris, post 1272, ante 1278.
53 c. Anonymvs, Glose super Librum de causis (Augsburg, Staats und Stadtbibl. 4° Cod. 68, f. 272va-278ra : ici 272va-273rb ; 273va-273vb), p. 148-152. – Paris (?), post 1289/91.
54 d. Anonymvs, Super Libellum de causis (Worcester, Cathedral Library Q. 90, f. 54rb-54vb), p. 176-178.
55 e. Reportationes De causis a magistro Io<hannes> [sic] de Mallingys (Worcester, Cathedral Library Q. 90, f. 57ra-64vb), p. 211-286. – Paris (?), post 1274/6, ante 1289/91.
56 f. Radvlphvs Brito (?), Questiones super Librum de causis (Firenze, Bibl. naz. Conventi soppressi E.1.252, f. 242va-249rb), p. 302-357. – Paris, années 90 du xiiie siècle.
57 g. Anonymvs Erffordensis, Questiones super Librum de causis (Erfurt, Universitätsbibl. Dep. Erf. CA 4° 316, f. 43ra-53vb), p. 403-465. – Paris, post 1289/91.
58 h. Gvillelmvs de Lievs (de Levibvs), Expositio Libri de causis (Vaticano, BAV Borgh. 352, f. 1ra-87vb : ici f. 1ra-5rb, 87v), p. 521-549. – Toulouse (?), entre 1289/91 et 1308.
59 Dans le second volume [23], qui couvre la période 1350-1500, sont édités les textes suivants :
60 a. Iohannes Krosbein, Super Librum de causis (Aberystwyth, National Library of Wales 2050B [olim Panton 85], f. 60r-67v ; Halle [Saale], Universitätsbibl. Wernigerode Za 27, f. 71v-77r ; Venezia, Bibl. naz. Marc. VI.99, f. 111va-119va ; Warszawa, Bibl. Narodowa II. 8057, f. 89r-104v ; København, Kongelige Bibl. Ny Kgl. S. 26 fol., f. 50r), p. 68-97. – Paris (?), post 1335/40, ante (?) 1400.
61 b. [Anonymvs], Sententia Procli alti philosophi (Halle [Saale], Universitätsbibl. Wernigerode Za 27, f. 90v-91v ; København, Kongelige Bibl. Ny Kgl. S. 26 fol., f. 44r-49r ; Warszawa, Bibl. Narodowa II. 8057, f. 107r-142v), p. 126-179. – Origine allemande, école albertiste, post 1335/40, ante 1432.
62 c. Henricvs de Geysmaria, Questio de quolibet (Erfurt, Universitätsbibl. Dep. Erf. CA 4° 236, f. 29r-33v ; Uppsala, Universitetsbibl. C 639, f. 111r-114r), p. 212-223. – Erfurt, 1414.
63 d. Johannes Wenck (?), Questiones super Librum de causis (Erlangen-Nürnberg, Universitätsbibl. 498, f. 1r-25r ; Mainz, Wissenschaftliche Stadtbibl. I 610, f. 2r-38r : ici 2r-5v ; Praha, Metrop. Kap. 55 [1411], f. 1ra-13va ; Praha, Národní Knihovna České Rep. I F.25, f. 284r-302v ; Tübingen, Universitätsbibl. Mc 103, f. 114v-122v ; Vodňany, Městské muzeum a galerie Vodňany G 11 R [1206], f. 34v-46v), p. 257-270 – Paris (?), ca. 1417 (?).
64 e. Anonymvs, Commentarium super Librum de causis (Wrocław, Ossolineum 734, f. 1r-30v : ici 2r-8v ; Wrocław, Bibl. Uniw. 6130, Milich., II, 78, f. 176ra-193va : ici 176ra-179va ; Krakόv, Bibl. Jagiell. 2088, f. 300r-322v : ici 300r-304v ; Praha, Metrop. Kap. O.15 [1599], f. 63r-81r : ici 63r-66v), p. 309-332. – Cracovie (?), première moitié du xve siècle.
65 Le second volume se clôt avec une contribution sur la circulation du Liber de causis entre les scholares et leurs bibliothèques privées, ainsi que sur la présence du Liber dans les collèges séculiers à Paris (II, p. 340) ; l’étude offre dans l’annexe 2 (II, p. 373-400) la description détaillée de dix manuscrits ayant tous appartenus au Collège de Sorbonne et provenant parfois de legs de maîtres importants : Paris, BnF lat. 15449, 16082, 16083, 16084, 16088, 16102, 16103, 16122, 16607, 16635.
66 Un index des manuscrits et un index des noms terminent l’ouvrage (II, p. 403-417). Une bibliographie générale aurait été utile et, en plus, elle aurait contribué à situer l’ouvrage lui-même par rapport aux publications antérieures, en mettant ultérieurement en valeur son apport spécifique à la recherche.
67 A. O.
68 Durand de Saint-Pourçain. — On peut dire que Joseph Koch (1885-1967) a redécouvert le dominicain Durandus de Sancto Porciano (1270/75-1334) dans les années 20 du siècle passé [24]. Dans son étude pionnière, entreprise d’abord pour mieux connaître les débats autour de la réception de la pensée de Thomas d’Aquin au Moyen Âge, l’érudit allemand n’a pas seulement élaboré une chronologie de la carrière scientifique de Durand, mais il a encore établi l’hypothèse de la triple rédaction du Commentaire des Sentences. Selon Koch, la première rédaction aurait été entreprise pour son enseignement parisien en 1307-1308. Suite aux critiques, en particulier d’Hervé de Nédellec, il aurait élaboré une seconde rédaction pour les livres II-IV, vers 1311, dans laquelle il aurait modéré sa critique de Thomas d’Aquin ou supprimé des parties pouvant donner lieu à des controverses. Devenu évêque en 1317, Durand aurait entrepris une troisième rédaction dans laquelle il serait revenu à certaines des critiques anti-thomistes.
69 Lorsque l’équipe du Thomas-Institut de Cologne, sous la direction d’Andreas Speer, s’est engagée, il y a quelques années, à éditer le commentaire des Sentences de Durand [25], seule la troisième rédaction de ce texte était publiée, notamment l’édition de Venise [26]. L’objectif principal devait donc consister à éditer les deux premières rédactions que Koch avait appelé A et B [27]. Le travail d’édition a commencé avec l’étude du deuxième livre. L’analyse de la totalité des témoins manuscrits, entreprise par Fiorella Retucci [F. R.], à qui nous devons tout d’abord l’édition des cinq premières distinctions du deuxième livre [28], permet d’affiner et de compléter les hypothèses de Koch à propos des différentes rédactions. Le texte dans sa première rédaction est conservé de manière complète dans deux manuscrits et de manière fragmentaire dans trois (voir p. 15*-26*, 95*-102*). En ce qui concerne la rédaction B, on dispose de sept témoins (p. 26*-44*). L’analyse minutieuse de l’ensemble des témoins de la deuxième rédaction amène F. R. à des conclusions qui de plusieurs points de vue sont marquantes : le modèle d’une triple rédaction proposé par Koch ne suffit pas pour rendre compte de la complexité du processus de rédaction tel qu’il se présente dans la tradition manuscrite. Il faut admettre, à l’intérieur des différentes rédactions différentes phases (p. 74*). Il convient donc de distinguer, pour la partie du commentaire étudiée, une rédaction B1, B2 et B3 ; et dans certains cas, il faut même admettre une quatrième phase. Cette découverte vaut également pour les deux autres portions du deuxième livre qui ont été publiées respectivement par F. R. en collaboration avec Massimo Perrone [M. P.] [29] et par M. P. seul [30]. Andreas Speer a résumé de la manière suivante les conclusions de ces découvertes significatives : « Therefore, we have to speak of [...] an open tradition of various versions by the author instead of copies by one or more copyists taken from a single autograph [31]. »
70 Dans les trois volumes qui contiennent le commentaire du deuxième livre les textes des versions A et B sont imprimées face à face. Toutefois il faut préciser que Durand a supprimé dans la deuxième version beaucoup de passages de telle sorte que seul le texte de la version A existe. Selon Koch, et les éditeurs colonais partagent cette option, il a éliminé tous les passages pouvant paraître suspects en comparaison avec les positions de Thomas. À titre d’exemple, on peut noter que Durand pour le deuxième livre a supprimé pas moins de vingt-quatre questions entières qui auraient pu être contestables d’un point de vue thomiste (voir à ce propos la comparaison des questions des trois rédactions du deuxième livre par F. R., vol. 10.2.1, p. 61*-66*).
71 L’examen de la transmission du quatrième livre du commentaire de Durand révèle une autre situation. Guy Guldentops, qui édite en collaboration avec Gianfranco Pellegrino les sept premières distinctions de cette partie [32], arrive à la conclusion qu’il faut admettre deux modèles (ω1 et ω2) pour les neuf manuscrits (p. 12*-13*), mais qu’on ne peut pas distinguer plusieurs étapes à l’intérieur de la seconde rédaction B.
72 Quant à la dernière partie du quatrième livre (distinctions 43-50), section publiée par Thomas Jeschke [T. J.], on peut conclure qu’il n’existe pas de deuxième rédaction [33]. En effet, pour cette partie, dit T. J., « nous sommes en présence d’une version du Commentaire de Durand qui n’a pas été retravaillée » (p. 95* ; voir aussi p. 34*, 59*). On peut constater que si Durand a cessé d’élaborer une deuxième rédaction à partir de la distinction 25 du quatrième livre, il semble cependant qu’un rédacteur, probablement un socius, ait introduit des corrections (cf. p. 34*-54*, à propos l’inauthenticité de ces interventions). On peut dès lors se demander ce que cette absence d’une deuxième rédaction signifie. T. J., en apportant des précisions concernant la chronologie, propose la solution suivante (p. 54*) : nous pouvons admettre que la première rédaction du commentaire était achevée en 1308. Les critiques d’Hervé de Nédellec et surtout les affirmations du chapitre général de Saragosse (1309) ont amené Durand à « corriger » son texte [34]. Le terminus ante quem de la deuxième rédaction est la première liste des erreurs, qui est de 1314 [35]. Puisque Durand est promu à la maîtrise en 1312 et devient magister sacri palatii en 1313, on peut supposer que Durand a élaboré la deuxième rédaction dans les années 1310-1312.
73 Ce n’est pas le lieu ici de discuter en détail la constitution du texte, qui est établi avec rigueur et repose sur un stemma codicum propre à chacun des cinq volumes dont nous rendons compte [36]. En revanche, il convient d’insister sur l’importance et la portée de cette édition d’un des commentaires des Sentences à la fois les plus significatifs et les plus importants des deux premières décennies du xive siècle. Ce commentaire avec ses trois rédactions est un témoin exceptionnel de la vie intellectuelle du début du xive siècle. D’abord parce qu’il témoigne du débat autour de l’héritage thomasien dans l’ordre des frères prêcheurs. L’édition des deux rédactions permet à présent d’étudier de manière beaucoup plus précise et minutieuse l’enjeu à la fois historique et intellectuel de ce débat. Ensuite, il ne faut pas sous-estimer l’importance à la fois philosophique et doctrinale de l’œuvre de celui qu’on a appelé le doctor modernus.
74 Du point de vue de l’interprétation et de l’évaluation doctrinale des textes nouvellement édités, tout reste à faire. En effet, et cela est sans doute justifié, les introductions parfois très étendues sont concentrées sur les questions qui concernent la transmission et l’édition du texte. Cependant, les actes du colloque qui avait eu lieu en 2012 et qui sont publiés dans la même collection que les éditions portent précisément sur des questions d’interprétation et comblent en partie ce besoin [37]. Stephen Brown aborde la question du caractère scientifique de la théologie, Jean-Luc Solère traite de la causalité sine qua non, Peter Hartman aborde le problème de la causalité de l’acte de connaître et G. Guldentops s’occupe de la connaissance divine du mal.
75 Même un examen superficiel de ces volumes permet de se rendre compte de l’intérêt philosophique et théologique des textes édités. Je pense en particulier aux distinctions 24-25 du deuxième livre, où le problème du libre arbitre est traité, ou aux implications anthropologiques des thèmes eschatologiques abordés à la fin du quatrième livre. Cette édition nous fait comprendre d’abord que le commentaire de Durand doit être lu comme a work in progress. Le labeur des éditeurs manifeste que le travail scientifique nécessite un continuel dépassement des résultats acquis. Ces deux constatations trouvent leur explication dans la finitude et la faillibilité du savoir humain. Une constatation que Durand formule de manière prégnante à propos du Pape Grégoire : « nescio cur non possit dici quod Gregorius, cum fuerit homo et non Deus, potuerit errare [38]. »
76 R. I.
77 Duns Scot et le genre littéraire des Collationes. — Guido Alliney [G. A.] et Marina Fedeli [M. F.] (avec l’aide partielle d’autres collaborateurs, à savoir Alessandro Pertosa, Jacopo Francesco Falà et Emanuele Sorichetti) viennent de publier, dans la collection « Corpus Philosophorum Medii Aevi » de l’Unione Accademica Nazionale, l’édition critique des Collationes Oxonienses attribuées à Jean Duns Scot [39]. Il s’agit d’un travail tout à fait admirable, qui permet de remettre en question la manière traditionnelle de lire et d’interpréter ce texte.
78 Jusqu’à présent, en effet, les Collationes ont été lues principalement dans l’édition Wadding de 1639, qui à son tour a repris le texte des premières éditions imprimées du xvie siècle (l’editio princeps était probablement celle réalisée en 1510 par Antonio de Fantis). Cependant, l’édition Wadding, en plus d’être incomplète, bouleverse l’ordre des questions par rapport à la tradition manuscrite : Wadding a en effet utilisé un critère thématique qui néglige même la distinction primitive entre deux séries de questions déjà présente dans la tradition manuscrite, vraisemblablement sur la base du lieu d’origine : Collationes Oxonienses (vingt-six questions) et Collationes Parisienses (dix-neuf questions). Mais surtout, la nature des Collationes n’avait jamais été vraiment examinée et clarifiée, à très peu d’exceptions près. Dans une contribution de 1931, Franz Pelster s’était interrogé sur le titre et la typologie de ces recueils de questions, concluant qu’il s’agissait d’une série de débats entre étudiants, modérés par Scot comme bachelier, qui avaient lieu dans les écoles franciscaines d’Oxford et de Paris [40]. Cependant, la détermination du genre et la façon même selon laquelle il faut entendre le terme collatio continuent à être discutées. Collatio est en effet un terme polysémique dans le vocabulaire scolastique : il indique une sorte de prédication (c’est l’usage que l’on trouve chez Bonaventure, quelque chose d’intermédiaire entre un sermon et une conférence), mais c’est aussi un exercice didactique, parallèle aux leçons principales, par lequel les étudiants ont l’occasion de reprendre et d’approfondir le sujet des cours. P. Glorieux avait suggéré que les Collationes de Scot soient placées dans la première typologie [41] ; les études de J. Hamesse et O. Weijers ont progressivement déplacé l’attention sur le second type [42]. Leurs contributions ont été rejointes par celles de S. Lusignan, B. Roest et M. M. Mulchahey [43], qui considèrent la collatio comme une activité extra-scolaire et complémentaire, et pourtant courante dans les écoles des ordres religieux, qui se développa à travers l’opposition des arguments (in opponendo et respondendo). Il faut évidemment comprendre, à partir de l’édition par G. A. et M. F., comment cette description peut s’appliquer au cas des questions transmises sous le nom de Scot.
79 Avant de revenir sur ce point, il faut rappeler la tradition textuelle et les principes sur lesquels repose la nouvelle édition critique. Les manuscrits qui transmettent les collations sont au nombre de sept. Quatre sont à Oxford : Magdalen College 194 (sigle : A) ; Merton College 65 (D) et 90 (E) ; Balliol College 209 (F) ; un à Londres : British Library add. 7696 (C) ; un à Cambridge : Peterhouse Library 241 (B) ; et un à Assise : Bibl. com. 172 (G) . Ce dernier, cependant, ne contient que les dix premières questions et la douzième, et dans un ordre différent de celui des manuscrits anglais. Le stemma proposé par les éditeurs comprend trois familles : α, à laquelle appartiennent les manuscrits A, B et C ; β, à laquelle appartiennent les manuscrits D, E et F (D et F partagent par ailleurs le même copiste du xve siècle, Johannes Reynbold) ; et γ, attestée par le seul manuscrit G (p. xli-xlii).
80 Pour leur édition, G. A. et M. F. ont privilégié la famille β, qui contient plus de soixante-dix questions qui ne figurent pas dans les manuscrits de la famille α, en plus d’être généralement plus correcte et moins concernée par des passages problématiques (p. clxiv-clxvii). Au sein de la famille β, le manuscrit F a été privilégié parce qu’il est plus complet. L’édition prend également en compte la famille α, et en particulier les manuscrits A et C, pour leur hauteur chronologique mais aussi pour la version souvent différente du texte : leur utilisation sert à corriger les erreurs matérielles du manuscrit F et à combler les lacunes, principalement dues aux homéotéleutes. Le manuscrit G reporte une version trop différente de celle des deux autres familles pour l’inclure dans l’apparat : elle a été publiée séparément, pour les onze questions transmises, en pied de page.
81 La question cruciale que l’édition critique permet de remettre en cause est celle concernant l’authenticité ou la paternité de ce recueil : les Collationes peuvent-elles être considérées comme une œuvre de Scot ? Or, l’attribution traditionnelle à Scot a été fondée et repose sur plusieurs éléments : la présence d’au moins une autocitation explicite dans l’Ordinatio (il s’agit en fait d’une adnotatio manu Scoti, selon les éditeurs vaticans, puis effacée) [44] ; l’indication présente dans certains manuscrits ; les citations de certains contemporains tels qu’Alnwick, Jacques d’Ascoli, qui se réfère aux Collationes dans sa Tabula Scoti, et peut-être Henri de Harclay. Beaucoup d’interprètes influents de Scot n’ont pas hésité à se référer aux Collationes comme à une œuvre authentique de Scot : c’est le cas d’É. Gilson, W. Hoeres, M. B. Bonansea, et plus récemment aussi de J.-F. Courtine, D. Demange — qui juge la collatio qui est la dix-septième, dans la numérotation de la nouvelle édition, comme un « texte remarquable » dans lequel Duns Scot semble se rapprocher de la doctrine de l’aliquitas d’Henri de Gand [45] — et O. Boulnois qui a publié en français la quatrième collatio (la vingt-quatrième dans la numérotation de Balić utilisée par Boulnois) en la présentant comme le débat peut-être le plus explicite de Scot à propos de l’analogie et de l’univocité de l’être. Des contributions plus critiques et dubitatives sont venues de G. A. lui-même [46], dans les travaux précédant l’édition, M. Henninger [47], S. Dumont (qui était peut-être le premier à réaliser la présence massive de Richard Conington dans la section centrale des Collationes Oxonienses) [48] et R. Cross, qui renversant le jugement de Demange, considère Conington lui-même, et non Duns Scot, comme l’auteur de la dix-septième collation. Cross en outre tient comme improbable que Scot ait pris part au débat avec Conington (comme Dumont l’avait supposé pour la quatorzième collation) en raison de la superficialité déconcertante des arguments que l’adversaire avait réussi à opposer à Conington dans cette circonstance [49]. La question de l’authenticité est donc indissociable de celle de la nature et de la structure des Collationes, sur laquelle il faut revenir maintenant.
82 Comment se composent donc les Collationes ? Le résultat principal de la nouvelle édition est de montrer que les Collationes ne sont pas un texte homogène, mais une collection de quatre groupes de textes différents, composés essentiellement de listes d’arguments opposés, sans solutio ni determinatio. Selon les éditeurs, un premier groupe (q. 1-11) reporte des discussions sur des thèmes métaphysiques et théologiques, et dans ce cas l’un des participants pourrait être raisonnablement identifié avec Duns Scot ; de façon significative ce groupe coïncide (à l’exception de la dernière question) avec celui transmis isolément par le manuscrit d’Assise. Un deuxième groupe (q. 12-17) contient des discussions encore de nature métaphysique et théologique, mais autour d’une thèse ou d’une opinion bien connue ; c’est Richard Conington qui semble, dans ce cas, mener le débat. Le troisième groupe (q. 18-23) présente une typologie encore différente : un seul « animateur », maître ou bachelier, discute d’un thème à partir de l’exposition des opinions des autres et développe ensuite la sienne. Ce groupe a également une forte unité thématique parce qu’il se concentre sur la psychologie des actes volontaires. Le modérateur ne peut pas être Scot, parce qu’il montre une hostilité marquée envers les positions scotistes, mais Conington non plus, parce qu’il semble se distancier de ce dernier. Le quatrième et dernier groupe (q. 24-26) n’a pas de traits homogènes, si ce n’est qu’ils se réfèrent toujours, du point de vue du contenu, au thème de la volonté. Ainsi, le seul vrai trait unitaire de cette collection est l’origine commune dans les activités de l’école franciscaine d’Oxford, probablement entre 1300 et 1301 — peut-être au printemps de 1301 —, lorsque Duns Scot et Conington étaient tous deux dans la ville britannique. Dumont avait proposé une datation plus tardive, vers 1305. L’attribution traditionnelle de l’ensemble de la collection à Scot, déjà attestée depuis la deuxième décennie du xive siècle, serait due, selon les éditeurs, à l’extension de la première série d’exercices, effectivement modérés par Scot, et pour cette raison nommés Collationes Oxonienses Doctoris Subtilis. Il est cependant significatif que, dans la reconstruction de G. A. et M. F., plus de la moitié des Collationes semble être attribuée à des franciscains qui sont substantiellement hostiles aux positions de Scot.
83 Enfin, quel usage peut-on faire des Collationes ? Cette dernière question devrait peut-être être subdivisée en deux sous-questions : quel usage les contemporains pouvaient-ils en faire, c’est-à-dire : pourquoi employer du temps et du parchemin pour réaliser un recueil de discussions sans solutio et plutôt confuses ? et quel usage nous médiévistes pouvons-nous en faire aujourd’hui ? En ce qui concerne le premier point, les éditeurs ont été peut-être — mais aussi sagement — un peu trop prudents et, pour ne pas s’écarter de ce que l’on sait du genre des collationes après les études de Hamesse, Weijers et Lusignan, ils n’ont pas osé résoudre jusqu’au bout le paradoxe que cette collection, telle qu’elle a été composée et éditée, semble présenter : s’il ne s’agit que d’exercices d’étudiants, pourquoi en attribuer une partie à Scot, une à Conington et une autre encore à une troisième figure ? J’incline plutôt à croire que les Collationes ont eu une origine réelle, « vivante », dans les activités extracurriculaires des étudiants du couvent franciscain d’Oxford, mais qu’elles furent écrites non pas à des fins documentaires ou parce qu’elles étaient attribuables à un certain bachelier franciscain, mais pour constituer un véritable recueil d’arguments. Et en effet collatio signifie quand même en latin principalement un recueil ou une collection basée sur la confrontation (contrairement à collectio, qui semble indiquer une collection comme pure accumulation). Les Collationes constitueraient donc un ensemble d’arguments opposés l’un à l’autre — un « argumentaire », pourrait-on dire — dont les bacheliers eux-mêmes ou les maîtres pourraient se servir dans leurs disputes effectives ou dans la rédaction de leurs œuvres. C’est dans ce sens qu’il faudrait peut-être interpréter l’annotation effacée par Scot dans son Ordinatio : comme une indication à son socius ou secrétaire où chercher, sous une forme plus développée, un argument auquel le bachelier avait fait référence dans son propre texte sous une forme abrégée. Une confirmation dans ce sens semble venir d’un passage de Petrus Thomae qui, dans la q. 14 de son De ente (ms. Napoli, Bibl. naz. VIII F 17, f. 148v), écrit : « [...] et ideo illa et plura alia quae ibi collative dicit Scotus cavere debet relator opinionum ipsius [50]. » Cette mise en garde de Petrus Thomae nous permet de passer à l’autre sous-question : quelle utilisation pouvons-nous faire maintenant des Collationes ? Sans aucun doute, elles ne peuvent pas être utilisées pour confirmer ou infirmer une thèse de Scot exposée dans ses ouvrages authentiques, pour la simple raison que nous ne savons pas quels arguments ont été effectivement proposés, dans les Collationes, par Scot lui-même, par ses étudiants ou par ses adversaires. Et en l’absence de solutions, il n’est même pas possible de déterminer la valeur de certains arguments. Donc, pour mettre les choses au point, je ne pense pas qu’il soit légitime de se référer aux Collationes pour trouver la confirmation d’une doctrine typiquement scotiste, que ce soit l’univocité de l’être ou la liberté de la volonté. Pourtant, en mettant de côté la question de l’authenticité au sens strict, les Collationes représentent pour nous un accès privilégié et inhabituel, presque extraordinaire, au laboratoire de la formation de la pensée franciscaine anglaise au début du xive siècle, montrant non seulement la genèse d’une série d’arguments utilisés ensuite par différents auteurs sur des thèmes différents, mais aussi et surtout documentant un conflit, au sein de la même école franciscaine anglaise, entre un courant fortement influencé par Henri de Gand et une nouvelle tendance alternative, incarnée selon toute vraisemblance par Jean Duns Scot et ses premiers étudiants. Il faut donc être très reconnaissant à G. A. et M. F. de nous avoir donné la possibilité de lire ce texte dans une édition critique absolument fiable, et il serait souhaitable qu’ils poursuivent avec l’édition des Collationes Parisienses.
84 P. P.
Études historiques, philosophiques et théologiques.
85 Épistémologie et prophétie. — Anna Rodolfi [A. R.], qui enseigne l’histoire de la philosophie médiévale à l’Université de Florence, nous offre une synthèse utile sur les débats relatifs « au statut épistémologique de la prophétie au xiiie siècle [51] ». L’exergue et le titre de son étude sont empruntés à l’oxymore de l’article 12 de la douzième question du De Veritate de Thomas d’Aquin : « la prophétie est une connaissance enveloppée d’ombre (cognitio obumbrata) et mêlée d’obscurité, selon ce qu’en dit la deuxième de Pierre (1, 19) : vous disposez de la parole plus solide des prophètes, qu’à juste titre vous scrutez comme une lampe qui brille dans un lieu ténébreux ». On notera qu’A. R. se réfère étrangement à l’édition Marietti de 1964, avec une erreur de pagination (p. 3). On lira le texte de l’édition léonine, de 1972, t. 22.2, p. 407, 211-216.
86 A. R. fournit dans un premier chapitre l’inventaire des données traditionnelles sur lesquelles reposait la réflexion des maîtres de la jeune université. Retenons d’abord, après celles formulées par Isidore de Séville et Grégoire le Grand, la définition de Cassiodore (p. 17) : « la prophétie est une inspiration divine, qui notifie par la vérité immuable et au moyen de ce que certaines personnes font ou de ce qu’elles disent, ce qui va arriver » (Expositio Psalmorum 1, 7 : « Prophetia est aspiratio divina, quae eventus rerum aut per facta aut per dicta quorundam immobili veritate pronuntiat » ; la traduction est la nôtre), définition devenue commune sous une forme abrégée et retouchée transmise dans le commentaire des Psaumes du Lombard (p. 23) : « la prophétie est donc une inspiration ou révélation divine notifiant par la vérité immuable ce qui va arriver » (In Ps., préface : « Est igitur prophetia inspiratio vel revelatio divina rerum eventus immobili veritate denuncians » ; la traduction est la nôtre). Quatre références majeures encadrent la réflexion des maîtres du xiiie siècle sur la connaissance prophétique ainsi définie : la théorie aristotélicienne de la connaissance par abstraction ; la théorie augustinienne des trois formes de visions, sensible, spirituelle et intellectuelle, servant à l’examen de l’extase de Paul sur le chemin de Damas, dans De Genesi ad litteram, XII, 6 ; la Bible elle-même, où l’on doit relever que les images accompagnent toujours la prophétie ; la philosophie musulmane (Alfarabi et Avicenne, qui font de la prophétie le plus haut degré de la connaissance rationnelle) et juive (Maïmonide, Guide des égarés, II, 32-48, qui situe la prophétie entre la pure raison des philosophes et la pure faculté imaginative des législateurs et des devins).
87 Sans lieu d’attache dans les Sentences, les traités De prophetia seront développés au xiiie siècle dans les genres littéraires autonomes que sont les questions disputées ou les sommes. Une première génération de maîtres, enseignant de 1220 à 1240 environ, parmi lesquels sont nommés Guillaume d’Auxerre, Alexandre de Halès, Philippe le Chancelier, Hugues de Saint-Cher, l’anonyme de la Summa Duacensis et Guillaume d’Auvergne, ouvre le débat en s’efforçant de préciser le statut ontologique (acte ou habitus ?) et l’assise psychologique (faculté imaginative, intellect, participation de la volonté et des sens externes) de l’activité prophétique, et de coordonner l’intervention divine à la nature humaine, en s’interrogeant notamment sur la possibilité d’une prophétie naturelle, autrement dit sur l’extension possible du savoir humain aux futurs contingents.
88 Héritant de ces premiers discernements, Albert le Grand a consacré une question disputée à la prophétie, éditée par Jean-Pierre Torrell (Rev. Sc. ph. th. 65 [1981], p. 5-53, 197-232). La question étant située par celui-ci entre 1245 et 1248, Thomas d’Aquin aurait pu en être un auditeur. Albert, sous l’influence d’Aristote, donne plus de place aux images dans le « mécanisme » de la connaissance prophétique. Les images sont nécessaires à la réception du message céleste par le prophète, et ne servent pas seulement selon lui, au contraire de ce qu’enseignaient Hugues de Saint-Cher ou Philippe le Chancelier, à communiquer le message à autrui. Alors qu’antérieurement, l’expérience prophétique était conçue sur le mode de l’extase (raptus), dans le De prophetia d’Albert, seul le contenu de la vision dépasse la nature du sujet qui la reçoit. Dans ses commentaires bibliques, les Postilles sur Isaïe (antérieure à 1245) et les Postilles sur Jérémie, Albert recourait dans la présentation de la prophétie à un modèle platonicien et émanatiste : la lumière divine élève l’intellect humain. Cette lumière divine était alors identifiée par Albert au « miroir d’éternité » (speculum aeternitatis) introduit trente ans plus tôt dans la réflexion des maîtres par Geoffroy de Poitiers. Dans son De somno et vigilia, composé après 1257, Albert envisage d’un point de vue strictement philosophique la question du songe prémonitoire.
89 Thomas emboîte le pas à son maître Albert lorsqu’en s’appuyant sur Aristote, il s’efforce d’inscrire l’activité prophétique dans les structures et les processus naturels du psychisme humain. Il traite de la prophétie dans les premières années de son enseignement, dans le commentaire d’Isaïe et dans le De Veritate, puis revient aux problèmes qu’elle soulève à la fin du second enseignement parisien, dans la Secunda secundae. Thomas refuse à la prophétie le statut d’habitus (contre Guillaume d’Auxerre et Philippe le Chancelier, et avec Hugues de Saint-Cher, même si la répétition des expériences prophétiques développe selon lui une certaine aptitude à accueillir et transmettre le message divin). Il la range en revanche dans la catégorie de la passio (p. 135), entendue au sens large « pour toute espèce de réception », pro qualibet receptione (comme celle de la lumière dans l’air). Tout en accordant une certaine pertinence à l’idée de prophétie naturelle (il y a une connaissance possible des événements futurs à partir de leur cause du fait de la subtilité de l’âme et de l’influence des corps célestes), et s’il veut mettre en lumière la consistance et la centralité du sujet humain impliqué dans le prophétisme, et non sa passivité, contrairement par exemple à son prédécesseur Alexandre de Halès, Thomas souligne que le don de la prophétie, au sens propre du terme, est une prérogative divine.
90 L’Aquinate développe la perspective la plus large possible : la prophétie s’appuie sur une vision extérieure, ou purement intérieure ; les idées inspirées aux prophètes résultent de la création par Dieu d’images, ou du simple ordonnancement d’images préalablement mémorisées. Dans tous les cas, l’intellect doit comme d’ordinaire se tourner vers la faculté imaginative pour en abstraire l’idée : le processus de formation de l’idée n’est pas pensé comme un miracle ou une vision de l’essence divine, plus ou moins atténuée par rapport à celles des bienheureux. L’élément le plus important est dans tous les cas l’acte du jugement porté sur les species à l’aide du lumen divinum (jugement dont sont privés Pharaon ou Balthasar, qui doivent recourir à l’expertise de Joseph et de Daniel). Il me semble que, ici comme ailleurs chez Thomas, le contact est étroit entre la spéculation du théologien et la « page sacrée », dont le maître respecte la complexité, dont il rend compte sans exclusivisme, sans restreindre sa vision à partir d’une théorie a priori de la prophétie.
91 À l’époque où Thomas traite de manière innovante de la prophétie dans la Somme, Nicolas du Pressoir (Quaestiones de prophetia de 1273-1274) reproduit attentivement les positions diverses des maîtres qui l’ont précédé dans le traitement du sujet. En commentant les Sentences, Richard de Mediavilla et Bonaventure se montrent surtout soucieux de situer la connaissance prophétique par rapport à la connaissance de foi. Dès les années 1280, Albert et Thomas sont devenus des références incontournables du débat, même pour ceux qui ne partagent pas leur inspiration. Vincent de Beauvais offre un abrégé de leur enseignement dans son Speculum naturale. Le cardinal franciscain Jean Vitale du Four (Quodl. I, q. 5, vers 1296) défend une perspective illuministe. Pierre de Jean Olieu, dans sa Postille sur Isaïe, relève du même « augustinisme », en se distinguant par la place qu’il accorde à la volonté dans l’expérience prophétique : la certitude du prophète lui vient de son adhésion inébranlable à Dieu et à sa révélation. Nicolas de Lyre, maître en théologie à Paris en 1309, traite de la prophétie dans sa réflexion sur l’inspiration des auteurs sacrés et la nature de la théologie (question Utrum per sacram Scripturam possit efficaciter probari finalis salus Salomonis) : celle-ci est science subalternée à celle de Dieu et des bienheureux (science propter quid), découlant de l’expérience de la Révélation chez les prophètes (science quia) et de la foi en leur prédication chez les autres fidèles (p. 186-190, avec la n. 430).
92 A. R. donne enfin quelques aperçus de la postérité de la réflexion sur la prophétie menée par les maîtres du xiiie siècle : au siècle suivant, la prophétie donne lieu à des approfondissements de type plus étroitement philosophiques. Cependant la doctrine plus enracinée dans la Bible des maîtres du xiiie siècle se transmet, elle soutient la vigueur de la prédication de Savonarole, et elle est encore bien assimilée dans sa complexité au xviie siècle par François Suarez (Disputationes metaphysicae, VIII).
93 A. R. conclut en évoquant les interprétations rationalistes de la prophétie effectuées par Pietro Pomponazzi au xvie siècle, puis par Spinoza dans son traité théologico-politique, au xviie. « La tentative promue par Albert et Thomas lorsque le débat du xiiie siècle eut atteint sa maturité : rationaliser les faits prophétiques en harmonie avec le modèle gnoséologique aristotélicien, en tenant que l’inspiration surnaturelle ne suspend pas nécessairement les mécanismes mentaux ordinaires du prophète, donne lieu à l’époque moderne à un développement paradoxal : la complète humanisation du prophète, de son imagination et de ses actes » (p. 212).
94 L’aristotélisme chrétien du Moyen Âge aurait ainsi préparé le terrain sur lequel devait fleurir le rationalisme moderne. L’idée n’est pas neuve, mais elle trouve ici une illustration intéressante. Outre telle ou telle option philosophique, c’est aussi l’écart toujours plus grand à partir du xive siècle entre la lecture de l’Écriture et des Pères et la spéculation théologique qui développa l’extrincésime dénoncé par Henri de Lubac dans ses études sur le surnaturel, et favorisa le renversement de situation entre une théologie faisant de la philosophie sa servante, et une philosophie exploitant les données d’une théologie coupée de ses sources.
95 G. B.
96 Introductions à Thomas d’Aquin. — Une nouvelle édition « profondément remaniée et enrichie d’une bibliographie mise à jour » de l’Initiation à saint Thomas d’Aquin. Sa personne et son œuvre de Jean-Pierre Torrell [J. P. T.] est parue aux Éditions du Cerf en 2015 [52]. Il s’agit de la troisième édition de cet ouvrage fondamental, qui d’un côté « conserve l’intégralité du contenu du premier livre », remontant à 1993, tout en s’en distinguant « cependant sur nombre de points notables », et de l’autre « reprend tous les apports de la deuxième édition », de 2002, « qui, par souci d’économie éditoriale, avaient été repoussés en finale du livre » (p. 15) avec un système de renvois plutôt malcommode pour le lecteur [53]. Le projet étant, il y a presque vingt-cinq ans, « de prendre un nouveau départ et mettre à profit les recherches érudites les plus récentes », afin d’offrir aux lecteurs quelques repères pour « lire les œuvres de Thomas dans leur vrai contexte et découvrir quelque chose de son visage » (p. 13) — de l’homme ainsi que « de son existence mouvementée » (p. 14) —, J. P. T. y revient, convaincu de la nécessité de repenser et éventuellement rectifier certaines de ses (hypo)thèses à la lumière des apports plus récents de la recherche historique. Il réussit ainsi dans la très louable entreprise de mettre à disposition de la communauté scientifique « un instrument de travail aussi parfaitement à jour que possible » (p. 16). De ces pages profiteront tout d’abord les lecteurs francophones, spécialistes ou débutants, auxquels J. P. T. s’adresse prioritairement, dans le but de combler une lacune dans la littérature de langue française (p. 10). Mais pas seulement. Comme c’était déjà le cas des éditions précédentes, ce volume est destiné à devenir un point de repère pour toute personne intéressée à un approfondissement historico-critique de la biographie de Thomas et de sa production, et à découvrir la physionomie de l’Aquinate dans une perspective holistique, pour ainsi dire. En effet, J. P. T. souhaite montrer, « comme Tocco peut-être, si l’on veut, mais avec un recul qu’il n’avait pas [...], que non seulement le saint est inséparable du philosophe ou du théologien, mais qu’il s’accompagne aussi d’un “maître spirituel” », son œuvre témoignant d’une « réflexion croyante dans la foi », d’un véritable « chemin de sainteté » (p. 14).
97 J. P. T. remanie la précédente édition de l’Initiation à différents niveaux. S’il s’agit souvent de modifications plutôt formelles, sans conséquence sur son interprétation d’ensemble, dans un nombre important de cas, on se trouve face à des interventions qui, ponctuelles ou plus étendues, entraînent des changements dans ses options de fond. Sans prétention à l’exhaustivité, c’est sur quelques remaniements majeurs qu’on croit utile d’attirer ici l’attention.
98 Un premier changement de perspective concerne la chronologie des débuts de la vie de Thomas. Si précédemment, tout en signalant l’impossibilité d’exclure définitivement une datation plus basse (1226 ou même 1227), J. P. T. penchait pour une datation haute de la naissance de l’Aquinate (1224/1225), dans cette nouvelle version de l’Initiation, où il consacre plus d’attention aux sources, il opte, dès le titre du chapitre, pour une datation basse — 1226 environ : « faute de pouvoir dissiper l’incertitude de nos documents, il est impossible de préciser davantage » (p. 20) — à la suite de Simon Tugwell et surtout d’Adriano Oliva. Ce n’est que la première d’une série de révisions auxquelles J. P. T. dit avoir été amené par les apports de ce dernier auteur, notamment dans son livre sur les débuts de l’enseignement de Thomas d’Aquin [54], paru en 2006, « qui marque une date charnière dans notre connaissance de la vie et de l’œuvre de saint Thomas » (p. 19, n. 1). On peut s’en rendre aisément compte en observant l’articulation et la distribution de la matière des chapitres 2 à 5 de la nouvelle édition de l’Initiation. En effet, les anciens chapitres 2 et 3, portant respectivement sur Thomas disciple d’Albert et sur les premières années d’enseignement à Paris, sont profondément repensés au vu des précisions apportées par les études codicologiques et philologiques d’A. Oliva. Deux thèses majeures de ce dernier guident la révision du texte de la part de J. P. T. Première thèse, concernant la formation du jeune Thomas : ce n’est qu’une fois installé à Cologne, et non avant, à Paris, que Thomas a suivi le cours d’Albert le Grand sur Denys et a collaboré à sa rédaction. Deuxième thèse, concernant la lecture cursive de la Bible de la part de l’Aquinate : ce n’est qu’une fois retourné à Paris après Cologne, que Thomas a donné des cours sur les livres d’Isaïe et de Jérémie, avant d’entreprendre la lecture en classe des Sentences (p. 45-46). Encore consacré au « disciple d’Albert le Grand », le nouveau chapitre 2 témoigne déjà d’une importante reconsidération de la chronologie — délimitée, dès le titre, plus prudemment qu’auparavant (1245/6-1251/2) — et de la géographie (entre Paris et Cologne) de cette phase de la vie de l’Aquinate. Quant au chapitre suivant, il porte spécifiquement sur le commentaire du livre d’Isaïe, que J. P. T. accepte de situer intégralement à Paris, soit au cours de l’année académique 1251-1252, soit de l’année d’après (p. 53). Tout en précisant que le titre officiel de « bachelier biblique » n’est pas applicable à Thomas lecteur cursif de la Bible — là encore une modification par rapport aux éditions précédentes —, J. P. T. souligne que l’Aquinate devient ainsi « un des tout premiers témoins de l’enseignement cursif de la Bible par un religieux » (p. 54 ; cf. aussi p. 84) comme préparatoire à la lecture en classe des Sentences du Lombard. C’est sur cette nouvelle tâche que porte le quatrième chapitre de la nouvelle Initiation, consacré à Thomas bachelier sententiaire. Ici encore J. P. T. raffine la datation de l’ouvrage en se ralliant « au calendrier proposé par A. Oliva au terme d’une recherche dont les données nous paraissent incontestables » (p. 65-66) : après avoir lu de manière cursive la Bible pendant un an, à Paris, l’Aquinate commente les Sentences en deux cents leçons environ, pendant deux ans, soit de 1252 à 1254, soit de 1253 à 1255. S’il souligne, avec A. Oliva, qu’après 1254/5 Thomas continue à travailler à la rédaction définitive de son Scriptum, notamment pour achever le commentaire au quatrième livre, J. P. T. ne manque pas de préciser que « Thomas a mené de pair l’enseignement oral et la rédaction », comme prouve la circulation du commentaire au premier livre avant l’enseignement des distinctions du troisième livre portant sur la foi (p. 66). Sur l’interprétation du prologue (p. 69-70), J. P. T. se rallie encore une fois à A. Oliva. Il en va de même pour la datation de l’Alia lectura fratris Thome dont il traite dans ce chapitre, bien qu’elle remonte plutôt au premier enseignement italien (et non nécessairement à celui donné à Rome : p. 76). Les différentes phases du débat autour de la nature, pour ainsi dire, de l’Alia lectura et notamment du témoignage qu’en livre le manuscrit Oxford, Lincoln College lat. 95, sont reconstruites par J. P. T. avec précision, afin « d’avertir le lecteur que de nouveaux éléments doivent être pris en compte » (p. 75), suite à la publication, en 2006, des annotations conservées dans ledit manuscrit, censées venir, selon John F. Boyle, de la supposée relecture romaine de Thomas [55]. S’il ne se rallie pas explicitement à A. Oliva, J. P. T. semble en prendre très sérieusement les arguments, jusqu’à reconnaître le rôle de Raynald de Piperno dans la rédaction des notes marginales du manuscrit d’Oxford — ce qui affaiblit énormément l’hypothèse d’inauthenticité de l’ouvrage en question —, et notamment à conjecturer « l’intervention d’un rédacteur intermédiaire » entre l’Alia lectura et les notes d’Oxford (p. 76-77).
99 Si dans le texte principal de la section de ce chapitre consacrée aux opuscules De ente et essentia et De principiis naturae J. P. T. se borne à intégrer en note certaines précisions chronologiques les concernant, déjà signalées en marge à l’édition du 2002 – selon René Antoine Gauthier, les deux opuscules remonteraient aux années 1252-1253 (p. 78-79, n. 45 et 50) –, dans le catalogue des œuvres à la fin du volume il semble finalement pencher à son tour vers une réduction de la fourchette de datation précédemment indiquée (1252-1256). S’il se contente de s’appuyer sur Gauthier pour le De ente, pour le De principiis il s’en détache, proposant d’en faire remonter la rédaction aux « années où [Thomas] fut bachelier sententiaire, probablement en 1253 ou 1254, car il devrait être contemporain du Super II Sententiarum » (p. 466). Quant à l’inspiration philosophique de cet opuscule, J. P. T. semble peu enclin à nuancer la thèse léonine selon laquelle la source principale en serait le commentaire d’Averroès à la Métaphysique d’Aristote (p. 79, n. 50 et 52), plutôt que la Physique d’Avicenne.
100 Dans le chapitre consacré au maître in sacra pagina c’est surtout la section portant sur la prédication qui présente des révisions importantes par rapport aux éditions précédentes, suite à la parution, en 2014, de l’édition critique des Sermones de l’Aquinate, par les soins de Louis Jacques Bataillon (p. 104-110, spécialement p. 107).
101 Quant au séjour à Orvieto et aux années romaines de Thomas, il faut remarquer deux déplacements importants de sections. Comme déjà annoncé en marge à l’édition de 2002, à la suite de R. A. Gauthier J. P. T. situe désormais la rédaction du commentaire au De divinis nominibus du pseudo-Denys non plus à Orvieto, mais à Rome, après mars 1266, le terminus post quem étant la « mise à disposition de Thomas du texte des Catégories d’Aristote selon la nouvelle traduction de Guillaume de Moerbeke qui est, elle, précisément datée » (p. 216). Cette modification entraîne un nuancement de certains aspects contextuels. Si J. P. T. continue à tenir pour improbable « que ce texte ait fait l’objet d’un enseignement » (ibid.), c’est à cause du programme déjà très chargé de l’Aquinate dans cette période, plutôt que du niveau de l’auditoire. De plus, s’il reste de l’avis que la décision d’approfondir ce texte ne soit guère stupéfiant de la part de Thomas, étant donné l’intérêt que le pseudo-Aréopagite suscite pour lui depuis les années de Cologne au service de maître Albert, J. P. T. met bien opportunément ce choix en parallèle avec celui d’entreprendre la rédaction des commentaires à une bonne partie du corpus aristotélicien.
102 La rédaction du Compendium theologiae est, au contraire, anticipée par rapport aux éditions précédentes, J. P. T. ayant changé d’avis à ce sujet, suite à son travail sur le texte concerné en vue de la traduction française parue en 2007. Si en 2002 l’idée de situer la rédaction du De fide « peu après le Contra Gentiles », dans les années 1265-1267, lui avait semblé plus probable (2e éd., p. 239), dans cette nouvelle version de l’Initiation il juge par contre plus probable que le De fide ait fait l’objet d’une rédaction parallèle au Contra Gentiles, « dans les années 1261-1265 », comme le prouve « la très grande proximité » doctrinale et textuelle de ces deux textes (p. 165).
103 Les chapitres portant sur le deuxième enseignement parisien de Thomas ne présentent pas de modifications majeures. On y trouve toutefois un certain nombre d’interventions ponctuelles, visant à resituer les conclusions proposées par rapport à la littérature plus récente. C’est le cas par exemple des pages consacrées à l’averroïsme latin, où J. P. T. continue à se greffer sur les thèses historiographiques de R. A. Gauthier, tout en signalant pourtant que « ces idées [...] ne sont plus aujourd’hui unanimement acceptées » (p. 249). Il en va de même pour la description du genre littéraire quodlibétique, que J. P. T. détaille ultérieurement, surtout quant au choix du sujet à débattre (p. 268-269). Concernant les commentaires aristotéliciens, on remarquera, à titre d’exemple, que J. P. T. nuance la datation du commentaire à la Physique — qu’il propose de situer « au plus tôt en 1269 », suivant Gauthier éditeur de la Sentencia libri de anima (p. 297 ; voir éd. Léon., t. 45/1, p. 270*a), sans trop prendre position sur la proposition plus tardive de Gauthier (p. 453) —, ainsi que la datation du commentaire des Météores — qu’il est aujourd’hui persuadé de devoir rectifier, cet ouvrage pouvant être placé « en 1273, à Naples, sans difficulté » (p. 302). Traitant de la manière de travailler en équipe, propre à Thomas, J. P. T. amende son texte, précisant qu’« [i]l ne faut toutefois pas se tromper sur la présence de plusieurs secrétaires autour de Thomas ». L’Aquinate ne dictait pas « simultanément à plusieurs personnes », mais pouvait plutôt compter sur une pluralité de collaborateurs « qui se succédaient à son service au cours de la journée » (p. 310, avec la n. 62).
104 Le chapitre portant sur l’enseignement napolitain de Thomas a par contre été profondément remanié par J. P. T., sur la base des résultats des études récentes de Gilles de Grandpré, chargé de l’édition critique du corpus paulinien, de Robert Wielockx et de Martin Morard. J. P. T. revient d’abord sur le double enseignement présumé que Thomas aurait dispensé sur le corpus paulinien : à la suite de R. Wielockx, il le remet en cause « pour insuffisance de preuves », la tradition manuscrite n’en portant pas de traces (p. 321-322, avec la n. 21). Cela présente l’avantage objectif, souligne J. P. T., de tirer les chercheurs de l’embarras de trouver une place aussi à ce supposé deuxième enseignement, dans un calendrier d’enseignement déjà plutôt surchargé. La distinction entre expositio et reportatio est elle-même remise en cause, ensuite. Concernant la date des cours sur Paul, J. P. T. revient sur l’hypothèse qu’il avait précédemment formulée — de les situer à Rome, entre 1265-1268, plutôt qu’à Orvieto —, pour émettre une nouvelle proposition : sauf les cours sur les épîtres aux Romains, première aux Corinthiens, première partie, et aux Hébreux, le reste du corpus paulinien aurait fait l’objet d’un enseignement à Orvieto (p. 324). Dans l’impossibilité de l’étayer, J. P. T. met le doigt sur la difficulté qu’elle comporte, comme toute autre solution pourtant : à Orvieto, comme d’ailleurs à Rome, à Paris ou à Naples, le problème demeure de périodes d’enseignement déjà occupées à l’extrême, dans lesquelles on a pareillement du mal à faire place à un cours de plus. Concernant le commentaire de l’épître aux Romains, J. P. T. précise enfin que les interventions rédactionnelles de Thomas attestées par les deux témoins principaux du texte sont observables même au delà du huitième chapitre, notamment jusqu’au treizième. L’idée qu’une partie du texte puisse avoir été rédigée déjà à Paris est considérée par J. P. T. peu probable, même s’il ne la rejette pas de manière catégorique (p. 325-327, 450).
105 Les pages consacrées au commentaire du Psautier sont aussi retravaillées de manière importante. Si la datation et la géographie de la rédaction (tardive) et de la première mise en circulation (napolitaine) de l’ouvrage y sont confirmées — et cela sur la base, cette fois-ci, aussi de la critique interne : de parallèles avec d’autres ouvrages et de l’utilisation du Philosophe (p. 333) —, la précision qu’il s’agirait du fruit des dernières semaines de la vie de Thomas est remise en discussion — ce qui oblige à repenser aussi les raisons de l’inachèvement de l’ouvrage. De plus, sont données de nouvelles clés de lecture du prologue, « jadis [...] jugé décevant quant à son contenu pour un lecteur non initié » (p. 335). S’il n’est pas prêt à souscrire l’interprétation qu’en donne M. Morard jusqu’à ses conséquences ultimes – selon Morard le dernier mot de l’organisation de l’exposition du donné théologique ne se trouverait pas dans le plan de la Somme —, J. P. T. trouve très appropriée la description d’ensemble que Morard donne du commentaire : « l’esquisse inachevée d’une œuvre de maturité » (ibid., avec la n. 56).
106 Initialement paru en italien [56], le « profil » historico-philosophique de Thomas d’Aquin dont Pasquale Porro [P. P.] est l’auteur vient d’être traduit en anglais par les soins de Joseph G. Trabbic et Roger W. Nutt [57]. Très belle et fort stimulante, cette introduction conjugue de manière très équilibrée une approche historique de la vie de l’Aquinate à une lecture philosophique de ses ouvrages. Tout à fait complémentaire à l’Initiation dont on vient de parler, ce volume de P. P. vient ainsi se situer de manière assez originale parmi les études globales sur Thomas et il sollicitera avec succès l’intérêt d’un ample spectre de lecteurs, des médiévistes aux philosophes de formation anglo-saxonne, tout en passant par les théologiens. Si la perspective philosophique dans laquelle P. P. considère son sujet peut dans un premier temps sembler artificielle — P. P. sent lui-même le besoin de justifier son choix dès les premières pages de son ouvrage —, on se convaincra au fur et à mesure, en suivant ses arguments, de son bien-fondé et des avantages qu’elle présente, y compris le fait d’aider à mieux comprendre la figure de Thomas comme théologien.
107 Convaincu de la nécessité d’abandonner le Thomas-centrisme qui continue à caractériser une certaine manière d’aborder l’histoire de la philosophie médiévale, mais persuadé en même temps de l’ingénuité méthodologique de ceux qui veulent la combattre en niant complétement l’importance de l’Aquinate dans le développement de la pensée à son époque comme après, P. P. propose à ses lecteurs de prendre une voie à mi-chemin entre les deux et de se laisser guider à la (re)découverte du Thomas que les textes philosophiques laissent effectivement transparaître. Le but étant de rendre compte de la complexité de la pensée de Thomas, on arrive ainsi à en établir, dans une certaine mesure, aussi une archéologie (p. 407). Les vicissitudes du thomisme et du néo-thomisme sont par contre volontairement laissées de coté.
108 Selon P. P. il y a cinq bonnes raisons pour s’engager dans une représentation de Thomas en philosophe, qui n’aurait probablement jamais accepté ce titre (p. ix), d’un côté en vertu de son rôle de maître en théologie, de l’autre au vu de sa manière de considérer la philosophia comme une expérience achevée — il parle en effet des philosophes presque toujours au passé (p. 47-48). (1) Un premier élément important vient du constat que l’Aquinate a les ouvrages des philosophes présents à l’esprit, comme témoignent les nombreuses citations qu’il en tire, dès ses premiers écrits théologiques. (2) De plus, P. P. porte l’attention sur les efforts que l’Aquinate consacre non seulement à la lecture, mais aussi à la pratique (par écrit) de l’exégèse philosophique, d’Aristote, de Boèce et du Liber de causis. Thomas y travaille sans cesse, jusqu’à sa mort. En tant qu’enseignant de théologie, à l’université et dans des studia dominicains, l’Aquinate choisit de rédiger des commentaires philosophiques à côté de ses tâches officielles, à savoir en dehors de toute obligation institutionnelle, juste en vue d’un approfondissement personnel. Une entreprise, celle-ci, qui témoigne de sa curiosité intellectuelle, notamment philosophique, quelque peu extraordinaire. (3) Et encore, la manière dont Thomas conçoit et théorise le rôle de la philosophie en théologie n’est pas sans portée selon P. P. En effet, tout au long de sa vie, l’Aquinate continue à penser que l’apport de la philosophie est substantiel dans la démonstration des preambula fidei, dans l’illustration des vérités de foi difficiles à communiquer, ainsi que dans la réfutation des arguments contraires à la foi — ce qui bien évidemment justifie l’usage d’arguments philosophiques dans le discours théologique, mais surtout manifeste les tâches que Thomas se donne en tant que théologien. (4) P. P. mentionne ensuite la manière dont l’Aquinate décrit justement son occupation professionnelle de maître en théologie, officium sapientis, tout en se greffant sur le jargon métaphysique aristotélicien, notamment sur le lexique philosophique de la sagesse. (5) P. P. attire enfin l’attention sur le rapport que les Artiens (les philosophes de son époque pour ainsi dire), collègues de l’Aquinate, entretiennent avec lui, notamment sur la considération qu’ils montrent avoir eu pour sa production philosophique — P. P. se réfère surtout à la lettre envoyée par les maîtres ès arts parisiens aux dominicains réunis en chapitre général à Lyon peu après la mort de Thomas (p. 393-394). Leur intérêt pour les doctrines thomistes est plus frappant, si l’on pense à la condamnation de 1277, par laquelle sont visées aussi certaines thèses de l’Aquinate lui-même (p. 394).
109 C’est à partir de toutes ces considérations que P. P. juge légitime d’esquisser un portrait philosophique de Thomas, sans risquer de tomber dans la caricature. L’ancrage historico-institutionnel qu’il assure, très discrètement, à cette figure, contribue significativement à la réussite du projet. Au lieu de rédiger une introduction philosophique systématique, organisée autour de certains thèmes majeurs, P. P. préfère suivre la formation de la pensée philosophique de Thomas dès ses débuts jusqu’à la maturité. Les différents ouvrages sont ainsi analysés selon l’ordre chronologique de composition. À la macrostructure chronologique — le volume comprend six grands chapitres, chacun consacré à une phase de la vie de Thomas : sa formation jusqu’au baccalauréat ; sa première régence à Paris ; la période à Orvieto ; les années romaines ; la deuxième régence à Paris ; les dernières années à Naples —, P. P. associe d’un côté une division en sections, chacune portant sur un ouvrage spécifique et, de l’autre, une microarticulation en unités thématiques. Le lecteur a ainsi la possibilité d’approcher le livre de différentes manières, en suivant le développement soit d’une période, soit d’un écrit, soit d’un sujet pris dans une œuvre spécifique ou au fil du temps. On regrette pourtant le choix des traducteurs de ne pas reproduire entièrement (p. v), comme pourtant l’avait souhaité P. P. (p. xiii), la table des matières très détaillée qui figure par contre dans la version italienne du livre, justement conçue pour montrer comment les dimensions diachronique et thématique s’entremêlent l’une à l’autre tout au long du volume.
110 Outre une relecture extensive, sinon complète, du corpus thomiste, en amont de ces pages de P. P. il y a bien évidemment un travail de discernement entre passages philosophiquement majeurs et passages moins philosophiques de l’œuvre de l’Aquinate : travail qui peut, sans surprise, s’attirer le grief d’arbitraire. Il ne sera pas inutile, par conséquent, de remarquer que P. P. se préoccupe de rendre compte à plusieurs reprises des critères de choix qu’il applique et des raisons qui l’amènent ici et là à y faire des exceptions. Si on peut penser qu’on aurait pu, à sa place, opter parfois différemment, on n’aura jamais l’impression que P. P. lise tendancieusement ou force les textes en les pliant à sa convenance [58]. Sa position est très nuancée [59]. S’il est prudemment de l’avis que « le théologien Thomas n’est pas le champion d’une conciliation irénique de théologie et philosophie », mais plutôt « un penseur qui se montre particulièrement sensible » à la ligne de démarcation entre les compétences de chacune des deux sphères concernées (p. 155), il précise aussi que cela ne l’empêche aucunement d’assigner à la raison un rôle fondamental en théologie : « les grandes sommes de Thomas [...] n’ont aucune prétention de systématiser — ou, encore pire, de résumer — qu’est-ce que Dieu, mais elles reconnaissent l’incognoscibilité ultime de l’essence divine, sans que cela autorise aucune forme de paresse ou de sacrifice de l’intellect » ; et cela en ligne avec ce que P. P. trouve plus généralement d’audace dans la Scolastique : savoir maintenir le rôle de la raison, même une fois reconnues la transcendance de Dieu ainsi que la supériorité de la voie négative sur toute autre méthode d’enquête autour de Dieu (p. 140).
111 Tout au long du volume, P. P. expose des passages choisis de l’Aquinate et les problématise, s’interrogeant surtout sur leur efficacité argumentative. Quoiqu’il se laisse guider par le texte, il ne perd jamais de vue la dimension d’ensemble, qu’il valorise à travers un système d’anticipations et de renvois en arrière, pour manifester si et comment la pensée de Thomas évolue sur certains sujets. P. P. porte par exemple l’attention sur les notions de principe d’individuation, analogie et cause de la prédestination, sur lesquelles Thomas revient à plusieurs reprises au cours de sa vie, en modifiant son avis. Concernant la notion d’essence considérée absolument, par contre, P. P. rejette toute interprétation « évolutive », Thomas n’ayant selon lui jamais soutenu une interprétation strictement ontologique de l’essence en tant que telle et n’ayant jamais effectivement identifié l’essence absolute considerata au résultat du procès abstractif à travers lequel les universaux sont obtenus. D’où son rejet de la thèse selon laquelle il y aurait une transition d’une interprétation ontologique de l’essence considérée en tant que telle à une interprétation plutôt gnoséologique (p. 91).
112 Parmi les nœuds doctrinaux majeurs de la pensée de l’Aquinate qui sont ainsi mis en relief, il y en a un sur lequel P. P. insiste spécialement, s’agissant à son avis d’un aspect capital pour comprendre philosophiquement Thomas et en saisir l’originalité, mais en même temps d’une doctrine souvent mésinterprétée par les lecteurs contemporains : la distinction entre être et essence, qui selon P. P. n’entraîne absolument pas la contingence radicale du créé, mais plutôt la détermination formelle de tout être créé, l’être divin étant par contre pur, sans forme (p. 22-23). Introduite par Thomas dès ses premiers ouvrages, notamment dans le De ente et essentia, cette distinction est retravaillée sans cesse par l’Aquinate, qui s’inspire à ce sujet non seulement d’Avicenne, mais aussi d’un certain néoplatonisme, via le Liber de causis. L’importance de ce dernier est mise en avant par P. P. dès le premier chapitre de son introduction. Si Thomas arrive à trouver un équilibre, bien difficile, entre la transcendance et la causalité de Dieu par rapport à la création, c’est à son avis surtout grâce à l’étude de cette source néoplatonicienne arabo-latine. En effet, selon P. P. « la doctrine thomiste de l’être, notamment de Dieu comme être, est [...] une réélaboration d’un thème proclusien » filtré et systématisé dans une perspective monothéiste et créationniste, grâce au pseudo-Denys et au Liber de causis (p. 202). Persuadé que le commentaire au De causis contient le dernier mot métaphysique de l’Aquinate, voire sa doctrine de l’être en son état final (p. 342) [60], P. P. y trouve dans la discussion de la neuvième proposition, « causa prima non est yliathim », la clef de voûte de cette métaphysique. La composition hylémorphique n’étant pas considérée par l’Aquinate comme ultime, c’est sur la distinction entre essence et existence qu’il fonde la différence entre Dieu et les créatures. Au-delà non seulement de la matière, mais aussi de toute forme, Dieu ne peut ni être pensé, ni représenté, ni objectivé (p. 344). Comme l’explique bien P. P., la notion-clé est ici celle de forme. Si Thomas la reprend d’Aristote, tout en en gardant sa connotation d’actualité et de perfection — ce qui lui permet de ne pas considérer le fait d’avoir une forme comme une déficience ontologique, et notamment de sauvegarder la dignité de toute créature (p. 345) —, il la transforme profondément, en admettant que comme la matière, la forme aussi est en puissance, son actualité ne comportant pas encore l’actualité qui vient de l’être. C’est ainsi que Thomas, comme le souligne P. P., peut disjoindre les notions de créature et de contingence, notamment admettre l’existence de créatures formellement nécessaires (p. 147-150), soit de créatures dont la forme est voulue par Dieu comme n’étant aucunement en puissance par rapport au non-être.
113 On n’aura pas besoin de s’attarder ultérieurement sur la subtilité avec laquelle P. P. aborde la question des sources doctrinales de l’Aquinate, cet exemple la prouvant clairement. La recherche de nuances lui semble, à ce sujet, essentielle, si l’on veut éviter toute exagération, Thomas n’étant ni un aristotélicien pur ni un néo-platonicien tout court (p. 92). Les descriptions trop catégoriques sont évitées par P. P. aussi au niveau historiographique. Par exemple, son Thomas n’est pas le « champion du réalisme » épistémologique qu’on a autrefois voulu : il s’avère plutôt un représentationaliste modéré (p. 73). Et si l’on veut « adopter une étiquette », concernant sa manière de concevoir le rapport entre intellect et volonté, on devrait dire que « Thomas est un intellectualiste très modéré » (p. 277).
114 Très attentif à la contextualisation des ouvrages dont il présente de manière sélective les contenus, P. P. reconstruit chapitre après chapitre le cadre institutionnel et culturel de référence, en combinant magistralement synthèse et clairvoyance, précision et capacité de simplification [61]. De manière très adaptée à des lecteurs philosophes, non nécessairement familiarisés avec les aspects plus strictement historiques, P. P. opte pour des esquisses dont le réalisme est frappant. Au prix de quelques amplifications, les enjeux académiques, politiques et économiques des grandes luttes entreprises par le dominicain Thomas émergent de façon claire dans leur complexité. P. P. est notamment d’avis que, à bien considérer l’ensemble des éléments, l’Aquinate est beaucoup plus concerné par les attaques des séculiers contre son ordre que par les dangers théoriques de l’averroïsme (p. 59 ; voir p. 262). Et même là où les enjeux philosophiques semblent prévaloir, le Thomas que P. P. nous présente s’engage d’une manière non unilatérale, ne visant de fait pas moins des théologiens que des philosophes. C’est bien le cas du débat autour de l’identification entre essence et facultés de l’âme (p. 257-258), mais aussi des polémiques plus acharnées contre l’unicité de l’intellect et la démonstrabilité de l’éternité du monde. Selon P. P., en effet, dans le De unitate intellectus Thomas se range bien évidemment contre les maîtres ès arts s’inspirant d’Averroès, partisan de l’unicité de l’intellect possible, mais veut aussi s’écarter de certains théologiens, qui tiennent pour plusieurs formes substantielles en l’homme (p. 377-378) : « dans la perspective de Thomas, Averroès et les franciscains — qui, selon l’historiographie contemporaine sont à opposer l’un aux autres — appartiennent en cette circonstance au même vaste horizon du “dualisme platonicien”, qui nie au composé humain une unité naturelle et essentielle. » Il ne sera pas inutile de rappeler que l’intention de l’Aquinate dans cet opuscule n’est pas de montrer que la thèse de l’unicité de l’intellect, avec ses implications dualistes, contredit la foi catholique — ce qui est évident —, mais plutôt qu’elle est une thèse inacceptable dans une perspective aristotélicienne (p. 374). Cette même attitude émerge du De aeternitate mundi, où Thomas entend montrer que, si dans une perspective croyante il est impossible de nier la création dans le temps, on ne peut pas la prouver rationnellement, car en affirmant que les choses sont créées à partir du néant, on n’implique aucunement que la création suit, vient après, le néant (p. 378). Selon P. P., les cibles de Thomas sont en ce contexte moins les maîtres ès arts — dont l’erreur est de penser que la seule thèse philosophiquement défensable soit l’éternité du monde —, que les théologiens franciscains, selon lesquels il serait possible de démontrer qu’une création éternelle est impossible.
115 Parmi les résultats les plus heureux de cette démarche de contextualisation des ouvrages il y a à notre sens l’affleurement d’un Thomas en ronde-bosse, pour ainsi dire, qui n’est guère un érudit inspiré et isolé, mais plutôt « un enseignant de profession, qui conçoit la majorité de ses écrits justement en relation avec cette fonction (même si parfois cet aspect devient secondaire) », d’autant plus qu’il fait partie d’un ordre dont l’étude et l’enseignement constituent les piliers (p. 82). Comme le souligne P. P., en marge de sa lecture de la q. 11 De veritate, on risque de mésinterpréter beaucoup d’ouvrages de l’Aquinate (et plus en général sa pratique intellectuelle), si on ne tient pas constamment compte de son « rôle social », à savoir de magister chargé de fonctions publiques, par exemple à l’université, ainsi que de la formation de l’élite intellectuelle de son ordre (ibid.) [62]. C’est donc à l’activité didactique de Thomas, prise au sens large, que P. P. cherche à ramener certains écrits de Thomas, difficiles à situer : le commentaire au De Trinitate de Boèce, par exemple. Tout en s’abstenant d’une prise de position nette — il peut s’agir d’une étude personnelle plume à la main, comme de la base d’un cours donné à Saint-Jacques ; et dans tous les cas, on pourra admettre que le texte évolue entre le début de la composition et la rédaction finale —, P. P. y voit un témoignage de la préparation personnelle que Thomas entreprend en vue de son nouveau rôle de maître, notamment de sa réflexion autour du statut épistémologique de la théologie (p. 99). En effet, le but principal de ce commentaire semble être de « faire place » à la théologie chrétienne dans l’articulation traditionnelle des sciences spéculatives.
116 Ce même sens de ses responsabilités — soit cette même préoccupation déontologique, pourrait-on dire, d’être toujours à la hauteur des tâches qui lui sont confiées — semble bien être à l’origine de la décision de l’Aquinate de se mettre à l’exégèse écrite d’une bonne portion du corpus aristotélicien, sans y être formellement tenu. Tout en partageant l’avis de R. A. Gauthier, selon qui Thomas s’engage dans un tel projet dans le but de mieux comprendre Aristote, pour pouvoir le rendre plus compréhensible même aux autres — d’où le choix de rédiger et publier ses commentaires —, P. P. en nuance certains aspects. D’un côté il est de l’avis qu’on ne peut pas appliquer à tout commentaire aristotélicien la thèse d’une lecture d’Aristote foncièrement fonctionnelle à la rédaction d’autres ouvrages théologiques. En effet, si elle s’applique bien aux commentaires au De l’âme et à l’Éthique à Nicomaque, préparatoires à l’élaboration de la Somme de théologie, elle s’avère insatisfaisante par rapport à d’autres, soit pour des raisons de chronologie, soit pour des raisons de contenus (p. 340). De l’autre côté, P. P. juge que la position de R. A. Gauthier au sujet du commentaire au De l’âme — « Saint Thomas n’a pas su distinguer dans le traité De l’âme ce qu’il contenait de science périmée et ce qu’il peut receler de philosophie éternelle : son commentaire ne nous livre encore, pour la plus grande part, que science morte » (éd. Léon., t. 45/1, p. 294*) — est non seulement trop sévère, face à un ouvrage qui demeure propédeutique, mais quelque peu anachronique et naïve (p. 261). Sa critique devient plus nette si l’on considère quel est, selon P. P., le but global de l’entreprise exégétique thomiste : « commenter Aristote ne signifie pas traiter d’un philosophe particulier, [...] mais d’un système de pensée », se confronter avec une sorte d’encyclopédie organique des connaissances scientifiques de l’époque — ce qui est parfaitement plausible dans une culture où liber et scientia sont souvent considérés comme des termes interchangeables. Un tel investissement de temps et d’énergies dans la lecture et l’interprétation du Philosophe ne manifeste alors qu’une attitude intellectuelle, encore plus que professionnelle, très précise, visant à connaître et maîtriser un système de sciences complet, le plus à jour possible (p. 340). C’est au fond la manière dont l’Aquinate conçoit le bon théologien, en tant que personne de science en général, apte à rendre cette « excursion » dans les sciences profanes non seulement possible, mais véritablement nécessaire, voire substantielle au développement de la théologie elle-même.
117 On lira avec profit ce « profil » de Thomas d’Aquin par P. P. Nous sommes en effet devant non seulement une introduction très stimulante pour des philosophes débutants désireux de connaître la figure de Thomas à partir de ses ouvrages, mais aussi devant un volume passionnant pour tout spécialiste, qui apprendra encore beaucoup sur le penseur Thomas d’Aquin, sur son originalité, sur ses dettes et sur sa cohérence.
118 M. B.
119 Les cinq voies au xviie siècle. — Vient de paraître une imposante monographie par Igor Agostini [I. A.], portant sur le débat interprétatif autour de la deuxième question de la Prima Pars dans le thomisme du xviie siècle [63]. Ce livre inaugure une nouvelle collection aux éditions Brepols, spécifiquement consacrée à Descartes et à la philosophie du xviie siècle, I. A. contribuant de manière substantielle à la reconstruction du contexte historique dans lequel s’enracine la réflexion cartésienne sur la démonstrabilité de l’existence de Dieu.
120 La théologie du xviie siècle, remarque I. A. au commencement de son impressionnante enquête, pourrait s’avouer tout entière thomiste, la Somme de théologie ayant succédé, au siècle précédent, aux Sentences de Pierre Lombard comme référence commune. Comme il est naturel, la volonté de fonder sur elle une unité doctrinale fut particulièrement affirmée par l’ordre dominicain et par ses auteurs, auxquels I. A. étend en priorité son examen. Dans les faits cependant, cette intention unitaire fut l’occasion d’un pluralisme, ouvert pour une part à des influences étrangères à saint Thomas (Scot en particulier), à la faveur des silences du texte, ou des difficultés à l’interpréter. Cette époque, encore peu connue de la théologie, s’avère passionnante, les commentateurs ayant soin de rechercher ce qui a pu présider, chez l’Aquinate, au choix de telle ou telle solution — avant que le thomisme ne se fige en quelque sorte, au siècle suivant, dans l’exposé systématique d’un ensemble de thèses.
121 I. A. s’est attaché à la q. 2 de la Prima Pars et aux débats auxquels elle a donné lieu touchant, d’une part, les cinq voies, spécialement dans l’interprétation de Cajétan (première partie) ; d’autre part, l’apparent silence de saint Thomas sur la preuve a priori de l’existence de Dieu, à quoi la philosophie cartésienne donnait alors un relief singulier.
122 Au seuil de sa première partie, I. A. rappelle que, dès Averroès, les preuves a posteriori de l’existence de Dieu trouvèrent des contradicteurs, les théologiens convenant d’ailleurs qu’on n’y saurait chercher une évidence qui n’est propre qu’aux mathématiques. Averroès observe qu’on identifierait indûment la cause première efficiente avec Dieu, car la nature de cette cause est vraisemblablement corporelle. Pierre d’Ailly, Pierre Auriol et Guillaume d’Ockam reprirent l’argument et y firent fond contre l’ensemble des cinq voies. Les critiques d’Auriol furent réfutées par Jean Capreolus dans ses Defensiones theologiae, qui devint très vite l’ouvrage de référence sur la question, Capreolus trouvant dans les dominicains Soncinas et Aquario des émules.
123 Cajétan tient pour sa part que les cinq voies ne tendaient à rien d’autre qu’à démontrer un « moteur immobile, premier efficient, nécessaire non ex alio, suprêmement étant et premier gouverneur intelligent » : « tous prédicats qui sont, de vrai, propres à Dieu. Aussi, en concluant qu’ils se trouvent dans la nature, on conclut directement, quasi per accidens, que Dieu existe, c’est-à-dire, non pas en tant que Dieu, mais en tant qu’ayant cette condition déterminée ; et par conséquent, le substrat lui-même existe, c’est-à-dire, Dieu en tant que Dieu » (p. 52-53). On a pu trouver que « l’interprète de référence de la Summa » (p. 55), pour combattre ses adversaires, leur concédait beaucoup, et sacrifiait la valeur démonstrative des cinq voies. Des oppositions surgirent du sein même du thomisme, pour accuser Cajétan, contre la lettre de son texte, de les avoir réduites à n’être des preuves qu’indirectes de l’existence de Dieu.
124 C’est le procès que lui attente Crisostomo Javelli, qui s’appuie, d’une part sur l’autorité de Capreolus, tenant les cinq voies comme suffisamment démonstratives, et, d’autre part, sur d’autres lieux dans l’œuvre de saint Thomas où est démontrée l’identité du moteur mû par rien avec Dieu comme moteur immobile. Báñez s’autorise quant à lui de Silvestre de Ferrare. Le jésuite Grégoire de Valencia tient que Cajétan confond les questions an sit et quid sit Deus : premier moteur, premier efficient, etc. étant compris sous le nom de Dieu, les cinq voies sont bien démonstratives de son existence, les questions de son unicité et de son infinité, relevant de sa quiddité.
125 Le dominicain Mazzolini avait soutenu une position proche de celle de Cajétan : pour lui, c’est l’objet de tout le traité de Dieu, non de la seule q. 2, que d’identifier à Dieu l’étant premier à quoi conclut chacune des cinq voies. Le mercédaire Zumel tient qu’aucune des voies ne prouve Dieu, mais toutes seulement prises ensemble. Pour Girolamo Perez, autre mercédaire, la preuve de l’existence de Dieu est établie par les questions suivantes.
126 Le jésuite Luis de Molina tire les conséquences de la position de Cajétan, et cherche des preuves plus démonstratives que les cinq voies. Même parti chez Vásquez, s.j., qui, à la preuve causale, impuissante à manifester l’unicité et la nature spirituelle, associe la preuve morale (trouver un fondement au mérite de la vertu) et même l’argument d’Anselme.
127 Mais Suárez accomplit un pas décisif, rendu toutefois possible par l’histoire précédemment brossée. Il engage une critique radicale de toutes les preuves a posteriori (dont le modèle cependant tend à se réduire à la démonstration d’une cause première, et presque à l’exclusion des autres voies). L’être qu’elles manifestent n’est premier que relativement au champ de notre connaissance. Elles ne concluent guère qu’à une divinité présidant à ce champ, mais non pas à Dieu, dont l’idée joint une perfection souveraine sur tous les êtres au fait d’être leur source ultime. Aussi les preuves a posteriori, sans être invalides, sont-elles indigentes sans l’appui qu’elles requièrent d’une preuve a priori de l’unicité du principe : tellement que la question an sit ne saurait être séparée du quid sit.
128 I. A. tient la position de Suárez pour originale, et non pour un développement des vues d’Henri de Gand et de Duns Scot. Henri de Gand argumente en effet a priori, en ce sens qu’il part de l’essence plutôt que de l’être ; mais de l’essence des créatures, non de Dieu, démarche qui sera propre à Suárez, celle d’Henri demeurant, sous ce rapport, a posteriori. La démonstration de Dieu chez Duns Scot s’élève elle-même à partir de ce qui peut être causé.
129 Au début du xviie siècle, les adeptes, au sein de l’ordre dominicain, de la position de Cajétan, la défendent contre l’interprétation que ses adversaires lui imposent, à savoir, qu’elle ne démontrerait qu’indirectement l’existence de Dieu. Pour Raffaele Ripa, les cinq voies ne démontrent pas Dieu comme Dieu, en sa simplicité, son éternité, etc., mais relativement à sa création, comme premier moteur, etc. ; et cela, directement et efficacement, sans que soit requis l’appui des questions suivantes, contre l’opinion de Javelli. Giovanni Domenico Montagnolo, dans la ligne de Ripa, relève en outre que an sit et quid sit ne sont pas sans lien dès la q. 2 : les cinq voies n’ont de sens que d’après une connaissance au moins confuse de certaines propriétés divines. Michele Zanardi, tout en tenant pour Cajétan, concède que c’est l’ensemble que composent les cinq voies qui leur confère toute leur efficacité. Pour Giovanni Paolo Nazario, dont I. A. tient la synthèse pour la plus élaborée, seule la première des cinq voies n’est pas directement probante, qui ne permet pas d’identifier le premier moteur avec Dieu. Toutefois leur ensemble l’est, surtout si l’on prend soin de l’insérer dans la démonstration des autres attributs, objet des questions suivantes. Nazario tient pour un lien matériel des questions an sit et quid sit, observant que Thomas ne traite de la quiddité divine que sur le fondement des attributs à quoi concluent les cinq voies. La troisième et la quatrième voie concluent même à des prédicats très intimes à la divinité, en quoi Nazario s’oppose à Cajétan.
130 La première moitié du xviie siècle donne d’observer une crise des cinq voies, même chez les jésuites et les carmes dont la ratio studiorum se référait à Thomas. Un clivage se fait entre ceux qui prennent leurs distances et ceux qui tiennent pour les preuves thomistes, soit moyennant la lecture de Cajétan, soit en s’en tenant à une orthodoxie prétendument littérale. Des scotistes comme Smising et Mastri mettent en question la valeur démonstrative des cinq voies, Zamoro ne reconnaissant quelque efficace qu’aux voies tirées de la causalité. Les théologiens jésuites prennent des libertés certaines avec la référence obligée à saint Thomas : réduction de la diversité des voies à celle tirée de la causalité, proposition de preuves alternatives. Ils se déterminent surtout face à Cajétan. Granado tient pour la valeur démonstrative des cinq voies prises ensemble, quoique leur évidence soit moindre que les preuves mathématiques. Ituren déclare tenir sur ce point pour Capreolus et Silvestre de Ferrare contre Cajétan. Il déclare les déterminations sur l’essence divine (immatérialité, etc.) être dans le droit fil des cinq voies. Point que conteste explicitement Ascanio, proche de Cajétan. Il est rejoint par Giuseppe Agostini, qui remarque « que les cinq voies sont adoptées par saint Thomas pour prouver que Dieu existe en tant qu’il est signifié par un attribut qui lui convient vraiment, abstraction faite du mode selon lequel il lui convient ou des autres attributs » (p. 167) ; cela n’exclut pas cependant qu’elles ne le prouvent par voie de conséquence. Malgré tout, ces auteurs jésuites tiennent tous, contre Suárez, pour une suffisance des preuves a posteriori.
131 Les carmes, au-delà d’une fidélité avouée à saint Thomas, s’éloignent du schéma des cinq voies, et se rapprochent objectivement de Cajétan. De même un mercédaire, et plusieurs théologiens de la Sorbonne.
132 I. A. consacre un chapitre entier à Sante Mariale, o.p., auteur de la Bibliotheca interpretum ad universam Summam theologiae Divi Thomae Aquinatis, la plus grande synthèse de la théologie thomiste des trente premières années du xviie siècle, élaborée dès 1638 (mais publiée en 1662), et qui vaut par l’examen précis auquel elle se livre des recentiores. Mariale tient pour l’efficacité probante des cinq voies prises une à une, refuse toute efficacité propre à l’argument d’Anselme, et écarte la position de Suárez. Selon lui, saint Thomas n’avait pas dessein, avec les cinq voies, de prouver l’existence de Dieu tel qu’il est en lui-même, mais uniquement s’il existe hors de nous un être conforme à ce que nous entendons sous le nom de Dieu (premier moteur, etc.). Cette précision apportée, les voies sont alors directement efficaces, et il n’est pas lieu de diminuer leur portée comme le font Cajétan et ses sectateurs.
133 Dans la deuxième moitié du siècle, chez les dominicains, le commentaire de De Marinis tend à réduire l’écart entre Bañez et Cajétan. Marletta relève lui-même tellement la continuité entre la q. 2 et le reste du traité, qu’enchérissant sur Cajétan, il tient que la démonstration de Dieu en tant que Dieu n’est complète que par le biais des attributs divins. Godoy part surtout de la deuxième voie qui, immédiatement, prouve une cause non causée et, médiatement, Dieu comme cause universelle. Ferre adopte une position semblable.
134 L’époque est cependant davantage aux grandes synthèses thomistes qu’aux commentaires suivis de la Somme, marquées pour certaines par l’oubli du débat. Labat favorise la thèse de Cajétan : les voies an sit doivent être complétées de la question quid sit. Pour Gonet en revanche, elles suffisent, quoique la démonstration des divers attributs divins essentiels soit en correspondance avec chacune. Sur ce point, De Marinis fera écho à Gonet. Arnu, Goudin témoignent de l’acceptation implicite des thèses de Cajétan, cependant que ce débat s’estompe, devant l’urgence du combat contre l’athéisme, dans lequel les cinq voies sont désormais explicitement convoquées. On examine les cinq voies selon leur valeur apologétique. L’identification du premier moteur, par exemple, avec le Dieu unique manque d’évidence. Les débats touchant l’interprétation des thèses de Cajétan cessèrent dès lors. I. A. rappelle sa véritable position : pour Cajétan, les cinq voies ne démontrent pas per se l’existence de Dieu. Mais elles ont leur portée propre, et ne réclament pas l’appui du traité des attributs divin.
135 I. A. esquisse ensuite une histoire des débats thomistes touchant la possibilité de connaître in via le quid sit de Dieu, comme ayant préludé à ses yeux à l’introduction de la preuve a priori. On voulut d’abord démontrer que Thomas ne donnait pas dans l’erreur dénoncée par Étienne Tempier, de réduire la connaissance de Dieu au seul fait qu’il existe, an sit. Pour Capreolus, Thomas fonde une science positive de Dieu en ses attributs non définitoires, distincte du quid sit scotiste, et qui relève d’un quia sit. Au xive siècle cependant, Hervé Nédellec et Durand de Saint-Pourçain avaient tenu pour une certaine connaissance du quid sit. Leurs héritiers sont, au xvie siècle, Cajétan et Silvestre de Ferrare, qui tiennent pour uniquement verbal le désaccord entre Thomas et Scot.
136 En préambule à sa deuxième partie touchant la preuve a priori, I. A. rappelle que l’a. 2 de la deuxième question de la Prima Pars ne retenant, s’agissant de l’existence de Dieu, que la démonstration quia plutôt que propter quid, cela a passé pour un refus de la preuve a priori auprès de la tradition interprétative de Thomas. Albert niait la possibilité d’une démonstration quia. Il se tenait à une démonstration per impossibile. C’est dans le Contra Gentiles (I, 25) que Thomas lui-même nie la possibilité de toute autre démonstration que par les effets, faute de définition de Dieu, qui transcende tout genre. De même De potentia, q. 7, a. 3. Soncinas et Silvestre de Ferrare relèvent ce point, Soncinas tenant cependant pour la possibilité d’une démonstration des attributs divins.
137 Au xvie siècle, les auteurs dominicains fondent cette impossibilité sur trois arguments : l’impossibilité de connaître l’essence de Dieu ; l’absence d’une cause ou d’une raison de Dieu ; la priorité de la question an sit sur la question quid sit. Pour Scot et Ockham toutefois, cette impossibilité n’est que pour le viator. Elle cesse chez le bienheureux, qui voit intuitivement l’essence divine. L’intervention de Suárez fut décisive et d’une portée profonde et durable, en faveur de la démonstration a priori de l’existence de Dieu. Se mettant à couvert d’objections séculaires, il part non de l’essence divine, mais de la démonstration a posteriori de l’existence d’un attribut divin, savoir, l’être nécessaire, d’où se déduit l’existence de Dieu. Entre la question an sit et la question quid sit, il inverse l’ordre de priorité : nos conceptions de Dieu d’après les voies négative et d’éminence sont certes confuses, mais elles L’atteignent en ce qui Lui est propre et relève, ainsi, de sa quiddité.
138 Dans les trente premières années du xviie siècle, la thèse de Suárez ne trouve pas d’écho chez les commentateurs dominicains de la Somme. Le jésuite Cristóvão Gil, en revanche, argumente contre Suárez : « pour démontrer a priori l’existence de Dieu à partir de n’importe quel prédicat, [il faut] présupposer la connaissance de l’essence dont dérive ce prédicat » (p. 372). Gil admet toutefois la possibilité d’une démonstration a priori : non pas, comme Suárez, à partir d’un prédicat absolu (la nécessité), mais relatif aux créatures. Pour Thomas Ituren, s.j., la preuve a priori est, en réalité, a posteriori. Elle se tire non, bien sûr, de la quiddité de Dieu, mais d’une ratio que l’homme élabore d’après les effets. Girolamo Fasolo, s.j., relève la priorité de l’être en Dieu sur tout attribut, de sorte qu’il ne saurait être déduit a priori d’aucun d’eux. De même pour Adam Tanner, s.j. : l’être est tellement essentiel à Dieu, qu’il ne saurait être déduit comme une propriété. Enfin, Jean Prévost, s.j., tient qu’on ne saurait concevoir de Dieu aucun terme (par exemple celui d’acte pur) qui puise être cause de son existence. On assiste ainsi à un renouvellement des arguments thomistes traditionnels, pour répondre à Suárez.
139 Opposition semblable chez cisterciens et mercédaires. L’augustinien Jean Dupuy remarque que lorsque je conçois Dieu, je le conçois nécessairement comme existant, ce qui prévient toute démonstration a priori. Aversa, clerc régulier mineur, qui entend l’aseité divine, non certes comme causa sui, mais du moins comme ratio essendi positive, tient cependant contre la preuve a priori. Cette position est d’ailleurs celle des scotistes de l’époque. Il est curieux, enfin, de trouver sous la plume d’un dominicain, Montagnolo, ces mots en faveur de la preuve a priori : « accipi potest essentia [Dei] ut ratio ipsius esse ».
140 Dans ce contexte, I. A. tient pour révolutionnaire l’apport de Sante Mariale. Ce dominicain soutient que toute démonstration quia, pour reprendre les termes de saint Thomas, n’est pas toujours a posteriori. Il distingue un quid est formaliter et un quid est aequivalenter ; il indique que la priorité mutuelle des questions an sit et quid sit diffère selon qu’on les envisage in se ou quoad nos. Il tient pour la possibilité de connaître l’essence divine. Dieu étant sa propre existence, l’existence non seulement le constitue comme étant (entificari), comme dans les créatures, mais aussi constitue son essence (quiddificari) ; de sorte que « l’existence en tant qu’elle quiddifie [...] peut être utilisée comme moyen terme pour prouver a priori que Dieu existe » (p. 461). Saint Thomas nie la possibilité d’une démonstration a priori simpliciter, mais non a priori secundum quid et selon notre modus intelligendi. Toutefois, une telle déduction se fonde sur une connaissance préalable a posteriori, comme chez Suárez. Surtout, la condition de possibilité de la preuve a priori est l’impossibilité d’une connaissance adéquate de Dieu en sa quiddité, par la distinction de raison quoad nos entre essence et existence en Dieu. Par ailleurs, cette connaissance est suffisante pour une démonstration. Si je le connais pour acte pur, il ne peut pas ne pas exister en acte.
141 Contre Suárez, le jésuite Recupito renouvelle l’argument de Gilles de Rome : l’existence de Dieu relève tellement de sa quiddité, que celle-ci ne peut servir de medium pour démontrer l’existence. De même pour Giuseppe Agostini : l’existence ne fait pas nombre parmi les attributs divins, et ne saurait faire l’objet d’une démonstration. Les scotistes de l’époque font cause commune avec les thomistes contre Suárez.
142 Godoy, o.p., fonde la possibilité de la preuve a priori sur notre connaissance de la quiddité de Dieu à partir des noms divins et sur le fait que, s’il est vrai que Dieu est suum esse, la distinction que l’esprit humain est contraint de poser entre essence et existence ménage une condition à la démonstration. Mais on doute désormais de pouvoir connaître l’essence divine. D’où des réticences marquées contre la preuve a priori chez les dominicains. Marletta montre que ce que l’on donne pour une démonstration propter quid n’est en fait qu’une démonstration quia : l’existence de Dieu n’est pas déduite d’une cause, mais d’un terme concomitant (comme le premier moteur). Contre Godoy, Ferre remarque que l’être, étant par soi-même et non par autre chose, ne saurait constituer une propriété de l’essence et être déduit d’elle a priori.
143 I. A. observe que la preuve a priori cartésienne a rencontré peu d’écho chez les théologiens de métier. On pourrait la réduire à une démonstration par la cause formelle : celle-là même que Silvestro Mauro, s.j., dénonce comme relevant d’une pétition de principe, sans nulle portée contre l’athéisme. Nulle assurance cependant que l’auteur ait directement Descartes en vue. On voit par ailleurs l’abandon chez Antonio Pérez, s.j., et son disciple Esparza du modèle la preuve suárezienne a priori, en faveur d’une preuve ab impossibili qui, elle, procède indépendamment de l’existence des créatures.
144 La trame du texte de I. A. est constituée de larges extraits des ouvrages de l’époque, traduits par ses soins, auxquels il ménage ainsi un accès direct et d’autant plus précieux, la version étant vérifiable sur le latin reproduit en texte ou en notes. Cette vérification n’est pas inutile : on trouve parfois des méprises fâcheuses (« essence » en lieu et place d’« existence »). Cela témoigne, de même que de nombreuses coquilles, d’une publication sans doute précipitée, sans que l’admiration du lecteur se trouve diminuée devant le soin patient de I. A. à défricher ainsi devant lui un continent presque inconnu.
145 J. Ch. N.
146 La philosophie en Italie à l’époque de Dante. — La préface, de Carla Casagrande et Gianfranco Fioravanti [G. F.], à La filosofia in Italia al tempo di Dante est indispensable pour apprécier l’intention de cet ouvrage et la richesse de ses développements [64]. L’examen des écrits pris ici en considération, qui émanent d’auteurs appartenant à diverses institutions et entretiennent entre eux des relations parfois complexes, montre que l’étude de thèmes philosophiques objets de recherches, en plusieurs endroits de l’Occident, entre la fin du xiiie siècle et le milieu du xive siècle, trouve, à Bologne et dans l’Italie du Nord, un contexte particulier et bénéficie d’une approche originale.
147 Après avoir évoqué la question complexe d’une « mort et renaissance de la philosophie », G. F. montre, dans le premier chapitre, comment les débuts et le développement de l’enseignement de la philosophie (d’abord les sept Arts), comme discipline à part, à l’Université de Bologne, sont directement liés à ceux de la médecine. Ce lien est aussi développé par Andrea Tabarroni dans le deuxième chapitre, à travers l’étude de l’histoire de l’Université, qui ne comprend, à sa fondation, qu’une Universitas scholarium et un Collegium doctorum en Droit, canonique et civil. Il faut relever l’effort, à partir du premier quart du xiiie siècle, d’une instauratio Studii à Bologne (p. 25), en contraste avec la concurrence due à la création récente du Studium de Naples par Frédéric II en 1224 et réformé dix ans plus tard [65]. La venue à Bologne, en 1295, de Gentile da Cingoli depuis Paris, où il avait complété sa formation à la faculté des Arts (p. 16-19), ainsi que l’activité, un peu antérieure, de Taddeo Alderotti, déterminent, au début du xive siècle, l’essor d’une faculté de philosophie dans la ville dominée jusqu’alors par l’enseignement du Droit (p. 30-32).
148 Le troisième chapitre, « Médecins et philosophie », par Chiara Crisciani [Ch. C.], développe de manière détaillée le lien entre la médecine et la philosophie, d’abord naturelle. Ch. C. présente les réflexions qu’engagent les médecins pour déterminer le statut scientifique de leur discipline (scientia et/ou ars) et pour la situer à l’intérieur d’un système de savoirs et d’enseignements. Appliquées à la médecine, ces réflexions exigent de prendre en compte des éléments conceptuels spécifiques pour parvenir à la définition (ou description) de cette science : de la détermination de ses principes jusqu’à son application pratique, afin d’en garantir l’autonomie. L’étude de la notion de complexio met en évidence les liens de la médecine avec les autres disciplines qui étudient cette notion (de la psychologie à l’éthique et même à la métaphysique) et fait ressortir l’ample spectre des compétences exigées pour les médecins (p. 47-51) et les différents genres littéraires qu’assument leurs ouvrages : de la théorie à la pratique, en passant par l’enseignement.
149 La délimitation de l’autonomie, doctrinale et institutionnelle, de leur science par les médecins (chap. iv) montre l’importance des sources classiques, y compris des œuvres de philosophie naturelle et de logique d’Aristote ainsi que de leurs commentaires rédigés à Paris au début des années 1270. Entre Paris et Bologne et, plus largement, entre Paris et l’Italie septentrionale, il y a un passage continu de savoirs, en raison des problèmes théoriques que la médecine implique (voir le cas de la nutrition, avec la notion de forma ou de vide). L’étude des éléments d’autoreprésentation et d’autopromotion (chap. v) de la médecine ainsi que l’analyse de la formation dans les arts du trivium et du quadrivium et aussi en philosophie, surtout naturelle, montrent, à travers l’examen d’une variété de textes (prologues, sermons, etc.), la progressive constitution, à Bologne, d’un groupe et d’un réseau autonome, s’opposant parfois à la faculté de Droit — groupe qui peine à se constituer en faculté reconnue par la ville. Si le cas parallèle des maîtres ès Arts de Paris (Boèce de Dacie, Raoul le Breton et d’autres) est un modèle pour l’Italie septentrionale, les maîtres italiens organisent de manière originale ce processus de revendication de leur autonomie. Les textes qu’ils rédigent sont littérairement très structurés et ont volontiers recours aux sources antiques.
150 L’originalité de Bologne par rapport à Paris apparaît de manière encore plus frappante dans les deux chapitres suivants : « Les philosophes et les autres » et « Faire philosophie ». G. F. analyse d’abord « philosophes et théologiens ». L’absence d’une faculté de théologie avant 1364 détermine les relations entre ces deux « professions ». Alors qu’à Paris la faculté de théologie, qui est à l’origine de l’Université, joue un rôle de « contrôle » de l’enseignement, à Bologne ce rôle est réservé à l’Inquisition, qui, plus que contrôler l’enseignement d’une manière générale, s’occupe de défendre l’orthodoxie de la foi contre l’hérésie de certains maîtres (p. 92-93). Les objets du débat sont les mêmes qu’à Paris, l’éternité du monde et l’unicité de l’intellect, et les textes parisiens sont connus, parfois même commentés ou discutés. Les précautions dont doivent se prémunir les philosophes bolonais pour prévenir d’éventuelles condamnations sont moindres qu’à Paris et les disputes sur ces thèmes ont lieu dans les studia des ordres mendiants, seuls lieux d’enseignement de la théologie avant la création d’une faculté. Si à Paris Siger parlait de positions de la foi, en suscitant la réaction de Thomas d’Aquin, à Bologne on parle d’opinio fidei, diminuant l’autorité de la foi chrétienne, comme le dénonce Guillaume de Alnwinck (p. 101-103).
151 Les disputes entre « philosophes et juristes » sont certainement plus importantes du point de vue institutionnel, la faculté de Droit étant « reine » à Bologne. Gentile da Cingoli, peu après 1295, lance, contre les juristes et leur discipline, une attaque qui se poursuivra pendant des décennies : il revendique surtout pour la logique, et donc pour son enseignement, la qualité de fondement de toute science, alors que les juristes se contentent de la rhétorique. Il est intéressant de voir que la réponse des juristes ne consiste pas à contredire sur ce point les philosophes, mais à montrer que leur discipline répond aux exigences de scientificité reconnues par les philosophes (p. 104-107). Il faut cependant considérer que les juristes, comme les médecins et les philosophes, ne sont pas des clercs et sont souvent mariés. De par leur enseignement et leur profession, ils entretiennent un lien étroit avec la municipalité, qui paye leurs cours (p. 107-109). S’ils sont constitués en corporation (Collegium), ils ne font pas partie de l’Université au sens strict du mot, formée d’étudiants (Universitas scholarium). Que ce soit le droit, la médecine ou l’astronomie-astrologie, chacune de ces disciplines, qui impliquent des pratiques, crée nécessairement un lien entre les membres de ces Collegia et la ville : l’élaboration d’une sorte d’horoscope pour la ville portant sur l’année à venir, judicium ou prognosticum anni (p. 112-113), en est un bel exemple.
152 Le septième chapitre, « Faire philosophie », présente d’abord la méthode suivie par les philosophes, « la philosophie du faire philosophie » (p. 129) et étudie, ensuite, l’application de celle-ci à des thèmes majeurs : l’existence ou non du hasard et de la liberté ; l’intellect humain, sa nature et son activité. La méthode est celle de cumuler des arguments en faveur et contre la thèse énoncée, en dépendance d’ouvrages antérieurs, parisiens mais non exclusivement. Aux arguments reçus, ces philosophes joignent les leurs et il en résulte une accumulation d’arguments, qui constitue une sorte de commentaire per quaestiones d’ouvrages d’Aristote, commentaire dans lequel l’auteur s’abstient parfois de tirer une conclusion. À partir des années 1316-1317, une fois le Collegium des médecins et des philosophes reconnu par la ville (p. 32), l’examen du problème de l’intellect, sa nature et son activité, suit des constantes, dérivées de Jean de Jandun, à travers Thaddée de Parme. L’interprétation averroïste d’Aristote, à partir des développements de Jean de Jandun, est portée à son extrême. L’idéal d’une félicité parfaite en cette vie, par l’activité de l’intellect et sa conjonction avec Dieu et les substances spirituelles, est affirmé comme principe de moralité ; la vie après la mort et la résurrection sont des problèmes à résoudre par les théologiens, et les philosophes n’hésitent pas à nier ces doctrines, en raison de la nature de l’intellect, de son activité propre et de sa relation au corps et à la connaissance sensible.
153 Ainsi s’achève la première partie du livre, conçue comme un « récit » du retour de la philosophie à Bologne, récit d’une très grande érudition et d’une réflexion exigeante. La seconde partie du livre présente un certain nombre de points capitaux du développement de la philosophie en Italie à cette même époque : « Contextes, thèmes et figures. »
154 Le premier thème est celui de l’aristotélisme politique, présenté à travers quelques interprètes connus, qui se partagent en deux groupes, selon deux conceptions de la monarchie : Ptolémée de’ Fiadoni da Lucca, Remigio de’ Girolami, Guido Vernani da Rimini, d’un côté ; Jean de Paris et Guillaume de Sarzano, de l’autre. Les doctrines politiques d’Aristote sont interprétées et adaptées à la situation italienne (et française), avec une réflexion sur le bien commun et la meilleure forme de gouvernement : les auteurs du premier groupe prônent pour une monarchie limitée par des lois ; les autres défendent une monarchie héréditaire. Le problème de la relation entre pouvoir temporel et spirituel, qui comporte la distinction entre hiérocratie et théocratie, est analysé surtout à partir de Dante et de Marsile de Padoue : leur défense d’une « autosufficienza dell’ordine temporale » n’a pas manqué de susciter de fortes réactions (p. 182), notamment de la part de Vernani. Si la réception de la Politica d’Aristote montre des caractéristiques propres à cette période et au contexte italien, l’aspiration à la paix est aussi un trait qui unifie plusieurs des penseurs énumérés ci-dessus, mais le chemin pour y parvenir part de présupposés bien différents et avance sur des parcours parfois divergents (p. 185).
155 Le neuvième chapitre, « La philosophie du latin au vulgaire », en montrant la complexité de l’œuvre de traduction et de ses sources, met en évidence des projets linguistiques (choix de la langue, destinataires de la traduction), une réflexion philosophique et des finalités éthiques sous-jacents à cette œuvre. L’examen des traductions et adaptations de l’Éthique à Nicomaque en fournit un exemple.
156 L’étude du Convivio de Dante, par Paolo Falzone [P. F.], prolonge, pour ainsi dire, « naturellement » le chapitre précédent. Après avoir situé l’ouvrage dans le parcours biographique et intellectuel de Dante, P. F. en dégage les finalités et en précise les destinataires par une étude sur la notion de « nobiltà » : cela en donnant la parole à Dante lui-même. Le rôle de Dante, dans ce « banquet de science », les notions de philosophie et de bonheur sous-jacentes au Convivio ainsi que son but éthique sont analysés avec une grande rigueur. La structure de l’ouvrage et la qualité de ce « commentaire » philosophique en vulgaire en fait le premier exemple réussi dans son genre. La présentation de l’« aristotélisme » de l’ouvrage ne manque pas de subtilité : P. F. montre bien la différence entre la philosophie du bonheur de Dante et celle des Artiens (parisiens ou bolonais) ainsi que l’impossibilité de parler d’une hétérodoxie chez Dante ou de trouver chez lui une perpétuelle tension intérieure, relative par exemple au rapport foi et raison. Les motifs plausibles de l’interruption de l’ouvrage sont très bien étudiés et les éléments de continuité entre le Convivio et la Commedia sont exposés de manière très convaincante, en particulier quand la Commedia permet à Dante d’achever l’élaboration personnelle de certaines doctrines, comme celle du désir naturel de la science et du bonheur (p. 244-245, 252-253).
157 Dans le dernier chapitre sur « Pétrarque et la philosophie », Sonia Gentili [S. G.] commence par clarifier les termes du problème que pose l’association de Pétrarque avec la philosophie. Deux courants différents d’interprètes (celui des philosophes, qui identifient avec la Scolastique la « philosophie » ; celui des littéraires « qui rêvent d’une littérature épurée de la compromission avec les concepts », p. 265) convergent dans une réduction de l’importance philosophique de la réflexion de Pétrarque. S. G. conteste cette théorie qui minimise la présence d’une réflexion philosophique chez Pétrarque, et, l’attribuant à une conception aristotélicienne ou hégélienne de la philosophie (p. 265), s’emploie à montrer à travers l’analyse des sources antiques et patristiques qui inspirent Pétrarque, son projet intellectuel clairement anti-aristotélicien et la méthode suivie pour le réaliser : méthode variée, utilisant aussi l’ironie, le paradoxe et la parodie. Le développement chez Pétrarque de certains thèmes patristiques (l’idéal de la vie solitaire et la vanité du monde, par exemple) va de pair avec son adhésion à des positions d’origine stoïcienne, comme modèle éthique et comme idéal de vie.
158 A. O.
159 Exégèse médiévale. — Les contributions sur le Notre Père au xiie siècle, réunies par Francesco Siri et publiées dans la « Bibliothèque d’histoire culturelle du Moyen Âge », sont le fruit des journées d’études des 19 et 20 juin 2013, qui ont eu lieu à l’Institut de recherche et d’histoire des textes de Paris [66]. La recherche sur les usages et les commentaires de l’oraison dominicale (ou Pater noster) couvre un spectre très large de textes comme le montrent la première et la dernière contribution de ce recueil. Ainsi dans l’inventaire provisoire que proposent Geneviève Hasenohr et Anne-Françoise Labie-Leurquin des traductions et commentaires médiévaux du Pater en langue d’oïl (avec un répertoire, p. 239-248, donnant pour soixante-dix-neuf œuvres, les manuscrits repérés), se trouvent des textes fort variés. Aussi ce premier repérage documentaire ne prétend-il pas faire la part entre les différents types de textes où est présent le Notre Père : traductions, traductions glosées, méditatives ou paraphrases (p. 238). La difficulté à cerner dans la littérature en langue vernaculaire la place du Pater noster a sa source dans la réfraction multiple de la réception et de la transmission de cette prière fondamentale en chrétienté. Du côté de la littérature latine, cette multiplicité est mieux connue, car explorée et exploitée depuis plus longtemps. Dans le riche panorama pour le xiie siècle que présente Gilbert Dahan, il aborde l’exégèse du Notre Père pour cette période, en en développant successivement : la typologie des commentaires (p. 9-15), les questions d’analyse externes comme la structure (p. 15-19), les différences entre les deux évangiles qui rapportent le Pater noster (p. 19-20), la rhétorique (p. 20-21), les indications liturgiques (p. 21-22) et aussi les éléments d’interprétation particulièrement délicats comme la sanctification du Nom (p. 23-24), la remise des dettes (p. 24-25), la tentation (p. 25-26) et le mal (p. 27). Alexander Andrée [A. A.] pour sa part analyse l’apport, fondamental par sa diffusion et par son autorité, de l’école de Laon dans l’exégèse de sa Glose ordinaire sur les deux péricopes évangéliques, de Matthieu et de Luc, de l’institution du Notre Père. A. A. a établi une édition à partir de plusieurs manuscrits et de l’édition princeps (Strasbourg 1480/1481) avec un apparat des sources (p. 52-74). Ainsi A. A. peut à bon droit discuter les emprunts massifs, selon différentes versions abrégées ou florilèges, à Paschase Radbert (p. 33-46). À partir de cette étude approfondie des textes eux-mêmes, A. A. dégage quelques caractéristiques fondamentales à la Glose de Laon sur le Pater noster. Si elle reprend la correspondance établie par Augustin entre les septénaires des demandes du Pater noster, des sept dons du Saint-Esprit d’une part et les béatitudes d’autre part, par le truchement de Paschase Radbert elle fait ressortir un autre aspect structurant, la division tripartite du texte, en demandes pour la vie présente et pour la vie future, et demandes qui font le pont entre l’une et l’autre. Remarquons avec A. A., l’insistance de la Glose ordinaire sur le pain supersubstantiel et sur la perfection du Pater noster. Cette prière dans son ensemble est aussi explorée par l’école de Laon selon un mode ascendant ou descendant, de la première à la dernière demande ou inversement. L’invocation initiale elle, peut être entendue comme une expression personnelle de la proximité et de l’adoption du fidèle qui pratiquerait une sorte de captatio benevolentiae envers son père, même si cette invocation implique aussi l’unanimité de l’assemblée ecclésiale en raison de la formulation à la première personne du pluriel et le pardon mutuel. La sixième demande ne paraît pas leur poser de difficultés particulières, les auteurs reproduisant la position augustinienne : Dieu n’est pas responsable de la tentation, mais il nous permet de la subir et nous le prions pour qu’il ne nous laisse pas y succomber (p. 49-50 et 52-74 passim). Emmanuel Bain [E. B.] s’attache à l’étude du commentaire du Pater noster de Pierre le Mangeur dans son commentaire sur l’évangile de Matthieu. L’auteur en donne en annexe le texte à partir de deux manuscrits, complétés par la Glose ordinaire si nécessaire, et y joint une traduction (p. 127-155). E. B. montre que si Pierre le Mangeur se base bien sur la Glose ordinaire, il ne se contente pas de la paraphraser. Il procède à une remise en ordre des éléments épars de la Glose et produit ainsi un véritable commentaire (p. 116-118). D’autre part, il introduit l’allégorie dans sa lecture du Pater noster, qui justifie le rapprochement avec les dons de l’Esprit et le double mouvement de lecture descendant et ascendant des demandes (p. 118-120). Une fois posé ce fondement exégétique, Pierre le Mangeur élabore en fait un véritable traité de la prière (p. 120-125). Mais ce commentaire insiste peu sur la dimension ecclésiale pour se concentrer, d’une manière originale, sur le sujet priant, aspect que nous trouvions déjà, en partie, dans la Glose. La correspondance entre les différents septénaires relayés par la Glose est aussi centrale dans la compréhension du Pater noster par Hugues de Saint-Victor comme le montre l’étude de Francesco Siri [F. S.]. Le septénaire chez Hugues est un véritable outil herméneutique de la vie intérieure et lui permet d’analyser l’univers moral (p. 81-83). Il le fait, F. S. le souligne d’emblée, dans une perspective où se multiplient les allégories empruntées au monde médical (p. 75-78). L’entreprise divine est donc la guérison de l’homme, guérison qui se traduit par la conversion.
160 Cet ouvrage fait donc non seulement le point sur des autorités de cette période, mais attire aussi l’attention du lecteur vers d’autres pistes de recherche. Ainsi notons trop brièvement les autres études, deux sur des commentaires du Pater noster, deux autres sur son usage. Quittant le monde des écoles, l’étude de Valeria De Fraja nous fait entrer à la cour de Palerme au milieu du xiie siècle où Maione de Bari écrit pour son fils un commentaire du Pater noster. L’amiral-chancelier du royaume de Sicile a composé en effet un écrit long et complexe entre 1154 et 1160. Ce texte n’est pas un écrit de dévotion d’un pieux laïc, mais bel et bien un commentaire élaboré qui s’attaque à des questions théologiques comme la volonté de Dieu, la prédestination, la question de la présence du mal dans le monde ou bien « Dieu est-il l’auteur de la tentation ? ». Un autre commentaire du Pater noster, celui de Frowin d’Engelberg est étudié par Annie Noblesse-Rocher [A. N. R.]. C’est là sans doute, d’après A. N. R. un des plus longs commentaires connus du Pater noster avec quatre cent soixante-huit pages in-16°. Il prend la forme d’un vaste traité sur le libre arbitre et donc tout centré sur la troisième demande. Deux études s’attachent à souligner des modes de réception et des usages peut-être moins familiers du Pater noster. D’une part, Marco Rainini s’attache à élucider les représentations symboliques et les diagrammes du Pater noster et donc des documents iconographiques qui cristallisent une réflexion théologique et offre une aide didactique. C’est là la seule contribution en anglais de ce volume. Elle s’accompagne de huit planches. Et d’autre part Uwe Brunn, dans une analyse suivie des sources disponibles, examine l’usage et le rôle dans les mouvements hérétiques du Notre Père, retenu comme unique prière. L’ouvrage est complété de plusieurs index, des manuscrits et des auteurs, médiévaux et modernes. Consacré à un texte qui est au centre de préoccupations théologiques et qui, en plus, fait partie du bagage de tout fidèle chrétien, ce volume démontre la richesse de sa réception et de ses pistes d’interprétation, dans la période si féconde du xiie siècle.
161 M. M.
162 L’exégèse biblique de Thomas d’Aquin a suscité depuis une quinzaine d’années un intérêt croissant parmi les théologiens et les médiévistes, tout d’abord dans le monde anglo-saxon [67]. Le recueil édité en 2015 par Piotr Roszak [P. R.] et Jörgen Vijgen [J. V.] est un témoignage de l’attention qu’on a plus récemment commencé à porter, même en Europe [68], à une partie du corpus thomiste, les commentaires scripturaires, qui est d’une étendue considérable et s’avère fondamentale pour une compréhension globale de la théologie de l’Aquinate [69]. Tout en s’inscrivant dans cette nouvelle vague de recherches, ce volume essaie d’aller plus loin que d’autres du même genre, dans la mesure où, au lieu d’examiner un certain thème théologique dans une sélection de commentaires, il poursuit l’objectif d’une approche systématique de l’exégèse de Thomas d’Aquin (p. xi). Comme il émerge dès le titre, en effet, si les questions théologiques ne sont pas omises, elles ne représentent qu’un volet de ce recueil qui fait porter l’accent, avant toute chose, sur les instruments herméneutiques de Thomas, identifiés, caractérisés et étudiés dans une perspective historique. D’où l’utilité des études contenues dans le volume pour tous ceux qui voudront se familiariser avec les lectures cursive [70] et magistrale de la Bible de la part de Thomas et se faire guider par lui dans leur propre lecture de la Bible. L’image qui en sort est celle d’un enseignant qui propose à ses étudiants une approche spéculative de la Parole révélée (p. vii) ; y correspond une pensée qui opère constamment dans un horizon biblique, notamment une théologie au caractère fort biblique (p. viii). Dans une autre perspective, pourtant, la question de l’usage des instruments herméneutiques thomistes en exégèse contemporaine est abordée dans ce volume : qu’est-ce que les exégètes contemporains peuvent apprendre de l’approche thomiste de la page sacrée ? Lire les Écritures avec Thomas d’Aquin, comme annonce le titre, devient alors moins une question de fond, de contenus et d’interprétations de la Parole, que de méthodes : le « thomisme biblique » que P. R. et J. V. entendent promouvoir devient ainsi en quelque sorte une attitude théologique, qui aspire à réintégrer de manière substantielle l’exégèse biblique en théologie et à en faire le fondement, à la manière de Thomas [71].
163 Ce volume comporte une introduction, signée par P. R. et J. V. ; une première section, consacrée aux « instruments herméneutiques » utilisés par l’Aquinate dans ses commentaires scripturaires : en font partie onze contributions, sur lesquelles se focalisera cette présentation, qui vise à mettre en relief le grand intérêt que ce recueil a pour des lecteurs médiévistes ; une seconde section, portant sur des « questions théologiques », liées à différents titres au travail exégétique de Thomas d’Aquin, et proposant de « nouvelles perspectives » de recherche ainsi que d’application de la leçon théologique thomasienne : huit contributions y sont réunies, qui ne seront pourtant pas décrites dans ces pages ; suivent une bibliographie et trois index, qui facilitent la consultation d’un ouvrage qui couvre finalement un très large éventail de sujets. En ce sens, un index des passages thomistes cités aurait certainement été utile. De plus, concernant la table des matières, placée en ouverture du volume, on regrette que certains titres y soient reportés non sans imprécision. Un certain nombre de coquilles se rencontre aussi dans d’autres parties du volume.
164 La première section s’ouvre avec un essai de Marco Passarotti [M. P.], sur l’apport potentiel de la technologie digitale à l’étude de l’exégèse thomiste. Si elle ne porte pas sur les instruments herméneutiques de Thomas en tant que tels, cette contribution liminaire pose le fondement pour un renouvellement de la perspective dans laquelle les observer. En effet, M. P. introduit les lecteurs à l’usage d’un outil, à son tour herméneutique. Encore très peu connu, mais très innovateur et fort puissant, l’Index thomisticus Treebank [IT-TB], est une banque de données qui constitue une sorte d’extension de l’Index thomisticus [IT], créé par Roberto Busa dans la deuxième moitié du xxe siècle. Élaboré au laboratoire CIRCSE de l’Université catholique du Sacré Cœur de Milan, l’IT-TB est basé sur un sous-ensemble des données de l’IT — corpus lemmatisé et organisé selon un système de taguage morphologique —, qui sont annotées syntaxiquement et sémantiquement. La phrase y constitue l’unité de référence et sa structure syntaxique y est représentée graphiquement sous forme d’arbres. Dans la première partie de son étude, assez technique, M. P. rend compte des présupposés théoriques de l’IT-TB, notamment des critères d’annotations des données. Il montre ensuite quels types de recherches on peut effectuer grâce à l’IT-TB, en utilisant des outils et des langages différents. Il passe enfin à montrer « ce qu’on peut faire avec des données annotées linguistiquement » dans le cas spécifique des commentaires bibliques de Thomas. Deux techniques statistiques sont appliquées à ce corpus, qui est investigué selon des critères lexicaux : le partitionnement des données (data clustering) et l’analyse en composants principaux (principal component analysis). La première technique permettant de structurer la collection des données selon des critères de ressemblance, la seconde rend possible un examen des différences entre les éléments groupés dans le même cluster. M. P. se borne à décrire les résultats qu’il obtient, sans en offrir une interprétation achevée, ce qui appartient plutôt aux philosophes. D’où l’importance d’établir une collaboration fructueuse entre linguistes computationnels, capables de construire les outils, et philosophes, qui sont censés les utiliser, ce qui permettra de faire véritablement entrer les lettres dans l’ère digitale qui est la notre.
165 Ce n’est qu’avec l’essai de Gilbert Dahan [G. D.] sur les catégories interprétatives majeures de l’Aquinate qu’on entre véritablement dans le vif de la section consacrée à ses « instruments herméneutiques » [72]. Pour l’aborder proprement, G. D. commence par situer Thomas dans son contexte historico-culturel, notamment à l’acmé du processus de distinction entre la théologie et l’exégèse, qui deviennent deux sciences séparées (p. 45). Pour l’Aquinate, en effet, le discours sur Dieu n’est plus simplement un discours sur sa Parole, quoiqu’il ne puisse que se fonder sur elle : « si l’exégèse biblique porte sur la descente de Dieu vers l’humanité, la théologie, tout en montant vers Dieu, trouve son support en ce don divin » qui est la Bible elle-même (p. 46). Pour s’en servir, le théologien doit être en mesure d’y déceler une multiplicité de sens. D’où l’importance de l’exégèse, « une science humble » qui s’inscrit dans un horizon historique, une tradition, et en bénéficie pour progresser dans la clarification de la Parole (p. 49). Se basant surtout sur les questions quodlibétales (Quod. VII, q. 2, a. 2 ; Quod. III, q. 14, a. 1), G. D. prouve que, à la théorie des quatre sens des Écritures, l’Aquinate préfère un autre schéma interprétatif, notamment binaire, où au sens littéral est moins opposé que juxtaposé un autre sens, figuratif, voire spirituel. Convaincu que pour décider combien et quels sens un certain verset comporte, l’exégète doit tout d’abord comprendre face à quel « type de texte » il se trouve (p. 54), Thomas insiste sur l’importance de procéder à une analyse du langage des Écritures en toutes ses nuances, notamment de savoir reconnaître quel modus procedendi est employé dans le passage considéré. La manière narrative est ainsi distinguée d’un côté de la manière parabolique, de l’autre de la manière poétique (p. 59-66). G. D. s’interroge sur une difficulté majeure qui dérive de l’association de cette distinction en modi avec la juxtaposition du sens littéral et du sens spirituel : comment peut-on justifier le passage d’un niveau à l’autre de l’interprétation, voire le saut herméneutique, lorsque l’analyse des modi semble impliquer une extension du sens littéral au détriment du spirituel ? Dans les livres prophétiques, en effet, une lecture littérale semblerait suffisante (p. 66). G. D. ouvre des pistes de réflexion sur ce sujet en apportant des précisions sur les notions de métaphore et d’allégorie, notamment sur la manière dont l’Aquinate semble les entendre.
166 Dans la contribution suivante, des leçons inaugurales de Thomas – le principe « Rigans montes » et la resumptio « Hic est liber » –, qu’elle lit à bon droit comme une sorte d’exposition programmatique, Elisabeth Reinhardt [E. R.] fait ressortir quelques autres principes de l’herméneutique thomiste (p. 73, 74-81). E. R. souligne tout d’abord quelle densité de signification les versets de la Bible ont aux yeux de Thomas : il les comprend parfois d’une manière tellement ample et profonde, qu’il y perçoit une synthèse du raisonnement qu’il entend développer par la suite (p. 82). C’est ainsi qu’il utilise les versets presque comme principes et il en tire non seulement de brèves considérations pratiques, pastorales et morales, mais souvent des arguments théologiques très articulés. E. R. porte ensuite l’attention sur l’explication de la Bible par elle-même, très souvent pratiquée par Thomas, ainsi que sur le recours à la tradition chrétienne au sens large : les Pères, les décrétales, la liturgie et les vies des saints, que Thomas consulte constamment à la recherche de preuves à l’appui de ses lectures. Un élément fondamental de l’exégèse thomiste est, encore, la pratique d’une division systématique du texte en sections. E. R. mentionne enfin le Christ comme prisme de la lecture thomiste des Écritures : il en représente non seulement le sommet, mais aussi le facteur unificateur. La première partie de l’essai étant consacrée à une analyse des leçons inaugurales et des principes interprétatifs qui en émergent, dans la suite E. R. examine comment l’Aquinate applique concrètement ces critères exégétiques dans son commentaire de l’épître aux Romains.
167 Avec Jeremy Holmes [J. H.], la perspective s’élargit. L’exégèse de l’Aquinate et l’exégèse contemporaine sont en effet mises en relation, par les biais de la doctrine thomiste de la participation, qui permet d’éclaircir et d’approfondir la notion traditionnelle de « sens spirituel des Écritures ». J. H. est notamment d’avis que la compréhension analogique que Thomas a de la participation permet de fonder ontologiquement la ressemblance entre réalités bibliques et mystères des venues du Christ, tout en sauvegardant la valeur du sens littéral de la Bible, notamment la valeur intrinsèque des personnes, institutions et événements concernés (p. 113). Si la réflexion de J. H. s’inscrit dans les débats exégétiques contemporains, notamment autour de la notion de « participation anticipative » (anticipatory participation) utilisée pour expliquer le rapport entre Ancien et Nouveau Testament et sa convenance, l’enjeu plus immédiat de ces pages s’avère la compréhension de la distinction thomiste entre différents niveaux de sens spirituel, tous voulus par Dieu lui-même et par Lui cachés dans la Parole. La participation comportant pour l’Aquinate soit la réception, quoique partielle, de la forme de la source, soit la réception de la forme de la source comme objet de connaissance, soit une simple collaboration avec la source afin de lui servir comme instrument dans l’achèvement de sa propre fin, c’est bien en termes de participation qu’on peut décrire la relation entre Ancien Testament, Nouveau Testament et vie éternelle. Dans la perspective de Thomas, le sens spirituel de l’Ancien Testament peut être décrit comme participation anticipative des réalités dont il fait le récit aux mystères de la première et de la seconde venue du Christ. Elles participent notamment aux mystères de la seconde venue en anticipant ceux de la première venue. Participé par l’ancien, le Nouveau Testament participe ainsi de l’état de gloire (p. 110).
168 L’instrument herméneutique sur lequel porte l’attention Piotr Roszak [P. R.] est la citation biblique, « outil intégral de la méthode exégétique » de l’Aquinate (p. 129). Il y a en effet un très grand nombre de citations bibliques dans les commentaires scripturaires, presque partout, qui sont enchaînées à l’argument principal de l’Aquinate et deviennent souvent, à leur tour, objet d’explication. À travers l’étude de certains de ces réseaux de citations, P. R. cherche à établir quel rôle argumentatif elles jouent, dans le but d’en proposer une typologie. Il le fait après avoir enquêté sur les présupposés théoriques, voire théologiques, qui amènent Thomas à en faire un usage si massif. Cette recherche est doublement utile : il ne s’agit pas simplement de rendre plus aisé l’accès des lecteurs contemporains aux commentaires scripturaires de Thomas en tant que tels — il est souvent difficile d’en entrevoir la structure profonde —, mais aussi de promouvoir une méthode exégétique dont l’efficace est souvent méconnue. Quant au cadre théologique dans lequel la pratique de citation de Thomas exégète s’inscrit, il suffira de rappeler sa manière d’entendre la sacra doctrina pour comprendre à quel point citer des passages bibliques en en commentant d’autres est une manière de valoriser l’unité de la Bible, sa polysémie et son actualité. En effet, l’Aquinate ne procède ni par accumulation ou juxtaposition, ni par parallélisme. Il y a des associations terminologiques et thématiques à l’origine de ses réseaux de citations, mais surtout la volonté de familiariser le lecteur avec la Parole, en lui indiquant de nouvelles pistes, suggérant des connexions avec d’autres épisodes bibliques, et de lui faire ainsi entrevoir leur concours au plan salvifique dans son ensemble. P. R. identifie cinq types principaux de citations bibliques figurant dans des commentaires bibliques. Il y a tout d’abord des citations, souvent introduites par « videtur quod », qui sont alléguées dans le but de faire une percée interprétative, voire pour déclencher un changement de direction par rapport à l’interprétation courante ; d’autres, auxquelles est confiée une extension de l’interprétation principale, souvent à la suite d’un « simile habetur ». Précédées par « propter hoc dicitur », « unde dicitur », il y a ensuite des citations dont la fonction est confirmative ou d’exemplification. Et encore, certaines citations servent à introduire le sens spirituel du verset commenté ; d’autres à en mettre en relief les difficultés de conciliation avec d’autres passages bibliques.
169 La contribution de Mauricio R. Narváez [M. N.] porte sur les rationes probabiles et la vérité comme instruments de l’exégèse thomiste. Se concentrant surtout sur le commentaire à Job, M. N. s’interroge sur la coprésence de probable et de nécessaire dans l’exercice herméneutique. S’il est vrai que toute interprétation de la Parole rentre dans le domaine du probable — l’intentio auctoris étant impossible à déterminer de manière nette pour un texte qui comporte l’interaction d’un auteur humain avec Dieu qui l’inspire, d’où par exemple les « quasi dicat », les « potest referri ad », les « potest dupliciter hoc verbum intelligit » —, le commentateur du texte biblique peut importer, pour ainsi dire, des vérités dans son discours. C’est bien le cas des endroits où il introduit des axiomes, qu’il connaît déjà être vrais, des définitions reconnues, des citations bibliques ; mais aussi de tout passage où il donne des éléments utiles pour arriver à la vérité, à travers par exemple l’organisation d’un argument selon une structure logique précise. La distribution de ces éléments ne relève bien évidemment que du choix de l’exégète. Le balancement entre probable et nécessaire s’avère alors une question de tact, expérience, tradition, génie et prudence du commentateur.
170 La division du texte comme instrument herméneutique fait l’objet de la contribution de Margherita Maria Rossi [M. M. R.], qui aspire à élaborer une méthode innovante, environ-mental method, pour approcher et comprendre la production théologique médiévale, surtout l’exégèse. À la base de son intuition, il y a l’idée que le statut du théologien médiéval est comparable à celui d’un architecte, qui a soin d’édifier l’architecture intérieure des esprits de son auditoire à travers l’élaboration de genres littéraires aptes à solliciter des fonctions mentales précises. Concernant la divisio textus, M. M. R. souligne que cette manière de procéder naît déjà presque parfaite (p. 173) et s’impose vite comme méthode herméneutique, grâce à son efficace didactique et mnémotechnique, avant même sa portée scientifique (p. 174-175). Diviser le texte signifie découvrir les unités qui le composent, en définir de manière synthétique les contenus, savoir les connecter les uns aux autres, selon un ordre de succession ; en un mot, la division va au cœur de l’architecture du texte commenté et la décrit.
171 L’étude d’Olivier-Thomas Venard [O. T. V.] permet d’enrichir ultérieurement la palette, l’instrument herméneutique examiné étant la métaphore. L’enjeu est au fond le rapport entre poésie et théologie, le but de l’auteur étant de nuancer certaines interprétations de Thomas, parfois caricaturales, selon lesquelles pour l’Aquinate il y aurait une opposition nette entre métaphore et style théologique, science métaphysique et art du langage. Comme O. T. V. le souligne dès le début, la conséquence d’un tel contraste est paradoxale. Cela comporterait en effet la scission de deux dimensions qui sont indiscutablement unies selon Thomas : la sacra doctrina et la sacra scriptura. D’où la thèse d’O. T. V., selon qui la métaphore a par contre un rôle pivotal entre la Parole sacrée et la théologie thomiste. Même sans examiner dans les détails comment l’Aquinate se sert des métaphores en exégèse, O. T. V. montre comment tout procédé métaphorique chez le théologien présuppose un profond respect pour la lettre sacrée. Il restitue ainsi au langage théologique thomiste sa dimension littéraire et à son langage littéraire sa dimension théologique.
172 Timothy Bellamah [T. B.] se focalise sur le commentaire de l’Aquinate à l’évangile de Jean, dans le but de mieux situer, une fois l’avoir caractérisée, la technique exégétique de Thomas par rapport à la tradition dans laquelle elle vient s’inscrire. À travers deux étapes, dont la première est historico-critique et la seconde plutôt théorétique, T. B. prouve que, quoique fort dépendant des commentaires rédigés par certains de ses devanciers, Thomas élabore une exposition originale et innovatrice du quatrième évangile (p. 254). T. B. la décrit dès son titre parlant comme « l’interprétation d’un contemplatif ». Le manque (presque total) d’éditions critiques des commentaires scripturaires de Thomas étant évoqué à plusieurs reprises dans le volume comme un obstacle à l’approfondissement de l’herméneutique thomiste, dans l’étude de T. B., qui commence par fournir l’état de l’art du chantier d’édition du commentaire à Jean, l’apport très significatif du travail ecdotique est prouvé concrètement (p. 255). Sont pourtant soulignés aussi les embarras qu’il comporte (p. 231-238). T. B. rappelle que ce commentaire, attesté par une cinquantaine de témoins manuscrits (p. 237), s’inscrit dans un contexte didactique et dérive notamment de la réélaboration d’une reportatio, c’est-à-dire de notes prises par Raynald de Piperno, secrétaire personnel de Thomas. Enseigné par l’Aquinate vraisemblablement entre 1270-1271, le cours sur Jean ne commence en effet à circuler qu’à date posthume, sans qu’on puisse dire avec précision quel rôle éditorial y a été joué par Thomas lui-même et dans quelle mesure la réélaboration de Raynald a été créative. T. B. est plutôt d’avis que la contribution de ce dernier ne fut pas substantielle (p. 233). Au contraire du commentaire sur Isaïe, dont un autographe attestant la préparation du cours de la part de l’Aquinate a survécu, le texte qu’on arrivera à constituer pour Jean se situera donc an aval des leçons de Thomas. Dans la deuxième partie de son étude, T. B. fait émerger du texte certains traits distinctifs de la lecture thomiste de Jean : l’importance donnée à la figure de l’auteur humain de l’évangile et, par conséquent, au sens littéral du texte, qui n’est jamais vraiment opposé au sens spirituel ; la tendance à donner une multiplicité d’interprétation de la littera, alternatives ou complémentaires ; le recours à un ample éventail de sources latines et surtout grecques, notamment Origène et Chrysostome ; le fort impact de la philosophie sur l’attitude interprétative de Thomas.
173 La question des sources de l’exégèse thomiste est plus spécifiquement abordée par Leo J. Elders [L. E.], dans son étude consacrée à la présence des Pères dans les commentaires de l’Aquinate aux évangiles de Matthieu et Jean. Après avoir rappelé quelques éléments de base sur les canaux d’accès à la littérature patristique au xiiie siècle, notamment sur le rôle fondamental de la Catena aurea, L. E. propose un tour d’horizon des sources les plus significatives des deux commentaires considérés — Jérôme, Augustin, Chrysostome, Origène, Grégoire le Grand, Ambroise, Hilaire de Poitiers —, qu’il examine l’un après l’autre, source par source. Comme L. E. le montre, Thomas dialogue systématiquement avec les Pères, qu’il interpelle à chaque fois qu’il rencontre une difficulté de lecture. S’il valorise la pluralité des points de vue lorsqu’il s’agit d’expliquer la littera, où il a tendance à ne pas prendre une position nette, mais plutôt à laisser deviner quelle interprétation il préfère, face aux questions doctrinales, il formule sa propre réponse de manière claire tout en la situant par rapport à la tradition dans laquelle elle s’inscrit et d’où elle dérive (p. 261). Si l’abondance de références aux sources patristiques est tout d’abord une déclaration implicite, de la part de Thomas, de son choix de se faire guider par les Pères, elle doit être considérée aussi par rapport à l’auditoire de l’Aquinate : des étudiants en théologie et de futurs prédicateurs, auxquels il entend apprendre l’importance de baser sa propre interprétation sur la tradition exégétique (p. 284). C’est aussi de la manière de dialoguer et d’intégrer les sources propres à Thomas, conclut L. E., que « le lecteur contemporain peut découvrir le but théologique de la lecture des Écritures : la sanctification dans cette vie et la préparation pour une vie avec le Christ au Paradis » (p. 285).
174 La section portant sur les instruments herméneutiques de Thomas se clôt sur une étude de Jörgen Vijgen [J. V.], qui forme une sorte de diptyque avec celle de L. E. qui précède et dont elle continue idéalement la réflexion sur les sources comme outils exégétiques. Tout en saluant le renouveau d’intérêt pour Thomas exégète scripturaire, J. V. consacre ses pages à un sujet presque absent dans la littérature et pourtant à son avis très important, surtout dans la perspective d’un thomisme « plus biblique » (p. 288) : la présence d’Aristote, au fond pas si rare dans les commentaires bibliques de l’Aquinate, malgré la pratique intense d’une « exégèse interne » de la part de Thomas (p. 290). Plus de cent soixante citations explicites du Philosophe – énumérées en appendice à la contribution avec indication de provenance (p. 338-346) – sont ainsi prises en examen par J. V., qui procède à leur mise en contexte. Après avoir donné un aperçu quantitatif dans l’introduction, J. V. articule la partie analytique de son essai en quatre étapes. Sont tout d’abord examinés les renvois à Aristote présents dans les commentaires à l’Ancien Testament ; puis les occurrences d’Aristote dans respectivement le commentaire à l’évangile de Jean, à l’épître aux Romains et à la première épître aux Corinthiens ; est enfin passée en revue une sélection de passages tirés d’autres commentaires du Nouveau Testament, où Aristote est allégué comme autorité. Suit une conclusion, où J. V. propose une généralisation des résultats obtenus et arrive à mieux caractériser l’usage que Thomas exégète biblique fait du corpus aristotélicien (p. 337). Pourquoi citer le Philosophe dans une exposition de la Parole sacrée ? C’est parfois pour définir un concept, parfois pour introduire une vérité philosophique qui permet à l’Aquinate de suggérer une interprétation non littérale d’un certain passage. En général, c’est à l’occasion de difficultés de lecture que Thomas se greffe sur Aristote. Dans certains contextes Aristote est convié pour résoudre la contradiction entre deux textes bibliques ; dans d’autres il fournit un argument apte à corroborer le contenu d’un verset ou une thèse théologique majeure. J. V. en déduit que le Philosophe représente une source importante pour Thomas en exégèse. S’il y trouve des similarités substantielles avec la doctrine chrétienne sur certains sujets, il ne pratique pas une intégration acritique de la philosophie aristotélicienne à la foi, ce qui lui permet d’en souligner parfois les différences.
175 Cette considération, qui nous rappelle l’importance de savoir rapprocher des choses semblables pour mieux en comprendre la nature, sans pourtant en oublier les traits spécifiques, voire irréductibles, nous donne l’occasion de souligner avec quel profit tout médiéviste travaillant sur des ouvrages exégétiques pourra aborder la lecture de ce volume collectif, qu’il s’agisse de commentaires de la Bible, d’Aristote ou d’autre. Notre souhait est que des regards croisés sur les pratiques herméneutiques de l’Aquinate, dans le respect des différences que l’objet commenté entraîne, puissent à l’avenir aider à trouver des réponses nouvelles à de grandes questions qui demeurent encore ouvertes. C’est pourquoi nous saluons ce volume, ainsi que le projet de recherche plus ample dans lequel il rentre [73], qui a le grand mérite de rendre accessible à tous les spécialistes un Thomas moins connu, complémentaire et très cohérent avec le Thomas un peu plus connu, tout en suscitant chez le lecteur le sentiment que, surtout une fois limitées les compartimentations, on arrivera à connaître les deux beaucoup mieux.
176 M. B.
177 Liturgie. — Avec deux études inédites, Alain Rauwel [A. R.] réunit dans Rites et société dans l’Occident médiéval des articles publiés depuis 2005, retravaillés pour cette publication [74]. Il indique en introduction les vues qui animent sa recherche en liturgie (p. 11-18). Celle-ci étant devenue l’objet d’une étude profane, elle relève, comme pratique sociale, de la recherche anthropologique. Plutôt qu’à la genèse des sacramentaires, celle-ci regarde aux rites eux-mêmes, à l’intelligence qu’en prend la société chrétienne médiévale ; à l’éclairage enfin que procure la comparaison avec d’autres religions et cultes.
178 Nous indiquons ci-après le contenu sommaire de ces études très remarquables, qui s’articulent autour de trois grands thèmes : les mots et les choses (p. 19-57), les enjeux du rituel (p. 59-95) et le lieu du sacrifice (p. 97-147).
179 L’étude « Comprendre le rite au xiie siècle » ouvre la première section du livre (p. 21-31). A. Ra. y constate que les expositiones missae sont aux rites liturgiques ce que les gloses sont à l’Écriture : les interprétations se cumulent, sans que leur absence de rapport soit un sujet de trouble. On a conscience de tout ce que la liturgie de l’Église emprunte à l’Ancien Testament, cette conscience n’étant pas sans embarras parfois, relativement à la nouvelle Alliance. Aussi bien s’agit-il surtout, selon l’esprit d’Amalaire, de manifester que la messe est une representatio de la passion du Christ, en rapport avec le sacrement de sa présence. Par ailleurs, les auteurs sont assez bien avertis de l’œuvre propre à l’Église en son histoire, et des étapes par où s’est constitué le missel. La glose ingénieuse le cède volontiers à la prière, devant la grandeur du mystère. Ces ouvrages engagent aussi à la conversion des mœurs à l’occasion des diverses cérémonies de la messe. L’autel est ainsi rapporté moins à la Personne du Christ qu’à celle du fidèle, destiné à faire de sa vie un sacrifice. Le public, à l’exclusion des laïcs, est celui des religieux, au-delà des seuls prêtres, puisque l’exercice des diverses fonctions liturgiques est indiqué comme relevant du sacerdoce.
180 Dans « Nomina patrum : les saints du canon de la messe » (p. 33-39), A. Ra. relève la portée ecclésiologique des deux listes de saints invoqués au canon. Les missels francs y ajoutent des saints locaux. Le futur Innocent III tient que cette récitation signale l’Église des saints comme le lieu du véritable sacrifice.
181 La troisième étude du volume est consacrée à certains « aspects de la liturgie pascale dans la Catalogne romane » (p. 41-45). A. Ra. envisage, à travers l’exemple de la liturgie de la Catalogne romane, la manière dont les cérémonies rompent, du jeudi saint au jour de Pâques, avec l’ordonnance ordinaire, pour relever le mystère du sacrifice du Verbe.
182 Dans « Ardeurs et ivresses : les liturgies du vin et du feu » (p. 47-57), A. Ra. montre que l’étude de l’usage du vin et du feu dans la liturgie médiévale dissuade de l’envisager selon la catégorie de la fête. Ces symboles de l’ivresse et de l’ardeur incontrôlée sont singulièrement réglés selon l’exercice social de la vertu de religion. L’espèce du vin est sacralisée, dont la consommation est réservée aux seuls ministres. La liturgie du feu pascal est tardive et finalement, peu développée. Dans les cierges de l’autel, on envisage l’offrande de cire plus que la flamme. Les mentions du feu sont rares dans les textes liturgiques.
183 La section sur les enjeux du rituel est inaugurée par une contribution intitulée « La liturgie comme vecteur de la réforme grégorienne » (p. 61-67). A. Ra. y observe que Bernard Gui ne fait pas cas de l’œuvre liturgique des papes de cette époque. Pourtant, leurs notices les représentent volontiers en liturges, à Rome et dans leurs voyages où, dans un monde encore marqué par le paganisme, leurs bénédictions et consécrations des lieux, étendues en cercles concentriques depuis l’autel de l’église, dédient à la prière des espaces qui sont comme les figures du Royaume. Peu de réformes liturgiques, sinon la préface de la Vierge due à Urbain II ; mais l’introduction du rit romain en Espagne, selon la volonté conjointe du pape et du roi, grâce aux relais monastiques, est de portée considérable : les auteurs ecclésiastiques rapportent l’institution des cérémonies à saint Pierre (plutôt qu’au Christ). La réforme grégorienne ne fait du reste que renouveler le mouvement d’uniformisation liturgique à quoi on avait assisté sous les carolingiens.
184 Comme le met en relief A. Ra. dans « Concurrence des rits et jugement de Dieu : Tolède et Milan vers 1100 » (p. 69-76), en Espagne, le remplacement du rit tolédan par le gallicanum officium, plus conforme au rit romain, est présenté plus tard par les auteurs comme une soumission violente à la lex romana. Un certain Landolfo, clerc de Milan, dénonce les entreprises romanisantes, dans le récit historique qu’il fait d’entreprises semblables conduites par Charlemagne contre l’indépendance de la Lombardie. A. Ra. relève les parallèles entre les situations hispaniques et milanaises, à forte identité, d’autant plus remarquables qu’elles ne sont vraisemblablement pas le fait d’influences mutuelles ; entre des récits où Dieu lui-même, dont on fait appel au jugement, est comme intéressé au maintien des traditions locales ; où l’on dénonce les intrusions des politiques dans les matières d’Église ; où l’on n’ose pas toutefois incriminer directement le pape.
185 Dans « Traités de liturgie et exaltation de la romanité de Bernold de Constance à Innocent III » (p. 77-85), A. Ra. montre que les auteurs relèvent la beauté de la liturgie romaine, comme rejaillissement naturel de la grandeur propre de l’Église de Pierre, qui s’incarne dans son pontife, dont le futur Innocent III exalte la figure. Se généralise au xiie siècle le titre de vicaire du Christ plutôt que vicaire de Pierre, en usage précédemment.
186 Clôture la section consacrée aux enjeux du rituel une contribution intitulée « Eucharistie, ordinations et structuration du sacerdoce » (p. 87-95). Aux temps patristiques et sous le haut Moyen Âge, seuls les évêques étaient considérés comme investis du sacerdoce, qu’ils déléguaient à des prêtres entendus comme ministres du second ordre. Aux temps carolingiens, on relève dans l’eucharistie les avantages qu’en reçoivent les vivants et les morts, ce qui engage à la multiplication de messes sans portée communautaire. En outre, à l’issue de la crise bérangérienne, le pouvoir de « faire le Dieu » devint décisif. L’économie du sacerdoce en fut bouleversée, la consécration épiscopale montrant dans le « ministre du premier ordre » un chef plus qu’un prêtre. L’affirmation des principautés épiscopales fait figure de compensation. Les prières secrètes à la première personne du singulier apparaissent alors pour le célébrant du culte chrétien. La sacramentalité, plus diffuse auparavant, se resserre au seul septénaire dominé par l’eucharistie. « Thomas d’Aquin, en adoptant comme critère de sa discussion de l’ordre épiscopal la différence entre pouvoir sur le corps mystique et pouvoir sur le corps eucharistique, montre qu’il a parfaitement saisi les enjeux des déplacements qu’il enregistre » (p. 95).
187 Suivent six contributions au sujet du lieu du sacrifice. Dans la première, « L’autel chrétien médiéval, entre archéologie et histoire » (p. 99-107), A. Ra. envisage diverses manifestations de la piété médiévale envers l’autel, considéré depuis l’antiquité comme une représentation du corps du Christ. Pour la société, il est un lieu de mémoire : on y fait figurer les noms des morts, et l’endroit où se prennent les engagements décisifs.
188 Dans l’étude suivante, « L’orientation des autels : un problème mal posé ? » (p. 109-114), A. Ra. remarque que les querelles liturgiques actuelles entre versus populum et versus orientem n’ont guère de sens : « la théologie de la célébration des Pères, des moines, des maîtres scolastiques n’est jamais centrée sur les fidèles » (p. 112). Si les témoignages écrits d’une célébration versus orientem sont rares, c’est qu’on n’éprouve pas le besoin de commenter une évidence, quand la liturgie célèbre le Christ comme Sol oriens. « Ce n’est pas à ceux qui y voient une structure fondamentale d’apporter leurs preuves, mais à leurs adversaires d’étayer leurs dires. Pour l’heure, le moins qu’on puisse dire est qu’on n’a rien lu de convaincant… » (p. 114).
189 Les analyses lubaciennes sont rappelées par A. Ra. au début de « Théologie de l’eucharistie et valorisation de l’autel à l’âge roman » (p. 115-120) : les Pères tenaient l’Église pour le corpus uerum du Christ, et l’eucharistie pour son corpus mysticum, glorieux et échappant aux vicissitudes. Mais l’âge roman hérite sur ce point d’Amalaire, pour qui la messe réitère la Passion. Le Corps eucharistique est ainsi historicisé, de sorte qu’il cesse d’être compris comme un corps seulement mystique. Ainsi faut-il comprendre le bérangérisme comme une réaction à ce changement qui se manifeste à l’époque, et porte à valoriser l’autel. Celui-ci devient en outre la figure de l’Église, et la « pierre de touche » de la chrétienté, dont sont exclus les infidèles. Il ne semble pas toutefois que cette valorisation théologique de l’autel se soit traduite de manière évidente dans l’espace.
190 Dans « La liturgie cathédrale au miroir des commentaires liturgiques du xiie siècle », A. Ra. se réfère à deux auteurs (p. 121-130) : Honorius Augustodunensis et à sa Gemma animae, ainsi qu’au De sacramentis ecclesiae de Brunon de Segni. Le premier manifeste la structure intérieure de la cathédrale comme fortement symbolique ; dans la cité, terme des processions parties des autres lieux de culte (paroisses, communautés religieuses), elle figure le Royaume, en même temps qu’elle renouvelle le Temple de Jérusalem. Brunon est quant à lui à l’origine de « la métonymie entre contenant et contenu, église et Église, qui règle en Occident la compréhension territorialisée de la communauté chrétienne » (p. 129).
191 La contribution suivante porte sur « [l]e lieu cultuel dans la synthèse liturgique de Guillaume Durand de Mende » (p. 131-139). Selon A. Ra., le symbolisme liturgique que déploie le Rational n’a rien de ritualiste. L’autel y figure le cœur de chaque chrétien. Ainsi « le drame de la Rédemption [est] à la fois objectivé dans les sacrements et subjectivé dans la dévotion, deux réalités que Durand, pasteur autant que théologien, n’entend aucunement séparer » (p. 139).
192 A. Ra. propose, en un chapitre conclusif appelé « ouverture », une étude monographique (p. 141-147) : « Un liturgiste des Lumières : le chanoine Bocquillot (1649-1728) », auteur d’un Traité historique de la liturgie sacrée. Fille du jansénisme, l’ecclésiologie qu’engage ce mouvement se traduit par le souci de régler le culte de manière à donner à tous l’intelligence des mystères célébrés, dans la pensée que « les églises cathédrales et collégiales où le peuple s’assemble appartiennent conjointement au clergé et aux fidèles » (p. 146).
193 J. Ch. N.
194 Commission léonine
195 43ter, rue de la Glacière
196 F-75013 Paris
197 editio@commissio-leonina.org
Notes
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[1]
Questo contributo è stato elaborato nell’ambito del progetto di ricerca « The Reception of Vernacular Midwifery Handbooks in Renaissance Italy », Andrew W Mellon Fellowship, Villa I Tatti, The Harvard University Center for Italian Renaissance Studies, 2017-2018.
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[2]
Roberti Grosseteste Versio Caelestis Hierarchiae Pseudo-Dionysii Areopagitae cum scholiis ex Graeco sumptis necnon commentariis notulisque eiusdem Lincolniensis, éd. Declan Anthony Lawell, James McEvoy, James Stanley McQuade, Turnhout, Brepols (coll. « Corpus Christianorum Continuatio Medieualis » 268), 2015 ; 15,5 x 25, xlii + 330 p., 210 €. ISBN : 978-2-503-55593-5.
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[3]
Ptolemy’s Tetrabiblos in the Translation of William of Moerbeke. Claudii Ptolemaei Liber Iudicialium, edited by Gudrun Vuillemin-Diem and Carlos Steel, with the assistance of Pieter De Leemans, Leuven, Leuven University Press (coll. « Ancient and Medieval Philosophy. De Wulf-Mansion Centre, Series I » 19), 2015 ; 16,5 × 24,5, x + 443 p., 107 €. ISBN : 978-90-5867-962-8.
-
[4]
L’attribution à Guillaume de Moerbeke avait été déjà suggérée par Fernand Bossier et Luc Anthonis, qui avaient entamé le travail d’édition (p. 2).
-
[5]
Cf. Simplicius, In De caelo II, 11, ad 291b 17 (éd. J. L. Heiberg, Berlin, Reimer [coll. « Commentaria in Aristotelem Graeca », vol. VII], 1894, p. 479, 1-480, 23).
-
[6]
Mes recherches récentes ont pu établir que la tradition de la Sent. lib. De caelo de Thomas d’Aquin se divise en deux branches, la première, que j’appelle Φ, comptant trente-trois manuscrits, parmi lesquels se trouvent les manuscrits à pièces, la seconde, que j’appelle Ψ, comptant deux témoins du xve s., qui remontent cependant à un modèle commun plus ancien (je ne prends pas ici en compte les fragments mineurs et les abrégés) ; je n’ai pu, pour le moment, établir si la branche Φ dérive entièrement de l’exemplar universitaire ou bien si la tradition universitaire n’est qu’une partie de la branche Φ. Quoi qu’il en soit, pour le passage en question, j’ai vérifié les deux manuscrits de la branche Ψ, qui ont tous les deux sinchaseos (Vaticano, BAV Urb. lat. 217, f. 325vb : le manuscrit A de la « vieille » Léonine ; Firenze, Bibl. Med. Laur. Fiesolano 104, f. 17 7va-vb, inconnu de la « vieille » Léonine) ; les neuf manuscrits que j’ai vérifiés pour la branche Φ ont majoritairement sinthaseo, avec de menues variantes graphiques (témoins portant des indications de pièces : Firenze, Bibl. Med. S. Croce Plut. XXIX dext. 12, f. 31ra, sinthaseo ; Paris, BnF lat. 16144, f. 74rb, sincheseo ; 16154, f. 116vb, sintheseo, légèrement douteux ; Troyes, Bibl. mun. 1063, f. 265va, sinthaseo ; manuscrits qui ne portent pas d’indications de pièces : Oxford, Balliol College 287, f. 228rb, sinthaseo ; Paris, BnF lat. 6525, tardif, synthaseo ; Vaticano, BAV Vat. lat. 770, f. 41ra, sinthaseo ; Borgh. 114, f. 99vb, sinthaseo ; Urb. lat. 24, f. 99rb, sinthaseo).
-
[7]
. C’est cette même traduction que Thomas avait citée dans le Super Boetium De Trinitate : voir, par exemple, q. 5, a. 1, s.c. 3 (éd. Léon., t. 50, p. 137, 91-92) ; q. 6, a. 1, s.c. 1 (p. 158, 70-75) ; ibid., resp. (p. 161, 278-287).
-
[8]
Claudius Ptolomaeus, Syntaxis mathematica, Pars I, Leipzig, Teubner (coll. « Claudii Ptolemaei opera quae exstant omnia » 1), 1898.
-
[9]
Il me semble que, dans un bon nombre de cas, les citations de Ptolémée dans la Sent. lib. De caelo sont faites à partir de la traduction latine de Simplicius ; voir, par exemple, Sent. lib. De caelo I, 2 (éd. Léon., t. 3, p. 7a) : « probare demonstrative esse solum tres dimensiones, pertinet ad mathematicum : sicut Ptolomaeus probat per hoc quod impossibile est coniungi simul lineas perpendiculares plures quam tres super idem punctum » ; voir Simplicius, In de caelo I, 1 (éd. Bossier, Leuven, Leuven University Press [coll. « Corpus Latinum Commentariorum in Aristotelem Graecorum » VIII, 1], 2004, p. 12, 83-92) ; ou encore, Thomas d’Aq., Sent. lib. De caelo I, 3 (éd. Léon., t. 3, p. 11a) : « nam, secundum Ptolomaeum, motus planetarum est in excentricis et epicyclis ; qui quidem motus non sunt circa medium mundi, quod est centrum terrae, sed circa quaedam alia centra » ; voir Simplicius, In de caelo I, 2 (éd. Bossier, p. 43-45).
-
[10]
Radulphus Brito, Quaestiones super Priora Analytica Aristotelis, edited by Gordon A. Wilson, Leuven, Leuven University Press (coll. « Ancient and Medieval Philosophy. Series 1 » 54), 2016 ; 16 × 24, lxviii + 616 p., 120 €. ISBN : 978-94-6270-086-4.
-
[11]
Du point de vue de la critique textuelle, le texte présente des analogies importantes avec le commentaire de l’Éthique à Nicomaque du même auteur : voir notre édition, Le Questiones di Radulfo Brito sull’Etica Nicomachea, Turnhout, Brepols (coll. « Studia Artistarum. Études sur la faculté des arts dans les universités médiévales » 17), 2008.
-
[12]
Voir « Appendix I », p. 581-583.
-
[13]
Voir p. 200-208. Signalons que la q. 30 n’est pas omise par la redactio parisiensis, malgré la présence de la question interpolée.
-
[14]
Les deux questions sont éditées l’une à la suite de l’autre, p. 60-65, 66-71. Il aurait été peut-être préférable de donner en appendice le texte de la question 10 de la redactio parisiensis.
-
[15]
Voir « Appendix I », p. 583-585.
-
[16]
Voir « Appendix II », p. 589-591.
-
[17]
Voir ibid., p. 591-592.
-
[18]
Voir ibid., p. 593-594.
-
[19]
L’hypothèse de notes marginales ou celle, évoquée par G. W., de feuillets ajoutés après coup semblent les plus vraisemblables.
-
[20]
Dragos Calma (éd.), Neoplatonism in the Middle Ages, 2 vol., Turnhout, Brepols (coll. « Studia Artistarum » 42), 2016 ; 15, 5 x 23, 5, 980 p., 100 €. ISBN : 978-2-503-55474-7.
-
[21]
Vol. I : New Commentaries on Liber de causis (1250-1350 ca.), coll. « Studia Artistarum » 42-1, 562 p. ISBN : 978-2-503-56701-3. Sommaire : D. Calma, « Acknow-ledgements », 9-10. — [1] Id., « The Exegetical Tradition of Medieval Neoplatonism. Considerations on a Recently Discovered Corpus of Texts », 11-52. — [2] Mihai Maga, « Remarques sur le commentaire au Liber de causis attribué à Pierre d’Auvergne », 53-135. — [3] Alexandra Baneu, D. Calma, « The Glose super Librum de causis and the Exegetical Tradition », 137-152. — [4] A. Baneu, D. Calma, « Le commentaire sur le Liber de causis de Jean de Mallinges », 153-286. — [5] Iacopo Costa, Marta Borgo, « The Questions of Radulphus Brito (?) on the Liber de causis, 287-357. — [6] Iulia Székely , D. Calma, « Le commentaire d’un maître parisien conservé à Erfurt », 359-465. — [7] Delphine Carron, « A Theological Reading of the Liber de causis at the Turn of the Fourteenth Century : The Example of William of Leus », 467-549. — « Index of Manuscripts », 553-554. — « Index of Names (before 1800) », 555-558. — « Index of Names (after 1800) », 559-562.
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[22]
Ces commentaires ont été découverts par D. C. et l’équipe de recherche qu’il a dirigée entre 2011 et 2016 à l’université Babeş-Bolyai de Cluj-Napoca, en Roumanie, dans le cadre d’un projet financé par le Centre national de la recherche roumain.
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[23]
Vol. II : New Commentaries on Liber de causis and Elementatio theologica (ca. 1350-1500), coll. « Studia Artistarum » 42-2, 418 p. ISBN : 978-2-503-56700-6. Som-maire : [1] D. Calma, « A Medieval Companion to Aristotle : John Krosbein’s Paraphrase on Liber de causis », 11-97. — [2] Fiorella Retucci, « Sententia Procli alti philosophi. Notes on an Anonymous Commentary on Proclus’ Elementatio theologica », 99-179. — [3] D. Calma, I. Székely, « Cause and Causality in Henry of Geismar’s Questio de quolibet », 181-223. — [4] Mario Meliadò, « Le Questiones super Librum de causis attribuite a Johannes Wenck. Concezione, fonti e tradizione manoscritta del commento », 225-270. — [5] Alexander Baumgarten, « Theologia philosophorum parcialis. Un commentaire sur le Liber de causis », 271-336. — [6] Laure Miolo, Liber de causis in libraria. Pour une mise en perspective du Liber de causis dans la bibliothèque du collège de Sorbonne », 337-400. — « Index of Manuscripts », 403-405. – « Index of names (before 1800) », 407-411. — « Index of names (after 1800) », 413-417.
-
[24]
Joseph Koch, Durandus de S. Porciano O.P. Forschungen zum Streit um Thomas von Aquin zu Beginn des 14. Jahrhunderts. Erster Teil : Literaturgeschichtliche Grundlegung, Münster, Aschendorff (coll. « Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters » 26), 1927. Les deux volumes Kleine Schriften, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura (coll. « Storia e Letteratura. Raccolta di Studi e Testi » 127-128), 1973, contiennent les autres travaux concernant Durand, son conflit avec l’ordre et la réception de sa pensée ; en particulier on y trouve une importante biographie : « Die Magister-Jahre des Durandus de S. Porciano o. p. und der Konflikt mit seinem Orden », ibid., vol. II, p. 7-118.
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[25]
On trouvera plus d’informations sur ce projet au lien suivant : durandus.phil-fak.uni-koeln.de.
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[26]
Durandi de Sancto Porciano ord. Praed. et Meldensis Episcopi, In Petri Lombardi Sententias Theologicas Commentariorum libri IIII, Nunc demum, post omnes omnium editiones, acuratissime recogniti et emendati, Venetiis MDLXXI, Ex Typographia Guerraea ; reproduction photomécanique : Ridgewood (New Jersey), Gregg Press, 1964. Il existe plusieurs autres éditions antérieures dont l’editio princeps : Expectatissime et suo merito laudatissime in quattuor sententiarum libros questionum plurimarum resolutiones et exactissime decisiones ... magistri Durandi de Sancto Portiano, ... meldensis ecclesie episcopi ... a magistro Jacobo Merlino recognite. Venumdantur ab Joanne Parvo, cujus impendio et cura ab Ascensio impresse sunt, Parisiis, in vico Divi Jacobi, sub Leone argenteo, 1508. Ces indications ne se trouvent pas dans les volumes de la nouvelle édition de Cologne. Il aurait été opportun d’ajouter dans les listes bibliographiques un relevé complet de toutes les éditions antérieures du commentaire. Je voudrais ajouter que dans l’apparat des sources des deux volumes de Nicolai Medensis (Durandelli) Evidentiae contra Durandum, éd. Prospero T. Stella, Tübingen – Bâle, Francke (coll. « Corpus Philosophorum Medii Aevi » 3), 2003, l’éditeur a transcrit, à partir de certains manuscrits, un nombre très important de textes de la première rédaction du Commentaire de Durand, à savoir tous les passages auxquels l’auteur se réfère dans son impugnatio. Avant l’édition de Cologne ces notes furent une intéressante source d’informations sur la première rédaction.
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[27]
Sur l’évolution du projet colonais voir Thomas Jeschke, Fiorella Retucci, Guy Guldentops, Andreas Speer, « Durandus von St. Pourçain und sein Sentenzenkommentar. Eine kritische Edition der A- und B-Redaktion », Bulletin de Philosophie médiévale 51 (2009), p. 113-143.
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[28]
Dvrandi de Sancto Porciano Scriptum super IV libros Sententiarum, Buch II, Dist. 1-5, éd. F. Retucci, Leuven-Paris-Walpole (MA), Peeters (coll. « Recherches de Théologie et Philosophie médiévales. Bibliotheca » 10.2.1), 2012 ; 15, 5 x 24, 116* + 250 p., 69 €. ISBN : 978-90-429-2633-2.
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[29]
Id., Scriptum super IV libros Sententiarum, Buch II, Dist. 22-38, éd. F. Retucci, Massimo Perrone, Leuven-Paris-Walpole (MA), Peeters (coll. « Recherches de Théologie et Philosophie médiévales. Bibliotheca » 10.2.3), 2013 ; 15, 5 x 24, 120* + 308 p., 79 €. ISBN : 978-90-429-2679-0.
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[30]
Id., Scriptum super IV libros Sententiarum, Buch II, Dist. 39-44, éd. M. Perrone, Leuven-Paris-Walpole (MA), Peeters (coll. « Recherches de Théologie et Philosophie médiévales. Bibliotheca » 10.2.4), 2014; 15, 5 x 24, 96* + 178 p., 78 €. ISBN : 978-90-429-3129-9.
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[31]
A. Speer, « The Durandus Project at the Thomas-Institut », dans A. Speer, F. Retucci, T. Jeschke, G. Guldentops (éd.), Durand of Saint-Pourçain and His Sentences Commentary. Historical, Philosophical, and Theological Issues, Leuven-Paris-Walpole (MA), Peeters (coll. « Recherches de Théologie et Philosophie médiévales. Bibliotheca » 9), 2014, p. 57-70 : 63-64. Pour plus de détails sur les contenus de ce volume, voir ci-dessous, p. 672-673, avec la n. 36.
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[32]
Dvrandi de Sancto Porciano Scriptum super IV libros Sententiarum, Buch IV, Dist. 1-7, éd. G. Guldentops, Gianfranco Pellegrino, Leuven-Paris-Walpole (MA), Peeters (coll. « Recherches de Théologie et Philosophie médiévales. Bibliotheca » 10.4.1.1), 2014 ; 15, 5 x 24, 54* + 220 p., 75 €. ISBN : 978-90-429-2677-6.
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[33]
Id., Scriptum super IV libros Sententiarum, Buch IV, Dist. 43-50, éd. T. Jeschke, Leuven-Paris-Walpole (MA), Peeters (coll. « Recherches de Théologie et Philosophie médiévales. Bibliotheca » 10.4.4), 2012 ; 15, 5 x 24, 132* + 460 p., 79 €. ISBN : 978-90-429-2678-3.
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[34]
Voir Benedictus Maria Reichert (éd.), Acta capitulorum generalium, vol. II : ab anno 1304 usque ad annum 1378, Romae, Ex Typographia polyglotta s. c. de propaganda fide (coll. « Monumenta ordinis fratrum praedicatorum historica » 4), 1899, p. 38, 23-25 : « Volumus et districte iniungimus lectoribus et sublectoribus universis, quod legant et determinent secundum doctrinam et opera venerabilis doctoris fratris Thome de Aquino. »
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[35]
Il existe deux listes d’erreurs de Durand établies par des commissions de l’ordre : une première de 1314 contenant quatre-vingt-treize erreurs et une deuxième de 1317, avec deux cent trente-cinq erreurs. Les deux listes ont été éditées par J. Koch, « Die Magister-Jahre... », art. cit., p. 52-118. Pour l’ensemble de la controverse entre Durand et l’ordre et sur sa signification, voir Isabel Iribarren, Durandus of St. Pourçain. A Dominican Theologian in the Shadow of Aquinas, Oxford, Oxford University Press (coll. « Oxford Theology and Religion Monographs »), 2005.
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[36]
On signale la parution d’un sixième volume, dont on n’a pourtant pas pu tenir compte dans cette notice : Dvrandi de Sancto Porciano Scriptum super IV libros Sententiarum, Buch I, Dist. 4-17, éd. M. Perrone, F. Retucci, Leuven-Paris-Walpole (MA), Peeters (coll. « Recherches de Théologie et Philosophie médiévales. Bibliotheca » 10.1.2), 2017 ; 15, 5 x 24, 92* + 277 p., 94 €. ISBN : 978-90-429-3444-3.
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[37]
A. Speer, F. Retucci, T. Jeschke, G. Guldentops (éd.), Durand of Saint-Pourçain and His Sentences Commentary, op. cit. ; 16 x 24, iv + 436 p., 87 €. ISBN : 978-90-429-3136-7. Sommaire : « Preface », 3-9. — « List of Contributors », 11-12. — I. Context : [1] William J. Courtenay, « Durand in His Educational and Intellectual Context », 13-34. — [2] I. Iribarren, « Durand after the Censures. Theology as a Vocation », 35-56. — II. Commentary : [3] A. Speer, « The Durandus Project at the Thomas-Institut : The Status Quaestionis », 57-70. — [4] F. Retucci, « Selected Problems in Books I-II of Durand’s Sentences Commentary », 71-96. — [5] T. Jeschke, « The Manuscript Tradition of Book IV of Durand’s Sentences Commentary », 97-118. — [6] William Duba, « Rebuilding the Stemma : Understanding the Manuscript Tradition of Francis of Marchia’s Commentaries on Book II of the Sentences », 119-170. — III. Doctrine : [7] Stephen F. Brown, « The Early Durand of Saint-Pourçain on the Scientific Character of Theology », 171-184. — [8] Jean-Luc Solère, « Sine Qua Non Causality and the Context of Durand’s Early Theory of Cognition », 185-228. — [9] Peter Hartman, « Causation and Cognition : Durand of Saint-Pourçain and Godfrey of Fontaines on the Cause of a Cognitive Act », 229-256. — [10] G. Guldentops, « God’s Knowledge of Evil. Durand’s ‘Thomistic’ View and Its Influence », 257-294. — IV. Influence : [11] Monica Brînzei, Russell L. Friedman, and Chris Schabel « The Late-Medieval Reception of Durand’s Sentences Commentary, with Two Case Studies : Peter Auriol (†1322) and Nicholas of Dinkelsbühl (†1433) », 295-342. — [12] Sven K. Knebel, « Durandus, Quirós, Consciousness », 343-384. — [13] Giuliano Gasparri, « Notes on the Legacy of Durand in the Early Modern Era », 385-422. — « Index of Names », 423-434. — « Index of Manuscripts », 435-436.
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[38]
Dvrandus de Sancto Porciano, Scriptum, IV, d. 7, q. 3 (éd. cit., p. 208, 244-245).
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[39]
Iohannis Duns Scoti Collationes Oxonienses, a cura di G. Alliney e M. Fedeli, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo (coll. « Unione Accademica Nazionale. Corpus Philosophorum Medii Aevi. Testi e studi » 24), 2016 ; 17,5 x 24,5, clxxxiv + 317 p., 72 €. ISBN : 978-88-8450-737-2.
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[40]
Franz Pelster, « Handschriftliches zur Überlieferung des Quaestiones super libros Metaphysicorum und der Collationes des Duns Scotus. 2. Die Collationes Parisienses und Oxonienses », Philosophisches Jahrbuch 44 (1931), p. 79-92.
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[41]
Palémon Glorieux, « L’enseignement au Moyen Âge. Techniques et méthodes en usage à la Faculté de Théologie de Paris au xiiie siècle », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 35 (1968), p. 65-186, surtout p. 122.
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[42]
Jacqueline Hamesse, « Collatio et reportatio : deux vocables spécifiques de la vie intellectuelle au Moyen Âge », dans Olga Weijers (éd.), Terminologie de la vie intellectuelle au Moyen Âge, Turnhout, Brepols (coll. « Civicima » 1), 1988, p. 78-87, spéc. p. 78-83 ; O. Weijers, « Le vocabulaire du Collège de Sorbonne », dans Ead., Vocabulaire des collèges universitaires (xiiie-xvie siècles). Actes du Colloque, Leuven 9-11 avril 1992, Turnhout, Brepols (coll. « Civicima » 6), 1993, p. 9-25, spéc. p. 18-19.
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[43]
Serge Lusignan, « L’enseignement des arts dans les collèges parisiens au Moyen Âge », dans O. Weijers, Louis Holtz (éd.), L’Enseignement des disciplines à la Faculté des Arts (Paris et Oxford, xiiie-xve siècles). Actes du Colloque International, Turnhout, Brepols (coll. « Studia Artistarum » 4), 1997, p. 43-54, spéc. p. 47 ; Bert Roest, A History of Franciscan Education (c. 1210-1517), Leiden-Boston-Köln, Brill (coll. « Education and Society in the Middle Ages and Renaissance » 11), 2000, p. 133 ; Marian Michèle Mulchahey, « First the Bow is Bent in Study ». Dominican Education Before 1350, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies (coll. « Studies and Texts » 132), 1998.
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[44]
Ioannes Duns Scotus, Ordinatio, I, dist. 2, p. 2, qq. 1-4, n. 303, adn. a, studio et cura Commissionis Scotisticae, Civitas Vaticana, Typis Polyglottis Vaticanis (coll. « Doctoris Subtilis et Mariani Ioannis Duns Scoti Fratrum Minorum Opera Omnia » 2), 1950, p. 309, 5-24, spéc. ligne 11.
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[45]
Dominique Demange, Jean Duns Scot. La théorie du savoir, Paris, Vrin (coll. « Sic et non »), 2007, p. 179.
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[46]
G. Alliney, « The Treatise on the Human Will in the Collationes Oxonienses Attributed to John Duns Scotus », Medioevo 30 (2005), p. 206-269 ; Id., « Le Collationes Oxonienses sulla volontà. Analisi degli influssi dottrinali in un apocrifo scotiano », dans G. Alliney, M. Fedeli, A. Pertosa (éd.), Contingenza e libertà. Teorie francescane del primo Trecento, Macerata, EUM (coll. « eum x filosofia »), 2012, p. 19-44 ; Id., « Scoto contro Scoto sull’argomento Principium eodem modo se habens uniformiter agit », Franciscan Studies 72 (2014), p. 225-257.
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[47]
Mark G. Henninger, Relations. Medieval Theories 1250-1325, Oxford, Clarendon Press, 1989, p. 108-109.
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[48]
Stephen D. Dumont, « William of Ware, Richard of Conington and the Collationes Oxonienses of John Duns Scotus », dans Ludger Honnefelder, Rega Wood, Mechthild Dreyer (éd.), Johns Duns Scotus. Metaphysics and Ethics, Leiden-New York-Köln, Brill (coll. « Studien und Texte zur Geistesgeschichte des Mittelalters » 53), 1996, p. 59-85.
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[49]
Richard Cross, « Scotus’s Collatio oxoniensis 17 and the Ontological Status of impossibilia », Recherches de théologie et philosophie médiévales 84 (2017), p. 383-406 (version définitive modifiée après la parution de l’édition par G. A. et M. F.).
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[50]
Je voudrais remercier Jacopo Francesco Falà d’avoir attiré mon attention sur ce passage.
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[51]
Anna Rodolfi, « Cognitio obumbrata ». Lo statuto epistemologico della profezia nel secolo XIII, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo (coll. « Micrologus’ Library » 74), 2016 ; 14 x 21, vii + 216 p., 40 €. ISBN : 978-88-8450-6896-4.
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[52]
. Jean-Pierre Torrell, Initiation à saint Thomas d’Aquin. Sa personne et son œuvre, nouvelle édition profondément remaniée et enrichie d’une bibliographie mise à jour, Paris, Éditions du Cerf, 2015 ; 15, 5 x 24, 574 p., 34 €. ISBN : 978-2-204-10553-8. Comme dans les éditions précédentes, le livre comprend, après le texte principal, une série d’annexes très utiles pour s’orienter non moins dans le volume lui-même que dans le corpus thomiste qui en fait l’objet. On y trouve tout d’abord une « chronologie sommaire » (p. 421-424), dont les critères de compilation et rédaction sont bien explicités en ouverture ; suit une « table des écrits de saint Thomas » (p. 425-427), opportunément anticipée par rapport à l’édition précédente, qui sert de pont entre le texte principal et le « catalogue des œuvres de saint Thomas » qui suit (p. 429-486). Ce dernier, établi une première fois par Gilles Émery, est mis à jour dans cette nouvelle édition par les soins de J. P. T. Il en va de même pour la bibliographie (p. 487-547), qui reprend les titres des ouvrages, contributions et articles cités au cours du livre. Pour les éditions et les traductions, il faudra se référer par contre au catalogue des œuvres qu’on vient de mentionner. Le volume se clôt par un index des noms de personnes (p. 549-566) et une table des matières détaillée (p. 567-570).
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[53]
Id., Initiation à saint Thomas d’Aquin. Sa personne et son œuvre, Fribourg (Suisse)-Paris, Éditions universitaires de Fribourg-Cerf (coll. « Vestigia. Pensée antique et médiévale. Initiation » 13), 1993 ; deuxième édition revue et augmentée d’une mise à jour critique et bibliographique, 2002. J. P. T. tient à préciser qu’une supposée troisième édition qui a récemment circulé n’est en effet qu’une réimpression de la deuxième édition, « faussement rebaptisée à l’insu de l’auteur » (p. 16, n. 18).
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[54]
Adriano Oliva, Les débuts de l’enseignement de Thomas d’Aquin et la conception de la sacra doctrina, Paris, Vrin (coll. « Bibliothèque thomiste » 58), 2006.
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[55]
Pour une mise en contexte de cette discussion, voir M. Borgo, « Littérature sententiaire », dans « Bulletin d’histoire des doctrines médiévales », Rev. Sc. ph. th. 96 (2012), p. 768-773, spéc. p. 771-773.
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[56]
Pasquale Porro, Tommaso d’Aquino. Un profilo storico-filosofico, Roma, Carocci (coll. « Frecce » 136), 2012.
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[57]
Id., Thomas Aquinas. A Historical and Philosophical Profile, Washington D. C., The Catholique University of America Press, 2016 ; 23,5 x 16, xiii + 458 p., 65 $. ISBN : 9780813228051. Une traduction française, par les soins de Stéphanie Vermot-Petit-Outhenin, paraîtra bientôt dans la collection « Philosophie » aux Presses de l’université Paris-Sorbonne.
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[58]
Si l’on regarde de près en quoi se traduit concrètement la distinction entre ouvrages d’intérêt philosophique et ouvrages éminemment théologiques ou spirituels, on se rendra compte que cette démarcation s’avère plutôt intuitive, surtout si l’on se met dans la perspective du lecteur non-spécialiste contemporain. Si P. P. juge que « les premiers cours sur la Bible n’ont pas d’intérêt philosophique, dans la mesure où ils se focalisent sur l’interprétation littérale du texte » (p. 5) ou que les opuscules en défense des frères mendiants « n’ont pas une valeur strictement philosophique » (p. 59), il n’a pas de difficulté à reconnaître les enjeux ouvertement philosophiques d’œuvres théologiques comme le sont le commentaire au livre de Job, au sujet de la providence, ou à l’évangile de Jean (p. 265), au sujet de l’existence de Dieu et de sa démontrabilité. On peut aisément convenir aussi sur le caractère hybride de la Somme contre les Gentils, qui consiste en une exposition de la foi catholique, comportant pourtant l’engagement de son auteur dans des démarches proprement philosophiques (p. 127-128).
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[59]
La perspective dans laquelle P. P. aborde les textes de Thomas comporte parfois des amplifications de l’importance philosophique de certains ouvrages par rapport à l’interprétation traditionnelle, parfois un rétrécissement. Si par exemple le De ente et essentia et le De principiis naturae, présentés par J. P. T. comme deux œuvrettes de jeunesse, sont introduites par P. P. comme la meilleure des initiations possibles au vocabulaire philosophique de Thomas (p. 6), utile à se repérer même par la suite, le De aeternitate mundi et le De unitate intellectus sont relus par P. P. comme des pièces d’une polémique de portée non seulement philosophique. Voir ci-dessous, p. 695-696.
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[60]
Considérée la nature exégétique de cet ouvrage, il nous semble qu’il faudrait nuancer cette thèse, qui donne trop d’importance à l’ordre de succession, plutôt qu’à d’autres considérations contextuelles.
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[61]
En matière de chronologie, s’il se réfère normalement à J. P. Torrell, P. P. n’y dépend pas de manière acritique, comme le prouvent les cas, relativement nombreux, où il opte pour des solutions différentes. Le fait d’observer Thomas dans une perspective philosophique ne l’empêche aucunement de toucher, quoique de manière ponctuelle, à certaines questions philologiques et codicologiques, qu’il considère essentielles pour situer correctement tel ou tel ouvrage. C’est par exemple le cas de la distinction qu’il rappelle entre enseignement oral et publication des leçons (p. 26-27), de l’attention qu’il porte aux contributions venant à la recherche doctrinale de l’étude des autographes ainsi que des lignes qu’il consacre aux difficultés matérielles posées par l’édition critique du corpus paulinien (p. 188-190).
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[62]
Très incisive, par exemple, est la présentation du chapitre général des dominicains à Valenciennes en 1259 (p. 116-120). P. P. démêle les enjeux politico-académiques, culturels et religieux des décisions prises à cette occasion en matière d’éducation et formation continue des frères dominicains, convaincu que le travail de la commission dont l’Aquinate faisait partie ne visait pas simplement à la réorganisation des études dans l’ordre, notamment à la formulation d’une ratio studiorum, mais plutôt à l’élaboration d’une véritable stratégie éducative, voire culturelle, durable, apte à revigorer et formaliser les propos du fondateur.
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[63]
. Igor Agostini, La Démonstration de l’existence de Dieu. Les conclusions des cinq voies de saint Thomas d’Aquin et la preuve a priori dans le thomisme du xviie siècle, Turnhout, Brepols (coll. « The age of Descartes – Descartes et son temps » 1), 2016 ; 15,6 x 23,4, 704 p., 105 €. ISBN : 978-2-503-56578-1.
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[64]
Carla Casagrande, Gianfranco Fioravanti (éd.), La Filosofia in Italia al tempo di Dante, Bologna, Il Mulino (coll. « Le vie della civiltà »), 2016 ; 13,5 x 21,2, xxi + 291 p., 23 €. ISBN : 978-88-15-2651-66. — Sommaire : « Indice », v-vii. — C. Casagrande, G. Fioravanti, « Prefazione », ix-xxi. — Parte prima. Il ritorno dei filosofi in Italia. Bologna 1295 : I. G. Fioravanti, « Morte e rinascita della filosofia. Da Parigi a Bologna », 11-24. — II. Andrea Tabarroni, « La nascita dello Studio di Medicina e Arti a Bologna », 25-36. — III. Chiara Crisciani, « Medici e filosofia », 37-64. — IV. G. Fioravanti, « I filosofi e la medicina : una progressiva autonomia », 65-75. — V. Ch. Crisciani, G. Fioravanti, « I filosofi e i medici come gruppo : autorappresentazione e autopromozione », 77-90. — VI. G. Fioravanti, « I filosofi e gli altri », 91-122. — VII. G. Fioravanti, « Fare filosofia », 123-161. — Parte seconda. Contesti, temi, figure : VIII. Roberto Lambertini, « Aristotele e la riflessione politica in Italia nel primo Trecento », 165-190. — IX. Sonia Gentili, « La filosofia dal latino al volgare », 191-224. — X. Paolo Falzone, « Il Convivio di Dante », 225-264. — XI. S. Gentili, « Petrarca e la filosofia », 265-280. — « Indice dei nomi », 281-291.
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[65]
Fulvio Delle Donne, « La fondazione dello Studium di Napoli : note sulle circolari del 1224 e del 1234 », Atti della Accademia Pontaniana N. S. 42 (1993), p. 179-197 ; Id., « Per scientiarum haustum et seminarium doctrinarum : edizione e studio dei documenti relativi allo Studium di Napoli in età sveva », Bullettino dell’Istituto storico italiano per il medioevo 111 (2009), p. 101-225, avec l’édition de 32 documents (p. 164-225).
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[66]
Francesco Siri (éd.), Le Pater noster au xiie siècle. Lectures et usages, Turnhout, Brepols (coll. « Biblithèque d’histoire culturelle du Moyen Âge » 15), 2015 ; 15,6 x 23,4, 266 p., 80 €. ISBN : 978-2-503-55346-7. Sommaire : F. Siri, « Avant-propos », 5-6. — Gilbert Dahan, « L’exégèse du “Notre Pèreˮ au xiie siècle. Quelques lignes générales », 7-28. — Alexander Andrée, « Le Pater (Matth. 6,9-13 et Luc 11,2-4) dans l’exégèse de l’école de Laon : la Glossa ordinaria et autres commentaires », 29-74. — Francesco Siri, « En quête d’ordre : Hugues de Saint-Victor commentateur du “Notre Pèreˮ », 75-92. — Valeria De Fraja, « Le don d'un laïc à son fils : le commentaire du Pater de Maione de Bari », 93-111. — Emmanuel Bain, « Pierre le Mangeur et le “Notre Pèreˮ », 113-155. — Marco Rainini, « Symbolic Representations and Diagrams of the Lord’s Prayer in the Twelfth Century », 157-186. — Annie Noblesse-Rocher, « L’explanatio dominicae orationis de Frowin d’Engelberg (xiie s.) », 187-195. — Uwe Brunn, « Les oraisons des hérétiques. De la récitation du Pater noster aux “rituels catharesˮ », 197-234. — Geneviève Hasenohr, Anne-Françoise Labie-Leurquin, « Traductions et commentaires médiévaux du Pater en langue d'oïl : inventaire provisoire », 235-248. — « Index des manuscrits » 251-255. — « Index des auteurs anciens, médiévaux et du xvie siècle », 256-258. — « Index des auteurs modernes », 259-262. — « Table des illustrations », 263. — « Table des matières », 265.
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[67]
Voir par exemple Christopher T. Baglow, Modus et forma : A New Approach to the Exegesis of Saint Thomas with an application to the Lectura super Epistolam ad Ephesios, Roma, Pontificio Istituto Biblico (coll. « Analecta biblica » 149), 2002 ; Michael Dauphinais, Matthew Levering (éd.), Reading Romans with Thomas Aquinas, Washington D. C., Catholic University of America Press, 2012 ; Id., Reading John with St. Thomas Aquinas : Theological Exegesis and Speculative Theology, Washington D. C., The Catholic University of America Press, 2005 ; Thomas G. Weinandy, Daniel Keating, John Yocum (éd.), Aquinas on Scripture. An Introduction to his Biblical Commentaries, Londres-New York, T&T Clark International, 2005.
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[68]
Pour ne citer que les ouvrages qui ont été présentés dans des livraisons précédentes de notre « Bulletin d’histoire des doctrines médiévales », voir : Martin Sabathé, La Trinité rédemptrice dans le Commentaire de l’Évangile de saint Jean par Thomas d’Aquin, Paris, Vrin (coll. « Bibliothèque thomiste » 62), 2011 (avec G. Berceville, « Exégèse biblique », Rev. Sc. ph. th. 98 [2014], p. 790-792) ; Paweł Klimczak, Christus Magister : le Christ Maître dans les commentaires évangéliques de saint Thomas d’Aquin, Academic Press, Fribourg, 2013 (avec G. Berceville, « Exégèse biblique », Rev. Sc. ph. th. 99 [2015], p. 719-723). On mentionnera aussi l’entreprise de traduction intégrale du commentaire de Thomas d’Aquin au corpus paulinien, par Jean-Éric Stroobant de Saint-Eloy. Une présentation d’ensemble de ce projet est disponible ici : www.thomasdaquin-bible.eu/.
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[69]
Piotr Roszak, Jörgen Vijgen (éd.), Reading Sacred Scriptures with Thomas Aquinas. Hermeneutical Tools, Theological Questions and New Perspectives, Turnhout, Brepols (coll. « Fédération internationale des Instituts d’Études médiévales. Textes et études du Moyen Âge » 80) 2015 ; 16,5 x 24, xvi + 601 p., 65 €. ISBN : 978-2-503-56227-8. Sommaire : « Table of Contents », p. v-vi. — P. Roszak, J. Vijgen (éd.), « Towards a ‘Biblical Thomism’ : Introduction », vii-xvi. — Part 1. Hermeneutical Tools : 1. Marco Passarotti, « What You Can Do with Linguistically Annotated Data. From the Index Thomisticus to the Index Thomisticus Treebank », 3 -44 . — 2. Gilbert Dahan, « Thomas Aquinas : Exegesis and Hermeneutics », 45-70. — 3. Elisabeth Reinhardt, « Thomas Aquinas as Interpreter of Scripture in the Light of his Inauguration Lectures », 71-90. — 4. Jeremy Holmes, « Participation and the Meaning of Scripture », 91-113. — 5. P. Roszak, « The Place and Function of Biblical Citations in Thomas Aquinas’s Exegesis », 115-139. — 6. Mauricio R. Narváez, « Intention, probabiles rationes and Truth : The Exegetical Practice in Thomas Aquinas. The Case of Expositio super Iob ad litteram », 141-169. — 7. Margherita Maria Rossi, « Mind-space. Towards an “Environ-mental Method” in the Exegesis of the Middle Ages », 171-198. — 8. Olivier-Thomas Venard, « Metaphor in Aquinas : Between Necessitas and Delectatio », 199-228. — 9. Timothy F. Bellamah, « The Interpretation of a Contemplative. Thomas’ Commentary Super Iohannem », 229-255. — 10. Leo Elders, « The Presence of the Church Fathers in Aquinas’ Commentaries on the Gospel of Matthew and the Gospel of John », 257-285. — 11. J. Vijgen, « Aristotle in Aquinas’s Biblical Commentaries », 287-346. — Part 2. Theological Questions and New Perspectives : 12. Matthew Levering, « Supplementing Pinckaers : the Old Testament in Aquinas’s Ethics », 349-373. — 13. Enrique Martínez, « The Elevation of Human Knowledge According to the Biblical Commentaries of St. Thomas Aquinas », 375-413. — 14. Robert J. Woźniak, « An Emerging Theology Between Scripture and Metaphysics : Bonaventure, Aquinas and the Scriptural Foundation of Medieval Theology », 415-434. — 15. Mirosław Mróz, « Virtue Epistemology and Aquinas’s Biblical Commentary to the Corpus Paulinum », 435-456. — 16. Lluís Clavell, « Philosophy and Sacred Text : A Mutual Hermeneutical Help. The Case of Exodus 3, 14 », 457-480. — 17. Matthew J. Ramage, « In the Beginning : reading Genesis with Thomas Aquinas & Benedict XVI », 481-505. — 18. Daniel A. Keating, « Exegesis and Christology in Thomas Aquinas », 507-530. — 19. Christopher T. Baglow, « The Principle(s) of Ecclesial Nature. The Church in the Ephesians Commentary of St. Thomas Aquinas », 531-554. — « Bibliography », 555-590. — « Indices », 591-601.
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[70]
Au cours du volume, on parle à plusieurs reprises de Thomas « bachelier biblique ». On prendra cette formule avec prudence, étant donné qu’on ne peut pas être sûr que Thomas ait jamais eu ce titre. Voir J.-P. Torrell, Initiation, op. cit., p. 54, 84 ; Olga Weijers, Terminologie des universités au xiiie siècle, Roma, Edizioni dell’Ateneo (coll. « Lessico intellettuale europeo » 39), 1987, p. 175-176, 329-331.
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[71]
Sur cet aspect voir Matthew Levering, Paul in the Summa Theologiae, Washington (D. C.), Catholic University of America Press, 2014 ; Wilhelmus G. B. M. Valkenberg, Words of the Living God. Place and Function of Holy Scripture in the Theology of Saint Thomas Aquinas, Leuven, Peeters (coll. « Thomas Institute Utrecht » 6), 2000.
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[72]
L’argument, très convaincant, de G. D. se fonde sur un bon nombre de passages de l’Aquinate. Parmi d’autres ouvrages, il cite aussi le commentaire aux Lamentationes, dont l’attribution à Thomas est pourtant incertaine. Voir dans ce même volume, p. 237, n. 28.
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[73]
Ce livre est en partie issu d’une conférence sur l’exégèse biblique de Thomas et sa pertinence aujourd’hui, qui a eu lieu en Pologne, à la faculté de théologie de l’université Nicolaus Copernicus de Torún, en avril 2015. On trouvera plus d’informations sur le projet « Biblical Thomism » dont cette publication constitue un intéressant résultat à l’adresse suivante : http://biblicalthomism.umk.pl.
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[74]
Alain Rauwel, Rites et société dans l’Occident médiéval, Paris, Picard (coll. « Les médiévistes français… et d’ailleurs » 13), 2016 ; 16 x 24, 152 p., 30 €. ISBN : 978-2-7084-1013-8.