Notes
-
[1]
Déjà condamnés au cours de celle-ci, le philosophe Édouard le Roy et le théologien Lucien Laberthonnière ont été de nouveau sanctionnés, en 1931 pour le premier, en 1937 et 1941 pour des écrits posthumes du second.
-
[2]
On peut y joindre la thèse de l’abbé Marc Oraison, Vie chrétienne et problèmes de la sexualité, décret du 18 mars 1953 publié seulement en janvier 1955 (Agnès Desmazières, « La psychanalyse entre médiatisation et censure. La morale sexuelle de Marc Oraison en procès, 1955-1966 », Archives de sciences sociales des religions [juillet-décembre 2013], p. 123-131). Sur toutes ces péripéties, Étienne Fouilloux, Une Église en quête de liberté. La pensée catholique française entre modernisme et Vatican II, 1914-1962, Paris, Desclée de Brouwer, 2006 (2e édition) ; et « Affaires françaises, archives romaines. Les dossiers du Saint-Office (1920-1938) », Revue suisse d’histoire religieuse et culturelle 107 (2013), p. 193-204.
-
[3]
Le Saulchoir. Una scuola di teologia, Introduzione di Giuseppe Alberigo, Casale Monferrato, Marietti, 1982, 110 p. ; Une école de théologie : le Saulchoir, avec des études de Giuseppe Alberigo, Étienne Fouilloux, Jean Ladrière et Jean-Pierre Jossua, Paris, Éd. du Cerf, 1985 ; puis Emilio Panella, « Due maestri in una scuola di telogia : Cordovani e Chenu », Vita sociale 40 (1983), p. 166-176 ; et « Come fu condannata “Una scuola di teologia” di Chenu », Vita sociale 42 (1985), p. 268-281 ; Andrea Riccardi, « Une école de théologie fra la Francia e Roma », Cristianesimo nella storia 5 (1985), p. 11-28 ; Robert Guelluy, « Les antécédents de l’encyclique “Humani generis” dans les sanctions romaines de 1942 : Chenu, Charlier, Draguet », Revue d’Histoire ecclésiastique 81(1986), n° 3-4, p. 421-497 ; Dominique Avon, Les Frères prêcheurs en Orient. Les dominicains du Caire (années 1920-années 1960), Paris, Éd. du Cerf, 2005, p. 342-350.
-
[4]
É. Fouilloux, « Le Saulchoir en procès (1937-1942) », Une école de théologie : le Saulchoir, op. cit., 1985, p. 36-59 ; et « Autour d’une mise à l’Index », Marie-Dominique Chenu. Moyen-Âge et modernité, colloque organisé par le département de la recherche de l'Institut catholique de Paris et le Centre d'études du Saulchoir les 28 et 29 octobre 1995, Paris, Centre d’études du Saulchoir/Éd. du Cerf, 1997, p. 25-56.
-
[5]
Les documents sans référence sont issus des papiers Chenu, conservés dans les Archives de la Province dominicaine de France (APDF).
-
[6]
« “Veritas liberavit vos”. La Vérité vous rendra libres », 14 p. polycopiées, APDF ; ce titre est tiré du chapitre 8, verset 32, du quatrième Évangile. Veritas est aussi la devise de l’Ordre dominicain.
-
[7]
« Aujourd’hui à la grand messe, magnifique discours-programme du T.R.P. Chenu sur le thème : la Vérité vous délivrera », APDF.
-
[8]
Imprimi potest du provincial Jourdain Padé, 9 novembre, et imprimatur de l’archevêché de Paris du lendemain.
-
[9]
Les Éditions Casterman étaient incapables de fournir le chiffre ; et le père Chenu suggérait 700 ou 800 (lettre du 11 octobre 1983). La vente s’opère à partir du Saulchoir, avec les deux adresses de Kain et d’Étiolles.
-
[10]
Giuseppe Alberigo n’en a trouvé qu’un, celui de la Theologische Revue (1939), p. 48-51, dû au professeur de Würzburg Friedrich Stegmüller. Chenu demande à Joseph Dopp, responsable de la Revue néoscolastique de Louvain, de s’abstenir (lettre du 10 juin 1938, communiquée par Jean Ladrière).
-
[11]
Marie-Dominique Chenu, « Le sens et les leçons d’une crise religieuse », à propos des Mémoires d’Alfred Loisy, La Vie intellectuelle (10 décembre 1931), p. 356-380.
-
[12]
« Bibliographie du P. Marie-Dominique Chenu (1921-1965) » par André Duval, O. P., Mélanges offerts à M.-D. Chenu, Paris, Vrin, 1967, p. 9-29 ; puis Maria Luisa Mazzarello, « Gli scritti del P. Marie-Dominique Chenu, 1963-1979 », Salesianum 42 (1980), p. 855-866.
-
[13]
5 p. dactyl., APDF (citation, p. 2).
-
[14]
Ambroise Gardeil, Le Donné révélé et la théologie, Préface, Juvisy, Éd. du Cerf, 21932, p. vii-xiv ; Revue dominicaine (Montréal) 38 (1932), p. 653-660 ; Rev. Sc. ph. th. 24 (1935), p. 232-257.
-
[15]
Rev. Sc. ph. th. 24 (1935), p. 706 ; La Vie spirituelle, supplément (1er mai 1937), p. 70 (formule reprise dans Une école de théologie, p. 75).
-
[16]
Eugenio d’Ors, Du baroque, Paris, Gallimard, 1935.
-
[17]
G. Alberigo, « Cristianesimo come storia e teologia confessante », Le Saulchoir una scuola di teologia, op. cit., p. vii-xxx.
-
[18]
Plus une fois « relativité » pour la philosophie thomiste, p. 95.
-
[19]
La Vie intellectuelle (25 décembre 1937), p. 325-351.
-
[20]
Olivier de La Brosse, Le Père Chenu. La liberté dans la foi, Paris, Éd. du Cerf, 1969 ; Un théologien en liberté. Jacques Duquesne interroge le Père Chenu, Paris, Le Centurion, 1975 ; L’Hommage différé au Père Chenu, introd. Claude Geffré, Paris, Éd. du Cerf, 1990 ; Hommage au Père M.-D. Chenu, Rev. Sc. ph. th. 75/3 (1991) ; Marie-Dominique Chenu. Moyen-Âge et modernité, op. cit. ; Le Père Marie-Dominique Chenu médiéviste, extrait de la Revue des sciences philosophiques et théologiques, Paris, Vrin, 1997 ; Florian Michel, La Pensée catholique en Amérique du Nord, Paris, Éd. du Cerf, 2010, p. 123-189.
-
[21]
Carmelo Giuseppe Conticello, « De contemplatione (Angelicum, 1920). La thèse inédite de doctorat du P. M.-D. Chenu », Rev. Sc. ph. th. 75 (1991), p. 363-422.
-
[22]
Il le réclame encore, en vain, au printemps 1922.
-
[23]
Camille de Belloy, « Ambroise Gardeil : un combat pour l’étude », Rev. Sc. ph. th. (2008), p. 423-432 ; et le rapport de Gardeil sur les études dans la Province de France en 1901, p. 433-459.
-
[24]
André Duval, « Aux origines de la Revue des sciences philosophiques et théologiques », Rev. Sc. ph. th. 78 (1994), p. 31-44.
-
[25]
A. Gardeil, Le Donné révélé et la théologie, Paris, Gabalda, 1910.
-
[26]
A. Duval, « Aux origines de l’“Institut historique d’études thomistes” du Saulchoir (1920sqq). Notes et documents », Rev. Sc. ph. th. 75 (1991), p. 423-448.
-
[27]
Ibid., p. 435.
-
[28]
Le Père Marie-Dominique Chenu médiéviste, extrait de la Revue des Sciences philosophiques et théologiques, Paris, Vrin, 1997.
-
[29]
M.-D. Chenu, « La théologie comme science au xiiie siècle », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 2 (1927), p. 31-71.
-
[30]
É. Fouilloux, « Première alerte sur le Saulchoir (1932) », Rev. Sc. ph. th. (2012), p. 93-105 ; si le père Chenu n’avait été obnubilé par sa mise à l’Index et son éviction du Saulchoir, il aurait pu trouver trace de cet épisode dans une lettre de soutien du chanoine Léon Mahieu, doyen de la Faculté de théologie de Lille : « J’avais eu occasion, il y a une dizaine d’années déjà, de dire du bien du couvent, en réponse à certaines attaques », lui écrira-il le 21 mai 1942.
-
[31]
M.-D. Chenu, « La JOC au Saulchoir », L’Année dominicaine (mai 1936), p. 190-193.
-
[32]
Lettre au père Valentin Grégoire, 14 juin, APDF.
-
[33]
« La bataille est gagnée. Le “retour” est voté ! Lieu choisi : Étiolles, 28 km de Paris, 20 hectares. Très grandes prairies (à engraisser un peu). Communs magnifiques. En plus une ferme (très grande). Exposition au midi. Vue sur la Seine. Nous avons dit avec grande ferveur l’Angelus avec le P. Provincial, au milieu de la ferme. Deo gratias », carte au frère Martin [Arpin], 30 octobre 1933, APDF.
-
[34]
F. Michel, « Le Saulchoir au Canada ? », dans La Pensée catholique en Amérique du Nord. Réseaux intellectuels et échanges culturels entre l’Europe, le Canada et les États-Unis (années 1920-1960), Paris, Desclée de Brouwer, 2010, p. 123-189 ; c’est d’ailleurs à Ottawa qu’il apprend sa nomination comme régent.
-
[35]
« C’est une porte sur la vie, sur le ciel et sur la terre », 12 février.
-
[36]
Lettre du 18 avril 1938, où on lit aussi : « nous avons “découvert” ici celui qui est votre frère d’esprit, le Père Charlier ».
-
[37]
Garrigou a collaboré à l’article « Prédestination » du Dictionnaire de théologie catholique avant de développer sa contribution dans un livre : voir Réginald Garrigou-Lagrange, La Prédestination des saints et la grâce. Doctrine de saint Thomas comparée aux autres systèmes théologiques, Bruges-Paris, Desclée de Brouwer, 1936.
-
[38]
Décret signé du cardinal Bisleti, préfet, et de Mgr Ernesto Ruffini, secrétaire ; Le Saulchoir Statuta Instituti philosophico-theologici Provinciae Franciae Ordinis Praedicatorum, 52 p. imprimées, APDF.
-
[39]
Yves Congar, « Mon témoignage », dans Journal d’un théologien, 1946-1956, édité et présenté par É. Fouilloux, Paris, Éd. du Cerf, 2000, p. 57-62 ; Dominique Dubarle, « Le temps des enthousiasmes », dans L’Hommage différé au père Chenu, op. cit., p. 194-206.
-
[40]
Archives générales de l’Ordre des Prêcheurs (AGOP) V 305 1936 (1).
-
[41]
« Des articles comme ceux-là me font mieux voir le lien de la nouvelle génération à la précédente, et le statut de votre travail au Saulchoir. Nous avons parfois les uns et les autres, moi le premier, des vivacités qui pourraient nous empêcher momentanément de nous comprendre ; je suis heureux de pouvoir en vous lisant considérer les choses d’un point de vue supérieur », lui a-t-il écrit après lecture de l’article ; M.-D. Chenu, « Position de la théologie », Rev. Sc. ph. th. 24 (1935), p. 232-258.
-
[42]
Ibid., p. 248.
-
[43]
Bulletin thomiste (juillet-décembre 1936), p. 893-895 (citation, p. 895) ; Pègues est mort le 28 avril 1936.
-
[44]
Ibid., p. 895 (seize lignes en tout et pour tout, si l’on inclut le titre) ; Lépicier est mort le 20 mai 1936.
-
[45]
Archives de la Province dominicaine de Toulouse (APDT). Voir Michel Fourcade, « Jacques Maritain et le renouveau de la “Revue thomiste” (1936-1940) », dans Saint Thomas au xxe siècle, Paris, Saint-Paul, 1994, p. 135-152.
-
[46]
Dans ses griefs contre Une école de théologie, communiqués à Chenu en février 1938, Garrigou-Lagrange retient en effet l’éreintement de Lépicier, p. 1.
-
[47]
Lettre de Labourdette à Nicolas, 1er juin 1937, APDT.
-
[48]
Certes Garrigou-Lagrange discute l’affirmation de Chenu selon laquelle la division entre ascétique et mystique est « fâcheuse » (recension de Notre vie divine du père Mandonnet dans le Bulletin thomiste [juillet-décembre 1936], p. 784-789), ou dans « L’axe de la vie spirituelle et son unité », Rev. thom. 43 (1937), p. 347-360 ; mais cette brève discussion ne saurait être le « grand article » annoncé.
-
[49]
Lettre citée par M. Fourcade, art. cit., p. 151.
-
[50]
Lettre de Labourdette à Nicolas, 9 juin 1937, APDT. La Revue thomiste publiera néanmoins son article « Le plan de la Somme théologique de saint Thomas », Rev. thom. 45 (1939), p. 93-107.
-
[51]
Lettre au père Marie-Vincent Bernadot, qui le lui réclamait, 6 avril 1931, Archives des Éditions du Cerf.
-
[52]
Paul Vignaux, Introduction à la réédition en 1987 de Philosophie au Moyen Âge, Paris, Vrin, 2004, p. 50, note 1.
-
[53]
Passage cité en français dans la réponse de celui-ci au responsable au Corriere padano de Ferrare, 18 juillet 1937, copie, jointe à sa lettre à Chenu du 20 juillet.
-
[54]
Martine Sevegrand, Temps Présent. Une aventure chrétienne, t. 1 : l’hebdo-madaire, 1937-1947, Paris, Éditions du Temps Présent, 2006, p. 17-28 ; Magali Della Sudda, « Le Vatican, la France et l’hebdomadaire Sept », Vingtième siècle. Revue d’histoire (octobre-décembre 2009), p. 29-44.
-
[55]
Brouillon de lettre non daté ; et brouillon de lettre au père Louis, 31 août.
-
[56]
La Civiltà cattolica (10 août 1937), p. 289-301.
-
[57]
Brouillon de lettre du 1er septembre et réponse du 25.
-
[58]
Brouillon dans ses papiers, ainsi que d’une autre, qui craint « que le silence officiel de l’Ordre donne prise, par un évident contraste, à la malignité publique ».
-
[59]
Lettre du 11 septembre, confirmée le 15 par le père Thomas Delos, professeur aux Facultés catholiques de Lille.
-
[60]
Réponses du 10 et du 20 septembre (en marge de laquelle Chenu a noté : « satis episcopaliter » !).
-
[61]
Brouillon de la lettre.
-
[62]
Lettre du 11 octobre.
-
[63]
Brouillon de lettre à Louis du 23 octobre. « Dérision des circonstances », ne peut-il s’empêcher de noter, alors qu’est « donnée au Saulchoir une devanture universitaire, confiance administrative en face d’une non confiance doctrinale » (le studium vient d’obtenir le statut canonique d’université pontificale pour ses facultés de philosophie et de théologie).
-
[64]
Lettre sans date, Archives des Éditions du Cerf.
-
[65]
M. Fourcade, « L’affaire “Par notre faute” », Mélanges offerts à Gérard Cholvy, Montpellier, Publications de l’Université Paul-Valéry, 2003, p. 151-168.
-
[66]
Lettre à son adjoint le père Louis, AGOP V 305 1936 (1).
-
[67]
Brouillon de lettre du 16 novembre.
-
[68]
« S’il [Louis] en avait reçu l’original il aurait hésité à le transmettre, avant d’avoir correspondu avec vous, persuadé qu’il est que tout le monde ici, sauf lui, et même le P. Cordovani, ignorait quel est le censeur responsable, jusqu’au courrier de ce matin », écrit-il à Chenu après réception d’une copie de la lettre à Cordovani, carte du 19 novembre.
-
[69]
Lettre du 19 novembre.
-
[70]
31 janvier, APDF.
-
[71]
Lettres des 21 et 28 février 1938.
-
[72]
« Votre brochure me fait croire que j’ai fait mon évolution sous l’influence profonde de l’esprit du P. Lemonnyer, pour qui j’ai conservé un véritable culte », écrit-il à Chenu le 14 janvier 1938.
-
[73]
Lettre à Chenu du 29 mars 1938, Francesca A. Murphy, « Correspondance entre É. Gilson et M.-D. Chenu : un choix de lettres, 1923-1969 », Rev. thom. (2005), p. 41-43.
-
[74]
Lettre au père Antonin Motte, prieur du Saulchoir, APDF.
-
[75]
« Puisse l’École du Saulchoir contribuer de plus en plus à réaliser la présence en notre siècle d’une théologie vraiment catholique ! », lettre du 18 mars 1938.
-
[76]
Carte du 24 janvier 1938.
-
[77]
« Au sujet du P. Chenu ce que vous me dites est tout à fait exact. Il est pavé de bonnes intentions (un peu comme l’enfer) », lui écrit le père Simonin le 6 novembre 1938, papiers Féret, APDF.
-
[78]
Accusé de réception reconnaissant de Chenu, Rome, 3 février, papiers Congar, APDF.
-
[79]
Lettre de Rome, 22 mars 1937.
-
[80]
Lettre du 6 novembre 1938 ; les réserves de Simonin ont été présentées au régent du Saulchoir de vive voix, à Rome début février, lettre à Chenu, 20 février.
-
[81]
Lettre au père Nicolas, 21-22 janvier 1938, APDT.
-
[82]
Lettres du 8 janvier ; et du 9 février, APDT.
-
[83]
Journet-Maritain, Correspondance, volume II, 1930-1939, Fribourg/Paris, Presses Universitaires Fribourg, 1997, p. 728-729.
-
[84]
Lettre du 25 janvier.
-
[85]
Lettres des 3 et 11 janvier 1948.
-
[86]
Lettre sans date, APDT.
-
[87]
« Je me permets de vous rappeler que, dès 1919, après la 1re guerre, le P. G[arrigou].-L[agrange] avait essayé d’empêcher la reprise de la Revue » (des sciences philosophiques et théologiques, organe du Saulchoir), brouillon de lettre de Chenu au provincial Antonin Motte, s.d. (mai 1943).
-
[88]
« Une École de théologie », s. d., 5 p.
-
[89]
Brouillon de lettre, s. d. et réponse du 21 janvier.
-
[90]
Lettre du 27 janvier arrivée le 30 ; cet exemplaire ne serait pas celui que conservait le père André Duval, sur lequel il avait précisé : « les traits rouges en marge ou à l’intérieur du texte correspondent aux passages soulignés par le P. Garrigou-Lagrange sur son exemplaire personnel. Je n’ai malheureusement pas noté par quelle suite d’indiscrétions ces indications m’ont été fournies ».
-
[91]
Lettre envoyée de Rome le 1er février.
-
[92]
Lettre citée. Le 2 février, Dominique Dubarle complète son analyse des coups de crayon de Browne par un « parallèle entre un certain nombre des textes de votre brochure mis en question par les coches et des textes du De Revelatione de Garrigou » (voir aussi la lettre de Hyacinthe Dondaine du 3 février).
-
[93]
Emilio Panella les relève sur l’exemplaire de Cordovani, « Due maestri in una scuola di teologia », art. cit., p. 169-176 ; avant lui, voir Raimondo Spiazzi, P. Mariano Cordovani dei Frati predicatori, Rome, Belardetti, 1954.
-
[94]
Brouillon de lettre, s. d., et réponse de Louis du 28 février.
-
[95]
Lettre à Chenu du 20 février. Ces deux autres seraient le Belge Mannès Matthijs, doyen de la faculté de théologie de l’Angelicum, qui n’a pas jugé utile de rencontrer Chenu, et l’Allemand Anselme Rohner qui y enseigne (son nom n’apparaît que dans les documents rassemblés par le père Garrigou-Lagrange pour sa visite au Saulchoir de 1942 ; il énumère parmi les examinateurs de la brochure : Cordovani, Browne, lui-même, Matthijs et Rohner ; papiers dactylographiés dans ses archives par le père Paul Coutagne).
-
[96]
« Insuper P. Browne ut Rector Coll. Ang. in nomini Vicarii dixit ad P. Chenu ut suscriberet quibusdam propo. circa nat. theol. et evolutio. dogm., et ut scriberet suo modo circa has propositiones. P. Chenu hoc non fecit » (même source).
-
[97]
Page 35.
-
[98]
Lettre du père Labourdette au père Nicolas, 5 février 1938, APDT.
-
[99]
Chronique du Saulchoir, 11 février, APDF.
-
[100]
Lettres du père Mathiot, 11 mars et 13 avril.
-
[101]
Lettre citée à Padé du 6 février.
-
[102]
Acta capituli generalis, vœu, p. 38-39 ; et note « De studiis historicis », signée Gillet, p. 44-51.
-
[103]
Ibid., p. 23, 25 et 26.
-
[104]
Dominique Avon, Les Frères prêcheurs en Orient. Les dominicains du Caire (années 1920-années 1960), Paris, Éd. du Cerf, 2005, p. 337-342.
-
[105]
« Notre déménagement est arrivé par péniche, le 2 septembre 1939 », Yves Congar, Une vie pour la vérité, Jean Puyo interroge le Père Congar, Paris, Le Centurion, 1975, p. 85.
-
[106]
Lettre s. d. (été 1937), papiers Congar. L’imprimatur est du 22 juin, et le livre, assorti du sous titre Principes d’un “œcuménisme” catholique, est sorti en juillet.
-
[107]
É. Fouilloux, Les Catholiques et l’unité chrétienne du xixe au xxe siècle. Itinéraires européens d’expression française, Paris, Le Centurion, 1982, p. 238-241 et 434-435. Celui de la revue barthienne Foi et vie « illustre assez bien […] le caractère dangereux » du livre, écrit le père Labourdette au père Nicolas le 17 octobre 1938.
-
[108]
Recension du 15 septembre 1937, et lettre encore plus sévère de l’auteur, le converti C. G. Mortimer, du 15 octobre, papiers Congar.
-
[109]
Nova et vetera (juillet-septembre 1938), p. 346-348 (citation, p. 346) ; il trouvera cependant plusieurs passages de la recension de Nicolas « un peu sévères », lettre de Labourdette à Nicolas du 29 juillet 1938, APDT.
-
[110]
Rev. thom. (1938), p. 381-390 (citation, p. 381).
-
[111]
Lettre du 31 décembre 1937, APDT.
-
[112]
Lettre au père Nicolas, 14 janvier 1938, ibid.
-
[113]
Lettre du 6 avril 1938 ; Rosaire est Marie-Rosaire Gagnebet, de la Province de Toulouse, professeur à l’Angelicum ; les Philippe sont Paul Philippe et Thomas Philippe, professeurs à l’Angelicum après l’avoir été au Saulchoir ; le père Vosté attribue à tort à Garrigou la paternité du compte rendu de Nicolas, lettre à Congar du 28 mai.
-
[114]
Note d’audience, 11 pages manuscrites.
-
[115]
« On a pu trouver aussi, et non sans raison, qu’il [Chrétiens désunis] aurait gagné à être plus mûri en certaines parties doctrinales », écrit à Congar le socius du maître général le 26 mai 1938.
-
[116]
« Vous devinez quel procès de tendance se cache sous cet “équivalent” », écrit Chenu le 28 février 1939 au père Henri-Dominique Gardeil, professeur au Saulchoir et neveu d’Ambroise Gardeil.
-
[117]
Pages 34, 35 (durcissement catholique unilatéral), 50, 52 (intention spirituelle originellement juste des dissidences), 316, 319, 320 (éléments de dissidence qui manquent à la catholicité), 330 (retour aux sources) lui signale Gillet.
-
[118]
Lettre à Chenu du 17 janvier 1939. Alors que Gregorianum, revue de l’Université grégorienne en a publié, sous la plume du père Pierre Chaillet, une recension favorable, Paul Philippe croit savoir que « deux Pères de la Compagnie se sont plaints de son livre et peut-être l’ont dénoncé », lettre citée de Labourdette à Nicolas, 31 décembre 1937, APDT.
-
[119]
Copie de lettre à Gillet, datée à tort du 17 janvier.
-
[120]
Lettre au père Gillet du 26 janvier, copie.
-
[121]
Lettre à Journet du 7 février 1939 publiée dans le tome II de la Correspondance Journet Maritain (1930-1939), Fribourg/Paris, 1997, p. 790 (les papiers Congar comportent deux lettres de Journet sur cet épisode).
-
[122]
Brouillon de la lettre de Chenu du 21 janvier 1939 et réponse affligée d’Amann le 29 ; ou encore brouillon de lettre à Henri-Dominique Gardeil du 28 février.
-
[123]
Lettre datée par erreur du 2 janvier (février en fait) 1939.
-
[124]
Note dactylographiée, mais signée à la main, s. d. ; lettre de Labourdette à Nicolas du 17 mars 1939, très dure sur Garrigou, APDT.
-
[125]
Brouillon de lettre à Henri-Dominique Gardeil ; Bulletin thomiste (octobre-décembre 1938), p. 535-538.
-
[126]
Lettre citée à Henri-Dominique Gardeil.
-
[127]
Lettre à Charlier du 27 mars 1938.
-
[128]
Thuillies, Ramgal, 190 p. (imprimatur du 30 mars 1938).
-
[129]
Lettre de Labourdette à Nicolas du 17 mars 1939, APDT. L’affaire Charlier a été traitée de main de maître par Robert Guelluy, « Les antécédents de l’encyclique “Humani generis” dans les sanctions romaines de 1942 : Chenu, Charlier, Draguet », Revue d’histoire ecclésiastique 81 (1986), n° 3-4, p. 421-497 ; plus récemment, voir Jürgen Mettepenningen, « L’Essai de Louis Charlier (1938) : Une contribution à la nouvelle théologie », Revue théologique de Louvain 39 (2008), p. 211-232.
-
[130]
Livraison d’octobre-décembre 1938, p. 490-505 (texte daté de novembre).
-
[131]
René Draguet, « Méthodes théologiques d’hier et d’aujourd’hui », 10 janvier 1936, p. 1-7 ; 7 févier, p. 4-7 ; 14 février, p. 13-17.
-
[132]
Jean-François Bonnefoy, « La théologie comme science et l’explication de la foi selon saint Thomas d’Aquin », Ephemerides theologicae lovanienses 14 (1937), p. 421-446 et 600-631 ; 15 (1938), p. 491-516 ; La Nature de la théologie selon saint Thomas d’Aquin, Paris, Vrin, 1939.
-
[133]
Marie-Rosaire Gagnebet, « La nature de la théologie spéculative », Rev. thom. (1938), p. 1-39, 213-255 et 645-674.
-
[134]
Ibid., p. 492.
-
[135]
Comme l’écrira Chenu le 30 avril 1942 au lazariste Bayol.
-
[136]
Bulletin thomiste, art. cit., p. 505.
-
[137]
« Nous craignons un peu qu’ici [sur la théologie comme science], le disciple du P. Gardeil, chez le P. Ch[enu], ne l’ait emporté sur l’historien », Essai sur le problème théologique, op. cit., note de la p. 114.
-
[138]
Lettre citée à Nicolas du 17 mars 1939.
-
[139]
M.-R. Gagnebet, « Un essai sur le problème théologique », Rev. thom. 45 (1939), p. 108-145.
-
[140]
Ephemerides theologicae lovanienses 16 (1939), fascicule dont l’imprimatur est du 15 mars 1939, p. 143-145, citation, p. 145.
-
[141]
R. Guelluy, « Les antécédents de l’encyclique “Humani generis” », art. cit., p. 451.
-
[142]
Ibid. L’Essai sur le problème théologique comporte, en tout et pour tout, trois références bibliographiques à Chenu, en notes (p. 11, 34 et 114), et la dernière, qui est aussi la plus explicite, prend le contre-pied de son article de 1927 sur « La théologie comme science au xiiie siècle ».
-
[143]
Johann-Adam Möhler, L’Unité dans l’Église ou le principe du Catholicisme d’après l’esprit des Pères des trois premiers siècles de l’Église, traduction de dom A. de Lilienfeld et introduction du Père Chaillet, s. j., Paris, Éd. du Cerf (coll. « Unam Sanctam » 2), 1938.
-
[144]
Lettre du cardinal Marchetti-Selvaggiani au cardinal Verdier du 19 avril, Prot. 15/1939, copie dans les archives des Éditions du Cerf.
-
[145]
Citation de sa notice « Möhler » de l’encyclopédie Catholicisme, tome IX, col. 460.
-
[146]
Prospectus de lancement de la collection.
-
[147]
Y. Congar, « La signification œcuménique de l’œuvre de Möhler », Irénikon (1938), p. 113-130 ; « Note sur l’évolution et l’interprétation de la pensée de Möhler », Rev. Sc. ph. th. 27 (1938), p. 205-212 ; « L’esprit des Pères d’après Möhler », Supplément de la Vie spirituelle (avril 1938), p. 1-25 ; « L’hérésie, déchirement de l’unité », dans L’Église est une. Hommage à Möhler, Paris, Bloud et Gay, 1939, p. 255-269.
-
[148]
Art. « Moehler Jean-Adam », t. 10/2, col. 2048-2063 (citation, col. 2063).
-
[149]
Y. Congar, « Autour du renouveau de l’ecclésiologie : la collection “Unam Sanctam” », La Vie intellectuelle 61 (1939), p. 9-32.
-
[150]
M.-D. Chenu, Une école de théologie : le Saulchoir, op. cit., p. 66-67 (et encore p. 99). Du point de vue de l’historien, la référence à l’Aufklärung allemande est discutable : source du romantisme, celle-ci est bien plus sensible au spirituel que les Lumières françaises.
-
[151]
Lettre de Congar au vicaire général de Paris Dupin, chargé de l’imprimatur, 7 mai.
-
[152]
Y. Congar, « Extraits de presse au sujet de la traduction française du livre de Möhler », 2 p. dactyl.
-
[153]
Y. Congar, « Remarques au sujet de “L’Unité dans l’Église” de Möhler », 2 p. dactyl.
-
[154]
P. Chaillet (dir.), L’Église est une. Hommage à Möhler, op. cit. ; Renée Bédarida, Pierre Chaillet. Témoin de la résistance spirituelle, Paris, Fayard, 1988, p. 39-73.
-
[155]
Lettre d’Étienne Borne à « Cher Père et ami », 7 mai, archives des Éditions du Cerf.
-
[156]
Lettre à Congar du 9 mai.
-
[157]
Recommandations voisines dans sa lettre à Congar du 15 mai.
-
[158]
Lettre à Chenu du 11 mai. Albert Gratieux, A. S. Khomiakov et le Mouvement slavophile, Paris, Éd. du Cerf (coll. « Unam Sanctam » 5 et 6), 1939, nihil obstat de Congar, 1er avril 1939 et imprimatur de Dupin du 3 avril.
-
[159]
Rapport de 5 p. dactyl., joint à sa lettre à Congar du 11 mai.
-
[160]
Lettre à Congar du 15 mai.
-
[161]
Note manuscrite de Congar sur l’entretien.
-
[162]
Journal inédit, 6 mai, communiqué naguère par le père André Duval, APDF.
-
[163]
Ibid., 16 mai.
-
[164]
Note manuscrite d’audience.
-
[165]
Dans la conjoncture nouvelle née de la guerre, lettre du 9 novembre 1939.
-
[166]
Y. Congar, « Una serie di pubblicazioni sulla Chiesa. La collezione “Unam Sanctam” », 7 juillet 1939.
-
[167]
Les étudiants sont 136 pour l’année universitaire 1938-1939, dont 24 religieux de la Salette ; et 61 pour l’année 1941-1942 (sans Salettins), rapports dans AGOP XIII 30200/2.
-
[168]
Lettre au père Motte du 5 novembre 1940, APDF.
-
[169]
Un dernier paragraphe concerne les partisans de l’inversion des fins du mariage : amour conjugal avant accueil des enfants.
-
[170]
M. Cordovani, « Per la vitalità della teologia cattolica », Angelicum 17 (1940), p. 132-146 (citations p. 141-144).
-
[171]
Lettre au père Motte du 5 novembre 1940.
-
[172]
Charles Boyer, « Qu’est-ce que la théologie ? Réflexions sur une controverse », Gregorianum 21 (1940), p. 255-266 (citations, p. 258, 259, 264, 265, 266).
-
[173]
R. Guelluy, « Les antécédents de l’encyclique “Humani generis” », art. cit., p. 472.
-
[174]
C. Boyer, « Qu’est-ce que la théologie ? », art. cit., p. 256.
-
[175]
Ibid., p. 266.
-
[176]
AGOP V 305.
-
[177]
« Personne ne m’a jamais parlé contre l’Ordre, jamais, jamais », lettre du 3 septembre, ibid.
-
[178]
Lettre de Mgr Amann au cardinal Tisserant, 19 janvier 1942. Il ne restera du Saulchoir, dans l’article publié, que « Saint Thomas exégète » du père Spicq (tome 15/1, colonnes 694-738), l’essentiel étant confié à cinq professeurs de l’Angelicum (Walz, Gagnebet, Garrigou-Lagrange, Gillon et Geenen, colonnes 618-761).
-
[179]
Antonin Motte, prieur du Saulchoir dont il connaît donc bien les problèmes, a été élu provincial de France au chapitre d’octobre 1938, en remplacement du père Padé, décédé.
-
[180]
Interprétation abusive de la note bibliographique de Boyer, lettre à Chenu du 27 janvier.
-
[181]
Le père Congar a recensé le livre de Charlier dans le Bulletin thomiste, pas dans la Revue des sciences philosophiques et théologiques ; la généalogie intellectuelle de l’affaire fournie par Boyer est fausse : Chenu ne se reconnaît comme maîtres qu’Ambroise Gardeil et Pierre Mandonnet.
-
[182]
La Croix, 26 février 1942, page 37.
-
[183]
Mgr Pietro Parente, « Nuove tendenze teologiche », Periodica de re morali canonica liturgica (1942), p. 184-188.
-
[184]
« Accusations d’après Mgr. Parente, qualificateur (sic) du St. Office », deux pages manuscrites, avec quelques annotations de Chenu.
-
[185]
Le cardinal Baudrillart en profite pour relever, non sans malice, que l’affaire va le gêner « dans sa carrière académique » (on prête à Gillet l’intention d’être candidat à l’Académie française), Les Carnets du cardinal Baudrillart, 20 mai 1941-14 avril 1942 (texte présenté, établi et annoté par Paul Christophe), Paris, Éd. du Cerf, 1999, p. 371.
-
[186]
Lettres des 5 et 20 mars, APDF
-
[187]
Lettre reçue le 30 mars, dont l’enveloppe porte « verificato per censura » et « geöffnet OKW ».
-
[188]
Ainsi, d’après le père Gagnebet, « le coup vient du dehors de l’Ordre », lettre du père Labourdette au père Nicolas, 27 février 1942, APDT. Le père Garrigou n’a rejoint Rome qu’en décembre 1941, quelques semaines avant la sanction (lettre de Bernard de Chivré, de la maison de dominicaines de Sail-les-Bains, dans la Loire, où Garrigou était réfugié, 27 décembre 1941, AGOP XIII 30010).
-
[189]
Comme le prouve le brouillon au crayon de sa réponse du 7 avril, malheureusement peu lisible.
-
[190]
L’intéressé dira pourtant ensuite, par deux fois, qu’il a appris sa mise à l’Index par la radio : Un théologien en liberté, Jacques Duquesne interroge le père Chenu, op. cit., p. 121 ; L’Hommage différé au père Chenu, op. cit., p. 266.
-
[191]
Que l’on retrouve dans la Chronique du Saulchoir en date du 25 février : le style de Chenu est « déconcertant pour des théologiens habitués au genre littéraire de l’École, surtout s’ils étaient de langue étrangère ».
-
[192]
Lettre à Gillet, copie, APDF.
-
[193]
« Plus ce sera clair et simple, mieux ce sera. Vous êtes parfois subtil et un peu obscur et dans ce cas c’est exploité contre vous », lettre du 13 mars. Ce mémoire ne semble pas avoir été rédigé. Le dossier de huit documents depuis janvier 1939, constitué par Chenu et daté à la main « mars 1942 », en tient-il lieu ?
-
[194]
A. Duval, « Présentation biographique de M.-D. Chenu par ses œuvres essentielles », Marie-Dominique Chenu : Moyen Âge et modernité, op. cit., p. 17.
-
[195]
Chronique du Saulchoir.
-
[196]
P. Henri-Charles Desroches, « Avec Chenu, mémorial d’un magistère », Foi et développement (avril-juin 1990), p. 4 ; version voisine dans Mémoires d’un faiseur de livres, Paris, Lieu commun, 1992, p. 94.
-
[197]
« Vos deux lettres me sont, en ces mauvais jours, une vraie force ; la confiance de votre amitié m’aide à garder la paix et la liberté d’esprit, sans amertume, dans le regret de mes maladresses qui ont desservi une grande cause », 7 mars (F. A. Murphy, « Correspondance entre É. Gilson et M.-D. Chenu : un choix de lettres, 1923-1969 », Rev. thom. 105 [2005], p. 50 et 53).
-
[198]
Lettre manuscrite seulement datée « Vendredi », qui commence par « Mon pauvre et cher grand ».
-
[199]
P. 148 ; un brouillon au crayon en subsiste dans les papiers Chenu.
-
[200]
Citations extraites de la lettre de Chenu au lazariste Bayol, retrouvée en 1976, papiers Chenu.
-
[201]
Citation du dossier documentaire de mars 1942, qui comporte une « note sur les relations Charlier-Chenu » ; lettres à Gilson du 21 février 1942 ou au franciscain Stéphane Piat du 4 avril. Le père Gillet reprendra ce leitmotiv pour Congar, lettre du 14 janvier 1946, papiers Congar, APDF.
-
[202]
R. Guelluy, art. cit., p. 497.
-
[203]
Lettre citée au franciscain Stéphane Piat.
-
[204]
Enveloppe contenant un mot de Congar à Duval, un autre de Duval à Chenu, la réponse de Chenu et la photocopie du document, APDF, décembre 1977 probablement.
-
[205]
Lettre aux pères Avril et Féret du 8 octobre 1942 ; ou encore ses lettres à Féret des 14 décembre 1942 et 1er avril 1943.
-
[206]
Qui transmet le soutien du père Dominique Dubarle, prisonnier jusqu’en octobre 1942, lettre du 11 juin.
-
[207]
Carte interzone du père Louvel, 27 [ ?] février.
-
[208]
Carte interzone, 23 mars (cachet de la Poste).
-
[209]
S. d.
-
[210]
Carte interzone du 27 février 1942 et lettre du 3 mars 1943.
-
[211]
Lettre du 27 février, confirmée par celle du 12 mars, APDT.
-
[212]
Lettre de Labourdette à Nicolas, 14 avril 1942, ibid.
-
[213]
Les Carnets du cardinal Baudrillart, 20 mai 1941-14 avril 1942, op. cit., p. 369-371.
-
[214]
Lettre du 5 mars 1942.
-
[215]
Lettre du cardinal Marchetti-Selvaggiani du 23 février, Archives historiques de l’archevêché de Paris, 2 A II 3.
-
[216]
Lettre du 12 mars.
-
[217]
Lettre de Chenu à Étienne Gilson du 7 mars.
-
[218]
Selon le père Prétaudoux, lettre de Labourdette à Nicolas du 12 mars, APDT.
-
[219]
Lettre du 1er mars.
-
[220]
Lettre publiée dans le Bulletin de littérature ecclésiastique (janvier-juin 1998), p. 126.
-
[221]
Un théologien en liberté, op. cit., p. 121 ; formulation voisine dans l’Hommage différé, op. cit., p. 267.
-
[222]
Brouillon dans les papiers Chenu.
-
[223]
Lettre citée par Thomas Deman à Chenu, 9 février 1943 ; rien non plus sur cet épisode dans le journal du cardinal.
-
[224]
Lettre à son élève le servite Vincenzo Buffon, 27 mai 1942 (traduite par la censure italienne et retrouvée par Andrea Riccardi qui la cite dans Roma, “città sacra” ?, Milan, Vita e pensiero, 1979, p. 235).
-
[225]
Lettre du 5 mars au père de Lubac, Bulletin des amis du cardinal Daniélou 2 (juin 1976), p. 64 ; et Revue du Moyen Âge latin 1 (1945), p. 65.
-
[226]
Lettres du 26 février et du 3 mars.
-
[227]
« Dites-lui bien que je lui garde toute ma confiance, que je compte toujours autant sur lui pour nous aider », écrit-il au père Épagneul, fondateur des Frères missionnaires des campagnes, le 17 avril (lettre recopiée par Chenu). Dans sa lettre de soutien du 5 mars, il envoyait à Chenu la plaquette de présentation de la Mission de France.
-
[228]
Lucien Laberthonnière, Études de philosophie cartésienne et premiers écrits philosophiques, Paris, Vrin, 1937. Cartes interzones des 8 et 29 avril.
-
[229]
Brouillon au crayon non daté.
-
[230]
Envois des 15 mars et 3 juin.
-
[231]
Correspondance Jacques Maritain-Yves Simon, t. 2, Les années américaines (1941-1961), édition établie et annotée par F. Michel, Tours, CLD éditions, 2012, p. 100-101 (lettres des 27 et 29 mai 1942) ; et lettre à l’abbé Charles Journet du 25 juillet. Pastor angelicus est le titre de Pie XII dans la prophétie attribuée à saint Malachie, apparue fin xvie siècle.
-
[232]
Lettre du 28 février 1942, Rev. thom. 105 (2005), p. 52-53.
-
[233]
Ibid., 8 juin, p. 56-57.
-
[234]
R. Guelluy, « Les antécédents de l’encyclique “Humani generis” », art. cit., p. 487.
-
[235]
Lettre au père Nicolas, 27 février, APDT.
-
[236]
Selon l’écho tardif recueilli le 16 septembre 1945 par le père Congar, note dactylographiée, papiers Congar.
-
[237]
Lettre annonçant la visite canonique, copie faite à l’Angelicum sur les manuscrits du père Garrigou, par le père Paul Coutagne, de la Province de Lyon, 7 p. dactyl., APDF.
-
[238]
R. Guelluy, « Les antécédents de l’encyclique “Humani generis” », art. cit., p. 472-478.
-
[239]
Dates données par le père Motte lors de sa venue au Saulchoir le 11 (Chronique).
-
[240]
Marie-Dominique Philippe, Les Trois sagesses, Paris, Fayard, 1995, p. 220-221.
-
[241]
« Permission refusée au Père Garrigou. Que faire ? Nomination du Père Thomas Philippe, recteur et visiteur. Ancien professeur de l’Angelicum, très sûr et saint religieux. Son seul défaut est d’être encore jeune », journal en date du 12 avril 1942, cité par Dominique Avon, Les Frères prêcheurs en Orient. Les dominicains du Caire (années 1920-années 1960), Paris, Éd. du Cerf, 2005, p. 347.
-
[242]
Chronique du Saulchoir en date du 5 mai.
-
[243]
Outre Marie-Dominique, Pierre et Réginald Philippe (mort de maladie en 1940).
-
[244]
Brouillon de lettre du 2 janvier 1943.
-
[245]
M.-D. Philippe, Les Trois sagesses, op. cit., p. 221.
-
[246]
H.-C. Desroches, « Avec Chenu mémorial d’un magistère », art. cit., p. 4.
-
[247]
Lettre citée des 6-8 mai 1942.
-
[248]
7 selon sa lettre non datée à Gillet, AGOP XIII 30200/2 dossier 12 ; 8 selon la Chronique du Saulchoir.
-
[249]
Lettre au père Gillet, s. d. (14 mai sur le document), AGOP XIII 30200/2 dossier 12.
-
[250]
Correspondance avec le père Motte du 15 mai au 12 juin, APDF.
-
[251]
Louis-Marie Dewailly, « Notes prises au jour le jour, au cours des réunions successives des lecteurs et du collège », APDF.
-
[252]
Même source ; suggestion reprise par Motte auprès du père Héris, 16 juin, Papiers Chenu.
-
[253]
Notes du père Duval sur ces cours, 5 p. et 2 p. dactylographiées.
-
[254]
Lettre au père Duval, 11 juillet.
-
[255]
Lettre du père Motte au père Louis, 27 juin, APDF, copie.
-
[256]
Brouillon de lettre à Mgr Beaussart, 27 octobre.
-
[257]
Lettre au père Louis, APDF, copie. Spiritualité de la famille est le 8e volume, paru en 1942, de la collection « Rencontres », fondée aux Éditions du Cerf par le père Maydieu l’année précédente.
-
[258]
Lettre du 22 août 1942, APDT.
-
[259]
Selon la Chronique du Saulchoir.
-
[260]
« Pas davantage il ne lut les derniers fascicules » de la revue, affirme Chenu dans la note qu’il insère dans la deuxième édition de La Théologie comme science au xiiie siècle.
-
[261]
Lettre au père Motte, 2 mai 1943.
-
[262]
Lettre au père Gillet, 13 février, AGOP XIII 30200/2 dossier 12.
-
[263]
Né en 1898, Michel (Louis-Bertrand en religion) Guérard des Lauriers entre à l’École normale supérieure en 1921 ; il obtient l’agrégation de mathématiques en 1924 et un doctorat ès sciences en 1941 ; dominicain de la Province de France depuis 1926, il enseigne au Saulchoir l’épistémologie et la philosophie des sciences.
-
[264]
Brouillon dans les papiers Chenu.
-
[265]
Lettre à Chenu du 4 février.
-
[266]
Lettre datée à tort du 5 février 1943, ce qui a induit en erreur Dominique Avon, Les Frères prêcheurs en Orient, op. cit., p. 347.
-
[267]
Lettre au père Gillet, AGOP XIII 30200/2 dossier 12.
-
[268]
Lettre de celui-ci à Chenu du 15 février.
-
[269]
Lettre au comité de rédaction du 11 février, copie.
-
[270]
Longue lettre à Chenu du 17 février.
-
[271]
Copie aux Archives historiques de l’archevêché de Paris, 2 A II/3.
-
[272]
Une première lettre de Gillet à Motte du 10 décembre 1942, n’arrive à Paris que le 4 avril 1943. « Pour la quatrième fois j’envoie les conclusions de la visite », écrit Gillet le 7 mars, lettre reçue le 24 avril d’après la réponse du provincial le 26, APDF.
-
[273]
Lettre du 30 mars, AGOP XIII 30200/2 dossier 12.
-
[274]
Note du 26 mars. « Le T.R.P. Philippe nous annonce que la Visite [...] n’est pas terminée, les pièces officielles n’étant pas encore arrivées. Le Père visiteur nous lit un passage d’une lettre du Rme Père Général, faisant connaître les principales décisions du Saint-Office », indique pour sa part la Chronique du couvent à la même date.
-
[275]
Lettre au père Motte, arrivée le 6 mai, APDF.
-
[276]
Lettre de Motte à Gillet, 11 juin, APDF, copie.
-
[277]
Lettre datée par erreur 7 octobre 1943, reçue le 24 avril.
-
[278]
Les premiers accusés de réception romains et français du dossier conservé par Gillet sont des 13 mars et 2 avril, AGOP V 306.
-
[279]
Page 6 ; formulation très voisine dans le corps du texte, p. 47-48.
-
[280]
Ibid., p. 28.
-
[281]
Ibid., p. 32-33.
-
[282]
Ibid., p. 52-53.
-
[283]
Ibid., p. 58.
-
[284]
Ibid., p. 65.
-
[285]
Ibid., p. 76.
-
[286]
Ibid., p. 85-86.
-
[287]
Ibid., p. 96-97.
-
[288]
Lettre du 9 mai 1943, AGOP V 306.
-
[289]
Lettre du 2 avril, même source.
-
[290]
Lettre du 29 avril, même source.
-
[291]
« Je suis très heureux que l’on pense envoyer le P. Paul », écrit ainsi Thomas Philippe à Garrigou-Lagrange le 6 mai, lettre citée.
-
[292]
Note citée du père Dewailly.
-
[293]
Comme le lui écrit le père Faidherbe, carte du 22 avril 1942 ; « le P. Provincial m’envoie mon assignation », lettre au père Duval du 14 août ; lecture de son assignation le 12 septembre au Saulchoir d’après la Chronique.
-
[294]
Il s’agit là d’un point aveugle de la riche historiographie du théologien : issu d’un milieu républicain, hostile à l’Action française, il est si peu favorable au changement de régime de 1940 que le père Gillet, acquis à Pétain, demande au père Motte le 4 octobre 1940, de lui conseiller de mesurer ses critiques. « Je revendique d’autant plus ma liberté que je suis scandalisé […] de voir que, pour beaucoup d’hommes réputés fermes, la force et son triomphe est devenue un “argument” qui leur fait considérer comme vrai aujourd’hui ce qu’ils clamaient faux hier, et bon ce qu’ils disaient mauvais. Si la force devait l’emporter définitivement, je sais que beaucoup de clercs courraient derrière le nouveau char ; pour moi, j’aurais assez de force pour imiter Lacordaire en face des théologiens de la Sainte Alliance », répond Chenu au provincial le 5 novembre. Il est donc bien d’esprit résistant comme le montre trois ans plus tard sa réserve à l’encontre du Service du travail obligatoire : « J’ai hésité, les conseils du Père Chenu ont été catégoriques et je suis resté, le P. Provincial ne me donnant pas d’ordre formel », écrit le 18 décembre 1943 à son confrère Anawati le père Jomier, sollicité pour accompagner les partants comme aumônier volontaire (D. Avon, Les Frères prêcheurs en Orient, op. cit., p. 440). Le choc psychologique de la sanction romaine n’explique-t-il pas pour partie que cet esprit résistant ne se soit pas transformé en Résistance active ? Aucun des ouvrages sur la Résistance spirituelle ne mentionne le théologien dominicain.
-
[295]
Henry Donneaud, « Histoire d’une histoire. M.-D. Chenu et “la théologie comme science au xiiie siècle” », Mémoire dominicaine 4 (printemps 1984), p. 139-175 (citation, p. 145).
-
[296]
Ibid., p. 159.
-
[297]
Ibid., p. 170.
-
[298]
Le père Chenu aurait donc tort d’affirmer que « le visiteur avait gardé le manuscrit dans son tiroir sans le lire », note personnelle insérée dans certains volumes.
-
[299]
Lettre de Thomas Philippe à Chenu du 24 janvier 1943 qui propose la retouche de quelques expressions « qui risqueraient de rappeler l’opuscule, le Saulchoir une “école de théologie” et votre article de la R.S.P.T. en mai 1935 ».
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[300]
La Théologie comme science au xiiie siècle, Paris, 1943, consulté dans l’exemplaire du père André Duval.
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[301]
Lettre citée des 6-8 mai.
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[302]
Point final : « Aux armées, 18 janvier 1940 » ; imprimatur de Paris le 22 août, après accord de Chenu et de Motte.
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[303]
Congar lui en envoie deux exemplaires en 1945 à son retour d’Allemagne (lettre du 11 juillet, AGOP XIII 30200/2 dossier 12).
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[304]
Lettre à Gillet datée du 7 mai, mais sans doute du 7 juin, puisque la lettre de Gillet lui est parvenue le 1er juin, APDF, copie.
-
[305]
Lettres conservées dans les papiers Tisserant, détenus par l’association Les Amis du Cardinal Tisserant, 66150 Montferrer.
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[306]
Note personnelle insérée dans certains volumes de La Théologie comme science au xiiie siècle.
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[307]
Le livre paraîtra en 1943 chez Corréa, sous le titre L’Apocalypse de saint Jean. Vision chrétienne de l’histoire ; et il suscitera une vive discussion.
-
[308]
Lettres au père Chenu du 8 novembre 1943 (Deman) et s. d. (Spicq).
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[309]
Lettre à Gillet du 10 novembre 1943, AGOP XIII 30200/2 dossier 12.
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[310]
L’épisode est documenté par une note du père André Duval, alors archiviste de la Province de France, rédigée à notre demande (É. F.).
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[311]
Brouillon de lettre du 27 octobre 1942.
-
[312]
Lettre du 5 avril 1943, APDF, copie.
-
[313]
É. Fouilloux, « la collection “Rencontres” (1941-1944) », Jean-Augustin Maydieu, Mémoire dominicaine, numéro spécial 2, 1998, p. 73-93.
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[314]
Brouillon de lettre à Mgr Beaussart du 27 octobre 1942.
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[315]
Lettre du 20 avril 1943.
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[316]
Lettre citée au père Chenu, s. d.
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[317]
Rome envoie une patente de lecteur pour Dorange (remerciement de Philippe à Gillet du 18 mai).
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[318]
Lettre de Philippe à Gillet confirmée, entre autres par une lettre de Boisselot au père Tunmer du 19 mai 1957.
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[319]
Lettre au père Louis, APDF, copie.
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[320]
Il s’agit du médiéviste Edmond Faral, du slavisant André Mazon et de l’archéologue et historien de la Grèce ancienne Charles Picard.
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[321]
Brouillon non daté de lecture difficile.
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[322]
Lettre de Chenu à Héris du 12 mai, sur la lettre reçue de Motte du 10.
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[323]
Lettres du 11 mai (Héris) et du 12 mai (Deman).
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[324]
« Votre intervention ne peut donc que créer une équivoque de plus, dans une affaire qui en comporte déjà tant. Ne prenez pas cette responsabilité », lui écrit-il le 12 mai, avant de le rencontrer (lettre communiquée à Thomas Philippe et à Héris).
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[325]
Copie de la lettre d’Allo au maître général, s. d. ; lettre de Guérard des Lauriers au père Chenu du 14 mai ; et remerciement de Chenu à Allo du 13 juillet.
-
[326]
Note du père Dewailly, APDF ; voir aussi le compte rendu de Héris à Chenu du 9 juin.
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[327]
Lettre au père Gillet du 31 juillet, copie.
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[328]
Lettre de remerciement pour services rendus du 18 juillet, copie.
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[329]
Pages 249-266 et 267-326.
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[330]
Lettre à Chenu.
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[331]
R. Guelluy, art. cit., p. 478.
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[332]
Opinion confirmée par sa lettre du 13 avril.
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[333]
Carte du 24 janvier 1938.
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[334]
Lettre citée du 7 mars.
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[335]
Lettre à Gillet du 26 avril 1943, APDF, copie.
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[336]
AGOP XIII 30200/2 dossier 12.
1 Février 1942. Le monde est à feu et à sang. Les États-Unis viennent d’entrer dans la guerre après l’agression contre leur base aéronavale de Pearl Harbour début décembre. Les troupes allemandes assiègent Leningrad et buttent devant Moscou. La conférence de Wannsee, le 20 janvier, vient d’établir les modalités de la « solution finale » pour les juifs sous emprise du Troisième Reich. Les Japonais s’emparent de Singapour le 15 février. Personne ne semble capable d’arrêter la marche destructrice des dictatures impérialistes. Au Vatican toutefois, les procédures suivent leur cours comme si de rien n’était : un décret du Saint-Office met à l’Index des livres prohibés deux modestes ouvrages sur la définition de la théologie, étrangers au bruit et à la fureur d’une guerre désormais mondiale : l’Essai sur le problème théologique du dominicain belge Louis Charlier, paru en 1938, et la plaquette Une école de théologie : le Saulchoir, de son confrère français Marie-Dominique Chenu, publiée à la fin de l’année précédente.
2 Le décalage abyssal entre la sanction et son contexte ne peut qu’interroger l’historien : modeste par son volume, son allure et sa diffusion, Une école de théologie a pourtant été l’une des rares productions théologiques de langue française passibles de l’Index après la crise moderniste [1]. Si d’assez nombreuses publications ont eu des « ennuis » avec la censure romaine, selon l’euphémisme habituel, il suffit des doigts de deux mains pour compter celles qui ont subi la peine maximale : outre Une école de théologie et l’Essai de son compagnon d’infortune, Louis Charlier, seuls Les Événements et la foi du mouvement « Jeunesse de l’Église », en 1953, et quatre ouvrages du philosophe Henry Duméry, en 1958, ont connu pareille mésaventure ; mais pas Surnaturel du jésuite Henri de Lubac, ni Le Phénomène humain de son confrère et ami Pierre Teilhard de Chardin, pourtant très menacés [2]. La disproportion entre la minceur de la plaquette du père Chenu et la sévérité de la mesure qui la frappe, surtout au moment où celle-ci intervient, demeure une énigme. Que contenait-elle donc de si explosif pour mériter une aussi grave sanction ? À la différence du livre de Charlier, elle n’a fait l’objet d’aucune discussion publique n’ayant guère été disponible, petitement, que quelques semaines fin 1937 et début 1938. La question a suscité bien des conjectures sur le moment. Comme souvent en pareil cas, la condamnation a doté Une école de théologie d’un écho bien supérieur à celui que son auteur pouvait raisonnablement espérer en diffusion normale. La réédition de la brochure, en Italie puis en France, et l’ouverture de fonds d’archives dominicains, ont permis il y a trente ans d’apporter quelque lumière sur un épisode devenu emblématique du sort de la recherche théologique dans l’Église catholique à la veille du concile Vatican II [3].
3 Après deux essais antérieurs [4], tributaires des sources alors disponibles, on reprend ici l’affaire de façon systématique, avec tous les documents accessibles de ce côté-ci des Alpes, papiers du père Chenu et Archives de la Province dominicaine de France, c’est-à-dire de Paris, notamment, sans attendre l’ouverture des archives du Saint-Office qui en donneront seules le fin mot [5]. Qui y a dénoncé Une école de théologie ? Qui y a instruit le dossier à charge ? Y a-t-il eu débat interne à la Suprême sur celui-ci ? Pie XII s’est-il contenté d’entériner la décision ou bien y a-t-il imprimé sa marque ? Ces questions ne trouveront de réponse qu’à Rome. Les sources aujourd’hui disponibles permettent cependant d’acquérir une vision plus nette des origines, du contexte et du déroulement de la crise, sinon de sa conclusion.
I. Le Saulchoir menacé (1937-1942)
I. Un manifeste ?
4 La scène se passe à Kain-la Tombe, près de Tournai en Belgique, au lieu-dit le Saulchoir où s’est réfugié en 1904 le couvent d’études de la Province dominicaine de France, expulsé l’année précédente de Flavigny-sur-Ozerain (Côte d’Or) par le gouvernement anticlérical d’Émile Combes. Le 7 mars 1936, fête de saint Thomas d’Aquin, le régent des études, Marie-Dominique Chenu, substitue à l’habituel panégyrique une esquisse d’autoportrait collectif. Sous le patronage d’un passage de l’Évangile selon saint Jean qu’il affectionne – « La Vérité vous rendra libres » – il propose une synthèse de l’expérience intellectuelle et spirituelle du studium depuis trente ans [6].
5 L’enthousiasme des auditeurs, consigné dans la chronique du couvent [7], conduit Chenu à approfondir et à développer son allocution. Ainsi voit le jour, à la fin de l’année 1937 [8], sous une couverture austère, la plaquette de 130 pages intitulée Une école de théologie : le Saulchoir. Imprimée par l’éditeur catholique de Tournai Casterman, elle n’emprunte cependant pas les circuits commerciaux. La famille dominicaine pour laquelle elle fut rédigée se charge de sa diffusion, limitée par un tirage sans doute faible, moins d’un millier d’exemplaires à coup sûr [9]. L’absence de services de presse réduit les comptes rendus à leur plus simple expression, avant que l’auteur n’intervienne lui-même pour les éviter [10]. Nombre de thomistes spéculatifs ne tardent pourtant pas à considérer la brochure de Chenu comme un manifeste contre leur manière de concevoir la théologie. Si sa modestie d’allure cadre mal avec une telle ambition, il n’en va pas de même de son contenu : à partir du vécu singulier d’un couvent d’études dont il est le régent, le père Chenu propose une conception de la théologie et de la méthode pour l’enseigner assez éloignées des canons alors classiques dans l’Ordre des frères prêcheurs, et au-delà.
6 Venons-en donc au corps du délit. Et d’abord, comment est-on passé du sermon à la brochure ? L’allocution de 1936 contient l’intuition centrale, déjà formulée cinq ans auparavant dans un article sur la crise moderniste qui n’est pas passé inaperçu [11]. Selon Chenu, il existe entre la crise des débuts du xxe siècle et celle du xiiie siècle une profonde analogie : jadis, la foi chrétienne était soumise au défi de la dialectique, ressort interne de la philosophie grecque ; aujourd’hui, elle est soumise au défi de la critique historique. Thomas d’Aquin, Albert le Grand et tant d’autres, moins célèbres, ont apprivoisé la pensée antique, sans se soucier des réticences ni des sanctions encourues ; leurs vrais disciples doivent procéder de même avec l’histoire ou la philosophie modernes, au besoin contre un thomisme clos sur lui-même, et donc infidèle à l’esprit entreprenant de leur maître. Les trois conditions d’une vraie liberté de la démarche théologique sont : d’abord le retour aux textes médiévaux, en deçà des commentaires postérieurs et souvent postiches ; ensuite, la transposition à ces textes de la « méthode historique » du père Marie-Joseph Lagrange et de son École biblique de Jérusalem, référence majeure du Saulchoir selon Chenu ; enfin, l’insertion du travail intellectuel dans un bain spirituel qui abolit la coupure, préjudiciable à ses yeux, entre spéculation et contemplation.
7 Une étude serrée de la production publique et privée du père Chenu depuis son arrivée au Saulchoir en 1920, mais surtout depuis sa régence en 1932, permet de restituer les procédures de transition du sermon à la brochure [12]. Le chapitre ii de celle-ci – « Esprit et méthodes » (p. 33-50) – procède en droite ligne du discours de 1936 où il puise nombre d’idées forces : la correspondance entre les deux crises, le renvoi au substrat médiéval appuyé sur l’autorité de l’universitaire Étienne Gilson (cité, p. 45, 87, 101), l’application de la « méthode historique », le primat du spirituel sous la caution, cette fois, des Degrés du savoir de Jacques Maritain (cité p. 43, 89, 91). Le premier chapitre, « De Saint-Jacques au Saulchoir » (p. 11-34), le dernier, « Les études médiévales » (p. 97-105) et l’appendice sur les « Publications », collectives et individuelles (p. 109-128), plus descriptifs que conceptuels, recoupent souvent les rapports annuels que le régent adresse à ses supérieurs sur les études et leur productivité ; rapports dont la pointe est toujours l’urgence du rapatriement de la maison en région parisienne. On en veut pour preuve cet extrait de lettre de mai 1933 au maître général Gillet :
L’audace novatrice de S. Albert et de S. Thomas demeure loi de nature dans l’Ordre ; à côté de l’enseignement régulier, elle provoque, aux heures graves en particulier – et nous y sommes, grand Dieu ! – une clairvoyance aiguë et sereine dans la discrimination des idées et une fécondité nouvelle des principes traditionnels plus profondément pénétrés. Nous vivons, croyons-nous, à une époque aussi grave et aussi grande que celle de la Renaissance, où la science, la philosophie, l’humanisme échappèrent à la pensée chrétienne : nous voudrions contribuer, par la grâce de l’Ordre, à éviter une nouvelle défaite du christianisme, qui serait plus lourde que la première [13].
9 Plus percutante dans sa version privée que dans son expression publique, cette ambition dont fond et forme paraîtront bientôt exagérées, préfigure l’esquisse de 1936 et son développement en 1937. Au cœur d’Une école de théologie, les chapitres iii et iv respectivement intitulés « La Théologie » (p. 51-77) et « La Philosophie » (p. 78-96) sont la résultante, jusque dans la lettre des formules, de travaux antérieurs ou contemporains. Il s’agit principalement de la préface à la réédition du livre du père Ambroise Gardeil, Le Donné révélé et la théologie en 1932, de l’étude « Les yeux de la foi », confiée à une revue canadienne la même année, et surtout du maître article « Position de la théologie » publié dans la Revue des sciences philosophiques et théologiques en 1935 [14]. Mais le moindre compte rendu, la moindre notule peuvent recéler quelques-unes des expressions auxquelles Une école de théologie doit son caractère incisif. Deux exemples parmi d’autres : une recension de 1935 dénonce le « péché de la théologie baroque » des xvie-xixe siècles ; quant à la note critique « Philosophie et spiritualité », contemporaine de la rédaction de la plaquette, elle s’achève sur une définition, qui ne tardera pas à être contestée, de la théologie comme « spiritualité qui a trouvé les instruments rationnels adéquats à son expérience religieuse » [15].
10 Une école de théologie apparaît donc bien, malgré sa faible audience immédiate, comme la cristallisation, non seulement d’une réflexion personnelle, mais d’une aventure spirituelle et intellectuelle collective dans laquelle se reconnaît pour l’essentiel le couvent d’études, même si un Marie-Joseph Congar ou un Henri-Marie Féret s’y retrouvent mieux que d’autres. La vigueur de la plume de son auteur lui donne en outre, à son corps défendant (mais est-ce si sûr ?), des allures polémiques. Le père Chenu y épingle à la suite : « un conservatisme négatif » (p. 37), les métaphysiciens trop sûrs d’eux (p. 43-44), le « système » thomiste (p. 45), les manuels désuets (p. 45), un thomisme devenu « orthodoxie » (p. 76), la « scolastique “baroque” » enfin (p. 83-85), à une époque où, malgré le plaidoyer récent d’Eugenio d’Ors [16], l’adjectif demeure connoté de façon péjorative pour un esprit français. Et il serait facile d’allonger la liste.
11 Les thèses maîtresses d’Une école de théologie, bien dégagées par Giuseppe Alberigo dans son introduction à l’édition italienne [17], sont au nombre de trois. Fidèle en cela à Ambroise Gardeil, Chenu maintient sans aucun doute possible, « le primat du donné révélé » sur ses explicitations postérieures : « La plus parfaite systématisation théologique n’ajoute pas une once de lumière à la vérité de l’Évangile » (p. 52 et 54). Comment a-t-on pu lui reprocher ensuite une conception évolutive de la révélation dont son confrère Charlier n’est pas indemne ? Mais la tradition vivante ne saurait être réduite à de simples déductions abstraites : « Non pas seulement conservation de dogmes élaborés, de résultats acquis ou de décisions prises dans le passé », elle joue le rôle de « principe créateur et source inépuisable de vie nouvelle » (p. 66). Le raisonnement du dominicain présente donc une double détente : sur un front, il défend le donné contre la spéculation ; et sur l’autre, l’expérience ecclésiale contre tout fixisme. Tenir simultanément les deux bouts de la chaîne n’a rien d’évident ; l’une et l’autre positions seront l’objet de critiques croisées.
12 Entre le modernisme qui soumet la foi aux variations de l’histoire et l’antimodernisme qui dénie toute valeur à celle-ci, il y a place pour une christianisation de la « méthode historique ». Un mérite évident de celle-ci réside dans la relativisation des systèmes théologiques, voire des formules dogmatiques : « relativisme », terme qui sent pourtant le soufre, revient trois fois à propos des premiers (p. 48, 49, 105) et trois fois encore à propos des secondes (p. 64) [18]. Mais surtout elle épouse mieux que les constructions logiques la nature même de la foi chrétienne, à savoir son historicité : « C’est donc sur une histoire que le théologien travaille. Son donné, ce ne sont pas les natures des choses ni leurs formes intemporelles ; ce sont des événements, répondant à une économie, dont la réalisation est liée au temps, comme l’étendue est liée au corps, par-dessus l’ordre des essences » (p. 61). Le salut est advenu dans l’histoire humaine, et son chemin s’y prolongera jusqu’à la parousie. D’ores et déjà certaines tendances, profanes ou religieuses, de cette histoire représentent, pour qui sait les lire, des « “lieux” théologiques en acte » (p. 68), formule qui annonce avec près de trente ans d’avance, celle de « signes des temps ». Dans la « chrétienté en travail » qu’il observe avec passion, Chenu relève ainsi l’éveil des masses populaires, l’Action catholique spécialisée, le mouvement œcuménique, le pluralisme des civilisations et l’expansion missionnaire, pour peu qu’elle soit débarrassée d’un « colonialisme périmé » (p. 67-68). Aussitôt après Une école de théologie paraît, sous le titre « Dimension nouvelle de la chrétienté », une première grille de lecture de ces « lieux », symboliquement dédiée aux aumôniers de la Jeunesse ouvrière chrétienne auxquels le Saulchoir a ouvert ses portes [19].
13 Le père Chenu n’abandonne pas plus l’effort proprement conceptuel que saint Thomas d’Aquin, comme on le lui reprochera à tort. « Nous croyons donc avec saint Thomas à la raison théologique, à la science théologique » (p. 71). « Nous croyons à la science théologique. Nous croyons même aux systèmes théologiques » (p. 73). « Nous sommes thomistes. Par raison. Nous dirions même : par nature, nés en saint Thomas de par vocation dominicaine » (p. 75). Le Docteur angélique demeure pour Chenu le maître par excellence en intelligence de la foi. Encore faut-il recourir directement à son œuvre, plutôt qu’à ses commentaires, et surtout ne pas la figer dans l’abstraction de concepts tributaires de la culture de son temps. Le régent du Saulchoir souligne notamment l’indispensable continuité de la prière et d’une théologie qui doit redevenir sagesse, au sens des Anciens, pour ne pas se perdre dans la spéculation : « On ne fait pas de la théologie en ajoutant des “corollaria pietatis” à des thèses abstraites, coupées de leur donné objectif et subjectif, mais en se tenant dans l’unité profonde de l’ordre théologal », affirme-t-il (p. 71-72), non sans égratigner au passage certaines autorités « baroques » comme le philosophe allemand du xviiie siècle Christian Wolff. C’est ce programme, exposé dans une brochure de circonstance à faible diffusion, qui va faire figure de manifeste. Chenu y subordonne clairement la philosophie à la théologie et n’accorde à celle-ci qu’un rôle modeste, nettement distingué du dogme dont elle procure, selon lui, des formulations réformables. Il y plaide aussi pour une démarche inductive à partir de l’histoire personnelle des hommes (une théologie digne de ce nom, c’est « une spiritualité qui a trouvé les instruments rationnels adéquats à son expérience religieuse ») ou de leur histoire collective (la théologie comme repérage des « “lieux” théologiques en acte » fournis par l’actualité). Un tel discours de la méthode prend délibérément le contre-pied d’une définition scolastique de la théologie, à caractère spéculatif et déductif.
II. Un homme, un lieu, une success story
1. Chenu
14 Marcel Chenu est né en 1895 à Soisy-sur-Seine, dans la grande banlieue sud de Paris, non loin d’Étiolles où s’installera ultérieurement le Saulchoir, fils d’un boulanger devenu entrepreneur en petite mécanique [20]. Il a fait ses études secondaires, jusqu’au baccalauréat, au collège catholique de Grandchamp à Versailles, où lui est venue tardivement une vocation qui l’a fait entrer au grand séminaire diocésain en 1912. Cette vocation s’infléchit ensuite, sous l’influence d’un de ses aînés, le futur bibliste Ceslas Lavergne, que le jeune Chenu a accompagné pour sa prise d’habit dominicain le 7 novembre 1910. Il est alors séduit par la liturgie, par la vie communautaire et par l’atmosphère studieuse du couvent d’exil de la Province de France, replié en Belgique depuis 1904. Après un an au grand séminaire de Versailles, il prend lui aussi l’habit dominicain au Saulchoir, le 7 septembre 1913, sous le nom de Marie-Dominique qui éclipse définitivement Marcel, son prénom de l’état-civil. Rares sont alors ses compagnons, dont bien peu persévèreront : proscrits de France par la République laïque comme tous les congréganistes, les dominicains n’attirent guère. Son année de vie recluse au noviciat se termine brutalement. La guerre entraîne la fermeture du Saulchoir et la dispersion de ses religieux.
15 Réformé pour déficience de santé à plusieurs reprises, le jeune Marie-Dominique est envoyé à Rome, où il est admis à la profession simple le 1er décembre 1914 (et à la profession solennelle cinq ans plus tard, ce qui est inhabituellement long), pour faire ses études de philosophie et de théologie au Collège angélique de l’Ordre dominicain, Collège pontifical depuis 1909. À la différence de nombre de ses contemporains, Henri de Lubac par exemple, né en 1896 et entré chez les jésuites en 1913, dont la formation ne se termine qu’en 1929, il ne participe en aucune manière à un conflit qui les a marqués de façon indélébile. Il acquiert à l’Angelicum une solide culture philosophique et théologique d’un thomisme classique, avec des professeurs comme les pères Hugon ou Lehu. Ordonné prêtre à Rome le 19 avril 1919, il termine sa formation par un lectorat en théologie avec l’étoile montante du Collège, le père Réginald Garrigou-Lagrange : soutenue en 1920, sa thèse porte sur la doctrine de la contemplation chez saint Thomas d’Aquin ; elle signale le penchant contemplatif d’un religieux dont on a surtout retenu ensuite la boulimie d’activité ; elle marque aussi son refus précoce, qui ira en s’accentuant, de dissocier la pensée de la prière [21]. Alors que Garrigou-Lagrange voulait en faire son assistant [22], Chenu est assigné en 1920, selon son désir, au Saulchoir qui vient de rouvrir ses portes et que son maître a quitté pour l’Angelicum en 1909. Sans en avoir eu vent quand il était novice, il est séduit par le programme défini en 1901 pour le couvent d’études de la Province de France par le père Ambroise Gardeil qui en était le régent : une école de théologie de niveau supérieur, capable de rivaliser sur le plan scientifique avec les meilleures universités, publiques ou privées [23].
2. Le Saulchoir
16 Pas de meilleur guide, pour connaître le Saulchoir, que le père Chenu lui-même dans le premier chapitre d’Une école de théologie – « De Saint-Jacques au Saulchoir » – qui parcourt l’histoire des études chez les frères prêcheurs en général, et chez ceux de la Province de France en particulier, depuis le xiiie siècle (p. 11-34). Les deux dernières étapes surtout méritent attention, bien que Chenu les revisite à sa manière. L’étape Gardeil d’abord. Régent des études de 1894 à 1911, le père Ambroise Gardeil a été l’une des chevilles ouvrières de la réforme du programme des études (ratio studiorum) qui triomphe dans l’Ordre en 1907. En plus des sept années de philosophie et de théologie obligatoires, ce programme prévoit la possibilité de deux années supplémentaires de spécialisation dans l’un des domaines suivants : philosophie, sciences, droit, mais aussi études bibliques et histoire. Une telle voie d’accès au registre universitaire enrichit d’autant la valeur de la formation dominicaine. Gardeil, pour sa part, demeure un spéculatif ; mais il ne décourage pas les « positifs », bien au contraire : le père Mannès Jacquin, envoyé se familiariser avec la discipline historique sous Alfred Cauchie, à l’Université de Louvain, devient ensuite le principal artisan du succès de la Revue des sciences philosophiques et théologiques, fondée au Saulchoir en 1907, année de l’encyclique antimoderniste Pascendi, ce qui dénote un certain courage [24].
17 Tenu à distance de la tempête moderniste du fait de son exil belge, le Saulchoir n’en est pourtant pas simple spectateur. L’enseignement et les publications de Gardeil – Le Donné révélé et la théologie notamment [25] – inscrivent le maître du Saulchoir dans un tiers parti qui se baptise volontiers « progressiste » : pas moderniste, mais pas « antimoderne » non plus, ce tiers parti s’efforce de faire droit aux requêtes légitimes de la modernité sans transgresser les limites de l’orthodoxie catholique et romaine. Aux côtés du philosophe Maurice Blondel, de l’historien du christianisme ancien Pierre Battifol ou du théologien jésuite Léonce de Grandmaison, on y trouve en effet, outre Gardeil, son ami de la Province de Toulouse Marie-Joseph Lagrange, co-responsable avec lui de la nouvelle ratio studiorum. La première équipe du Saulchoir se sent solidaire de ces médiateurs qui pâtissent de leur refus de rallier l’un des camps affrontés. Certes, le couvent d’études de la Province de France n’occupe pas la situation la plus exposée dans cet entre-deux ; mais sa position paraît suffisamment audacieuse pour qu’un théologien classique comme Garrigou-Lagrange se sente plus à l’aise à l’Angelicum.
18 Le père Antoine Lemonnyer, régent depuis 1911 et bientôt rejoint par le professeur de Fribourg Pierre Mandonnet, rassemble à Kain une deuxième équipe, la paix revenue, à laquelle s’agrège le jeune Chenu. L’étape Lemonnyer-Mandonnet est marquée par l’irruption au Saulchoir de la méthode historique en théologie. Avec l’appui du maître en philosophie médiévale qu’est Étienne Gilson, familier d’une maison à laquelle il fournit une caution universitaire appréciée, le Saulchoir s’engage, sous la houlette de ses deux animateurs, dans une vaste entreprise de restitution du Docteur angélique à son époque. La plupart des commentateurs, dont la succession constitue l’École, ont en effet coupé saint Thomas de ses racines et de ses attaches médiévales pour mieux contempler son œuvre dans sa logique, sa perfection et sa pérennité. Les théologiens du Saulchoir se font historiens des xiie et xiiie siècles afin de retrouver, avec les sources du maître, l’élan initial d’une pensée dont on oubliait trop qu’elle fut contemporaine de l’explosion gothique, de l’émancipation communale et de la floraison des universités. L’historicité de saint Thomas… À son service voient successivement le jour au Saulchoir, de 1921 à 1924, un Institut historique d’études thomistes, une Bibliothèque thomiste et une Société thomiste qui publie le Bulletin thomiste, supplément bibliographique de son aînée la Revue thomiste, fondée en 1893, avant d’acquérir son autonomie [26]. Le dernier chapitre d’Une école de théologie – « Les études médiévales » (p. 97-105)- et son « Appendice » bibliographique (p. 107-128) énumèrent, non sans fierté, les fruits de cette intense germination. « Le Saulchoir de Gardeil, de Lemonnyer et de Mandonnet » : la séquence revient fréquemment sous la plume du père Chenu, de l’avant-propos d’Une école de théologie au dénouement d’une crise qu’il aurait bien voulu lui éviter. Et il se présente comme l’héritier légitime d’une lignée moins homogène qu’il ne l’affirme.
3. Succès
19 Le père Chenu se plonge avec une ardeur juvénile dans le travail théologique. « Je suis heureux au Saulchoir comme le poisson dans l’eau », écrit-il le 3 novembre 1922 à son provincial le père Raymond-Marie Louis [27]. Titulaire d’un cours d’histoire des doctrines chrétiennes, il s’enthousiasme pour le thomisme de la maison, qui applique au Moyen Âge chrétien la méthode historique du père Lagrange. Dès sa création en 1921, il assure le secrétariat de l’Institut d’études thomistes auquel il fournit en 1925 un programme ambitieux. Il prend aussi la charge de la Société thomiste et inaugure dans son Bulletin thomiste les recensions incisives qui lui vaudront bien des inimitiés. Ses premiers travaux personnels, nourris d’un contact direct avec les œuvres médiévales, sont des études érudites de lexicographie, sur des mots et des notions, ou bien d’histoire de la théologie, qui prennent en compte le terreau culturel et social des systèmes abordés selon l’esprit des Annales d’histoire économique et sociale de Lucien Febvre et Marc Bloch, auxquelles il souscrit un abonnement dès leur naissance en 1929. Comme l’ont remarqué les médiévistes de métier Jacques Le Goff ou Jean-Claude Schmitt, il n’abandonne cependant pas la théologie pour l’histoire ; mais ses études d’histoire de la pensée scolastique sont vivifiées par leur insertion dans la conjoncture des xiie et xiiie siècles [28]. L’aboutissement de telles recherches est un gros article publié en 1927 dans la revue d’Étienne Gilson, Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge : « La théologie comme science au xiiie siècle » [29]. De facture classique, il soutient que la scolastique a fait de la théologie une véritable science, au sens aristotélicien qu’avait le terme au xiiie siècle. Mais l’activité de Chenu au Saulchoir dépasse de beaucoup son enseignement, qui tient une place modeste dans le programme des études, et sa production théologique. Il s’y révèle un véritable animateur, vite connu pour son entrain et ses boutades.
20 Aussi ce jeune théologien prometteur est-il le bénéficiaire d’une promotion accélérée à l’occasion du chapitre général réuni au Saulchoir en juillet 1932, qui fait figure de consécration pour une maison dont un ancien professeur Martin-Stanislas Gillet a été élu maître général en 1929, après avoir été provincial de France. La coutume veut que les débats de l’instance suprême de l’Ordre soient accompagnées d’une séance académique au cours de laquelle un ou plusieurs théologiens de la Province d’accueil passe(ent), sous une forme allégée, l’examen dit ad gradus, étape intermédiaire entre le lectorat et la maîtrise en théologie. Le choix du père Chenu s’imposait. Il se tire de l’épreuve avec un tel brio qu’il franchit, dans la foulée, l’étape suivante. Sept années d’enseignement séparent habituellement ad gradus de la maîtrise. Mais le corps professoral du Saulchoir ne comportant aucun maître en théologie, le père Gillet promeut sans plus attendre à la maîtrise un religieux dont il vient de vérifier les capacités. Désormais le plus titré des lecteurs, Chenu hérite tout naturellement de la régence des études pour la rentrée scolaire 1932 : il n’a pas trente-huit ans. L’Ordre dominicain ignore alors qu’une dénonciation par deux de ses étudiants a provoqué un premier examen à Rome, sans suite, des positions du Saulchoir et de certains de ses professeurs, dont le nouveau régent [30].
21 Entre 1932 et 1937, le Saulchoir glorieux selon Chenu vole de succès en succès. Les étudiants se pressent dans une maison qui accueille aussi ceux des Missionnaires de Notre-Dame de la Salette : pas moins de vingt-quatre entrants dans le noviciat du père Congar en 1925, parmi lesquels l’artiste Marie-Alain Couturier, le philosophe Dominique Dubarle ou l’éditeur Augustin-Jean Maydieu. Et le couvent d’études ne vit pas refermé sur lui-même : il accepte de répondre à l’attente des aumôniers et des responsables de la Jeunesse ouvrière chrétienne, belge puis française, qui y voient un lieu privilégié de formation intellectuelle et de ressourcement spirituel. Avec eux, ce n’est plus seulement la méthode historique, mais l’Histoire à majuscule qui pénètre au Saulchoir. Sans quitter son Moyen Âge d’élection, une partie au moins de l’équipe est ainsi invitée à suivre l’actualité, religieuse et profane [31]. Ce n’est cependant pas assez pour le régent. « Je suis resté stupéfait et peiné de l’extraordinaire impréparation, intellectuelle et morale, de nombre d’entre nous, dominicains », regrette-t-il en pleine crise sociale du printemps 1936. « Il faut l’avouer : par nos préoccupations et notre information philosophique et théologique, nous sommes de notre temps ; au point de vue social (idées, faits et contacts) nous sommes des émigrés et des exclus » [32]. La décision d’acquisition de la propriété d’Étiolles ouvre, en 1933, la perspective tant désirée du retour en France, qui fera cesser cette exclusion. Elle ne se concrétisera toutefois que cinq ou six ans plus tard [33].
22 Sur invitation d’Étienne Gilson, maître d’œuvre d’une entreprise de même type à Toronto, Chenu fonde en 1930, chez ses confrères d’Ottawa, un Institut d’études médiévales : jusqu’en 1935, il passe presque chaque année plusieurs mois dans cet autre Saulchoir, essaimage réussi outre-Atlantique, avec lequel se développent des échanges nourris [34]. Aussi le studium de la Province de France devient-il un pôle de référence pour des religieux qui déplorent une formation trop désuète à leurs yeux. Dans le dossier des réactions à Une école de théologie figurent trois lettres favorables de Canadiens, dont celle du provincial André Bibaud [35] et celle de Noël-Marie Mailloux, « votre petit frère du Canada », en cours d’études à l’Angelicum. Il écrit à Chenu le 22 janvier 1938 : « Il fallait que quelqu’un osât dire ce que vous avez dit. Je ne veux juger personne, je ne veux pas oublier tout ce que je dois aux maîtres auxquels je dois ma formation ; mais je ne vois pas non plus pourquoi il ne me serait pas permis de manifester un brin d’enthousiasme pour ce qui se fait ailleurs ». Aussi commande-t-il trois exemplaires d’Une école de théologie, pour lui et deux de ses compagnons. Quant au père Oger, adjoint au père maître des étudiants de la Province de Belgique, il se félicite de l’ascendant du Saulchoir sur les couvents d’études de celle-ci [36]. Des traces non négligeables de l’influence du Saulchoir sont aussi perceptibles du côté de l’Angleterre, via la revue Blackfriars, ou de l’Italie du nord, Piémont et Lombardie. Le Saulchoir ne serait-il pas en train de devenir une sorte de modèle alternatif à l’Angelicum ? Avec ses allures combatives, la brochure programme de Chenu ne peut que renforcer un tel soupçon. D’autant que ses positions font des ravages jusque parmi les étudiants du collège romain de l’Ordre. De passage à l’Angelicum, le père Féret raconte ainsi à Chenu, non sans humour, la « bronca » dont le père Garrigou-Lagrange a fait les frais, le 11 mars 1937, pendant le discours du religieux belge Jacques-Marie Vosté, ancien élève de l’École biblique de Jérusalem et professeur d’Écriture sainte, pour la fête de saint Thomas d’Aquin. Celui-ci faisait « une conférence sur la nécessité du travail “positif” (scripturaire, patristique, etc.) pour la théologie qui prétend se réclamer de S. Thomas. Un véritable manifeste, développant des idées qui depuis longtemps sont indiscutées au Saulchoir et que l’orateur […] semblait découvrir ! À mourir de rire [...] “Vous feriez mieux”, dit-il un moment aux étudiants, “vous feriez mieux de prendre pour objet des thèses de recherches positives que de disserter à perte de vue sur la Prédestination !” Tonnerre d’applaudissements. Le Père G[arrigou]-L[agrange] était rouge et riait d’une autre couleur ! Comprenant sa gaffe, l’orateur de reprendre que cela n’est naturellement pas dirigé contre son collègue et ami le P. G[arrigou]-L[agrange]. Re-tonnerre d’applaudissements » [37]. Le 29 juin 1937 enfin, ultime consécration : un décret de la Congrégation des séminaires et universités accorde un statut pontifical aux Facultés de philosophie et de théologie du Saulchoir : le père Chenu en devient le premier recteur [38].
23 Certes, Chenu n’est pas tout le Saulchoir, dont il ne parvient pas à unifier le corps des lecteurs autour d’une théologie revisitée par l’histoire : à l’instar du philosophe des sciences Louis-Bertrand Guérard des Lauriers, mathématicien de formation, plusieurs professeurs restent les tenants d’un thomisme spéculatif et déductif. Certains poursuivront d’ailleurs leur carrière dans un cadre plus classique, à l’Angelicum ou à Fribourg, comme les frères Thomas et Marie-Dominique Philippe ou leur homonyme Paul Philippe, sans lien de parenté avec eux. Le père Chenu réunit cependant autour de lui une équipe désireuse de renouveler l’enseignement de la théologie qu’il estime pollué par des siècles d’excroissances « baroques », et récemment menacé par la réaction antimoderniste, dont il a fourni en 1931 une critique voilée. Marie-Joseph Congar, Thomas Deman, Dominique Dubarle et Henri-Marie Féret sont les membres de cette garde rapprochée, avec laquelle il forme le projet d’une Histoire de la théologie qui ne verra pas le jour. Le père Congar, dans son « Témoignage » malheureusement interrompu, et le père Dubarle, dans un témoignage tardif ont fourni les échos chaleureux d’un tel compagnonnage [39]. Ces divergences de méthode ne troublent pourtant pas l’atmosphère studieuse du couvent « J’ai passé au Saulchoir […] trois jours délicieux », écrit le père Gillet au père Louis, devenu son adjoint à Rome, le 16 février 1937. « Une magnifique communauté pleine d’élan, et d’esprit dominicain. La bénédiction de S. Dominique est sur notre Ordre » [40]. C’est au nom de cette ruche au travail que Chenu a prononcé, pour la Saint Thomas 1936, le discours qui est la source d’Une école de théologie.
4. Une autorité
24 Cette rafale de succès confère au régent du Saulchoir une autorité dont il use pour combattre, non sans pugnacité, les réticences qui commencent de sourdre au sein de l’Ordre à l’encontre de la ligne qu’il imprime au studium. Le père Garrigou-Lagrange a bien tort de le féliciter de son article « Position de la théologie » [41], paru en 1935, car c’est sans doute lui que Chenu étudiant a entendu dire « l’incarnation, après tout, ce n’est qu’un fait », « boutade pleine de sens, qui dévoile candidement l’impuissance de la spéculation devant un fait ne donnant aucune prise comme telle à la science » [42]. Deux notices nécrologiques particulièrement sévères, l’année suivante, illustrent la verve critique de Chenu. Celle consacrée au père Thomas Pègues, illustre confrère de la Province de Toulouse, lui reproche, « faute des discernements requis », d’avoir érigé le thomisme « en une orthodoxie peu propice à l’examen des problèmes le plus légitimement posés, rendant ainsi S. Thomas solidaire apparemment de l’intégrisme d’un clan où le thomisme servait de paravent à toutes sortes de besognes et d’alliances », le positivisme de Charles Maurras notamment. L’autorité de l’Église, en rompant « ces fausses solidarités », a rendu « au thomisme sa liberté – et son objectivité – contre ces utilitarismes fâcheux » [43]. Comment mieux suggérer que le cours suivi au Saulchoir depuis 1932 est indirectement la conséquence de la condamnation de l’Action française et de ses attaches en milieu catholique ? Comme le cardinal jésuite Louis Billot, le père Pègues a été réduit au silence par Pie XI, après avoir tenté de lui résister.
25 Le cardinal servite Alexis Lépicier, préfet de la Congrégation des religieux, n’est pas mieux traité.
Si être thomiste consiste à admettre toutes les conclusions de S. Thomas depuis la distinction réelle de l’essence et de l’existence jusqu’à la composition du ciel cristallin, depuis la causalité physique des sacrements jusqu’à la théorie des quatre éléments, le P. Lépicier fut un fidèle thomiste. Mais si le vrai disciple pénètre jusqu’aux principes et à l’esprit de son maître, pour poser leur permanente ouverture et leur nécessaire progrès les problèmes fondamentaux de la pensée, philosophique ou théologique, il faut avouer que le P. Lépicier […] n’éprouva pas les exigences spirituelles qui furent celles d’un Albert le Grand, d’un Thomas d’Aquin ou, à leur suite, aujourd’hui, d’un Gardeil [44].
27 Le risque pris par Chenu est plus grand que pour Pègues, car le cardinal Lépicier n’a pas été mêlé comme ce dernier à la résistance des catholiques d’Action française et il est mort à Rome cardinal et revêtu de tous les honneurs.
28 Que l’ironie mordante de Chenu indispose certains de ses confrères, on en trouve la preuve dans une lettre du 29 décembre 1936 par laquelle le père Marie-Michel Labourdette, professeur au studium de la Province de Toulouse à Saint-Maximin, informe son ami Marie-Joseph Nicolas, professeur à l’Institut catholique de Toulouse, de projets pour la Revue thomiste qui vient de leur échoir : « si la Revue thomiste devait se définir par un “anti”, je ne dirais pas […] qu’elle sera “anti-pragmatiste”, mais “anti-Chenu”, non pas contre sa personne, bien sûr, mais dans son esprit et l’œuvre, à mon sens néfaste, de ce très superficiel pontife d’un certain thomisme à la mode » [45]. On en veut pour preuve surtout, les impressions romaines de Féret. « Ces notices, ici [curie généralice] et à l’Angelico font scandale [46]. J’en ai eu personnellement divers échos ou plaintes [...] Je ne m’inquiète pas outre mesure. Mais nous avons assez mauvaise presse », et pas seulement pour les nécrologies, mais aussi pour certains bulletins de la Revue des sciences, écrit-il à Chenu le 22 mars 1937. Aussi conseille-t-il la prudence « si nous ne voulons pas compromettre, par des bagatelles, la tâche que nous voulons faire en profondeur ». D’autant que les anciens du Saulchoir, à l’exception du père Simonin, ne le défendent guère. « Le P. Thomas Philippe, le P. Paul Philippe, a fortiori le P. Pollet, si attachés qu’ils puissent nous être par ailleurs, ne nous approuvent pas dans ce rôle de chiens de garde », conclut-il. D’après le père Philipon, professeur à Saint-Maximin, Garrigou-Lagrange méditerait d’ailleurs un « grand article contre le P. Chenu », sur sa conception des rapports entre travail théologique et vie spirituelle [47]. En fait, c’est Labourdette qui le lui a demandé, apprend-on dans un courrier postérieur : il est arrivé et a été mis en lecture, mais ne sera pas publié. Son auteur s’est brouillé entre temps, à propos de la guerre d’Espagne, avec Jacques Maritain qui est le mentor de la nouvelle équipe de la revue [48]. « Notre position est trop fragile, surtout à un moment où nous partons en guerre contre les pontifes du Saulchoir, pour risquer de nous mettre mal avec le P. Garrigou. Il vaut mieux que nous évitions ses ultimatums et que nous restions le plus possible loin de ses sollicitations », écrit le père Bruckberger à Maritain le 14 septembre 1937 [49]. Quoi qu’il en soit, le père Chenu, attendu à Saint-Maximin, doit y entendre parler de sa notice sur Pègues qui a fortement déplu [50]. Avant même la publication d’Une école de théologie, les réactions hostiles de l’Angelicum et de Saint-Maximin sont prévisibles, tant les camps internes au thomisme semblent tranchés.
29 Les interventions du père Chenu ne se limitent pas aux questions théologiques. Il suit avec passion le travail de ses confrères du Cerf, auxquels le père Gillet a refusé de l’agréger pour ne pas désorganiser le Saulchoir [51]. Et il use de sa jeune autorité pour les défendre contre les attaques d’ordre politique qui se multiplient contre eux à partir de 1936. Aussi est-il loin d’être un inconnu à Rome au moment où paraît Une école de théologie. « J’ajoute que, désormais, au lieu de laisser [...] ces calomnies, je me ferai à l’occasion un devoir d’y répondre malgré ma répugnance », peut-on lire dans un brouillon de lettre du 31 août 1937 au père Louis. De ces interventions, on trouve une série d’exemples dans ses papiers. Paul Vignaux, disciple de Gilson en philosophie médiévale et fondateur du Syndicat général de l’Éducation nationale, a donc eu raison d’inviter à replacer l’affaire Chenu dans ses « connexions politiques, de la guerre d’Éthiopie au régime de Vichy » [52]. Après la condamnation de l’Action française par Pie XI, le père Marie-Vincent Bernadot et ses adjoints ont créé successivement La Vie intellectuelle (1928), les Éditions du Cerf (1929) et l’hebdomadaire Sept (1934) pour soutenir la ligne pontificale. Cette aile marchante de l’Église de France a le vent en poupe tant qu’elle dispose de l’appui du pape. Mais le vent tourne à Rome avec l’agression italienne contre l’Éthiopie en 1935 : les réserves de Sept à l’encontre de celle-ci suscitent des réactions tant dans les milieux fascistes qu’au sein du catholicisme italien. Ami de l’Ordre jusque-là, le professeur Guido Manacorda, titulaire d’une chaire de littérature comparée à Florence et fasciste récemment converti au catholicisme, se fait une spécialité de la dénonciation des liens supposés entre les dominicains français et la franc-maçonnerie ou le communisme. « Nous sommes stupéfaits des calomnies invraisemblables que publient des hommes de la qualité du Prof[esseur] Manacorda lui-même. C’est à se demander s’ils “lisent” ceux qu’ils critiquent de telle manière. Ces calomnies sont du même calibre que celles des journaux allemands en ce moment contre le clergé et les prêtres complices du communisme », écrit Chenu à un confrère de Milan, le père Enrico Brianza, duquel il obtient une mise au point [53]. Les attaques redoublent avec l’arrivée au pouvoir des Fronts populaires et l’éclatement de la guerre civile en Espagne. Le refus d’alignement de Sept sur un des camps affrontés, qui est aussi celui de Jacques Maritain, devient vite intenable. Accusé à tort de sympathies « rouges chrétiennes », Sept est supprimé par décret du Saint-Office le 14 juillet 1937 : son dernier numéro paraît le 27 août [54]. Le père Chenu proteste vigoureusement auprès de Gillet et de Louis contre cette mesure, bien que n’ayant « aucune responsabilité doctrinale » dans le journal. « Je ne peux vous dissimuler que, pour la jeune génération de vos enfants – comme pour toute une génération d’apôtres en France – c’est une défaite qui nous déprime, en vérité et en charité », écrit-il ainsi au maître général [55].
30 Début septembre 1937, il intervient auprès de l’influent jésuite Enrico Rosa, directeur de la Civiltà cattolica jusqu’en 1931, pour contester certaines références de son récent article « Catholicisme et maçonnerie », qui prête crédit aux rumeurs de collusion entre les dominicains français et les « frères ». Sous-titré « L’appel d’un maçon à la trêve » [56], l’article évoquait la Lettre au Souverain Pontife d’Albert Lantoine, épinglé par Manacorda et par l’organe d’extrême droite La France réelle. Chenu n’obtiendra qu’une réponse de politesse [57]. Dans le même temps, il envoie à plusieurs personnalités de l’épiscopat français une note dans laquelle il dénonce la campagne menée par Manacorda et son appel à l’intervention de Rome contre les dominicains. « Si Sept doit aujourd’hui disparaître, c’est sans doute pour des raisons économiques » – motif donné par Gillet pour protéger le secret du Saint-Office – « mais c’est aussi par la pression de pareilles campagnes de calomnie (en Italie et en France) qui, malgré leur grossièreté, ne sont pas sans effet », y écrit le régent du Saulchoir, non sans perspicacité [58]. Les réponses qu’il obtient bousculent quelques idées reçues sur l’épiscopat français. Si le cardinal Liénart, de Lille, se laisse convaincre sans peine [59], c’est Mgr Feltin, archevêque de Bordeaux, qui entre le mieux dans les vues du théologien : il juge la disparition de Sept « fort regrettable », alors que le cardinal Suhard, archevêque de Reims, se contente d’un accusé de réception lénifiant [60].
31 Puis Chenu intervient auprès du père Louis le 8 octobre pour prévenir une condamnation de La Vie intellectuelle qui se sent elle aussi menacée. « Sept disparu, c’est La Vie intellectuelle qui devient l’objet immédiat des attaques », dans lesquelles il voit une offensive de grand style contre les forces de progrès au sein du catholicisme français : « attaques contre la V. I., tentative (avortée) de réintroduction de l’A. F. dans l’Église, corrections à faire dans la JOC contre l’inspiration Cardijn, discrètes menaces d’un intégrisme renaissant en domaine exégétique, historique, philosophique » [61]. Intervention à contretemps, puisque Gillet vient de lui retirer la censure de la revue, dévolue en fait au modératoire du Saulchoir, et que Louis se plaint d’un excès d’articles à hauts risques, sur Rousseau ou sur Rimbaud [62], alors que couve l’affaire Guillemin, ce que Chenu ignore bien sûr [63]. « Excellent, le Christianus, et son équilibre de pensée lui permet son audace. Allez-y. Ne faites-vous pas passer dans le même numéro de la V. I. “Par notre faute” de Guillemin, qui est effectivement en épreuves ? Cet article vient à point illustrer le billet d’E. Borne. Nihil obstat, pour tout le numéro », a-t-il écrit au père Maydieu, directeur de la revue, avant d’être déchargé de la censure [64], « L’Église corps de péché », billet de Christianus dû au philosophe Étienne Borne, et l’article de l’historien Henri Guillemin, « Par notre faute », paraissent dans la livraison du 10 septembre 1937. Leur titre en décrit sans fard le contenu : les fautes répétées de l’Église au cours des siècles, et encore aujourd’hui, sont pour partie responsables de la défection de nombre de ses enfants [65]. C’est peu dire que l’article de Guillemin fait mauvaise impression : « Ici, il a scandalisé bien des gens », écrit de Hué le père Gillet qui s’étonne de sa publication [66].
32 Il est donc heureux que La Vie intellectuelle écope seulement d’un avertissement sous la plume du préposé à ce genre de tâche, le dominicain italien Mariano Cordovani, maître du Sacré Palais apostolique. Dans L’Osservatore Romano du dimanche 14 novembre, il signe en première page, sous le titre « Per un articolo stampato nella Rivista “La Vie Intellectuelle” », une sévère critique de l’article de Guillemin qui se termine, en italiques, par « le Censeur aurait dû censurer ». Au lieu de se tenir coi, le père Chenu, dont le souci de franchise frise la naïveté, fait amende honorable auprès du religieux italien qui fut son professeur à l’Angelicum [67]. Au grand dam du père Louis [68], il se signale ainsi à l’attention de cet influent personnage qui ignorait auparavant l’identité dudit censeur. Cordovani répond cordialement, mais sans lâcher un pouce de terrain quant à la nécessité de sa mise en garde autorisée [69]. Or, on le verra bientôt monter en ligne contre Une école de théologie... « Plusieurs de nos lecteurs nous ont fait savoir le pénible étonnement que leur avaient causé deux articles parus dans le numéro du 10 septembre. Nous nous en excusons auprès d’eux », concède celui du 10 novembre. « Les pages qui suivent leur prouveront que La Vie Intellectuelle demeure digne de leur confiance et de leur estime et qu’elle a vraiment hérité de la piété filiale de nos aînés pour la sainte Église de Dieu ». Suit un billet de Christianus précisément intitulé « Sainte Église » et, dans le courrier de la revue, la traduction de l’article de Cordovani précédée d’un chapeau par lequel les responsables de la revue reconnaissent « qu’en publiant ces deux articles, nous nous sommes trompés ». La Vie intellectuelle continue, mais le couperet est passé bien près : elle a failli être supprimée quelques semaines après Sept.
33 Cette cascade de péripéties confirme que la décennie d’idylle entre Rome et l’aile marchante du catholicisme français, consécutive à la condamnation de l’Action française par Pie XI, est bien terminée en 1937. Le temps des Fronts populaires ramène vers la gauche le balancier des craintes vaticanes. Dans cette conjoncture dégradée, le régent du Saulchoir s’est signalé aux instances dirigeantes de l’Ordre, et à certains milieux curiaux, comme l’une des cautions théologiques majeures des publications de ses confrères des Éditions du Cerf, de plus en plus menacées. On a sans doute trop séparé les déboires d’Une école de théologie d’un tel environnement : les positions du père Chenu sur la méthode en théologie seront examinées d’un œil d’autant plus sourcilleux que ce même Chenu fait peu ou prou figure d’avocat de la Province de France, tant auprès de ses supérieurs que des autorités romaines.
III. Un accueil favorable
34 Brochure à faible tirage, pas distribuée par les circuits commerciaux habituels et rapidement retirée de la vente, Une école de théologie a été peu diffusée, comme le prouve la quasi-absence de comptes rendus. Comment dès lors deviner l’accueil qu’elle a reçu ? La chronique du Saulchoir souligne que le père Chenu « ne cesse de recevoir, des milieux ou des personnalités théologiques et thomistes les plus variés et les plus autorisés ! (Paris, Louvain, Strasbourg, Saint-Alban, Oxford, etc.), des approbations et félicitations enthousiastes ». [70] Il a conservé cette brassée de réponses dans laquelle les regrets du retrait interfèrent rapidement avec les accusés de réception. Trente et une réactions nous sont ainsi parvenues : vingt et une émanent de confrères dominicains et dix de personnalités extérieures à l’Ordre : le vieil ami Mgr Roger Beaussart, évêque auxiliaire de Paris, auquel la brochure est dédiée, qui ne comprend pas « les contresens » faits sur la pensée de Chenu [71] ; Mgr Bruno de Solages, recteur de l’Institut catholique de Toulouse ; l’abbé Émile Amann, professeur à la Faculté de théologie de Strasbourg et directeur du Dictionnaire de théologie catholique ; l’abbé Lucien Cerfaux, exégète de Louvain familier du Saulchoir [72] et l’abbé Charles Journet, professeur au grand séminaire de Fribourg en Suisse ; les jésuites Ferdinand Cavallera, de l’Institut catholique de Toulouse, Henri de Lubac, des Facultés catholiques de Lyon et Blaise Romeyer, du scolasticat de Vals près Le Puy ; enfin les universitaires laïcs Aimé Forest et Étienne Gilson, qui prend la défense de Chenu auprès du père Gillet [73].
35 Vingt-sept de ces réactions sont favorables, voire enthousiastes. On remarque parmi elles celle du père Antonin-Dalmace Sertillanges, revenu au Saulchoir après une longue éclipse, et qui sait ce qu’est la suspicion [74]. On remarque aussi l’appui différentiel venu des deux autres couvents d’étude français : le seul écho favorable de Saint-Maximin, celui du père Philipon, doit être mis en regard du net soutien de Saint-Alban-Leysse, studium de la Province de Lyon, par la plume des pères Bouëssé et Gerlaud. Notons encore le soutien significatif d’autres familles d’esprit : les jésuites Henri de Lubac, sans aucune réserve [75], et Ferdinand Cavallera, avec quelques réserves, ou le thomiste convaincu Aimé Forest qui ne ménage pas son admiration [76]. Notons enfin que plusieurs des correspondants de l’auteur, et non des moindres, puisqu’il s’agit des dominicains Charlier, Delos, Lagrange ou Simonin n’hésitent pas à qualifier de « manifeste » Une école de théologie : loin de voir dans l’emploi du mot une quelconque inflation verbale, ils attestent que le travail de Chenu a bien été considéré comme tel par plusieurs de ses défenseurs. Certains de ses amis les plus proches expriment toutefois quelques réserves sur la pugnacité de nombreuses formules : tel est sans doute le cas du père Féret, dont l’opinion n’a pas laissé de trace [77], et plus explicitement celui du père Congar : « Il ne s’agit pas de savoir si j’aurais écrit tout ce que vous avez écrit, et si je l’aurais écrit ainsi. Sans doute certains passages de votre livre manquent-ils un peu de sérénité, et il y a quelques points que j’eusse présentés autrement », confie-t-il à Chenu le 1er février 1938, dans une lettre chaleureuse et solidaire où il le supplie de ne rien se laisser imposer à Rome « au prix de notre déshonneur » [78].
36 Seules quatre réactions tranchent sur ce concert de louanges, puis de regrets : trois pour déplorer l’audace de Chenu et une seule pour la juger insuffisante. Telle est l’opinion du père Henri-Dominique Simonin, ancien du Saulchoir passé à l’Angelicum, dont le différend avec Chenu est antérieur, mais dépourvu d’expression publique : « Le P. Simonin, qui nous critique sévèrement quand il nous écrit, ne dit jamais rien contre nous parmi ses collègues, et y représente au contraire assez bien, je crois, notre esprit, qu’il le veuille ou non. Je crois même que ses sévérités quand il nous écrit viennent en partie de ce qu’il perçoit bien ici que nous jouons trop facilement avec le feu, et risquons de compromettre, en recevant quelque coup dur, le travail sérieux que nous voulons servir et qu’il veut servir comme nous », note pour Chenu le père Féret [79]. « Je ne suis d’accord ni dans le fond ni dans la forme », écrit Simonin à ce dernier. La charge est rude ! « Quant à la forme, le travail est inacceptable tant du point de vue administratif (ce n’est pas le style d’un recteur de facultés ecclésiastiques) qu’au point de vue technique, ce n’est pas le style théologique dans lequel on puisse proposer avec précision un essai de méthode. Quant au fond, si l’on gratte le salsifis et si l’on fait abstraction du mode spécial de présentation, on ne trouve rien que la position Gardeil-Garrigou [...] que, pour ma part, je ne peux plus souffrir [...] Pourquoi envelopper de formules douteuses, comme formules, une position rétrograde et périmée ? Où est le profit réel ? » s’interroge Simonin. Il affirme, en revanche, un accord substantiel avec l’Essai sur le problème théologique de Charlier dans la mesure où celui-ci sort la théologie du moule spéculatif pour la mettre au service de la vie de l’Église [80]. L’une des rares critiques d’Une école de théologie qui nous soit parvenue, hors de son procès romain, lui reproche donc de ne pas aller assez loin dans son refus de l’héritage scolastique.
37 Trois de ses confrères reprochent au contraire à Chenu son excès d’audace. L’opinion du père Labourdette selon lequel « le P. Lagrange lui-même est mécontent de la brochure Chenu » et l’aurait « fait entendre à l’auteur dans sa réponse » [81], est surprenante au vu de la lettre du vieil exégète retiré à Saint-Maximin. Il se félicite en effet des « si bonnes choses » qu’écrit Chenu sur l’École de Jérusalem et surtout de « cette théologie organiquement ressuscitée » dont il a dressé le programme. Il n’en conteste pas moins vigoureusement sa généalogie du Saulchoir. Gardeil ? S’il a eu « des éclairs, il m’est impossible de reconnaître dans son œuvre une synthèse, une unité puissante. Il eût admis difficilement qu’un dominicain ne se consacrât pas uniquement à la pensée de S. Thomas ». Mandonnet ? « Je confesse que je l’ai toujours regardé comme un médiocre », affirme Lagrange sans s’embarrasser de nuances. « Il va sans dire que votre œuvre personnelle n’en est que grandie et magnifiée », se rattrape-t-il en créditant Chenu seul du renom de la maison après en avoir ruiné les fondations. « Autre histoire de traditionalistes routiniers », écrit-il de l’affaire Chenu à son disciple de Jérusalem Roland de Vaux dans une de ses dernières lettres, puisqu’il meurt le 10 mars 1938 [82]. Le père Labourdette est autrement sévère, dans sa correspondance avec le père Nicolas. « Le P. Chenu vient de publier un manifeste […] C’est une déclaration de principes, non dépourvue de la naïveté inhérente au genre, augmentée de la satisfaction qu’a [ ?] de lui-même un cercle un peu fermé ». Voilà pour la forme. Sur le fond, à côté de « beaucoup d’idées communes », le professeur de Saint-Maximin regrette d’y trouver « cette idée équivoque de l’expérience religieuse ». Chenu en reviendrait par là au molinisme et, pire, « au plus mauvais Blondel, celui qui voulait transformer la définition thomiste de la vérité en “adaequatio mentis et vitae” », vieux reproche de Garrigou-Lagrange au maître d’Aix-en-Provence. Les deux erreurs majeures d’Une école de théologie sur l’expérience religieuse et sur la nature de l’intelligence feraient de ses « avances » à Maritain « des pieds de nez ». Tel n’est pourtant pas l’avis de l’abbé Charles Journet, théologien de référence pour le philosophe. La brochure, dont il a demandé un exemplaire à Chenu car il ne parvenait pas à se la procurer, lui paraît « bien sûr dirigée contre le P. Garrigou-Lagrange », « ou plutôt contre ce qu’il y a de sclérosé et d’autoritaire dans ses écrits de maintenant […] Mais dans l’ensemble (à part un certain agnosticisme philosophique) elle me paraît être un hommage tout à fait clair aux Degrés du savoir », informe-t-il Maritain le 23 avril 1938 [83]. L’embarras du père Thomas Philippe, qui a quitté le Saulchoir pour l’Angelicum en 1936, est manifeste : sa carte du 17 janvier 1938 exprime à mots couverts des réserves sur le lien établi par Chenu entre la contemplation et la science théologique : sans doute « la contemplation est utile et même nécessaire pour l’épanouissement de la théologie, mais cette nécessité tient-elle à la structure même de la science théologique ? » Le père Philippe ne répond pas, mais on sent où va sa préférence. Sa réserve, et celles de Labourdette plus encore, sont promises à un bel avenir.
IV. Rome 1938
38 « Comment y jugera-t-on votre plaquette ? », écrit à Chenu le père Humbert Bouëssé [84]. « Ces pauvres dominicains français vont décidément faire figure de révolutionnaires. Évidemment, la vie et la production du Saulchoir sont quelque peu humiliantes pour l’université internationale ». Il ne croyait pas si bien dire. Le 3 janvier 1938, le père Louis, qui dirige l’Ordre à la place du père Gillet en visite aux implantations dominicaines d’Indochine, se félicite de la réception d’Une école de théologie. « Intéressé et même passionné » par le travail, il demande à Chenu, en accord avec le père Michael Browne, recteur de l’Angelicum, d’en envoyer un autre exemplaire pour Mgr Ernesto Ruffini, secrétaire de la Congrégation des séminaires et universités [85]. Mais le 14 janvier, contre-ordre : deux religieux qui connaissent bien Ruffini « estiment que quelques-unes des idées que vous y exprimez ne sont pas de nature à lui plaire et qu’il vaut mieux ne pas lui en faire hommage ». Un temps chargé de la censure des livres au Saint-Office, Mgr Ruffini est en effet un redoutable chasseur d’hérésies. Le 17 janvier, le père Jourdain Padé, provincial de France de passage à Rome confirme : Browne a déclaré qu’on « ne saurait laisser passer les idées du P. Chenu » ; et un autre religieux consulté « que s’il n’y avait pas de protestation formelle contre votre manière de penser et d’écrire, l’Angelicum n’aurait plus de raison d’être. Il faut éviter que le Saint-Office soit informé : autrement il y aurait du vilain ». Aussi Padé a-t-il envoyé un télégramme pour que la vente de la brochure soit arrêtée jusqu’à plus ample informé. « Au lendemain de l’affaire de Latour-Maubourg ce contretemps est estimé ici très fâcheux. Je vois des esprits très montés », écrit-il. Pour son ami Nicolas, le père Labourdette confirme : « la stupide brochure du P. Chenu soulève l’Angelico, le P. Garrigou m’écrit une lettre terrible à son sujet : s’il n’y avait que lui, on ne s’étonnerait pas trop et il n’y aurait pas énormément à craindre, mais c’est le P. Browne […] qui a donné l’alarme et clame son indignation. L’espoir du P. Garrigou est que la brochure n’étant pas répandue dans le commerce n’arrivera pas jusqu’à la Congrégation des Études, car elle contient de vives critiques contre les rationes studiorum, y compris celle en vigueur ». Selon Garrigou, « l’auteur donne l’impression d’un conducteur d’autobus qui va beaucoup trop vite sur une route où il y a des tournants très dangereux » [86]. Ainsi l’affaire prend-elle les allures d’un règlement de comptes de l’Angelicum avec le Saulchoir. Le contentieux n’est pas nouveau : on peut penser qu’il précède même l’assignation de Chenu à Kain en 1920, contre l’avis du père Garrigou-Lagrange [87] ; mais sa régence n’a pas calmé le jeu, bien au contraire. « Seuls nos Pères de l’Angelico – certains d’entre eux du moins, et d’ailleurs les plus influents là-bas – […] ont vu des positions dangereuses pour la foi, et surtout pour le statut de la théologie » dans Une école de théologie, résume la chronique du Saulchoir acquise au père Chenu.
39 Le père Garrigou-Lagrange, alors vice-recteur de l’Angelicum, exprime ses griefs dans une note manuscrite, sans doute communiquée à Chenu lors de leur entretien romain, et que celui-ci commente en marge [88]. Après avoir loué la conception « élevée de la surnaturalité de la foi » que contient Une école de théologie, ainsi que son appel à « la vie intérieure », voire à « la vie contemplative pour le théologien thomiste », il en regrette d’abord la manière. Chenu paraît « trop sûr de lui : même et parfois d’une âpreté qui a fait dire que le ton est parfois détestable, celui d’un plaidoyer pro domo qui est souvent injuste pour autrui » ; bien plus en tout cas que celui des pères Gardeil et Lemonnyer, dont Chenu se réclamerait de façon abusive. Aussi le théologien romain se demande-t-il si la brochure ne fera « pas plus de mal que de bien » chez de jeunes étudiants et même de jeunes professeurs dont on constate les carences philosophiques lors de l’examen ad gradus, étape romaine avant la maîtrise en théologie. Parmi les critiques exagérées, il retient celles contre la ratio studiorum, contre les manuels thomistes de philosophie et de théologie et contre les « grands thomistes des xvie et xviie siècle », trop obnubilés, selon Chenu, par le combat antiprotestant. Comme auteur de manuels et comme disciple des commentateurs de saint Thomas d’Aquin, le père Garrigou-Lagrange ne peut pas ne pas se sentir visé par ces critiques, très présentes dans Une école de théologie. Plusieurs de ses réserves sur le fond auront la vie dure : sous-évaluation de la crise moderniste, confusion entre « la théologie et l’expérience religieuse du théologien », relativisation par l’histoire de la métaphysique et des énoncés dogmatiques. Chemin faisant, le père Garrigou épingle les formules-chocs que retiendront nombre de censeurs après lui : « Il ne fut pire disgrâce pour le thomisme que d’être traité comme une orthodoxie », sans les guillemets sur orthodoxie qui changent le sens de l’emploi du mot. « C’est aussi un g[ran]d honneur pour S. Th[omas] de voir que ses formules ont servi au concile de Trente et du Vatican », rétorque-t-il.
40 Averti de « l’interprétation tendancieuse » et des « contresens qu’on donne de [s]on opuscule », Chenu sollicite du père Browne une explication de vive voix pour les dissiper : Une école de théologie ne fait que développer son article « Position de la théologie » louée en son temps par le père Garrigou-Lagrange [89]. Browne accepte tout en signalant que « plusieurs phrases » de la brochure « auront besoin d’explication ». « J’ai vu longuement le Père Browne », confirme Padé : « peiné et inquiet », celui-ci « a noté 55 passages plus ou moins délictueux » dans son exemplaire que le provincial expédie au Saulchoir [90]. « J’ai étudié et d’assez près le système des coups de crayon », écrit à Chenu le père Dominique Dubarle. « Je dois dire que j’ai été très frappé de l’ensemble qu’ils font. Mettons à part les quelques pointes, et les attaques contre l’esprit de construction d’une citadelle conceptuelle ; contre la réduction de la pensée aux systèmes. Il reste deux points en cause : A. L’esprit et l’économie de la recherche intellectuelle. B. Le statu même de la “sacra doctrina” », le second point lui paraissant le plus grave : « ce sont les saisies maîtresses de la conception du statut de la théologie qui sont mises en cause par les coches ». Entre Chenu et ses critiques romains, il y a donc plus qu’un malentendu fondé sur des contresens aux yeux du jeune philosophe du Saulchoir : bel et bien une divergence de fond sur la nature et la fonction de la théologie [91].
41 « J’ai vu le Père Garrigou assez véhément, mais cependant fraternel », ajoutait Padé le 17 janvier. « Il a les mêmes reproches à faire que le P. Browne. Il y ajoute cependant quelques regrets pour la sévérité de vos jugements sur les vieux travailleurs de la scolastique, sur les manuels. » Et il se repent de sa lettre de louange pour l’article « Position de la théologie », que risque de lui opposer Chenu [92]. Le provincial a aussi rencontré le père Cordovani, qui avait la brochure en main et en avait annoté trente et un passages, parmi les plus contestés [93]. D’après le maître du Palais apostolique, « le travail, tel qu’il est présenté, par un recteur de faculté, ne peut être défendu, même par le meilleur ami du Père Chenu. Il sent le modernisme et le subjectivisme ». Rien de moins. S’il atteint Mgr Ruffini ou le Saint-Office, il risque une condamnation, car le thomisme en sort « disqualifié ». Cordovani sait de quoi il parle, lui qui vient de rappeler à l’ordre la Vie intellectuelle et son censeur… Marie-Dominique Chenu. Le 28 janvier, le père Louis invite celui-ci, qui ne cesse de crier au procès d’intention et qui sollicite en vain la médiation du maître général absent, à venir s’expliquer avec ses contradicteurs [94]. Parti du Saulchoir le 31 janvier, il arrive à Rome le 1er février au soir.
42 La lettre envoyée le dimanche 6 par le père Louis au père Padé donne un aperçu de son séjour romain. « Comme vous le savez, le P. Chenu est arrivé ici mardi soir […] dès le lendemain matin, il a commencé à faire des visites et partout il a reçu un accueil très charitable ; si personne n’a été de son avis, il a trouvé, lui a-t-il semblé, beaucoup de compréhension chez certains ». Il aurait donc effectué une série de visites individuelles sans comparaître devant une commission. « Jeudi soir, il avait fini de voir tous ceux qu’il avait à voir », continue Louis, « j’ai donc convoqué le lendemain le P. Régent pour savoir ce qu’il y avait encore à faire, puisque le P. Chenu retirait son livre et acceptait de faire un article où il aurait exposé clairement sa pensée et qu’il aurait soumis à des censeurs d’ici avant de le publier. Avant que j’aie pu lui expliquer ma pensée, le P. Régent m’a déclaré qu’il venait de voir le P. Cordovani, que celui-ci était toujours persuadé que, si le livre était dénoncé, il serait condamné et qu’il fallait penser à la précaution de faire signer au Père des propositions, dont il me présentait le texte ». Celui-ci aurait été rédigé par une commission de trois membres, « pas trop bien composée », selon le père Simonin, puisque le père Garrigou-Lagrange, seul Français, « est juge et partie dans cette affaire, et que les deux autres étaient choisis parmi les moins capables de bien entendre vos propos » [95]. « Je lui ai demandé, après les avoir lues, s’il était bien nécessaire de le faire », poursuit le père Louis. « Comme il insistait, je lui ai dit que je les présenterai au P. Chenu ; celui-ci ne fait pas difficulté pour les signer. Je ne dirai pas et je vous demande de ne pas dire qu’il l’a fait ; c’est simplement une pièce que je garde en réserve pour le cas où l’on nous demanderait des explications. J’espère qu’on ne le fera pas », conclut le père Louis. A-t-on demandé en outre à Chenu de publier un commentaire de ces propositions, comme l’écrit le père Garrigou-Lagrange en 1942 [96] ? Ce qui est sûr, c’est qu’il ne l’a pas fait.
43 Les dix propositions présentées par Cordovani, mais peut-être rédigées par Browne, ont été publiées en fac-similé dans la réédition d’Une école de théologie en 1985 [97]. La première affirme que « les formules dogmatiques énoncent une vérité absolue et immuable ». La seconde que les « propositions vraies et certaines, en philosophie comme en théologie, sont fermes et nullement fragiles ». La troisième que la Révélation est close depuis la mort du dernier apôtre et que la Tradition ne crée donc pas de vérités nouvelles. La quatrième que la théologie n’est pas une spiritualité qui a trouvé les instruments adéquats à son expérience religieuse, mais une vraie science ordonnée à la foi. La cinquième que les différents systèmes théologiques ne sont pas également vrais quant aux matières où ils divergent. La sixième que le système de saint Thomas est bien orthodoxe, c’est-à-dire conforme aux vérités de foi. La septième qu’il est nécessaire de démontrer les vérités théologiques par l’Écriture et par la Tradition et pas seulement par la raison selon saint Thomas. La huitième que celui-ci, authentique théologien, fut aussi un authentique philosophe ; par conséquent l’intelligibilité et la vérité de sa philosophie ne dépendent pas de sa théologie. La neuvième que le théologien, dans son travail scientifique, doit adhérer à sa métaphysique et aux règles de la dialectique. La dixième qu’il faut respecter les autres auteurs et docteurs, en parole et en écrit, même en signalant leurs défauts.
44 Un tel syllabus prêterait à sourire si l’affaire n’était pas aussi grave. Le père Chenu a d’autant moins de peine à le signer qu’il pense n’avoir défendu aucune proposition strictement contraire. Ainsi l’oblige-t-on à attester l’orthodoxie du thomisme, sans guillemets, alors qu’il a écrit qu’on avait traité celui-ci comme une « orthodoxie », avec guillemets, c’est-à-dire comme un système fermé imperméable à toute adaptation. Le théologien du Saulchoir a pourtant tort de ne voir dans ce syllabus que la caricature grossière ou malveillante de sa position. Le texte qui lui est soumis ne fait que systématiser les critiques adressées à sa brochure, à laquelle il renvoie de façon non équivoque : Chenu a bien écrit qu’« une théologie digne de ce nom, c’est une spiritualité qui a trouvé les instruments rationnels adéquats à son expérience religieuse ». Le différend qui l’oppose à ses confrères de l’Angelicum n’est donc pas simple médisance, mais divergence de fond sur ce qu’est et doit être la théologie : la conception fixiste et abstraite contenue dans le formulaire qu’il doit signer est aux antipodes de la conception historique et spirituelle illustrée par sa brochure dans laquelle ses censeurs ont vu, à juste titre, une mise en cause assez radicale de leur vision du thomisme et un modèle alternatif à lui substituer.
45 Née de la vive réaction de l’Angelicum contre Une école de théologie, l’affaire a été cantonnée aux instances romaines de l’ordre dominicain. Certes, « le maître du Sacré Palais, c’est le Vatican » [98] ; et le père Emilio Panella a bien montré combien le père Cordovani était hostile aux idées du père Chenu qu’il venait de réprimander dans l’affaire de la Vie intellectuelle. Mais rien ne transparaît de cette hostilité sur le moment. À Rome, Chenu a pu compter sur le soutien de père Louis et de quelques anciens du Saulchoir, où ses fidèles ont fait bloc autour de lui : il y dispose, avec Congar, Deman, Hyacinthe Dondaine, Féret, et surtout Dominique Dubarle, d’un véritable brain trust qui a travaillé à sa défense, conçue comme celle du studium dans son entier. Il revient toutefois au Saulchoir « quelque peu abattu », car ses idées se sont heurtées à des « incompréhensions décourageantes » qui prouvent la réalité des « ruptures et dissociations » dénoncées par sa brochure « dans certaine théologie post-tridentine » [99]. La fièvre semble pourtant s’apaiser au lendemain de son retour. De Rome, on lui écrit que ses accusateurs font « machine arrière » : leurs griefs contre sa brochure auraient été « plus une question d’opportunité que de doctrine » [100]. Le père Louis espère d’ailleurs que de « nouveaux ennuis » ne vont pas surgir, après des mois bien agités pour la Province de France. Suppression de Sept en août 1937, menaces contre la Vie intellectuelle en novembre 1937 et contre le Saulchoir en février 1938 : cela fait vraiment beaucoup [101].
46 L’autorité de Chenu ne sort pas amoindrie de la crise. Le 30 mai 1938, une lettre du père Gillet, revenu d’Indochine, lui commande « un petit rapport bref et substantiel sur l’importance de la science historique à notre époque et dans notre Ordre », afin d’en convaincre le prochain chapitre général. Cette commande est surprenante, car la trop grande importance accordée à l’histoire dans la formation des futurs théologiens était justement l’un des points de friction entre le régent et ses censeurs. Le père Chenu s’exécute avec l’ardeur qu’on devine, mais c’est Oxford, et pas le Saulchoir, qui est prévu comme lieu d’implantation d’un institut spécialisé, le studium de la Province de France devant accueillir un institut d’études sociales [102]. Chenu n’en joue pas moins un rôle important au chapitre qui se tient dans les nouveaux locaux de la Curie généralice, à Sainte-Sabine, du 25 au 28 septembre 1938 : membre de la commission des études, où il retrouve le père Matthijs, et de celle du tiers ordre ; président de celle des affaires économiques [103]. Il est aussi la cheville ouvrière du lancement d’une équipe de travail sur l’islam, annoncée sub secreto aux capitulaires par le père Gillet, équipe qui deviendra l’Institut dominicain d’études orientales du Caire [104]. Et c’est encore lui qui préside au retour du studium en France, pour lequel sa Province s’est mobilisée depuis des années. « Il faut qu’en octobre un groupe au moins occupe, symboliquement et réellement, la maison d’Étiolles », lui écrivait Dominique Dubarle le 7 février. C’est chose faite à la rentrée universitaire 1938, avec l’installation des philosophes dans la grande maison proche de Corbeil, avant celle des théologiens au moment où éclate la déclaration de guerre [105].
V. Nouveaux nuages noirs
47 L’accalmie est de courte durée : quelques mois plus tard, c’est Chrétiens désunis, du père Congar, qui est menacé de censure. Ce grand livre du théologien de trente-trois ans, qui ouvre la voie d’un « “œcuménisme” catholique », a inauguré en 1937 la collection d’études ecclésiologiques et œcuméniques « Unam Sanctam », dirigée par son auteur aux Éditions du Cerf. Le père Chenu accueille sa publication avec enthousiasme, lui qui y voit « un des plus beaux fruits de notre théologie au Saulchoir, où le retour aux sources et aux principes, le réalisme historique de l’Incarnation, la lumière de la contemplation de la foi, rendent une jeunesse et une séduction conquérante aux traditionnelles “conclusions” » [106]. Ainsi labellisé Saulchoir, cet ouvrage pionnier est accueilli avec faveur, tant dans les milieux catholiques que chez les « frères séparés », orthodoxes, anglicans ou même protestants, ce qui peut faire froncer le sourcil de ses lecteurs les plus intransigeants [107].
1. L’œcuménisme du père Congar
48 Les voix discordantes sont rares dans ce concert de louanges. Des journaux catholiques anglais, comme le Catholic Herald, regrettent certes un irénisme qui risque de freiner le mouvement des conversions [108] ; mais les recensions les plus nuancées visent moins l’œcuménisme de Chrétiens désunis que la méthode dont il est le fruit. Plusieurs lecteurs bienveillants ont noté, en passant, un excès d’indulgence de Congar pour les confessions séparées et un excès symétrique de rigueur à l’encontre du catholicisme. « Nulle part la charité n’est absente. Faut-il dire qu’elle semble parfois trop bienveillante ? », écrit ainsi l’ecclésiologue suisse Charles Journet, proche de Jacques Maritain [109]. Seul écho vraiment dissonant, le compte rendu du père Marie-Joseph Nicolas, professeur de théologie à l’Institut catholique de Toulouse, accentue ce reproche. Certes, il souligne dans un premier temps la richesse de Chrétiens désunis, non sans s’étonner de la hardiesse du jeune Congar, sur un sujet complexe où « de vieux maîtres avanceraient avec plus de crainte et de doute ». Dans un second temps, il développe deux objections de fond. L’expérience religieuse des « dissidents », quelle que soit sa valeur, doit être mesurée à l’aune de la vérité objective ; subjectivisme et relativisme guettent qui néglige cette vérité cardinale. L’Église catholique n’a rien perdu de substantiel dans sa lutte contre l’hérésie ou le schisme ; insinuer le contraire, c’est non seulement incriminer l’œuvre accomplie depuis le concile de Trente, mais miner les notes de catholicité et de sainteté [110].
49 Nicolas sent bien que sa critique peut nuire à Congar. Aussi en a-t-il soumis le projet à son ami Labourdette. Non sans avoir pris l’avis de Paul Philippe, en poste à l’Angelicum après l’avoir été au Saulchoir, le professeur de Saint-Maximin l’encourage à aller de l’avant : « vous pourrez avantageusement voiler quelques éloges par trop forts et mentionner la critique que vous voulez faire, puisqu’elle est juste ; je comprends bien votre sentiment, mais la tendance est tout de même trop dangereuse pour qu’on la laisse passer sans critique. Et si nous ne défendons pas la pensée théologique, qui prendra sa défense ? » [111] Les deux « Toulousains » ne tardent pas à apprendre que leur désir va au devant de celui du père Garrigou-Lagrange : « Je me demande si le livre du P. Congar […] qui est brillant, alerte, est très sûr. Il est bien difficile de porter, lorsqu’on est jeune encore, un jugement exact et ferme sur des sujets si difficiles et si variés, si complexes ; cela supposerait une compétence sérieuse des plus étendues. Il y a de bonnes choses, mais je crains qu’il n’y ait des excès », écrit-il au père Labourdette qui ajoute : « Moi, le manifeste du P. Chenu […] me persuade qu’il faut absolument combattre cette idée de systèmes et expérience religieuse » [112]. Congar et Chenu, même combat. « J’ai envoyé au P. Rosaire une épreuve de votre compte rendu », écrit-il encore à Nicolas ; « c’est de l’enthousiasme aussi bien chez lui que chez le P. Browne, chez le P. Garrigou, chez les Philippe » pour ce texte « admirable » [113]. Le père Congar ignore ces échanges qui permettent de mieux comprendre la formulation des griefs qui lui seront opposés en janvier 1939. Dès la publication de la recension de Nicolas, il flaire néanmoins le danger et tente, sans grand succès d’établir un contre-feu : il n’obtient rien du cardinal Verdier, qu’il a connu comme supérieur du séminaire des Carmes, et encore moins du cardinal Baudrillart, rencontré le 2 mai, qui paraît mal disposé envers les dominicains [114] ; quant au cardinal Tisserant, le père Louis lui déconseille de le solliciter dans la lettre où il lui transmet aussi le refus du père Gillet [115] : le maître général « ne peut engager sa signature et son autorité dans l’approbation d’une collection ou d’un livre de cette collection qui doivent s’imposer par leur valeur scientifique, et, en attendant, sont soumis à la discussion ». « Privément » toutefois, « je puis vous dire, et je vous charge de le dire au P. Congar, je suis ravi de voir l’activité de nos Pères s’engager dans des études de cette importance, et s’y affirmer avec autorité », écrit Gillet au père Chenu le 30 mai 1938. Ces études renouvelant « une foule de questions de grande actualité », il ne peut les soutenir « publiquement », se réservant de les défendre le cas échéant « contre des interprétations injustes ou des jugements sommaires portés au nom de ces “routines” que vous avez si justement dénoncées, et de cet état d’esprit “statique” ennemi a priori de tout dynamisme, de toute évolution légitime ». Un tel soutien rassure Chenu et Congar, qui n’entendent plus parler de rien jusqu’à la lettre de Gillet à Chenu du 17 janvier 1939, assortie d’un nouveau syllabus en cinq points :
Erreurs qui reparaissent aujourd’hui, par suite d’une imprudente confusion entre la foi chrétienne et l’expérience religieuse.
Dans plusieurs ouvrages et articles récents on trouve l’équivalent (sic) [116] des propositions suivantes :
1°) La foi chrétienne est l’expérience religieuse commune des chrétiens, expérience de la valeur de la vie chrétienne et des exigences du corps mystique du Christ qui doit toujours être perfectionné selon les nécessités du temps, plutôt que l’adhésion aux formules dogmatiques proposées par l’Église propter auctoritatem Dei revelantis.
2°) C’est pourquoi lorsque l’expérience religieuse individuelle dévie et tombe dans l’erreur, elle doit être corrigée par le critère de l’expérience religieuse commune des chrétiens authentiques, qui est quelque chose de toujours vivant, complet, qui rénove tout selon les nécessités du temps, plutôt que par les formules dogmatiques qui sont toujours une expression partielle, incomplète, souvent trop dure et rigide de l’expérience religieuse commune.
3°) Les formules dogmatiques, quoiqu’elles soient vraies et toujours à conserver dans le même sens, restent toujours relatives, d’une double relativité historique et métaphysique : aussi elles sont toujours imparfaites et si “radicalement fragiles” qu’elles sont plutôt relativement vraies, qu’absolument vraies.
4°) Les formules dogmatiques sont « une conceptualisation de l’expérience religieuse », ou une manière d’exprimer cette expérience vive et complète par des concepts fixes et toujours défectueux.
5°) L’expérience religieuse des protestants, quoiqu’elle soit déficiente et mêlée à bien des erreurs, conserve des aspects et des tendances de la véritable vie chrétienne, tendances particulières qui se trouvent de façon moins vive dans l’Église catholique. Celle-ci par la conversion des protestants deviendrait non seulement de façon quantitative, mais de façon qualitative plus riche et plus catholique.
51 Au vu d’un tel document, on comprend mal pourquoi la lettre d’accompagnement du père Gillet cible Congar et Chrétiens désunis : bien qu’en termes approximatifs ou forcés, les quatre premiers points visent au premier chef la phrase de Chenu sur la théologie comme spiritualité ayant trouvé les instruments rationnels de son expérience religieuse, phrase qu’il a rétractée à Rome en février 1938. Près d’un an après, l’affaire ne serait donc pas close. Seul le cinquième point vise, en la durcissant, une thèse maîtresse de l’œcuménisme du père Congar, dûment critiquée par le père Nicolas.
52 Gillet intervient « pour prévenir ou pour amortir certains avertissements qui pourraient être faits en haut lieu, le cas échéant, sous la pression de certains théologiens, qui […] regrettent la confusion de certaines pages qui gagneraient à être corrigées » [117]. En clair : une décision du Saint-Office auquel le livre a probablement été déféré. « Ce qu’on reproche au P. Congar, c’est de faire plus appel pour le contrôle de la foi à l’expérience religieuse qu’aux définitions de l’Église et aux formules dogmatiques » : reproche sans fondement dans ces termes, mais qu’il partage avec son mentor et ami Chenu. Le maître général lui suggère d’écrire une lettre attestant qu’il n’a « jamais voulu mettre en doute ni infirmer en quoi que ce soit le magistère de l’Église ; que s’adressant surtout à nos frères séparés, il a mis l’accent sur ce qui pouvait le plus les convaincre » et qu’il est prêt, dans une seconde édition à faire les corrections qu’on voudra bien lui indiquer. Muni de ce « paratonnerre », Gillet pourra écarter « la foudre si jamais elle menaçait ce beau monument ». Il ne sait rien d’officiel, « ni même d’officieux », mais il a cru « deviner certaines inquiétudes ». Aussi a-t-il pris les devants [118].
53 Chenu répond qu’il ne doute pas de la soumission de Congar à cette procédure quand il rentrera au Saulchoir : invité par l’abbé Paul Couturier, il prêche à Lyon « l’octave de prières pour l’Unité de l’Église ». Le régent n’en regrette pas moins la manière dont on a dissocié, dans Chrétiens désunis, des « éléments doctrinaux » dont le père Congar exprimait la synthèse : « Église, Corps mystique et magistère institutionnel, connaissance de foi et formules dogmatiques ». Échaudé par sa récente mésaventure, il conclut qu’« il n’est pire manière de trahir une pensée que de la “mettre en morceaux” » [119]. Après en avoir discuté avec l’abbé Journet et le père Nicolas, Congar bat en retraite sur les cinq points incriminés : le durcissement des positions catholiques après la Réforme ne concerne que le travail des théologiens, pas la foi de l’Église ; ce qu’il y a de vrai dans l’attitude spirituelle de Luther concerne uniquement sa vie religieuse avant sa rupture avec Rome ; d’ailleurs mettre en valeur un courant spirituel ne revient pas à minimiser le rôle de l’Église enseignante ni des dogmes qu’elle définit : jamais il « n’a fait de l’expérience religieuse, individuelle ou collective, un critère pour la foi » ; mais il maintient qu’existent chez les dissidents des formes d’expérience spirituelle moins présentes au sein du catholicisme ; la dilatation possible de la catholicité ne concerne pas sa substance, seulement son actualité. Ceci posé, il regrette que « certains » aient lu son livre dans un « certain “contexte” » qu’il ne précise pas, mais dont on devine qu’il s’agit du procès contre la méthode théologique du Saulchoir selon Chenu. Il refuse surtout « le procédé qui consiste à donner à une pensée 1° des antécédents et une filiation ; 2° un contexte, puis à extraire d’un livre des “propositions” qui sortent de ses attaches réelles et portent à l’absolu une idée donnée ». Ainsi « on peut faire dire à un auteur bien des choses qu’il n’a pas pensées ». Or telle est bien la pratique des censeurs romains. S’il s’est trompé, le père Congar est prêt à se corriger, à condition toutefois que les critiques lui soient faites non par la bande et en son absence, mais directement comme celles de Journet ou de Nicolas [120]. Le père Congar veut bien faire amende honorable, mais pas à n’importe quel prix. De passage à Genève en janvier 1939, il a d’ailleurs demandé à l’abbé Journet d’intervenir en sa faveur auprès du père Garrigou-Lagrange. « Vous pouvez dire au P. Congar que les rares fois où l’occasion m’a été donnée de parler de son livre, j’ai parlé comme la R[evue]. Th[omiste] d’avril 1938, en mentionnant les grandes qualités de cet ouvrage, en disant qu’il fait du bien, mais en notant aussi que certaines pages, que vous avez remarquées vous-même, auraient dû être corrigées et mises au point avant l’impression, et il est à souhaiter que cette correction soit faite dans l’édition suivante », répond Garrigou [121]. Dont acte : la recension de Nicolas est bien la pièce à charge utilisée à Rome contre Chrétiens désunis.
54 La piqûre de rappel est suffisante pour que le père Chenu revienne, non sans déchirement, sur plusieurs engagements éditoriaux pris par lui ou par les siens, notamment les articles « Thomisme » et « Thomas d’Aquin » du Dictionnaire de théologie catholique, qui devaient servir de vitrine à la méthode historique du Saulchoir. Sur les instances de Mgr Amann, directeur du Dictionnaire, Chenu accepte toutefois de conserver le second [122]. « Je comprends fort bien votre état d’esprit, mais il faut savoir se raidir, se durcir, ne pas être un vaincu », l’en remercie Amann qui a été exclu de son poste de professeur de sciences au grand séminaire de Nancy en 1907. Le père Gillet félicite au contraire Chenu d’avoir pris ces mesures de prudence. Il confirme « qu’en haut lieu on est inquiet, on craint un retour au modernisme. Les plaintes et les craintes se multiplient à ce sujet. Le bruit s’accrédite que les dominicains sont divisés ; que les jeunes abandonnent les positions thomistes ; qu’ils veulent moderniser la philosophie, la théologie, le dogme, et… S. Thomas lui-même bien entendu ; que la théologie positive doit supplanter la théologie spéculative, la problématique expulser la scolastique… » Et il laisse entendre que « des avertissements, des jugements, des condamnations » sont possibles [123]. Convoqué par le maître général de passage à Paris les 27 et 28 avril 1939, Congar apprend de sa bouche que Chrétiens désunis a bien été dénoncé et soumis au Saint-Office, mais que les explications de sa lettre ont satisfait les censeurs : « quand le P. Garrigou l’a lue, il m’a dit : “Mais, c’est parfait ! Après cela, il n’y a plus aucune difficulté” ». Bien que le maître général affirme qu’il n’y a pas eu de dominicain dans l’enquête contre son livre et que le professeur de l’Angelicum n’y a donc pas été mêlé, l’hostilité de celui-ci demeure la hantise des théologiens du Saulchoir, comme des proches de Jacques Maritain à Saint-Maximin d’ailleurs [124]. Personne ne voulant recenser la nouvelle édition de son traité De Deo, « je me suis dévoué, écrit Chenu. Et je lui ai soumis ma recension. J’ai corrigé une expression, où j’avais voulu être aimable, et où il entrevoyait une critique des “vieux” » [125].
2. Charlier et la méthode en théologie
55 « Je présume que l’incident Charlier (Louvain) est à l’origine de cette recrudescence » de soupçons, écrit Chenu le 28 février 1939 [126]. Vers la fin de l’année 1938, le père Congar intervient aussi dans un vaste débat sur la définition de la théologie, que nourrit le livre de son confrère Louis Charlier, Essai sur le problème théologique. Charlier, né en 1898, est entré dans la Province dominicaine de Belgique en 1915 ; ordonné prêtre en 1922, il enseigne la théologie et l’histoire des dogmes au couvent d’études de Louvain depuis 1925. Il connaît le père Chenu de longue date et il suit ses publications avec le plus vif intérêt. Le 22 janvier 1938, il le remercie pour l’envoi de son « beau “manifeste” ». « C’est ainsi que je me permets d’appeler Une école de théologie Le Saulchoir. Je l’ai lu et relu avec un intérêt tout particulier parce que vos pages répondent très exactement aux préoccupations de ma réflexion personnelle. Je suis heureux de me sentir si pleinement en communion “d’esprit” avec vous. Je suis en train de mettre la dernière main à la publication de mes notes sur le Problème théologique. Le P. Provincial m’y force. Il veut à tout prix que je passe mon examen ad gradus dans quelques mois. Mon travail se ressent de sa destination : thèse à présenter devant un jury romain. D’où des réticences et certaines imprécisions voulues. Tel quel je vous présenterai ce travail dès qu’il sera imprimé ». Averti par Chenu des déboires romains d’Une école de théologie [127], Charlier hésite à publier son livre, qui paraît cependant en septembre 1938 chez un petit éditeur belge [128]. Le père Browne lui écrit le 21 septembre que son examen ad gradus doit avoir lieu le 4 novembre. Mais le 23 octobre, contre-ordre : les religieux chargés de lire l’Essai sur le problème théologique pensent qu’il fait difficulté et doit donc être examiné à loisir. Alors que Chenu manifeste à Charlier sa solidarité, des bruits romains laissent entendre qu’on empêche celui-ci de répondre aux critiques qui lui sont adressées [129].
56 Plongé dans la rédaction de son article « Théologie » pour le Dictionnaire de Mgr Amann, le père Congar fournit au Bulletin thomiste un état de la question dépassionné fin 1938 [130]. Il y analyse quatre positions : celle exprimée par l’abbé René Draguet, professeur à la faculté de théologie de Louvain, dans trois articles de la Revue catholique des idées et des faits [131] ; celle du franciscain Jean-François Bonnefoy dans une série d’articles qui seront repris en volume [132] ; celle de l’Essai de Louis Charlier ; celle enfin du père Marie-Rosaire Gagnebet, religieux de la Province de Toulouse en poste à l’Angelicum [133]. Bien qu’ayant abordé de plein fouet le problème dans Une école de théologie, le père Chenu est absent de ce panorama : pour évoquer son opinion, il aurait fallu divulguer l’enquête à laquelle il vient d’être soumis, ce qui est hors de question. Congar a évité de citer une brochure envers laquelle il avoue pourtant sa dette en privé. Au terme d’une analyse des écrits de saint Thomas, les trois premiers auteurs se sont prononcés, avec plus ou moins de vigueur, contre la thèse selon laquelle la théologie serait une science, au sens aristotélicien du terme, capable de donner accès à l’intelligence du donné révélé ; thèse que les commentateurs auraient durci de façon indue. Le plus radical est Bonnefoy, mais il n’est thomiste que « de passage ». Puis vient Draguet, pur historien qui dénie toute validité à la théologie spéculative, au profit de la « positive du magistère ». Plus équilibré apparaît le « programme discrètement réformiste » de Charlier [134], que Congar critique « gentiment » [135]. Seul Gagnebet affirme haut et fort la position thomiste classique. Congar le cite longuement avant de signifier son plein accord avec une étude « véritablement heureuse, exacte, pénétrante et éclairante ». Il professe comme son confrère toulousain que « la théologie, s’appliquant à connaître les réalités révélées par nos moyens naturels, ne peut se contenter d’une méthode de pure autorité, mais doit utiliser la raison, constituer une science de Dieu-révélé, se soumettre aux lois logiques du fonctionnement de notre esprit, se servir enfin de données scientifiques naturelles » [136]. Avec des nuances depuis son article de 1927 sur la « théologie comme science au xiiie siècle », cette position est aussi celle du père Chenu que conteste explicitement Charlier dans son livre [137].
57 On pourrait donc penser que l’alignement de Congar sur la thèse classique sera porté au crédit du Saulchoir. Il n’en est rien pour deux raisons. D’abord parce que l’affaire Charlier relance la suspicion envers les dominicains de langue française : le père Gagnebet, dont Labourdette écrit qu’il sera « comme le P. Garrigou, aussi susceptible pour lui-même que dur pour les autres » [138], étrille Charlier dans une longue recension [139]. Mais surtout parce que René Draguet, qui ne semble pas au courant des tribulations romaines d’Une école de théologie, fait le lien entre Charlier et Chenu dans sa recension de l’Essai sur le problème théologique. Avec l’accord du dominicain belge, celle-ci souligne fortement les emprunts faits par Charlier au cours sur le même sujet que Draguet a donné durant l’année universitaire 1934-1935. Et son livre se range, selon le professeur de Louvain, « en bonne place à côté d’une série de travaux récemment parus, qui s’orientent à des degrés divers, sous l’impulsion de préoccupations analogues, dans une même direction. Nous songeons en particulier aux travaux des Dominicains du Saulchoir, qui ont naguère exposé leurs principes dans une brochure qui mériterait une large diffusion », avec référence entre parenthèses [140]. Une même direction ? On peut en douter. La conclusion de Robert Guelluy, qui a soigneusement comparé les trois œuvres incriminées, est plus nuancée. Selon lui :
la partie la plus originale du livre du P. Charlier est son étude de S. Thomas. Il s’y sépare du P. Chenu et on ne peut dire que c’est en reproduisant la brève analyse de R. Draguet. Pour traiter de l’inspiration du travail théologique, le P. Charlier se met dans le sillage du P. Chenu. Quant aux méthodes, il suit nettement R. Draguet : avec lui et avec M.-D. Chenu, il estime que les représentants de la scolastique post-tridentine ont durci la pensée de S. Thomas ; avec lui et contre le P. Chenu, il croit que S. Thomas n’a pas voulu faire de la théologie une « science » au sens aristotélicien ; avec Chenu et contre Draguet, il prône la complémentarité de la théologie positive et de la spéculative : Draguet considérait cette dernière comme facultative, ou en tout cas de peu d’intérêt [141].
59 Les convergences entre les trois théologiens, que Draguet est le premier et le seul à rapprocher, sont donc plus négatives que positives : ils partagent les mêmes réserves envers la scolastique tardive qu’ils voient comme une dégénérescence de la théologie spéculative depuis la fin du Moyen Âge. Or elle domine encore les universités et les dicastères romains. En revanche, « il faut une vigilante attention au vocabulaire » employé pour discerner les liens entre la brochure de Chenu et l’essai de Charlier « tant ils sont discrets » [142]. Une telle attention devrait, à tout le moins, empêcher d’aligner le second sur la première, comme le fera Mgr Parente en 1942. Seule pièce du dossier qui établisse une filiation entre Chenu et Charlier, le compte rendu maladroit de René Draguet n’est pas passé inaperçu à Rome.
3. L’héritage de l’École de Tübingen
60 Au printemps 1939, nouvelle alerte : un décret du Saint-Office du 20 mars ordonne « que toutes les copies » de L’Unité dans l’Église de Johann-Adam Möhler, paru moins d’un an auparavant [143], « qui seraient encore dans le commerce ou chez l’éditeur, soient retirées de la circulation, la vente en soit défendue, et toute réimpression interdite » [144]. La décision parvient aux Éditions du Cerf et au père Congar début mai, sans aucune explication. Bien que concernant la diffusion du livre, et non son contenu, elle n’en apparaît pas moins symbolique. La réédition de L’Unité dans l’Église selon une traduction du moine d’Amay André de Lilienfeld et avec une préface de Pierre Chaillet, professeur au scolasticat jésuite de Fourvière, son meilleur spécialiste français, a certes un caractère conjoncturel : en 1938, le centenaire de la mort du théologien de Tübingen suscite une redécouverte de son œuvre, dont les principaux artisans en France sont Chaillet et… Congar. Mais il y a plus. Seuls des retards matériels ont empêché L’Unité dans l’Église d’inaugurer la collection « Unam Sanctam », à laquelle il aurait servi de porche et de modèle. Publiée en 1825, cette œuvre de jeunesse que son auteur, « conscient de ses imperfections », a refusé de rééditer, « est encore pour nous aujourd’hui puissamment stimulante », écrira plus tard le père Congar. Möhler « voulait sortir d’une vision toute juridique et apologétique de l’Église société hiérarchique et autorité enseignante instituée comme telle par Dieu. Il la voyait à partir de son principe intérieur, le Saint-Esprit, principe d’amour mutuel qui se produisait, dans l’histoire, en expressions visibles de vie communautaire » [145]. Le fondateur de la collection « Unam Sanctam » partage une telle conviction, lui qui voulait à travers elle « faire connaître la nature ou, si l’on veut, le mystère de L’Église », « une notion de l’Église vraiment riche, vivante, pleine de sève biblique et traditionnelle » [146]. L’ecclésiologie du jeune Congar est très influencée par celle de Möhler, auquel il consacre plusieurs études [147] : à sa suite, il entend déplacer la définition de l’Église du pôle institutionnel et hiérarchique de matrice intransigeante vers le pôle du mystère, de la vie, de la communauté. Mais Möhler sent le soufre : n’est-il pas considéré, selon la notice que lui a consacré le Dictionnaire de théologie catholique, comme « un précurseur inconscient du modernisme catholique » [148] ?
61 Décider de retirer du commerce une réédition française de L’Unité dans l’Église n’est donc pas anodin, même si la décision ne fait aucune allusion à ce débat de fond. Le père Congar a senti le danger et il a pris ses distances par rapport à l’« unilatéralisme » de Möhler dans une défense et illustration de sa collection [149]. D’autant moins anodin que Möhler est l’une des figures marquantes de cette école de Tübingen, de laquelle s’est réclamé explicitement le père Chenu. Après avoir dédié sa « Position de la théologie » à Matthias Scheeben, qui en est l’un des émules, il revendique hautement cet héritage dans Une École de théologie : « C’est là, jusqu’en son vocabulaire, le thème principal des théologiens catholiques de Tubingue (Drey, Moehler), et on se plaît au Saulchoir à l’emprunter à ces maîtres de la renaissance catholique dans l’Allemagne du xixe siècle, en même temps que, pour la théologie de la révélation et de la foi, d’identique inspiration, on se réfère à M. J. Scheeben. Avec eux, c’est l’intellectualisme abstrait de l’Aufklärung et son indifférence à l’égard de l’histoire, que nous repoussons : péchés connexes, qui ne furent pas sans contaminer la scolastique moderne, candidement solidifiée dans la foule des manuels, même thomistes », lit-on dans sa brochure programme [150]. Plus que Pascal ou que Newman, qui auraient pu tout aussi bien leur servir à desserrer l’étau scolastique, le père Chenu et son disciple Congar utilisent ainsi ces théologiens allemands du xixe siècle pour revenir au fondement spirituel de la foi chrétienne, en deçà des élaborations abstraites auxquelles elle a donné lieu depuis des siècles. Mais voilà : ces théologiens sont eux-mêmes suspects à Rome. Lors de leur entrevue parisienne du 27 avril 1939, le père Gillet confirme d’ailleurs à Congar que le Möhler a été dénoncé au Saint-Office, « en raison de sa tendance où l’on retrouverait une certaine saveur moderniste, et de l’imprécision que l’auteur laisse sur la question de la Primauté romaine ». L’issue de l’affaire est toutefois différente de celle qu’annonçait alors le maître général, purement interne à l’Ordre [151].
62 Le père Congar rédige deux documents explicatifs pour l’archevêché de Paris, qui doit rendre compte au Saint-office de l’application de la mesure : d’une part des extraits de presse, favorables on s’en serait douté [152] ; d’autre part quelques remarques défensives. Möhler étant « un théologien bien connu, on ne voit pas pourquoi une version française de son livre rencontrerait des difficultés qui ont été inconnues de la réédition allemande », publiée sans encombres pour son centenaire, en 1925. Certes, Möhler « ne s’exprime pas, sur la question de la primauté du Pape, avec une pleine assurance », d’où la préface du père Chaillet qui souligne les faiblesses de l’ouvrage, sur ce point comme sur d’autres. « Quant au soupçon de saveur prémoderniste », il est « injustifié » aux yeux de Congar, qui se retranche derrière l’autorité du jésuite Léonce de Grandmaison. La « persécution anonyme » dont est l’objet « une des œuvres théologiques qui ont le plus marqué dans la restauration catholique du xixe siècle » lui paraît injustifiable, ou alors il faudrait condamner aussi Mgr Dupanloup et le cardinal Newman « qui ont été plus loin que Möhler ». Le théologien du Saulchoir proteste contre une mesure qui devrait selon lui être adoucie ou, mieux, rapportée [153].
63 Et il n’est pas seul de son avis. Le philosophe Étienne Borne signale que Francisque Gay s’inquiète, car il a sous presse un Hommage à Möhler dirigé par Chaillet, qui risque un sort voisin [154]. Dans le même sens, le démocrate chrétien Georges Bidault se demande si une intervention de l’ambassade de France auprès du Saint-Siège ne serait pas souhaitable [155]. Congar écrit pour sa part à Georges Goyau, connu pour son œuvre sur l’histoire religieuse de l’Allemagne du xixe siècle. « L’Unité dans l’Église a marqué par réaction contre la Réforme, l’Aufklärung et le fébronianisme, un renouveau de l’idée d’Église au-delà du Rhin », explique l’académicien au père Gillet, qui fait lire sa lettre à Pie XII : interdire sa traduction française est donc un contresens [156]. Le maître général affirme, contre l’évidence, que le décret ne change rien aux consignes fournies à Paris fin avril. « Ne donnez pas à cette affaire plus d’importance qu’elle n’en a en l’ébruitant ; c’est ennuyeux, mais c’est tout », écrit-il au père Chenu le 11 mai. Démentant toute « manœuvre » contre Le Saulchoir, il souhaite le voir continuer sa « magnifique tâche » et « tenir compte seulement de ces ennuis minimes pour en éviter de plus grands » [157]. Il suggère seulement que le père Congar, en passe de publier la thèse de l’abbé Gratieux sur le slavophile Khomiakov, se démarque des « doctrines des Russes » [158]. Le rapport du vicaire général Dupin est conforme au vœu de Congar. Il signale que le centenaire a suscité de multiples hommages à Möhler dans la presse et dans l’édition. Il souligne que la réédition a reçu le nihil obstat d’un maître en théologie… le père Chenu. Il explique surtout qu’un livre publié quarante-cinq ans avant le concile du Vatican, ne pouvait tenir compte des conclusions dogmatiques de celui-ci ; et que le père Chaillet a mis les choses au point dans son introduction, tant sur l’accusation de pré-modernisme que sur le rôle de la papauté, longues citations à l’appui. L’ordinaire de Paris n’a donc pas manqué de prudence en accordant son imprimatur [159].
64 « Il n’y a pas d’exemple que le Saint-Office retire un décret », écrivait Gillet [160]. Il est rapidement démenti : alors que la mesure n’a pas été publiée, elle est rapportée sur intervention politique au plus haut niveau. « “Il y a une dizaine de jours, j’ai demandé à la Présidence du Conseil d’intervenir pour l’affaire Moehler” », dit le 16 mai au père Congar le père Bernadot, fondateur et directeur des Éditions du Cerf, « “ils sont excédés de certains agissements du Vatican ; cela a été entendu avec le chef de cabinet de Daladier qu’ils diraient qu’ils ne toléreraient pas qu’on traite les catholiques français ainsi et qu’en brimant certains éléments, on laisse la Presse catholique au ton qu’elle avait il y a 30 ans.” Or, me dit le P. B[ernadot], la démarche a été faite, et on me communique à l’instant qu’une dépêche chiffrée, arrivée à 18 h annonce que le décret du Saint-Office est retiré. “J’ai considéré qu’il n’y avait pas là une question doctrinale, puisque l’édition allemande est permise : mais bien la suite de la lutte menée par ceux qui veulent détruire cette maison […] Considérant que j’avais affaire à la politique de l’Église, et que l’Église agissait ici politiquement, j’ai agi par les mêmes moyens et n’ai pas hésité à recourir – non aux Affaires étrangères et à Canet –, mais directement au Président du Conseil. On en a assez des procédés romains” », ajoute Bernadot, qui avoue son peu de confiance envers Pie XII [161]. Son journal inédit confirme : l’affaire a été traitée avec « Monsieur Chastaignau », sans doute Yves Chataigneau, secrétaire général de la Présidence du Conseil [162], et elle n’a pas traîné : le 16 mai en effet, un télégramme de François Charles-Roux, ambassadeur auprès du Saint-Siège annonce son heureuse issue. Bernadot commente : « Et voilà qui montre comment l’Église est en réalité gouvernée. Si le Gouvernement n’avait pas pris notre défense, nous étions de nouveau dénoncés aux catholiques français comme une maison suspecte. Le gouvernement se fâche, silence. Il s’agissait pourtant, disaient-ils, de doctrine » [163]
65 Deux commentaires sur cet épilogue surprenant. Il constitue pour les dominicains du Cerf une discrète revanche, après la suppression de Sept ou les menaces sur La Vie intellectuelle. Et il confirme les bonnes dispositions du gouvernement « d’union nationale » d’Édouard Daladier à l’égard du catholicisme français : on n’imagine pas Bernadot faisant pareille démarche auprès d’un gouvernement de Front populaire. Le cardinal Verdier, que Congar trouve dans les mêmes dispositions que Bernadot le 17 mai, refuse pourtant d’écrire une lettre de félicitations à l’abbé Gratieux pour son Khomiakov, persuadé qu’elle ne lui évitera pas la foudre, si celle-ci doit s’abattre sur lui, ce qui ne sera pas le cas [164]. En revanche, son auxiliaire Mgr Beaussart écrit à Chenu combien il attend de l’Ordre de saint Dominique [165]. Les voies romaines sont décidément impénétrables : alors que deux des premiers volumes de la collection « Unam Sanctam » sont en procès au Saint-Office, les bons offices du père Paolo Manna, missionnaire et missiologue italien, offrent à son directeur la possibilité de la défendre dans L’Osservatore Romano, début juillet 1939 [166]
4. Cordovani et Boyer
66 Après quoi survient la guerre, qui ralentit sensiblement les activités du Saulchoir, certains de ses élèves et de ses professeurs étant mobilisés, à commencer par Congar, fait prisonnier au printemps 1940 [167]. Mais pour « les défenseurs des vérités éternelles, la guerre est un épiphénomène terrestre qui n’interrompt pas leur sainte besogne », ironise Chenu, inquiet de deux nouvelles attaques [168]. Le 14 mars 1940 à l’Angelicum, le père Mariano Cordovani prononce pour la fête académique annuelle en l’honneur de saint Thomas une conférence sur la théologie à laquelle L’Osservatore Romano fait un large écho dans son numéro du 22 mars et qui est publiée ensuite dans la revue du collège. Sa première partie définit la théologie de façon classique comme approche rationnelle de la foi fondée sur les sources de la Révélation et sur la pensée thomiste remise en honneur par les papes depuis Léon XIII. Sa seconde partie, « De quelques tendances modernes », s’en prend d’abord à la tentation du « subjectivisme » qui présente le dogme non comme vérité révélée, « mais comme expérience religieuse des fidèles », et la hiérarchie de l’Église non comme institution divine, mais comme « conceptualisation de la vie d’amour vécue en commun ». Difficile de ne pas faire le rapprochement avec certaines formules reprochées au père Chenu. Le maître du Palais apostolique s’en prend ensuite aux « studiosi » qui dénigrent le passé de l’Église et n’en respectent rien, « pas même saint Thomas d’Aquin ». Ce double « relativisme psychologique et historique » envahit des livres se présentant comme des « programmes de réforme ». Certains auteurs font naître la théologie d’une « contemplation libre et audacieuse », qui a comme source unique et immédiate « l’expérience actuelle de la vie religieuse », et ne reculent pas devant l’idée d’une « tradition créatrice ». Cordovani souligne l’effet d’une telle approche sur la conception de l’Église comme corps mystique du Christ, dans la ligne de Scheeben, qu’il qualifie d’« égarement théologique », mais sans citer Möhler. L’encyclique Mystici Corporis Christi mettra les points sur les i en 1943.
67Le même défaut se retrouve, selon lui, dans la question voisine de « l’union des dissidents avec l’Église mère », par « surévaluation du christianisme russe », notamment, et par affirmation que le « schisme possède quelque chose qui manque » à l’Église catholique, ou que les définitions dogmatiques de celle-ci « appauvrissent et durcissent la vérité révélée ». Difficile de ne pas reconnaître là certains des reproches récemment faits à l’œcuménisme du père Congar [169]. Cordovani croit pourtant à la liberté du travail scientifique et dit ne pas approuver la « passion de la chasse qui se met en quête des erreurs d’autrui pour la maigre satisfaction de prendre en défaut le collègue qui travaille dans la même citadelle théologique » [170]. Alerté par le père Gillet, Chenu comprend bien que la pointe de la conférence du théologien romain « est expressément dirigée (quoique sans nom) contre le P. Congar et contre [lui] ». Mais il estime, « jusqu’à plus ample informé », qu’il s’agit d’« un retour au “passé”, non une étape nouvelle des incidents de 1938. Sinon, gare ! » [171]
68 Peu après, le père Charles Boyer, jésuite de la Province de Toulouse en poste à l’Université grégorienne, propose de façon mesurée, sous le titre « Qu’est-ce que la théologie ? », des « Réflexions sur une controverse ». Sa chronique, proche par son esprit de celle du père Congar dans le Bulletin thomiste, passe en revue les positions de Draguet, Charlier, Bonnefoy et Gagnebet. Elle s’en prend surtout à Charlier sur trois points principaux. D’abord le rôle de la raison philosophique en théologie que le dominicain belge réduit selon Boyer de façon abusive : si l’on ne pouvait prouver par la raison les vérités de foi, ou « les dogmes seraient vides de sens, ou la raison serait aveugle », écrit-il. Il conteste ensuite la lecture que fait Charlier de la pensée de saint Thomas sur la question, « absolument claire et très favorable à la spéculation rationnelle en théologie ». Enfin il craint que le déplacement suggéré par Draguet et Charlier de la théologie comme science au magistère vivant de l’Église n’aboutisse à des affirmations « nouvelles et difficilement acceptables », car la tradition ne saurait être que l’« explication de vérités contenues en quelque manière, formelle ou virtuelle », dans le donné révélé clos depuis la mort du dernier apôtre : « ce n’est pas le révélé qui se développe et qui s’accroît, c’est seulement la connaissance du révélé ». Après Congar, il dit son accord substantiel avec Gagnebet et définit la théologie comme « la science qui a pour objet d’exposer et d’étudier dans leurs connexions et leurs conséquences nécessaires les vérités que Dieu nous a révélées sur Lui-même » [172].
69 La réfutation de l’Essai de Charlier est rude, bien que le ton adopté par Boyer soit celui du débat scientifique entre collègues, pas celui d’une polémique inquisitoriale. Et le Saulchoir en est quasiment absent. Certes, une note initiale inclut « diverses études » de Chenu parmi les éléments du dossier ; mais il s’agit seulement d’une référence au milieu de bien d’autres, sans aucune discussion : volonté de « respecter la consigne du silence à laquelle les dominicains se tiennent depuis 1938 », suggère Robert Guelluy [173]. En revanche, Boyer estime que Congar, « malgré quelques réserves, qui s’adressent surtout au Père Bonnefoy, fait plus d’une concession importante à l’interprétation nouvelle des textes de saint Thomas, et il se montre fort sympathique à l’ouvrage du P. Charlier » [174]. Ce jugement est curieux : certes, le théologien du Saulchoir a évité de critiquer trop pesamment son collègue belge, mais il s’est aligné in fine, tout comme Boyer, sur la position « traditionnelle et vraie » du père Gagnebet [175]. Il n’y a pas d’autre allusion aux dominicains français dans l’article du jésuite, mais elle est négative. Et les critiques proviennent pour la première fois d’un théologien extérieur à l’Ordre dominicain.
70 « On dit (mais c’est difficile à contrôler) que le R. P. Boyer aurait écrit son article par une très haute indication », s’inquiète le socius espagnol Emmanuel Montoto, dans une lettre au père Gillet réfugié à Fribourg, le 9 août 1940. Quoi qu’il en soit, « on parle beaucoup dans quelques milieux de Rome de la nouvelle doctrine que les PP. dominicains enseignent contre ce qui est la tradition de l’Ordre », ajoute-t-il en enfonçant Charlier : son atteinte à « la force de la raison en théologie » conduirait « à des conclusions scientifiquement fausses et dangereuses par égard aux enseignements de l’Église ». Si une intervention d’en haut était prouvée, elle justifierait l’envoi d’un visiteur en Belgique, en France, en Angleterre et au Canada, « parce que ce sont les Provinces auxquelles on reproche de laisser aux Pères une dangereuse liberté doctrinale » [176]. L’inquiétude est telle que Montoto en touche un mot à Pie XII lors de son audience du 3 septembre : « Nessuno Mi ha parlato mai contro l’Ordine, mai, mai », aurait répondu le pape qui ne se serait pas ému de l’article de Boyer, « molto tomista ». L’adjoint de Gillet retire donc de l’audience qu’aucune « autorité supérieure, c’est-à-dire apostolique » n’est intervenue, sinon le pape en aurait eu connaissance. Il envoie cependant l’article à Gillet, tout en précisant que Boyer n’est plus à Rome, mais réfugié en France [177]. Le mécanisme qui aboutira à la sanction ne semble donc pas encore engagé début septembre 1940.
71 Il n’en va pas de même en janvier 1942, si on lit bien la réaction de Gillet à l’annonce que le Saulchoir renonce aussi à l’article « Thomas d’Aquin » du Dictionnaire de théologie catholique, sauf si le maître général en personne se porte garant du travail en cours dans la maison, ce qui est hors de question [178]. Averti sans autre précision par les pères Louis et Motte [179] que celle-ci reste suspecte, le père Chenu a averti Mgr Amann de sa décision, et l’a renvoyé à Gillet. « Je devine qu’il s’agit d’un article de combat où le Saulchoir prendrait parti […] dans une interprétation de la doctrine de S. Thomas qui a déjà suscité ici tant de soupçons, et s’oppose violemment sur certains points à l’interprétation courante, dite traditionnelle », s’indigne le maître général surpris de la requête de Mgr Amann. Il y va de la « réputation doctrinale de l’Ordre. Car c’est cela qui est ici en jeu, non seulement à l’“Angelicum”, mais “en haut lieu”. Je ne puis préciser davantage ». Moins de quinze jours avant le décret du Saint-Office, l’allusion est claire : une enquête est en cours. « On considère “le Saulchoir” comme suspect de dissidence doctrinale ; comme ennemi, non pas de S. Thomas, mais de la scolastique ; comme favorable à certaines idées modernes encore imprégnées de “modernisme” », précise Gillet, persuadé à tort que le débat est plus de forme que de fond. « Je crois personnellement que ce sont moins les idées que vous défendez qui vous ont nui, que le ton tranchant, dogmatique, avec lequel vous les défendez et l’espèce de mépris, d’ironie, de persiflage dont vous accablez les “opposants” qui se disent traditionalistes », explique-t-il en minimisant les divergences. « Le livre du P. Congar avait encore accentué cette impression. Celui du P. Charlier, approuvé par la Revue des Sciences Th[éologiques] et Ph[ilosophiques] (sic) a mis le comble à l’émotion des milieux officiels et autres. Dans le “Gregorianum” le P. Boyer, de la Grégorienne, s’est fait l’écho de cette émotion. Analysant le livre du P. Charlier, il a montré, sans passion, que cette thèse était en contradiction non seulement avec le thomisme, mais avec des textes clairs de S. Thomas. Il a paru surprenant que ce fut un J[ésuite] qui prit la défense de S. Th[omas], voire de l’orthodoxie contre les fils de S. Dom[inique]. Car il cite en note les noms de ceux qui ont traité cette question dans un esprit voisin : les P. Gardeil, Chenu, Congar, Marin-Sola, Rabeau », insiste Gillet [180]. Rétrospectivement, on ne peut s’empêcher de penser qu’il y a là un résumé crypté de la reprise de l’affaire : Charlier, puis Boyer contre Charlier et, par extension, contre Chenu et les siens, même si Boyer critique seulement la mansuétude de Congar pour Charlier.
72 Le père Chenu a-t-il compris le message ? On peut en douter, car il en retient surtout, outre les erreurs factuelles [181], la « paternelle affection » et la « permanente confiance » de son supérieur. « Sauvez, Révérendissime Père, notre liberté spirituelle pour le bon travail », s’écrie-t-il après avoir nié toute déviation doctrinale et réduit l’affaire au « procès de tendance » ancien instruit contre le Saulchoir par une école de théologie romaine en passe d’imposer sa méthode sous couvert de l’autorité du magistère. « J’espère que vous saurez lire entre les lignes ce que je ne dis pas et ne puis pas dire, sinon qu’il s’agit d’une situation non seulement sérieuse, mais grave, de nature à compromettre les intérêts qui vous sont les plus chers et que j’apprécie comme vous », a écrit Gillet. C’était aller aussi loin que le lui permettait le secret du Saint-Office pour prévenir Chenu de l’imminence de l’orage, à moins que la réponse de son subordonné ne le « calme » et ne « donne bon espoir ». Tel ne sera pas le cas. La réponse est datée du 13 février 1942, plus d’une semaine après le décret qui met Une école de théologie à l’Index, dont Chenu n’a pas encore connaissance.
II. LE SAULCHOIR SANCTIONNÉ (1942-1943)
I. Les attendus de la condamnation
73 Daté du 4 février 1942, entériné par Pie XII le lendemain et rendu public le surlendemain, le décret du Saint-Office qui censure la brochure de Chenu et le livre de Charlier paraît dans les Acta Apostolicae Sedis du 24 février et dans La Croix du 26 [182]. La Suprême n’a pas à justifier ses décisions. L’habitude se prend toutefois de confier à un de ses membres la charge d’en expliquer de façon officieuse les motifs dans L’Osservatore Romano. Elle revient pour le cas qui nous occupe à Mgr Pietro Parente, professeur de théologie aux athénées pontificaux du Latran et de la Propagande, consulteur du Saint-Office depuis peu. Publié en italien dans l’édition du quotidien vatican des 9-10 février, puis en latin dans l’organe spécialisé de la Grégorienne Periodica de re morali canonica liturgica [183], son article, intitulé « Nuove tendenze teologiche », a connu par la suite un large écho, car il comporte pour la première fois l’expression « nouvelle théologie » appelée à la célébrité après sa reprise par Pie XII en 1946. On y retrouve les cinq griefs majeurs avancés contre Chenu et Charlier depuis 1938, tant par leurs confrères de l’Angelicum que par les pères Cordovani et Boyer : sous-estimation du modernisme et de sa condamnation ; relativisme philosophique et théologique dépréciant le thomisme ; relativisme qui s’étendrait aux formulations dogmatiques elles-mêmes ; définition erronée de la théologie sur le fondement subjectif de l’expérience religieuse ; enfin confiance exagérée en l’histoire dans le développement de la tradition de l’Église.
74 De façon significative, Parente place les auteurs dont il commente la censure dans la lignée des contempteurs du thomisme scolastique, Laberthonnière, Loisy et Le Roy, naguère condamnés pour leurs « invectives » à son endroit : procédé classique qui consiste à justifier de nouvelles sanctions par assimilation à la précédente hérésie proscrite. Dans cette optique, le fait que les thomistes Charlier et Chenu aient peu de points communs avec les « courants de pensée théologique qui ont vu le jour sous la pression moderniste » importe peu. De façon tout aussi abusive, Parente associe Charlier à Chenu dans l’école du Saulchoir, marquée par Gardeil, Lemonnyer et Mandonnet, alors qu’il n’y a jamais étudié ni enseigné et qu’il s’est explicitement démarqué de Gardeil sur la scientificité de la théologie. Malgré les « meilleures intentions », un « tempérament vif », l’« amour de la nouveauté » et une « audace juvénile » les auraient conduits à esquisser une « réforme sur le terrain théologique » non dépourvue de qualités, mais « infectée de quelques principes dangereux qui se prêtent à de vraies déviations de la doctrine orthodoxe ». La sanction du Saint-Office ne saurait donc être une surprise pour qui a lu les deux livres incriminés et aussi leurs critiques par des « théologiens de valeur » comme Boyer et Gagnebet. Objection : ces deux auteurs n’ont critiqué que Charlier, pas Chenu. Réponse à l’objection : Charlier « suit la hardiesse de certaines théories originales de Chenu et va encore plus loin ». Le procès de tendance est bien avéré.
75 Plusieurs déviations majeures, ou supposées telles, sont épinglées. Chenu et Charlier jetteraient « le discrédit sur la théologie scolastique, sur son caractère spéculatif, sur sa méthode, sur la valeur de ses conclusions, qu’elle reçoit du donné de la révélation. Et le discrédit retombe naturellement sur S. Thomas ». Parente pourfend ensuite le relativisme attribué aux deux dominicains sur les formules dogmatiques, Charlier surtout, d’où une dépréciation de la raison au profit du sentiment, de l’expérience religieuse, « qui fait penser aux théories de Möhler exagérées ensuite par les modernistes ». La généalogie des critiques antérieures est ainsi validée : de Möhler au modernisme et de celui-ci aux auteurs incriminés. Chenu, et Charlier plus encore, professeraient des idées « inacceptables » sur le développement de la révélation qui, loin d’être close avec la mort du dernier apôtre, croîtrait sous l’impulsion du magistère de l’Église, position exclue au concile du Vatican et dans l’encyclique Pascendi de 1907 contre le modernisme. Il faut encore déplorer chez Chenu et Charlier, selon Parente, une dévaluation des preuves par l’Écriture et la Tradition, au bénéfice du magistère de l’Église. Bref nos deux « paladins » de la nouvelle théologie (en français dans le texte et en italiques) détruiraient les bases du système scolastique en vigueur sans que la reconstruction qu’ils proposent offre toute garantie du point de vue de l’orthodoxie. Certes, le théologien catholique ne saurait se durcir sur des positions vieillies ; « mais aucune nouvelle tendance, aucune critique, aucune exigence de pensée moderne » ne pourront jamais lui permettre « de gâter ou de modifier les lignes maîtresses de l’immutabilité de la vérité révélée par Dieu, conservée, interprétée et définie par le magistère infaillible de l’Église ».
76 On comprend qu’une telle somme des critiques récurrentes depuis 1938 n’ait nullement convaincu les victimes, qui n’obtiendront pas d’autre justification. Pour Chenu, le père Dominique Dubarle résume l’article en neuf points sur lesquels il suggère des réponses empruntées aux manuels du père Garrigou-Lagrange et du cardinal Billot [184]. Le régent du Saulchoir et ses proches ne cesseront ensuite de souligner les erreurs de fait, les généalogies fallacieuses et les amalgames indus de Mgr Parente : bien qu’on retrouve dans sa prose des expressions ou des idées qui leur sont familières, elles sont sorties de leur contexte et servent de prétexte à des extrapolations abusives : jamais Chenu n’a professé tout ou partie de ce qui lui est reproché.
II. Réactions
1. Des supérieurs
77 Comme membre de droit du Saint-Office, le maître général des dominicains ne doit rien ignorer de la procédure qui a conduit à sanctionner Charlier et Chenu, mais il est tenu au secret. « Vous savez sans doute la pénible nouvelle concernant le Saulchoir », écrit-il le 15 février 1942 au provincial de France Antonin Motte. « J’ai lutté jusqu’au bout pour empêcher cela, mais sans y réussir », ajoute-t-il de façon plausible. Outre le fait qu’un supérieur religieux ne peut se réjouir de voir condamner deux des siens, les liens étroits entre le père Gillet et le Saulchoir, où il fut professeur, avant d’être provincial de France et maître général, ne peuvent qu’ajouter à sa peine [185]. Il annonce à Motte, pour la mi-mars, un visiteur apostolique qui lui fournira de vive voix tous les détails de l’affaire, « avec les graves conséquences personnelles et collectives » qu’elle entraînera pour le Saulchoir. Il espère enfin que Chenu « ne fera pas attendre sa soumission complète au décret du Saint-Office » et que Motte la lui fera parvenir au plus tôt. Le père Louis lève ensuite un coin du voile : l’envoyé du Saint-Office sera le père Garrigou-Lagrange, adversaire notoire de Chenu ainsi que de la ligne qu’il a imprimée au Saulchoir, et il agira aussi au nom du père Gillet, qui lui a « recommandé de montrer une grande charité de cœur et d’esprit ». En attendant il faut que Chenu adresse au Saint-Office une lettre formelle de soumission à la mesure qui le frappe : l’adhésion qu’il a adressée au maître général le 27 février ne suffisant pas [186].
78 Il faut attendre le 17 mars pour que Gillet communique à Chenu ce que le secret du Saint-Office lui permet de dévoiler [187]. Il confirme qu’il a fait l’impossible pour empêcher l’orage d’éclater. « C’eût été possible, lui écrit-il, sans le livre du P. Charlier ; c’est ce livre, où vous êtes abondamment cité, qui a tout déclenché ». Erreur : il n’y a pas une seule référence à la brochure de Chenu dans le livre de Charlier paru peu de temps après elle, mais erreur qui accrédite la thèse appelée à devenir canonique dans la Province dominicaine de France : Charlier est le principal responsable d’une sanction qui a touché Chenu par raccroc, alors que ses positions n’ont guère de point commun avec celles de son confrère belge. Gillet signale pourtant que les inquiétudes romaines sont plus larges. « Au fond, c’est surtout un avertissement, un coup de frein », commente-t-il. « On redoute un retour au modernisme et on se montre affligé que ce soit nous qui en donnions l’impression, nous les fils intellectuels de saint Thomas ». L’accusation de modernisme ou de « semi-modernisme » court en effet comme un fil rouge dans tout le dossier. Précision importante : bien qu’en désaccord de longue date avec Chenu sur sa conception de la théologie et sur son enseignement, le père Garrigou-Lagrange « qui a été absent [de Rome] près de deux ans [depuis 1940] n’y est pour rien », information qui sera reprise par divers échos romains de l’affaire [188]. Tout en tentant de le consoler, Gillet conseille à Chenu de faire la meilleure figure possible au visiteur afin que le rapport de celui-ci ne soit pas trop négatif, et surtout de le convaincre que son « attachement à la foi, à saint Thomas, à la scolastique ne sont pas fictifs, mais réels ». Se rendant compte de ce qu’un tel amalgame peut avoir d’insultant et d’injuste il ajoute aussitôt : « Moi qui sait à quoi m’en tenir sur votre foi et votre esprit surnaturel, je souffre de vous voir ainsi publiquement frappé, et, en votre personne une maison qui a toujours la première place dans mon cœur ». Il lui confirme qu’il devra quitter le Saulchoir, où il pense comme Garrigou-Lagrange que le père Thomas Philippe doit le remplacer après la visite, et qu’il ne devra plus enseigner « provisoirement ». Malgré quelques formules malheureuses, le maître général maintient donc son estime personnelle au père Chenu, qui lui en sait gré [189].
79 Le 27 février, date à laquelle il reçoit la lettre de Gillet du 15, Motte en transmet le contenu à Chenu. « Voici le mot que je reçois du Rme P. C’est bien dans le sens de vos prévisions », formule que rectifie son compte rendu du même jour à Gillet : « J’ai appris moi-même la chose au P. Chenu, qui était loin de la soupçonner » [190]. Sa réaction personnelle est très vive : « Quelle crise de conscience déconcertante pour nos jeunes s’ils voyaient tout à coup traiter comme des malfaiteurs les maîtres en qui ils se confiaient, parce qu’on n’aurait retenu de leur enseignement et de leurs écrits que la part moins heureuse sans tenir compte de tout le contexte intellectuel et religieux qui est de nature à dissiper, pour les auditeurs et les familiers, les équivoques possibles, et dangereuses sans doute, auxquels sont exposés les lecteurs lointains, moins habitués aux nuances du français et au style de l’auteur ». Ce doute jeté sur la validité de la procédure [191] le conduit à plaider les circonstances atténuantes pour Chenu, et surtout pour le Saulchoir, où il serait soulagé de le voir remplacé par Thomas Philippe ou par Thomas Deman. Le 5 mars encore, sa volonté de préserver le Saulchoir le conduit à bousculer quelque peu la chronologie, puisqu’il affirme à tort qu’Une école de théologie est sortie avant l’érection des facultés canoniques, ce qui pourrait conduire à épargner la maison [192].
80 D’après la chronique de celle-ci, le provincial est venu au Saulchoir le 25 février pour informer les professeurs, puis les frères et pères étudiants. Ceux-ci « sont endoloris par ce coup » qu’ils n’ont pas vu venir, à la différence de leurs professeurs qui avaient eu vent des alertes de 1938 et de 1939. Relisant Une école de théologie, le père Motte ne juge le travail « vulnérable que dans la mesure où il est incomplet quant au fond et parfois provocant par sa vivacité dans la forme » : son « admirable conception de la théologie » ne souffre à ses yeux aucune critique. « Je ferai quant à moi tout ce qui sera possible, comme personne privée et comme personne publique, pour amener, au-delà même de notre réhabilitation, ce rayonnement de la Vérité qui nous intéresse infiniment plus que notre propre réputation ». Son soutien est donc total, bien qu’il demande à Chenu de rédiger un mémoire aussi clair que possible pour répondre point par point aux griefs de Parente dans L’Osservatore Romano [193].
81 Le maître général de l’Ordre se borne donc à transmettre des décisions auxquelles il n’aurait eu aucune part, et tente de réconforter leur principale victime. Tout en regrettant ses intempérances de langage, le provincial de France se montre solidaire de Chenu sur le fond.
2. Du père Chenu
82 Il apprend sans transition la mise à l’Index de sa brochure et sa destitution du poste de recteur et régent. Certes, il se soumet sans esprit de rébellion, mais n’en accuse pas moins le coup. Aussi la boutade recueillie sur le moment par l’un de ses élèves ne suffit-elle pas à résumer sa réaction : « On dit un Ave Maria et on continue de travailler » [194]. Elle renvoie peut-être à sa brève intervention devant les lecteurs du Saulchoir à l’annonce de la nouvelle : après avoir fait référence aux tribulations du père Lagrange, « il nous demande de dire pour lui un Ave Maria et de continuer sans lui, dans la probité et la fidélité, le travail théologique » du studium [195]. Le père Henri-Charles Desroches, de la Province de Lyon, alors en prolongation d’études au Saulchoir, aurait vu le « géant abattu, pleurer, que dis-je, sangloter sur ses espoirs atteints par ce coup bas » [196]. Les rares échos directs émanant du recteur destitué ne respirent d’ailleurs pas l’optimisme : « Que votre confiance amicale adoucisse ma peine, et me garantisse contre l’amertume, dans la liberté spirituelle », écrit-il le 21 février à Étienne Gilson, l’un des seuls amis qu’il ait tenu à prévenir lui-même, après sa mère bien sûr [197]. La première et la plus émouvante de la cinquantaine de lettres de condoléances qu’il a conservées est en effet la réponse de Madame Chenu à son fils :
Ma plume se refuse à te décrire toute ma tristesse, en apprenant une aussi grande épreuve, si douloureuse, qui t’atteint jusqu’au plus profond de ton cœur, et, de plus ce qui t’est plus pénible encore, atteint le Saulchoir lui-même. Oui, je vais bien prier le Seigneur pour toi, afin que tu conserves toute ta sérénité ; tu en as besoin en un pareil moment où tu as été blâmé si injustement... Ils sont arrivés à ce qu’ils désiraient tous ces théologiens de Rome qui, déjà, t’avaient attaqué, et ils cherchaient l’occasion de t’abaisser complètement (question d’intrigues, de jalousies sans doute, et aussi question politique). La guerre au lieu de les calmer dans leurs attaques, les a incités à recommencer à t’atteindre dans ce que tu as de plus cher, dans ce Saulchoir qui est ta vie et que tu aimes plus que tout le reste [198].
84 Personne mieux que sa mère ne mesure la rudesse du coup reçu par le théologien, dont son légendaire optimisme ne suffit pas à atténuer le dommage. C’est bel et bien son projet théologique pour le Saulchoir, auquel il a consacré l’essentiel de ses forces depuis dix ans, que compromet la condamnation de la brochure qui en présentait le programme.
85 Chenu ne fait guère attendre « la soumission complète au décret du Saint-Office » exigée de lui : datée du 26 mars, elle paraît dans les Acta Apostolicae Sedis du 1er mai [199]. Sans se rebeller, il conteste vigoureusement l’argumentation officieuse de Mgr Parente en continuant de nier toute parenté entre sa brochure et le livre du père Charlier. Cette dénégation revient comme un leitmotiv dans le dossier qu’il constitue sur l’affaire ; et elle est pour l’essentiel entérinée, on le sait, par ses supérieurs. Une telle interprétation commence par mettre en doute l’opportunité d’exhumer, « au milieu du drame affreux de cette guerre », une affaire interne à l’Ordre, vieille de quatre ans et qui semblait classée. Elle considère ensuite comme acquis le caractère déterminant du procès contre Charlier, « qu’on a considéré comme mon “complice” », bien qu’il n’ait jamais été du Saulchoir, « mais un disciple de Louvain et d’un certain “positivisme” théologique, pour me noyer avec lui » : son livre a d’ailleurs été critiqué, « gentiment » par le père Congar dans le Bulletin thomiste. Le commentaire de Parente est une « caricature » émaillée d’erreurs, voire un véritable « procès de tendance » [200]. Cette tentative d’explication à chaud, qui pose comme postulat que « la question Charlier semble vraiment avoir été déterminante », apparaît d’emblée et ne cessera d’être reprise ensuite par Chenu et par ses avocats [201]. Elle n’est plus tenable depuis la démonstration minutieuse de Robert Guelluy selon lequel Charlier a été entraîné dans la tourmente comme émule supposé de Chenu. Pour l’historien belge, c’est bien le Saulchoir qui était visé à travers son recteur comme la suite des événements le prouvera. L’instruction contre l’Essai sur le problème théologique de Charlier a seulement permis de relancer et de faire aboutir une affaire provisoirement enterrée en 1938. « J’arrive à la certitude que ce sont les difficultés suscitées par le livre du P. Charlier qui expliquent le passage de la réprobation confidentielle du P. Chenu en 1938 à la condamnation publique de 1942, laquelle ne vise pas directement L. Charlier et R. Draguet, mais le Saulchoir de M.-D. Chenu », conclut Guelluy [202]. Charlier n’est guère connu avant la publication de son Essai sur le problème théologique. Chenu, en revanche, s’est attiré bien des inimitiés du fait de ses critiques mordantes contre plusieurs théologiens romains, et il a proposé le Saulchoir comme modèle pour la formation des religieux. Son cas est autrement sérieux. La mise à l’Index d’Une école de théologie ne fut donc pas purement accidentelle dans le sillage du cas Charlier. Bien que sa ligne de défense soit autre, Chenu en convient d’ailleurs à l’occasion : « Ce qui me navre, c’est que le Saulchoir est visé et atteint ; car on n’a pas exhumé pour lui-même cet opuscule enseveli depuis 4 ans, dès sa parution, pour apaiser des chicanes fraternelles », écrit-il à un ami religieux le 4 avril 1942 [203].
86 Entre Chenu et ses censeurs, il y a bien un vrai débat sur la présentation de la foi chrétienne et sur la nature de la théologie chargée d’en rendre compte. Le dominicain n’en vit pas moins sa condamnation comme une injustice fondée sur un tissu de contre-vérités. Et cette impression à chaud s’avère indélébile, au point de le conduire à refuser, bien plus tard, de prendre connaissance de documents d’archives éclairant l’affaire. « Je n’ai pas eu la patience de relire ce texte. Quelle misère humaine ! Pauvre Église ! », note-t-il en décembre 1977 pour le père Duval sur l’enveloppe portant copie d’une lettre de Thomas Philippe à Garrigou-Lagrange des 6-8 mai 1942, retrouvée par l’historien Andrea Riccardi dans les archives de la censure italienne [204].
3. Beaucoup de soutiens, quelques critiques
87 Tombant dans un monde déchiré par la guerre, le décret du Saint-Office ne défraie guère la chronique : même dans les milieux ecclésiastiques on a d’autres chats à fouetter. Chenu reçoit néanmoins une brassée de témoignages de soutien, à commencer par ceux de ses frères de la Province dominicaine de France, et pas seulement des plus proches comme le père Congar, alors prisonnier de guerre : « J’avoue que les nouv[elles] reçues d’Ét[iolles] ont joué un rôle dans [l’]espèce de dépression qu[e j]’ai subie ces 3 dern[iers] mois et dont je suis maintenant sorti, je crois. C’est dur de sentir son foyer ravagé en son absence, et se voir si impuissant », écrit-il de la forteresse de Colditz à son ami Féret le 14 septembre 1942. Il ne cessera ensuite de vouloir élucider « cette invraisemblable affaire » [205]. Sans surprise, Chenu reçoit l’appui d’étudiants du Saulchoir (Liégé), d’anciens élèves (Anawati, Gourbillon, Jomier, Louvel, Maydieu [206], Régamey) ou de confrères (Noble, Réginald Omez, Vincent) pour lesquels l’affaire représente un véritable « deuil de famille » [207]. Le père Sertillanges, qui a une bonne expérience en matière de sanctions romaines, demeure optimiste : « Vous verrez, vous verrez ! Après la pluie vient le beau temps. Giboulées de mars que tout cela. En sauvant l’homme on sauve tout. Et l’on saura à quel homme on avait affaire », écrit-il à Chenu le 26 mars 1942. Mais celui-ci reçoit aussi des soutiens plus inattendus. « Vous connaissez ma tournure d’esprit, lui écrit le très conservateur père de Chivré, elle n’en donnera que plus de sincérité à la sympathie et à la prière que je tiens à vous dire en ces heures pénibles pour vous » [208]. Le plus surprenant des témoignages reçus, quand on connaît la suite, émane du père Thomas Philippe. « Je prie de tout cœur la très Sainte Vierge pour qu’elle adoucisse Elle-même cette si rude épreuve par ces divines consolations dont Elle seule a le secret », écrit-il dans le style marial qui lui est propre [209].
88 La Province de Lyon n’est pas en reste comme le prouvent une lettre du père Lebret, fondateur d’Économie et Humanisme, et une autre du père Bouëssé, professeur au studium de Saint-Alban-Leysse, pour le premier anniversaire de la sanction [210]. Rien, en revanche, du moins dans le courrier Chenu, venant de la Province de Toulouse. Pour savoir ce qu’on y pense de la sanction le concernant, il faut prendre connaissance des échanges entre le père Marie-Michel Labourdette et son ami le père Marie-Joseph Nicolas. Loin de se réjouir d’une mesure qui frappe un concurrent en thomisme, ces deux proches de Maritain redoutent les conséquences qu’elle risque d’avoir sur l’ensemble de l’Ordre en France. « Je n’aime certes, vous le savez, ni les idées, ni la tendance du P. Chenu ; mais l’affaire se présente de telle sorte qu’il est bien difficile d’en envisager les suites avec optimisme », écrit le premier tout en déplorant le « genre détestable » des « fervents du P. Chenu », « alliant à la fois gentillesse, vide et prétention ». Le seul bien pouvant sortir de la crise, selon Labourdette, « serait un rappel efficace à la nécessité de faire passer tout dominicain, du moins tout dominicain qui doit enseigner, par une étude sérieuse et directe de la Somme, de toute la Somme ; et de faire précéder cette étude par une philosophie vraiment thomiste, vraiment technique, que l’on apprenne », sans passage par l’histoire, manifestement [211]. Un peu plus tard, alors que leur confrère et ami le père Lavaud, qu’ils cherchent à faire revenir de l’Université de Fribourg, paraît menacé pour ses positions sur le mariage, l’inquiétude se fait plus vive : « C’est bien une Terreur, une nouvelle crise comme au temps du modernisme qui risque de s’ouvrir. Il faudra sans doute travailler en silence pendant longtemps : c’est déjà le lot des exégètes… », écrit alors Labourdette ; en tous cas si l’on ne veut pas jouer « le rôle d’un Pègues ou d’un Garrigou », voire d’« un homme pourtant intelligent comme le P. Gagnebet », dont « les formules intransigeantes et massives […] ne sont pas des plus rassurantes » [212]. Toujours aussi éloignés des positions de Chenu, les « Toulousains » ne s’alignent donc plus comme en 1938 sur celles de leurs confrères romains, dont ils craignent la rigueur et l’étroitesse.
89 En dehors de l’Ordre, la seule réaction défavorable provient, ce qui ne surprendra guère, du vieux cardinal Baudrillart. « Malgré l’opposition vigoureuse des dominicains italiens et espagnols, qui ont depuis longtemps vu juste », les « utopies démocratiques de trop de nos Français ignares » ont continué leur chemin, au risque d’un schisme ou d’un retour de l’intégrisme, écrit-il dans son Carnet le 6 mars 1942. Le 11 en revanche, rien d’autre que « sinistre blague du Conseil de vigilance aujourd’hui rétabli », auquel il se promettait pourtant le 3 de soumettre les questions suivantes : « M. D. Chenu. Père Congar ? Étiolles. Rue de la Glacière. Université catholique, doctrine du Saulchoir » [213]. A-t-il été question de l’affaire au cours de cette réunion ? Et si oui quel en a été le résultat ? Une semaine avant sa tenue, le sulpicien Louis Augros avertissait Chenu du refus de l’archevêque de Paris, le cardinal Suhard, de signaler la sanction dans sa Semaine religieuse « s’il n’est prié d’en haut à cet effet » [214]. Suhard a pourtant reçu du Saint-Office le dossier de l’affaire que le père Garrigou-Lagrange doit lui résumer de vive voix [215]. Les papiers Chenu ne comportent qu’une seule réaction épiscopale : le service minimum de l’évêque auxiliaire de Versailles, Mgr Henri Audrain, qui fait répondre obéissance, sacrifice et souffrance rédemptrice [216]. Mgr Beaussart, évêque auxiliaire de Paris, serait « furieux », mais sa colère n’a laissé aucune trace écrite [217]. En revanche, Mgr Bruno de Solages, recteur de l’Institut catholique de Toulouse, qui ne « décolère pas » de l’épisode [218], ne se contente pas d’assurer son ami de sa « fraternelle et douloureuse sympathie » [219] : il sollicite à Rome un autre ami, le cardinal Eugène Tisserant : « Tout ce qui compte dans le monde théologique a été douloureusement ému de ce qui arrive au Père Chenu et les suites m’inquiètent fort. N’y a-t-il rien à faire pour empêcher qu’on tire sur nos meilleures troupes, en un moment surtout où les communications empêchent d’intervenir, d’expliquer et de défendre ? » lui écrit-il le 28 juillet 1942 [220]. Mais Tisserant, secrétaire de la Congrégation pour l’Église orientale, n’est pas membre du Saint-Office et n’a donc pas de prise sur les questions doctrinales. Le 27 juillet, Chenu se décide à écrire au cardinal Suhard. « Croyez, mon cher Père, que je ne suis pas indifférent à votre épreuve, et que mon plus vif désir est de vous apporter réconfort dans la souffrance que vous endurez », répond l’archevêque de Paris le 30 juillet, avant de proposer un rendez-vous le 3 août, qui sera repoussé en fin de mois. Est-ce durant celui-ci que Suhard a émis la boutade souvent rapportée ensuite par le théologien dominicain ? « Petit Père, ne vous troublez pas, dans vingt ans tout le monde parlera comme vous » [221]. L’épisode n’a laissé aucune trace dans les papiers Suhard ni dans son journal. Pas plus que la demande explicite d’intervention à Rome que lui présente Chenu le 2 janvier 1943, à la veille de sa visite ad limina [222]. Selon le père Motte, « le cardinal Suhard a eu en mains à Rome deux documents qui nous sont destinés et dont il n’a pas voulu se charger : une lettre du P. Général sur les études et une autre nous notifiant les conclusions de la visite apostolique de la part du S. Office » [223]. D’où une déception que partage un proche du cardinal, le père Bouëssé : « Ce que vous me confiez d’Emmanuel [Suhard] me navre mais ne m’étonne plus [...] j’ai appris combien sont timides, pour ne rien dire de plus fort, ceux qui devraient se montrer des chefs. Ils expriment leur jugement qui est en parfait accord avec le nôtre... et ne font rien », écrit-il à Chenu le 1er mai 1943. On ne peut donc pas dire que Chenu ait « reçu de nombreuses lettres de sympathie de l’épiscopat français », comme l’écrit l’abbé René Draguet, lui aussi menacé [224].
90 À défaut de soutien hiérarchique, la compassion de ses amis théologiens ne manque pas au recteur démis du Saulchoir : le jésuite de Fourvière Henri de Lubac, l’abbé Jean Mouroux, du grand séminaire de Dijon, l’oratorien Gaston Rabeau, bien connu des lecteurs de la Revue des sciences philosophiques et théologiques, ou encore le théologien allemand Friedrich Stegmüller, auteur d’une des rares recensions d’Une école de théologie, lui manifestent leur sympathie et leur solidarité pour sa « “captivité” douloureusement libératrice » selon Mouroux, bien dans le ton de l’époque. « L’affaire du P. Chenu est odieuse », écrit pour sa part le père Daniélou qui, dans son compte rendu de la leçon inaugurale, le 15 novembre 1943, de la chaire d’histoire de la spiritualité de l’Institut catholique de Paris tirera Étienne Gilson dans le sens que l’on reproche à Chenu : « Si M. Gilson n’en a pas parlé, toute son œuvre en fait foi qui nous montre qu’à chaque grande spiritualité a correspondu une grande théologie et que saint Augustin, saint Bernard, saint Thomas et saint Bonaventure ont eu chacun la théologie de leur spiritualité » [225]. En 1942, Chenu n’est plus connu des seuls théologiens, mais aussi des apôtres de la mission intérieure, dont il devient l’un des conseillers les plus écoutés. D’où la présence parmi ses soutiens du père Dominique Mesnard, aumônier de la Jeunesse maritime chrétienne et de son confrère de la Jeunesse ouvrière, le père Albert Bouche, qui avoue lui devoir beaucoup [226]. Mais surtout de Monsieur Louis Augros, supérieur du séminaire de la Mission de France qui démarre à Lisieux, dont Chenu est un guide apprécié [227]. Ou encore de l’abbé Jean Rodhain, aumônier national des prisonniers de guerre.
91 Du côté des intellectuels laïques, la notoriété du père Chenu est suffisante pour susciter une salve de condoléances. Le très gallican Louis Canet, conseiller pour les affaires religieuses du Ministère des Affaires étrangères, manifeste par deux fois sa sympathie compatissante : il faut dire que, comme les précédents inédits du père Laberthonnière qu’il publie, les Études de philosophie cartésienne et premiers écrits philosophiques ont été victimes de l’Index le 29 mars 1941 [228]. Un brouillon de réponse conservé par Chenu prouve que son futur successeur, le professeur de droit Gabriel Le Bras, lui a proposé d’intervenir auprès du père Gillet [229]. L’écrivain Daniel-Rops et le philosophe Henri Gouhier se manifestent eux aussi [230]. Rien en revanche de Jacques Maritain, en exil aux États-Unis, qui se préoccupe surtout du sort du père Lavaud, mais n’en pense pas moins. « Chenu dégommé du Saulchoir et son programme mis à l’Index. Garrigou triomphant », « je crains que Pastor Angelicus ne soit une divine ironie, et combien cruelle », écrit-il à son disciple Yves Simon, à propos du « pauvre Chenu » [231]. Mais le principal confident de Chenu, au lendemain de la sanction, n’est autre qu’Étienne Gilson avec lequel il entretient d’étroites relations de travail depuis près de vingt ans. « La nouvelle que vous m’apprenez me ferait simplement rire si je ne savais quelle peine profonde cette mise à l’Index doit vous causer », lui répond-il le 27 février, tant elle paraît invraisemblable. Il en mesure le poids de souffrance pour la victime et les répercussions sur le travail intellectuel dans l’Église, tout en espérant que le coup n’interrompra pas l’« activité de maître en théologie » de son ami. Après avoir relu Une école de théologie, il persiste et signe : loin de desservir le thomisme, la brochure condamnée voulait le ramener « sur le plan du concret ». Comme le père Motte, il estime que le tort de Chenu est d’avoir critiqué les thomistes spéculatifs : ils se sont vengés. Il faut continuer à travailler dans la même veine, mais « en pensant davantage à des susceptibilités humaines qu’il faut ménager pour que leur révolte ne tourne pas contre la vérité même » [232]. Profondément troublé comme historien de la philosophie médiévale, mais aussi comme chrétien, par cette « lamentable histoire », Gilson propose d’aider Chenu, interdit d’enseignement, à obtenir une bourse de chercheur auprès du Centre National de la Recherche Scientifique récemment créé [233].
III. La visite apostolique
92 Pour le couvent d’études des dominicains belges à La Sarte, près de Huy, la mission est confiée au père Matthijs, qui a été l’un des examinateurs d’Une école de théologie, à Rome en 1938. Très courtoise selon Robert Guelluy, la visite n’en provoque pas moins le retrait du père Charlier de l’enseignement et la nomination de Matthijs comme régent des études [234]. Pour les trois couvents d’études et les maisons d’édition dominicaines de France, le Saint-Office nomme visiteur apostolique le père Garrigou-Lagrange. Bien que le père Gillet lui-même le dédouane de toute responsabilité immédiate dans la sanction contre Chenu, sa venue a de quoi inquiéter, et pas seulement au Saulchoir. Si le père Labourdette est heureux qu’on envoie en France un dominicain, il pense que le père Garrigou « est le dernier qu’il faudrait pour un tel travail », car il redoute qu’il ne devienne « le führer des théologiens dominicains français » [235]. Saint-Maximin n’a pourtant pas à s’en plaindre. « La visite du P. Garrigou s’est passée sans éclat », rassure-t-il son ami Nicolas, le 15 juin 1942. Il faut dire que le visiteur y serait arrivé en disant : « je sais que je n’ai rien à reprendre ici » [236]. Sa visite du studium de la Province de Lyon ne paraît pas non plus avoir suscité de vagues.
1. Garrigou-Lagrange ?
93 Il n’en aurait pas été de même pour celle du Saulchoir, en prévision de laquelle le père Garrigou a préparé un document détaillé [237]. Chargé par le Saint-Office de « voir si les erreurs contenues dans les deux livres condamnés n’étaient pas plus ou moins acceptées par certains esprits au détriment de la formation intellectuelle qui doit être donnée dans nos maisons d’études », il a conscience du caractère délicat de sa tâche « étant donné qu’un des deux livres condamnés a été écrit par un de mes anciens élèves, professeur dans ma Province ». Afin d’évoquer les « déviations » contenues dans les deux ouvrages, il commencera par lire le commentaire du décret publié « dans l’Osservatore Romano par un Consulteur du Saint-Office sur la demande du Saint-Office lui-même », puis il soulignera « les points principaux sur lesquels portent les déviations constatées ». Celles-ci sont, selon Garrigou, au nombre de cinq. 1°) Un jugement erroné sur la gravité de la crise moderniste, présentée à tort comme simple crise de croissance d’un organisme sain (avec référence à la p. 38 d’Une école de théologie). 2°) Le « discrédit de la philosophie et de la théologie scolastique » prônées par les pontifes romains depuis Léon XIII : si le visiteur regrette les critiques de Chenu contre la « scolastique baroque » (Une école de théologie, p. 85) et épingle sa formule selon laquelle « il ne fut pire disgrâce pour le thomisme que d’être traité comme une “orthodoxie” » (Une école de théologie, p. 76), sa charge principale porte contre René Draguet, qui sera privé de sa chaire en juillet 1942 sans être formellement condamné, et contre son disciple Charlier [238]. 3°) La « dépréciation des preuves ex S. Scripturae et ex Traditione communément reçues » : le père Garrigou-Lagrange conteste la préface de Chenu à la seconde édition du Donné révélé et la théologie du père Ambroise Gardeil, avant de s’en prendre encore à Draguet et à Charlier, mais aussi à leur inspirateur supposé, le théologien de Tübingen Johann Adam Möhler. Si l’on discrédite ces preuves, « on se trouve sur la voie d’un semi-modernisme ». 4°) Il y aurait « une croissance intérieure du dépôt de la Révélation », qui ne serait donc pas close, selon Möhler, seul évoqué dans cette rubrique. 5°) Enfin Garrigou regrette la substitution de l’expérience religieuse au magistère de l’Église, comme norme de foi, ce qui conduit tout droit au relativisme, et il épingle la phrase désormais célèbre de Chenu : « une théologie digne de ce nom est une spiritualité qui a trouvé des instruments rationnels adéquats à son expérience religieuse » (Une école de théologie, p. 75). La charge on le voit est sévère et elle inclut, au delà des griefs de Parente, nombre d’antipathies du père Garrigou comme la définition blondélienne de la vérité, assez étrangère aux dominicains incriminés. Loin de se cantonner aux œuvres sanctionnées, dont il ne cite que peu de passages, le visiteur instruit le procès d’une généalogie fictive qui irait de Möhler et Blondel à Draguet, et de Draguet à Charlier et à Chenu. Généalogie dont celui-ci récuse pour partie la pertinence : s’il admet sa dette envers Möhler et l’école de Tübingen, il nie toute influence sur lui des théologiens belges. Au terme de son réquisitoire, Garrigou estime n’avoir besoin que de trois jours pour une visite au cours de laquelle il interrogera sur ces questions l’ensemble des supérieurs, professeurs et étudiants du Saulchoir en leur imposant un secret absolu.
2. Thomas Philippe
94 Contrairement à ce qui était prévu, le professeur de l’Angelicum ne vient pas au Saulchoir où il s’était annoncé pour le 17 ou le 18 mars [239], mais son réquisitoire n’est pas perdu pour autant. Le 24 avril en effet, il annonce au père Motte qu’il n’a pas pu obtenir de « “visa” de passeport » pour la zone occupée où se trouve Le Saulchoir d’Étiolles depuis 1939. Selon le père Marie-Dominique Philippe, il ne s’agirait là que d’un prétexte : Garrigou aurait eu « une frousse intense de venir au Saulchoir », devinant qu’il n’y serait pas le bienvenu. Il aurait donc supplié le père Thomas Philippe, retenu à Paris depuis 1940, de le remplacer [240]. Quoi qu’il en soit, le père Gillet, qui dit du bien de Thomas Philippe dans son journal [241], transmet à Motte, ce même 25 avril, la nomination de celui-ci par le Saint-Office comme visiteur apostolique et régent des études ad interim. La lettre de Philippe à Garrigou des 6-8 mai, interceptée par la censure italienne, prouve qu’il en est bien le « subdélégué » [242]. « C’est votre lettre du 23 avril qui m’apporte la nouvelle de la charge qui m’est confiée », écrit-il, alors qu’il n’a rien reçu encore du Saint-Office ni de la Curie généralice.
95 Bien que d’opinions fort différentes sur le fond de l’affaire, les témoins s’accordent sur son inadaptation à la mission qui lui est confiée. Né en 1905, il n’a que trente-sept ans ce qui est bien jeune pour celle-ci. Entré dans la Province de France en 1923, il a fait toutes ses études au Saulchoir et il y a enseigné jusqu’à son transfert à l’Angelicum en 1936 : élève puis collaborateur du père Chenu, il est mal placé pour faire appliquer les décisions prises à son encontre. Rejeton d’une grande famille bourgeoise du Nord, neveu et fils spirituel du père Thomas Dehau, il a eu trois frères dans la Province dont l’un, Marie-Dominique, est professeur au Saulchoir en 1942 : on évoquerait aujourd’hui le risque d’un conflit d’intérêt [243]. Enfin, et c’est le plus difficile à cerner avec justesse et justice, son tempérament pose problème. Le père Chenu, juge et partie certes, écrit au cardinal Suhard que « sa jeunesse, son inexpérience, son manque de culture, et une insuffisante liberté spirituelle » ne le qualifient guère pour une telle besogne [244]. Avec plus de recul on peut dire que n’existe pas chez lui de médiation raisonnée, sinon critique, entre son intellectualisme spéculatif et sa piété mariale débridée, nourrie par une révélation d’ordre privé dans une église de Rome en 1938. Même son frère juge que sa nomination a entraîné une série de « gaffes » [245]. Le père Desroches, pour sa part, relève que sa « gracilité s’avèrera fragilité » [246].
96 Alors que le père Motte propose en vain de venir à Rome et effectue la visite canonique du Saulchoir comme si de rien n’était, Thomas Philippe se prépare à sa tâche en confiant « toute cette affaire à la Très Sainte Vierge, Sedes Sapientiae, pour qu’Elle me donne lumière et force et que je sois pour Elle un bon instrument docile et souple », écrit-il à Garrigou le 6 mai. « Tout cela m’est confié au début de son mois et je le prends comme son serviteur qui met en Elle toute son espérance ». Il compte sur les conseils de son mentor et prend connaissance du dossier transmis par l’archevêché de Paris qui lui trace « la ligne de conduite à suivre », selon l’interprétation donnée par Garrigou dont il apparaît bien comme le fondé de pouvoirs. Par trois fois, il lui précise qu’il remplira sa tâche avec discrétion, mais aussi avec fermeté [247]. Installé régent le 7 ou le 8 mai par le père Motte [248], qui n’y était pas défavorable, comme on l’a vu, il s’adresse une première fois au collège « pour dire nettement le sens », répressif, de sa mission ; mais la lettre de Garrigou du 23 avril n’ayant pas « le caractère quasi officiel » qu’il croyait, il ne peut commencer la visite apostolique comme prévu. Sur le conseil de Suhard, il se rend en zone libre, à Vichy, pour pouvoir correspondre plus facilement avec Rome [249]. On imagine aisément le trouble qu’un tel contretemps peut occasionner au Saulchoir en attente du verdict le concernant. Preuve ? Le père Avril, prieur de la maison rentré de captivité, présente à deux reprises sa démission, puis demande à être cassé si la suspicion qui le frappe est liée à son éloge de la brochure de Chenu mise à l’Index [250].
97 Le 6 juin 1942, la visite peut enfin commencer. Le provincial lit le document du secrétaire du Saint-Office du 25 février nommant Garrigou visiteur apostolique des trois collèges de l’Ordre et des maisons dominicaines d’édition en France, puis le document du 25 avril nommant Thomas Philippe son suppléant en zone occupée et régent provisoire du Saulchoir ; enfin le document de Garrigou remettant ses pouvoirs. Thomas Philippe explique alors « qu’il a vu longuement le P. Garrigou-Lagrange en zone libre, et pu prendre connaissance de tout un dossier concernant la condamnation du livre du P. Chenu ». Il vient expliquer les motifs de cette sanction et rédiger un rapport « que le P. Garrigou-Lagrange complètera et transmettra au Saint-Office ». Décidément, il n’est que l’ombre de Garrigou ! Après lecture de l’article de Mgr Parente, qui a été « écrit pour les fidèles et non pour les théologiens, d’où certaines simplifications, indéterminations » [251], il résume pour tout le collège, et le 12 juin pour les seuls lecteurs, les griefs contre les deux livres en cinq points, qui sont ceux de la lettre préparatoire de Garrigou. « Suit un très discret échange de vues », note le père Dewailly. « En particulier, le P. Chenu indique quelques confusions dans l’instruction de l’affaire. Se manifestent plusieurs lacunes dans la documentation du visiteur (ignore le CR Congar de Gagnebet et Charlier, les propositions signées en 38 par le P. Chenu : réflexion du P. Motte : “l’affaire de 37 n’a servi à rien”). Le P. Héris demande sur quels points précis on soupçonne non plus le P. Chenu mais tout le Saulchoir, réponse évasive. Projet d’une rédaction ou de propositions que les professeurs signeraient » [252]. Les cours de Thomas Philippe aux étudiants des 8, 9 et 27 juin reprennent en détail chacun de ces points en suivant à la lettre le texte préparatoire de Garrigou : mêmes griefs étayés sur les mêmes passages d’Une école de théologie [253]. La dépendance de Thomas Philippe envers son mentor est telle qu’on pourrait parler de visite du père Garrigou par procuration.
98 Divers indices, relevés dans la correspondance du provincial avec la curie généralice comme dans les papiers Chenu, laissent entendre que la visite ne se passe pas très bien, voire qu’elle suscite un malaise parmi les jeunes lecteurs comme parmi les étudiants. « Au Saulchoir […] j’ai l’impression que l’atmosphère est assez lourde », écrit Motte au père Louis le 20 juin. « À tort ou à raison, je ne sais, on redoute un nettoyage par le vide, qui donne des appréhensions pour l’avenir. » Est-ce le père Chenu seul et sa méthode qui sont visés, ou bien le Saulchoir dans son ensemble, où coexistent plus ou moins bien des opinions fort différentes sur cette méthode ? Personnellement soumis, le père Chenu ne peut se résigner de voir « le Saulchoir, son esprit, ses œuvres, sa curiosité, sa conquête, le Saulchoir de Gardeil, de Lemonnyer, de Mandonnet, mis en cause, lui, menacé, accablé déjà dans un projet qui lui conserverait pouvoirs et facultés, mais le viderait de sa substance » [254]. L’hypothèque n’est pas complètement levée fin juin alors que s’achève la visite, au sens matériel du terme, mais pas au sens canonique [255]. Celle du père Thomas Philippe à la maison Saint-Dominique, qui abrite les Éditions du Cerf, boulevard Latour-Maubourg, n’a guère laissé de traces. Elle aurait été « aimablement sommaire » et « conclue sans griefs », selon le père Chenu [256]. Sérénité que ne partage pas son provincial qui écrivait le 28 septembre : « Je ne saisis pas très bien comment l’affaire a été jugée, et cependant les mesures qu’on annonce sont si graves qu’elles supposeraient des torts et des erreurs sérieuses. Le P. visiteur n’a rien laissé soupçonner de tel, et de fait je n’ai rien entendu depuis la guerre reprocher aux publications de la maison, que l’insuffisante place faite aux Encycliques dans la “Spiritualité de la famille” – ce qui n’équivaut tout de même pas à une erreur doctrinale » [257]
3. Le sort de la Revue des sciences philosophiques et théologiques
99 Le père Thomas Philippe rédige son rapport au cours de l’été 1942, et le père Paul Philippe le fait passer au Saint-Office. « il m’a dit », écrit Labourdette à son ami Nicolas « que ce rapport […] est “absolument admirable”; il a fait le tour de tous les synonymes que la langue française offre à “admirable” pour essayer de qualifier ce monument, dont le P. Garrigou est aussi transporté. Le P. Paul est, en fait, purement et simplement content de la condamnation (sur le terrain des idées s’entend) ; il pense qu’elle a clarifié l’atmosphère » [258]. Les résultats de la visite se font pourtant attendre, au grand dam du provincial et du prieur qui souhaitent un retour le plus rapide possible à une situation normalisée, sinon normale, mais aussi de ses victimes possibles. D’autant que le visiteur multiplie les initiatives qui leur paraissent dépasser son mandat initial. « Les universitaires, par exemple Gilson, ne peuvent nous renseigner que sur des points particuliers : ils ne doivent pas devenir nos maîtres », déclare-t-il dans sa leçon d’ouverture de l’année universitaire 1942-1943, lui qui se réclame pourtant volontiers de Jacques Maritain [259].
100 Surtout, il s’attaque à la Revue des sciences philosophiques et théologiques qui avait échappé jusque là à son attention [260], sa publication étant interrompue depuis 1940. « Mais quand on a vu qu’un numéro sur lequel on ne comptait pas tout d’abord pouvait sortir, on s’est cru obligé de notifier », suppose le père Louis [261]. Toujours est-il que Thomas Philippe écrit à Garrigou en décembre 1942 pour lui demander ce qu’il convient de faire pour la revue. « Comme je le pensais bien un peu, le P. Garrigou me dit qu’il lui paraissait impossible de laisser le P. Chenu comme rédacteur, et il me proposa le nom du P. Guérard des Lauriers », dans une lettre que son récipiendaire juge « très formelle » et donc contraignante [262]. Le 24 janvier, il ne trouve la force d’annoncer au père Chenu son éviction de la revue à laquelle il a tant donné que « près de [s]on Crucifix ». Sans doute, Guérard, ainsi promu « secrétaire de rédaction pour le temps de la guerre » en lieu et place de Congar prisonnier, ce qui est particulièrement maladroit pour ne pas dire plus, « n’a pas les qualités sociales d’un rédacteur de revue : il est un homme de pure science, aimant presque à l’excès sa tour d’ivoire » ; mais il n’est pas suspect de sympathie excessive pour les idées du père Chenu [263]. Sous le titre Les sciences religieuses, un fascicule daté 1941-1942 paraît en effet, dans lequel Guérard se taille la part du lion, avec deux articles philosophiques sur l’induction. L’inclusion tardive de son organe emblématique dans le mandat du visiteur prouve que c’est bien le Saulchoir tout entier, et pas seulement le père Chenu, qui est dans le collimateur romain.
101 Alors que ses déboires personnels n’avaient suscité chez le recteur déchu qu’une obéissance exemplaire, ce nouveau coup lui communique un regain d’ardeur belliqueuse. En modifiant le comité de rédaction de la Revue des sciences philosophiques et théologiques, Thomas Philippe outrepasse selon lui ses pouvoirs. Alors la coupe déborde : du couvent Saint-Jacques où il a été assigné, Chenu exprime le 2 février 1943 ses réserves sur une mesure qu’il accepte pour son compte personnel, mais qu’il refuse dans la mesure où elle « touche à la structure » du périodique et risque d’en modifier l’orientation. « Une revue est une âme, à base de confiance et d’esprit, et non un bureau postal » [264], argumente-t-il. Son appel à soutiens afin de poursuivre « bon train » la besogne entreprise est suffisamment diffusé pour que le provincial s’en inquiète [265]. Lorsque le père Thomas Philippe présente la décision au conseil trimestriel des lecteurs, le 4 février, la fronde devient patente. « Séance historique, hier soir, écrit Deman à Chenu. Le visiteur battu à plate couture. Personne n’est intervenu en sa faveur. Il a balbutié de pauvres réponses […] la R. S. P. T. a été défendue comme elle devait l’être » [266]. Moins lyrique, le père Duval note les réserves du vieux père Allo, retiré au Saulchoir, sur la maladresse de l’élimination de Chenu, du père Deman sur sa légitimité car elle a été prise sans attendre les conclusions de la visite et « hors consultation du comité de rédaction » de la revue, du père Féret « contre l’aspect tendancieux de cette élimination ». Aussi Thomas Philippe admet-il qu’il a suscité « des réactions violentes », certains lecteurs « considérant la mesure comme arbitraire, et me contestant ainsi qu’au R. P. Garrigou le pouvoir de prendre cette décision ». Aussi a-t-il dû lever la séance précipitamment « ne pouvant supporter ces remontrances comme visiteur » [267]. Tout se passe comme si l’affaire était la goutte d’eau pour faire déborder le vase. Tant que la visite restait dans le cadre initialement prévu, Chenu et sa garde rapprochée de jeunes lecteurs (Deman, Duval, Féret et Congar de sa prison) ne pouvaient que courber le dos et se soumettre. Mais dès que Thomas Philippe leur paraît sortir des clous, ils profitent de l’occasion pour lui exprimer sans fard le malaise que crée sa visite au Saulchoir.
102 Les choses n’en restent d’ailleurs pas là. Sollicité par Chenu, « M. Vrin, en plein accord avec M. Gilson son conseiller d’édition, a décidé de renoncer à la publication de la Revue ». Celle-ci n’est pas seulement pour eux un « recueil trimestriel d’articles et de recensions », mais « l’expression d’un esprit, d’une méthode, d’une amitié », explique Chenu au Comité de rédaction, avec prière de faire suivre aux collaborateurs, mais pas au père Thomas Philippe, qui l’apprend par Guérard des Lauriers [268]. « C’est par son esprit, par sa probité scientifique, que la Revue avait acquis dans les milieux universitaires comme dans les milieux ecclésiastiques, tant en France qu’à l’étranger, un remarquable crédit ». Puisque la remise au pas annoncée ne peut plus garantir cet esprit, l’éditeur qui faisait des sacrifices financiers pour la maintenir ne peut plus continuer. Du point de vue intellectuel, « mieux vaut qu’une équivoque ne s’ajoute pas […] à celles qui nous enveloppent et que le même pavillon ne couvre une autre marchandise », ajoute Chenu pour justifier la décision de Vrin, alors qu’il avait consenti sur instances d’Henri Gouhier notamment, à reprendre une publication interrompue depuis 1940. Le Saulchoir y perdra le bénéfice matériel de 80 revues en échange et de 40 000 francs de livres en recension, mais surtout le bénéfice spirituel « d’une présence active et aiguë aux problèmes et au travail religieux de nos contemporains » [269]. Chenu reçoit l’approbation du père Deman, qui a pris l’initiative de communiquer sa lettre à une réunion de collaborateurs de la revue et qui a eu une grave altercation avec le père Thomas Philippe, sur lequel il rejette l’entière responsabilité de la décision de Vrin [270] ; mais aussi l’approbation du père Héris et du père Congar : « j’approuve la suspension de la R[evue] Sciences. C’est 1 q[uestion] d’honneur », écrit-il de Colditz le 1er avril au père Féret. Même le père Motte, qui a dû battre en retraite devant l’ire de Chenu, prend ses distances par rapport au visiteur : les décisions prises à propos de la Revue des sciences « n’urgeaient pas », et « mal amenées, donnaient l’impression d’un coup de force plus ou moins sournois », écrit-il au père Louis le 27 février.
103 Après bien des retards du fait de lenteur du courrier avec la France occupée, les conclusions de la visite finissent par arriver à Paris et au Saulchoir. La lettre du cardinal Marchetti-Selvaggiani, secrétaire du Saint-Office, qui les transmet au père Gillet, chargé de les faire appliquer, date du 3 novembre 1942 [271]. Les envois répétés de celui-ci divergent sur des points de détail, ce qui ne facilite pas leur interprétation [272]. Le 26 mars, après réception d’une lettre de Gillet du 26 février, Thomas Philippe convoque les lecteurs du Saulchoir, puis les étudiants, pour la clôture de la visite. Rendant compte au maître général de sa mission, il oppose le bon esprit des seconds au mauvais esprit subsistant parmi les premiers : « On sent chez certains une opposition sourde, qui ne désarme pas » [273]. Plusieurs lecteurs, Tonneau, Féret et Dubarle selon une note du père Dewailly, ont réclamé des « papiers officiels, venant directement du Saint-Office, pour l’installation du nouveau modératoire » et la clôture canonique de la visite [274]. Le père Gillet doit préciser qu’« il n’y aura pas d’autres documents que [s]a lettre concernant les décisions de la visite. Car, selon les règles du Saint-Office, c’est le P. Général seul qui est informé de ces décisions et les fait appliquer ». D’une manière très ferme, il invite le provincial à « se convaincre lui-même d’abord » et à « convaincre ensuite ses subordonnés » de la vanité des « commentaires », « suspicions » et « hypothèses » sur des sanctions auxquelles il faut se soumettre sans discussions, ni « récriminations » [275]. La visite est donc close le 7 mai 1943. Thomas Philippe est promu maître en théologie le 11, sa patente ayant été envoyée par Gillet à Motte le 7 mars. Ainsi se termine, « après 15 longs mois d’incertitude », une épreuve qui a « laissé la sensibilité à vif » chez tous ses protagonistes [276].
IV. Lourdes conséquences
1. L’encyclique du père Gillet
104 Bien que cette filiation n’y soit pas avouée, la crise suscite la longue – 103 pages imprimées, français en haut, latin en bas – encyclique du père Gillet sur « l’enseignement de saint Thomas à l’heure présente ». Datée du 13 novembre 1942, fête du patronage de saint Thomas, elle ne fait pas mention de l’affaire, mais son auteur lui-même en voit une retombée. Il écrit au père Motte le 7 mars 1943 : « Je l’ai écrite, non pour mon plaisir, mais par devoir de conscience devant la légèreté avec laquelle dans certaines Provinces […] on abandonne des positions doctrinales de première importance en philosophie et en théologie. C’est aux Provinciaux qu’il appartient de surveiller de près ces mouvements. J’ai le regret de dire que trop souvent ils les ont encouragés, ou ne s’en sont pas doutés ». Exemples ? Les livres de Charlier et Chenu approuvés par des pères graves et même par deux anciens provinciaux [277]. L’encyclique, qui ne semble pas avoir été diffusée avant la mi-mars [278], devra être lue dans tous les couvents et dans les studia une fois l’an, le 13 novembre. Dès l’introduction, le maître général prend position sur l’une des questions alors controversées. « On constatait ici et là une telle défiance à l’égard de la raison et des vérités traditionnelles au profit de ce qu’on appelait, d’un mot vague, les “idées modernes”, que la conception même de la vérité en demeura faussée. Au lieu d’y voir, selon la conception des sages de l’antiquité, la conformité de l’intelligence avec la réalité – adaequatio rei et intellectus – aboutissant à des jugements objectifs, on prétendait faire entrer dans sa définition des éléments nouveaux et subjectifs tels que le sentiment, l’action, la vie » [279]. Gillet tranche là une vieille querelle des thomistes en général, et de Garrigou-Lagrange en particulier, contre la pensée de Maurice Blondel et ses infiltrations supposées dans l’Ordre. La première partie de l’encyclique, sur « l’enseignement de saint Thomas en philosophie » met en garde les jeunes religieux contre les tentations de la philosophie moderne. La connaissance de celle-ci ne doit venir qu’en troisième position dans leur formation, après l’étude personnelle et approfondie de saint Thomas, mais aussi de ses grands commentateurs, le tout en latin, car la signification des mots latins « demeure hors d’atteinte. Elle est fixée pour toujours », à la différence du vocabulaire mouvant des langues et donc des philosophies modernes [280]. Loin du « conservatisme paresseux », un conservatisme « dans le sens le plus noble et le plus élevé de ce mot » doit présider à l’enseignement de la philosophie thomiste [281], qui est la philosophie chrétienne, seule capable d’harmoniser raison et foi pour une appréhension objective de l’Être et des êtres.
105 La seconde partie de l’encyclique sur « l’enseignement de la doctrine de saint Thomas en théologie », tout en affirmant la nécessité d’une confrontation avec les sciences modernes, note que celle-ci est responsable d’un malaise parmi les théologiens et des imprudences de quelques-uns. « S’ils ne prononcent pas encore à ce sujet le nom de théologie nouvelle, du moins ne se lassent-ils pas de parler d’une orientation nouvelle de la théologie. Et c’est en son nom qu’ils reprochent amèrement aux théologiens attardés de s’immobiliser dans le passé, de s’enfermer dans leur système théologique comme dans une tour d’ivoire […] de tourner sans fin dans le cylindre de leurs syllogismes […] d’ignorer de parti pris les progrès de l’histoire et de la critique ; voire de se cramponner aux formules scolastiques comme à des bouées de sauvetage ». L’allusion à la crise en cours est d’autant plus claire que Gillet reprend à son compte la formule « théologie nouvelle » apparue dans le commentaire du décret de février par Mgr Parente. Reproches excessifs, commente-t-il, tout en récusant de nouveau le « conservatisme paresseux » de professeurs « plus attachés à la lettre qu’à l’esprit de saint Thomas [282]. Il faut certes cultiver la théologie positive, mais « il ne suffit pas d’être un bon historien pour être un bon théologien. La théologie a besoin de l’histoire, mais celle-ci ne suffit pas […] à établir l’ensemble des vérités révélées qui servent de point de départ à la théologie spéculative » [283]. La préférence de Gillet va donc à celle-ci, par laquelle « la raison prouve ce que la foi approuve » [284]. Et il souligne le rôle décisif de l’analogie dans sa méthode déductive. Nul n’aurait réalisé mieux que saint Thomas ce programme : bon connaisseur de la Bible, des Pères et des sciences de son temps, il fut aussi un maître en métaphysique. Son exemple n’a cependant pas éteint les procès de tendance entre « positifs » et « spéculatifs » : si les premiers n’ont pas tort de reprocher aux seconds « de négliger l’étude scientifique des sources de la foi, les “spéculatifs” ont tout à fait raison de se plaindre des tendances actuelles de certains “positifs”, dont la principale et, à notre avis la plus dangereuse, est de déprécier, ou d’avoir l’air de déprécier l’usage même de la raison en théologie, au nom de l’abus qu’en font quelques théologiens » [285]. Jugement de Salomon renvoyant dos à dos les protagonistes ? Pas vraiment, car Gillet maintient l’idéal thomiste d’une philosophie rationnelle intégrée à la théologie comme meilleure approche de la foi chrétienne. Et il prend nettement position contre un recours à l’expérience religieuse qui mettrait en péril la nature de la théologie, même si tel n’est pas son but, et « introduirait fatalement, plus ou moins camouflée, la doctrine de l’évolution dogmatique » [286]. Les critiques à l’encontre du conservatisme de ses adversaires ne sauraient masquer la réprobation de certaines positions attribuées aux religieux sanctionnés, et notamment à Chenu. Les conclusions pratiques vont dans le même sens, puisqu’elles attribuent au collège romain de l’Ordre un droit de regard sur la qualité du thomisme qui est enseigné dans les studia : Gillet fait le projet d’y réunir les régents et professeurs tous les trois ans. La formation des étudiants ne peut se faire que dans les studia, où les cours de théologie et de philosophies scolastique doivent être en latin. Enfin, le contrôle des revues doit être plus étroit : on ne peut « admettre à la collaboration des Revues aucun religieux, prêtre ou laïc, dont les tendances ultra-modernes ou anti-thomistes sont notoires » [287].
106 Si la lecture de l’encyclique ne suffisait pas, l’accusé de réception du père Motte confirmerait que ce rappel à l’ordre thomiste est bien la conséquence intellectuelle de l’affaire du Saulchoir. Il remercie en effet Gillet « de la discrétion et de la bienveillance avec lesquelles, sans rien sacrifier de la juste fermeté, vous avez fait allusion au P. Ch[enu] » [288]. Les archives romaines de l’Ordre conservent un dossier de félicitations reçues par Gillet. Deux d’entre elles expriment pourtant la crainte d’un alignement sur le thomisme rigide de l’Angelicum. Le père Gerlaud, régent des études de la Province de Lyon, note « combien il serait regrettable parce qu’appauvrissant, qu’un collège, a fortiori que l’Ordre entier se fige sur une unique mesure des esprits, que celle-ci soit la mesure des thomistes rigidiores ou des autres ! Le progrès de la doctrine serait compromis si les uns et les autres, au lieu de s’anathématiser réciproquement, ne cherchaient pas à se comprendre et à rectifier ce que leurs positions pourraient avoir d’extrême ». Cette formulation prudente peut, elle aussi, donner l’impression d’un renvoi dos à dos de l’Angelicum et du Saulchoir, mais à l’heure des sanctions contre le second, la pointe paraît porter surtout contre le premier, que Gillet a donné en exemple [289]. Quant au Belge François-Marie Braun, professeur d’exégèse du Nouveau Testament à l’Université de Fribourg, tout en se retranchant derrière l’orthodoxie thomiste de son maître Lagrange, il avance que si « nos collèges provinciaux doivent demeurer les citadelles (ou les fortins) de notre doctrine, on risque parfois d’y étouffer. L’apport d’un peu d’air étranger serait assurément un remède », ce qui ne va guère dans le sens des prescriptions généralices [290]. Le Saulchoir n’est donc pas aussi isolé qu’il y paraît : si ses prétentions ont pu paraître excessives, celles de l’Angelicum inquiètent également à l’heure de sa victoire apparente.
2. Les sanctions
107 La mise à l’Index de la brochure du père Chenu entraîne cependant de graves dommages pour le studium de la Province de France : non seulement son recteur est destitué et interdit d’enseignement, mais son modératoire est complètement renouvelé par le Saint-Office sans tenir compte des règles de l’ordre dominicain. Outre Thomas Philippe, qui remplace le père Chenu, y entrent le père Héris, qui devient vice-recteur à la place du père Deman, et le père Paul Philippe qui remplace le père Spicq comme père maître des étudiants. La venue de celui-ci, ancien du Saulchoir en poste à l’Angelicum, était annoncée dès le début de la visite [291]. La dévolution de la direction des études du studium à deux thomistes spéculatifs, forts de la confiance du père Garrigou-Lagrange, en change profondément l’orientation : au-delà de Chenu, c’est tout le Saulchoir qui est atteint par la crise de 1942. Pour plus de sûreté, la Suprême ajoute que l’enseignement de la théologie et de la philosophie dans les trois couvents d’études français doit se faire en latin. Rien, en revanche, dans la lettre du cardinal Marchetti-Selvaggiani sur la Revue des sciences philosophiques et théologiques, ni dans le premier envoi des décisions par Gillet le 10 décembre 1942. Le père Thomas Philippe précise le 26 mars qu’elle est confiée au père Guérard des Lauriers et qu’elle recevra de nouveaux censeurs, mais que le père Chenu peut y écrire [292]. L’envoi de Gillet du 7 mars, reçu le 24 avril, indique que c’est la direction de la revue, et non son secrétariat, qui passerait du père Chenu au père Guérard, alors que le père Chenu n’en était pas directeur !
a. Chenu
108 Le Saint-Office précise aussi que Chenu ne peut être assigné dans la maison du boulevard Latour-Maubourg qui abrite les Éditions du Cerf. En septembre 1943, il quitte le Saulchoir où il a donné le meilleur de lui-même durant vingt-trois ans pour n’y plus revenir. Il est assigné à Paris Saint-Jacques, couvent de la Province où il sera « le moins dépaysé » [293]. Cette implantation au cœur du xiiie arrondissement de Paris, populaire et ouvrier, va infléchir sensiblement son parcours : déjà conseiller écouté de diverses entreprises de mission intérieure, le père Chenu va s’y investir de plus en plus, sans pour autant entrer en Résistance [294], ni abandonner l’histoire de la théologie médiévale.
109 Au moment où il est sanctionné pour avoir bradé le thomisme, il achève, triste ironie du sort, le remaniement de son article de 1927 sur « La Théologie comme science au xiiie siècle ». Le volume, dont la préface est datée du 7 mars 1942, un mois après le décret du Saint-Office, doit paraître dans la « Bibliothèque thomiste » qu’il dirige pour le compte de la Librairie Vrin. « Le P. Chenu vient justement de mettre la dernière main à une refonte complète, très amplifiée, de son étude antérieure sur “la théologie comme science au xiiie siècle” : étude toute à la gloire de S. Thomas et de la théologie spéculative ! Quant on pense au reproche de “discréditer la théologie scolastique” et S. Thomas par raccroc, on croit rêver », écrit le père Motte au père Louis le 1er mai 1942. La discordance entre ce travail et la sanction qui frappe son auteur apparaît en effet saisissante, l’œuvre de saint Thomas y étant présentée comme l’apogée de la théologie médiévale À dire vrai, ses adversaires pourraient y trouver quelque grain à moudre. Henry Donneaud a montré naguère de façon convaincante comment l’expérience intellectuelle et religieuse du père Chenu l’avait conduit à inverser le sens de sa démonstration. En 1927, il cherchait à prouver, non sans « un certain rationalisme », que la théologie thomiste était bien une science, au sens aristotélicien du terme [295]. En 1943, il tend à relativiser ce caractère scientifique, au risque de prêter le flanc à l’un des griefs qu’on lui fait : la théologie thomiste ne serait plus qu’une « science imparfaite », pour partie dépendante de l’atmosphère religieuse dans laquelle elle fut élaborée [296]. La deuxième version de La Théologie comme science au xiiie siècle confirme donc l’évolution décisive de la pensée de Chenu depuis ses manifestes de 1935 (« Position de la théologie ») et de 1937 (Une école de théologie). Mais son auteur se sent menacé bien avant d’être mis à l’Index. Aussi sa refonte de l’article pionnier de 1927 se veut-elle un témoignage irénique, car dépourvu du mordant des manifestes, et parfois lyrique de « ferveur thomiste » [297].
110 Encore faut-il qu’elle soit publiée. Le père Thomas Philippe met sept mois avant de lire le texte que lui a remis le père Motte dès son arrivée au Saulchoir. Sa réaction est plutôt positive : en dépit de quelques expressions qui devront être corrigées, « votre manuscrit explique de façon très intéressante par les données historiques la thèse traditionnelle », écrit-il à Chenu le 11 décembre 1942 [298]. La publication est toutefois soumise à supervision par le maître général un mois et demi plus tard [299]. En désaccord avec son provincial sur ce point, Chenu refuse la procédure conseillée : il préfère se passer d’imprimatur et sortir son travail pro manuscripto, avec une diffusion restreinte. Le volume, dédié à la mémoire des maîtres du Saulchoir, Gardeil, Mandonnet et Lemonnyer, comporte un post-scriptum dactylographié vengeur : « le P. Chenu discrédite la théologie scolastique, son caractère spéculatif, sa méthode, la valeur des conclusions qu’elle tire du donné révélé. Et ce discrédit retombe sur S. Thomas », proposition attribuée à Parente (Osservatore Romano, 9-10 février 1942), et contresignée Garrigou-Lagrange et Thomas Philippe « visiteurs apostoliques au Saulchoir ». Dans certains volumes est insérée une note dactylographiée non moins incisive : l’ouvrage « était déjà achevé et approuvé par les censeurs, en mai 1942, lorsque est arrivé au Saulchoir un visiteur canonique, le P. Th. Philippe, chargé d’enquêter sur l’enseignement des Facultés, incriminées particulièrement de déprécier la valeur de la raison en théologie, de discréditer la théologie scolastique et son caractère spéculatif, d’amoindrir ainsi sa qualité de science. Le manuscrit de l’ouvrage fut remis au visiteur. Un ouvrage sur “la théologie comme science” devait être évidemment pour lui une pièce capitale, d’autant que c’était là la rédaction d’un enseignement donné pendant vingt ans à la faculté de théologie ». Or il ne semble pas en avoir tenu compte [300]. Les obstacles mis à sa carrière théologique ne peuvent que renforcer la propension de Chenu à s’occuper des « lieux théologiques en acte » que sont pour lui les initiatives apostoliques et missionnaires.
b. Ses proches
111 Mais il n’est pas seul sur la sellette : plusieurs de ses collaborateurs ont quelques raisons de se faire du souci, car le mandat des visiteurs concerne l’ensemble du corps professoral du Saulchoir : « Des changements dans le personnel des professeurs me paraissent indispensables pour repartir en octobre dans une bonne direction », écrit ainsi Thomas Philippe à Garrigou début mai 1942. Son rapport sur le studium comprendra donc un paragraphe sur chacun d’eux, « dans le sens où vous me le dites, peut-on garder tel professeur ou non ». Les prisonniers de guerre, Congar et Dominique Dubarle à l’époque, posent un problème délicat car leur captivité en Allemagne paraît une punition suffisante pour qu’il ne soit pas opportun d’en ajouter une autre. « Cependant je tâcherai d’avoir quelques renseignements sur eux », précise le visiteur [301].
112 Le père Congar, dont on sait l’entière solidarité avec Chenu, a vu son dossier s’alourdir en 1942. « On me dit qu’un livre du P. Congar a été publié en son absence, et j’ai déjà entendu dire que dans ce second livre, non revu par lui, comme dans le premier, il y a des formules équivoques, déjà blâmées précédemment. Le P. Congar averti par moi, en son temps, m’avait promis de corriger ces formules, et cette promesse a empêché de gros ennuis. Mais s’il n’a pas pu revoir ce livre, personnellement, pourquoi l’avoir publié ? », écrit Gillet à Motte le 17 mai 1942. Il s’agit d’Esquisses du Mystère de l’Église, huitième volume de la collection « Unam Sanctam ». Ce recueil d’articles et contributions diverses est paru en 1941, l’imprimatur datant du mois d’août [302]. Il comporte notamment les études où Congar avoue sa dette envers Johann Adam Möhler, dont le père Garrigou reproche à Chenu de s’inspirer. On comprend l’émoi du père Gillet, qui n’a pas reçu le livre [303], mais qui en appelle à la responsabilité du provincial. Comme il ne s’agit que de la reprise de textes parus antérieurement avec les permissions nécessaires, celui-ci n’a pas cru bon de les soumettre à un nouvel examen et il a donné son feu vert. Dans la lumière de l’affaire Chenu, il se rend compte de sa méprise et décide motu proprio de faire retirer le livre du commerce, « si sévère que puisse paraître cette décision au pauvre Père retenu en captivité depuis deux ans et à la maison d’Éditions du Cerf ». Ainsi croit-il aller au devant des désirs du maître général et du Saint-Office [304].
113 Les Esquisses ne sont d’ailleurs pas le seul travail de Congar qui inquiète Rome. « Le P. Garrigou-Lagrange […] m’a écrit les préoccupations anticipées que lui cause, sans qu’il l’ait lu, l’article Théologie dont est responsable le P. Congar », écrit Mgr Amann, directeur du Dictionnaire de théologie catholique à son ami le cardinal Tisserant, le 5 juin 1942. « On m’a fait craindre d’un certain côté des difficultés pour l’article Théologie […] il paraît qu’il sera épluché en haut lieu », confirme-t-il le 1er juillet [305]. La première partie de l’article que Thomas Philippe aurait négligé de lire [306], paraît sans encombre dans un fascicule de 1943. Cet écho extérieur au monde dominicain confirme que tout ce qui émane de l’école théologique du Saulchoir est devenu suspect.
114 Dès le 4 mars 1942, le père Féret conteste ce que le provincial lui reproche. Il n’est pas vrai qu’il prétende « lire et interpréter l’Écriture directement, sans aucun recours au dogme ni aucun appui à la théologie postérieure », comme Motte l’en a soupçonné. « Plus j’étudie les sources, c’est-à-dire l’Écriture et la vie de l’Église, plus je me sens à l’aise en lisant S. Thomas. Je n’en dirais pas autant, il est vrai, de la théologie dialectique qui a supplanté, en trop de milieux, l’influence de S. Thomas », ajoute-t-il, bien dans la ligne du père Chenu. Que faire, dans ces conditions du manuscrit qu’il vient de terminer sur l’Apocalypse, sujet difficile de traiter « sans donner lieu au soupçon d’“Évangélisme” que vous redoutez ! » [307].
115 Les pères Deman, professeur de théologie morale, et Spicq, professeur d’exégèse du Nouveau Testament, lecteurs chevronnés qui ont passé leur l’examen ad gradus en janvier 1936, sont candidats à la maîtrise en théologie. Or celle-ci, demandée à Rome par le père Motte le 28 septembre 1942, leur est refusée, malgré l’appui du chapitre provincial en juillet 1943. Un tel refus n’est pas une surprise : comment leur attribuer cette promotion alors qu’ils viennent d’être écartés du modératoire du collège ? Il n’en suscite pas moins l’amertume des deux intéressés, Deman surtout, qui est en première ligne dans la résistance au visiteur [308] : « son attitude, lors du changement de directeur de la Revue des sciences, avait été tout à fait inadmissible », justifie Thomas Philippe avant de préciser que le rebelle est ensuite rentré dans le rang [309]. Les termes dans lesquels est formulé le refus, « par mesure de simple prudence », prouve que les travaux des deux religieux sont moins en cause que le climat de suspicion général sur la maison où ils enseignent.
116 Et pourtant aucune mutation ne se produit sur le moment, hors la venue de Paul Philippe et la promotion de Thomas Philippe à la maîtrise en théologie, nécessaire à la confirmation de sa fonction de régent. Deman et Féret ignorent donc que leur renvoi du Saulchoir avait été décidé, avant d’être rapporté. « Tout bien pesé, écrit Thomas Philippe à Gillet le 10 novembre 1943, je pense que le maintien des RR. PP. Deman et Féret était pour le moment la meilleure solution ». Les deux suspects n’apprendront que plus tard, et fortuitement, qu’ils ont failli quitter le Saulchoir en 1943. Gillet le révèle à Deman lors de son transfert à Fribourg en 1945. Quant au père Féret, il l’apprend du successeur de Gillet, le père Suarez en mars 1947 [310]. On ignore les raisons d’un tel revirement, qui soulage les supérieurs locaux : la maison est déjà assez troublée par le départ de Chenu pour qu’on n’ajoute pas à son désarroi. Mais l’argument se retourne : des sanctions plus brutales dès 1943 auraient tranché dans le vif, sans laisser s’installer une suspicion qui ne trouvera son issue qu’en février 1954, avec l’éviction de Féret et de Congar. Il y a bien d’autres professeurs au Saulchoir, mais les menaces qui pèsent sur des lecteurs proches du père Chenu prouvent que c’est l’ensemble de la ligne qu’il défendait qui est visée par la visite.
c. Les Éditions du Cerf
117 Autant les informations sur la visite de Latour-Maubourg sont succinctes, autant la lettre du Saint-Office du 3 novembre 1942 se montre prolixe sur les mesures à y prendre. Le père Gillet devra en écarter le père Boisselot, qui est supérieur de la maison et directeur des Éditions du Cerf, et le remplacer par le père Dorange auquel sera adjoint le père Spit [sic pour Spitz]. La revue La Vie intellectuelle devra s’attacher plus aux « vérités d’ordre surnaturel qu’aux problèmes temporels d’actualité ». La collaboration des auteurs laïcs devra être mieux « surveillée et contrôlée ». Pour éviter toute déviation, la censure sera dévolue aux pères Noble et Courtois, avec recours au maître général en cas de difficulté. Il conviendrait en outre que les religieux assignés à cet apostolat soient envoyés à Rome pour achever leur formation. Dans La Vie spirituelle, il faudra éviter d’« intellectualiser la vie intérieure au point de croire qu’on la possède […] seulement après avoir étudié un peu la littérature mystique », et surtout de « tomber dans une fausse spiritualisation de la théologie, en la réduisant à une expérience religieuse », ce qui est l’un des errements majeurs attribués à Chenu. Afin d’éviter ces dangers, le comité directeur de la revue devra comporter un théologien compétent qui fasse deux fois par an un rapport sur les articles à publier ou récemment publiés. Ensuite pour « contrebalancer et compléter l’influence de “La Vie intellectuelle”, il conviendrait que “La Vie spirituelle” reste sous le contrôle des théologiens du Saulchoir, spécialement du régent du collège », le père Thomas Philippe. Dès avant l’annonce de la mesure, Chenu interprétait la menace comme une suite logique des ennuis du Cerf à partir de 1937, avec la suppression de Sept et le risque de suppression de la Vie intellectuelle. Il écrivait à Mgr Beaussart :
Vous savez sans doute que la mise à l’Index de mon opuscule n’est qu’un petit épisode d’une tornade qui vise de plus amples objectifs, et menace de nous ramener aux plus beaux jours de l’intégrisme […] Nous sommes, dominicains français, les plus directement visés […] depuis le temps d’ailleurs où M. Manacorda, chargé de la propagande intellectuelle par M[ussolini], mena une campagne de presse contre les « dom[inicains] comm[unistes] » de France. Voici qu’après le S[aulchoir], où l’émissaire romain travaille à en retourner les méthodes et l’esprit, la direction des revues (Vie Spir., Vie Int., etc.) aux Éditions du Cerf est menacée : le directeur, le P. B[oisselot] va être cassé, sur décision du visiteur le P. Garr[igou]-Lagrange. Décision prise uniquement sur les préjugés de 1937-38, car la visite canonique récente menée par son délégué a été aimablement sommaire, conclue sans griefs […] Ce qu’on veut en effet ici, ce n’est pas éliminer telle personne, mais atteindre un esprit, à la faveur d’un intégrisme doctrinal où trouvent occasion de se satisfaire les rancunes contre la V. I. et le P. Bernadot, bête noire des théologiens d’A. F. [311].
119 Comme n’a pas manqué de le faire remarquer à Gillet le père Motte [312], cette décision présente en 1943 un caractère quelque peu surréaliste. La Vie intellectuelle a interrompu sa parution en 1940. D’ailleurs le père Boisselot ne s’en occupait guère, laissant sa direction au père Maydieu qui a fondé en 1941 pour la remplacer la collection « Rencontres », pas mentionnée dans la décision primitive [313]. La prescription contre les laïcs renvoie d’ailleurs plus, comme Chenu le fait remarquer [314], au « Par notre faute » d’Henri Guillemin qu’à l’actualité de l’occupation. Il faut un autre envoi des conclusions par Gillet pour qu’apparaissent les cahiers « Rencontres ». Quant à La Vie spirituelle, elle n’est plus publiée à Paris, mais à Lyon, sous la direction du père Louvel. Le provincial regrette surtout qu’on frappe « un de nos points de contact les plus directs et les plus influents, un moyen d’influence religieuse privilégié ». De Rome, le père Louis répond qu’il n’y a aucune raison de supprimer « Rencontres », mais que les décisions concernant Boisselot, Dorange et Spitz doivent être appliquées sans délai : « le P. Général ne peut rien changer à ces conclusions qui n’ont pas dépendu de lui », mais du Saint-Office [315]. Si Boisselot, assigné au couvent de l’Annonciation, rue du faubourg Saint-Honoré, ne perd pas le contact avec son environnement parisien, « la pelure Dorange », selon le mot de l’archevêque de Rouen, Mgr Petit de Julleville, rapporté par Spicq [316], ne passe pas sans difficulté. D’abord parce que Dorange et Spitz, qui ne sont pas lecteurs à la différence des pères assignés boulevard Latour-Maubourg [317], n’ont pas d’expérience particulière en matière d’édition, ce que Dorange n’a pas caché. « Il m’a bien objecté qu’il ne se sentait pas préparé à cette fonction, mais il s’appuie sur l’obéissance et le secours divin qu’elle lui assure », écrit Thomas Philippe à Gillet le 6 avril 1943, peu avant l’installation de la nouvelle direction le 3 mai. Aussi Dorange souhaite-t-il avoir des indications précises sur son rôle, car il veut exercer « un véritable contrôle et une direction effective sur les rédacteurs des revues ». Ensuite et surtout parce que les Éditions du Cerf ne sont pas la propriété de l’ordre dominicain mais d’une société par actions où les laïcs sont largement majoritaires. Or deux d’entre eux, parmi les plus influents et « très attachés à la mémoire du P. Bernadot », ont manifesté leur opposition au changement de direction. Philippe écrit à Gillet le 18 mai « Ces “bons laïcs” prétendent bien ne pas vouloir intervenir dans les questions de doctrine, mais ils disent qu’ils ont avancé des capitaux importants pour telle œuvre déterminée, et qu’ils ne veulent pas qu’elle change d’orientation ? Juridiquement ils sont propriétaires des Éditions du Cerf et on ne peut rien faire sans eux ». Aussi un compromis est-il difficile à trouver. Le Conseil d’administration accepte à regret l’éloignement de Boisselot, mais aucun remplaçant n’est désigné : le père Chifflot assure l’intérim et la continuité sans avoir le titre. Plus tard peut-être, sera-t-il possible de faire nommer Dorange directeur, mais pour le moment la solution trouvée apparaît « la seule possible pour répondre aux volontés de Rome et maintenir l’existence de la Société du Cerf », concède le visiteur [318].
d. La Revue des sciences philosophiques et théologiques
120 Roma locuta, causa finita ? « J’espère que nous aurons bientôt un avis de clôture de la visite apostolique qui rende la situation plus claire d’un point de vue juridique », écrit le père Motte à Rome le 16 avril 1943. « Le coup de la R.S.P.T. laisse planer une sourde crainte que de nouvelles queues ne surgissent » [319]. Il n’y en aura pas d’autres lui répond le père Louis, le 2 mai. Mais Chenu ne considère pas l’affaire comme close. Début mai, il écrit aux régents et maîtres en théologie de l’Ordre une longue lettre dans laquelle il peaufine sa version de l’affaire. Jamais la Revue des sciences n’aurait suscité de critique et jamais elle n’aurait été mise en cause durant la visite : c’est trois mois après sa fin que les visiteurs ont obtenu « la décision d’écarter le comité de rédaction […], de nommer un directeur unique, sans aucune consultation de l’équipe fraternelle de collaborateurs, et de désigner deux supercenseurs ». Connue à l’extérieur de l’Ordre, la mesure a suscité de la réprobation. « À l’Institut, trois des maîtres les plus éminents de la haute culture, MM. Faral, Mazon et Picard exprimèrent à deux reprises […] leurs doléances de voir ainsi l’Église barrer périodiquement la route au bon travail scientifique » [320]. Le régent démis souligne la nécessité pour l’Église de participer au « renouvellement des méthodes » et à la « position nouvelle des problèmes, à partir desquels se forment les courants de pensée » : tel était, depuis 1907, le but de la Revue des sciences, forte de son « assise thomiste » ; mais on ne saurait le poursuivre que « si l’on ne sent pas à chaque pas la suspicion tenace et l’animosité de certains censeurs » [321]. D’où la décision, prise par Vrin en accord avec Gilson de renoncer à la publier. Le père Motte, en partance pour Rome, réagit, « selon sa manière impérative : en m’interdisant “avec toute l’autorité de sa charge” d’expédier copie de cette lettre », dont cinq exemplaires étaient déjà partis [322]. Héris et Deman en approuvent chaudement l’intention et le contenu [323]. Chenu obéit tout en déniant au provincial le droit de représenter à Rome le Saulchoir, ses « souffrances », son « esprit », ses « espérances » [324]. Sa « sereine fermeté » est désormais plus proche de la résistance que de la soumission sans condition. C’est bien ainsi qu’on le comprend en haut lieu : le maître général s’oppose à la proposition, faite par le père Allo, de remercier Chenu pour son dévouement au Saulchoir depuis 1920, qui « aurait l’air de réprouver la décision » du Saint-Office. Il exige au contraire une lettre de soumission collective qui est signée par l’ensemble des professeurs le 13 mai 1943 [325].
121 Le père Motte revient de Rome convaincu du bien fondé de l’intervention du Saint-Office dont le livre de Charlier et sa recension par Draguet n’auraient été que l’occasion saisie pour solder des comptes plus anciens. Par delà Chenu, elle est un coup pour l’Ordre tout entier ; et ses suites n’ont rien d’exceptionnel : il s’agissait seulement de vérifier l’enseignement des studia, tâche confiée au père Garrigou « contre son gré ». « La tradition intellectuelle du Saulchoir n’est pas condamnée, selon lui », mais seulement « une de ses manifestations malheureuses ». Il faut « éviter la fièvre obsidionale » et plus encore « une certaine suffisance ». À condition d’écarter aussi tout subjectivisme et « une complaisance excessive à l’égard des modernes », le travail sérieux peut continuer, et la maison se défendre contre les « déformations » et les « calomnies », explique-t-il au collège le 7 juin [326]. Il est réélu provincial pour quatre ans en juillet par un chapitre qui désigne Chenu parmi les quatre définiteurs de la Province, signe qu’il y conserve des appuis. Renforcé dans ses prérogatives, Motte ne cache plus ses réserves envers le visiteur. « La Province […] a eu l’impression pénible » que Thomas Philippe, affligé d’une « conscience portée au scrupule », « traitait avec beaucoup de rigueur ses anciens maîtres et collègues, et qu’il restait plus le visiteur et l’observateur du dehors que le régent dévoué aux intérêts de son collège » [327].
122 Alors qu’il souhaite « à tout prix » sauver la Revue des sciences, et qu’il a tenté avant le chapitre une démarche de conciliation auprès de Vrin [328], Motte prend connaissance avec peine du papillon inséré par celui-ci dans la seconde livraison 1941-1942 des Sciences religieuses sortie à l’automne 1943, avec un sommaire qui illustre les appuis de la revue dans l’Université : leader de Gilson sur « Le christianisme et la tradition philosophique » et long article de Gouhier sur « La conversion de Maine de Biran au platonisme » [329]. « Le Comité de direction des sciences philosophiques et theologiques ayant été modifié par ordre supérieur, l’éditeur renonce à la publication de la collection ». « Je crois que votre désistement est sans proportion avec la modification du comité de direction que vous mettez en avant », écrit Motte à Vrin le 2 octobre. « Ma conviction reste que si nous le voulons la Revue peut être sauvée, non seulement matériellement, mas dans son contenu essentiel et dans sa ligne propre », comme le prouve selon lui « l’expérience des Éditions du Cerf touchées par la même secousse », pour laquelle un modus vivendi a pu être trouvé. Mais il estime « désastreuse » la « critique ouverte de l’intervention romaine » contenue dans le papillon. « Quelle que soit la valeur intrinsèque de la mesure prise », elle est le fait d’une autorité légitime qui a droit au respect. Divulguant une information restée secrète, la protestation risque de porter préjudice aux dominicains français qu’on accusera de l’avoir inspirée, et au père Chenu en particulier. Celui-ci propose à Motte une solution de compromis pour remettre en route la revue : Guérard serait secrétaire de rédaction jusqu’au retour de Congar, et non directeur ; le comité de rédaction demeurerait inchangé ; les deux supercenseurs pourraient être Héris et Féret. Mais Deman, auquel vient d’être refusée une seconde fois la maîtrise en théologie, pourtant sollicitée par le chapitre, refuse ce compromis : « la seule pratique à adopter dans cette affaire est celle de l’intransigeance […] c’est-à-dire en l’espèce, de l’entière passivité », estime-t-il le 4 novembre [330]. Le projet fait long feu et l’affaire en reste là jusqu’au retour du père Congar. Faute de pouvoir percer l’énigme des sanctions de 1942-1943, celui-ci ne reprend pas la tâche avec beaucoup d’enthousiasme après sa longue captivité : la Revue des sciences philosophiques et théologiques ne reparaîtra qu’en 1947.
123 Il s’en faut donc de peu que l’affaire Chenu soit pleinement éclaircie. Sur son déroulement, les hypothèses en cascade de Robert Guelluy demeurent convaincantes.
Une école de théologie n’eût peut-être pas autant inquiété Rome si on n’y avait pas été aussi préoccupé, en 1938, par les audaces de la Province dominicaine de France ; le silence sur la brochure du P. Chenu n’aurait sans doute pas été rompu si n’avait paru le livre du P. Charlier, qui semblait en prolonger publiquement les idées ; le livre du P. Charlier n’eût peut-être pas été condamné s’il n’y avait eu le compte rendu retentissant de R. Draguet faisant penser à un vaste mouvement contestataire et unissant les trois noms : Chenu, Charlier, Draguet [331].
125 Pour passer des hypothèses aux certitudes, il faut attendre l’ouverture des archives du Saint-Office sur le pontificat de Pie XII qui, seules, pourront restituer le maillon manquant de cet enchaînement plausible, entre les avertissements de Cordovani ou de Boyer en 1940 et la sanction de 1942.
126 Le père Chenu et ses proches ont eu tort de ne voir dans celle-ci que la réplique d’une « coterie », dépourvue de fondement sérieux. Non seulement le Saulchoir n’a pas été victime d’une cabale partisane, comme il a pu le laisser entendre, mais les mesures qui l’ont frappé n’étaient pas privées de justification, de forme comme de fond. D’abord parce les théologiens qui montent en ligne contre Chenu ne sont pas seulement des pairs avec lesquels on peut engager un débat serein : par leurs entrées dans les dicastères romains, ils ont tendance à confondre leurs positions avec celles du magistère ordinaire de l’Église, et à agir en conséquence. On ne saurait sous-estimer, en outre, les blessures psychologiques que leur a infligées la plume acérée du régent du Saulchoir : « Vous devez voir maintenant que je n’avais pas tort dès le début de votre Provincialat, d’attirer votre attention sur ce qu’on disait déjà du Saulchoir, sur ses prétentions à régenter l’Ordre et à critiquer tout ce qui [...] n’était pas conforme à ses vues », écrit le maître général Gillet au père Motte le 7 mars 1943 [332]. Non seulement Chenu a égratigné certains de ses confrères romains, et pas des moindres, mais il a présenté le Saulchoir comme un modèle faisant figure d’alternative à la formation délivrée par le Collège romain de l’Ordre. Le différend se réduirait-il donc à une banale affaire de jalousie fondée sur des malentendus, voire de la malveillance, comme les grossières erreurs de l’article officieux de Mgr Parente pourraient le faire croire ? Ou au mieux comme une simple chamaillerie interne à la « grande famille des thomistes », un nouvel avatar de la fameuse rabies theologica ?
127 Le fossé entre le Saulchoir et ses détracteurs nous est apparu autrement profond. Il y va d’abord de la conception de la discipline théologique : ouverte sur l’extérieur ou bien close sur elle-même, selon les catégories de Bergson reprises par Aimé Forest dans son accusé de réception à la plaquette du père Chenu [333] ? Inductive à partir des « lieux théologiques en acte » qu’elle repère ou bien déductive sur le fondement d’élaborations scolastiques d’origine aristotélicienne figées par les commentateurs de saint Thomas ? Purement spéculative et abstraite ou bien aussi « positive », avec recours à la méthode historico-critique et sans coupure entre pensée et prière ou contemplation ? Modeste sur la relativité de ses concepts et de ses systèmes ou bien sûre de ses formulations du fait de leur proximité avec celles du magistère ? Désaccord sur la méthode en théologie, le différend entre le Saulchoir et ses détracteurs est aussi désaccord sur l’objet même de la théologie, c’est-à-dire sur la nature de la foi chrétienne. Le père Chenu le touche du doigt lorsqu’il écrit à Étienne Gilson, le 7 mars 1942 : « La Révélation comme fait historique », et non comme construction rationnelle, « c’est bien cela » [334]. Non seulement l’histoire à minuscule doit rénover la conception et l’enseignement de la théologie, mais la prise en compte de l’Histoire à majuscule en modifie profondément le sens. Pour Chenu et les siens, la foi chrétienne n’est pas un ensemble cohérent de doctrines appréhendables par la seule raison, mais l’inscription progressive de la Révélation dans l’Histoire, tout à la fois histoire du salut et histoire de l’humanité en quête de celui-ci. L’affirmation du caractère fondamental de l’historicité du message chrétien, dans laquelle ses adversaires voient à tort un mépris pour l’intelligence, sépare nettement Chenu de ses censeurs. Bien qu’il n’apparaisse pas toujours avec autant de clarté dans la polémique, tel est bien l’enjeu ultime de la crise de 1942. D’où les accusations récurrentes de modernisme ou de semi-modernisme contre le régent du Saulchoir, puisque la crise moderniste s’est déjà nouée sur les rapports entre histoire et dogme.
128 Si les modalités de la condamnation de Chenu et ses raisons profondes sont encore pour partie obscures, il n’en va pas de même de leurs conséquences. La sanction n’a sur le moment que peu d’échos. Comment aurait-il pu en être autrement dans une France et une Église qui ont d’autres sujets d’inquiétudes qu’une querelle de théologiens ? La guerre a d’ailleurs provoqué la disparition de bien des publications qui auraient pu en faire état. Le père Gillet a estimé l’affaire suffisamment grave pour rédiger, le 13 novembre 1942, une lettre encyclique rappelant, à qui l’aurait oublié dans l’Ordre, la nécessité d’y enseigner les positions de saint Thomas d’Aquin : rappel équilibré mais ferme à l’ordre thomiste, elle n’a pas eu beaucoup d’écho non plus, du fait de la conjoncture. La mise à l’Index d’Une école de théologie a été suivie d’une visite dont le père Garrigou-Lagrange a tiré les ficelles et qui a entraîné une purge, tant au Saulchoir que dans la Province dominicaine de France : non seulement Chenu a dû quitter la régence des études, mais le modératoire du collège a été entièrement renouvelé et plusieurs des fidèles de l’ancien régent ont été menacés de renvoi. Deman et Spicq, qui n’ont pas obtenu la maîtrise en théologie, seront affectés ailleurs dès la fin de la guerre. Congar et Féret ne savent pas qu’ils sont en sursis : de ce point de vue, leur élimination lors de la purge de février 1954 ne fera qu’achever celle de 1942-1943. La Revue des sciences philosophiques et théologiques a été supprimée par un « front du refus » qui unit Chenu et Gilson à l’éditeur Vrin : son avenir est suspendu. La direction des Éditions du Cerf a été profondément modifiée, avec la mise à l’écart du père Boisselot et la mise sous tutelle des revues. Du décret de février 1942, on est passé de proche en proche à une mise au pas de l’instance de formation et des moyens de diffusion intellectuels de la Province de France, menacés depuis 1937.
129 Dans l’immédiat, et malgré la soumission personnelle de Chenu, les circonstances de la visite et ses conséquences ont suscité au Saulchoir un malaise qui se mue, sur la question de la Revue des sciences, en résistance ouverte. Aussi le maître général Gillet, qui en est informé par Thomas Philippe, multiplie-t-il des rappels à l’obéissance de plus en plus pressants auprès du père Motte. Pour lui le Saulchoir est doublement coupable : tout à la fois d’orgueil intellectuel et de laxisme doctrinal. Ces philippiques venues de Rome n’épargnent pas le provincial, qui fait appliquer les mesures imposées tout en défendant ses subordonnés du reproche d’insoumission, et en se défendant lui-même de celui de faiblesse à leur égard [335]. La guerre fige les positions sans résoudre le problème qui se retrouve entier en 1945. « Le Père Thomas Philippe n’a guère la confiance de l’ensemble du Collège », écrit à Gillet le père Héris, vice-recteur malheureux, le 4 août ; « il ne paraît pas très qualifié pour assumer et coordonner la reprise de l’œuvre commune des Revues et de tout notre apostolat intellectuel » [336].
130 Les suites de l’affaire dépassent donc de beaucoup le cas d’Une école de théologie. À travers le manifeste du père Chenu, c’est bien le Saulchoir qui est sanctionné et ce qu’il représente dans l’Ordre : l’incarnation des audaces réformistes de la Province de France dont l’exemple risque de devenir contagieux. Les griefs de 1942 contre Une école de théologie sont pour l’essentiel ceux de 1938, ce qui empêche de dédouaner les dominicains romains de toute implication dans la sanction : ce ne sont peut-être pas eux qui ont mené l’affaire devant le Saint-Office, mais ce sont leurs critiques précoces qui ont servi à justifier la mise à l’Index. En prenant ses distances avec la théologie spéculative qui a servi de rempart contre le modernisme, la méthode historique et inductive pratiquée au Saulchoir sous la houlette du père Chenu, dont les premiers volumes de la collection « Unam Sanctam » fournissent une bonne illustration, ne risque-t-elle pas de ramener à un néo-modernisme inadmissible ? L’accusation, qui ne pardonne pas, rejouera entre 1946 et 1951 contre le scolasticat jésuite de Fourvière ; et de nouveau en 1954 contre le Saulchoir ou ses proches. D’une certaine manière, et en dépit de péripéties spécifiques dont plusieurs restent à éclaircir, cette affaire de 1942 est bel et bien la matrice des difficultés récurrentes avec Rome des secteurs les plus innovants de la théologie française jusqu’à l’aube des années 1960.
Notes
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[1]
Déjà condamnés au cours de celle-ci, le philosophe Édouard le Roy et le théologien Lucien Laberthonnière ont été de nouveau sanctionnés, en 1931 pour le premier, en 1937 et 1941 pour des écrits posthumes du second.
-
[2]
On peut y joindre la thèse de l’abbé Marc Oraison, Vie chrétienne et problèmes de la sexualité, décret du 18 mars 1953 publié seulement en janvier 1955 (Agnès Desmazières, « La psychanalyse entre médiatisation et censure. La morale sexuelle de Marc Oraison en procès, 1955-1966 », Archives de sciences sociales des religions [juillet-décembre 2013], p. 123-131). Sur toutes ces péripéties, Étienne Fouilloux, Une Église en quête de liberté. La pensée catholique française entre modernisme et Vatican II, 1914-1962, Paris, Desclée de Brouwer, 2006 (2e édition) ; et « Affaires françaises, archives romaines. Les dossiers du Saint-Office (1920-1938) », Revue suisse d’histoire religieuse et culturelle 107 (2013), p. 193-204.
-
[3]
Le Saulchoir. Una scuola di teologia, Introduzione di Giuseppe Alberigo, Casale Monferrato, Marietti, 1982, 110 p. ; Une école de théologie : le Saulchoir, avec des études de Giuseppe Alberigo, Étienne Fouilloux, Jean Ladrière et Jean-Pierre Jossua, Paris, Éd. du Cerf, 1985 ; puis Emilio Panella, « Due maestri in una scuola di telogia : Cordovani e Chenu », Vita sociale 40 (1983), p. 166-176 ; et « Come fu condannata “Una scuola di teologia” di Chenu », Vita sociale 42 (1985), p. 268-281 ; Andrea Riccardi, « Une école de théologie fra la Francia e Roma », Cristianesimo nella storia 5 (1985), p. 11-28 ; Robert Guelluy, « Les antécédents de l’encyclique “Humani generis” dans les sanctions romaines de 1942 : Chenu, Charlier, Draguet », Revue d’Histoire ecclésiastique 81(1986), n° 3-4, p. 421-497 ; Dominique Avon, Les Frères prêcheurs en Orient. Les dominicains du Caire (années 1920-années 1960), Paris, Éd. du Cerf, 2005, p. 342-350.
-
[4]
É. Fouilloux, « Le Saulchoir en procès (1937-1942) », Une école de théologie : le Saulchoir, op. cit., 1985, p. 36-59 ; et « Autour d’une mise à l’Index », Marie-Dominique Chenu. Moyen-Âge et modernité, colloque organisé par le département de la recherche de l'Institut catholique de Paris et le Centre d'études du Saulchoir les 28 et 29 octobre 1995, Paris, Centre d’études du Saulchoir/Éd. du Cerf, 1997, p. 25-56.
-
[5]
Les documents sans référence sont issus des papiers Chenu, conservés dans les Archives de la Province dominicaine de France (APDF).
-
[6]
« “Veritas liberavit vos”. La Vérité vous rendra libres », 14 p. polycopiées, APDF ; ce titre est tiré du chapitre 8, verset 32, du quatrième Évangile. Veritas est aussi la devise de l’Ordre dominicain.
-
[7]
« Aujourd’hui à la grand messe, magnifique discours-programme du T.R.P. Chenu sur le thème : la Vérité vous délivrera », APDF.
-
[8]
Imprimi potest du provincial Jourdain Padé, 9 novembre, et imprimatur de l’archevêché de Paris du lendemain.
-
[9]
Les Éditions Casterman étaient incapables de fournir le chiffre ; et le père Chenu suggérait 700 ou 800 (lettre du 11 octobre 1983). La vente s’opère à partir du Saulchoir, avec les deux adresses de Kain et d’Étiolles.
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[10]
Giuseppe Alberigo n’en a trouvé qu’un, celui de la Theologische Revue (1939), p. 48-51, dû au professeur de Würzburg Friedrich Stegmüller. Chenu demande à Joseph Dopp, responsable de la Revue néoscolastique de Louvain, de s’abstenir (lettre du 10 juin 1938, communiquée par Jean Ladrière).
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[11]
Marie-Dominique Chenu, « Le sens et les leçons d’une crise religieuse », à propos des Mémoires d’Alfred Loisy, La Vie intellectuelle (10 décembre 1931), p. 356-380.
-
[12]
« Bibliographie du P. Marie-Dominique Chenu (1921-1965) » par André Duval, O. P., Mélanges offerts à M.-D. Chenu, Paris, Vrin, 1967, p. 9-29 ; puis Maria Luisa Mazzarello, « Gli scritti del P. Marie-Dominique Chenu, 1963-1979 », Salesianum 42 (1980), p. 855-866.
-
[13]
5 p. dactyl., APDF (citation, p. 2).
-
[14]
Ambroise Gardeil, Le Donné révélé et la théologie, Préface, Juvisy, Éd. du Cerf, 21932, p. vii-xiv ; Revue dominicaine (Montréal) 38 (1932), p. 653-660 ; Rev. Sc. ph. th. 24 (1935), p. 232-257.
-
[15]
Rev. Sc. ph. th. 24 (1935), p. 706 ; La Vie spirituelle, supplément (1er mai 1937), p. 70 (formule reprise dans Une école de théologie, p. 75).
-
[16]
Eugenio d’Ors, Du baroque, Paris, Gallimard, 1935.
-
[17]
G. Alberigo, « Cristianesimo come storia e teologia confessante », Le Saulchoir una scuola di teologia, op. cit., p. vii-xxx.
-
[18]
Plus une fois « relativité » pour la philosophie thomiste, p. 95.
-
[19]
La Vie intellectuelle (25 décembre 1937), p. 325-351.
-
[20]
Olivier de La Brosse, Le Père Chenu. La liberté dans la foi, Paris, Éd. du Cerf, 1969 ; Un théologien en liberté. Jacques Duquesne interroge le Père Chenu, Paris, Le Centurion, 1975 ; L’Hommage différé au Père Chenu, introd. Claude Geffré, Paris, Éd. du Cerf, 1990 ; Hommage au Père M.-D. Chenu, Rev. Sc. ph. th. 75/3 (1991) ; Marie-Dominique Chenu. Moyen-Âge et modernité, op. cit. ; Le Père Marie-Dominique Chenu médiéviste, extrait de la Revue des sciences philosophiques et théologiques, Paris, Vrin, 1997 ; Florian Michel, La Pensée catholique en Amérique du Nord, Paris, Éd. du Cerf, 2010, p. 123-189.
-
[21]
Carmelo Giuseppe Conticello, « De contemplatione (Angelicum, 1920). La thèse inédite de doctorat du P. M.-D. Chenu », Rev. Sc. ph. th. 75 (1991), p. 363-422.
-
[22]
Il le réclame encore, en vain, au printemps 1922.
-
[23]
Camille de Belloy, « Ambroise Gardeil : un combat pour l’étude », Rev. Sc. ph. th. (2008), p. 423-432 ; et le rapport de Gardeil sur les études dans la Province de France en 1901, p. 433-459.
-
[24]
André Duval, « Aux origines de la Revue des sciences philosophiques et théologiques », Rev. Sc. ph. th. 78 (1994), p. 31-44.
-
[25]
A. Gardeil, Le Donné révélé et la théologie, Paris, Gabalda, 1910.
-
[26]
A. Duval, « Aux origines de l’“Institut historique d’études thomistes” du Saulchoir (1920sqq). Notes et documents », Rev. Sc. ph. th. 75 (1991), p. 423-448.
-
[27]
Ibid., p. 435.
-
[28]
Le Père Marie-Dominique Chenu médiéviste, extrait de la Revue des Sciences philosophiques et théologiques, Paris, Vrin, 1997.
-
[29]
M.-D. Chenu, « La théologie comme science au xiiie siècle », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 2 (1927), p. 31-71.
-
[30]
É. Fouilloux, « Première alerte sur le Saulchoir (1932) », Rev. Sc. ph. th. (2012), p. 93-105 ; si le père Chenu n’avait été obnubilé par sa mise à l’Index et son éviction du Saulchoir, il aurait pu trouver trace de cet épisode dans une lettre de soutien du chanoine Léon Mahieu, doyen de la Faculté de théologie de Lille : « J’avais eu occasion, il y a une dizaine d’années déjà, de dire du bien du couvent, en réponse à certaines attaques », lui écrira-il le 21 mai 1942.
-
[31]
M.-D. Chenu, « La JOC au Saulchoir », L’Année dominicaine (mai 1936), p. 190-193.
-
[32]
Lettre au père Valentin Grégoire, 14 juin, APDF.
-
[33]
« La bataille est gagnée. Le “retour” est voté ! Lieu choisi : Étiolles, 28 km de Paris, 20 hectares. Très grandes prairies (à engraisser un peu). Communs magnifiques. En plus une ferme (très grande). Exposition au midi. Vue sur la Seine. Nous avons dit avec grande ferveur l’Angelus avec le P. Provincial, au milieu de la ferme. Deo gratias », carte au frère Martin [Arpin], 30 octobre 1933, APDF.
-
[34]
F. Michel, « Le Saulchoir au Canada ? », dans La Pensée catholique en Amérique du Nord. Réseaux intellectuels et échanges culturels entre l’Europe, le Canada et les États-Unis (années 1920-1960), Paris, Desclée de Brouwer, 2010, p. 123-189 ; c’est d’ailleurs à Ottawa qu’il apprend sa nomination comme régent.
-
[35]
« C’est une porte sur la vie, sur le ciel et sur la terre », 12 février.
-
[36]
Lettre du 18 avril 1938, où on lit aussi : « nous avons “découvert” ici celui qui est votre frère d’esprit, le Père Charlier ».
-
[37]
Garrigou a collaboré à l’article « Prédestination » du Dictionnaire de théologie catholique avant de développer sa contribution dans un livre : voir Réginald Garrigou-Lagrange, La Prédestination des saints et la grâce. Doctrine de saint Thomas comparée aux autres systèmes théologiques, Bruges-Paris, Desclée de Brouwer, 1936.
-
[38]
Décret signé du cardinal Bisleti, préfet, et de Mgr Ernesto Ruffini, secrétaire ; Le Saulchoir Statuta Instituti philosophico-theologici Provinciae Franciae Ordinis Praedicatorum, 52 p. imprimées, APDF.
-
[39]
Yves Congar, « Mon témoignage », dans Journal d’un théologien, 1946-1956, édité et présenté par É. Fouilloux, Paris, Éd. du Cerf, 2000, p. 57-62 ; Dominique Dubarle, « Le temps des enthousiasmes », dans L’Hommage différé au père Chenu, op. cit., p. 194-206.
-
[40]
Archives générales de l’Ordre des Prêcheurs (AGOP) V 305 1936 (1).
-
[41]
« Des articles comme ceux-là me font mieux voir le lien de la nouvelle génération à la précédente, et le statut de votre travail au Saulchoir. Nous avons parfois les uns et les autres, moi le premier, des vivacités qui pourraient nous empêcher momentanément de nous comprendre ; je suis heureux de pouvoir en vous lisant considérer les choses d’un point de vue supérieur », lui a-t-il écrit après lecture de l’article ; M.-D. Chenu, « Position de la théologie », Rev. Sc. ph. th. 24 (1935), p. 232-258.
-
[42]
Ibid., p. 248.
-
[43]
Bulletin thomiste (juillet-décembre 1936), p. 893-895 (citation, p. 895) ; Pègues est mort le 28 avril 1936.
-
[44]
Ibid., p. 895 (seize lignes en tout et pour tout, si l’on inclut le titre) ; Lépicier est mort le 20 mai 1936.
-
[45]
Archives de la Province dominicaine de Toulouse (APDT). Voir Michel Fourcade, « Jacques Maritain et le renouveau de la “Revue thomiste” (1936-1940) », dans Saint Thomas au xxe siècle, Paris, Saint-Paul, 1994, p. 135-152.
-
[46]
Dans ses griefs contre Une école de théologie, communiqués à Chenu en février 1938, Garrigou-Lagrange retient en effet l’éreintement de Lépicier, p. 1.
-
[47]
Lettre de Labourdette à Nicolas, 1er juin 1937, APDT.
-
[48]
Certes Garrigou-Lagrange discute l’affirmation de Chenu selon laquelle la division entre ascétique et mystique est « fâcheuse » (recension de Notre vie divine du père Mandonnet dans le Bulletin thomiste [juillet-décembre 1936], p. 784-789), ou dans « L’axe de la vie spirituelle et son unité », Rev. thom. 43 (1937), p. 347-360 ; mais cette brève discussion ne saurait être le « grand article » annoncé.
-
[49]
Lettre citée par M. Fourcade, art. cit., p. 151.
-
[50]
Lettre de Labourdette à Nicolas, 9 juin 1937, APDT. La Revue thomiste publiera néanmoins son article « Le plan de la Somme théologique de saint Thomas », Rev. thom. 45 (1939), p. 93-107.
-
[51]
Lettre au père Marie-Vincent Bernadot, qui le lui réclamait, 6 avril 1931, Archives des Éditions du Cerf.
-
[52]
Paul Vignaux, Introduction à la réédition en 1987 de Philosophie au Moyen Âge, Paris, Vrin, 2004, p. 50, note 1.
-
[53]
Passage cité en français dans la réponse de celui-ci au responsable au Corriere padano de Ferrare, 18 juillet 1937, copie, jointe à sa lettre à Chenu du 20 juillet.
-
[54]
Martine Sevegrand, Temps Présent. Une aventure chrétienne, t. 1 : l’hebdo-madaire, 1937-1947, Paris, Éditions du Temps Présent, 2006, p. 17-28 ; Magali Della Sudda, « Le Vatican, la France et l’hebdomadaire Sept », Vingtième siècle. Revue d’histoire (octobre-décembre 2009), p. 29-44.
-
[55]
Brouillon de lettre non daté ; et brouillon de lettre au père Louis, 31 août.
-
[56]
La Civiltà cattolica (10 août 1937), p. 289-301.
-
[57]
Brouillon de lettre du 1er septembre et réponse du 25.
-
[58]
Brouillon dans ses papiers, ainsi que d’une autre, qui craint « que le silence officiel de l’Ordre donne prise, par un évident contraste, à la malignité publique ».
-
[59]
Lettre du 11 septembre, confirmée le 15 par le père Thomas Delos, professeur aux Facultés catholiques de Lille.
-
[60]
Réponses du 10 et du 20 septembre (en marge de laquelle Chenu a noté : « satis episcopaliter » !).
-
[61]
Brouillon de la lettre.
-
[62]
Lettre du 11 octobre.
-
[63]
Brouillon de lettre à Louis du 23 octobre. « Dérision des circonstances », ne peut-il s’empêcher de noter, alors qu’est « donnée au Saulchoir une devanture universitaire, confiance administrative en face d’une non confiance doctrinale » (le studium vient d’obtenir le statut canonique d’université pontificale pour ses facultés de philosophie et de théologie).
-
[64]
Lettre sans date, Archives des Éditions du Cerf.
-
[65]
M. Fourcade, « L’affaire “Par notre faute” », Mélanges offerts à Gérard Cholvy, Montpellier, Publications de l’Université Paul-Valéry, 2003, p. 151-168.
-
[66]
Lettre à son adjoint le père Louis, AGOP V 305 1936 (1).
-
[67]
Brouillon de lettre du 16 novembre.
-
[68]
« S’il [Louis] en avait reçu l’original il aurait hésité à le transmettre, avant d’avoir correspondu avec vous, persuadé qu’il est que tout le monde ici, sauf lui, et même le P. Cordovani, ignorait quel est le censeur responsable, jusqu’au courrier de ce matin », écrit-il à Chenu après réception d’une copie de la lettre à Cordovani, carte du 19 novembre.
-
[69]
Lettre du 19 novembre.
-
[70]
31 janvier, APDF.
-
[71]
Lettres des 21 et 28 février 1938.
-
[72]
« Votre brochure me fait croire que j’ai fait mon évolution sous l’influence profonde de l’esprit du P. Lemonnyer, pour qui j’ai conservé un véritable culte », écrit-il à Chenu le 14 janvier 1938.
-
[73]
Lettre à Chenu du 29 mars 1938, Francesca A. Murphy, « Correspondance entre É. Gilson et M.-D. Chenu : un choix de lettres, 1923-1969 », Rev. thom. (2005), p. 41-43.
-
[74]
Lettre au père Antonin Motte, prieur du Saulchoir, APDF.
-
[75]
« Puisse l’École du Saulchoir contribuer de plus en plus à réaliser la présence en notre siècle d’une théologie vraiment catholique ! », lettre du 18 mars 1938.
-
[76]
Carte du 24 janvier 1938.
-
[77]
« Au sujet du P. Chenu ce que vous me dites est tout à fait exact. Il est pavé de bonnes intentions (un peu comme l’enfer) », lui écrit le père Simonin le 6 novembre 1938, papiers Féret, APDF.
-
[78]
Accusé de réception reconnaissant de Chenu, Rome, 3 février, papiers Congar, APDF.
-
[79]
Lettre de Rome, 22 mars 1937.
-
[80]
Lettre du 6 novembre 1938 ; les réserves de Simonin ont été présentées au régent du Saulchoir de vive voix, à Rome début février, lettre à Chenu, 20 février.
-
[81]
Lettre au père Nicolas, 21-22 janvier 1938, APDT.
-
[82]
Lettres du 8 janvier ; et du 9 février, APDT.
-
[83]
Journet-Maritain, Correspondance, volume II, 1930-1939, Fribourg/Paris, Presses Universitaires Fribourg, 1997, p. 728-729.
-
[84]
Lettre du 25 janvier.
-
[85]
Lettres des 3 et 11 janvier 1948.
-
[86]
Lettre sans date, APDT.
-
[87]
« Je me permets de vous rappeler que, dès 1919, après la 1re guerre, le P. G[arrigou].-L[agrange] avait essayé d’empêcher la reprise de la Revue » (des sciences philosophiques et théologiques, organe du Saulchoir), brouillon de lettre de Chenu au provincial Antonin Motte, s.d. (mai 1943).
-
[88]
« Une École de théologie », s. d., 5 p.
-
[89]
Brouillon de lettre, s. d. et réponse du 21 janvier.
-
[90]
Lettre du 27 janvier arrivée le 30 ; cet exemplaire ne serait pas celui que conservait le père André Duval, sur lequel il avait précisé : « les traits rouges en marge ou à l’intérieur du texte correspondent aux passages soulignés par le P. Garrigou-Lagrange sur son exemplaire personnel. Je n’ai malheureusement pas noté par quelle suite d’indiscrétions ces indications m’ont été fournies ».
-
[91]
Lettre envoyée de Rome le 1er février.
-
[92]
Lettre citée. Le 2 février, Dominique Dubarle complète son analyse des coups de crayon de Browne par un « parallèle entre un certain nombre des textes de votre brochure mis en question par les coches et des textes du De Revelatione de Garrigou » (voir aussi la lettre de Hyacinthe Dondaine du 3 février).
-
[93]
Emilio Panella les relève sur l’exemplaire de Cordovani, « Due maestri in una scuola di teologia », art. cit., p. 169-176 ; avant lui, voir Raimondo Spiazzi, P. Mariano Cordovani dei Frati predicatori, Rome, Belardetti, 1954.
-
[94]
Brouillon de lettre, s. d., et réponse de Louis du 28 février.
-
[95]
Lettre à Chenu du 20 février. Ces deux autres seraient le Belge Mannès Matthijs, doyen de la faculté de théologie de l’Angelicum, qui n’a pas jugé utile de rencontrer Chenu, et l’Allemand Anselme Rohner qui y enseigne (son nom n’apparaît que dans les documents rassemblés par le père Garrigou-Lagrange pour sa visite au Saulchoir de 1942 ; il énumère parmi les examinateurs de la brochure : Cordovani, Browne, lui-même, Matthijs et Rohner ; papiers dactylographiés dans ses archives par le père Paul Coutagne).
-
[96]
« Insuper P. Browne ut Rector Coll. Ang. in nomini Vicarii dixit ad P. Chenu ut suscriberet quibusdam propo. circa nat. theol. et evolutio. dogm., et ut scriberet suo modo circa has propositiones. P. Chenu hoc non fecit » (même source).
-
[97]
Page 35.
-
[98]
Lettre du père Labourdette au père Nicolas, 5 février 1938, APDT.
-
[99]
Chronique du Saulchoir, 11 février, APDF.
-
[100]
Lettres du père Mathiot, 11 mars et 13 avril.
-
[101]
Lettre citée à Padé du 6 février.
-
[102]
Acta capituli generalis, vœu, p. 38-39 ; et note « De studiis historicis », signée Gillet, p. 44-51.
-
[103]
Ibid., p. 23, 25 et 26.
-
[104]
Dominique Avon, Les Frères prêcheurs en Orient. Les dominicains du Caire (années 1920-années 1960), Paris, Éd. du Cerf, 2005, p. 337-342.
-
[105]
« Notre déménagement est arrivé par péniche, le 2 septembre 1939 », Yves Congar, Une vie pour la vérité, Jean Puyo interroge le Père Congar, Paris, Le Centurion, 1975, p. 85.
-
[106]
Lettre s. d. (été 1937), papiers Congar. L’imprimatur est du 22 juin, et le livre, assorti du sous titre Principes d’un “œcuménisme” catholique, est sorti en juillet.
-
[107]
É. Fouilloux, Les Catholiques et l’unité chrétienne du xixe au xxe siècle. Itinéraires européens d’expression française, Paris, Le Centurion, 1982, p. 238-241 et 434-435. Celui de la revue barthienne Foi et vie « illustre assez bien […] le caractère dangereux » du livre, écrit le père Labourdette au père Nicolas le 17 octobre 1938.
-
[108]
Recension du 15 septembre 1937, et lettre encore plus sévère de l’auteur, le converti C. G. Mortimer, du 15 octobre, papiers Congar.
-
[109]
Nova et vetera (juillet-septembre 1938), p. 346-348 (citation, p. 346) ; il trouvera cependant plusieurs passages de la recension de Nicolas « un peu sévères », lettre de Labourdette à Nicolas du 29 juillet 1938, APDT.
-
[110]
Rev. thom. (1938), p. 381-390 (citation, p. 381).
-
[111]
Lettre du 31 décembre 1937, APDT.
-
[112]
Lettre au père Nicolas, 14 janvier 1938, ibid.
-
[113]
Lettre du 6 avril 1938 ; Rosaire est Marie-Rosaire Gagnebet, de la Province de Toulouse, professeur à l’Angelicum ; les Philippe sont Paul Philippe et Thomas Philippe, professeurs à l’Angelicum après l’avoir été au Saulchoir ; le père Vosté attribue à tort à Garrigou la paternité du compte rendu de Nicolas, lettre à Congar du 28 mai.
-
[114]
Note d’audience, 11 pages manuscrites.
-
[115]
« On a pu trouver aussi, et non sans raison, qu’il [Chrétiens désunis] aurait gagné à être plus mûri en certaines parties doctrinales », écrit à Congar le socius du maître général le 26 mai 1938.
-
[116]
« Vous devinez quel procès de tendance se cache sous cet “équivalent” », écrit Chenu le 28 février 1939 au père Henri-Dominique Gardeil, professeur au Saulchoir et neveu d’Ambroise Gardeil.
-
[117]
Pages 34, 35 (durcissement catholique unilatéral), 50, 52 (intention spirituelle originellement juste des dissidences), 316, 319, 320 (éléments de dissidence qui manquent à la catholicité), 330 (retour aux sources) lui signale Gillet.
-
[118]
Lettre à Chenu du 17 janvier 1939. Alors que Gregorianum, revue de l’Université grégorienne en a publié, sous la plume du père Pierre Chaillet, une recension favorable, Paul Philippe croit savoir que « deux Pères de la Compagnie se sont plaints de son livre et peut-être l’ont dénoncé », lettre citée de Labourdette à Nicolas, 31 décembre 1937, APDT.
-
[119]
Copie de lettre à Gillet, datée à tort du 17 janvier.
-
[120]
Lettre au père Gillet du 26 janvier, copie.
-
[121]
Lettre à Journet du 7 février 1939 publiée dans le tome II de la Correspondance Journet Maritain (1930-1939), Fribourg/Paris, 1997, p. 790 (les papiers Congar comportent deux lettres de Journet sur cet épisode).
-
[122]
Brouillon de la lettre de Chenu du 21 janvier 1939 et réponse affligée d’Amann le 29 ; ou encore brouillon de lettre à Henri-Dominique Gardeil du 28 février.
-
[123]
Lettre datée par erreur du 2 janvier (février en fait) 1939.
-
[124]
Note dactylographiée, mais signée à la main, s. d. ; lettre de Labourdette à Nicolas du 17 mars 1939, très dure sur Garrigou, APDT.
-
[125]
Brouillon de lettre à Henri-Dominique Gardeil ; Bulletin thomiste (octobre-décembre 1938), p. 535-538.
-
[126]
Lettre citée à Henri-Dominique Gardeil.
-
[127]
Lettre à Charlier du 27 mars 1938.
-
[128]
Thuillies, Ramgal, 190 p. (imprimatur du 30 mars 1938).
-
[129]
Lettre de Labourdette à Nicolas du 17 mars 1939, APDT. L’affaire Charlier a été traitée de main de maître par Robert Guelluy, « Les antécédents de l’encyclique “Humani generis” dans les sanctions romaines de 1942 : Chenu, Charlier, Draguet », Revue d’histoire ecclésiastique 81 (1986), n° 3-4, p. 421-497 ; plus récemment, voir Jürgen Mettepenningen, « L’Essai de Louis Charlier (1938) : Une contribution à la nouvelle théologie », Revue théologique de Louvain 39 (2008), p. 211-232.
-
[130]
Livraison d’octobre-décembre 1938, p. 490-505 (texte daté de novembre).
-
[131]
René Draguet, « Méthodes théologiques d’hier et d’aujourd’hui », 10 janvier 1936, p. 1-7 ; 7 févier, p. 4-7 ; 14 février, p. 13-17.
-
[132]
Jean-François Bonnefoy, « La théologie comme science et l’explication de la foi selon saint Thomas d’Aquin », Ephemerides theologicae lovanienses 14 (1937), p. 421-446 et 600-631 ; 15 (1938), p. 491-516 ; La Nature de la théologie selon saint Thomas d’Aquin, Paris, Vrin, 1939.
-
[133]
Marie-Rosaire Gagnebet, « La nature de la théologie spéculative », Rev. thom. (1938), p. 1-39, 213-255 et 645-674.
-
[134]
Ibid., p. 492.
-
[135]
Comme l’écrira Chenu le 30 avril 1942 au lazariste Bayol.
-
[136]
Bulletin thomiste, art. cit., p. 505.
-
[137]
« Nous craignons un peu qu’ici [sur la théologie comme science], le disciple du P. Gardeil, chez le P. Ch[enu], ne l’ait emporté sur l’historien », Essai sur le problème théologique, op. cit., note de la p. 114.
-
[138]
Lettre citée à Nicolas du 17 mars 1939.
-
[139]
M.-R. Gagnebet, « Un essai sur le problème théologique », Rev. thom. 45 (1939), p. 108-145.
-
[140]
Ephemerides theologicae lovanienses 16 (1939), fascicule dont l’imprimatur est du 15 mars 1939, p. 143-145, citation, p. 145.
-
[141]
R. Guelluy, « Les antécédents de l’encyclique “Humani generis” », art. cit., p. 451.
-
[142]
Ibid. L’Essai sur le problème théologique comporte, en tout et pour tout, trois références bibliographiques à Chenu, en notes (p. 11, 34 et 114), et la dernière, qui est aussi la plus explicite, prend le contre-pied de son article de 1927 sur « La théologie comme science au xiiie siècle ».
-
[143]
Johann-Adam Möhler, L’Unité dans l’Église ou le principe du Catholicisme d’après l’esprit des Pères des trois premiers siècles de l’Église, traduction de dom A. de Lilienfeld et introduction du Père Chaillet, s. j., Paris, Éd. du Cerf (coll. « Unam Sanctam » 2), 1938.
-
[144]
Lettre du cardinal Marchetti-Selvaggiani au cardinal Verdier du 19 avril, Prot. 15/1939, copie dans les archives des Éditions du Cerf.
-
[145]
Citation de sa notice « Möhler » de l’encyclopédie Catholicisme, tome IX, col. 460.
-
[146]
Prospectus de lancement de la collection.
-
[147]
Y. Congar, « La signification œcuménique de l’œuvre de Möhler », Irénikon (1938), p. 113-130 ; « Note sur l’évolution et l’interprétation de la pensée de Möhler », Rev. Sc. ph. th. 27 (1938), p. 205-212 ; « L’esprit des Pères d’après Möhler », Supplément de la Vie spirituelle (avril 1938), p. 1-25 ; « L’hérésie, déchirement de l’unité », dans L’Église est une. Hommage à Möhler, Paris, Bloud et Gay, 1939, p. 255-269.
-
[148]
Art. « Moehler Jean-Adam », t. 10/2, col. 2048-2063 (citation, col. 2063).
-
[149]
Y. Congar, « Autour du renouveau de l’ecclésiologie : la collection “Unam Sanctam” », La Vie intellectuelle 61 (1939), p. 9-32.
-
[150]
M.-D. Chenu, Une école de théologie : le Saulchoir, op. cit., p. 66-67 (et encore p. 99). Du point de vue de l’historien, la référence à l’Aufklärung allemande est discutable : source du romantisme, celle-ci est bien plus sensible au spirituel que les Lumières françaises.
-
[151]
Lettre de Congar au vicaire général de Paris Dupin, chargé de l’imprimatur, 7 mai.
-
[152]
Y. Congar, « Extraits de presse au sujet de la traduction française du livre de Möhler », 2 p. dactyl.
-
[153]
Y. Congar, « Remarques au sujet de “L’Unité dans l’Église” de Möhler », 2 p. dactyl.
-
[154]
P. Chaillet (dir.), L’Église est une. Hommage à Möhler, op. cit. ; Renée Bédarida, Pierre Chaillet. Témoin de la résistance spirituelle, Paris, Fayard, 1988, p. 39-73.
-
[155]
Lettre d’Étienne Borne à « Cher Père et ami », 7 mai, archives des Éditions du Cerf.
-
[156]
Lettre à Congar du 9 mai.
-
[157]
Recommandations voisines dans sa lettre à Congar du 15 mai.
-
[158]
Lettre à Chenu du 11 mai. Albert Gratieux, A. S. Khomiakov et le Mouvement slavophile, Paris, Éd. du Cerf (coll. « Unam Sanctam » 5 et 6), 1939, nihil obstat de Congar, 1er avril 1939 et imprimatur de Dupin du 3 avril.
-
[159]
Rapport de 5 p. dactyl., joint à sa lettre à Congar du 11 mai.
-
[160]
Lettre à Congar du 15 mai.
-
[161]
Note manuscrite de Congar sur l’entretien.
-
[162]
Journal inédit, 6 mai, communiqué naguère par le père André Duval, APDF.
-
[163]
Ibid., 16 mai.
-
[164]
Note manuscrite d’audience.
-
[165]
Dans la conjoncture nouvelle née de la guerre, lettre du 9 novembre 1939.
-
[166]
Y. Congar, « Una serie di pubblicazioni sulla Chiesa. La collezione “Unam Sanctam” », 7 juillet 1939.
-
[167]
Les étudiants sont 136 pour l’année universitaire 1938-1939, dont 24 religieux de la Salette ; et 61 pour l’année 1941-1942 (sans Salettins), rapports dans AGOP XIII 30200/2.
-
[168]
Lettre au père Motte du 5 novembre 1940, APDF.
-
[169]
Un dernier paragraphe concerne les partisans de l’inversion des fins du mariage : amour conjugal avant accueil des enfants.
-
[170]
M. Cordovani, « Per la vitalità della teologia cattolica », Angelicum 17 (1940), p. 132-146 (citations p. 141-144).
-
[171]
Lettre au père Motte du 5 novembre 1940.
-
[172]
Charles Boyer, « Qu’est-ce que la théologie ? Réflexions sur une controverse », Gregorianum 21 (1940), p. 255-266 (citations, p. 258, 259, 264, 265, 266).
-
[173]
R. Guelluy, « Les antécédents de l’encyclique “Humani generis” », art. cit., p. 472.
-
[174]
C. Boyer, « Qu’est-ce que la théologie ? », art. cit., p. 256.
-
[175]
Ibid., p. 266.
-
[176]
AGOP V 305.
-
[177]
« Personne ne m’a jamais parlé contre l’Ordre, jamais, jamais », lettre du 3 septembre, ibid.
-
[178]
Lettre de Mgr Amann au cardinal Tisserant, 19 janvier 1942. Il ne restera du Saulchoir, dans l’article publié, que « Saint Thomas exégète » du père Spicq (tome 15/1, colonnes 694-738), l’essentiel étant confié à cinq professeurs de l’Angelicum (Walz, Gagnebet, Garrigou-Lagrange, Gillon et Geenen, colonnes 618-761).
-
[179]
Antonin Motte, prieur du Saulchoir dont il connaît donc bien les problèmes, a été élu provincial de France au chapitre d’octobre 1938, en remplacement du père Padé, décédé.
-
[180]
Interprétation abusive de la note bibliographique de Boyer, lettre à Chenu du 27 janvier.
-
[181]
Le père Congar a recensé le livre de Charlier dans le Bulletin thomiste, pas dans la Revue des sciences philosophiques et théologiques ; la généalogie intellectuelle de l’affaire fournie par Boyer est fausse : Chenu ne se reconnaît comme maîtres qu’Ambroise Gardeil et Pierre Mandonnet.
-
[182]
La Croix, 26 février 1942, page 37.
-
[183]
Mgr Pietro Parente, « Nuove tendenze teologiche », Periodica de re morali canonica liturgica (1942), p. 184-188.
-
[184]
« Accusations d’après Mgr. Parente, qualificateur (sic) du St. Office », deux pages manuscrites, avec quelques annotations de Chenu.
-
[185]
Le cardinal Baudrillart en profite pour relever, non sans malice, que l’affaire va le gêner « dans sa carrière académique » (on prête à Gillet l’intention d’être candidat à l’Académie française), Les Carnets du cardinal Baudrillart, 20 mai 1941-14 avril 1942 (texte présenté, établi et annoté par Paul Christophe), Paris, Éd. du Cerf, 1999, p. 371.
-
[186]
Lettres des 5 et 20 mars, APDF
-
[187]
Lettre reçue le 30 mars, dont l’enveloppe porte « verificato per censura » et « geöffnet OKW ».
-
[188]
Ainsi, d’après le père Gagnebet, « le coup vient du dehors de l’Ordre », lettre du père Labourdette au père Nicolas, 27 février 1942, APDT. Le père Garrigou n’a rejoint Rome qu’en décembre 1941, quelques semaines avant la sanction (lettre de Bernard de Chivré, de la maison de dominicaines de Sail-les-Bains, dans la Loire, où Garrigou était réfugié, 27 décembre 1941, AGOP XIII 30010).
-
[189]
Comme le prouve le brouillon au crayon de sa réponse du 7 avril, malheureusement peu lisible.
-
[190]
L’intéressé dira pourtant ensuite, par deux fois, qu’il a appris sa mise à l’Index par la radio : Un théologien en liberté, Jacques Duquesne interroge le père Chenu, op. cit., p. 121 ; L’Hommage différé au père Chenu, op. cit., p. 266.
-
[191]
Que l’on retrouve dans la Chronique du Saulchoir en date du 25 février : le style de Chenu est « déconcertant pour des théologiens habitués au genre littéraire de l’École, surtout s’ils étaient de langue étrangère ».
-
[192]
Lettre à Gillet, copie, APDF.
-
[193]
« Plus ce sera clair et simple, mieux ce sera. Vous êtes parfois subtil et un peu obscur et dans ce cas c’est exploité contre vous », lettre du 13 mars. Ce mémoire ne semble pas avoir été rédigé. Le dossier de huit documents depuis janvier 1939, constitué par Chenu et daté à la main « mars 1942 », en tient-il lieu ?
-
[194]
A. Duval, « Présentation biographique de M.-D. Chenu par ses œuvres essentielles », Marie-Dominique Chenu : Moyen Âge et modernité, op. cit., p. 17.
-
[195]
Chronique du Saulchoir.
-
[196]
P. Henri-Charles Desroches, « Avec Chenu, mémorial d’un magistère », Foi et développement (avril-juin 1990), p. 4 ; version voisine dans Mémoires d’un faiseur de livres, Paris, Lieu commun, 1992, p. 94.
-
[197]
« Vos deux lettres me sont, en ces mauvais jours, une vraie force ; la confiance de votre amitié m’aide à garder la paix et la liberté d’esprit, sans amertume, dans le regret de mes maladresses qui ont desservi une grande cause », 7 mars (F. A. Murphy, « Correspondance entre É. Gilson et M.-D. Chenu : un choix de lettres, 1923-1969 », Rev. thom. 105 [2005], p. 50 et 53).
-
[198]
Lettre manuscrite seulement datée « Vendredi », qui commence par « Mon pauvre et cher grand ».
-
[199]
P. 148 ; un brouillon au crayon en subsiste dans les papiers Chenu.
-
[200]
Citations extraites de la lettre de Chenu au lazariste Bayol, retrouvée en 1976, papiers Chenu.
-
[201]
Citation du dossier documentaire de mars 1942, qui comporte une « note sur les relations Charlier-Chenu » ; lettres à Gilson du 21 février 1942 ou au franciscain Stéphane Piat du 4 avril. Le père Gillet reprendra ce leitmotiv pour Congar, lettre du 14 janvier 1946, papiers Congar, APDF.
-
[202]
R. Guelluy, art. cit., p. 497.
-
[203]
Lettre citée au franciscain Stéphane Piat.
-
[204]
Enveloppe contenant un mot de Congar à Duval, un autre de Duval à Chenu, la réponse de Chenu et la photocopie du document, APDF, décembre 1977 probablement.
-
[205]
Lettre aux pères Avril et Féret du 8 octobre 1942 ; ou encore ses lettres à Féret des 14 décembre 1942 et 1er avril 1943.
-
[206]
Qui transmet le soutien du père Dominique Dubarle, prisonnier jusqu’en octobre 1942, lettre du 11 juin.
-
[207]
Carte interzone du père Louvel, 27 [ ?] février.
-
[208]
Carte interzone, 23 mars (cachet de la Poste).
-
[209]
S. d.
-
[210]
Carte interzone du 27 février 1942 et lettre du 3 mars 1943.
-
[211]
Lettre du 27 février, confirmée par celle du 12 mars, APDT.
-
[212]
Lettre de Labourdette à Nicolas, 14 avril 1942, ibid.
-
[213]
Les Carnets du cardinal Baudrillart, 20 mai 1941-14 avril 1942, op. cit., p. 369-371.
-
[214]
Lettre du 5 mars 1942.
-
[215]
Lettre du cardinal Marchetti-Selvaggiani du 23 février, Archives historiques de l’archevêché de Paris, 2 A II 3.
-
[216]
Lettre du 12 mars.
-
[217]
Lettre de Chenu à Étienne Gilson du 7 mars.
-
[218]
Selon le père Prétaudoux, lettre de Labourdette à Nicolas du 12 mars, APDT.
-
[219]
Lettre du 1er mars.
-
[220]
Lettre publiée dans le Bulletin de littérature ecclésiastique (janvier-juin 1998), p. 126.
-
[221]
Un théologien en liberté, op. cit., p. 121 ; formulation voisine dans l’Hommage différé, op. cit., p. 267.
-
[222]
Brouillon dans les papiers Chenu.
-
[223]
Lettre citée par Thomas Deman à Chenu, 9 février 1943 ; rien non plus sur cet épisode dans le journal du cardinal.
-
[224]
Lettre à son élève le servite Vincenzo Buffon, 27 mai 1942 (traduite par la censure italienne et retrouvée par Andrea Riccardi qui la cite dans Roma, “città sacra” ?, Milan, Vita e pensiero, 1979, p. 235).
-
[225]
Lettre du 5 mars au père de Lubac, Bulletin des amis du cardinal Daniélou 2 (juin 1976), p. 64 ; et Revue du Moyen Âge latin 1 (1945), p. 65.
-
[226]
Lettres du 26 février et du 3 mars.
-
[227]
« Dites-lui bien que je lui garde toute ma confiance, que je compte toujours autant sur lui pour nous aider », écrit-il au père Épagneul, fondateur des Frères missionnaires des campagnes, le 17 avril (lettre recopiée par Chenu). Dans sa lettre de soutien du 5 mars, il envoyait à Chenu la plaquette de présentation de la Mission de France.
-
[228]
Lucien Laberthonnière, Études de philosophie cartésienne et premiers écrits philosophiques, Paris, Vrin, 1937. Cartes interzones des 8 et 29 avril.
-
[229]
Brouillon au crayon non daté.
-
[230]
Envois des 15 mars et 3 juin.
-
[231]
Correspondance Jacques Maritain-Yves Simon, t. 2, Les années américaines (1941-1961), édition établie et annotée par F. Michel, Tours, CLD éditions, 2012, p. 100-101 (lettres des 27 et 29 mai 1942) ; et lettre à l’abbé Charles Journet du 25 juillet. Pastor angelicus est le titre de Pie XII dans la prophétie attribuée à saint Malachie, apparue fin xvie siècle.
-
[232]
Lettre du 28 février 1942, Rev. thom. 105 (2005), p. 52-53.
-
[233]
Ibid., 8 juin, p. 56-57.
-
[234]
R. Guelluy, « Les antécédents de l’encyclique “Humani generis” », art. cit., p. 487.
-
[235]
Lettre au père Nicolas, 27 février, APDT.
-
[236]
Selon l’écho tardif recueilli le 16 septembre 1945 par le père Congar, note dactylographiée, papiers Congar.
-
[237]
Lettre annonçant la visite canonique, copie faite à l’Angelicum sur les manuscrits du père Garrigou, par le père Paul Coutagne, de la Province de Lyon, 7 p. dactyl., APDF.
-
[238]
R. Guelluy, « Les antécédents de l’encyclique “Humani generis” », art. cit., p. 472-478.
-
[239]
Dates données par le père Motte lors de sa venue au Saulchoir le 11 (Chronique).
-
[240]
Marie-Dominique Philippe, Les Trois sagesses, Paris, Fayard, 1995, p. 220-221.
-
[241]
« Permission refusée au Père Garrigou. Que faire ? Nomination du Père Thomas Philippe, recteur et visiteur. Ancien professeur de l’Angelicum, très sûr et saint religieux. Son seul défaut est d’être encore jeune », journal en date du 12 avril 1942, cité par Dominique Avon, Les Frères prêcheurs en Orient. Les dominicains du Caire (années 1920-années 1960), Paris, Éd. du Cerf, 2005, p. 347.
-
[242]
Chronique du Saulchoir en date du 5 mai.
-
[243]
Outre Marie-Dominique, Pierre et Réginald Philippe (mort de maladie en 1940).
-
[244]
Brouillon de lettre du 2 janvier 1943.
-
[245]
M.-D. Philippe, Les Trois sagesses, op. cit., p. 221.
-
[246]
H.-C. Desroches, « Avec Chenu mémorial d’un magistère », art. cit., p. 4.
-
[247]
Lettre citée des 6-8 mai 1942.
-
[248]
7 selon sa lettre non datée à Gillet, AGOP XIII 30200/2 dossier 12 ; 8 selon la Chronique du Saulchoir.
-
[249]
Lettre au père Gillet, s. d. (14 mai sur le document), AGOP XIII 30200/2 dossier 12.
-
[250]
Correspondance avec le père Motte du 15 mai au 12 juin, APDF.
-
[251]
Louis-Marie Dewailly, « Notes prises au jour le jour, au cours des réunions successives des lecteurs et du collège », APDF.
-
[252]
Même source ; suggestion reprise par Motte auprès du père Héris, 16 juin, Papiers Chenu.
-
[253]
Notes du père Duval sur ces cours, 5 p. et 2 p. dactylographiées.
-
[254]
Lettre au père Duval, 11 juillet.
-
[255]
Lettre du père Motte au père Louis, 27 juin, APDF, copie.
-
[256]
Brouillon de lettre à Mgr Beaussart, 27 octobre.
-
[257]
Lettre au père Louis, APDF, copie. Spiritualité de la famille est le 8e volume, paru en 1942, de la collection « Rencontres », fondée aux Éditions du Cerf par le père Maydieu l’année précédente.
-
[258]
Lettre du 22 août 1942, APDT.
-
[259]
Selon la Chronique du Saulchoir.
-
[260]
« Pas davantage il ne lut les derniers fascicules » de la revue, affirme Chenu dans la note qu’il insère dans la deuxième édition de La Théologie comme science au xiiie siècle.
-
[261]
Lettre au père Motte, 2 mai 1943.
-
[262]
Lettre au père Gillet, 13 février, AGOP XIII 30200/2 dossier 12.
-
[263]
Né en 1898, Michel (Louis-Bertrand en religion) Guérard des Lauriers entre à l’École normale supérieure en 1921 ; il obtient l’agrégation de mathématiques en 1924 et un doctorat ès sciences en 1941 ; dominicain de la Province de France depuis 1926, il enseigne au Saulchoir l’épistémologie et la philosophie des sciences.
-
[264]
Brouillon dans les papiers Chenu.
-
[265]
Lettre à Chenu du 4 février.
-
[266]
Lettre datée à tort du 5 février 1943, ce qui a induit en erreur Dominique Avon, Les Frères prêcheurs en Orient, op. cit., p. 347.
-
[267]
Lettre au père Gillet, AGOP XIII 30200/2 dossier 12.
-
[268]
Lettre de celui-ci à Chenu du 15 février.
-
[269]
Lettre au comité de rédaction du 11 février, copie.
-
[270]
Longue lettre à Chenu du 17 février.
-
[271]
Copie aux Archives historiques de l’archevêché de Paris, 2 A II/3.
-
[272]
Une première lettre de Gillet à Motte du 10 décembre 1942, n’arrive à Paris que le 4 avril 1943. « Pour la quatrième fois j’envoie les conclusions de la visite », écrit Gillet le 7 mars, lettre reçue le 24 avril d’après la réponse du provincial le 26, APDF.
-
[273]
Lettre du 30 mars, AGOP XIII 30200/2 dossier 12.
-
[274]
Note du 26 mars. « Le T.R.P. Philippe nous annonce que la Visite [...] n’est pas terminée, les pièces officielles n’étant pas encore arrivées. Le Père visiteur nous lit un passage d’une lettre du Rme Père Général, faisant connaître les principales décisions du Saint-Office », indique pour sa part la Chronique du couvent à la même date.
-
[275]
Lettre au père Motte, arrivée le 6 mai, APDF.
-
[276]
Lettre de Motte à Gillet, 11 juin, APDF, copie.
-
[277]
Lettre datée par erreur 7 octobre 1943, reçue le 24 avril.
-
[278]
Les premiers accusés de réception romains et français du dossier conservé par Gillet sont des 13 mars et 2 avril, AGOP V 306.
-
[279]
Page 6 ; formulation très voisine dans le corps du texte, p. 47-48.
-
[280]
Ibid., p. 28.
-
[281]
Ibid., p. 32-33.
-
[282]
Ibid., p. 52-53.
-
[283]
Ibid., p. 58.
-
[284]
Ibid., p. 65.
-
[285]
Ibid., p. 76.
-
[286]
Ibid., p. 85-86.
-
[287]
Ibid., p. 96-97.
-
[288]
Lettre du 9 mai 1943, AGOP V 306.
-
[289]
Lettre du 2 avril, même source.
-
[290]
Lettre du 29 avril, même source.
-
[291]
« Je suis très heureux que l’on pense envoyer le P. Paul », écrit ainsi Thomas Philippe à Garrigou-Lagrange le 6 mai, lettre citée.
-
[292]
Note citée du père Dewailly.
-
[293]
Comme le lui écrit le père Faidherbe, carte du 22 avril 1942 ; « le P. Provincial m’envoie mon assignation », lettre au père Duval du 14 août ; lecture de son assignation le 12 septembre au Saulchoir d’après la Chronique.
-
[294]
Il s’agit là d’un point aveugle de la riche historiographie du théologien : issu d’un milieu républicain, hostile à l’Action française, il est si peu favorable au changement de régime de 1940 que le père Gillet, acquis à Pétain, demande au père Motte le 4 octobre 1940, de lui conseiller de mesurer ses critiques. « Je revendique d’autant plus ma liberté que je suis scandalisé […] de voir que, pour beaucoup d’hommes réputés fermes, la force et son triomphe est devenue un “argument” qui leur fait considérer comme vrai aujourd’hui ce qu’ils clamaient faux hier, et bon ce qu’ils disaient mauvais. Si la force devait l’emporter définitivement, je sais que beaucoup de clercs courraient derrière le nouveau char ; pour moi, j’aurais assez de force pour imiter Lacordaire en face des théologiens de la Sainte Alliance », répond Chenu au provincial le 5 novembre. Il est donc bien d’esprit résistant comme le montre trois ans plus tard sa réserve à l’encontre du Service du travail obligatoire : « J’ai hésité, les conseils du Père Chenu ont été catégoriques et je suis resté, le P. Provincial ne me donnant pas d’ordre formel », écrit le 18 décembre 1943 à son confrère Anawati le père Jomier, sollicité pour accompagner les partants comme aumônier volontaire (D. Avon, Les Frères prêcheurs en Orient, op. cit., p. 440). Le choc psychologique de la sanction romaine n’explique-t-il pas pour partie que cet esprit résistant ne se soit pas transformé en Résistance active ? Aucun des ouvrages sur la Résistance spirituelle ne mentionne le théologien dominicain.
-
[295]
Henry Donneaud, « Histoire d’une histoire. M.-D. Chenu et “la théologie comme science au xiiie siècle” », Mémoire dominicaine 4 (printemps 1984), p. 139-175 (citation, p. 145).
-
[296]
Ibid., p. 159.
-
[297]
Ibid., p. 170.
-
[298]
Le père Chenu aurait donc tort d’affirmer que « le visiteur avait gardé le manuscrit dans son tiroir sans le lire », note personnelle insérée dans certains volumes.
-
[299]
Lettre de Thomas Philippe à Chenu du 24 janvier 1943 qui propose la retouche de quelques expressions « qui risqueraient de rappeler l’opuscule, le Saulchoir une “école de théologie” et votre article de la R.S.P.T. en mai 1935 ».
-
[300]
La Théologie comme science au xiiie siècle, Paris, 1943, consulté dans l’exemplaire du père André Duval.
-
[301]
Lettre citée des 6-8 mai.
-
[302]
Point final : « Aux armées, 18 janvier 1940 » ; imprimatur de Paris le 22 août, après accord de Chenu et de Motte.
-
[303]
Congar lui en envoie deux exemplaires en 1945 à son retour d’Allemagne (lettre du 11 juillet, AGOP XIII 30200/2 dossier 12).
-
[304]
Lettre à Gillet datée du 7 mai, mais sans doute du 7 juin, puisque la lettre de Gillet lui est parvenue le 1er juin, APDF, copie.
-
[305]
Lettres conservées dans les papiers Tisserant, détenus par l’association Les Amis du Cardinal Tisserant, 66150 Montferrer.
-
[306]
Note personnelle insérée dans certains volumes de La Théologie comme science au xiiie siècle.
-
[307]
Le livre paraîtra en 1943 chez Corréa, sous le titre L’Apocalypse de saint Jean. Vision chrétienne de l’histoire ; et il suscitera une vive discussion.
-
[308]
Lettres au père Chenu du 8 novembre 1943 (Deman) et s. d. (Spicq).
-
[309]
Lettre à Gillet du 10 novembre 1943, AGOP XIII 30200/2 dossier 12.
-
[310]
L’épisode est documenté par une note du père André Duval, alors archiviste de la Province de France, rédigée à notre demande (É. F.).
-
[311]
Brouillon de lettre du 27 octobre 1942.
-
[312]
Lettre du 5 avril 1943, APDF, copie.
-
[313]
É. Fouilloux, « la collection “Rencontres” (1941-1944) », Jean-Augustin Maydieu, Mémoire dominicaine, numéro spécial 2, 1998, p. 73-93.
-
[314]
Brouillon de lettre à Mgr Beaussart du 27 octobre 1942.
-
[315]
Lettre du 20 avril 1943.
-
[316]
Lettre citée au père Chenu, s. d.
-
[317]
Rome envoie une patente de lecteur pour Dorange (remerciement de Philippe à Gillet du 18 mai).
-
[318]
Lettre de Philippe à Gillet confirmée, entre autres par une lettre de Boisselot au père Tunmer du 19 mai 1957.
-
[319]
Lettre au père Louis, APDF, copie.
-
[320]
Il s’agit du médiéviste Edmond Faral, du slavisant André Mazon et de l’archéologue et historien de la Grèce ancienne Charles Picard.
-
[321]
Brouillon non daté de lecture difficile.
-
[322]
Lettre de Chenu à Héris du 12 mai, sur la lettre reçue de Motte du 10.
-
[323]
Lettres du 11 mai (Héris) et du 12 mai (Deman).
-
[324]
« Votre intervention ne peut donc que créer une équivoque de plus, dans une affaire qui en comporte déjà tant. Ne prenez pas cette responsabilité », lui écrit-il le 12 mai, avant de le rencontrer (lettre communiquée à Thomas Philippe et à Héris).
-
[325]
Copie de la lettre d’Allo au maître général, s. d. ; lettre de Guérard des Lauriers au père Chenu du 14 mai ; et remerciement de Chenu à Allo du 13 juillet.
-
[326]
Note du père Dewailly, APDF ; voir aussi le compte rendu de Héris à Chenu du 9 juin.
-
[327]
Lettre au père Gillet du 31 juillet, copie.
-
[328]
Lettre de remerciement pour services rendus du 18 juillet, copie.
-
[329]
Pages 249-266 et 267-326.
-
[330]
Lettre à Chenu.
-
[331]
R. Guelluy, art. cit., p. 478.
-
[332]
Opinion confirmée par sa lettre du 13 avril.
-
[333]
Carte du 24 janvier 1938.
-
[334]
Lettre citée du 7 mars.
-
[335]
Lettre à Gillet du 26 avril 1943, APDF, copie.
-
[336]
AGOP XIII 30200/2 dossier 12.