Couverture de RSPT_902

Article de revue

Le syncrétisme et les syncrétismes

Périls imaginaires, faits d'histoire, problèmes en cours

Pages 273 à 295

Notes

  • [1]
    P. Gisel, « Syncrétisme », dans P. Gisel (dir.), Encyclopédie du protestantisme, Paris, 1995.
  • [2]
    H. Waldenfels, « Inkulturation », dans F. König, H. Waldenfels (éd.), Lexikon der Religionen, Freiburg, 1987, p. 307-309; Y. Labbé, « Inculturation », Revue des Sciences Religieuses, 80/2, 2006, p. 205-215.
  • [3]
    Nous avons dû renoncer à présenter ici en détail les emplois du terme syncrétisme chez les philosophes ou les psychologues.
  • [4]
    J. Moffatt, « Syncrétism », Encyclopaedia of Religions and Ethics, t. 12, 1921, p. 155-157; J. Ries, « Syncrétisme (Essai d’approche méthodologique) », dans P. Pou-pard (dir.), Dictionnaire des religions (= DR), 2e éd., Paris, 1993; A. Couture, « La Tradition et la rencontre de l’autre », dans Fr. Lenoir, Y. Tardan-Masquelier, Encyclopédie des religions, t. 2, Paris, 1997, p. 1361-1388, sp. p. 1379-1381 : « le syncrétisme, un concept ambivalent ».
  • [5]
    Plutarque, De amore fraterno, chap. 19; Œuvres complètes, t. 7, texte établi et traduit par J. Dumontier, Paris, 1975, p. 168-169; voir aussi Moralia, 490, ab (éd. Bernardakis, Leipzig, t. 3, 1891, p. 271). Ces « Œuvres morales » recouvrent des traités de morale, de religion, de politique, de pédagogie, d’histoire et de littérature et prennent souvent la forme du dialogue platonicien.
  • [6]
    Les Adages d’Érasme sont un recueil de maximes tirées de la Bible et des auteurs anciens grecs et latins. « De la première édition (1500) à la dernière du vivant de son auteur (1536), le nombre des maximes passa de 800 à 4151, rassemblées en “chiliades”et en “centuries”. C’est l’un des plus grands succès de librairie du xvie siècle (plus de cent éditions). » (J. Demougin, dir., « Adages », Dictionnaire des littératures françaises et étrangères, Paris, 1994, p. 14).
  • [7]
    Érasme, Adagia, Hanovre, 1617, p. 45.
  • [8]
    Corpus Reformatorum, t. 1, col. 78 (= P. S. Allen, Opus epistolarum Desiderii Erasmi Roterodami, t. III, p. 539, n° 747, l. 18-20, Oxford, 1913).
  • [9]
    S. Wikander, « Les “–ismes” dans la terminologie historico-religieuse », Les Syncrétismes, op. cit. (n. 34), p. 12.
  • [10]
    Documents présentés (avec leurs références) par Chr. Markschies, « Synkre-tismus. V/ Kirchengeschichtlich », Theologische Realenzylopedie (= TRE), t. 32, 2001, p. 538-552 (544).
  • [11]
    H. Schüssler, « Calixt(us) », dans Neue Deutsche Biographie, Berlin, t. 3, 1971; J. Wallmann, « Calixt, Georg », dans TRE, t. 7, 1981; Religion in Geschichte und Gegenwart (=RGG), 4e éd., t. 2, 1999, col. 12-13. Parmi ses débatteurs, le jésuite Vitus Erbermann (1597-1675); voir sa notice dans Dictionnaire de Théologie Catholique, V/1, 1939, col. 399-400; Neue Deutsche Biographie, t. 4, p. 565.
  • [12]
    » Une tendance syncrétiste se manifeste chez Leibniz, par exemple dans son Discours de la conformité de la foi avec la raison. En sa Critique de la raison pratique, Kant qualifie de syncrétique un système de morale composite issu de principes contradictoires (E. Kant, Critique de la raison pratique, Paris, PUF, 1966, p. 23). » (R. Texier, « Syncrétisme », dans S. Auroux (dir.), Les Notions philosophiques. Dictionnaire, Paris, 1990).
  • [13]
    TRE, t. 32, p. 545.
  • [14]
    J. K. Dannhauer, Mysterium syncretismi detecti, proscripti et symphonismo compensati, Strasbourg, 1647. Voir E. et E. Haag, dir., La France protestante, ou Vie des protestants français qui se sont fait un nom dans l’histoire…, Paris, t. 4, 1853, p. 158, titre XVIII; J. Wallmann, « Dannhauer, Johann Konrad », RGG, 4e éd., t. 2, 1999, col. 563-564; TRE, t. 25, p. 471.
  • [15]
    M. Tardieu, Leçon inaugurale à la chaire d’histoire des syncrétismes de la fin de l’Antiquité, Paris, 1991, p. 14-15.
  • [16]
    Il est d’ailleurs curieux d’observer que c’est le principal sens retenu par O. De la Brosse, A.-M. Henry, Ph. Rouillard (dir.), Dictionnaire des mots de la foi chrétienne, 1968, 2e éd. 1989 : « Syncrétisme. Système philosophique ou religieux qui tend à fondre plusieurs doctrines différentes. En particulier, dans la recherche de l’unité entre les chrétiens séparés, tendance à rechercher l’union ou l’unité en fondant et en assimilant les différentes dogmatiques. »
  • [17]
    Le Littré, à ce mot, indique comme synonyme : médiateur. Le terme « moyen-neurs », à cette époque, désignait ceux qui refusaient d’avoir à choisir entre se déclarer catholique ou se déclarer réformé, et s’efforçaient de « moyenner », c’est-à-dire de trouver une juste position entre les deux partis, non sans l’espoir de les réconcilier et d’être ainsi des médiateurs. Voir Th. Wanegfellen, Ni Rome ni Genève. Une histoire du choix religieux en France, vers 1520-vers 1590, Paris, 1994.
  • [18]
    M. Tardieu, op. cit., p. 15. C’est cette seconde étymologie, dévalorisante, qui est retenue par certains dictionnaires, de nos jours encore, tels le Dictionnaire philosophique de Lalande et celui de Foulquié. S. Wikander, op. cit., p. 12-13, la déclare fausse et fait observer que les Grecs n’ont pas ressenti le besoin d’un terme signifiant « syncrétisme religieux »; il rappelle que le mot theokrasia ne veut pas dire mélange de dieux mais union mystique avec la divinité (hénosis).
  • [19]
    A. Couture, « Le recours à la notion de syncrétisme chez Renan », dans M. Despland, « La Tradition française en sciences religieuses. Pages d’histoire », Cahiers de recherche en sciences de la religion, Laval, t. 10, 1991 : « Le syncrétiste était entre les philosophes ce que serait entre les hommes qui disputent un arbitre captieux qui les tromperait et qui établirait entre eux une fausse paix » (Diderot, Opinions des anciens philosophes, cité par le Littré).
  • [20]
    Voltaire, Dictionnaire philosophique; P.-É. Littré, Dictionnaire de la langue française, t. 6, 1994, cite un autre texte de Voltaire, tiré de ses Dialogues, 31 : « Je crois même que notre union secrète [un prêtre catholique et un pasteur protestant] produira un très-bon effet : ce pieux syncrétisme ne sera pas soupçonné du public, qui, voyant les deux partis acharnés contre ces gens-là [les encyclopédistes] ne manquera pas de les croire très criminels. »
  • [21]
    M. Meslin, L’Expérience humaine du divin. Fondements d’une anthropologie religieuse, Paris, 1988, p. 245.
  • [22]
    A. Couture, art. cité, p. 57-84; M. Tardieu, op. cit., p. 16.
  • [23]
    Selon M. Meslin, op. cit., p. 245-246, « le terme passe […], pour la première fois, en 1868, dans le vocabulaire de l’histoire des religions avec Félix Robiou puis, quelques années plus tard, est développé par Jean Reville. »
  • [24]
    H. Hannoun, « Syncrétisme (psycho.) », dans S. Auroux (dir.), Les Notions philosophiques, Dictionnaire, II, Paris, 1990, p. 2524.
  • [25]
    A. Renan, Avenir de la science, XVI, cité par P. Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, 1970 : « De même que le fait le plus simple de la connaissance humaine s’appliquant à un objet complexe se compose de trois actes : 1) vue générale et confuse du tout; 2) vue distincte et analytique des parties; 3) recomposition synthétique du tout avec la connaissance que l’on a des parties; de même l’esprit humain, dans sa marche, traverse trois états qu’on peut désigner sous les trois noms de syncrétisme, d’analyse, de synthèse, et qui correspondent à ces trois phases de la connaissance. »
  • [26]
    A. Couture, art. cité, p. 1380. L’A. poursuit : « C’est probablement sous l’influence de Renan que le célèbre orientaliste Eugène Burnouf utilisa ce mot de syncrétisme pour qualifier les Tantra bouddhiques, mélanges d’éléments les plus divers, fruit, disait-il, de l’alliance monstrueuse du bouddhisme avec le culte impur du shivaïsme. » Burnouf (1801-1852), professeur de sanscrit au Collège de France à partir de 1832, est pourtant de plus de vingt ans l’aîné de Renan.
  • [27]
    H. Usener, Göttername, 1896, mentionné par J. Ries, art. cité (n. 4).
  • [28]
    M. Tardieu, art. cité, p. 17; Id., Annuaire du Collège de France, 1990-1991. Résumé des cours et travaux, p. 493-496.
  • [29]
    Le mot amalgame retenu par P. Gisel dans la définition placée en tête de cet article est lui aussi un mot renvoyant à la chimie, et même à l’alchimie (Petit Robert, « amalgame : du latin des alchimistes amalgama, d’un mot arabe probablement altéré du grec malagma, action de pétrir. Chimie : alliage du mercure avec un autre métal. Amalgame d’étain, d’argent, etc. Fig. Mélange bizarre de personnes ou de choses, de natures, d’espèces différentes. »
  • [30]
    R. Pettazzoni, « Syncrétisme et conversion », Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuse, 126, 1934/2, p. 126 : « Il y a dans l’antiquité une époque qu’on peut appeler l’époque classique du syncrétisme religieux : elle comprend les derniers siècles avant et les premiers siècles après [le début] de l’ère chrétienne »; Fr. G. Grant, Hellenistic Religions. The Syncretistic Age, New York, 1953.
  • [31]
    Fr. Colin, « Syncrétisme », dans J. Leclant (dir.), Dictionnaire de l’Antiquité, Paris, 2005, p. 2071. Après avoir rendu compte des typologies proposées lors des différents colloques tenus sur ce thème, l’auteur suggère de substituer désormais au terme de syncrétisme « la notion générale d’interaction culturelle (de préférence aux concepts d’acculturation, de contre-acculturation, etc., également diversement connotés) ».
  • [32]
    J. Ries, « Cumont Franz », DR.
  • [33]
    A. Motte, V. Pirenne, « Du “bon usage” de la notion de syncrétisme », Kernos, 7, 1994, p. 11-27 (16-17).
  • [34]
    A. Motte, « La notion de syncrétisme dans l’œuvre de Franz Cumont », dans C. Bonnet, A. Motte (éd.), Les Syncrétismes religieux dans le monde méditerranéen antique, Bruxelles/Rome, 1999, p. 21-42 (38 et 40).
  • [35]
    Mot formé sur le grec sunoikismos (sun-oikia, littéralement : cohabitation), parfois orthographié synœcisme, désignant soit le rassemblement de plusieurs cités en une seule, à l’instar de l’unification des dèmes de l’Attique prêtée à Thésée pour former la cité d’Athènes, soit la fondation d’une nouvelle cité par une autre (Marseille par Phocée), les liens politiques et religieux entre les deux cités étant très étroits.
  • [36]
    R. Pettazzoni, art. cité (n. 30), p. 127.
  • [37]
    « Si […] nous voulons obtenir une vue exacte de ce qu’on appelle les “grandes religions” […], il est nécessaire de les considérer non seulement à l’état statique mais aussi dans la marche de leur dynamisme. Une religion historique est une figure, un organisme. Mais les traits n’en sont pas fixes, pétrifiés. Ils sont continuellement en mouvement […] “Toute religion a sa préhistoire; en quelque mesure, toute religion est un syncrétisme. Puis vient le temps où, au lieu de rester une somme, elle devient un tout, et obéit à sa propre loi” (J. Wach, cité par G. Van der Leeuw, La Religion dans son essence et dans ses manifestations. Phénoménologie de la religion, Tübingen, 1933; tr. fr. 1948, rééd. 1970, § 94, « Dynamique des religions. Syncrétisme. Mission », p. 589-597 (589).
  • [38]
    Voir « déplacement », dans J. Laplanche, J.-B. Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, sous la dir. de D. Lagache, Paris, 1973.
  • [39]
    G. Van der Leeuw, op. cit., § 94, p. 593.
  • [40]
    G. Van der Leeuw, op. cit., § 94, p. 594.
  • [41]
    M. Tardieu, dans Annuaire du Collège de France, 1990-1991, p. 494.
  • [42]
    M. M. Thomas, « Syncretism », dans N. Lossky et al. (éd.), Dictionary of Ecumenical Movement, Grand Rapids, 1991, p. 964-966.
  • [43]
    H. Kraemer, De Wortelen van het Synkretisme, ‘s-Gravenhage, 1937; The Christian Message in an Non-Christian World, Londres, 1938; « Syncretism as a Religious and a Missionary Problem », International Review of Missions, 43, juillet 1954, p. 253-273; « Synkretismus, II/ Im Wirkungsbereich der Mission », RGG, 3e éd., t. 6, 1962; Ét. Cornélis, Valeurs chrétiennes des religions non chrétiennes, 1965; A. Pieris, « Le Christ a-t-il une place en Asie? Vue panoramique », Concilium 246, 1993, p. 49-66 (l’auteur, un théologien shri-lankais né en 1934, compare les religions métacosmiques [les grandes religions universelles] à des hélicoptères auxquels les religions cosmiques [autochtones] serviraient de terrain d’atterrissage).
  • [44]
    Parmi les plus récents, signalons : J. Gort, H. Vroom, R. Fernhout, A. Wes-sels (éd.), Dialogue and Syncretism. An Interdisciplinary Approach [Actes d’un colloque int. tenu en mai 1988 à Amsterdam], Grand Rapids (Mich.)/Amsterdam, 1989; A. Motte, V. Pirenne-Delforge (éd.), Influences, emprunts, et syncrétismes religieux en Grèce ancienne. Actes du colloque de Bruxelles, 1993, publiés dans Kernos, 7, 1994, p. 11-217; K. Kehl-Bordogi, B. Kellner-Heinkele, A. Otter-Beaujan (éd.), Syncretistic Religious Communities in the Near East. Collected Papers of the International Symposium « Alevism in Turkey and Camparable Syncretistic Religious Communities in the Near East in the Past and Present » (Berlin, 14-17 avril 1995), Leiden/New York/Köln, 1997; C. Bonnet, A. Motte (éd.), Les Syncrétismes dans le monde méditerranéen antique. Actes du colloque international en l’honneur de Franz Cumont (Academia Belgica, 1997), Bruxelles/Rome, 1999.
  • [45]
    Les Syncrétismes dans les religions grecques et romaines, Actes du colloque de Strasbourg (9-11 juin 1971), Paris, 1973 (préface de Marcel Simon, qui souligne la plurivocité du terme).
  • [46]
    M. Tardieu, Annuaire, art. cité, p. 495-496.
  • [47]
    P. Lévêque, ibid., p. 183-185 : 1) Le syncrétisme-emprunt (la greffe), qui ne modifie pas en profondeur la religion emprunteuse; 2) le syncrétisme-juxtaposition, qui se manifeste par des habillages et de simples équations (Zeus assimilé à Jupiter, Isis assimilée à Déméter, ou la Vierge Marie à Isis; Zeus doté de l’attribut d’Indra, l’éléphant, sur des monnaies de Bactriane); 3) le syncrétisme-infléchissement; 4/ le syncrétisme-amalgame (la crase), défini comme « un mélange de deux religions faisant apparaître un ensemble différent de ses deux parties constituantes; 5/ un syncrétisme hénothéiste, « qui tend à rapprocher toutes les divinités d’un même sexe de plusieurs religions, comme si le divin, sous ses différentes formes et ses différentes appellations, restait fondamentalement unique ». Dans le même volume, on trouve cette définition, donnée par E. Laroche, « Un syncrétisme gréco-anatolien : Sandas = Héraklès », p. 103 : « Par syncrétisme, nous entendons la fusion en un nouveau système complexe de deux panthéons primitivement hétérogènes […] Deux conditions paraissent favorables sinon nécessaires à l’achèvement d’un tel amalgame. D’abord une certaine symbiose des populations […] D’autre part, la réussite d’un syncrétisme païen ne s’explique guère par une aspiration spontanée des populations en présence vers l’unité des cultes. Elle dépend surtout de la volonté centralisatrice d’un clergé conscient, s’appuyant sur un pouvoir politique fort » (p. 104).
  • [48]
    A. Motte, V. Pirenne-Delforge, Influences…, op. cit., p. 12.
  • [49]
    A. Motte, V. Pirenne-Delforge, ibid., p. 20; cette recommandation fut cependant assortie de deux nuances (voir p. 18).
  • [50]
    A. Motte, V. Pirenne-Delforge, ibid., p. 17.
  • [51]
    M. Tardieu, Leçon inaugurale, art. cité, p. 5.
  • [52]
    La remarque en est faite, très justement, par Chr. Marschies, art. cité, p. 539 (l’exemple à la p. 543). Reste qu’un J. Le Goff n’hésite pas à parler de syncrétismes (au pluriel) à propos de certaines traditions folkloriques : J. Le Goff, Pour un autre Moyen Âge, Paris, 1978, p. 223-235 (« Culture cléricale et traditions folkloriques dans la civilisation mérovingienne »).
  • [53]
    M. Tardieu, Leçon inaugurale, art. cité, p. 17. Un peu plus loin, p. 22, l’A. fait observer que le fondement scripturaire du christianisme est « un syncrétisme, puisque s’y trouvaient juxtaposés [sic] des écrits non chrétiens (la Bible juive) et des écrits chrétiens (évangiles et lettres apostoliques)… »
  • [54]
    M. Tardieu, ibid., p. 23.
  • [55]
    M. Tardieu, ibid., p. 25.
  • [56]
    C. Colpe, « Syncretism », dans M. Eliade (dir.), The Encyclopedia of Religions, t. 14, 1987, p. 218-227 (225).
  • [57]
    M. Meslin, L’Expérience humaine du divin…, op. cit., p. 245, propose « d’en limiter l’emploi au sens précis d’un système combinant des éléments divers provenant de doctrines et de représentations religieuses différentes. Il s’agit d’un mélange unificateur ou, si l’on préfère, d’un véritable patchwork idéologique qui assemble des matérieux disparates en vue d’une nouvelle construction religieuse. » Dénonçant l’usage du terme pour désigner de vagues isomorphismes entre systèmes religieux, l’auteur conclut : « En définitive, l’emploi du concept moderne de syncrétisme ne trouve que très rarement dans les faits sa justification : il doit toujours être soigneusement fondé sur l’analyse de cas particuliers » (p. 247).
  • [58]
    Fr. Dunand, « Sincretismi e forme della vita religiosa », dans I Greci, 2, III, Turin, 1998, p. 335-378; « Syncrétisme ou coexistence : images du religieux dans l’Égypte tardive », dans Les Syncrétismes dans le monde méditerranéen antique, op. cit., p. 97-116 : l’A. plaide pour un usage restreint du terme et une conception précise : « processus en vertu duquel des parentés (d’images, de fonctions, de pouvoirs…) entre figures divines d’origines différentes sont ressenties et pensées comme suffisamment fortes pour que soit opérée une fusion de ces figures, ce processus pouvant éventuellement conduire à l’élaboration de figures nouvelles ».
  • [59]
    A. Mary, Le Défi du syncrétisme. Le travail symbolique de la religion d’Eboga (Gabon), Paris, 1999. L’auteur recommande de distinguer « entre les syncrétismes comme produits syncrétiques […] et le syncrétisme comme procès de syncrétisation ou “travail syncrétique”… » (p. 11).
  • [60]
    Le plus vigoureux plaidoyer dans ce sens aura été celui de D. Sabbatucci, « Syncrétisme », Encyclopaedia Universalis, 15, Paris, 1968, p. 655-656; 17, Paris, 1985, p. 538-540; XXI, 1990, p. 980-982. Cet auteur ne voit au mieux dans la notion de syncrétisme qu’une notion descriptive dénuée de valeur scientifique, une simple convention qui n’explique rien. « Le prétendu phénomène syncrétiste s’est révélé de plus en plus inconsistant à mesure que s’étendait le champ de la comparaison [en histoire des religions] ». La fin de son article suggère que le phénomène à étudier n’est pas le syncrétisme, mais l’antisyncrétisme, l’attitude des religions fondées sur le prosélytisme.
  • [61]
    M. Meslin dit préférer à « syncrétisme » le terme général de « réinterpréta-tion » : « un processus par lequel d’anciennes signi-fi-cations reli-gieuses sont attribuées à des éléments nouveaux et où de nouvelles valeurs changent la signification culturelle des formes religieuses anciennes » (M. Meslin, « Rencontre des religions et acculturation », dans P. Mac Cana, M. Meslin (éd.), Rencontres des religions, Paris, 1986, p. 23). Déjà G. Dévereux, Ethnopsychanalyse complémentariste, Paris, 1972, avait proposé de substituer au concept de syncrétisme celui d’« acculturation antagoniste ».
  • [62]
    F. Stolz, « Synkretismus. I/ Religionsgeschichtlich », TRE, t. 32, 2001, p. 527-530 (528), l. 25; « Austauschprozesse zwischen religiöse Gemeinschaften und Symbolsystemen », dans V. Drehsen, W. Sparn (éd.), Im Schmelztiegel der Religionen. Konturen des modernen Synkretismus, Gütersloh, 1996, p. 15-36.
  • [63]
    Je n’ai pas encore pu accéder à T. Sundermeier, « Synkretismus und Religionsgeschichte », dans H. P. Siller (éd.), Suchbewegungen. Sunkretismus — Kultuelle Identität und kirchliches Bekenntnis, Darmstadt, 1991, p. 95 s.
  • [64]
    A. Couture, art. cité, p. 1379.
  • [65]
    L. Debarge, « Syncrétisme », Catholicisme, 14, 1996, col. 669-680 (672), oppose les « religions syncrétiques », ouvertes aux compromis et aux mélanges, aux « religions de conversion » farouchement antisyncrétiques.
  • [66]
    R. Pettazzoni, art. cité, p. 126-127; J. H. Kamstra, Encounter or Syncretism : The Initial Growth of Japanese Buddhism, Leyde, 1967; Fr. Champion, « Religieux flottant, éclectisme et syncrétismes », dans J. Delumeau (dir.), Le Fait religieux, Paris, 1993, p. 742-772 : « Le syncrétisme est au cœur de la scène religieuse japonaise » (p. 765).
  • [67]
    « Il [le terme de syncrétisme] est surtout réservé à présent à la polémique théologique entretenue par ceux qui opposent un christianisme authentique et originel à un christianisme “syncrétiste” qui se serait constitué sous l’influence d’apports païens et qui, comme tel, se serait transmis jusqu’à l’époque présente. […] Un tel débat repose sur la croyance en une vérité méta-historique du christianisme, vérité qui aurait été contaminée par ses réalisations historiques; c’est précisément l’image hypothétique d’une telle contamination qu’on regarde comme étant le syncrétisme. Mais, pour la science qu’est l’histoire des religions, la notion de l’objectivité d’un prétendu phénomène syncrétiste est parfaitement dépassée. » (S. Sabbatucci, art. cité, p. 655).
  • [68]
    Pour R. Bultmann, le christianisme non démythologisé est un christianisme syncrétiste. Il s’agit donc de redécouvrir voire de restaurer un christianisme authentique, originel, par delà ses réalisations historiques contingentes. Sur la démythologisation comme exigence d’épuration, voir L. Debarge, op. cit., col. 672.
  • [69]
    J. Aagaard, « Synkretismus », dans H. Krüger, W. Löser, W. Müller-Römheld (hrsg.), Ökumene Lexikon. Kirchen, Religionen, Bewegungen, Frankfurt-am-Main, 1983.
  • [70]
    F. Stolz, TRE, p. 528, l. 48-49.
  • [71]
    W. A. Visser’t Hooft, No Other Name : The Choice Between Syncretism and Christian Universalism, Londres, 1963; tr. fr. L’Église face au syncrétisme, Genève, 1964 (suit pour une bonne part la ligne tracée par H. Kraemer, en distinguant le syncrétisme négatif et l’approche positive, qu’il nomme accomodation); G. Thils, Syncrétisme ou catholicité, Tournai, 1967.
  • [72]
    Au § 15 (Concile Œcuménique Vatican II. Constitutions, décrets, déclarations, textes latins et français, Paris, Éd. du Centurion,1967, p. 563) : « toute apparence de confusionisme dans l’action œcuménique sera évitée »), le mot n’est pas prononcé; ce sont les éditeurs qui, dans l’index final, sous le vocable syncrétisme, ont raproché ce passage du suivant (§ 22; ibid., p. 578).
  • [73]
    Le § 22 d’Ad Gentes contient en filigrane le modèle positif d’adaptation dont le syncrétisme est la caricature dans la mesure où il est une « fausse synthèse » tout aussi néfaste que le « faux particularisme ».
  • [74]
    Voir l’index du précieux recueil édité sous le patronage du Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux, Le Dialogue interreligieux dans l’enseignement officiel de l’Église catholique (1963-1997), Textes rassemblés par F. Gioia, s. l., Éditions de Solesmes, 1998.
  • [75]
    Paul VI, Discours prononcé au Secrétariat pour les non-chrétiens, Rome, 25 septembre 1968 (Gioia, n° 255) : il s’agit de « prévenir tout danger d’irénisme et de syncrétisme et écarter toute fausse idée d’égale valeur des diverses religions. »
  • [76]
    « Audience générale du 22 octobre 1986 » (Gioia, n° 531) — l’impossibilité de prier en commun à Assise est expliquée, la possibilité de le faire est repoussée, mais le mot syncrétisme n’est pas prononcé. D’où vient la consigne d’avoir à éviter « non seulement le syncrétisme, mais aussi toute apparence de syncrétisme, qui est totalement contraire au vrai œcuménisme », citée par Jean-Paul II en 1990 (Gioia, n° 679)? En revanche, dans son explication à la Curie romaine du 22 décembre de cette même année (Gioia, n° 570, p. 415), le mot s’y trouve : « sans aucune ombre de confusion ni de syncrétisme ».
  • [77]
    L’expression « danger de syncrétisme » se trouve sous la plume du cardinal Arinze, dans sa lettre aux présidents des conférences épiscopales d’Asie, d’Amérique et du Pacifique, du 21 novembre 1993 (Gioia, n° 1024).
  • [78]
    Commission théologique internationale, « la Foi et l’inculturation », 1989 (Gioia, n° 1048), n° 3 : « l’inculturation qui emprunte la voie du dialogue entre les religions ne saurait en aucune manière donner des gages au syncrétisme ».
  • [79]
    Dialogue et annonce, Document commun du Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux et de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, 19 mai 1991 (Gioia, n° 998) : au § 74 de ce texte, on mentionne, parmi les obstacles à l’annonce, « dans un contexte pluraliste, le danger d’indifférentisme, de relativisme, de syncrétisme en matière religieuse ».
  • [80]
    Jean-Paul II, À des représentants de la communauté juive de Rome, 13 avril 1986 (Gioia, n° 522) : « chacune de nos religions […] veut être reconnue et respectée dans son identité propre, au-delà de tout syncrétisme et de toute appropriation équivoque. »
  • [81]
    Jean-Paul II, Aux évêques de Thaïlande en visite ad limina, le 30 août 1996 (Gioia, n° 876) : « Le signe de la catholicité de l’Église signifie que l’Évangile doit s’incarner dans la culture de tous les peuples […] La tâche nécessaire et difficile de l’inculturation ne signifie ni syncrétisme ni adaptation de la vérité. Elle implique au contraire que l’Évangile a le pouvoir intérieur de pénétrer le cœur même d’une culture et de s’incarner en elle. »
  • [82]
    Jean-Paul II, Aux représentants du monde politique, culturel et religieux, à Carthage, 14 avril 1996 (Gioia, n° 865) : « Les partenaires du dialogue [entre musulmans et chrétiens] seront assurés et sereins dans la mesure où ils seront vraiment enracinés dans leurs religions respectives. Et cet enracinement permettra l’acceptation des différences et fera éviter deux écueils opposés : le syncrétisme et l’indifférentisme. »
  • [83]
    Gioia, n° 677.
  • [84]
    R. Ortiz, « Du syncrétisme à la synthèse : Umbanda, une religion brésilienne », ASSR, 40, 1975, p. 89-97; Fr. Champion, p. 766 : « le Brésil est bien connu […] comme terre d’élection pour les syncrétismes, généralement dénommés “afro-brésiliens”, associant éléments africains, indiens, chrétiens, spirites […] On trouve au Brésil toutes les variantes de syncrétisme. »
  • [85]
    Gioia, n° 905.
  • [86]
    H. Pinard de La Boullaye, « Sincretismo », Enciclopedia cattolica, t. 9, Rome, 1953. Pas d’entrée à ce mot dans le Dictionnaire de Théologie Catholique de A. Vacant et E. Mangenot, 15 vol. Paris, 1903-1950; la courte notice consacrée à ce mot dans les Tables générales, IIIe P., 1972, col. 4106, ne renvoie qu’à l’hellénisme et à Leibniz. Pas d’entrée non plus à ce mot dans K. Rahner, H. Vorgrimmler (dir.), Petit Dictionnaire de Théologie Catholique (1961), ni dans J.-Y. Lacoste (dir.), Dictionnaire critique de théologie, Paris, 1998, ni chez K. Muller, Th. Sundermeier (dir.), Lexikon missionstheologischer Grundbegriffe, Berlin, 1987. L’approche de G. Biehn, « Synkretis-mus », Lexikon für Theologie und Kirche, 2e éd., t. 9, 1964, col. 1233, ne fait encore aucune mention de la religiosité occidentale actuelle. Il en va différemment, en revanche, chez L. Debarge, « Syncrétisme », Catholicisme, 14, 1996, col. 669-680.
  • [87]
    La notion est l’objet d’un article très développé (et auquel nous avons déjà renvoyé plusieurs fois ici) dans le TRE (vol. 32, 2001, p. 527-559 (I/ Religionsgeschichtlich; II/ Altes Testament; III/ Neues Testament; IV/ Judentum; V/ Kirchengeschichtlich; VI/ Dogmatisch; VII/ Praktisch-theologisch). Aucun paragraphe, curieusement, n’a été réservé à l’approche de ce problème dans l’Islam.
  • [88]
    J. Vernette, Le Nouvel Âge, Paris, 1990.
  • [89]
    K. Rudolph, « Synkretismus vom theologischen Scheltwort zum religionswissenschaftlichen Begriff », dans Humanitas Religiosa, Festschrift Harald Biezais, Stockholm, 1979, p. 193-212; J. Scheuer, « Les religions comme itinéraires. Leçons d’un “détour” par le bouddhisme », dans B. Van Meenen (dir.), Qu’est-ce que la religion?, Bruxelles, 2004, p. 63-92 (78).
  • [90]
    Fr. Bœspflug, « Faut-il bannir la notion d’idole? », dans R. Dekoninck, M. Watthee-Delmotte (éd.), L’Idole dans l’imaginaire occidental, Paris, 2005, p. 23-34.
  • [91]
    A. Couture, art. cité, p. 1379 s., signale ce qu’il y a d’ambivalent dans le concept, ce fantasme de pureté religieuse originelle, dont le véritable opposé serait éclectisme.
  • [92]
    J. Scheuer, art. cité, p. 77.
  • [93]
    P. Gisel, p. 1507. Si nous rejoignons l’auteur pour l’essentiel, nous croyons aussi qu’il ne faut pas qualifier tout emprunt ou toute réinterprétation de syncrétisme.
  • [94]
    On trouvera un plaidoyer en ce sens chez L. Debarge, « Syncrétisme », art. cité, sp. col. 679-680.
  • [95]
    M. M. Thomas, « The Absoluteness of Jesus-Christ and Christ-centred Syncretism », The Ecumenical Review, 37/4, 1985, p. 387-397.
  • [96]
    W. Müller-Römheld, « Thomas, M.M. », dans Ökumene Lexikon, col. 1169-1170; M. M. Thomas, dans « Syncretism » (article mentionné plus haut), présente les notions de « syncrétisme positif » (Peter Latuihamako, Indonésie), de syncrétisme supérieur (John Carman, Inde du Sud).
  • [97]
    L. Boff, Église, charisme et pouvoir, Paris, 1985, chap. VII : « Pour le syncrétisme : catholicité du catholicisme », p. 161-191 (161). « On y trouvera des définitions des divers types de syncrétisme (addition, adaptation, mélange, concordance, traduction, refonte…), et un plaidoyer pour le « syncrétisme refonte », processus « vital et organique » (J. Scheuer, « Les religions comme itinéraires. Leçons d’un “détour” par le bouddhisme », dans B. Van Meenen (dir.), Qu’est-ce que la religion?, Bruxelles, 2004, p. 63-92, ici p. 78-79).
  • [98]
    Th. Sundermeier, « Religion, Religionen », dans K. Müller, Th. Sundermeier (dir.), Lexikon missionstheologischer Grundbegriffe, Berlin, 1987, p. 411-423, sp. 418-419. Voir dans le même sens A. Peelman, L’Inculturation, l’Église et les cultures, Paris/Montréal, 1988, et J. D. Gort et al. (éd.), Dialogue and Syncretism, Grands Rapids (Michigan), 1989, selon qui toute inculturation du christianisme comporte sa part de syncrétisme.
  • [99]
    L. Debarge, « Syncrétisme », art. cité, col. 678.
  • [100]
    En 1998-1999, les lecteurs conventuels dominicains de la Province de France ont choisi pour thème d’année « Foi chrétienne et syncrétismes contemporains » (la Province de Toulouse ayant choisi de son côté « Les syncrétismes » comme thème des journées provinciales de Fanjeaux, les 28 et 29 juin 1999). Divers frères dominicains ont dès lors été interviewés (fort bien) par l’un d’eux, parmi lesquels Claude Geffré : Cl. Geffré, « Syncrétismes et foi chrétienne », Prêcheurs, n° 15, janvier 1999, p. 9-13.
  • [101]
    R. Pannikar, Entre Dieu et le cosmos, Paris, 1998.
  • [102]
    Cette idée affleure dès le début de l’article du TRE, et c’est peut-être la première fois que cette perspective d’étude est énoncée en clair.
  • [103]
    C. de Barloewen, Anthropologie de la mondialisation, Paris, 2003; Fr. Thual, Le Dieu fragmenté. Géopolitique des religions, Paris, 2004, et son interview dans Le Monde des religions, n° 3, janvier-février 2004, p. 18-21 : « La coexistence dans les grands centres urbains, qui sera le grand phénomène du xxie siècle, va-t-elle générer des syncrétismes? Cette question mérite d’être posée à l’horizon de deux ou trois générations […] Ces syncrétismes prennent aujourd’hui l’aspect de “nouvelles religions” numériquement limitées, mais qu’en sera-t-il demain? » (p. 20-21). L’A. rappelle que la moitié de l’humanité vit aujourd’hui dans les grandes villes, et que ce seront dans vingt ans les trois quarts de l’humanité. Or, dans les grandes villes modernes, à la différences de celles du passé, il y a de moins en moins de quartiers réservés, il y a un brassage de fait, au niveau des quartiers et des immeubles, et l’État n’impose plus aucune religion majoritaire. Faiblesse de l’analyse : l’auteur a une piètre idée de l’homme, qui à ses yeux n’est pas fondamentalement mauvais, mais fondamentalement je-m’en-foutiste (sic).

1Pour qui ne se contente pas de répéter passivement les mots en vogue dans les milieux qu’il fréquente, l’étude de la notion de syncrétisme constitue une épreuve dans la mesure où elle condamne à une longue enquête pour comprendre de quoi l’on parle; ou plus exactement, pour identifier qui parle de quoi, depuis quand et dans quelle perspective, lorsque le mot est employé, en bien comme en mal — en mal le plus souvent. En effet, l’usage du mot syncrétisme a été et demeure pour le moins cacophonique. L’ayant souvent entendu prononcer dans l’Église (catholique) avant d’apprendre à l’employer pour ce qu’il signifie en général chez les historiens des religions, nous choisissons de repartir ici du sens qu’il revêt de nos jours encore parmi les chrétiens et de nous aider, tout d’abord, de tout ce qui l’oppose à la notion beaucoup plus récente d’inculturation.

2

« Par syncrétisme, on entend généralement, et le plus souvent dans un sens péjoratif, l’amalgame d’éléments religieux ou culturels de provenances diverses, ainsi dans certaines acculturations entre le christianisme et telle ou telle religion traditionnelle hors d’Europe (comme antérieurement, entre ce même christianisme et des données de l’Antiquité tardive ou de traditions locales au Moyen Âge, etc.). Aujourd’hui, on recourt tout spécialement au terme “syncrétisme” dans le cadre des “recompositions religieuses” en cours dans nos sociétés occidentales : nouveaux mouvements religieux, adaptations de traditions religieuses orientales, nouvelles gnoses, ésotérismes, Nouvel Âge, séduction pour les traditions apocryphes, occultismes, etc. » [1].

3Le contraste entre « syncrétisme » et « inculturation » paraît dès lors éclairant. Comme inculturation, syncrétisme est un concept relationnel : il désigne un rapport potentiellement réciproque, jouant de totalité à totalité (de religion à religion, ou de religion à culture, voire de culture à culture). Pour le reste, tout oppose les deux notions. Inculturation est une notion récente voire un néologisme, relevant du lexique spécifique du magistère de l’Église, des pasteurs et théologiens chrétiens [2]. Elle est porteuse d’une signification positive, désignant un projet ayant l’évangile pour sujet et les fidèles pour bénéficiaires. « Inculturer » est donc un projet louable et recommandé comme tel, ayant valeur de mot d’ordre ou de programme. La notion de syncrétisme, à l’inverse, est de formation très ancienne. Elle ne relève pas spécifiquement du langage théologique actuel, étant purement descriptive et neutre sous la plume des hommes de science, notamment des historiens [3], et généralement péjorative ailleurs. Elle ne désigne jamais un projet à promouvoir, ce n’est pas un but à poursuivre ni un idéal à atteindre mais une tendance à juguler ou une dérive à éviter. Le syncrétisme, enfin, n’a pas l’évangile ou le christianisme pour sujets mais pour victimes et les fidèles pour complices, coupables ou dupes. Dans ce contexte sémantique, on peut donc dire, en première approximation, que le syncrétisme est synonyme d’inculturation ratée ou trahie, ou l’une des caricatures possibles de l’inculturation. Si l’inculturation est à réussir, tout syncrétisme est à éviter ou à bannir. L’expression « syncrétisme réussi » serait donc un oxymore.
On pourrait s’en tenir là. Mais ce serait se condamner à ignorer d’autres usages du terme, qu’il nous incombe maintenant de présenter en rendant compte, autant que possible, de sa polysémie. Nous commencerons par donner un aperçu de l’étymologie, de l’histoire et des premiers usages de ce pseudo-concept (I), puis nous nous attarderons sur son utilisation chez les historiens des religions (II), avant d’attirer l’attention sur l’usage dénonciateur qu’en font les chrétiens (III). En conclusion seront signalées quelques tentatives récentes de revalorisation des phénomènes de syncrétisme chez des théologiens chrétiens.

I – Histoire du mot et genèse de la notion [4]

4Le terme sugkrètismos n’est attesté qu’une seule fois dans toute la littérature grecque antique, chez Plutarque (v. 46-v. 125) [5], pour désigner le front uni des habitants de Crète. Quand un ennemi de l’extérieur les attaque, explique Plutarque, les Crétois habituellement divisés renoncent à leurs luttes fratricides et pratiquent le « syncrétisme », c’est-à-dire se réconcilient, au moins provisoirement. Le verbe sygkrètizein, qui n’apparaît que plus tard, signifiera donc : « faire alliance », « se coaliser à la crétoise ». Il est absent du Nouveau Testament. Les auteurs chrétiens d’époque patristique n’ont pas eu recours à ce terme resté longtemps rarissime. S’il a été conservé par les lexicographes byzantins, le Moyen Âge latin l’a complètement ignoré et il ne réapparaît en Occident qu’à la Renaissance. C’est à Érasme qu’il doit d’avoir repris vie. L’humaniste l’aura sans doute déniché dans un dictionnaire, voire chez Plutarque lui-même, qui fut en faveur chez les humanistes de ce temps. Il donne au mot un sens positif dans un paragraphe des Adages introduit probablement vers 1517-1518 [6], pour appeler à serrer les rangs contre les barbares qui s’en prennent aux belles lettres — sont visés par lui les rigoristes, ceux qui relèvent de la Réforme protestante et aussi bien ceux de la réaction catholique [7]. Dans une lettre à Mélanchthon rédigée en latin et datée du 22 avril 1519, de même, il encourage les gens de lettres à « syncrétiser » à leur tour pour faire face à leurs adversaires : Æquum est nos quoque synkretizein, « il est juste que nous aussi, nous syncrétisions. La concorde est un puissant rempart » [8].

5Cette coquetterie d’érudit exhumant un hapax legomenon va faire école : « syncrétisme et syncrétiste (un néologisme) deviennent des termes courants [dans la langue d’échange entre savants de cette époque, le latin] pour désigner soit des essais de réconciliation entre protestants, soit la tentative de réconcilier les divers philosophies de l’Antiquité, surtout celles de Platon et d’Aristote [9] », comme avait déjà tenté de le faire Pic de la Mirandole. Des propositions de syncrétisme [sic], c’est-à-dire de recherche d’un compromis en matière de pratiques sacramentaires, furent formulées par Zwingli (dans une lettre de 1525 à Œcolampade), Bucer (dans une lettre à Zwingli de 1531) et Melanchthon [10], dans le but de réconcilier entre elles les Églises protestantes puis de tenter un rapprochement avec l’Église catholique romaine. Mais elles renforcèrent, chez leurs adversaires de tous bords, l’idée que le syncrétisme ne pouvait aboutir au mieux qu’à une « fausse paix », comme l’on disait alors, étant donné que l’union réalisée ne serait à tout le mieux qu’un mélange artificiel de choses hétéroclites et incompatibles.

6Parmi les principaux partisans et théoriciens ultérieurs du syncrétisme, émerge Georg Calixt (1586-1656) [11], professeur à l’université de Helmstedt, figure de proue de l’irénisme luthérien du xviie siècle, avec qui apparaît pour la première fois l’idée que le syncrétisme est non seulement recherche de l’union des Églises mais fusion de religions différentes. Une telle position déclencha en 1645 une très vive controverse (connue sous le nom de « Querelle syncrétiste ») qui engendra à son tour d’interminables polémiques, dont celle, célèbre, entre Leibniz [12] et Bossuet. Le résultat le plus clair de ces disputes au sujet du syncrétisme fut de jeter le discrédit sur le mot lui-même, dont la connotation péjorative domine à partir du milieu du xviie siècle. Le luthérien alsacien Johann Konrad Dannhauer (1603-1666), un anti-syncrétiste notoire, traite Calixt et ses semblables, en chaire, de « mélangeurs de religions » [13] et les accuse de « libertinisme », avertissant son auditoire des risques de chaos qui s’ensuivent. Il publie à Strasbourg, en 1647, son Mystère du syncrétisme, volumineuse monographie dans laquelle les modalités du syncrétisme sont expliquées à la façon d’une opération chimique, le mélange d’éléments disparates se faisant, selon les cas, par cohabitation, atténuation ou réduction, ou encore par absorption [14]. Ce curieux ouvrage s’applique par ailleurs à montrer que l’histoire calamiteuse du syncrétisme plonge ses racines jusque dans celle d’Ève et du serpent, puis celle d’Israël et de l’Égypte, de Salomon et de la reine de Saba, et que cette dérive mène tout droit à Melanchthon, Grotius et Calixt [15]. Il n’est de remède à cette cacophonie que dans le « symphonisme » (sic).
Bref, au cours de ces interminables discussions entre catholiques et protestants au xviie siècle, le terme syncrétisme est passé insensiblement du sens d’alliance ou de compromis acceptable à celui de mélange répréhensible : syncrétisme, au goût de certains, est un synonyme d’irénisme et de concordisme [16] (abominabile auditu : il n’est que de songer aux « moyenneurs » [17] du siècle précédent). « Une nouvelle étymologie [fausse] à partir du [verbe kerannumi, mélanger, et du] mot grec signifiant fusion d’éléments disparates (synkrasis) servit à présenter le compromis syncrétique comme synonyme d’hybride, mélange incongru et embrouillamini, bref un confusionnisme pour la raison » [18].
Au xviiie siècle, le sort du mot ne s’améliore guère. Diderot rédigea les articles « Éclectisme » et « Syncrétistes, Hénotistes ou Conciliateurs » de L’Encyclopédie, où il loue l’éclectisme comme la seule véritable philosophie. Syncrétisme est chez lui synonyme d’amalgame et de concordisme. Il ridiculise le syncrétiste comme un manipulateur plus ou moins habile cherchant à faire concorder les vérités les plus contraires et se contentant d’emprunts mal étayés [19]. Il arrive que le mot se retrouve en situation moins fâcheuse, par exemple sous la plume de Voltaire, dans le Dictionnaire philosophique[20], et aussi dans telle encyclopédie allemande comme l’Universal-Lexikon publié en 1744, où se trouve un très vaste article « Synkretismus » (A. Philosophischer; B. Theologischer). Mais au total les philosophies des Lumières emploient le mot dans un sens péjoratif : ainsi Condillac, qui traite les néoplatoniciens de « syncrétistes d’Alexandrie » et leur reproche d’avoir mutilé Platon et Aristote [21].

II – La notion de syncrétisme en histoire des religion

7Au cours de la seconde moitié du xixe siècle, que ce soit du fait de Renan (1823-1892) [22] ou d’autres savants [23], la notion de syncrétisme entre dans l’outillage conceptuel de l’histoire des religions, et aussi dans celui de la psychologie (le mot sera repris par Piaget, pour désigner le premier stade, globalisant et confusionniste, de la connaissance infantile [24]). Persuadé du progrès nécessaire et continu de l’être humain (son point de vue resta toujours évolutionniste), Renan pensait que le syncrétisme, synonyme pour lui de première perception plus ou moins floue d’un tout, caractérise l’état enfantin et irréfléchi de l’humanité, qu’il précède la phase d’analyse à laquelle les sciences historiques de son temps contribuaient de toutes leurs forces, et qu’une synthèse finale se préparait, fondée sur un sain éclectisme [25]. « Les livres religieux, les sectes orientales, les courants gnostiques lui fournissaient autant d’exemple de “conglomérats” d’idées vagues, de balbutiements puérils qui défiaient par nature l’analyse précise et qu’il faudrait dépasser pour arriver au but visé » [26]. A ce stade, le vocable a donc encore et toujours une connotation négative. Le syncrétisme relève de la Religionsmischerei, de la mixture religieuse [27].

8La revalorisation du concept de syncrétisme appliqué aux religions s’amorce avec l’École allemande dite de l’histoire des religions (W. Bousset, R. Reitzenstein, Fr. Loofs, P. Wendland, M. Dibelius), entre 1903, date de parution de l’ouvrage de Hermann Gunkel considéré comme le manifeste de cette École, Zum religionsgeschichtlichen Verständnis des Neuen Testaments) et 1930, date de parution de celui de Hugo Gressmann, Die orientalischen Religionen im hellenistisch-römischen Zeitalter[28]. Le terme sert alors pour l’essentiel de métaphore pour décrire en termes souvent chimiques (mélanges, alliages, fusions, composés [29]) les phénomènes d’interpénétration des cultures et religions de la période hellénistique et de la fin de l’Antiquité, considérée comme « l’âge d’or du syncrétisme » [30]. Mais le mot conserve un peu de sa valeur péjorative, puisqu’il désigne des formations intermédiaires entre une période de classicisme « pur » et une autre, caractérisée par la mise en ordre homogène et durable de l’orthodoxie chrétienne.

9Le passage de la métaphore descriptive à la conception du syncrétisme comme catégorie de l’histoire de la philosophie (au sens de combinaison concordiste de doctrines hétéroclites et incompatibles) et de l’histoire des religions s’opère vers les années 1930. « La signification du terme allait de soi, semble-t-il, pour les savants de cette époque, à moins de penser qu’ils ne lui attribuaient pas une importance théorique suffisante pour lui consacrer de longs développements » [31].

10Chez un Franz Cumont (1868-1947 [32]), le terme perd sa connotation négative mais devient polyvalent. Sans se préoccuper de le définir, cet auteur évoque par exemple les anciennes « habitudes syncrétiques de l’Égypte » faisant de certains personnages divins des panthées [33] (cette épithète, attribuée par exemple à Isis, signale la capacité reconnue à un dieu ou à une déesse de récapituler en elle-même toute la divinité). « Syncrétisme », sous sa plume, implique de manière plus générale l’« implantation d’éléments hétérogènes que l’analyse comparative permet d’identifier comme tels et qui modifie la physionomie propre du complexe primitif ». Mais la plupart des usages de ce mot, chez lui, ont pour contexte celui des « brassages culturels consécutifs aux conquêtes macédoniennes et romaines et à l’unification politique du monde méditerranéen qui en est résultée » [34].

11Pour Raffaele Pettazzoni (1883-1959), de même, le syncrétisme est un phénomène universel, expliquant ou du moins accompagnant la naissance de toutes les religions : « la religion romaine est syncrétiste dès ses débuts par le fait du synécisme [35] qui donne naissance à la cité de Rome. Le caractère syncrétiste de la religion babylonienne est affirmé, entre autres témoignages, par l’emploi du sumérien comme langue liturgique à côté de l’accadien, jusqu’aux époques tardives. En Grèce, nous parvenons à discerner […] les deux éléments — hellénique et pré-hellénique — dont la fusion, déjà commencée à l’époque mycénienne, finit par engendrer la religion grecque des temps classiques. La religion d’Israël est aussi une religion syncrétiste, en tant qu’elle est due à la fusion de la religion des Bené Israël nomades ou semi-nomades avec la religion agraire des Cananéens. [36] » Ce point de vue avait déjà été formulé en 1924 par Joachim Wach (1898-1955), un élève de Edmund Husserl : « Chaque religion, envisagée du point de vue de sa préhistoire, est un syncrétisme » [37].

12Le rôle décisif que jouent les stratégies missionnaires de conversion dans l’apparition des syncrétismes conduit Gerhard Van der Leeuw à développer l’idée de « dynamique des religions » en recourant à la notion de « déplacement », en allemand Verschiebung, un terme dont se servit Sigmund Freud dès ses premiers travaux publiés, puis dans sa Traumdeutung de 1900 [38], mais que l’historien de Groningue emploie en un sens très différent : « il y a “déplacement” lorsque la signification d’un phénomène se modifie tandis que sa forme reste la même. [39] » Van der Leeuw donne en exemple le changement de sens de la célébration de la Cène dans les Églises issues de la Réforme, et tous les phénomènes d’assimilation, de substitution et d’isolation qui se produisent lors des missions : « le catholicisme, par exemple, assimila la mystique, se substitua à la religion populaire et isola l’ascèse dans le monachisme » [40]. Or, le déplacement, à en croire van der Leeuw, serait l’essence même du syncrétisme. « Le type achevé de syncrétisme, formant le pendant de celui de la Rome impériale, est la religion de l’époque contemporaine en Occident dans la mesure où le “christianisme généralisé” de l’homme moderne, qui a déplacé toutes les significations en les sécularisant, n’est qu’un mélange de platonisme et de croyance à la science » [41]. De son côté, Hans Jonas en vient à déclarer, dans Gnosis und spätantiker Geist (1934), que le syncrétisme est le fait critique proprement dit.

13Après la Seconde Guerre mondiale, la réflexion sur le syncrétisme est marquée par le débat théologique autour des positions de Hendrik Kraemer. Stigmatisant dans le syncrétisme « le mélange illégitime de différents éléments religieux » [42], le grand missiologue allemand rejetait fermement et solennellement, lors de la rencontre de l’International Missionary Council (IMC) en 1938 à Tambaram (Inde du Sud), l’idée que les chrétiens pourraient faire leurs certaines des valeurs des autres religions, idée émise lors d’une précédente réunion de l’IMC et tenue par lui pour impensable – des emprunts partiels sont impossibles, chaque religion étant un tout –, coupable de relativisme et incompatible avec une juste perception du christianisme comme fait de révélation absolument unique. Autant l’on pouvait parler d’adaptation, c’est-à-dire de recours aux concepts et pratiques religieuses locales susceptibles d’exprimer (comprenons : de traduire et interpréter de manière compréhensible dans la culture indigène) la vérité chrétienne, autant le « syncrétisme conscient », aux yeux de Kraemer, était donc foncièrement interdit aux chrétiens. Conscient ou non, inconscient dans la plupart des cas, le syncrétisme était en revanche le fait, normal, des religions non chrétiennes, ce qui autorisait de voir en elles, non pas des stades préparatoires de la révélation du Christ, mais autant de terrains d’attente de la « non-religion » qu’était le christianisme ou que prétendait être, désormais, le christianisme : l’écho est ici nettement perceptible, de l’opposition barthienne entre la foi chrétienne, qui n’est plus une religion, et les religions non chrétiennes [43].

14La place manque pour retracer dans le détail les méandres de la réflexion des années 50 et 60 autour des phénomènes syncrétiques. Dans les années 70, puis de nouveau à partir des années 90, une série de colloques internationaux ont porté sur ce thème [44]. L’un d’eux s’est tenu à Strasbourg, en juin 1971, au Centre de Recherches d’Histoire des Religions [45]. Ses travaux « fournissent d’utiles descriptions de processus syncrétiques particuliers mais font apparaître en même temps un grand flottement terminologique dans l’emploi de typologies […] établies selon des critères métaphoriques subjectifs (symbiose, amalgame, fusion, emprunt, association, décloisonnement, synthèse). La réflexion sur le syncrétisme […] s’y trouve cantonnée dans le soliloque » [46]. Pour tenter de sortir de cette situation, l’un des intervenants d’alors, Pierre Lévêque, proposa bien un « Essai de typologie des syncrétismes », qui distinguait cinq sortes de syncrétismes [47] — mais sa liste s’avéra encore trop longue pour assurer à cette notion une vraie consistance, et elle ne faisait pas assez observer, selon nous, qu’il n’y a aucune raison de qualifier de syncrétique toute forme d’interaction entre religions, par exemple un simple emprunt.

15Le travail terminologique s’est poursuivi depuis. Lors du colloque tenu à Bruxelles en septembre 1993 sur « Influences, emprunts et syncrétismes religieux » (trois mots choisis pour « tenter d’embrasser les différents faits de contact que l’on peut observer entre religions voisines ou, au sein d’une même culture religieuse, entre des communautés distinctes » [48]), la typologie de P. Lévêque fut soumise à un nouvel examen et les organisateurs, dans leur excellente introduction thématique, proposèrent de restreindre l’usage du mot syncrétisme au seul syncrétisme-amalgame [49], tout en suggérant pour finir que les historiens des religions auraient peut-être avantage à réfléchir à ce que l’anthropologie moderne désigne par « acculturation ».
La situation du terme demeure malgré tout quelque peu embrouillée. « Force est de constater que si les mots syncrétisme, syncrétique et syncrétiste semblent aujourd’hui, dans l’étude scientifique des religions, moins encombrés qu’autrefois de jugements de valeur, ils y sont utilisés avec une profusion et une confusion telles que leur signification en devient atypique et quasiment inopérante. Le concept s’est progressivement vidé de sa substance. On tend en effet à désigner ainsi toute espèce de rapprochement s’opérant entre religions, voire entre composantes d’une même religion, quels qu’en soient le processus, la nature, l’ampleur, la portée, les résultats. Mais à ce compte, pourrait-on trouver une seule figure divine, un seul culte, un seul mythe, qui ne soit pas le résultat de quelque syncrétisme? » [50]
En histoire des religions, quoi qu’il en soit, le vocable continue d’être utilisé pour désigner, sans les disqualifier d’avance, certains phénomènes résultant d’interactions entre religions, entre cultures ou entre religions et cultures. Témoin, entre autres, l’intitulé de la chaire occupée actuellement par Michel Tardieu au Collège de France (Paris), « Histoire des syncrétismes de la fin de l’Antiquité », qui apparaît pour la première fois en 1991, se substitue à celui de la chaire de Charles-Henri Puech (« Histoire des religions ») et recouvre en fait l’étude du gnostiscisme, du manichéisme et du paganisme tardif [51]. Cette approche neutre, libérée de tout jugement, prévaut désormais parmi les historiens francophones, surtout pour rendre compte de l’évolution des religions sur les autres continents, mais aussi lorsqu’il s’agit de rendre compte de l’histoire du christianisme — encore que la catégorie de syncrétisme soit rarement utilisée pour décrire les phases de l’histoire européenne du christianisme postérieures à l’Antiquité; on préférera parler, pour décrire par exemple les phénomènes se déroulant au cours du Haut Moyen Âge, d’inculturation du christianisme en Irlande ou encore de la « germanisation du christianisme » en Europe centrale [52].
Le travail « archéologique » fourni par les historiens des religions, il faut en être conscient, aboutit presque fatalement à relativiser la frontière entre les religions syncrétiques et celles qui passent pour ne l’être pas. « Ainsi, le puissant courant d’hellénisation du judaïsme dont on trouve partout la trace, de Rome à la mer Noire, aussi bien qu’en Afrique du Nord, en Asie Mineure et sur les rives de l’Euphrate et, bien sûr, dans l’Égypte qui produit la Bible grecque et Philon d’Alexandrie, aboutit au conglomérat chrétien dont les gnostiques sont les premiers théoriciens et Marcion le premier critique radical. [53] » En coupant le fil qui le reliait au judaïsme, Marcion « chercha à construire un christianisme pur, simple et homogène, c’est-à-dire non syncrétique, dépouillé et des spéculations grecques introduites par les gnostiques et des éléments culturels juifs conservés par la Grande Église » [54]. Si Marcion représente « l’antisyncrétiste par excellence », Mani, à l’inverse, n’a eu de cesse de justifier et expliquer son propre syncrétisme [55], et le manichéisme pourrait passer à bon droit pour le « syncrétisme suprême » [56].
Au total, la réflexion des historiens des religions sur l’idée de syncrétisme, au cours du dernier demi-siècle, et surtout depuis deux décennies, semble pencher pour conserver l’usage de ce terme et lui reconnaître, même, la qualité de catégorie englobante, en tentant d’en classer les significations, d’en désigner les modèles et d’en préciser les conditions d’usage légitime, quitte à limiter sévèrement sa pertinence à des cas en nombre limité [57], au premier rang desquels les phénomènes religieux de la fin de l’Antiquité [58]. De fait, les chercheurs ont beau se défendre de vouloir lui attribuer trop de valeur, ils n’en continuent pas moins de recourir à cette notion — c’est vrai en particulier des historiens des religions antiques, on l’a dit, mais aussi des sociologues de la religions, des africanistes [59] et autres ethnologues. C’est dire que la tentation de renoncer à ce terme [60] dont la valeur scientifique demeure discutée pour lui préférer des expressions ou des termes empruntés à l’herméneutique (réinterprétation [61]) ou à l’anthropologie (acculturation) a été surmontée, en définitive.
Depuis peu, il est vrai, un courant se manifeste qui voudrait substituer à l’idée de syncrétisme, en s’inspirant de la philosophie de la communication ou des théories de la traduction ou de l’économie de marché, l’idée de processus d’échange (Austauschprozesse[62]), en vue d’assurer une complète neutralité à l’étude des phénomènes religieux. Mais le risque attaché à cette seconde possibilité, qui paraît avoir de plus en plus de partisans dans l’espace anglo-saxon, est de réduire la religion à un processus de communication parmi d’autres, et l’orthodoxie, par conséquent, à un simple problème (fonctionnel) de régulation des échanges (voir infra) [63]. Les théologiens parmi les chercheurs n’y consentiront sans doute pas volontiers.

III – Le syncrétisme comme péril ou grief

16L’emploi du mot syncrétisme chez les croyants, justement, est d’une tout autre veine, qui fait intervenir une très archaïque horreur du mélange et de l’impureté qui, dans l’imaginaire de la plupart des systèmes religieux, est liée au mélange et à la transgression sauvage (non ritualisée) des limites. « Les traditions religieuses se légitiment volontiers en termes de pureté et de perfection […] Poser la question du syncrétisme, c’est à bien des égards refuser le mélange qui souille, et donc manifester un désir de pureté » [64]. C’est repousser un double risque, de contamination (qui entame la pureté) et de décadence (qui met fin à la perfection).

17Le christianisme (du moins tel qu’il se voit ou se veut être) est à classer, de prime abord, parmi les religions foncièrement antisyncrétistes. Sa conception de la vérité le presse, semble-t-il, de s’en tenir à un point de vue exclusiviste et d’écarter d’emblée tout syncrétisme consenti [65]. De ce point de vue, on l’oppose souvent, entre autres, à l’hindouisme et plus encore au bouddhisme. « Le christianisme, en se répandant dans le monde occidental, a fini par supprimer toutes les autres religions qu’il a rencontrées sur sa route. Le bouddhisme au contraire s’est répandu en Orient sans détruire les religions préexistantes. Les religions anciennes de la Chine et du Japon ont continué à subsister à côté de la religion nouvelle du Bouddha. Cette coexistence a même donné lieu à des formations mixtes et complexes, c’est-à-dire à des phénomènes de syncrétisme […] Syncrétisme et conversion peuvent être considérés […] comme les deux solutions typiques auxquelles peut donner lieu la rencontre de deux religions différentes, en ce sens que tantôt l’une des deux religions efface complètement l’autre, tantôt toutes les deux subsistent à côté l’une de l’autre, en engendrant éventuellement des formes religieuses nouvelles » [66].

18Il nous faut ici laisser de côté l’accusation de syncrétisme comme grief interconfessionnel[67] plus ou moins occasionnel, ou comme élément du programme de démythologisation du kérygme [68], ou encore comme accusation lancée contre le mouvement œcuménique [69] ou le dialogue interreligieux, pour nous consacrer à ce que l’on pourrait appeler l’antisyncrétisme chrétien foncier. La mise en garde contre l’attitude syncrétiste est, semble-t-il, de toujours. On la trouve déjà dans le Nouveau Testament, sous la forme d’un refus déclaré de la double appartenance ou du moins de la pratique cumulative, par exemple en 1 Cor 10, où les chrétiens de Corinthe sont sommés de choisir entre la participation au repas du Seigneur et la consommation des viandes sacrifiées aux idoles. Cet avertissement peut être vu comme un mécanisme de protection contre les influences indésirables, déclenché par ceux qui ont qualité pour veiller à l’intégrité du dépôt révélé. Une telle mise en garde « sécuritaire » s’avérait sans doute d’autant plus nécessaire que « l’offre » venant de l’extérieur se faisait alléchante, pour des besoins qui n’étaient plus satisfaits ad intra. Situation typique : la religion « menacée », après avoir pris des mesures pour sauvegarder son intégrité, peut contre-attaquer en produisant, par imitation et adaptation, une offre concurrente. Et certains chercheurs de citer en exemple de cette riposte le culte de la Vierge dans l’ancienne Église [70].
Mais l’usage chrétien généralisé (avant tout clérical : conciliaire, pontifical, épiscopal, pastoral) du terme syncrétisme est récent. Ailleurs que dans le mouvement œcuménique, où il fait depuis des décennies l’objet de controverses [71], ses occurrences dans le parler chrétien, qui se sont multipliées dans les années 80, expriment une réprobation quasi unanime. L’emploi du terme implique le plus souvent, voire toujours, un jugement négatif puisqu’il désigne un danger dont il s’agit de se garder soigneusement — qu’il soit encore temps de le faire, c’est supposé et va de soi. Le terme fonctionne comme un signal d’alarme et aussi comme un soupçon. Il désigne moins une faute déjà commise, la transgression effectivement consommée de frontières supposées bien définies, qu’une attitude tentante, à repousser, celle qui se prédispose à des contacts et à des interactions jugées néfastes par le locuteur, et à envisager comme possible de combiner des éléments empruntés respectivement au christianisme et à une autre religion (ou à l’esprit du temps), pour aboutir à une mixture déclarée indigeste. Ce type d’usage est devenu si courant que l’on a l’embarras du choix quand il s’agit de fournir quelques exemples.

1 – Textes de Vatican II ou des pontifes depuis le concile

19A) Le corpus des textes de Vatican II n’utilise qu’une seule fois [72] la notion, dans le Décret Ad Gentes sur l’activité missionnaire (décembre 1965), au § 22 : en pays de mission, est-il recommandé, « toute apparence de syncrétisme et de faux particularisme sera repoussée, la vie chrétienne sera ajustée au génie et au caractère de chaque culture, les traditions particulières avec les qualités propres, éclairées par la lumière de l’Évangile, de chaque famille des nations, seront assumées dans l’unité catholique » [73]). Le syncrétisme, à la lumière de ce texte conciliaire, est donc une adaptation ratée, ou l’une des formes de l’échec en matière d’« adaptation » (ce dernier terme est l’un des maîtres-mots du concile). Un modèle est suggéré au début du même paragraphe, qui est inspiré de la métaphore évangélique de la semence et parle de bonne terre arrosée de rosée divine (?), de sève puisée (?), transformée et assimilée, pour porter un fruit abondant. On aimerait savoir à quel moment de ce processus le syncrétisme échoue ou diverge, mais ce n’est pas dit. La métaphore ne peut d’ailleurs sans doute pas être rigoureusement filée, sauf à échouer dans ce que l’on pourrait appeler des apories missionnaires (les jeunes Églises sont-elles enracinées dans le Christ ou dans les traditions locales? L’un empêcherait-il l’autre?).

20B) Dans les grands textes concernant le dialogue interreligieux [74], le recours préventif ou prophylactique au mot syncrétisme se retrouve occasionnellement, par exemple chez Paul VI [75]. Puis il se généralise, dans la bouche ou sous la plume de Jean-Paul II et dans les documents qui émanent des Congrégations romaines. Cela se vérifie notamment à partir de 1986 et de la rencontre d’Assise, qui a exigé bien des précautions oratoires pour se prémunir contre le grief prévisible de relativisme, de confusionnisme et de syncrétisme [76]. Depuis lors, les divers emplois du terme dans les discours du pape ou de la Curie romaine ont en commun le même leitmotiv : « toute forme de syncrétisme doit être exclue », car le syncrétisme est un danger [77]. Il faut donc tout faire pour éviter de lui donner des gages [78]. Ce qui change à chaque fois, bien sûr, c’est la provenance des adressataires, avec leur environnement socio-culturel (très divers, ce qui suffit à conférer à la mise en garde contre le syncrétisme une validité quasi universelle), mais aussi le contexte linguistique, à savoir les termes dans la proximité sémantique desquels est placé celui de syncrétisme (irénisme, relativisme, indifférentisme [79], appropriation équivoque [80], confusion, déviation de la piété populaire, œcuménisme mal entendu, adaptation de la vérité [81]) ou bien, à l’inverse et corrélativement, les termes auxquels syncrétisme est opposé (enracinement dans la tradition [82], fidélité, vrai œcuménisme, inculturation, indifférentisme).
Sélectionnons deux textes illustrant cette nécessité de remettre à chaque fois en situation l’usage du terme. La déclaration de Jean-Paul II aux évêques du Brésil en visite ad limina le 3 mai 1990 [83] visait en priorité macumba, candomblé, umbanda, trois configurations religieuses traditionnellement qualifiées de syncrétismes par les chercheurs en sciences humaines [84] : « Le syncrétisme religieux est un phénomène vraiment complexe qui n’a pas encore été vraiment étudié [suit l’évocation des causes : industrialisation, migration vers les villes, influence du spiritisme, « exploration folklorique et même touristique des symboles, des rites, des festivités populaires »]; « le résultat est bien connu : quelques aspects mythiques et démiurgiques […] sont venus se mêler confusément avec les mystères fondamentaux de la foi chrétienne. » La suite paraît se vérifier au-delà du continent sud-américain : « Le syncrétisme, comme vous le savez bien, se manifeste aujourd’hui sur les terrains les plus variés : des graves déviations de la piété populaire à un œcuménisme mal entendu; des pratiques de macumba, candomblé, umbanda, à la séduction prosélytiste de beaucoup de sectes — comme le spiritisme ou celle de caractère pentecôtiste; du recours constant à la superstition jusqu’à l’exposition incomplète de la doctrine authentique ».
Autre texte qui mérite une mention spéciale, Quelques aspects de la méditation chrétienne. Cette Lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi, datée du 15 octobre 1989 [85], déclare : « Avec la diffusion actuelle des méthodes orientales de méditation dans le monde chrétien et dans les communautés ecclésiales, on se trouve en face d’un renouvellement aigu de la tentative, non exempte de risques et d’erreurs, de mélanger la méditation chrétienne et la méditation non chrétienne. Les propositions en ce sens sont nombreuses et plus ou moins radicales […] Ces propositions [dont plusieurs sont indiquées de manière assez précise, exceptionnellement précise, même] […] devront être continuellement examinées avec un sérieux discernement des contenus et de la méthode, pour éviter de tomber dans un pernicieux syncrétisme ».

2 – Usages du terme chez les chrétiens

21Chose étrange, « syncrétisme » ne fait pas toujours partie du vocabulaire (traditionnel et/ou technique) des théologiens. Il brille même par son absence dans certains des plus récents dictionnaires de théologie catholique [86]. Si la dénonciation du syncrétisme, d’origine lointainement biblique, est en droit comme en fait commune aux différentes Églises et confessions, l’étude théologique du syncrétisme est sinon l’apanage des chercheurs liés plutôt aux Églises de la Réforme [87], du moins un domaine où ceux-ci dominent, comme si les théologiens catholiques ne se sentaient pas aussi responsables de l’examen et de la gestion de son ou de ses sens. Cette situation est symptomatique d’une certaine passivité sémantique des catholiques, passivité d’autant plus suspecte que le mot est très en vogue chez eux : d’usage fréquent dans leur pastorale, il est volontiers prononcé par les chrétiens militants et conscientisés, par exemple dans leur dénonciation des sectes, depuis près de quarante ans, puis dans celle des multiples « recompositions du croire » dans la mouvance du New Age [88]. Bref, il se pourrait que la réalité du « syncrétisme » soit aussi honnie que le vocable est prisé et son usage « bien porté », ayant pour ainsi dire valeur de passeport verbal à forte vertu identitaire dans les limites de la tribu chrétienne. Mot commode, confortable, et un peu paresseux pour ne pas dire psittaciste, visant une réalité repoussoir sans cesse dénoncée, tel un épouvantail, l’accord se faisant d’autant plus aisément sur la dénonciation et l’exclusion (souvent au futur, une vague menace : il ne faut pas…), qu’il ne s’accompagne d’aucune procédure de vérification du sens du mot ni d’aucune précision sur ce qui occasionne le diagnostic – beau cas de disjonction cognitive (plus on est d’accord, moins on sait sur quoi).

Conclusion

22Le verbe « syncrétiser », au sens originel de « faire front, se coaliser », n’est plus du tout employé de nos jours. Ne restent en vigueur que le sens scientifique et le sens confessionnel du substantif syncrétisme. Notre enquête établit que l’écart est béant entre ces deux sens, entre l’usage du mot chez les historiens spécialisés dans l’étude des faits religieux (et méthodologiquement dégagés, du moins en principe, de toute implication comme de toute angoisse concernant le devenir de telle ou telle religion) et celui qui s’est répandu depuis un demi-siècle dans les milieux chrétiens, qui témoigne à certains égards d’une véritable hantise du mélange et de la dilution. Au point que l’on peut se demander, non seulement « si les différentes sciences des religions, d’une part, les diverses théologies, de l’autre, sont susceptibles de partager une même définition ou compréhension de ce terme de syncrétisme [89] », mais encore si l’on ne gagnerait pas, chez les chrétiens, à limiter l’emploi du terme, et de quelques autres termes par la même occasion (païen, superstition, magie, idole [90]). Quoi qu’il en soit, il y a grand profit, croyons-nous, à se faire une discipline de l’éviter, en le remplaçant par des périphrases plus précises : car son usage est souvent vague et indécis, notamment quand il se dispense de fournir le moindre exemple et laisse planer l’incertitude sur ce qui est visé. L’écart sémantique en question signale en tout cas le risque où se trouve le christianisme actuel de se refermer sur ses préoccupations et de ne plus concevoir son avenir qu’en se protégeant. Et, au-delà de cette dérive obsidionale, il se pourrait que les deux acceptions ne soient pas réconciliables. Or, l’avenir de chaque religion pourrait consister précisément à trouver la juste voie entre la résistance au changement, qui isole, guettoïse et fossilise, et le syncrétisme subi, qui adultère.

23En effet, la mise en garde voire la dénonciation au service desquelles on réquisitionne ce terme pour mieux se regrouper et serrer les rangs finissent par se retourner contre elles-mêmes. On les soupçonnera à bon droit de colporter, sciemment ou non, le fantasme d’une pureté religieuse originelle [91]. Or, l’histoire des religions, pour le coup, devrait constituer une antidote. Car elle enseigne de la manière la plus claire qu’ « il n’y a pas, au regard des sciences humaines, de religion “pure”, chimiquement pure » [92]. « La dénonciation du syncrétisme par les croyants ou les pasteurs traditionnels témoigne d’un excès de purisme et souffre d’un manque de différenciations au plan des données et des enjeux […] Le christianisme est — a toujours été — culturellement syncrétiste […] La formulation de ses dogmes les plus centraux (trinitaire, christologique, etc.) en est irrémédiablement marquée […] Enfin, c’est la Bible même qui apparaît culturellement syncrétiste, tout au long de l’Ancien Testament (représentations d’origine mésopotamienne, égyptienne, etc.) comme dans le Nouveau (courants hellénistiques, stoïcisme, etc.). Le christianisme est de fait culturellement syncrétiste, mais l’histoire des religions montre aisément que c’est le cas, à des degrés divers, de toutes les grandes religions historiques. Peut-être le christianisme est-il tout particulièrement armé pour l’assumer et le légitimer, aussi vrai qu’il vit de la logique d’une incarnation en pleine pâte humaine […] » [93].

24L’idée, justement, qu’il a largement de quoi guider, trier et assumer les phénomènes syncrétiques qu’il suscite et qu’entraînent ses contacts avec cultures et religions est défendue depuis peu par quelques théologiens chrétiens, occidentaux (Moltmann, Pannenberg) ou non, en général liés au Conseil Œcuménique des Églises (CŒE). Certains d’entre eux vont jusqu’à procéder à une tentative de réévaluation de ces phénomènes, voire à leur revalorisation pure et simple [94]. Madathilparampil Mammen Thomas, membre de l’Église syro-malabare, qui fut président du CŒE de 1968 à 1975, avait choisi de désigner son programme d’action sous l’appellation (osée!) de « syncrétisme christocentrique » : « Tous les chrétiens sont en partie païens. Aujourd’hui, plus encore. La synthèse est encore loin, c’est un horizon eschatologique. Le syncrétisme avec une orientation chrétienne, voilà tout ce que nous pouvons présentement réaliser [95]. » Ce qui revient à dire que le syncrétisme devrait être envisagé comme le signe d’une interaction entre la Bible et la culture environnante, interaction qu’il reviendrait aux chrétiens de piloter au mieux [96]. Pour Leonardo Boff, par exemple, « la catholicité comme synonyme d’universalité n’est possible et réalisable qu’à la condition de ne pas tourner craintivement le dos au syncrétisme, mais d’en faire au contraire le processus générateur du catholicisme lui-même » [97]. Certains représentants des nouvelles orientations de la missiologie plaident également en faveur d’une perception positive (ou du moins neutre et descriptive) du syncrétisme comme processus permettant l’intégration d’expériences religieuses et comme condition sine qua non de l’inculturation et de l’indigénisation (Einheimischwerdung) d’une religion [98]. Comme le mouvement œccuménique a incité les théologiens à distinguer entre la tradition et les traditions, il se pourrait que l’histoire des religions, la théologie des religions et le dialogue interreligieux aient à enseigner de leur côté, peut-être un jour d’une même voix, à ne pas confondre le syncrétisme comme processus ou comme « procès de rencontre » entre religions et entre cultures, et les syncrétismes en tant qu’effets dudit processus, c’est-à-dire en tant que configurations, provisoires ou durables, résultant de ces interférences et du travail (de syncrétisme) qui s’accomplit à cette occasion.

25S’il l’on admet cette perspective, il n’est plus pensable de tenir exactement le même discours sur les phénomènes de syncrétisme, ni de conserver la même attitude à l’égard de ce qu’ils recouvrent réellement ou putativement. Plutôt que de s’opposer de manière défensive et ombrageuse à toute forme de syncrétisme, l’Église aurait donc, selon L. Debarge par exemple, à exercer un ministère de discernement entre le mauvais syncrétisme et le bon, ce dernier étant à concevoir comme un « syncrétisme de transculturation » [99] offrant aux religions traditionnelles de s’accomplir dans le christianisme. De son côté, un Claude Geffré, au-delà de la dénonciation du bricolage et de l’éclectisme que peuvent recouvrir les multiples formes de syncrétisme, où il voit lui aussi l’un des traits caractéristiques de la religiosité occidentale actuelle, estime qu’il y a plus et mieux à faire que de démasquer les ambiguïtés de la séduction syncrétiste. Il faudrait apprendre à y lire une sensibilité et une quête d’authenticité où s’exprime l’homo religiosus de la post-modernité [100]. La religiosité de l’homme occidental, ajoute le théologien dominicain, est naturellement syncrétiste, il cherche son bien dans les sagesses de l’Orient, l’ésotérisme, pour tenter de retrouver le cosmothéandrisme [101]. Un effort est à faire afin d’écouter sans mépris cette aspiration, tout en demeurant vigilant.
Ainsi, il peut y avoir un bon usage du syncrétisme. Et le meilleur remède au relativisme n’est certes pas le repli sur une identité sûre d’elle-même. Mais, en même temps, l’on ne saurait donner trop vite raison à ceux qui, en niant l’existence de toute essence du christianisme et en se dispensant par là de soulever le problème de son identité, voudraient croire et faire accroire que le syncrétisme tant décrié ne serait, tout bien pesé, que le nom dont les alarmistes ont affublé l’échange bilatéral (wechselseitiger Austausch[102]) suivi à tout coup, censément, d’enrichissement mutuel. Tout n’est pas dit par là. Les chrétiens ne peuvent pas se décharger sur la providence du soin de l’annonce cohérente de l’évangile ni abandonner l’identité chrétienne au jeu aveugle de l’histoire. C’est pourquoi, même quand ils s’efforcent d’en user de manière frugale, ils ne peuvent pas renoncer définitivement (si tant est qu’on puisse divorcer d’avec un mot) au vocable chargé par convention (récente) de dénoncer la mise en échec (au moins partielle et provisoire) de cette responsabilité qui leur incombe. Gommer ce terme, finalement, reviendrait à s’exonérer à bon marché. C’est d’autant moins d’actualité que tous les observateurs s’accordent à dire que la mondialisation sera fatalement productrice de multiples syncrétismes : le brassage généralisé est à l’horizon [103].
Qu’est-ce que l’identité chrétienne? Comment l’assurer en la risquant, la risquer en l’assurant dans l’inculturation? Comment concilier l’affirmation des historiens des religions, selon laquelle toute religion, y compris la chrétienne, est syncrétisme, et celle de la tradition théologique chrétienne, qui parle à son propos de religion révélée? Cette enquête en appelle donc une autre, qui ferait diptyque avec elle, et relèverait cette fois, spécifiquement, de la théologie chrétienne de la révélation et des religions.

Notes

  • [1]
    P. Gisel, « Syncrétisme », dans P. Gisel (dir.), Encyclopédie du protestantisme, Paris, 1995.
  • [2]
    H. Waldenfels, « Inkulturation », dans F. König, H. Waldenfels (éd.), Lexikon der Religionen, Freiburg, 1987, p. 307-309; Y. Labbé, « Inculturation », Revue des Sciences Religieuses, 80/2, 2006, p. 205-215.
  • [3]
    Nous avons dû renoncer à présenter ici en détail les emplois du terme syncrétisme chez les philosophes ou les psychologues.
  • [4]
    J. Moffatt, « Syncrétism », Encyclopaedia of Religions and Ethics, t. 12, 1921, p. 155-157; J. Ries, « Syncrétisme (Essai d’approche méthodologique) », dans P. Pou-pard (dir.), Dictionnaire des religions (= DR), 2e éd., Paris, 1993; A. Couture, « La Tradition et la rencontre de l’autre », dans Fr. Lenoir, Y. Tardan-Masquelier, Encyclopédie des religions, t. 2, Paris, 1997, p. 1361-1388, sp. p. 1379-1381 : « le syncrétisme, un concept ambivalent ».
  • [5]
    Plutarque, De amore fraterno, chap. 19; Œuvres complètes, t. 7, texte établi et traduit par J. Dumontier, Paris, 1975, p. 168-169; voir aussi Moralia, 490, ab (éd. Bernardakis, Leipzig, t. 3, 1891, p. 271). Ces « Œuvres morales » recouvrent des traités de morale, de religion, de politique, de pédagogie, d’histoire et de littérature et prennent souvent la forme du dialogue platonicien.
  • [6]
    Les Adages d’Érasme sont un recueil de maximes tirées de la Bible et des auteurs anciens grecs et latins. « De la première édition (1500) à la dernière du vivant de son auteur (1536), le nombre des maximes passa de 800 à 4151, rassemblées en “chiliades”et en “centuries”. C’est l’un des plus grands succès de librairie du xvie siècle (plus de cent éditions). » (J. Demougin, dir., « Adages », Dictionnaire des littératures françaises et étrangères, Paris, 1994, p. 14).
  • [7]
    Érasme, Adagia, Hanovre, 1617, p. 45.
  • [8]
    Corpus Reformatorum, t. 1, col. 78 (= P. S. Allen, Opus epistolarum Desiderii Erasmi Roterodami, t. III, p. 539, n° 747, l. 18-20, Oxford, 1913).
  • [9]
    S. Wikander, « Les “–ismes” dans la terminologie historico-religieuse », Les Syncrétismes, op. cit. (n. 34), p. 12.
  • [10]
    Documents présentés (avec leurs références) par Chr. Markschies, « Synkre-tismus. V/ Kirchengeschichtlich », Theologische Realenzylopedie (= TRE), t. 32, 2001, p. 538-552 (544).
  • [11]
    H. Schüssler, « Calixt(us) », dans Neue Deutsche Biographie, Berlin, t. 3, 1971; J. Wallmann, « Calixt, Georg », dans TRE, t. 7, 1981; Religion in Geschichte und Gegenwart (=RGG), 4e éd., t. 2, 1999, col. 12-13. Parmi ses débatteurs, le jésuite Vitus Erbermann (1597-1675); voir sa notice dans Dictionnaire de Théologie Catholique, V/1, 1939, col. 399-400; Neue Deutsche Biographie, t. 4, p. 565.
  • [12]
    » Une tendance syncrétiste se manifeste chez Leibniz, par exemple dans son Discours de la conformité de la foi avec la raison. En sa Critique de la raison pratique, Kant qualifie de syncrétique un système de morale composite issu de principes contradictoires (E. Kant, Critique de la raison pratique, Paris, PUF, 1966, p. 23). » (R. Texier, « Syncrétisme », dans S. Auroux (dir.), Les Notions philosophiques. Dictionnaire, Paris, 1990).
  • [13]
    TRE, t. 32, p. 545.
  • [14]
    J. K. Dannhauer, Mysterium syncretismi detecti, proscripti et symphonismo compensati, Strasbourg, 1647. Voir E. et E. Haag, dir., La France protestante, ou Vie des protestants français qui se sont fait un nom dans l’histoire…, Paris, t. 4, 1853, p. 158, titre XVIII; J. Wallmann, « Dannhauer, Johann Konrad », RGG, 4e éd., t. 2, 1999, col. 563-564; TRE, t. 25, p. 471.
  • [15]
    M. Tardieu, Leçon inaugurale à la chaire d’histoire des syncrétismes de la fin de l’Antiquité, Paris, 1991, p. 14-15.
  • [16]
    Il est d’ailleurs curieux d’observer que c’est le principal sens retenu par O. De la Brosse, A.-M. Henry, Ph. Rouillard (dir.), Dictionnaire des mots de la foi chrétienne, 1968, 2e éd. 1989 : « Syncrétisme. Système philosophique ou religieux qui tend à fondre plusieurs doctrines différentes. En particulier, dans la recherche de l’unité entre les chrétiens séparés, tendance à rechercher l’union ou l’unité en fondant et en assimilant les différentes dogmatiques. »
  • [17]
    Le Littré, à ce mot, indique comme synonyme : médiateur. Le terme « moyen-neurs », à cette époque, désignait ceux qui refusaient d’avoir à choisir entre se déclarer catholique ou se déclarer réformé, et s’efforçaient de « moyenner », c’est-à-dire de trouver une juste position entre les deux partis, non sans l’espoir de les réconcilier et d’être ainsi des médiateurs. Voir Th. Wanegfellen, Ni Rome ni Genève. Une histoire du choix religieux en France, vers 1520-vers 1590, Paris, 1994.
  • [18]
    M. Tardieu, op. cit., p. 15. C’est cette seconde étymologie, dévalorisante, qui est retenue par certains dictionnaires, de nos jours encore, tels le Dictionnaire philosophique de Lalande et celui de Foulquié. S. Wikander, op. cit., p. 12-13, la déclare fausse et fait observer que les Grecs n’ont pas ressenti le besoin d’un terme signifiant « syncrétisme religieux »; il rappelle que le mot theokrasia ne veut pas dire mélange de dieux mais union mystique avec la divinité (hénosis).
  • [19]
    A. Couture, « Le recours à la notion de syncrétisme chez Renan », dans M. Despland, « La Tradition française en sciences religieuses. Pages d’histoire », Cahiers de recherche en sciences de la religion, Laval, t. 10, 1991 : « Le syncrétiste était entre les philosophes ce que serait entre les hommes qui disputent un arbitre captieux qui les tromperait et qui établirait entre eux une fausse paix » (Diderot, Opinions des anciens philosophes, cité par le Littré).
  • [20]
    Voltaire, Dictionnaire philosophique; P.-É. Littré, Dictionnaire de la langue française, t. 6, 1994, cite un autre texte de Voltaire, tiré de ses Dialogues, 31 : « Je crois même que notre union secrète [un prêtre catholique et un pasteur protestant] produira un très-bon effet : ce pieux syncrétisme ne sera pas soupçonné du public, qui, voyant les deux partis acharnés contre ces gens-là [les encyclopédistes] ne manquera pas de les croire très criminels. »
  • [21]
    M. Meslin, L’Expérience humaine du divin. Fondements d’une anthropologie religieuse, Paris, 1988, p. 245.
  • [22]
    A. Couture, art. cité, p. 57-84; M. Tardieu, op. cit., p. 16.
  • [23]
    Selon M. Meslin, op. cit., p. 245-246, « le terme passe […], pour la première fois, en 1868, dans le vocabulaire de l’histoire des religions avec Félix Robiou puis, quelques années plus tard, est développé par Jean Reville. »
  • [24]
    H. Hannoun, « Syncrétisme (psycho.) », dans S. Auroux (dir.), Les Notions philosophiques, Dictionnaire, II, Paris, 1990, p. 2524.
  • [25]
    A. Renan, Avenir de la science, XVI, cité par P. Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, 1970 : « De même que le fait le plus simple de la connaissance humaine s’appliquant à un objet complexe se compose de trois actes : 1) vue générale et confuse du tout; 2) vue distincte et analytique des parties; 3) recomposition synthétique du tout avec la connaissance que l’on a des parties; de même l’esprit humain, dans sa marche, traverse trois états qu’on peut désigner sous les trois noms de syncrétisme, d’analyse, de synthèse, et qui correspondent à ces trois phases de la connaissance. »
  • [26]
    A. Couture, art. cité, p. 1380. L’A. poursuit : « C’est probablement sous l’influence de Renan que le célèbre orientaliste Eugène Burnouf utilisa ce mot de syncrétisme pour qualifier les Tantra bouddhiques, mélanges d’éléments les plus divers, fruit, disait-il, de l’alliance monstrueuse du bouddhisme avec le culte impur du shivaïsme. » Burnouf (1801-1852), professeur de sanscrit au Collège de France à partir de 1832, est pourtant de plus de vingt ans l’aîné de Renan.
  • [27]
    H. Usener, Göttername, 1896, mentionné par J. Ries, art. cité (n. 4).
  • [28]
    M. Tardieu, art. cité, p. 17; Id., Annuaire du Collège de France, 1990-1991. Résumé des cours et travaux, p. 493-496.
  • [29]
    Le mot amalgame retenu par P. Gisel dans la définition placée en tête de cet article est lui aussi un mot renvoyant à la chimie, et même à l’alchimie (Petit Robert, « amalgame : du latin des alchimistes amalgama, d’un mot arabe probablement altéré du grec malagma, action de pétrir. Chimie : alliage du mercure avec un autre métal. Amalgame d’étain, d’argent, etc. Fig. Mélange bizarre de personnes ou de choses, de natures, d’espèces différentes. »
  • [30]
    R. Pettazzoni, « Syncrétisme et conversion », Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuse, 126, 1934/2, p. 126 : « Il y a dans l’antiquité une époque qu’on peut appeler l’époque classique du syncrétisme religieux : elle comprend les derniers siècles avant et les premiers siècles après [le début] de l’ère chrétienne »; Fr. G. Grant, Hellenistic Religions. The Syncretistic Age, New York, 1953.
  • [31]
    Fr. Colin, « Syncrétisme », dans J. Leclant (dir.), Dictionnaire de l’Antiquité, Paris, 2005, p. 2071. Après avoir rendu compte des typologies proposées lors des différents colloques tenus sur ce thème, l’auteur suggère de substituer désormais au terme de syncrétisme « la notion générale d’interaction culturelle (de préférence aux concepts d’acculturation, de contre-acculturation, etc., également diversement connotés) ».
  • [32]
    J. Ries, « Cumont Franz », DR.
  • [33]
    A. Motte, V. Pirenne, « Du “bon usage” de la notion de syncrétisme », Kernos, 7, 1994, p. 11-27 (16-17).
  • [34]
    A. Motte, « La notion de syncrétisme dans l’œuvre de Franz Cumont », dans C. Bonnet, A. Motte (éd.), Les Syncrétismes religieux dans le monde méditerranéen antique, Bruxelles/Rome, 1999, p. 21-42 (38 et 40).
  • [35]
    Mot formé sur le grec sunoikismos (sun-oikia, littéralement : cohabitation), parfois orthographié synœcisme, désignant soit le rassemblement de plusieurs cités en une seule, à l’instar de l’unification des dèmes de l’Attique prêtée à Thésée pour former la cité d’Athènes, soit la fondation d’une nouvelle cité par une autre (Marseille par Phocée), les liens politiques et religieux entre les deux cités étant très étroits.
  • [36]
    R. Pettazzoni, art. cité (n. 30), p. 127.
  • [37]
    « Si […] nous voulons obtenir une vue exacte de ce qu’on appelle les “grandes religions” […], il est nécessaire de les considérer non seulement à l’état statique mais aussi dans la marche de leur dynamisme. Une religion historique est une figure, un organisme. Mais les traits n’en sont pas fixes, pétrifiés. Ils sont continuellement en mouvement […] “Toute religion a sa préhistoire; en quelque mesure, toute religion est un syncrétisme. Puis vient le temps où, au lieu de rester une somme, elle devient un tout, et obéit à sa propre loi” (J. Wach, cité par G. Van der Leeuw, La Religion dans son essence et dans ses manifestations. Phénoménologie de la religion, Tübingen, 1933; tr. fr. 1948, rééd. 1970, § 94, « Dynamique des religions. Syncrétisme. Mission », p. 589-597 (589).
  • [38]
    Voir « déplacement », dans J. Laplanche, J.-B. Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, sous la dir. de D. Lagache, Paris, 1973.
  • [39]
    G. Van der Leeuw, op. cit., § 94, p. 593.
  • [40]
    G. Van der Leeuw, op. cit., § 94, p. 594.
  • [41]
    M. Tardieu, dans Annuaire du Collège de France, 1990-1991, p. 494.
  • [42]
    M. M. Thomas, « Syncretism », dans N. Lossky et al. (éd.), Dictionary of Ecumenical Movement, Grand Rapids, 1991, p. 964-966.
  • [43]
    H. Kraemer, De Wortelen van het Synkretisme, ‘s-Gravenhage, 1937; The Christian Message in an Non-Christian World, Londres, 1938; « Syncretism as a Religious and a Missionary Problem », International Review of Missions, 43, juillet 1954, p. 253-273; « Synkretismus, II/ Im Wirkungsbereich der Mission », RGG, 3e éd., t. 6, 1962; Ét. Cornélis, Valeurs chrétiennes des religions non chrétiennes, 1965; A. Pieris, « Le Christ a-t-il une place en Asie? Vue panoramique », Concilium 246, 1993, p. 49-66 (l’auteur, un théologien shri-lankais né en 1934, compare les religions métacosmiques [les grandes religions universelles] à des hélicoptères auxquels les religions cosmiques [autochtones] serviraient de terrain d’atterrissage).
  • [44]
    Parmi les plus récents, signalons : J. Gort, H. Vroom, R. Fernhout, A. Wes-sels (éd.), Dialogue and Syncretism. An Interdisciplinary Approach [Actes d’un colloque int. tenu en mai 1988 à Amsterdam], Grand Rapids (Mich.)/Amsterdam, 1989; A. Motte, V. Pirenne-Delforge (éd.), Influences, emprunts, et syncrétismes religieux en Grèce ancienne. Actes du colloque de Bruxelles, 1993, publiés dans Kernos, 7, 1994, p. 11-217; K. Kehl-Bordogi, B. Kellner-Heinkele, A. Otter-Beaujan (éd.), Syncretistic Religious Communities in the Near East. Collected Papers of the International Symposium « Alevism in Turkey and Camparable Syncretistic Religious Communities in the Near East in the Past and Present » (Berlin, 14-17 avril 1995), Leiden/New York/Köln, 1997; C. Bonnet, A. Motte (éd.), Les Syncrétismes dans le monde méditerranéen antique. Actes du colloque international en l’honneur de Franz Cumont (Academia Belgica, 1997), Bruxelles/Rome, 1999.
  • [45]
    Les Syncrétismes dans les religions grecques et romaines, Actes du colloque de Strasbourg (9-11 juin 1971), Paris, 1973 (préface de Marcel Simon, qui souligne la plurivocité du terme).
  • [46]
    M. Tardieu, Annuaire, art. cité, p. 495-496.
  • [47]
    P. Lévêque, ibid., p. 183-185 : 1) Le syncrétisme-emprunt (la greffe), qui ne modifie pas en profondeur la religion emprunteuse; 2) le syncrétisme-juxtaposition, qui se manifeste par des habillages et de simples équations (Zeus assimilé à Jupiter, Isis assimilée à Déméter, ou la Vierge Marie à Isis; Zeus doté de l’attribut d’Indra, l’éléphant, sur des monnaies de Bactriane); 3) le syncrétisme-infléchissement; 4/ le syncrétisme-amalgame (la crase), défini comme « un mélange de deux religions faisant apparaître un ensemble différent de ses deux parties constituantes; 5/ un syncrétisme hénothéiste, « qui tend à rapprocher toutes les divinités d’un même sexe de plusieurs religions, comme si le divin, sous ses différentes formes et ses différentes appellations, restait fondamentalement unique ». Dans le même volume, on trouve cette définition, donnée par E. Laroche, « Un syncrétisme gréco-anatolien : Sandas = Héraklès », p. 103 : « Par syncrétisme, nous entendons la fusion en un nouveau système complexe de deux panthéons primitivement hétérogènes […] Deux conditions paraissent favorables sinon nécessaires à l’achèvement d’un tel amalgame. D’abord une certaine symbiose des populations […] D’autre part, la réussite d’un syncrétisme païen ne s’explique guère par une aspiration spontanée des populations en présence vers l’unité des cultes. Elle dépend surtout de la volonté centralisatrice d’un clergé conscient, s’appuyant sur un pouvoir politique fort » (p. 104).
  • [48]
    A. Motte, V. Pirenne-Delforge, Influences…, op. cit., p. 12.
  • [49]
    A. Motte, V. Pirenne-Delforge, ibid., p. 20; cette recommandation fut cependant assortie de deux nuances (voir p. 18).
  • [50]
    A. Motte, V. Pirenne-Delforge, ibid., p. 17.
  • [51]
    M. Tardieu, Leçon inaugurale, art. cité, p. 5.
  • [52]
    La remarque en est faite, très justement, par Chr. Marschies, art. cité, p. 539 (l’exemple à la p. 543). Reste qu’un J. Le Goff n’hésite pas à parler de syncrétismes (au pluriel) à propos de certaines traditions folkloriques : J. Le Goff, Pour un autre Moyen Âge, Paris, 1978, p. 223-235 (« Culture cléricale et traditions folkloriques dans la civilisation mérovingienne »).
  • [53]
    M. Tardieu, Leçon inaugurale, art. cité, p. 17. Un peu plus loin, p. 22, l’A. fait observer que le fondement scripturaire du christianisme est « un syncrétisme, puisque s’y trouvaient juxtaposés [sic] des écrits non chrétiens (la Bible juive) et des écrits chrétiens (évangiles et lettres apostoliques)… »
  • [54]
    M. Tardieu, ibid., p. 23.
  • [55]
    M. Tardieu, ibid., p. 25.
  • [56]
    C. Colpe, « Syncretism », dans M. Eliade (dir.), The Encyclopedia of Religions, t. 14, 1987, p. 218-227 (225).
  • [57]
    M. Meslin, L’Expérience humaine du divin…, op. cit., p. 245, propose « d’en limiter l’emploi au sens précis d’un système combinant des éléments divers provenant de doctrines et de représentations religieuses différentes. Il s’agit d’un mélange unificateur ou, si l’on préfère, d’un véritable patchwork idéologique qui assemble des matérieux disparates en vue d’une nouvelle construction religieuse. » Dénonçant l’usage du terme pour désigner de vagues isomorphismes entre systèmes religieux, l’auteur conclut : « En définitive, l’emploi du concept moderne de syncrétisme ne trouve que très rarement dans les faits sa justification : il doit toujours être soigneusement fondé sur l’analyse de cas particuliers » (p. 247).
  • [58]
    Fr. Dunand, « Sincretismi e forme della vita religiosa », dans I Greci, 2, III, Turin, 1998, p. 335-378; « Syncrétisme ou coexistence : images du religieux dans l’Égypte tardive », dans Les Syncrétismes dans le monde méditerranéen antique, op. cit., p. 97-116 : l’A. plaide pour un usage restreint du terme et une conception précise : « processus en vertu duquel des parentés (d’images, de fonctions, de pouvoirs…) entre figures divines d’origines différentes sont ressenties et pensées comme suffisamment fortes pour que soit opérée une fusion de ces figures, ce processus pouvant éventuellement conduire à l’élaboration de figures nouvelles ».
  • [59]
    A. Mary, Le Défi du syncrétisme. Le travail symbolique de la religion d’Eboga (Gabon), Paris, 1999. L’auteur recommande de distinguer « entre les syncrétismes comme produits syncrétiques […] et le syncrétisme comme procès de syncrétisation ou “travail syncrétique”… » (p. 11).
  • [60]
    Le plus vigoureux plaidoyer dans ce sens aura été celui de D. Sabbatucci, « Syncrétisme », Encyclopaedia Universalis, 15, Paris, 1968, p. 655-656; 17, Paris, 1985, p. 538-540; XXI, 1990, p. 980-982. Cet auteur ne voit au mieux dans la notion de syncrétisme qu’une notion descriptive dénuée de valeur scientifique, une simple convention qui n’explique rien. « Le prétendu phénomène syncrétiste s’est révélé de plus en plus inconsistant à mesure que s’étendait le champ de la comparaison [en histoire des religions] ». La fin de son article suggère que le phénomène à étudier n’est pas le syncrétisme, mais l’antisyncrétisme, l’attitude des religions fondées sur le prosélytisme.
  • [61]
    M. Meslin dit préférer à « syncrétisme » le terme général de « réinterpréta-tion » : « un processus par lequel d’anciennes signi-fi-cations reli-gieuses sont attribuées à des éléments nouveaux et où de nouvelles valeurs changent la signification culturelle des formes religieuses anciennes » (M. Meslin, « Rencontre des religions et acculturation », dans P. Mac Cana, M. Meslin (éd.), Rencontres des religions, Paris, 1986, p. 23). Déjà G. Dévereux, Ethnopsychanalyse complémentariste, Paris, 1972, avait proposé de substituer au concept de syncrétisme celui d’« acculturation antagoniste ».
  • [62]
    F. Stolz, « Synkretismus. I/ Religionsgeschichtlich », TRE, t. 32, 2001, p. 527-530 (528), l. 25; « Austauschprozesse zwischen religiöse Gemeinschaften und Symbolsystemen », dans V. Drehsen, W. Sparn (éd.), Im Schmelztiegel der Religionen. Konturen des modernen Synkretismus, Gütersloh, 1996, p. 15-36.
  • [63]
    Je n’ai pas encore pu accéder à T. Sundermeier, « Synkretismus und Religionsgeschichte », dans H. P. Siller (éd.), Suchbewegungen. Sunkretismus — Kultuelle Identität und kirchliches Bekenntnis, Darmstadt, 1991, p. 95 s.
  • [64]
    A. Couture, art. cité, p. 1379.
  • [65]
    L. Debarge, « Syncrétisme », Catholicisme, 14, 1996, col. 669-680 (672), oppose les « religions syncrétiques », ouvertes aux compromis et aux mélanges, aux « religions de conversion » farouchement antisyncrétiques.
  • [66]
    R. Pettazzoni, art. cité, p. 126-127; J. H. Kamstra, Encounter or Syncretism : The Initial Growth of Japanese Buddhism, Leyde, 1967; Fr. Champion, « Religieux flottant, éclectisme et syncrétismes », dans J. Delumeau (dir.), Le Fait religieux, Paris, 1993, p. 742-772 : « Le syncrétisme est au cœur de la scène religieuse japonaise » (p. 765).
  • [67]
    « Il [le terme de syncrétisme] est surtout réservé à présent à la polémique théologique entretenue par ceux qui opposent un christianisme authentique et originel à un christianisme “syncrétiste” qui se serait constitué sous l’influence d’apports païens et qui, comme tel, se serait transmis jusqu’à l’époque présente. […] Un tel débat repose sur la croyance en une vérité méta-historique du christianisme, vérité qui aurait été contaminée par ses réalisations historiques; c’est précisément l’image hypothétique d’une telle contamination qu’on regarde comme étant le syncrétisme. Mais, pour la science qu’est l’histoire des religions, la notion de l’objectivité d’un prétendu phénomène syncrétiste est parfaitement dépassée. » (S. Sabbatucci, art. cité, p. 655).
  • [68]
    Pour R. Bultmann, le christianisme non démythologisé est un christianisme syncrétiste. Il s’agit donc de redécouvrir voire de restaurer un christianisme authentique, originel, par delà ses réalisations historiques contingentes. Sur la démythologisation comme exigence d’épuration, voir L. Debarge, op. cit., col. 672.
  • [69]
    J. Aagaard, « Synkretismus », dans H. Krüger, W. Löser, W. Müller-Römheld (hrsg.), Ökumene Lexikon. Kirchen, Religionen, Bewegungen, Frankfurt-am-Main, 1983.
  • [70]
    F. Stolz, TRE, p. 528, l. 48-49.
  • [71]
    W. A. Visser’t Hooft, No Other Name : The Choice Between Syncretism and Christian Universalism, Londres, 1963; tr. fr. L’Église face au syncrétisme, Genève, 1964 (suit pour une bonne part la ligne tracée par H. Kraemer, en distinguant le syncrétisme négatif et l’approche positive, qu’il nomme accomodation); G. Thils, Syncrétisme ou catholicité, Tournai, 1967.
  • [72]
    Au § 15 (Concile Œcuménique Vatican II. Constitutions, décrets, déclarations, textes latins et français, Paris, Éd. du Centurion,1967, p. 563) : « toute apparence de confusionisme dans l’action œcuménique sera évitée »), le mot n’est pas prononcé; ce sont les éditeurs qui, dans l’index final, sous le vocable syncrétisme, ont raproché ce passage du suivant (§ 22; ibid., p. 578).
  • [73]
    Le § 22 d’Ad Gentes contient en filigrane le modèle positif d’adaptation dont le syncrétisme est la caricature dans la mesure où il est une « fausse synthèse » tout aussi néfaste que le « faux particularisme ».
  • [74]
    Voir l’index du précieux recueil édité sous le patronage du Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux, Le Dialogue interreligieux dans l’enseignement officiel de l’Église catholique (1963-1997), Textes rassemblés par F. Gioia, s. l., Éditions de Solesmes, 1998.
  • [75]
    Paul VI, Discours prononcé au Secrétariat pour les non-chrétiens, Rome, 25 septembre 1968 (Gioia, n° 255) : il s’agit de « prévenir tout danger d’irénisme et de syncrétisme et écarter toute fausse idée d’égale valeur des diverses religions. »
  • [76]
    « Audience générale du 22 octobre 1986 » (Gioia, n° 531) — l’impossibilité de prier en commun à Assise est expliquée, la possibilité de le faire est repoussée, mais le mot syncrétisme n’est pas prononcé. D’où vient la consigne d’avoir à éviter « non seulement le syncrétisme, mais aussi toute apparence de syncrétisme, qui est totalement contraire au vrai œcuménisme », citée par Jean-Paul II en 1990 (Gioia, n° 679)? En revanche, dans son explication à la Curie romaine du 22 décembre de cette même année (Gioia, n° 570, p. 415), le mot s’y trouve : « sans aucune ombre de confusion ni de syncrétisme ».
  • [77]
    L’expression « danger de syncrétisme » se trouve sous la plume du cardinal Arinze, dans sa lettre aux présidents des conférences épiscopales d’Asie, d’Amérique et du Pacifique, du 21 novembre 1993 (Gioia, n° 1024).
  • [78]
    Commission théologique internationale, « la Foi et l’inculturation », 1989 (Gioia, n° 1048), n° 3 : « l’inculturation qui emprunte la voie du dialogue entre les religions ne saurait en aucune manière donner des gages au syncrétisme ».
  • [79]
    Dialogue et annonce, Document commun du Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux et de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, 19 mai 1991 (Gioia, n° 998) : au § 74 de ce texte, on mentionne, parmi les obstacles à l’annonce, « dans un contexte pluraliste, le danger d’indifférentisme, de relativisme, de syncrétisme en matière religieuse ».
  • [80]
    Jean-Paul II, À des représentants de la communauté juive de Rome, 13 avril 1986 (Gioia, n° 522) : « chacune de nos religions […] veut être reconnue et respectée dans son identité propre, au-delà de tout syncrétisme et de toute appropriation équivoque. »
  • [81]
    Jean-Paul II, Aux évêques de Thaïlande en visite ad limina, le 30 août 1996 (Gioia, n° 876) : « Le signe de la catholicité de l’Église signifie que l’Évangile doit s’incarner dans la culture de tous les peuples […] La tâche nécessaire et difficile de l’inculturation ne signifie ni syncrétisme ni adaptation de la vérité. Elle implique au contraire que l’Évangile a le pouvoir intérieur de pénétrer le cœur même d’une culture et de s’incarner en elle. »
  • [82]
    Jean-Paul II, Aux représentants du monde politique, culturel et religieux, à Carthage, 14 avril 1996 (Gioia, n° 865) : « Les partenaires du dialogue [entre musulmans et chrétiens] seront assurés et sereins dans la mesure où ils seront vraiment enracinés dans leurs religions respectives. Et cet enracinement permettra l’acceptation des différences et fera éviter deux écueils opposés : le syncrétisme et l’indifférentisme. »
  • [83]
    Gioia, n° 677.
  • [84]
    R. Ortiz, « Du syncrétisme à la synthèse : Umbanda, une religion brésilienne », ASSR, 40, 1975, p. 89-97; Fr. Champion, p. 766 : « le Brésil est bien connu […] comme terre d’élection pour les syncrétismes, généralement dénommés “afro-brésiliens”, associant éléments africains, indiens, chrétiens, spirites […] On trouve au Brésil toutes les variantes de syncrétisme. »
  • [85]
    Gioia, n° 905.
  • [86]
    H. Pinard de La Boullaye, « Sincretismo », Enciclopedia cattolica, t. 9, Rome, 1953. Pas d’entrée à ce mot dans le Dictionnaire de Théologie Catholique de A. Vacant et E. Mangenot, 15 vol. Paris, 1903-1950; la courte notice consacrée à ce mot dans les Tables générales, IIIe P., 1972, col. 4106, ne renvoie qu’à l’hellénisme et à Leibniz. Pas d’entrée non plus à ce mot dans K. Rahner, H. Vorgrimmler (dir.), Petit Dictionnaire de Théologie Catholique (1961), ni dans J.-Y. Lacoste (dir.), Dictionnaire critique de théologie, Paris, 1998, ni chez K. Muller, Th. Sundermeier (dir.), Lexikon missionstheologischer Grundbegriffe, Berlin, 1987. L’approche de G. Biehn, « Synkretis-mus », Lexikon für Theologie und Kirche, 2e éd., t. 9, 1964, col. 1233, ne fait encore aucune mention de la religiosité occidentale actuelle. Il en va différemment, en revanche, chez L. Debarge, « Syncrétisme », Catholicisme, 14, 1996, col. 669-680.
  • [87]
    La notion est l’objet d’un article très développé (et auquel nous avons déjà renvoyé plusieurs fois ici) dans le TRE (vol. 32, 2001, p. 527-559 (I/ Religionsgeschichtlich; II/ Altes Testament; III/ Neues Testament; IV/ Judentum; V/ Kirchengeschichtlich; VI/ Dogmatisch; VII/ Praktisch-theologisch). Aucun paragraphe, curieusement, n’a été réservé à l’approche de ce problème dans l’Islam.
  • [88]
    J. Vernette, Le Nouvel Âge, Paris, 1990.
  • [89]
    K. Rudolph, « Synkretismus vom theologischen Scheltwort zum religionswissenschaftlichen Begriff », dans Humanitas Religiosa, Festschrift Harald Biezais, Stockholm, 1979, p. 193-212; J. Scheuer, « Les religions comme itinéraires. Leçons d’un “détour” par le bouddhisme », dans B. Van Meenen (dir.), Qu’est-ce que la religion?, Bruxelles, 2004, p. 63-92 (78).
  • [90]
    Fr. Bœspflug, « Faut-il bannir la notion d’idole? », dans R. Dekoninck, M. Watthee-Delmotte (éd.), L’Idole dans l’imaginaire occidental, Paris, 2005, p. 23-34.
  • [91]
    A. Couture, art. cité, p. 1379 s., signale ce qu’il y a d’ambivalent dans le concept, ce fantasme de pureté religieuse originelle, dont le véritable opposé serait éclectisme.
  • [92]
    J. Scheuer, art. cité, p. 77.
  • [93]
    P. Gisel, p. 1507. Si nous rejoignons l’auteur pour l’essentiel, nous croyons aussi qu’il ne faut pas qualifier tout emprunt ou toute réinterprétation de syncrétisme.
  • [94]
    On trouvera un plaidoyer en ce sens chez L. Debarge, « Syncrétisme », art. cité, sp. col. 679-680.
  • [95]
    M. M. Thomas, « The Absoluteness of Jesus-Christ and Christ-centred Syncretism », The Ecumenical Review, 37/4, 1985, p. 387-397.
  • [96]
    W. Müller-Römheld, « Thomas, M.M. », dans Ökumene Lexikon, col. 1169-1170; M. M. Thomas, dans « Syncretism » (article mentionné plus haut), présente les notions de « syncrétisme positif » (Peter Latuihamako, Indonésie), de syncrétisme supérieur (John Carman, Inde du Sud).
  • [97]
    L. Boff, Église, charisme et pouvoir, Paris, 1985, chap. VII : « Pour le syncrétisme : catholicité du catholicisme », p. 161-191 (161). « On y trouvera des définitions des divers types de syncrétisme (addition, adaptation, mélange, concordance, traduction, refonte…), et un plaidoyer pour le « syncrétisme refonte », processus « vital et organique » (J. Scheuer, « Les religions comme itinéraires. Leçons d’un “détour” par le bouddhisme », dans B. Van Meenen (dir.), Qu’est-ce que la religion?, Bruxelles, 2004, p. 63-92, ici p. 78-79).
  • [98]
    Th. Sundermeier, « Religion, Religionen », dans K. Müller, Th. Sundermeier (dir.), Lexikon missionstheologischer Grundbegriffe, Berlin, 1987, p. 411-423, sp. 418-419. Voir dans le même sens A. Peelman, L’Inculturation, l’Église et les cultures, Paris/Montréal, 1988, et J. D. Gort et al. (éd.), Dialogue and Syncretism, Grands Rapids (Michigan), 1989, selon qui toute inculturation du christianisme comporte sa part de syncrétisme.
  • [99]
    L. Debarge, « Syncrétisme », art. cité, col. 678.
  • [100]
    En 1998-1999, les lecteurs conventuels dominicains de la Province de France ont choisi pour thème d’année « Foi chrétienne et syncrétismes contemporains » (la Province de Toulouse ayant choisi de son côté « Les syncrétismes » comme thème des journées provinciales de Fanjeaux, les 28 et 29 juin 1999). Divers frères dominicains ont dès lors été interviewés (fort bien) par l’un d’eux, parmi lesquels Claude Geffré : Cl. Geffré, « Syncrétismes et foi chrétienne », Prêcheurs, n° 15, janvier 1999, p. 9-13.
  • [101]
    R. Pannikar, Entre Dieu et le cosmos, Paris, 1998.
  • [102]
    Cette idée affleure dès le début de l’article du TRE, et c’est peut-être la première fois que cette perspective d’étude est énoncée en clair.
  • [103]
    C. de Barloewen, Anthropologie de la mondialisation, Paris, 2003; Fr. Thual, Le Dieu fragmenté. Géopolitique des religions, Paris, 2004, et son interview dans Le Monde des religions, n° 3, janvier-février 2004, p. 18-21 : « La coexistence dans les grands centres urbains, qui sera le grand phénomène du xxie siècle, va-t-elle générer des syncrétismes? Cette question mérite d’être posée à l’horizon de deux ou trois générations […] Ces syncrétismes prennent aujourd’hui l’aspect de “nouvelles religions” numériquement limitées, mais qu’en sera-t-il demain? » (p. 20-21). L’A. rappelle que la moitié de l’humanité vit aujourd’hui dans les grandes villes, et que ce seront dans vingt ans les trois quarts de l’humanité. Or, dans les grandes villes modernes, à la différences de celles du passé, il y a de moins en moins de quartiers réservés, il y a un brassage de fait, au niveau des quartiers et des immeubles, et l’État n’impose plus aucune religion majoritaire. Faiblesse de l’analyse : l’auteur a une piètre idée de l’homme, qui à ses yeux n’est pas fondamentalement mauvais, mais fondamentalement je-m’en-foutiste (sic).
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