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Article de revue

Les produits ethniques dans les petits formats de vente

Les difficultés des canaux de distribution

Pages 65 à 74

1 Le marché britannique a été précurseur en ce qui concerne l’entrée des produits ethniques dans les supermarchés, survenue dès le début des années 90. Quelques années plus tard, la consommation ethnique a pris de l’essor en France. En 1995 le marché des produits ethniques était évalué à 933 millions de francs soit 142,23 millions d’euros avec une croissance de +30 % par rapport à l’année précédente (A. Forestier, 1997). Depuis, ce marché n’a cessé de croître (F. Pargny, 2002 ; Le Moci, 20 juin 2002). De nombreux salons internationaux en France et en Europe, sont des occasions pour les acheteurs des grandes centrales d’achat de découvrir des produits ethniques et de les adopter pour leurs réseaux. On peut citer le cas du Salon international des terroirs du monde (World Ethnic & Speciality Food Show) à Paris en juin 2002 qui intéresse les acheteurs des grandes enseignes. La venue de la grande distribution sur ce terrain est présentée dans la littérature naissante comme une réaction à la hausse de la consommation de ces produits avec, en corollaire, l’augmentation de l’importance des communautés. Ce papier démontre que ce sont les dysfonctionnements des canaux de distribution qui fragilisent les petits distributeurs.

2 La vente de produits ethniques en provenance de l’étranger — s’adressant principalement aux communautés installées en Europe — est l’occasion d’observer les difficultés d’organisation en amont de ces distributeurs dans la conquête du consommateur. L’ethnicité repose sur l’association produit-pays à l’évocation d’un des 2 items produits et pays (-. Usunier, 2002).

3 Ce papier traite d’un sujet très actuel : la consommation « ethnique » et ses conséquences sur le petit commerce indépendant. L’article s’intéresse aux segments de demande « ethniques » (les consommateurs qui appartiennent à des communautés étrangères, qui consomment ces produits) et non à la demande de produits ethniques pouvant émaner de n’importe quelle catégorie de population française (c’est-à-dire des personnes qui consomment ces produits sans appartenir à des communautés).

4 La problématique porte sur l’organisation interne du canal et son impact sur la vente du produit. L’article adopte un point de vue interne aux canaux de distribution (Channel management, relations entre acteurs…). Il a choisi son axe central de réflexion : les comportements des fournisseurs et intermédiaires travaillant avec les points de vente de produits ethniques.

5 L’intérêt de cette étude, est de démontrer les conditions d’optimisation de canaux desservant les petits formats de vente ethnique dans un secteur qui gagne en importance aux yeux du consommateur (A. Forestier, 1997). Cette catégorie du commerce traditionnel a jusqu’ici rencontré peu d’écho dans la littérature.

6 L’objectif de cette recherche, est de proposer une amélioration des modes d’organisation des canaux, des relations des intermédiaires avec les petits détaillants pour optimiser la disponibilité des produits ethniques. Nous essayerons d’expliciter les décisions marketing relatives au mode d’organisation en amont.

7 Nous étudierons les deux principales familles de produits ethniques présentes dans les boutiques et les grandes surfaces : les produits d’hygiène et de beauté d’une part, les produits alimentaires d’autre part.

8 Nous avons mené des entretiens auprès de représentants d’entreprises concernées (responsables de vente de sociétés import-export, propriétaires de boutiques exotiques, chefs de secteur et acheteurs de grandes enseignes de distribution, agents indépendants, revendeurs, intermédiaires occasionnels).

9 Nous présenterons d’abord notre champ d’analyse (en cernant le concept ethnique et en illustrant les pratiques de diversification des grandes surfaces pour les produits ethniques). Nous continuerons alors par l’analyse d’indicateurs permettant de caractériser les relations au sein des canaux de distribution grâce à une brève revue de la littérature. Nous serions ensuite en mesure d’envisager une transposition dans le domaine du commerce traditionnel ethnique, resté longtemps le lieu de distribution des produits ethniques et d’exposer notre problématique sur la vente des produits ethniques, sous l’angle des relations entre petits distributeurs et producteurs. Enfin, nous nous baserons sur les théories de l’échange relationnel et sur notre étude exploratoire pour suggérer une organisation de l’amont permettant d’améliorer l’acheminement et la vente des produits ethniques.

1. Notre champ d’analyse

1.1. Choix des concepts et leur définition

10 Il est utile de faire la différence entre les termes ethnique et exotique qui ne doivent pas être traités comme des synonymes. Le terme ethnique, dans la presse spécialisée, semble indiquer un niveau plus poussé qu’exotique, bien que la différence ne soit pas toujours nette. L’« ethnic food » est développée en référence à des groupes ethniques au travers des cuisines exotiques. L’engouement pour les produits ethniques n’a rien d’une attirance superficielle pour l’exotisme, mais renvoie à une réelle ouverture sur les autres cultures, l’ethnique va au-delà des envies d’exotisme des Occidentaux d’ailleurs (A. Forestier, 1997). Le concept ethnique a été abordé récemment par A. Jamal (2003) sous l’angle de l’identité. L’émigration a donné naissance à de nombreuses sous-cultures ethniques (G. Cui, 1997) ; J. Reardon & K. Mc Gowan, 1997). Certaines sous-cultures ethniques se caractérisent par une forme d’identité culturelle par leur lien avec leur pays d’origine respectif et leur installation sélective en Europe. Ce qui a conduit en Angleterre à l’avènement d’entreprises tenues par des minorités ethniques. Les entreprises se caractérisent par une forte identité, une dépendance mutuelle, un réseau reposant sur la confiance mutuelle et la réputation de la famille, et des aides venant des réseaux communautaires. Les minorités ethniques, principalement les Asiatiques (indiens, pakistanais, bangladeshis, chinois) et les Noirs des Antilles y ont développé plusieurs entreprises de vente au détail, avec une contribution de 5 milliards de £ par an à l’économie anglaise (A. Jamal, 2003). L’identité ethnique implique la possession en commun par une population d’attributs tels que la coutume, la langue, la religion, les valeurs, moralité selon M. Maffesoli (1996) et C. Webster (1994). Les consommateurs ethniques utilisent les produits comme matériau permettant de construire et de maintenir des identités multiples.

Encadré 1 : le type de clientèle concerné par cette étude

On note des attentes très spécifiques des 7,5 millions de consommateurs appartenant à des communautés ethniques ou religieuses en France. 7,5 millions de personnes de couleur, noires ou métissées ; soit 12,5 % de la population de la France métropolitaine (1 million d’origine asiatique, 4 millions d’origine nord-africaine et 2,5 millions d’origine africaine et antillaise), 60 % de la population à la peau noire ou métisse habitent l’ile-de-France, 20 % la région Paca (5). Les religions de France sont : 76,5 % de catholiques, 7,5 % de musulmans, 1,6 % de protestants, 1,2 % de juifs, 0,75 % de bouddhistes, 0,6 % de chrétiens d’Arménie, 0,3 % d’orthodoxes, 11,55 % autres (G. Siani, 1998). La France compte 4,5 millions de personnes de confession musulmane (72 % sont concentrés dans 4 régions : 32 % en Ile de France, 15 % en Rhône-Alpes, 15 % en Provence-Côte d’Azur, 10 % Nord-Pas-de-Calais), 750000 personnes de confession israélite, dont 15 % environ sont pratiquantes (Revue Administration du corps préfectoral. Octobre-décembre 1993).

Encadré 2 : les produits ethniques dans l’hygiène-beauté et l’alimentation

En hygiène-beauté, notre attention est attirée par les produits pour les peaux noires. Les grandes marques sont peu nombreuses sur ce marché de l’ethnocosmétique. Gemey (L’Oréal) a lancé Illusion vraie, une ligne de 9 teintes de fond de teint dont 2 couleurs ethniques, caramel et cacao. La crainte de créer des ghettos suscite des réticences de certaines marques. Sephytal, société spécialisée dans l’importation de marques américaines conçues pour peaux de couleur, est présente avec Flori Roberts, Dermablmend et la gamme Iman (du top-model somalien du même nom). On y retrouve aussi les marques Fashion Fair et Naomi Sims (C. Webster, 1994 ; V. Calon, 1999).
– Les produits alimentaires présentent aussi des attentes spécifiques. Les différentes populations souhaiteraient trouver les ingrédients de leur cuisine traditionnelle. Les grandes marques n’y répondent qu’à de rares exceptions près (F. Pargny, 2002 ; LE MOCI, juin 2002). Les attentes sont aussi d’inspiration religieuse émanant des communautés israélite et musulmane : les grandes marques sont peu nombreuses, citons quelques exceptions : le lait laban, consommé traditionnellement par les musulmans, a inspiré les grands laitiers. Lactel est présent avec Jolco.

11 Ce qui nous amène à un type de clientèle (cf. encadré 1).

12 C’est sur les attentes spécifiques de ce type de clientèle spécifique de l’encadré 1 que repose notre conception du produit ethnique, avec les 2 principales familles que sont les produits alimentaires et les produits d’hygiène-beauté (cf. encadré 2).

1.2. Distribution des produits ethniques : pratiques de diversification des grandes surfaces

13 Distribués essentiellement dans les petits magasins spécialisés dans les années 70, les produits ethniques ont quitté leur cible pour s’intéresser à l’ensemble de la population (G.R. Iyer. and J.-M. Shaprio, 1999). Aujourd’hui pendant que certaines boutiques ethniques visent les minorités, d’autres commerces s’intéressent aux deux segments selon A. Jamal (1996). Dans l’alimentaire, les GMS développent, plus fréquemment qu’en hygiène-beauté, principalement en région parisienne et autour des grandes villes comme Lyon ou Marseille, une offre de produits asiatique, portugais, antillais (cf. encadré 3).

Encadré 3 : distribution des produits ethniques dans les grandes surfaces

Selon les expériences de distribution relatées dans la presse, l’offre des distributeurs reste très occidentalisée (V. Calon, 1999). Casino et Carrefour envisagent de mener une démarche plus systématique à ce niveau. L’opération Asie de Carrefour en 2003 portait sur 120 références qui allaient du textile aux petits meubles, idem pour Auchan, Casino et Champion ; on observe que les distributeurs anticipent de plus en plus sur le nouvel an chinois… Carrefour a procédé à la sélection d’une gamme pilote de produits capillaires et de maquillage spécifiques pour les peaux noires et métisses : des kits de défrisage Gentle Treatment, une quinzaine de références de soins capillaires aux marques Goldy’s et Cariline, une trentaine de produits de maquillage Posner et la marque de soins capillaires Activilong.
Monoprix, déjà enseigne pionnière dans ce domaine en proposant dès 1972 des denrées ashkénazes et séfarades, continue aujourd’hui avec sa gamme de « recettes venues d’ailleurs » (S. Guingois et B. Askenazi, 1998 ; LSA, n° 1607, 19 novembre 1998). L’avance des pays anglo-saxons dans la commercialisation de produits ethniques est forte. Les marques de distributeurs anglais ont structuré l’offre des produits alimentaires et cosmétiques et ont apporté leur caution. Asda, Tesco, Safeway, M & S s’intéressent aux deux segments que constituent les Européens et les minorités (A. Jamal, 1996). Il y a, par exemple, 60 références exotiques à la marque de Sain’s, recettes indiennes, malaisiennes, japonaises, chinoises. Un code couleur par pays : noir pour la Chine, rouge et vert pour l’Italie. Des livrets de recettes sont disponibles en magasin et proposés sur le site Internet de Sainsbury.

14 En hygiène-beauté, les consommatrices noires et métisses sont encore les grandes ignorées de la grande distribution. Elles sont obligées d’avoir recours au circuit africain composé de petites boutiques spécialisées vendant des produits importés de prix et de qualité très inégaux. On note cependant une évolution des données (F. Pargny, 2002). Les grands magasins ont commencé à référencer des marques spécifiques telles que Fashion Fair, Fiori Roberts ou Naomi Sims. Séphora a mis en avant la gamme Iman, certains magasins, dans la grande distribution accueillent quelques produits, essentiellement des soins capillaires, destinés aux consommateurs de couleur, au cas par cas, en fonction de leur zone de chalandise.

2. Canaux de distribution : du moderne à l’ethnique

15 Nous examinerons la littérature sur les canaux modernes et traditionnels, puis la possibilité d’une transposition aux canaux traditionnels ethniques.

16 On définit l’organisation du canal de distribution comme « voie d’acheminement de biens et de services entre le producteur (ou l’importateur) et le consommateur (ou l’utilisateur final), avec l’intervention éventuelle de commerçants et d’intermédiaires (selon l’Académie des Sciences Commerciales).

17 Le Canal transactionnel d’après D. Bowersox, B. Cooper, D. Lambert et D. Taylor (1980) renvoie à la négociation des termes de l’échange, par exemple entre un industriel et un détaillant, au transfert de titres de propriété, à la commande puis au règlement des biens échangés. Ce qui nous intéresse dans cette recherche, ce sont les rapports de force au sein des canaux de distribution, et comment ils influencent les produits.

2.1. Des indicateurs pour caractériser les canaux modernes et traditionnels

18 L’analyse du canal de distribution est complexe. Le pouvoir dans les canaux de distribution a été abondamment étudié dans la littérature. Plusieurs indicateurs sont utilisés pour caractériser le canal dans ses rapports de force, à savoir la taille du distributeur, les sources de pouvoir, le type de produit, la provenance du produit (le pays d’origine du produit), le type et l’image du magasin.

2.1.1. La taille du détaillant comme déterminant du rapport de force

19 Les canaux de distribution sont marqués par la centralisation et l’accroissement de la puissance d’achat des détaillants selon le principe, acheter au mieux pour vendre à bas prix, P. Moati (2001). Le phénomène de concentration dans la grande distribution se traduit par le fait qu’un distributeur pèse de plus en plus dans le CA du fabricant.

20 Plus le volume des transactions réalisées avec chaque fournisseur est faible et moins le pouvoir de négociation s’en trouve renforcé, concernant les remises et les quantités (M. Filser, 1998). La question du référencement a permis d’évoquer l’existence des centrales, symbole de la toute-puissance du commerce moderne.

21 Mais cette dominance du distributeur n’est pas adaptée au commerce traditionnel où la taille est faible.

2.1.2. L’apport des théories d’organisation sur le pouvoir dans les canaux

22 La taille n’explique pas tout. C’est ainsi que les analyses behavioristes, traitant les relations industrie-commerce, ont souligné les capacités du distributeur à influencer à son avantage différentes variables stratégiques (M. Dietsch, 1996). Elles constituent une rupture avec la littérature qui a longtemps privilégié les contraintes verticales impulsées par les industriels pour contrôler le partage des profits au sein du canal selon French et Raven (1959). L’approche se résume à l’énoncé de 5 sources de pouvoir du détaillant : la sanction, la récompense, l’expertise, la légitimité et la valeur de référence. S. Hunt et J. Nevin (1974), ont regroupé les canaux de distribution en 2 catégories : les sources non coercitives (récompense, expertise, légitimité et valeur de référence) et les sources coercitives (sanction). Les sources non coercitives réagissent en fonction du type de canal (Erdem et L. Harrison-Walker, 1998), à savoir le pouvoir de récompense et d’expertise pour les canaux administrés et le pouvoir de légitimité et de référence pour les canaux intégrés.

2.1.3. Le type de produit

23 La politique des achats poursuit les objectifs d’attractivité et de rentabilité. Elle varie en fonction des marques nationales, MDD et produits premiers prix (Filser M., Des Garets V., et G. Paché, 2001). Quand un produit donné est déjà commercialisé par l’enseigne (référencement répété), la discussion avec le fournisseur est rapide et simple, puisqu’elle ne porte que sur les résultats commerciaux et financiers de ce produit. Au contraire, en cas de modification de l’ensemble des éléments de la politique marketing (prix de l’article, positionnement sur le marché, forme ou nature du conditionnement) la discussion est plus longue et complexe, concerne un plus grand nombre d’intervenants. La politique d’achat varie en fonction du type de produit, mais le rapport de force concerne plutôt le type d’achat (Fady, 1982). Le type de produit peut donc déterminer un certain rapport de force au sein des canaux de distribution.

2.1.4. La provenance du produit (le pays d’origine du produit)

24 Avec le recours à l’internationalisation des achats, le changement de configuration peut menacer le rapport de forces en faveur du pays d’origine. C’est pourquoi la grande distribution cherche à susciter un contre-pouvoir vis-à-vis des oligopoles industriels et accroître la diversité des assortiments proposés aux consommateurs dans les magasins (Shaw S., Dawson J. et Blair L., 1992). Les achats à l’étranger sont associés à la notion de risque avec l’apparition des comportements opportunistes. L’opportunisme est défini par E. Allix-Desfautaux (1992) comme toute attitude visant à divulguer sur le marché des informations fausses, omettre la transmission de données importantes pour la conclusion d’un contrat ou toute attitude visant à privilégier les intérêts d’une partie au détriment d’une autre. C’est la référence implicite au paradigme transactionnel (O. Williamson, 1975). On attribue aux intermédiaires indépendants l’opportunisme pré ou post-contractuel ; ce qui constitue une source d’incertitude comportementale pour ces prestataires extérieurs. Ces comportements opportunistes revêtent des formes spécifiques selon les zones géographiques. Dans les PVD, plus les intermédiaires locaux se sentent libres de leurs mouvements, plus ils atteignent des niveaux d’opportunisme élevés d’après V. Tsapi (1996). La divulgation d’informations erronées pour l’Afrique du Nord, l’introduction de clauses contractuelles exorbitantes pour l’Asie du Sud-Ouest et la complexification exagérée du développement autonome de circuits d’importation directe pour les ex-Pays de l’est (E. Allix-Desfautaux, 1992). Pour faire face au risque lié à l’achat international, le détaillant a généralement le choix entre recourir à des intermédiaires indépendants ou développer en association des circuits d’importation directe.

2.1.5. Le type et l’image du magasin

25 Au sein de ce courant du pays d’origine du produit (country of origin), il existe une littérature « store image » qui soutient que la provenance du produit ne suffit pas pour caractériser le canal. Elle utilise le type et l’image du magasin comme attributs, à côté de la provenance du produit.. L’image du pays d’origine a été étudiée comme déterminant dans le débat standardisation/ adaptation, pour des firmes appartenant aux secteurs de biens de consommation, biens d’équipement des ménages, biens industriels et services, dans le cas des échanges France/Allemagne (J. Liouville, 1999). Étudiant le cas de Marks & Spencer en Grande-Bretagne et en Espagne, des chercheurs comme S. Burt et J. Carralero-Encinas (2000) ont montré que l’image du point de vente, qui comporte des éléments tangibles et intangibles, compte dans le développement international du distributeur. Si l’on veut reproduire à l’identique le concept de vente à l’étranger, l’image de marque doit être prise en compte, ce qui constitue un avantage compétitif.

26 On peut penser que cette image du magasin aurait des effets sur les relations de l’entreprise avec ses partenaires en amont et en aval.

2.2. Transposition aux canaux traditionnels ethniques peu abordée

27 Les variables que nous venons d’exposer, à savoir la taille du distributeur, les sources de pouvoir, le type de produit, la provenance du produit (le pays d’origine du produit), le type et l’image du magasin, n’ont pas été reprises dans le contexte du petit commerce ethnique. Le petit commerçant n’opère pas forcément un choix des fournisseurs. C’est davantage le fabricant qui choisit des canaux de distribution. La petite taille et les difficultés de cerner les sources de pouvoir sont abordées pour identifier le canal traditionnel. Il est caractérisé par une absence totale de coordination entre ses membres, une décentralisation du processus de prise de décision et une renégociation des conditions de l’échange lors de chacune des transactions (exemple : les commerçants du Sentier à Paris) (Filser M., Des Garets et Paché (2001).

2.3. L’origine ethnique du distributeur

28 De nombreuses recherches anglo-saxonnes ont abordé les attentes spécifiques du consommateur ethnique (L. Corliss Green, 1995 ; C. Kaufman, 1991. On trouve parmi les fournisseurs de produits ethniques des petites entreprises étrangères. C’est en cela que réside l’intérêt d’une approche qui met en relation l’origine ethnique des détaillants et des consommateurs d’une part et la consommation d’autre part (A. Jamal, 2003).. Les détaillants des différents groupes ethniques jouent un rôle d’« intermédiaire culturel » en faisant évoluer les habitudes des consommateurs vers davantage de changement en encourageant la co-existence, la tolérance et la liberté dans les différents styles de vie (Jamal, 2003).

29 L’auteur a étudié les deux segments ethnique et non ethnique pour effectuer des comparaisons et identifier leurs fonctions respectives. Ainsi, les distributeurs jouent un rôle de facilitateur vis-à-vis du consommateur dans l’adoption des produits propres à sa culture : ils offrent des produits ethniques à des prix raisonnables, ils aident les nouveaux arrivants, ils encouragent des contacts avec la culture d’origine en utilisation des médias ethniques, ils donnent des informations sur les nouveaux produits ethniques.

2.4. Notre proposition

30 Certains critères issus de la littérature tels que la taille du distributeur, les sources de pouvoir, le type de produit, la provenance du produit (le pays d’origine du produit), le type et l’image du magasin nous semblent intéressants à examiner : la dominance du distributeur ne se vérifie pas au sein du commerce traditionnel ethnique, les sources non coercitives (récompense, expertise, légitimité et valeur de référence) et les sources coercitives (sanction), la discussion avec le fournisseur plus rapide et simple quand un produit donné est déjà commercialisé par l’enseigne (référencement répété), et des niveaux d’opportunisme des intermédiaires locaux libres de leurs mouvements. L’appartenance au groupe ethnique est un facteur à examiner dans les relations au sein des canaux de distribution de produits ethniques.

31 Le mode d’organisation des relations en amont entre distributeurs et producteurs varie sur un continuum marché/hiérarchie selon deux approches (O. Williamson, 1975 ; B.C. McCammon, 1970).

32 La théorie des coûts de transaction peut être enrichie par la théorie de l’échange relationnel qui propose un continuum échange discret/ échange relationnel (I.R. Macneil, 1980). Dans l’échange discret selon la théorie économique néoclassique, les transactions ne visent qu’à transférer la propriété d’un produit (références aux intérêts réciproques et aux sanctions économiques et légales pour faire respecter les obligations contractuelles). Dans le cas de l’échange relationnel, le contexte historique et social des transactions est pris en compte, le respect des obligations découle de la mutualité des intérêts des parties. Pourtant la solidarité, la flexibilité et l’échange d’information sont des normes importantes pour les canaux de distribution concernant l’échange de type relationnel (J.B. Heide, 1994).

33 Les coûts de transaction sont remis en cause par ceux qui avancent qu’ils ne sont pas assez riches pour appréhender les relations contractuelles complexes qui se déroulent au sein du canal type.

34 Le prix, l’autorité et la confiance sont des alternatives indépendantes de mode d’organisation du canal, pouvant être assemblées de diverses façons (Robicheaux et Coleman, 1994 ; Bradach, & Eccles, 1989). Tout ceci peut être interprété comme un faisceau de difficultés auxquels sont confrontés les acteurs des canaux de distribution de produits ethniques.

Encadré 3 : la méthodologie adoptée

Nous avons trouvé peu de travaux sur le commerce ethnique en France. C’est la raison pour laquelle nous avons opté pour une démarche inductive. L’objectif poursuivi est de mettre à jour quelques grandes tendances liées au comportement des entreprises travaillant dans les circuits de distribution des produits ethniques. Nous avons donc décidé de procéder à des entretiens semi-directifs. La revue de la littérature a débouché sur 5 thèmes principaux que nous avons retenus comme guide d’entretien : les produits ethniques présents aussi bien dans les boutiques que dans les GMS, les rapports de force distributeurs/fournisseurs/intermédiaires, les risques à l’international, l’impact sur la politique marketing des points de vente des produits ethniques, les relations avec la communauté.
27 entretiens d’une durée comprise entre 45mn et 1 heure ont été menés auprès de représentants des entreprises concernées (responsables de vente de sociétés import-export, propriétaires de boutiques exotiques, chefs de secteur et acheteurs de grandes enseignes de distribution, agents indépendants, revendeurs, intermédiaires occasionnels). Les données recueillies ont été retranscrites informatiquement de façon exhaustive et analysées sur sphinx lexica. Ce qui a permis d’identifier les principales catégories sémantiques ou séquences répétées selon le type d’intermédiaire.

2.4.1 D’où notre proposition

35 Nous avançons une proposition dont nous espérons voir les grandes lignes dans notre recherche exploratoire.

36 La distribution des produits ethniques connaît des difficultés liées à la spécificité de ses canaux et à l’influence de logiques autres qu’économiques, avec pour conséquence la non maîtrise des prix et des produits dans les points de vente.

2.5. Choix des Entretiens

37 Nous étudierons les canaux de distribution des produits ethniques présents aussi bien dans les boutiques que dans les GMS, les produits d’hygiène-beauté et les produits alimentaires qui étaient hier en vente principalement dans les points de vente exotiques, mais qui ont été récemment introduits dans les hypermarchés.

Tableau 1

notre cadre d’analyse

IDEES ISSUES DE LA LITTERATURE SUR LE COMMERCE ETHNIQUE
Critères utilisés dans la littérature
pour le commerce traditionnel
ethnique
Principales idées dévelop
pées
Idées à retenir pour le petit commerce traditionnel ethnique
Origine ethnique des détaillants Influence le changement du
comportement du consom
mateur ethnique vers plus
d’ouverture
L’origine ethnique des détaillants et des intermédiaires
IDEES DU COMMERCE MODERNE ET TRADITIONNEL À TRANSPOSER
Critères utilisés dans la littéra
ture pour le commerce moderne
ou traditionnel
Taille, concentration 5 sources de pouvoir
Phénomène de concentration
Centrale d’achat
référencement
Notion de pouvoir
les sources non coercitives et
les sources coercitives
Petite taille
Difficulté de cerner les sources de pouvoir
Provenance du produit Critère :
nationalité des fournisseurs,
provenance du produit (pays
d’origine)
des risques : les comporte
ments opportunistes avec
Internationalisation des
achats,
comportements opportunistes, selon les zones géographiques :
– Afrique du Nord : divulgation d’info erronées
– Asie du Sud-Ouest : introduction de clauses contractuelles exorbitantes
– ex-Pays de l’est : complexification exagérée des négociations
– dans les PVD
le recours à des intermédiaires indépendants : des niveaux d’opportu
nisme pré ou post-contractuel relativement élevés avec les intermédiaires
locaux situés dans les PVD E. Allix-Desfautaux (1992
Critère : type de produit
marques nationales, MDD et
produits premiers prix)
critère : type d’achat produits
à référencements répétés ou
nouveaux
influence de multiples
variables modératrices sur
l’objectif d’attractivité et de
rentabilité
Particularité du produit ethnique
Type de produit
– l’ethnofood »,
– les produits cosmétiques- les produits artisanaux
produits ethniques consommés principalement par une communauté #
produits consommés par toutes les catégories de la population
Critère : type de magasin et image
du magasin comme attribut à côté
de la, provenance du produit
Prise en compte du client, à étendre pour nous à la particularité du client,
un client demandeur de produits ethniques
Des magasins spécialisés dans ces produits ethniques
DEDUCTION DE NOTRE PROPOSITION
Les produits ethniques connaissant des difficultés liées à la spécificité de ses canaux de distribution subissent l’influence de logiques autres
qu’économiques avec, pour conséquence, la non maîtrise des prix et des produits en point de vente
• Ces difficultés sont :
– ils sont en nombre limité dans les points de vente (les grandes marques brillent par leur absence sur ce marché de l’ethnocosmétique, les
grandes marques peu nombreuses n’y répondent qu’à de rares exceptions près. Les produits authentiques venus d’ailleurs sont plutôt rares
en GMS, même si l’on sent un intérêt croissant de la part de la grande distribution),
– ils sont irréguliers, peu disponibles,
– ils sont de faible notoriété des marques, insuffisance d’informations sur les emballages
• Les conséquences sont : un rôle plus important des intermédiaires, au détriment du détaillant, dans la structuration de l’offre au sein des
points de vente.
figure im1

notre cadre d’analyse

38 Nous avons mené des entretiens auprès des principaux acteurs : responsables de vente de sociétés import-export, propriétaires de boutiques exotiques, chef de secteurs et acheteurs de grandes enseignes de distribution, agents indépendants, revendeurs, intermédiaires occasionnels.

39 La méthodologie mise en œuvre est présentée dans l’encadré 4.

3. Construire une organisation de l’amont efficace

3.1. Trop d’intermédiaires en amont

40 On constate l’existence d’une complexité d’acteurs relevant du « formel » et de « l’informel ». Ces agents fournissent, en produits ethniques, différents points de vente (cf. tableau 2).

41

  • Les distributeurs

42 Ce sont, soit des détaillants qui exploitent des magasins dits exotiques, soit des grossistes-importateurs qui vendent des produits alimentaires et d’hygiène-beauté fabriqués en Asie ou en Europe (France, Italie, Espagne), ainsi que des produits africains alimentaires importés du Sénégal et/ou fabriqués à Marseille, ou achetés aux forains (Sénégalais et Maghrébins) et aux vendeurs ambulants.

3.1.1. Les intermédiaires

43 Les gérants des boutiques de cosmétique travaillent également avec les Asiatiques qui importent d’Asie, des États-Unis ou d’Afrique l’ensemble de ces produits. On dénombre plusieurs forains et importateurs occasionnels.

44

  • les importateurs occasionnels, qui viennent à Paris, Lyon et Marseille trois à quatre fois dans l’année, sont en général des femmes qui naviguent entre la France et l’Afrique Occidentale, acheminant dans un sens des produits artisanaux (beurre de karité, sculptures en bois, colliers en cuir ou de perles, vêtements, djembés, etc.) et dans l’autre des produits manufacturés d’origine essentiellement asiatique qui transitent par la France et par l’Italie.
  • les forains, qui connaissent le terrain mieux que les importateurs, vendent sur les marchés et les foires des produits asiatiques et africains.
  • les vendeurs ambulants servent de passerelle entre les réseaux. Ils sont l’expression de cette entente en distribuant des produits africains et asiatiques dans les quartiers populaires des cités de Paris, Lyon et Marseille.
  • les importateurs asiatiques ont une bonne connaissance des produits. Pour beaucoup de vendeurs, l’économie informelle est un tremplin qui leur permet d’accumuler du capital pour investir ultérieurement dans une activité moins fatigante et plus lucrative, pour autant que leur situation administrative le permette. A la fois fournisseurs et concurrents, les commerçants asiatiques tiennent des boutiques ethniques et livrent aussi les commerçants africains en produits divers.

45 Le nombre d’intermédiaires est important, ce qui augmente des coûts de distribution : le détaillant ethnique, à défaut de grandir, fait le choix des circuits parallèles ou informels. Les liens « formels » entre les commerçants asiatiques et une catégorie de commerçants africains se matérialisent par le volume important des transactions.

Tableau 2

principales catégories sémantiques au sein des canaux de distribution de produits ethniques

Nature du canal
Nom de société
Pays d’origine
Importance
des produits ethniques
dans leur activité
Discours
Principales séquences répétées retenues par le logiciel
Import-export, société de commerce interna
tional, grossistes
– Distriborg
– Importateur Racines (Montpellier)
– Importateur asiatique Tang (Paris)
– Importateur asiatique Terre de Chine (Paris)
– Dakatine, Strasbourg
1-Importateur (Afrique)
– petit fabricant (Afrique)
– Tropique Exo Paris
Faible
Forte
Forte
Moyenne
Assez faible
– Les boutiques ne nous intéressent pas
– Ils n’arrivent pas à payer
– nous livrons occasionnellement en grande surface
– j’importe directement de Chine, c’est mieux
– Il faut savoir dire non aux grandes surfaces… je veux rester
indépendant
– Je préfère travailler avec ceux qui paient la qualité, qu’avec -les
grandes surfaces qui négocient toujours le plus bas prix
– Je travaille avec, j’ai pas l’intention de changer
Des propriétaires (asiatiques et africains) de
petits magasins dits exotiques :
8 magasins exotiques du quartier du Sentier
à Paris
5 magasins exotiques de la grande rue de
Guillotière à Lyon
4 magasins exotiques du quartier St-Bruno et
du centre-ville de Grenoble
4 magasins exotiques sur le vieux port à
Marseille
Très forte
Très forte
Très forte
Très forte
– mon histoire, j’ai tenté ma chance ici en quittant mon pays d’origine
– mon projet doit réussir
– j’ai tenté ma chance grâce à l’aide des ressortissants de mon pays
– il me demande de payer cash
– c’est mon cousin, je peux difficilement lui réclamer des comptes, s’il
me livre pas comme convenu
– s’il a pris l’avion, je suis livré, si non…
– j’ignore si ce produit est chez Carrefour
– mes fournisseurs sont des membres de ma communauté ethnique
– je travaille avec mes enfants
2 chefs de secteur d’hypermarché
2 acheteurs grande distribution (Casino et
Carrefour)
– les petits fournisseurs étrangers n’arrivent pas à suivre pour de plus
grosses quantités…
4 Revendeurs localisés à Paris, Lyon, Marseille
et Grenoble
Ça dépend – je travaille avec les boutiques si l’occasion se présente
2 Agents indépendants localisés à Paris Faible - nous avons des soucis de respect des engagements avec plusieurs
petits points de vente exotiques
- aujourd’hui on travaille, demain on arrête, …
figure im2

principales catégories sémantiques au sein des canaux de distribution de produits ethniques

Figure 1

complexité d’acteurs : mélange de formel avec l’informel

figure im3

complexité d’acteurs : mélange de formel avec l’informel

46 On note des relations plus inégalitaires entre commerçants asiatiques et vendeurs ambulants africains. Elles sont caractérisées par la dépendance, la concurrence et la complémentarité entre les différents acteurs. Pour une partie de leurs produits, les grossistes africains sont en concurrence avec leurs homologues asiatiques. Les réseaux asiatiques et africains sont très segmentés et fonctionnent de façon autonome du point de vue de la circulation des produits entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique d’une part et de la main-d’œuvre d’autre part.

47 Le tableau 3 montre que les détaillants, dans la plupart des cas, sont tributaires des réseaux de distribution parallèles. Cette complexité de relations a un impact sur le mix du distributeur. Les personnes interviewées admettent l’existence de relations très ponctuelles entre grossistes ou importateurs occasionnels et les commerçants des deux groupes surtout en cas de rupture de stock. Les grossistes ou les importateurs occasionnels font des crédits aux détaillants et leur appliquent des tarifs spécifiques.

3.2. Rechercher l’équilibre entre les 2 logiques

48 Pour satisfaire le client destinataire du produit ethnique, en bout de chaîne, il faut rechercher l’équilibre entre les 2 logiques, le formel (exigences économiques de performance) et l’informel (prise en compte de l’ethnicité des acteurs dans une vision interculturelle). Les étrangers, membres des différentes communautés ethniques sont très nombreux. Prétendre choisir les plus performants économiquement, c’est réduire drastiquement son réseau de partenaires. Mais ne se limiter qu’à une logique communautaire, c’est obérer ses résultats.

49 L’enquête a révélé 3 types de produits : les produits fortement présents en grande surface ; les produits faiblement présents en grande surface et les produits absents des grandes surfaces.

50 Catégorie 1 (les grandes surfaces ont gagné des parts de marché)

51 Les produits cosmétiques pour des communautés ethniques sont distribués aujourd’hui par L’OREAL dans les grandes surfaces. Les difficultés de mise en place d’une centrale d’achat par les petits détaillants sont nombreuses ; faire entrer des centaines d’épiciers dans une organisation d’achat est problématique, pas seulement pour des difficultés de financement, la volonté de travailler ensemble ne va pas de soi. Demander aux distributeurs concernés de se regrouper dans des structures d’achats supranationales est hasardeux quant on connaît le sort réservé à ces types d’organisme. Certains détaillants ont souligné que leurs clients n’étaient pas satisfaits des prix affichés dans les boutiques ethniques, du manque de choix, de la rupture fréquente des stocks. Les producteurs africains pour les produits en provenance de l’Afrique : archaïsme du réseau de distribution (relation, occasion d’un voyage, courtier…).

Tableau 3

Relations dépassant le cadre classique marché/hiérarchie

entre grossistes Grossistes et détaillants
Formes d’orga
nisation
grossistes africains
et asiatiques
des petits groupes commerçants asiati
ques et vendeurs
ambulants
grossistes ou importa
teurs occasionnels et
les commerçants
commerçants asiatiques et une
catégorie de commerçants (les
forains, les bazars, les boutiques
de cosmétiques et d’esthétique
et, du côté asiatique, principale
ment des grossistes et des impor
tateurs)
Faits Concurrence des
asiatiques
Des rapports
d’entente mutuelle,
de dépendance, de
concurrence
Des relations plus
inégalitaires
Les importateurs
occasionnels fournis
seurs de produits
africains exportateurs
et clients des commer
çants asiatiques
Les liens « formels » entre les
commerçants reconnus par l’admi
nistration et une catégorie de
commerçants africains.
Les transactions effectuées
portent sur des volumes impor
tants, la qualité des relations
entre acteurs participe du dévelop
pement des activités qui les
relient.
figure im4

Relations dépassant le cadre classique marché/hiérarchie


– grossistes asiatiques : (50 % du CA des magasins de commerçants africains) (80 % du CA des magasins de commerçants asiatiques)
– grossistes africains (20 % du CA des magasins de commerçants africains) (10 % du CA des magasins de commerçants asiatiques)
– grossistes ou importateurs occasionnels (20 % du CA des magasins de commerçants africains)
– forains (20 % du CA des magasins de commerçants africains)

52 Catégorie 2 (concurrence entre trop faible, forte dominante des petits détaillants)

53 Les supermarchés ethniques comme Tang possèdent une clientèle constituée aux deux tiers par les Asiatiques. Mais les Français sont aussi sensibles à l’offre exotique. Les boutiques exotiques présentent certains archaïsmes typiques du secteur informel.

54 Catégorie 3 (monopole des boutiques ethniques)

55 Le Chinois veut en France retrouver des produits chinois, comme le ferait le Français à l’étranger. Chez les Asiatiques, d’après les vendeurs ambulants, les prix sont plus intéressants. Les « Chinois » manifestement bénéficient de modalités d’approvisionnement très économiques à l’intérieur de leurs propres réseaux. Les détaillants travaillent avec les importateurs et détaillants asiatiques de Marseille ou de Paris, notamment pour l’acquisition de poissons congelés en provenance des côtes africaines, de conserves et de jus de fruits exotiques, de fleurs d’oseille séchées, de riz thaïlandais, etc.

3.3. Les actions à mener

56 Selon la catégorie de produits, (leur positionnement sur le marché), et les problèmes posés par la nature des canaux, nous préconisons des actions à mener (cf. tableau 4).

57 Dans les canaux où dominent les grandes sociétés import-export et les sociétés de commerce international, il est difficile de supplanter les plus grandes surfaces du fait de leur taille, les petits formats étant trop atomisés. Insuffler une double logique formelle et informelle (au sens de communautaire) serait pertinent pour les catégories de produits essentiellement africains ou asiatiques. Les boutiques ethniques sont aussi menacées par le fait que la provenance du pays d’origine attire aujourd’hui moins de consommateurs. Ces derniers se tournent davantage vers les marques perçues comme des gages, à leurs yeux, de qualité.

Conclusion

58 La dimension culturelle reste dominante au sein des canaux de distribution des produits ethniques. On retrouve les étrangers dans les différents canaux de distribution. C’est une variable intéressante à intégrer dans l’approche des relations entre acteurs. La dimension économique, présente dans la plupart des études sur les canaux, ne pèse pas toujours devant des considérations chères aux communautés. La prise en compte des rapports au sein de la communauté fait conjuguer deux logiques : pour travailler dans ce secteur des produits ethniques, il faut intégrer les us et coutumes des différents pays d’origine. Ecarter cette dimension culturelle pour ne privilégier que la performance économique mène à terme à une impasse. La place de l’informel est considérable. Mais, il y a des liens formels qui marchent. Il y a aussi des relations inégalitaires, lorsque les petits partenaires ne trouvent pas d’intérêt à grandir ou lorsque des acteurs sont lésés. On note des relations de dépendance, de concurrence et de complémentarité. Toutes ces considérations montrent que les acteurs sont réticents aux changements. Les modes d’organisation des canaux sont complexes, on ne peut pas conseiller au petit détaillant uniquement l’alliance dans une grande structure, s’il n’a pas la capacité de suivre, et surtout, de se développer. On ne peut pas non plus lui dire de s’en remettre entièrement au marché (marché/unilatéral et hiérarchie/bilatéral). Des importateurs, dont l’activité dans le domaine des produits ethniques baisse au jour le jour, manifestent de moins en moins d’intérêt à livrer les petites boutiques qui représentent pourtant l’essentiel de l’offre. Celle-ci reste très atomisée. La venue des grandes surfaces a aussi des conséquences sur la part de marché des importateurs grossistes qui n’y trouvent pas tous leurs comptes. Les petits fabricants et fournisseurs étrangers sont plus que réticents à l’idée de travailler davantage avec les grandes surfaces. Les ressortissants asiatiques contrôlent de plus en plus ce marché aussi bien en amont (recul des importateurs et percée des structures de grandes surfaces) et en aval (les magasins exotiques africains en difficulté sont rachetés par des importateurs asiatiques). A mi-chemin, il y a des actions à entreprendre pour répondre à cette logique propre au réseau des produits ethniques. Par exemple, des efforts pour montrer au partenaire les intérêts réciproques au bon déroulement de l’échange, peuvent se combiner avec l’instauration de procédures de contrôle et d’actions en direction des communautés. Il faut s’orienter vers des relations distributeurs/fournisseurs du type Trade marketing au niveau international. Les problèmes sociaux (chômage, emploi, pauvreté) se posent avec acuité dans la communauté des détaillants de produits ethniques, ce qui est lié à la survivance de l’informel. Les limites de cette étude, se rapportent aux points suivants : la rareté des études documentaires sur les petits commerçants ; les intermédiaires relevant souvent de « l’informel », sont difficiles à dénombrer de façon exhaustive d’où le problème de leur représentativité. Cette étude reste exploratoire, les grandes tendances observées gagneront à être confortées lors de prochaines études quantitatives.

Tableau 4

préconisation pour les acteurs des canaux de distribution des produits ethniques

Produits Canaux de distribution Problèmes Actions à mener par les acteurs contraintes
Catégorie 1 (les
grandes surfaces ont
gagné des parts de
marché)
Ex : cosmétique,
boites de pâte d’ara
chide les légumes des
îles, les fruits à pain,
les épices
Intermédiaires essentiellement
occidentaux
Importateurs, grossistes : sociétés
d’import-export, sociétés de
commerce international
Centrales d’achat
Disponibilité faible
Ecart de prix
Les petits détaillants
devraient regrouper leurs
commandes
Difficulté de se
regrouper dans le petit
commerce
Catégorie 2 (concur
rence entre faible,
forte dominante des
petits détaillants)
Sauces, farines de
maïs, bière de mais
et de sorgho, alcool
de palme,
Intermédiaires essentiellement d’ori
gine asiatique, et africaine
Disponibilité faible
Ecart de prix
– Les petits détaillants
devraient regrouper leurs
commandes -Equilibre
des logiques formelle et
informelle
– aller vers une politique de
marque
Catégorie 3
(monopole des
boutiques ethniques)
Intermédiaires essentiellement d’ori
gine africaine
Revendeurs
Voyageurs occasionnels
Grossistes Importateurs
Intermédiaires
Familles
– trop d’intermédiaires
– Absence de marque
– Problème de qualité
– contrefaçon
– approvisionnement
aléatoire
Equilibre des logiques
formelle et informelle
– aller vers une politique de
marque
– Manque de moyens
pour les petits
commerçants
– la distribution
ethnique, parfois un
dépannage pour la
survie
figure im5

préconisation pour les acteurs des canaux de distribution des produits ethniques

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Mots-clés éditeurs : informelle, canaux, distribution, Ethnique

Date de mise en ligne : 01/05/2011

https://doi.org/10.3917/rsg.229.0065

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