Notes
-
[1]
. Le contenu de cet article n’engage que ses auteurs.
-
[2]
. Cet article a été réalisé dans le cadre du projet Elvis (projet ANR-20-CE41-0015-01) : « Étude longitudinale sur le vieillissement et les inégalités sociales », coordonné par la Cnav, l’Ined, les universités de Lille et de Tours, financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) entre 2021 et 2025.
-
[3]
. L’enquête Share de 2018 montre que les plus de 60 ans ne sont pas isolés familialement : sept sur dix habitent à moins de 25 kilomètres d’au moins un enfant. 9 sur 10 sont en contact toutes les semaines avec lui. L’enquête Capacité, aides et ressources des seniors (Care-Ménages) de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a par ailleurs montré que 3,5 % des 60 ans et plus ne voient jamais ni famille ni ami (Brunel et Eideliman, 2022).
-
[4]
. La cohabitation peut aussi prendre une troisième forme, lorsqu’un parent s’installe chez un enfant (Attias-Donfut et Renaut, 1994).
-
[5]
. L’enquête Proches et parents (Ined, 1990) fixait à 11 % la part des ménages de plus de 60 ans isolés familialement.
-
[6]
. Se rapprocher des siens pour apporter un soutien aux enfants ou à un parent âgé, comme c’est le cas d’Huguette Sablon, décrit précédemment.
-
[7]
. À travers une garde régulière des petits-enfants, par exemple.
-
[8]
. Parmi les évènements qui jalonnent une existence, les évènements biographiques sont ceux qui infléchissent le déroulement de la vie (Battagliola et al., 1993).
1 Avec l’allongement de la vie, les configurations familiales se sont profondément transformées. Les rapports familiaux se sont modifiés du fait même de la présence durable des grands-parents, voire des arrière-grands-parents, au sein des familles. Le processus d’individualisation que les sociétés européennes ont connu depuis les années 1960 (Singly, 2017) s’est traduit par la séparation résidentielle entre les générations qui s’est peu à peu imposée, la cohabitation entre générations devenant de plus en plus marginale (Trabut et Gaymu, 2016). Même si l’autonomie résidentielle est devenue la norme en France, les relations entre parents et enfants ont perduré une fois le seuil de la porte franchi (Roussel, 1976). L’espace dans lequel s’effectuent les échanges au sein de la parenté a d’ailleurs été, dès la fin des années 1950, un révélateur du fonctionnement des familles étendues (Young et Willmott, 1957 ; Chombart de Lauwe, 1959).
2 En France, plus particulièrement, des recherches au cours des années 1970 ont également permis de nuancer fortement le discours sur le repli de la cellule familiale et ont montré l’existence des aides qui circulaient entre les parents et les enfants adultes ainsi que la grande proximité géographique des différents membres de la famille (Roussel, 1976 ; Gokalp, 1978). Toutes les grandes enquêtes qui ont suivi confirment ce résultat (Attias-Donfut et Rozenkier, 1995 ; Bonvalet et Maison, 1999 ; Régnier-Loilier et Vivas, 2009). Elle est d’autant plus importante que la fréquence des relations et des aides est très sensible à la distance géographique (Axhausen, 2007 ; Bonvalet et Maison, 1999 ; Régnier-Loilier et Vivas, 2009 ; Trabut, 2018). Même si l’éloignement n’empêche pas des relations affectives fortes, les contacts (téléphone, visite, courrier) entre parents âgés et enfants apparaissent plus fréquents en cas de proximité géographique (Bonvalet et Lelièvre, 2012). Toutefois, cette dernière ne s’accompagne pas toujours d’une proximité affective (Van Pevenage et al., 2023) et, inversement, un éloignement n’est pas forcément synonyme d’une mise à distance relationnelle (Aouci et Nowik, 2018).
3 Pour étudier la force des liens qui unissent plusieurs membres apparentés qui ne partagent pas le même logement et en restituer le sens, il est possible d’adopter une approche ethnographique et d’analyser de manière fine la parenté pratique, comme l’a fait F. Weber. Cette notion permet de penser des liens de génération ancrés dans le quotidien (c’est-à-dire la routine de la vie familiale) et d’étudier la socialisation quotidienne des personnes (Weber, 2005). La question reste plus délicate dans les enquêtes quantitatives. L’une des possibilités consiste à combiner plusieurs indicateurs comme la proximité géographique, la proximité affective, la fréquence des contacts, le niveau d’aides, etc. V. Bengtson (1991) est l’un des premiers chercheurs à avoir construit ces indicateurs. Il a ainsi pu établir une classification de la solidarité en six dimensions : la dimension associative (qui correspond aux activités réalisées en commun), la proximité affective et émotionnelle, la dimension fonctionnelle (définie par le système d’échanges et de services), la dimension structurelle (liée au type de famille et aux lieux de résidences), la dimension consensuelle (le partage des mêmes valeurs) et enfin la dimension normative (le degré des responsabilités filiales et les normes de solidarité).
4 À partir des années 1990, des grandes enquêtes de l’Institut national d’études démographiques (Ined), de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) ont recueilli une partie de ces indicateurs et ont permis de croiser plusieurs de ces dimensions de la solidarité. Dans la lignée des travaux de P. Willmott (1991), qui avait distingué la « famille étendue locale », la « famille étendue dispersée » et la « famille étendue atténuée », C. Bonvalet a pu définir un autre groupe familial : la « famille-entourage locale » (Bonvalet, 2003). Ce concept a permis de mettre en évidence un mode de fonctionnement de la famille qui prend en compte à la fois les liens de parenté et d’affinité, la fréquence des contacts et les aides. Il s’agissait alors de cerner, par un faisceau d’indicateurs, la force des relations qui unissent les ménages d’une même famille et de dégager ce qui fait système.
5 Avec le vieillissement de la population, la question de la distance géographique des personnes âgées avec leur entourage est devenue cruciale, d’autant plus que la distance géographique est un « élément de réalité qui participe à la façon dont se déploient les liens affectifs entre les individus. Si cet élément constitutif de la relation se modifie, le lien est voué à se transformer » (Merla et al., 2014, p. 10). Le rapprochement des générations a souvent été l’un des motifs des déménagements au moment de la retraite (Cribier, 1990 ; Caradec, 2010 ; Aouici et Nowik, 2018), mais aussi au cours de la retraite (Nowik et Thalineau, 2008). Les recherches se sont surtout focalisées sur les relations entre grands-parents et petits-enfants (Attias-Donfut et al., 2002) et sur les aidants, notamment en cas de maladie d’Alzheimer (Weber et al., 2003). Les travaux consacrés à la prise en charge des personnes dépendantes apportent quant à eux des éléments sur la force de la parenté au quotidien et invitent à élargir la réflexion à l’ensemble des personnes âgées.
6 En effet, il paraît important, avant même que les problèmes d’assistance liés au vieillissement se posent, de connaître plus généralement l’organisation familiale au quotidien des personnes âgées et notamment la proximité géographique à leurs proches. L’éloignement est en effet souvent un obstacle au fonctionnement de l’entraide et de la solidarité familiale (Bonvalet et Maison, 1999 ; Chamahian et Caradec, 2023 ; Trabut, 2018). Avec l’avancée en âge, à l’heure où les relations amicales et de voisinage se contractent (Mallon, 2021), la distance accentue encore les inégalités (Argoud, 2004 ; Héran, 1988).
7 Cet article propose de poursuivre, dans la lignée des travaux cités précédemment, cette réflexion sur l’espace dans lequel la famille se déploie, en analysant les modes d’organisation familiale des personnes âgées selon la distance géographique, d’en suivre la genèse et d’en saisir la dynamique. Pour ce faire, le rôle joué par la distance dans les différentes manières de « faire famille » est questionné : la proximité géographique va-t-elle systématiquement de pair avec une parenté quotidienne ? Comment les personnes âgées réussissent-elles à maintenir des liens étroits malgré la distance ? Comment l’organisation de l’espace familial résulte-t-elle des parcours géographiques des différents proches (enfants, frères et sœurs) ? Cette organisation a-t-elle été modifiée à l’occasion du passage à la retraite ? De même, l’avancée en âge et les problèmes de santé entraînent-ils une reconfiguration de l’espace familial ?
8 Pour répondre à ces questions, les 119 entretiens biographiques de l’Étude longitudinale sur le vieillissement et les inégalités sociales (Elvis) [encadré] menés auprès de personnes issues de trois groupes d’âge (autour de 65 ans, de 75 ans et de 85 ans) sont mobilisés. Dans un premier temps, les différentes manières de faire famille des personnes âgées selon la distance à leurs proches au moment de l’enquête sont analysées. Ensuite, à partir d’une approche biographique, cet article étudiera comment elles se sont reconfigurées (ou non) au cours de la retraite en fonction des différentes logiques qui sous-tendent ces parentés pratiques.
Encadré. L’Étude longitudinale sur le vieillissement et les inégalités sociales (Elvis, 2022)
Le projet repose, d’une part, sur l’exploitation de bases de données (enquêtes logement, patrimoine, enquête sur les technologies de l’information et de la communication [TIC], enquête sur la santé, le vieillissement et la retraite en Europe [Share]) permettant de caractériser les parcours professionnels et les situations sociales, économiques et résidentielles des individus et, d’autre part, sur l’analyse de 119 récits de vie collectés entre janvier et septembre 2022. Cet échantillon, constitué aléatoirement sur la base des retraités du régime général, réunit 64 femmes et 55 hommes appartenant à trois groupes de générations (1935-1939, 1945-1949 et 1955-1959) et résidant au sein de sept territoires répartis dans les régions Hauts-de-France, Île-de-France, Centre-Val-de-Loire et Nouvelle-Aquitaine. Parmi les enquêtés figurent 18 non-retraités âgés de 62 à 67 ans, issus du Répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) et de l’outil de gestion relation client (GRC) de la Cnav. Les entretiens, pseudonymisés, retracent les parcours résidentiel, familial et professionnel des enquêtés et abordent les sociabilités familiales et amicales, notamment la proximité géographique et affective avec les proches. Un mini-questionnaire en fin d’entretien recueille en outre un certain nombre d’éléments sur les parents et les enfants (la très grande majorité des retraités de l’enquête a au moins un enfant en vie). Il aide à mieux cerner la proximité affective des enquêtés avec leur entourage, à partir de questions précises à propos des personnes sur lesquelles l’enquêté peut compter et avec lesquelles il parle de choses importantes, ou encore à qui il confie ses clés.
Des géographies familiales diverses : de la parenté quotidienne à l’isolement familial
9 De même que le logement a permis de définir et de décrire le groupe domestique, la prise en compte de la localisation de personnes apparentées dans un même espace géographique permet d’appréhender le groupe familial constitué de plusieurs ménages, que ce soit la famille-entourage locale (Bonvalet, 2003) qui croise plusieurs critères définis, ou le halo familial « qui introduit une dimension spatiale dans la description systématique de la famille » (Trabut, 2018, p. 202). La question qui se pose alors est de savoir quelle est la délimitation de cet espace géographique pour que ce groupe familial puisse fonctionner.
10 Le périmètre de l’espace familial varie selon les enquêtes. L’enquête Proches et parents, réalisée en 1990, a ainsi demandé aux enquêtés s’ils habitaient dans le même logement que l’un de leurs proches, dans le même immeuble, le même quartier, la même commune ou une commune limitrophe. L’enquête Biographies et entourage de 2000 s’est limitée au même logement et à la commune ou commune limitrophe (Bonvalet et Lelièvre, 2012). D’autres enquêtes ont estimé la proximité géographique à partir de la distance kilométrique : l’enquête Share identifie les proches résidant avec l’enquêté, ceux qui habitent à moins d’un kilomètre, de 1 à 5 kilomètres, de 5 à 25 kilomètres, de 25 à 100 kilomètres et ceux qui habitent à plus de 100 kilomètres. Enfin, dans l’étude des relations familiales et intergénérationnelles de 2005, la distance est estimée en termes de temps pour se rendre chez un enfant (Régnier-Loilier et Vivas, 2009). Dans ces enquêtes, la fréquence des contacts était également demandée : là aussi, les questions diffèrent selon l’intensité des contacts et les moyens de communication (visites, téléphone, WhatsApp, mail, etc.). Quels que soient la forme et le type de questions, les résultats montrent que les personnes âgées ont globalement une sociabilité importante (Désesquelles et Brouard, 2003) et sont peu isolées [3].
11 Dans l’enquête Elvis (encadré), la dispersion géographique a été prise en compte à partir des réponses spontanées des enquêtés, exprimées en termes de distance ou de temps. Elle a permis de scinder les enquêtés en deux groupes (figure 1) : ceux qui habitent à moins de 25 kilomètres d’un membre de la famille et ceux qui sont plus éloignés. Pour chacun des deux groupes, l’analyse de discours des entretiens biographiques de l’enquête Elvis met en lumière plusieurs types de fonctionnement familial selon la présence d’aides, la fréquence des visites et la proximité affective avec un ou plusieurs membres de la parenté. Il en ressort deux façons de faire famille : la famille à proximité et la famille à distance.
12 Dans le premier groupe quatre types de familles se distinguent selon la plus ou moins grande proximité, l’intensité des relations et des aides : les familles cohabitantes, les familles semi-cohabitantes (qui habitent à proximité immédiate et qui se voient quotidiennement), les familles-entourage locales (qui se voient au moins une fois par semaine) et les familles atténuées locales (dont les contacts sont moins fréquents). Le second groupe rassemble trois types de familles qui fonctionnent à distance : les familles-entourage dispersées (dont les membres conservent des liens forts), les familles atténuées dispersées (dont les membres ont des contacts peu fréquents) et les personnes isolées familialement.
Tableau 1. Types de familles dans l’enquête
Tableau 1. Types de familles dans l’enquête
13 La taille de l’échantillon ne permet pas de mener une analyse par classe sociale. Cependant, les résultats confirment les tendances observées dans l’enquête Proches et parents (Bonvalet et Maison, 1999) et plus généralement dans les recherches menées en sociologie de la famille (Schwartz, 1990), à savoir un fonctionnement familial à proximité observé plus fréquemment chez les ouvriers et les employés.
14 Par ailleurs, près des deux tiers des enquêtés les plus âgés fonctionnent sur un modèle de famille à proximité, contre la moitié pour les enquêtés les plus jeunes. C’est parmi les plus jeunes qu’il existe le plus de contrastes, avec davantage de familles cohabitantes, mais aussi de familles atténuées ou de ménages isolés, un rapprochement se faisant peut-être plus tardivement au cours de la retraite.
La famille à proximité géographique
15 Un peu plus de la moitié des enquêtés vivent à moins de 25 kilomètres d’au moins un membre de la famille avec lequel ils se déclarent proches et disent entretenir des relations plus ou moins fortes. Plusieurs cas de figure se distinguent selon le type de proximité géographique (partage du même logement, proximité immédiate, à moins de 25 kilomètres), le type de proximité affective (encadré) et l’intensité des relations (fréquence des contacts, aide ou entraide).
La famille cohabitante
16 Le premier type de famille identifié est celui des familles cohabitantes (9 enquêtés). Il résulte de la cohabitation entre générations. Dans l’échantillon, aucun enquêté parmi les plus jeunes ne vit, au moment de l’entretien, avec un parent âgé. La norme résidentielle actuelle, à savoir l’autonomie des résidences entre parents âgés et enfants (Attias-Donfut et Renaut, 1994), se retrouve ici. Les cas de cohabitation concernent essentiellement les enquêtés qui hébergent un enfant adulte ayant des difficultés d’insertion professionnelle ou de santé.
17 Dans l’échantillon, deux tendances s’observent [4] : la cohabitation de « toujours », comme c’est le cas de Patrick Gauthier (éducateur, région parisienne, 66 ans), dont la fille de 34 ans n’a jamais décohabité en raison de ses difficultés à vivre seule ; le retour d’un enfant au domicile parental, comme chez Valérie Hochart (aide-soignante, Nord, 64 ans) qui héberge son fils après la dépression de ce dernier. Si l’accueil du fils au domicile parental a d’abord été pensé comme provisoire, il est désormais considéré comme pérenne : comme le souligne Valérie, la présence du fils à domicile répond à un besoin de sécurisation face à leur vieillissement.
« De nous aider, en restant ici. Je dis ça parce que ça a quand même beaucoup chamboulé notre façon de vivre qu’il soit là. Et maintenant je me dis qu’avec mes problèmes de santé, […] c’est une aide. »
La famille semi-cohabitante
19 Le deuxième modèle correspond à la famille semi-cohabitante (14 enquêtés) : les enquêtés vivent à proximité immédiate de leurs parents, enfants ou frères et sœurs. Ces modes de vie familiaux s’observent non seulement dans les communes rurales (le cas de Lionel Richard sera détaillé en seconde partie), mais aussi en région parisienne, notamment lorsque les membres d’une même famille ont acheté leur logement les uns à côté des autres. Ainsi, Magdalena Oliveira, âgée de 83 ans, ancienne femme de ménage d’origine portugaise, vit seule depuis la mort de son mari en 2007. Depuis 1971, elle occupe une petite maison au centre d’Aubervilliers. Sa fille, Cristina, a acheté la maison voisine. Mère et fille partagent une cour en commun. Présente durant l’entretien aux côtés de sa mère, Cristina décrit leur quotidien :
« La plupart du temps, on fait à manger et on mange ensemble. Je ne vais pas vous cacher qu’elle ne va pas manger toute seule ici, donc soit on fait à manger et on mange là, soit on fait à manger à côté. Moi, si j’ai besoin de quelque chose, je vais chez elle et je prends. Si elle a besoin, elle vient, elle prend. »
21 Ce mode de fonctionnement correspond au principe de parenté pratique décrit par F. Weber (2005), où la force du quotidien apparaît clairement : « C’est comme si c’était la même maison en fait. Les portes entre nous ne sont pas fermées » (fille de Magdalena). La maisonnée, définie comme « un collectif de personnes effectivement mobilisées autour d’une cause commune » (Weber, 2005, p. 150), s’étend aux générations suivantes : l’arrière-petit-fils de Magdalena habite un appartement dans la même rue et ses enfants sont gardés par la grand-mère et l’arrière-grand-mère. Magdalena ne voulant plus sortir seule depuis le décès de son mari, toutes les courses se font toujours à deux. Avec le partage du quotidien, la mutualisation des ressources, la prise en charge des plus âgés et des plus jeunes, Magdalena vit ainsi au sein d’un groupe familial qui s’apparente au fonctionnement d’une maisonnée rendu possible grâce à la proximité immédiate des membres de la famille. Cette organisation familiale est d’autant plus notable qu’elle se produit en milieu urbain, montrant ainsi que la ville n’a pas entraîné un relâchement des liens familiaux et que des réseaux de parenté peuvent aussi s’y regrouper (Willmott, 1991).
La famille-entourage locale
22 Un autre type de famille se dégage de cette enquête : la famille-entourage locale. C’est le modèle le plus représenté dans l’échantillon (44 enquêtés). Il se différencie de la famille semi-cohabitante par des contacts plusieurs fois par semaine. C’est, par exemple, le cas de Charlotte Moreau, née en 1947, dans une famille très entourante. Mariée depuis 49 ans, elle vit avec son époux depuis 45 ans à Paris où elle était pharmacienne. Elle est très proche de ses trois enfants (deux filles en couple avec enfants, un fils célibataire sans enfant), qui vivent tous dans des logements indépendants à Paris. Deux d’entre eux habitent d’ailleurs dans le même quartier qu’elle. Grâce à cette proximité géographique, Charlotte voit ses enfants plusieurs fois par semaine : « Ma fille aînée habite très près, donc on se voit beaucoup. On fait le marché ensemble, on est très proches. » Elle s’occupe régulièrement de ses quatre petits-enfants et aussi de son beau-père, âgé de 100 ans, qui vit à proximité.
23 Bien que Charlotte s’inscrive dans le modèle des retraités parisiens appartenant aux classes supérieures, elle a transmis son attachement au modèle de la famille-entourage locale à ses enfants. Lors de la décohabitation, ils ont tous les trois décidé de rester dans la capitale pour vivre à proximité du domicile parental. Ce type d’organisation a été possible parce que le couple et les trois enfants disposent de revenus suffisants pour habiter à Paris et que les parents possèdent une résidence secondaire dans le Sud, dans laquelle la famille se réunit régulièrement. Les petits-enfants sont également imprégnés de l’importance des échanges familiaux et de cet « esprit de famille » (Attias-Donfut et al., 2002) : d’après Charlotte, sa petite-fille, âgée de 17 ans, ne souhaite pas décohabiter pour poursuivre ses études : « Elle dit : “Non, je ne veux pas quitter Paris, je ne veux pas quitter ma famille.” Elle, c’est l’affection et la famille. Elle a été élevée comme ça, elle a été élevée dans un contexte familial fort. »
24 Le cas de Charlotte montre l’importance des liens de filiation (entre les parents et les descendants) dans la manière de faire famille. La famille-entourage locale n’est cependant pas toujours centrée sur les enfants et peut se faire avec d’autres membres de la famille, notamment les collatéraux. C’est le cas, par exemple, chez Lucienne Dewinter, dont la situation sera détaillée ultérieurement.
La famille atténuée locale
25 Une quatrième configuration correspond aux profils des familles atténuées locales qui se caractérisent par une distance affective, des contacts peu fréquents, malgré une proximité géographique (2 enquêtés). Dans ce cas, la famille ne fait pas système. C’est l’exemple de Mina de Berny (psychologue en activité, Paris, 62 ans), d’origine libanaise. Bien qu’elle vive à quelques rues de son fils, elle ne se sent pas proche de lui.
« Écoutez, je passe tous les jours deux fois devant chez lui, pas une seule seconde, je regarde là-haut. Au Liban, par exemple, quand ils [son fils et sa belle-fille] viennent dîner à la maison, rarement, je leur donne tout ce qui reste, des dîners, tout ça. Ici je n’ose même pas ! Parce que pour eux “je les envahis” . »
27 Ainsi, par crainte de s’immiscer dans la vie de son fils, elle garde une certaine réserve. Dans la situation de Mina, la distance affective est renforcée par les différences sociales et culturelles. Elle explique que ce fonctionnement familial est différent au Liban lorsqu’elle réside chez sa mère dont elle se considère proche. La situation de Mina illustre l’ambivalence de la famille atténuée avec le membre de la famille qui habite le plus près. Du côté de son fils, elle doit composer entre proximité géographique et distance affective et, inversement, du côté de sa mère, entre éloignement géographique et grande proximité affective.
La famille à distance
28 Le jeu des migrations, de la mobilité professionnelle et du mariage a eu pour effet de séparer des familles. Ainsi, 4 enquêtés sur 10 vivent à distance géographique des membres de leur famille. L’éloignement géographique a des conséquences différentes selon les individus. Certains continuent à faire famille malgré la distance, tandis que pour d’autres l’éloignement géographique s’est accompagné d’une distance affective, voire d’un isolement.
La famille-entourage dispersée
29 Le modèle de la famille-entourage dispersée (26 enquêtés) correspond aux individus qui entretiennent des relations fortes avec les membres de la parenté sans pour autant habiter à proximité. Huguette Sablon s’inscrit dans ce type de famille. Née en 1937 en milieu rural, de parents agriculteurs, elle passe son enfance dans une ferme en Indre-et-Loire entourée de sa famille. À 21 ans, elle se met en couple avec son conjoint, originaire de la même région. La vie du couple Sablon a été marquée par de nombreuses migrations en Afrique, impliquant de faire famille à distance, et par un retour dans le village natal d’Huguette (dans une maison acquise quelques décennies plus tôt) en 2005, au moment de sa retraite (Huguette était secrétaire). Cette installation s’inscrit également dans une logique de rapprochement vis-à-vis des parents et des beaux-parents vieillissants et donc de la famille-entourage locale. Huguette a cependant principalement fonctionné sur le mode de la famille dispersée au cours de sa vie. C’est en effet encore le cas aujourd’hui avec ses quatre enfants et ses six petits-enfants. Bien qu’elle ne vive pas à proximité de ses enfants, cet éloignement géographique n’entrave pas les liens forts avec trois d’entre eux. Elle échange plusieurs fois par semaine avec eux par téléphone et les rencontre environ une fois par trimestre. Les liens sont en revanche plus distendus avec son deuxième fils. Dans cette famille, l’entraide est malgré cela importante. Les enfants contribuent à certaines dépenses du ménage parental. Ils ont notamment financé la tablette et le fils cadet a offert le téléphone portable dont il paie l’abonnement mensuel. Durant une maladie déclarée en 2021, les enfants et les petits-enfants d’Huguette sont venus lui rendre visite et l’accompagner à des rendez-vous médicaux.
« J’ai été malade l’an dernier, ça m’a pris comme ça, et donc les filles sont arrivées. Même la petite-fille de Bretagne est venue, vraiment très gentille. Ben… Mon fils aîné était là, il m’a emmenée chez le médecin la deuxième fois. »
31 Huguette sait également pouvoir compter sur le soutien de son voisinage. L’ancrage local du couple et sa connaissance du village natal lui fournissent les ressources nécessaires (réseau social, pratique de l’espace, maîtrise des lieux) pour vieillir en famille dispersée.
32 Les individus qui s’inscrivent dans le modèle de famille-entourage dispersée peuvent, comme Huguette, avoir connu un parcours résidentiel ponctué de migrations qui ont engendré une habitude de famille dispersée au cours de l’âge adulte (avec leurs propres aînés) et de leur vieillesse (avec leurs descendants).
La famille atténuée dispersée
33 Une autre configuration concerne le cas des familles atténuées dispersées où la distance géographique se conjugue avec des liens familiaux relâchés (9 enquêtés). Une contrainte ou la volonté de se tenir à distance de la famille peuvent ainsi expliquer un fonctionnement « ralenti » du groupe familial qui maintient quelques liens sans éprouver de proximité affective, comme c’est le cas de Denise Caron (caissière, Pas-de-Calais, 1946). Née dans une famille de mineurs, elle grandit à Hénin-Beaumont et quitte le domicile familial pour se marier à 22 ans. Devenue veuve à 41 ans, elle se met en couple quatre ans plus tard avec son partenaire actuel. À 60 ans, Denise prend sa retraite et décide avec son conjoint de partir chaque année plusieurs mois au Portugal en camping-car, puis quelques mois en Haute-Marne dans un camping. Le couple ne se considère pas proche des membres de la famille : le fils de Denise, parti vivre dans un autre département et avec lequel ils maintiennent un contact téléphonique et qu’ils voient une à deux fois par an ; la sœur de Denise, sans contact depuis quelques années. Dans ce cas précis, c’est la distance affective qui rend d’autant plus possibles ces migrations saisonnières entre le Portugal, la Haute-Marne et le Pas-de-Calais.
Ménage isolé familialement
34 Enfin, 12 enquêtés correspondent à des ménages isolés familialement [5], c’est-à-dire des ménages qui n’ont pas ou plus de famille à proximité (affective et/ou géographique). Cette configuration familiale peut correspondre à une situation pérenne ou succéder à une rupture biographique. Ces situations d’isolements peuvent être individuelles, liées notamment au veuvage, comme c’est le cas pour Simon Chotard (qui sera évoqué en seconde partie). Elles peuvent également être conjugales. C’est notamment le cas de Sofiane Hamidi (Paris, employé, 1939). Harki d’Algérie, il a quitté son ex-femme et ses deux enfants qu’il n’a jamais revus pour s’installer en France en 1962. Il vit aujourd’hui à Paris avec sa seconde épouse. Depuis plusieurs années, ses problèmes de santé le contraignent à ne plus sortir de chez lui. Son isolement familial s’est doublé d’un isolement social. La seule personne avec laquelle Sofiane a des contacts est sa femme, qui l’aide au quotidien. Pour Sofiane, l’isolement familial est lié à une migration internationale contrainte liée aux évènements en Algérie et aux divergences d’opinions politiques avec sa première épouse.
35 Les cas présentés ici invitent à analyser plus finement comment les différentes manières de faire famille se sont construites au cours de la vie mais aussi comment elles ont évolué depuis la retraite. La cessation de l’activité professionnelle et l’avancée en âge ont-elles entraîné une modification de l’organisation familiale ?
Des fonctionnements familiaux qui se prolongent ou évoluent avec l’avancée en âge
36 Cette pluralité des types de familles observés au moment de l’enquête n’est compréhensible qu’au regard des dynamiques familiales qui se sont jouées dans la distance ou dans la proximité tout au long de la vie et qui continuent de se jouer au cours de la vieillesse. La question de la distance avec les proches se pose particulièrement au moment de la retraite lorsqu’une mobilité résidentielle est envisagée. Elle se pose également avec l’avancée en âge, avec l’apparition de problèmes de santé ou de besoins importants de soutien familial. Selon leur histoire personnelle, leur ancrage territorial plus ou moins fort, mais aussi leurs conditions économiques, diverses possibilités s’offrent aux individus : s’inscrire dans la continuité, se rapprocher pour bénéficier des solidarités familiales ou, à l’inverse, s’éloigner notamment pour garder une certaine indépendance.
S’inscrire dans la continuité
37 La proximité entre les différents membres des familles observées au moment de l’enquête peut en effet résulter de plusieurs processus différents : la transmission d’une exploitation ou d’un patrimoine familial (Lionel Richard), la reproduction d’un fonctionnement familial (Daniel Robin et Lucienne Dewinter) ou encore le désir de création de famille-entourage avec ses descendants (Charlotte Moreau, déjà évoquée). L’enquête longitudinale Elvis, et notamment les récits des pratiques résidentielles des enquêtés depuis leur enfance, permet de montrer que certains reproduisent le modèle familial de leurs parents, voire de leurs grands-parents, que ce soit dans un fonctionnement à distance ou à proximité géographique, à partir d’un lieu qui peut être l’entreprise familiale, le village d’origine ou la maison familiale de vacances.
Entreprise familiale et fonctionnement de la parenté
38 Les pratiques de parenté peuvent être orientées selon une logique de transmission, qui se matérialise souvent après un événement, comme le décès des ascendants ou le départ à la retraite. Lorsqu’il est question d’assurer la succession de l’affaire familiale, la transmission s’étend parfois au-delà du patrimoine économique et peut aller jusqu’à la reproduction du modèle familial antérieur. À titre d’exemple, la famille de Lionel Richard (agriculteur, Charente-Maritime, 1946, famille semi-cohabitante) transmet l’exploitation agricole de père en fils depuis deux générations :
« Et suite à la maladie de mon père, j’ai repris l’exploitation à temps complet et je me suis installé comme agriculteur. […] Et puis, une fois à la retraite, c’est mon fils qui a repris la suite, la gestion de l’exploitation et de l’entreprise qui continue toujours. »
40 Si le départ à la retraite symbolise la transmission effective de l’affaire familiale, elle est anticipée de longue date et se présente comme un processus évident pour Lionel et sa femme, avec une triple transmission : celle d’un statut professionnel, d’un métier et d’un patrimoine. Comme observé par C. Bessière et S. Gollac dans leur recherche (2022), le genre et la place dans la famille pèsent sur les stratégies de reprise. La fille cadette de Lionel s’éloigne géographiquement pour ses études, puis pour travailler quelque temps à Paris ; la femme de Lionel cuisine pour toute la famille et parfois pour les ouvriers de son fils.
41 La famille de Lionel constitue une maisonnée dans la mesure où faire famille repose sur une organisation familiale autour de l’entraide quotidienne et de la bonne marche de l’exploitation agricole, tout comme sur l’échange de services journaliers. Un tel fonctionnement dépasse le cadre du ménage et s’étend sur plusieurs personnes apparentées qui n’habitent pas forcément sur place mais qui se regroupent autour d’une « cause commune » (Weber et al., 2003, p. 150). La proximité géographique et le modèle familial semi-cohabitant constituent la condition sine qua non du processus de transmission de l’exploitation familiale et renforcent également les liens affectifs par le partage du quotidien. Aucun événement, que ce soit le décès des parents ou le départ à la retraite, n’est venu perturber ce fonctionnement familial.
Une pratique qui traverse les générations et qui résulte d’un choix résidentiel
42 La proximité géographique constitue un soutien dans l’avancée en âge, d’autant plus si elle est renforcée par une proximité affective. Cette proximité peut être la reproduction d’un modèle familial autour d’un espace de vie où l’ancrage est particulièrement fort. À la différence du cas précédent, l’ancrage ne repose pas toujours sur une exploitation familiale. Le fonctionnement de la parenté illustre une « forme d’habitus agissant sur les choix résidentiels » (Bacqué et Vermeersch, 2013, p. 70).
43 Lucienne Dewinter (employée municipale, 1935, Nord) s’inscrit dans une logique de reproduction du modèle famille-entourage locale (Bonvalet, 2003). Issue d’une fratrie de sept enfants, elle a toujours vécu dans le village de ses parents, où son époux est également né. Lucienne et son conjoint sont restés dans le village de leurs parents, tout comme certains de leurs frères et sœurs. Ce comportement résidentiel s’explique à la fois par une logique familiale de proximité et par une logique d’attachement aux lieux (Caradec, 2010). Aujourd’hui, elle fonctionne en famille-entourage locale avec ses deux enfants avec lesquels elle entretient des contacts hebdomadaires et qui vivent à moins de 25 kilomètres, mais aussi avec son frère. Ce dernier vit toujours dans le même village et lui rend visite plusieurs fois par semaine. Lorsqu’elle revient sur les différentes étapes de sa trajectoire, Lucienne fait état d’un fort ancrage.
44 Un travail d’appropriation du modèle familial a souvent lieu durant la jeunesse (Bonvalet et Gotman, 1993) et se poursuit après la décohabitation. Comme Lucienne et son mari ont tous deux hérité du même fonctionnement familial, l’adhésion à ce modèle en est facilitée : le réseau de la famille-entourage locale s’est élargi de telle sorte que les relations avec la belle-famille sont très présentes, y compris après le décès du conjoint. Dans le cas de Lucienne, ni son départ à la retraite, ni son veuvage n’ont eu d’impact sur le fonctionnement familial, la famille-entourage locale ayant constitué une protection contre les aléas de la vie.
La continuité familiale autour d’une maison de vacances
45 À la suite d’une mobilité à l’arrivée de la retraite, la vie de famille peut se modifier : pour maintenir des liens forts avec les proches et, en premier lieu, les enfants et les petits-enfants, certains retraités adoptent ou poursuivent un fonctionnement familial à distance. C’est le cas de Daniel Robin (famille-entourage dispersée). Né en 1939, ce fils unique a passé toutes les vacances de son enfance sur une île au large de la Charente-Maritime d’où ses grands-parents étaient originaires. Pour des raisons professionnelles, ses parents ont choisi de vivre à distance de ses grands-parents, tout en maintenant des liens forts avec eux. Après une carrière de chercheur qui l’amène à vivre dans plusieurs villes en France, il retourne sur l’île quelques années avant sa retraite car « [s]es racines sont là ». Daniel a ainsi effectué ce que R. Wiseman (1980) a appelé, dans le cas des mobilités de retraite, une « return migration », c’est-à-dire un retour sur les lieux d’origine ou de socialisation de l’enfance. Marié, père de trois enfants et grand-père de huit petits-enfants, il quitte parfois l’île pour leur rendre visite. Il explique cependant que la dynamique des visites familiales tourne surtout autour de l’île (ils « viennent beaucoup aussi, la maison est pleine »), où les habitudes se perpétuent. Durant son enfance, Daniel pêchait avec son père et son oncle. Aujourd’hui, c’est avec ses petits-enfants qu’il partage cette activité. Pour Daniel, la distance géographique avec les enfants dont il est très proche ne représente pas un problème. Son fonctionnement illustre un habitus (par un modèle familial hérité de ses parents et de ses grands-parents et une organisation mise en place dès l’enfance) pour des retraités issus des classes supérieures qui se caractérisent « par des grandes aptitudes à la mobilité liées à un savoir-faire et une expérience acquise sur plusieurs générations » (Bonvalet et al., 2011, p. 302). Cette île est un « lieu de référence », un espace fondateur (Gotman, 1999) qui a fonction de mémoire et de lieu de rassemblement de la famille. Ils perpétuent la famille-entourage dispersée, initiée par les grands-parents, qu’aucun événement familial ou professionnel n’est venu perturber.
46 Dans les trois cas cités, le fonctionnement familial se situe dans le prolongement de celui qui a été connu dans l’enfance. Il existe également d’autres logiques, notamment celle de la création d’une famille-entourage à l’âge adulte, comme dans le cas de Charlotte Moreau.
Adopter un nouveau type de famille
47 Au cours de la retraite, l’adoption d’un nouveau modèle familial peut relever d’une décision personnelle plus ou moins contrainte ou incitée par les proches. Elle peut renvoyer à des individus dont le parcours de vie témoigne d’adaptations répétées (plusieurs changements au cours de la vie) ou concerner des individus ayant la capacité d’anticiper d’éventuelles complications à venir (difficultés de santé, rupture familiale) au regard de leur vécu. Elle peut également être liée à un besoin de soutien exprimé par l’individu ou par ses proches. Dans tous les cas, elle nécessite une adaptation et la constitution d’un nouveau mode de fonctionnement familial et social.
Des logiques de rapprochement familial à la retraite
48 Le rapprochement familial au moment du passage à la retraite ou au cours de la vieillesse peut renvoyer à trois logiques distinctes mais non exclusives (Aouici et Nowik, 2018 ; Gallou et al., 2021). Tout d’abord, le rapprochement est vu comme un moyen de soutenir un tiers [6] ou de renforcer un lien familial [7]. Il peut aussi nourrir un sentiment de nostalgie ou une volonté de vivre ses vieux jours près des siens. Enfin, le rapprochement peut s’inscrire dans une recherche de soutien et une sollicitation de l’entourage, les enfants apparaissant alors comme les premiers pourvoyeurs d’aide dans la vieillesse des parents, en cas de maladie et, plus fortement encore, en cas de veuvage ou en l’absence de conjoint.
49 C’est le cas de Jocelyne Croix (auxiliaire de vie, 1936, Pas-de-Calais), qui s’inscrit dans le modèle de famille-entourage locale mais dont la manière de faire famille n’a cessé de se transformer au cours de sa vie, s’ajustant à sa situation conjugale (veuvage, remise en couple, veuvage) et à l’évolution de son état de santé. Jocelyne a eu six enfants d’un premier mari qui est décédé à l’âge de 40 ans. Lorsque les derniers enfants quittent le nid familial, elle vit seule en Ille-et-Vilaine (famille-entourage dispersée). À l’approche de la cinquantaine, après un troisième accident vasculaire cérébral, ses enfants l’invitent à les rejoindre dans le Nord. Elle s’installe alors temporairement chez son fils, puis sa fille (cohabitation), avant d’obtenir un logement dans le même immeuble que son fils (famille semi-cohabitante). Après une remise en couple, Jocelyne et son second mari s’installent en Bretagne où elle reste 17 ans, jusqu’au décès de son conjoint (famille-entourage dispersée). C’est sur l’incitation de ses enfants, qui craignent de la voir vieillir seule et loin d’eux, qu’elle revient dans le Pas-de-Calais, à 82 ans. Même si Jocelyne est en contact quotidien avec ses enfants et ses petits-enfants et qu’elle ne se sent pas isolée, elle exprime quelques regrets.
« C’est mes enfants qui m’ont fait venir ici. “Oh, t’es toute seule, tu te rends compte. Tu vas rester là-bas, qu’est-ce que tu vas faire ?” De toute façon, j’ai dit : “Je vais revenir par ici, je vais être toute seule aussi !” “Non, mais nous on est là.” Donc je suis revenue mais, si j’avais su, je serais restée en Bretagne. Je me sentais mieux en Bretagne qu’ici. »
51 Si la mobilité résidentielle est vue comme sécurisante pour l’avenir par les proches (en l’occurrence les enfants), elle est perçue par Jocelyne comme une contrainte qui s’accompagne d’une perte du réseau social, même si elle a su recréer des interactions dans son nouvel environnement. Apparaissent alors toute l’ambivalence des relations familiales et les tensions qui peuvent exister entre le désir des parents de rester maîtres de leurs choix et les inquiétudes et les souhaits des enfants, pour qui la proximité géographique avec un parent vieillissant est plus simple à gérer. Dans le cas de Jocelyne, l’ambiguïté se traduit également, dans la décision de déménager, entre son souhait individuel et celui qui lui a été imposé par ses enfants.
Des logiques d’éloignement géographique de la famille à partir de la retraite
52 L’éloignement géographique implique une réorganisation du fonctionnement familial pour en préserver les relations. Grâce aux outils numériques qui permettent de maintenir des contacts réguliers et des formes d’entraide, les retraités peuvent envisager une mobilité et un faire-famille à distance. Entre enjeux familiaux et personnels, les mobilités de retraite viennent parfois satisfaire des envies hédonistes qui se concrétisent par un changement de lieu de vie sur le territoire national. C’est ce que R. Wiseman (1980) nomme les « lifestyle migration », au même titre que les migrations internationales de retraités (Pinel et Le Bigot, 2023). Par ailleurs, ces mobilités peuvent souvent être motivées par des contraintes financières liées à la baisse de revenus à la retraite. C’est le cas de Caroline Cometti, qui a choisi de s’installer en Creuse. Née en 1955 en Savoie, elle a élevé seule ses deux filles. Après avoir enchaîné de nombreux emplois, notamment dans le commerce, elle devient sophrologue indépendante à la fin de sa carrière. Elle installe son cabinet au rez-de-chaussée de la maison familiale divisée en plusieurs logements indépendants, qu’elle partage avec sa mère qu’elle voit quotidiennement. Elles forment une famille semi-cohabitante, à laquelle s’ajoutent deux autres membres de la fratrie qui vivent à proximité. Elle voit régulièrement ses filles qui vivent en Savoie, dans le département limitrophe, et à Paris. Après le décès de sa mère, qui coïncide avec son départ à la retraite, elle décide de changer radicalement de vie et part s’installer en Creuse, région qu’elle ne connaît pas et où elle n’a aucune sociabilité, après avoir « cherché l’endroit en France où les maisons étaient les moins chères ». La Creuse répondait à certains critères : un lieu proche de la nature, serein et calme, en accord avec sa pratique de sophrologie. Caroline est installée dans son nouveau logement depuis un an. Une partie de la maison est encore en travaux mais elle a déjà aménagé l’étage, composé de deux chambres afin de garantir les visites de ses filles dont elle est très proche. La distance n’a donc pas altéré les relations mère-filles et elles forment à elles trois une famille-entourage dispersée.
53 Ainsi, le choix de quitter la Savoie et de s’éloigner de l’une de ses filles a mis en avant les paradoxes d’une mobilité de retraite où le choix de Caroline était avant tout personnel (« à un moment donné, même l’oiseau mère s’en va du nid, parce que ce nid commence à la gonfler un peu ») mais où la famille reste très présente. Ce fonctionnement familial s’inscrit dans celui de « seniors mobiles », notamment des couples qui effectuent des choix de migrations de retraite, nationales ou internationales, et qui s’éloignent géographiquement de leurs enfants tout en pensant leur logement en fonction de la famille (Pinel, 2021). Dans le cas de Caroline, jeune retraitée en bonne santé, deux évènements (le décès de la mère et le passage à la retraite) ont permis un changement radical de l’organisation familiale.
Éloignement affectif à la suite d’un événement biographique [8]
54 Les situations d’éloignement de la famille ne résultent pas toujours d’un choix de couple ou d’une décision individuelle. Elles peuvent être liées à un événement biographique vécu par un proche : mutation d’un enfant dans une autre région ou un autre pays, séparation, décès d’un membre de la parenté. Le décès du conjoint peut n’avoir aucune conséquence sur le modèle de famille, comme pour Magdalena Oliveira ou Lucienne Dewinter qui ont maintenu leur mode de fonctionnement familial à proximité. En cas de distance géographique ou affective, la situation est plus complexe et entraîne parfois des ruptures familiales importantes. C’est le cas de Simon Chotard (psychanalyste, 84 ans, Paris), veuf depuis 2017. Actif professionnellement et autonome pour toutes les actions de sa vie quotidienne (cuisine, courses, ménage, etc.), il se décrit comme une personne seule.
« Ma famille, aujourd’hui, est constituée de mon frère, qui habite en banlieue nord-est [parisienne], que je ne vois presque jamais. Et que je voyais très, très rarement. Et mon fils, je ne le voyais pas puisqu’il a quitté Paris. Donc je suis tout seul. Je n’ai pas d’autre famille, je ne peux compter que sur moi. »
56 Le décès de son épouse en 2017 marque une rupture dans le fonctionnement familial, notamment avec son frère et son fils : « Il y a eu coïncidence entre le décès de mon épouse et le départ du fils. […] Lorsque mon épouse est décédée en décembre 2017, mon frère ne m’a presque jamais téléphoné. » Son isolement actuel est tel qu’il assure que son fils ne se déplacerait pas s’il avait un problème de santé et que lui-même ne l’appellerait pas directement.
« Si j’avais un problème… On préviendrait mon fils, qui est médecin et ce sera à lui d’aviser, de prendre ses responsabilités, comme moi je prends les miennes. […] Si je me casse la jambe, je prends mon téléphone, j’appelle les pompiers, je vais me retrouver à l’hôpital et le médecin appellera mon fils et lui dira que je suis tombé… »
58 Le veuvage apparaît ainsi comme un point de bascule dans le fonctionnement familial de Simon. En effet, son épouse était centrale dans la sociabilité du couple (amis, voyages, etc.). À présent qu’il vit seul, il n’a pas compensé l’absence de liens familiaux comme d’autres enquêtés ont pu le faire grâce à un ancrage local et à des relations sociales. C’est le cas de Marthe Pageaud (collaboratrice agricole, 1948, Charente-Maritime) qui s’est trouvée isolée non pas à la suite d’un veuvage, mais d’un divorce, mais qui a tout de même réussi à nouer de nouvelles amitiés malgré des problèmes familiaux (rupture avec les enfants) et la perte du réseau de sociabilité avec sa belle-famille. Ainsi, l’isolement familial n’entraîne pas forcément l’isolement social.
Conclusion
59 En construisant une typologie des différentes configurations familiales, cette recherche a permis de regarder de façon transversale des fonctionnements familiaux souvent décrits séparément dans la littérature, que ce soient les phénomènes de maisonnées (Weber, 2005), de famille-entourage locale (Bonvalet, 2003), de famille à distance (Imbert et al., 2018) ou encore les personnes isolées (Argoud, 2016).
60 La prise en compte de la distance géographique dans les manières de faire famille met en lumière deux types de fonctionnement familial très différents : les familles à proximité (cohabitantes, semi-cohabitantes, familles-entourage locales et atténuées locales) et celles à distance (familles-entourage dispersées, atténuées dispersées et isolées). Si la famille-entourage locale ou dispersée (relations d’affinité et d’entraide forte, quelle que soit la distance géographique) reste le mode de fonctionnement familial le plus fréquent, les cas extrêmes, comme la cohabitation ou l’isolement, ne sont pas négligeables.
61 Avec l’âge, faire famille à distance peut devenir un obstacle selon l’état de santé et les besoins de mobilité quotidienne. Ainsi, sans surprise, les enquêtés les plus âgés sont aussi ceux pour lesquels faire famille repose le plus sur la proximité géographique, alors que les plus jeunes vivent plus éloignés de leurs proches.
62 L’approche biographique a permis de montrer que les modèles familiaux identifiés ne sont pas immuables et évoluent au gré des évènements qui jalonnent le parcours de vie des individus, mais aussi des parcours de leurs proches : vieillissement des parents, problème de chômage ou de santé des enfants qui nécessitent un rapprochement géographique, voire une recohabitation. Les ruptures biographiques (séparations, décès, disputes et brouilles familiales) conduisent parfois à une transformation du mode de faire famille pouvant conduire à l’isolement. Les types de famille observés au moment de l’enquête ne résultent pas toujours d’un choix individuel ou d’un arbitrage dans le couple. Ils peuvent être liés à une obligation ou à un événement familial.
63 Le moment de la retraite apparaît comme une étape importante dans l’agencement des relations avec les proches. Libérés des contraintes professionnelles, les retraités peuvent choisir la façon d’aménager leur territoire en conservant la proximité ou la distance avec leurs parents et leurs enfants. Ils peuvent se rapprocher d’eux pour faire face au vieillissement et « activer les solidarités familiales » (Caradec, 2010) ou, au contraire, s’en éloigner pour développer de nouveaux projets de vie tout en maintenant des liens à distance avec les enfants et petits-enfants. La poursuite ou non d’un mode de vie familial dépend du nombre de proches à proximité, de l’intensité des relations, de l’ancrage territorial, du niveau de patrimoine et des conditions économiques. Ainsi, pour les personnes ayant toujours vécu en famille semi-cohabitante ou entourage locale, l’impact de la retraite ou du décès du conjoint ne modifient pas la façon de faire famille, surtout quand cette dernière s’appuie sur une entreprise familiale ou un patrimoine immobilier. Elles savent qu’elles peuvent compter sur leurs enfants pour les tâches courantes si elles en ont besoin. Le passage de la famille-entourage dispersée à la famille semi-cohabitante ou à la famille-entourage locale est surtout lié au souhait des enfants et des parents d’être à proximité. Les personnes en couple qui vivent loin de leur famille, que ce soit depuis longtemps ou depuis le passage à la retraite, comptent davantage au quotidien sur le conjoint, les enfants étant présents périodiquement et plus ou moins mobilisables en cas de problème de santé. Cette organisation de l’espace familial est facilitée par l’existence d’un patrimoine immobilier qui rend possible le regroupement familial pendant les vacances, de moyens financiers facilitant les allers et retours fréquents entre parents âgés et enfants ainsi que de la maîtrise des réseaux de communication. Toutefois, la distance géographique avec les proches, lorsqu’elle s’accompagne d’une distance affective, comporte des risques d’isolement. Le couple ou l’individu ne peut alors compter que sur lui-même et sur les solidarités de voisinage qu’il a pu constituer au cours de sa vie (Authier et al., 2021). Il serait intéressant de poursuivre cette réflexion sur les différents types de famille et leur évolution au cours de la vieillesse à partir d’une enquête biographique qui permettrait d’analyser les effets de genre, de classe sociale et de territoire.
64 Avec la norme de l’autonomie résidentielle entre les générations, il existe donc une pluralité de manières de faire famille où les questions de distance avec les proches prennent de plus en plus d’importance au fur et à mesure du vieillissement et peuvent renforcer des inégalités déjà existantes. Elles deviennent un enjeu pour les solidarités privées et publiques.
Bibliographie
Références bibliographiques
- Aouici S., Nowik L., 2018, Déménager à la retraite : mieux cerner les enjeux de relations et de soutiens à l’aide de la recherche qualitative. L’exemple de l’enquête Amare en France, Cahiers québécois de démographie, vol. 47, n° 2, p. 229‑257.
- Argoud D., 2016, L’isolement des personnes âgées. De l’émergence à la construction d’un problème public, Gérontologie et société, vol. 38, n° 149, p. 25-40.
- Argoud D. (dir.), 2004, Prévenir l’isolement des personnes âgées. Voisiner au grand âge, Paris, Dunod.
- Attias-Donfut C., Lapierre N., Segalen M., 2002, Le nouvel esprit de famille, Paris, Odile Jacob.
- Attias-Donfut C., Rozenkier A., 1995, Les solidarités entre générations. Vieillesse, familles, État, Paris, Nathan.
- Attias-Donfut C., Renaut S., 1994, Vieillir avec ses enfants, Communications, n° 59, p. 29-53.
- Authier J.-Y., Cayouette-Remblière J. (dir.), 2021, Les formes contemporaines du voisinage. Espaces résidentiels et intégration sociale, rapport de recherche, Centre Max-Weber, Ined.
- Axhausen K. W., 2007, Activity spaces, biographies, social networks and their welfare gains and externalities: some hypotheses and empirical results, Mobilities, vol. 2, n° 1, p. 15-36.
- Bacqué M.-H., Vermeersch S., 2013, Les classes moyennes dans l’espace urbain. Choix résidentiels et pratiques urbaines, Sociologie et sociétés, vol. 45, n° 2, p. 63-85.
- Battagliola F., Bertaux-Wiame I., Ferrand M., Imbert F., 1993, À propos des biographies : regards croisés sur questionnaires et entretiens, Population, vol. 48, n° 2, p. 325-346.
- Bengtson V., Roberts R., 1991, Intergenerational Solidarity in Aging Families: An Example of Formal Theory Construction, Journal of Marriage and the Family, vol. 53, n° 4, p. 856-870.
- Bessière C., Gollac S., 2022, Le genre du capital. Comment la famille reproduit les inégalités, Paris, La Découverte.
- Bonvalet C., Lelièvre E. (dir.), 2012, De la famille à l’entourage, Paris, Ined.
- Bonvalet C., Clément C., Ogg J., 2011, Les baby-boomers et leur entourage, Réinventer la famille, Paris, Presses universitaires de France, p. 283-323.
- Bonvalet C., 2003, La famille-entourage locale, Population, vol. 58, n° 1, p. 9-43.
- Bonvalet C., Maison D., 1999, Familles et entourage : le jeu des proximités, in Bonvalet C., Gotman A., Grafmeyer Y. (dir.), La famille et ses proches. L’aménagement des territoires, Paris, Ined-Presses universitaires de France, p. 27-67.
- Bonvalet C., Gotman A. (dir.), 1993, Le logement, une affaire de famille, Paris, L’Harmattan.
- Brunel M., Eideliman J.-S., 2022, La sociabilité et l’isolement social des seniors, Drees, Les dossiers de la Drees, n° 98.
- Caradec V., 2010, Les comportements résidentiels des retraités. Quelques enseignements du programme de recherche « Vieillissement de la population et habitat », Espace, populations, sociétés, vol. 1, p. 29-40.
- Chamahian A., Caradec V. (dir.), 2023, La sociologie face à la maladie d’Alzheimer, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion.
- Chombart de Lauwe P. (dir.), 1959, Famille et habitation, Paris, Centre national de la recherche scientifique.
- Cribier F., 1990, Les retraités parisiens et leur logement. Une analyse socio-géographique, Gérontologie et société, vol. 13, n° 52, p. 30-47.
- Désesquelles A., Brouard N., 2003, Le réseau familial des personnes âgées de 60 ans ou plus vivant à domicile ou en institution, Population, vol. 58, n° 2, p. 201-227.
- Gallou R., Aouici S., Nowik L., 2021, Avant-propos, Retraite et société, vol. 86, n° 2, p. 9-19.
- Gokalp C., 1978, Le réseau familial, Population, vol. 33, n° 6, p. 1077‑1094.
- Gotman A., 1999, Géographies familiales, migrations et générations, in Bonvalet C., Gotman A., Grafmeyer Y. (dir.), La famille et ses proches. L’aménagement des territoires, Paris, Ined-Presses universitaires de France, p. 69-133.
- Héran F., 1988, La sociabilité, une pratique culturelle, Économie et statistique, vol. 216, n° 1, p. 3‑22.
- Imbert C., Lelièvre E., Lessault D. (dir.), 2018, La famille à distance. Mobilités, territoires et liens familiaux, Paris, Ined.
- Mallon I., 2021, Les relations de voisinage des personnes âgées, in Authier J.-Y., Cayouette-Remblière J. (dir.), 2021, Les formes contemporaines du voisinage. Espaces résidentiels et intégration sociale, rapport de recherche, Centre Max-Weber, Ined, p. 431-460.
- Merla L., François A., Janssen C., 2014, Distances et liens : une relation complexe et dialectique, in Merla L., François A. (dir.), Distances et liens, Paris, L’Harmattan, p. 7‑16.
- Nowik L., Thalineau A., 2010, La mobilité résidentielle au milieu de la retraite, Espace, populations, sociétés, vol. 1, p. 41-51.
- Pinel J., Le Bigot B., 2023, Retraité·e·s français·es au Maroc : des spatialités privilégiées ?, Revue européenne des migrations internationales, vol. 39, n° 4, p. 219-251.
- Pinel J., 2021, Mobilités résidentielles des retraités français au Maroc : entre choix hédonistes et enjeux familiaux, Retraite et société, vol. 86, n° 2, p. 117‑140.
- Régnier-Loilier A., Vivas É., 2009, Les déterminants de la fréquence des rencontres entre parents et enfants, in Régnier-Loilier A. (dir.), Portraits de familles, Paris, Ined, p. 427-451.
- Roussel L., 1976, La famille après le mariage des enfants. Les relations entre générations. Présentation d’un Cahier de l’Ined, Population, vol. 31, n° 6, p. 1195‑1206.
- Schwartz O., 1990, Le monde privé des ouvriers. Hommes et femmes du Nord, Paris, Presses universitaires de France.
- Singly F., 2017, Sociologie de la famille contemporaine, Paris, Armand Colin.
- Trabut L., 2018, Distance et besoins de solidarité au sein des familles, in Imbert C., Lelièvre E., Lessault D. (dir.), 2018, La famille à distance. Mobilités, territoires et liens familiaux, Paris, Ined, p. 195-211.
- Trabut L., Gaymu J., 2016, Habiter seul ou avec des proches après 85 ans en France : de fortes disparités selon les départements, Population et sociétés, vol. 539, n° 11, p. 1‑4.
- Van Pevenage I., Trabut L., Kempeneers M., 2023, Jeu des proximités autour des parents âgés. Analyse d’une enquête sur les solidarités familiales et le vieillissement au Québec, Retraite et société, vol. 91, n° 2, p. 41-62.
- Weber F., 2005, Le sang, le nom, le quotidien : une sociologie de la parenté pratique, La Courneuve, Aux lieux d’être.
- Weber F., Gojard S., Gramain A., 2003, Charges de famille. Dépendance et parenté dans la France contemporaine, Paris, La Découverte.
- Willmott P., 1991, Parenté et urbanisation dans l’histoire anglaise, Genèses, vol. 4, n° 1, p. 128‑144.
- Wiseman R. F., 1980, Why older people move: Theoretical issues, Research on Aging, n° 2, p. 141‑154.
- Young M. D., Willmott P., 1957, Family and Kinship in East London, Londres, Routledge and Kegan Paul.
Mots-clés éditeurs : proximité géographique, vieillissement, soutien intergénérationnel, modèles familiaux, parenté, soutien intergénérationnel, proximité géographique, vieillissement, modèles familiaux, parenté, soutien intergénérationnel, proximité géographique, vieillissement, modèles familiaux, parenté, modèles familiaux, vieillissement, parenté, soutien intergénérationnel, proximité géographique
Date de mise en ligne : 04/11/2024.
https://doi.org/10.3917/rpsf.152.0061Notes
-
[1]
. Le contenu de cet article n’engage que ses auteurs.
-
[2]
. Cet article a été réalisé dans le cadre du projet Elvis (projet ANR-20-CE41-0015-01) : « Étude longitudinale sur le vieillissement et les inégalités sociales », coordonné par la Cnav, l’Ined, les universités de Lille et de Tours, financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) entre 2021 et 2025.
-
[3]
. L’enquête Share de 2018 montre que les plus de 60 ans ne sont pas isolés familialement : sept sur dix habitent à moins de 25 kilomètres d’au moins un enfant. 9 sur 10 sont en contact toutes les semaines avec lui. L’enquête Capacité, aides et ressources des seniors (Care-Ménages) de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a par ailleurs montré que 3,5 % des 60 ans et plus ne voient jamais ni famille ni ami (Brunel et Eideliman, 2022).
-
[4]
. La cohabitation peut aussi prendre une troisième forme, lorsqu’un parent s’installe chez un enfant (Attias-Donfut et Renaut, 1994).
-
[5]
. L’enquête Proches et parents (Ined, 1990) fixait à 11 % la part des ménages de plus de 60 ans isolés familialement.
-
[6]
. Se rapprocher des siens pour apporter un soutien aux enfants ou à un parent âgé, comme c’est le cas d’Huguette Sablon, décrit précédemment.
-
[7]
. À travers une garde régulière des petits-enfants, par exemple.
-
[8]
. Parmi les évènements qui jalonnent une existence, les évènements biographiques sont ceux qui infléchissent le déroulement de la vie (Battagliola et al., 1993).