Couverture de RPSF_152

Article de revue

Les discordances d’enquête

Circuler dans l’entourage de personnes suivies pour une maladie d’Alzheimer

Pages 41 à 60

Notes

  • [1]
    . Le contenu de cet article n’engage que ses autrices.
  • [2]
    . La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative apparaissant le plus souvent après 65 ans. Elle est caractérisée par des troubles de la mémoire, des fonctions exécutives (raisonnement, planification…) et de l’orientation dans le temps et dans l’espace. Elle évolue vers une perte d’autonomie.
  • [3]
    . L’enquête MEDIPS a été réalisée par une équipe de recherche composée de S. Gojard, A. Gramain, F. Weber, J. Wittwer, A. Béliard, S. Billaud, M. Blanchard, J.-S. Eideliman, S. Gollac, L. Lacan, D. Roy et E. Soutrenon. Elle a bénéficié du soutien financier du ministère de la Recherche et de celui de la fondation Médéric-Alzheimer.
  • [4]
    . Dans le cas d’une personne qui n’a plus d’ascendants vivants, ses obligés alimentaires sont ses enfants, ses gendres et ses belles-filles (dès lors que l’enfant conjoint ou un petit-enfant issu du mariage est encore en vie), ses petits-enfants majeurs (Code civil, articles 205 et 206). Dans cet article, le terme « obligé alimentaire » couvre aussi le conjoint de la personne bien qu’il soit tenu à une obligation de solidarité plus forte, dénommée le « devoir de secours » (Code civil, article 212).
  • [5]
    . Il a été décidé de parler dans cet article de « discordances » pour pointer les décalages objectifs constatés entre les déclarations. L’expression « perspectives multiples » semble moins adaptée car elle suggère que tout ne serait qu’une question de « point de vue », alors que le terme « dissonances » évoque davantage (comme en musique) l’effet produit sur le spectateur.
  • [6]
    . « Le fait même que dans un espace social donné les acteurs locaux soient largement reliés entre eux sous forme de réseaux rend l’anthropologue de terrain nécessairement tributaire de ces réseaux pour produire ses données. Il devient facilement captif de tel ou tel d’entre eux. Le recours à un interprète, qui est toujours aussi un “informateur privilégié” , introduit des formes particulières d’ “enclicage”  : le chercheur dépend alors des propres affinités et hostilités de son interprète, comme des appartenances ou des ostracismes auxquels le voue le statut de ce dernier » (Olivier de Sardan, 1995, p. 102).
  • [7]
    . Un questionnaire couvrait l’ensemble des membres d’un ménage.
  • [8]
    . Les noms et prénoms des personnes enquêtées, ainsi que les noms de lieu ont été modifiés par souci d’anonymat et de confidentialité.
  • [9]
    . Les tests utilisés sont choisis en fonction des effectifs (chi 2 d’indépendance ou test exact de Fisher). Les tests statistiques pour petits échantillons sont nécessaires pour tenir compte du fait que les faibles effectifs font « sauter » les proportions : lorsqu’un seul obligé alimentaire a été déclaré, le taux de circulation ne peut être que de 0 % ou de 100 %.
  • [10]
    . Aide financière destinée aux personnes âgées de plus de 60 ans en perte d’autonomie.
  • [11]
    . Ce résultat rejoint ceux de l’enquête préparatoire à l’Enquête nationale sur les ressources des jeunes, qui montre que la volonté d’atténuation de leur dépendance économique conduit les enfants à minimiser l’aide qu’ils reçoivent (Le Pape et al., 2018a).
  • [12]
    . P-values toutes inférieures à 0,1.

1 La mobilisation des entourages familiaux autour de personnes âgées suivies pour une maladie d’Alzheimer [2] apparaît comme un moment privilégié pour saisir la parenté en pratique, c’est-à-dire les pratiques effectives de la parenté, dimension souvent négligée dans les recherches au profit des dimensions juridique et biologique des liens de filiation (Weber, 2013). Cependant, cet objet empirique confronte le chercheur à l’existence potentielle de discordances entre les déclarations des différentes personnes concernées. Que faire quand plusieurs membres d’un même entourage livrent des descriptions différentes de l’entraide familiale et, parfois même, ne s’accordent pas sur qui aide et qui est aidé ? Est-il possible de dépasser le constat relativiste « à chacun sa vérité » et de tirer parti des concordances et des discordances collectées par l’enquêteur pour analyser le fonctionnement de la parenté contemporaine ?

2 Suivant l’invitation des études réflexives dans le champ des méthodes mixtes, cet article propose de considérer les discordances déclaratives non pas comme un désordre qui ferait obstacle à la production de résultats cohérents mais comme un résultat en soi qui mérite réflexion et interprétation (Sanscartier, 2020). Au cours de l’enquête dans un entourage, quelles versions sont recueillies ? Et pourquoi ces versions convergent-elles ou non ? En menant ce travail d’analyse, cet article cherche à éclairer le fonctionnement des entourages familiaux dans deux directions. D’une part, les discordances révèlent les attentes morales et les formes de normativité au sujet de l’aide familiale, qui traduisent différents principes renvoyant à différentes relations de parenté : les relations de parentèle qui obéissent à une norme de réciprocité (Petite, 2008), l’appartenance à une lignée familiale tendue par un objectif de transmission des biens matériels ou symboliques (Bourdieu, 1980) et l’appartenance à une maisonnée où sont mutualisés des ressources et des coûts, y compris au-delà du ménage (Bessière et Gollac, 2018). D’autre part, faire parler les discordances permet de mieux comprendre les reconfigurations qui s’opèrent dans les collectifs familiaux autour de personnes dépendantes. Les rapports sociaux de genre, de parenté et de position sociale qui structurent la répartition des tâches et les processus de décision (Trépied, 2003) s’y dévoilent. Dans le contexte des troubles de type Alzheimer, compte tenu de la spécificité de cette affection, de sa temporalité et des incertitudes qu’elle implique, les rapports sociaux de genre, de parenté et de position sociale dans l’entourage sont source de discordances non seulement sur les tâches réalisées mais aussi spécifiquement sur les processus de décision pour la personne malade et en son nom. Ces processus sont en effet orientés par la qualification de l’état de santé et du besoin d’aide et, en retour, orientent cette qualification (Béliard, 2019).

3 La question des discordances exprimées, c’est-à-dire des récits incompatibles faits par plusieurs individus confrontés aux mêmes situations, se pose dès lors que, pour décrire le fonctionnement d’une institution au sens large (couple, ménage, famille, classe d’école, etc.), les chercheurs décident de recourir à un protocole d’enquête polyphonique, c’est-à-dire de recueillir le point de vue de différents membres du groupe. Dans les recherches sur la parenté, ce type d’enquête a suscité un intérêt croissant ces trente dernières années. Cet article propose de revenir sur la question des discordances à partir de l’enquête MEDIPS (modélisation des économies domestiques et incidence des politiques sociales) [3], menée en 2003-2005, dont le protocole est particulièrement adapté à l’analyse (Gramain et Weber, 2001). Tout d’abord, il autorisait une forte polyphonie puisqu’il prévoyait, pour chaque personne âgée incluse dans l’enquête (dite « Ego »), de couvrir par un questionnaire chacun de ses aidants et chacun de ses obligés alimentaires [4]. La différence entre les personnes qui s’engagent en pratique dans l’aide et les personnes que le droit désigne comme devant s’y engager était au centre de l’enquête. Demander systématiquement qui participe aux décisions concernant la personne âgée dépendante permettait d’approcher cette différence dont les enquêtés ont rarement conscience. En outre, les questionnaires ont été complétés par des journaux de terrain, rédigés par les enquêteurs, qui documentent les conditions de leur circulation dans l’entourage à partir du premier contact rencontré.

4 La complexité du protocole a conduit à limiter le nombre d’entourages enquêtés (91) et a interdit un usage inférentiel classique de la méthode statistique à l’échelle des entourages. En revanche, il est possible d’articuler, pas à pas, données statistiques et ethnographiques. L’analyse des journaux de terrain, en ethnographe, est mobilisée pour faire parler les statistiques descriptives conduites sur les données recueillies par questionnaire. À rebours, dans l’analyse de cas, l’interprétation des discordances est guidée par les résultats statistiques qui donnent un cadre pour tenir compte des conditions de recueil.

5 Inscrite dans la continuité des recherches polyphoniques sur la parenté, cette analyse montre que la compréhension des discordances obtenues nécessite de retracer la circulation de l’enquêteur à l’intérieur du cas étudié en la rapportant à la composition de l’entourage. Elle propose ensuite de donner sens aux discordances, en pointant le rôle déterminant du premier contact dans le déroulement de l’enquête, puis d’autres sources spécifiques de discordances, révélatrices des dynamiques de ces configurations familiales confrontées à une maladie d’Alzheimer.

Actualité des enquêtes polyphoniques sur la parenté

6 Les questions méthodologiques tenant à la polyphonie se sont présentées sous des formes différentes selon les champs de recherche. En sociologie de la famille, cette préoccupation émerge à partir des années 1980. Une abondante littérature sur les relations conjugales s’est appuyée sur des enquêtes (qualitatives ou employant des méthodes mixtes) auprès des deux membres d’un couple (Kellerhals et al., 1987 ; Finch et Mason, 1993). Des dyades de frères et sœurs (Matthews, 2002), des binômes aidant-aidé (Zweibel et Lydens, 1990) ont aussi été explorés. Ces approches ont suscité des questionnements méthodologiques, particulièrement dans la sociologie de la famille anglophone (Harden et al., 2010), concernant ce qui est qualifié, selon les auteurs, de « perspectives multiples », « dissonances », « divergences » ou « incongruence » [5]. Ces réflexions visent généralement à trouver une voie intermédiaire entre deux écueils : une posture objectiviste ou positiviste, qui consisterait à chercher ce qui s’est réellement passé en recoupant les différentes versions, et une posture relativiste inspirée des approches postmodernes, qui mettrait au premier plan les subjectivités individuelles (à chacun sa perception de la réalité, à chacun sa vérité) sans chercher à reconstituer une cohérence. Entre ces deux écueils, ces auteurs interprètent les apparentes contradictions en restituant les relations d’enquête et la position depuis laquelle chaque personne s’exprime. Ainsi, des déclarations homogènes ne révèlent pas forcément un consensus préexistant, mais peuvent résulter d’un effort du groupe pour mettre en scène sa cohésion (Warin et al., 2007). Les divergences de déclaration entre parents et enfants, ou entre conjoints, peuvent être rapportées à leurs places différentes dans les rapports de genre et de génération (McCarthy et al., 2003).

7 Par contraste, les discordances n’ont pas été constituées comme un objet méthodologique spécifique par les chercheurs se réclamant de l’anthropologie de la parenté, à partir de son renouveau dans les années 2000 (Déchaux, 2006). Pourtant, ces derniers circulent dans des groupes familiaux, restituent les différentes versions d’une même histoire et les intègrent à l’analyse. Ainsi, l’histoire familiale peut faire l’objet de versions divergentes, révélatrices des luttes pour imposer les éléments légitimes du passé familial (Billaud, 2015), et les conflits familiaux donnent lieu à des récits différenciés (Gollac, 2014). Les relations d’aide peuvent être décrites et codées diversement par leurs protagonistes, dans le cadre des rapports de pouvoir intrafamiliaux (Béliard et al., 2012 ; Blum, 2017).

8 Ces recherches fondées sur des monographies de famille pointent, en outre, des liens entre la question de la discordance/concordance des déclarations et celle de la circulation de l’enquêteur : la multiplicité des points de vue lui est en effet plus ou moins accessible. Les ethnographes, conscients des phénomènes qu’ils qualifient « d’enclicage [6] », analysent leur propre circulation, considérant l’enquête comme une perturbation révélatrice. Lorsque la personne rencontrée en premier donne accès aux autres membres du groupe, cette compliance à l’enquête peut être interprétée de différentes manières. Dans le cas, par exemple, des parents d’enfants handicapés (Eideliman, 2009), la mère peut se saisir de l’enquête pour montrer la solidarité familiale ou pour tenter d’impliquer son entourage. Quand, à l’inverse, elle refuse de donner les contacts de certains membres de l’entourage, est-ce parce qu’elle les protège de l’enquête, comme du travail de prise en charge, ou parce qu’elle sélectionne les interlocuteurs légitimes, en excluant d’autres, qui auraient peut-être contredit sa propre version ? Ces analyses réflexives montrent la nécessité de prendre en compte les dynamiques d’accès à la parole et d’inclure dans l’analyse les cas dans lesquels le chercheur n’a pas réussi à circuler.

9 Enfin, des études statistiques ont, depuis le début des années 1990, développé des protocoles permettant de recueillir plusieurs points de vue dans les groupes de parenté. Parmi les premières en France, les enquêtes Éducation (les deux parents interrogés sur les pratiques parentales) [Héran, 1994] et Trois générations (un membre de chaque génération interrogé sur les solidarités intergénérationnelles) [Attias-Donfut, 1995] peuvent être citées. Dans le domaine de la santé, ce format s’est imposé : dans l’enquête Handicap-santé (2008), après un questionnaire principal rempli par la personne aidée ou un proxy, l’enquêteur rencontrait tous les aidants désignés qui le souhaitaient.

10 Ces enquêtes ont permis de quantifier certaines discordances déclaratives. Ainsi, dans l’étude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe), les pères déclarent moins de conflits et davantage de tâches partagées que les mères (Thierry et al., 2023). L’enquête Trois générations a, quant à elle, montré des discordances dans la description de l’aide entre parents et enfants (Attias-Donfut, 1995).

11 Ces enquêtes ont aussi permis d’étudier statistiquement l’acceptation ou le refus, par la personne rencontrée en premier, de donner accès à d’autres membres de l’entourage. Ainsi, dans Handicap-santé, le refus systématique de donner les coordonnées est plus fréquent de la part des personnes n’ayant pas d’aidant cohabitant avec elles, de celles répondant seules au questionnaire, des femmes et des personnes ayant un plus faible revenu. Lorsque l’accès n’est donné qu’à une partie des aidants, c’est principalement à ceux qui cohabitent ou qui sont les plus investis (Eghbal-Teherani, 2012). En écho avec les analyses ethnographiques, ces résultats invitent à interroger la manière dont la circulation de l’enquêteur conditionne le recueil de données concordantes ou discordantes dans les entourages et informe leur interprétation.

Tenir compte des blocages d’enquête

12 Pour le statisticien, l’analyse des discordances et concordances de déclarations est rendue difficile par les blocages d’enquête sur lesquels il manque de données en règle générale. Dans l’enquête MEDIPS (encadré 1), la rédaction de journaux de terrain constitue de ce point de vue une ressource précieuse.

Encadré 1. Présentation de l’enquête MEDIPS

Conduite en 2005 par une équipe d’économistes, sociologues et anthropologues (Joël et al., 2005 ; Soutrenon et al., 2006), cette enquête mixte s’inscrit dans une recherche en cinq temps.
  1. Découverte, grâce à des études de cas ethnographiques, d’un questionnement commun à l’économie de la santé et à l’anthropologie de la parenté autour de personnes présentant des troubles de type Alzheimer (qui fait quoi ? qui paie quoi ?).
  2. Réduction de la richesse des cas ethnographiques à un petit nombre de variables en vue d’un recueil standardisé par questionnaire et d’une modélisation économétrique.
  3. Réalisation d’une enquête par questionnaire par des enquêteurs formés à l’ethnographie, avec rédaction de journaux de terrain.
  4. Traitement des données par des économètres informés des résultats ethnographiques préalables.
  5. Retour à l’analyse ethnographique des cas par les sociologues et les anthropologues.
Cette recherche s’inscrit donc dans la tradition « séquentielle » des méthodes mixtes, « utilisée lorsque les résultats d’une approche sont nécessaires pour planifier la méthode suivante » (Johnson et al., 2007, p. 115).
Constitution de l’échantillon
Cinq lieux de sélection, appartenant au système sanitaire et social de la région parisienne, ont participé à l’inclusion en prenant contact avec la personne de référence de toutes les personnes âgées de plus de 60 ans ayant consulté dans les deux à six derniers mois pour le suivi de problèmes de mémoire ou de troubles du comportement, quel que soit leur mode de résidence (domicile ou institution).
Déroulement de l’enquête
Répondre à la question d’origine (qui fait quoi ? qui paie quoi ?) nécessitait des informations sur les personnes impliquées mais aussi sur celles qui auraient pu l’être. Pour chaque personne âgée incluse, le protocole prévoyait donc de couvrir par un questionnaire tous les membres de son entourage, défini comme :
  • toute personne impliquée régulièrement, financièrement ou matériellement, dans l’aide aux tâches de la vie quotidienne, qu’elle soit apparentée ou non [*] ;
  • tout obligé alimentaire (voir note 4), qu’il soit aidant ou non.
Pour garantir le consentement à l’enquête, le protocole prévoyait trois étapes.
  1. L’enquêteur prenait rendez-vous avec la personne de référence pour le passage d’un questionnaire, l’établissement d’une première liste des membres de l’entourage reposant sur un arbre généalogique et la réponse à plusieurs questions sur l’identité des personnes impliquées dans l’aide (encadré 2). Pour celles qui n’avaient ni autre obligé alimentaire ni autre aidant déclarés par ce premier contact, l’enquête s’arrêtait [**].
  2. Le premier contact faisait parvenir à chaque personne repérée à l’étape n° 1 un courrier de contact à retourner à l’équipe.
  3. En cas d’acceptation par les personnes contactées à l’étape n° 2, l’enquêteur prenait contact avec elles pour le passage d’un questionnaire (un par ménage) en face-à-face ou par téléphone [***].
L’enquête MEDIPS est donc construite « par cas », terme qui renvoie à la fois au cas statistique (unité statistique construite à l’échelle de l’ensemble « personne Ego + son entourage » par opposition à une échelle individuelle) et à l’étude de cas monographique, c’est-à-dire à l’analyse des dynamiques à l’œuvre dans une situation donnée (Passeron et Revel, 2005).
  • * Pour les aidants professionnels rémunérés, seuls ceux considérés comme s’impliquant au-delà d’une simple relation salariale ou de prestation de service ont été retenus.
  • ** L’entourage se réduit au seul premier contact pour sept cas.
  • *** Ces questionnaires ont été passés par les chercheurs et les jeunes chercheurs de l’équipe (pour les premiers cas) et par des enquêteurs rémunérés formés aux spécificités de cette enquête.

13 Cette enquête portant sur l’entourage de personnes suivies pour une maladie d’Alzheimer ou des troubles apparentés a permis de réaliser 91 monographies. Les entourages comptaient un total de 679 personnes, dont 90 % étaient des obligés alimentaires de la personne aidée (schéma 1). Un tiers d’entre eux étaient impliqués dans l’aide en temps, en argent ou par la participation aux décisions concernant la vie quotidienne de la personne aidée. Les 200 questionnaires ménage remplis apportent des informations détaillées sur 304 individus [7].

Schéma 1. Répartition des 679 membres d’entourage en fonction de leur lien de parenté avec Ego et de leur implication dans l’aide (enquête MEDIPS)

figure im1

Schéma 1. Répartition des 679 membres d’entourage en fonction de leur lien de parenté avec Ego et de leur implication dans l’aide (enquête MEDIPS)

Encadré 2. Questions posées au premier contact concernant les personnes de l’entourage familial impliquées dans l’aide à Ego

Q12-4. Est-ce que certaines des personnes dont vous m’avez parlé en dessinant l’arbre [généalogique] lui apportent une aide importante dans les tâches quotidiennes ? Si oui, lesquelles ?
Q12-5. Savez-vous s’il y a, sur cet arbre toujours, des personnes qui aident ou qui ont aidé __Ego__ pour financer les soins et les aides liés à sa dépendance ? Si oui, lesquelles ?
Q23-7. Aujourd’hui que __Ego__ est assez âgé(e), lorsqu’il y a des décisions à prendre, des choix à faire concernant sa vie quotidienne, quelles sont les personnes qui décident ?
  • __Ego__ et lui/elle seul(e).
  • __Ego__ et quelques personnes seulement. (Précisez qui.)
  • Quelques personnes seulement. (Précisez qui.)
  • Tout le monde, à l’unanimité, y compris __Ego__.
  • Tout le monde, à l’unanimité, sauf __Ego__.
  • Ne sait pas.

14 Le protocole de l’enquête permettait, pour chaque personne âgée, d’élargir le périmètre de son entourage au fur et à mesure de l’enquête. Tout en maintenant chaque personne rencontrée dans l’ignorance des informations recueillies précédemment, l’enquêteur faisait redessiner de manière systématique les arbres généalogiques et posait à nouveau les questions sur l’identité des personnes impliquées dans l’aide et la décision. Si certaines discordances ont été observées entre les arbres, elles n’ont touché l’identité des obligés alimentaires que dans un seul cas. En revanche, les discordances de déclaration sur les pratiques d’aide et sur les processus de décision ont été nombreuses. Dans l’analyse qui suit, lorsque des études de cas sont mentionnées (encadré 3), elles tiennent compte des réponses concernant l’aide en temps, l’aide financière et la décision (encadré 2) et des liens parfois complexes qui existent entre elles. En revanche, pour simplifier l’analyse statistique, un seul indicateur a été retenu : la participation aux décisions. Il révèle, en effet, de façon synthétique la dynamique des relations de pouvoir dans la parenté et des enjeux spécifiques à la maladie d’Alzheimer. En outre, c’est sur cette dimension que les taux de discordance les plus élevés ont été observés dans l’enquête (MEDIPS, 2006).

Encadré 3. ArchEthno Alzheimer : une base pour ouvrir les archives de l’enquête

Les archives de l’enquête MEDIPS sont depuis juin 2014 à la disposition des chercheurs qui en font la demande (Weber et al., 2024) : ​archweb.​ens.​psl.​eu/​data/​medips-​alzheimer. Elles regroupent, pour chaque cas pseudonymisé par un numéro, le résumé de la configuration de parenté et d’aide, l’analyse de la relation d’enquête, ainsi que des fichiers confidentiels eux aussi pseudonymisés : le journal de terrain tenu par l’enquêteur, les arbres généalogiques qu’il a constitués avec l’aide des enquêtés et la fiche synthétique rédigée par les membres de l’équipe. Les réponses aux questionnaires sont conservées à part. Dans les lignes qui suivent, l’analyse de cas est conduite en exploitant à la fois les questionnaires (les réponses de chaque enquêté aux questions sur la décision, l’aide en temps et l’aide financière) et les archives de l’enquête (journal de l’enquêteur, arbres généalogiques, fiche synthétique).

L’absence d’information est déjà une information

15 Analyser statistiquement les discordances observées suppose de tenir compte de la quantité d’information disponible : l’enquête n’ayant pas permis de rencontrer la totalité des membres de l’entourage, seule une partie d’entre eux pouvait confirmer ou infirmer les déclarations du premier contact.

16 L’exemple des seuls obligés alimentaires et des déclarations du premier contact sur leur participation aux décisions concernant la vie quotidienne de la personne aidée suffit à illustrer l’ampleur du problème. Sur les 39 obligés alimentaires dont le premier contact a déclaré qu’ils participaient aux décisions, 10 ont confirmé cette déclaration, 9 l’ont infirmée, mais 20 n’ont pas été rencontrés. Autrement dit, le taux de concordance apparent est de 52,6 % (10 sur 19). Pourtant, si les personnes qui ont échappé à l’enquête avaient toutes infirmé les déclarations du premier contact, le taux de concordance tomberait à 25,6 % (10 sur [19 + 20]). Si elles les avaient toutes confirmées, le taux monterait à 76,9 % ([10 + 20] sur [19 + 20]). Se contenter de tenir compte de la quantité d’information disponible via des fourchettes mène donc à une impasse.

Le premier contact : reflet de la composition démographique de l’entourage et de l’ordre moral de mobilisation

17 Analyser la circulation de l’enquêteur ouvre en revanche des pistes. Clarifier les contraintes que la composition démographique de l’entourage fait peser sur le déroulement de l’enquête permet en effet de faire apparaître que le lien de parenté du premier contact avec la personne aidée donne des indices importants sur les normes familiales et la façon dont les entourages s’y plient ou non.

18 À ce titre, 8 cas se distinguent car ils font entorse au protocole d’enquête : alors qu’il était prévu que les institutions participant à l’enquête sollicitent la personne de référence des patients, c’est la personne aidée elle-même (Ego) qui fut le premier contact. L’analyse des journaux révèle ici des enjeux liés au diagnostic : soit la maladie était à un stade débutant, soit le diagnostic était refusé ou minimisé par les personnes rencontrées.

19 Lorsque le protocole a été respecté, l’analyse montre que raisonner sur le lien de parenté du premier contact avec Ego revient à prendre en compte la composition démographique de l’entourage.

20 Tout d’abord, 9 cas de « parent piégé » (ou « ménage piégé ») [Weber, 2010] peuvent être distingués, c’est-à-dire des situations où tout le poids de l’obligation familiale repose sur une seule personne (ou plus exactement sur un seul ménage), faute d’autre obligé. Ainsi, dans le cas d’une veuve dont la fille unique (premier contact) vivait avec son mari et ses deux enfants majeurs, il suffisait d’un seul questionnaire pour couvrir les 4 obligés alimentaires. Dans l’enquête MEDIPS, cette situation concerne aussi bien des conjointes (3) et des conjoints (2), que des filles (3) et des fils (1). Les discordances et les blocages d’enquête sont dès lors mécaniquement impossibles et leur analyse n’a pas lieu d’être.

21 Dans les cas où l’entrée aurait pu se faire par différentes personnes, trois configurations principales apparaissent : lorsqu’Ego a un conjoint, c’est lui qui est le référent du système de soins et qui répond donc en premier à l’enquête (28 cas) ; à défaut de conjoint vivant, c’est un enfant (32 cas) ; à défaut de conjoint et d’enfant, ce sont des frères et des sœurs, des neveux ou des nièces, voire des professionnels (6 cas).

22 Ce résultat rejoint ceux d’autres recherches qui ont montré une hiérarchie dans l’aide familiale, parfois désignée comme « modèle hiérarchique compensatoire » (Clément et al., 2013). Cet ordonnancement des aidants est révélateur des normes d’implication dans l’aide selon la place dans la parenté et dessine un « ordre moral de mobilisation », rappelé sans doute dans ce contexte par l’institution sanitaire. Plusieurs autres enquêtes ont ainsi révélé des normes concernant les personnes considérées comme responsables en première ligne, ou mobilisables en second. Les enquêtes révèlent cependant des ordres différents selon les types d’aide considérés et selon qu’elles s’intéressent à des pratiques ou à des anticipations sur un mode conditionnel. Ainsi, l’ordre de mobilisation révélé par l’identité du premier contact dans l’enquête MEDIPS est confirmé par celui qu’A. Béliard (2019) observe pour le référent familial inscrit dans 303 dossiers médicaux de personnes suivies dans une consultation Alzheimer. Il diffère en revanche des résultats de S. Petite (2008) établis à partir d’une enquête visant à savoir à qui les aidants demanderaient de l’aide au sein de leur groupe de parenté.

Quand le conjoint n’est pas premier contact : un indice de sa disqualification

23 La mise en évidence par la statistique de cet ordre de mobilisation des premiers contacts permet de faire apparaître des exceptions révélatrices : dans 8 cas, les enquêteurs ont été adressés à une fille (6 cas), à une belle-fille ou à une petite-fille, alors que le conjoint était encore en vie. L’analyse des matériaux ethnographiques associés dévoile différents processus de disqualification de la parole du conjoint, comme dans le cas de M. Marchal [8] (cas 78), qui pourrait faire figure de pater familias en danger.

24 Ancien chef d’entreprise, M. Marchal (Ego) est suivi pour une maladie d’Alzheimer débutante. Il vit avec son épouse, avec qui il a eu deux filles, Sylvie, 55 ans, et Solange, 49 ans. M. Marchal a également une fille d’un premier mariage, Véronique, 60 ans. Le premier contact de l’enquête est la plus jeune des filles, Solange, orthophoniste. C’est elle qui accompagne son père aux consultations, parce que, explique-t-elle à l’enquêtrice, sa mère « refuse de voir que son mari a Alzheimer ». Solange ne cite que deux aidants en temps : sa mère et la femme de ménage. Elle dit que les décideurs sont son père, sa mère, elle et sa sœur. Puis, lors du questionnaire avec Mme Marchal, la conjointe, dont les coordonnées ont été fournies par Solange, l’enquêtrice note une ambiance tendue : « Mme Marchal prend très mal toutes les questions liées à l’aide que peut recevoir son mari […]. Elle refuse d’ailleurs le terme de “malade” puisque, pour elle, son mari vieillit tout simplement. » Mme Marchal ne déclare pas d’aide financière et déclare la femme de ménage comme seule aidante en temps. Elle dit que son mari et elle sont les seuls décideurs. La décision, tout comme la maîtrise de la circulation du diagnostic dans l’entourage font partie des marqueurs de statut : ils expriment l’autorité du couple âgé vis-à-vis de l’extérieur mais aussi des enfants (Thomas et Banens, 2020). Lors d’un troisième questionnaire, Sylvie, la sœur aînée de Solange, insiste elle aussi sur la difficulté de ses parents à accepter la maladie de son père : elle dit que sa mère « l’a toujours traité [M. Marchal] comme le pater familias et en se postant comme une barrière entre lui et ses filles ». Sylvie, qui est comptable, fait des démarches administratives pour ses parents, ce qu’elle considère comme « normal », se disant gênée de parler d’« aide ». Alors qu’elle dispose de la signature et du chéquier de son père, elle dit que les seuls décideurs sont son père et sa mère.

25 L’enquêtrice rencontre également Véronique, la fille du premier mariage de M. Marchal, qui n’est pas au courant de la maladie de son père et n’identifie aucun aidant dans l’entourage.

26 Deux questionnaires sont enfin passés avec les deux filles de Sylvie, dont l’une, qui habite dans un appartement appartenant à son grand-père, est la seule qui évoque directement la maladie et les aides apportées à son grand-père. Selon elle, sa mère s’occupe « de ses affaires », sa tante est « là pour le traitement » et les décisions sont prises par sa grand-mère et sa mère.

27 Dans cette situation, les premières contactées (Mme Marchal, Sylvie et Solange) décrivent des aides moins importantes que l’entourage de seconde ligne (les petites-filles), des aides qui restent invisibles aux personnes extérieures au groupe de prise en charge (la fille du premier mariage). Cette situation est représentative d’un ensemble de cas observés dans l’enquête MEDIPS, le plus souvent à un stade débutant de la maladie, où le diagnostic n’est pas diffusé à tous et où plusieurs personnes n’identifient pas comme des aides certaines tâches (notamment quand l’aide des conjointes, dans la continuité de leur travail domestique, reste longtemps invisible). Ces discordances prennent sens également dans le contexte de cette famille bourgeoise et relativement fortunée, qui valorise la discrétion sur les questions de santé comme sur les questions de patrimoine, lesquelles sont pourtant bien présentes.

28 Le fait que le premier contact soit une fille alors que la conjointe est en vie constitue ainsi un indice qui permet d’interpréter les nombreuses discordances comme les signes d’un processus de disqualification du point de vue de la conjointe. Sur l’instantané que saisit l’enquête, les discordances de déclarations reflètent alors le statut instable et fragile attribué au point de vue de la conjointe, qui selon les interlocuteurs et les contextes est respecté, ménagé ou bien contourné et disqualifié.

Des circulations dépendantes du premier contact

29 Les données recueillies permettent aussi d’analyser l’accès donné par le premier contact au reste de l’entourage dans les 60 cas qualifiés de « réguliers », c’est-à-dire où l’entrée s’est faite selon le protocole et selon l’ordre moral de mobilisation et où la circulation était théoriquement possible (au moins deux ménages comportant un ou plusieurs obligés alimentaires). Plusieurs régularités statistiques apparaissent (tableau 1).

Tableau 1. Circulation de l’enquêteur parmi les obligés alimentaires selon le lien du premier contact avec Ego

Statut du premier contact Conjoint Enfant Femme Homme Ensemble
conjointe conjoint ensemble fille fils ensemble conjointe/fille conjoint/fils
Nombre de cas réguliers où la circulation est possible* 19 9 28 21 11 32 40 20 60
Déclaration du premier contact sur autrui
Nombre moyen d’obligés alimentaires cités par cas (personnes/cas) 7,7 6,0 7,1 11,0 8,1 10,0 9,4 7,2 8,6
Nombre moyen d’obligés alimentaires déclarés décideurs par cas (personne/cas) 0,4 0,1 0,3 0,8 0,9 0,8 0,6 0,6 0,6
Proportion d’obligés alimentaires déclarés décideurs parmi les obligés alimentaires cités (en %) 5,5 1,9 4,5 7,0 11,2 8,2 6,4 7,7 6,7
Circulation de l’enquêteur
Nombre de personnes couvertes par un questionnaire (proportion en %)
parmi les obligés alimentaires 24 (16,4) 7 (13,0) 31 (15,5) 39 (17,0) 19 (21,3) 58 (18,2) 63 (16,8) 26 (18,2) 89 (17,1)
parmi les obligés alimentaires déclarés décideurs 3 (37,5) 1 (100,0) 4 (44,4) 7 (43,8) 6 (60,0) 13 (50,0) 10 (41,7) 7 (63,6) 17 (48,6)
parmi les obligés alimentaires déclarés non décideurs 21 (15,2) 6 (11,3) 27 (14,1) 32 (15,0) 13 (16,5) 45 (15,4) 53 (15,1) 19 (14,4) 72 (14,9)
* Les 31 autres cas correspondent à 8 entrées par la personne aidée, à 9 cas de parent/ménage piégé, à 6 cas où le premier contact n’est pas obligé alimentaire et à 8 cas ne respectant pas l’ordre moral de mobilisation familiale (les premiers contacts sont 6 filles, 1 petite-fille, 1 belle-fille).

Tableau 1. Circulation de l’enquêteur parmi les obligés alimentaires selon le lien du premier contact avec Ego

Lecture : sur les 32 cas réguliers où le premier contact est l’enfant d’un veuf, les premiers contacts ont désigné en moyenne 10 obligés alimentaires (hors premier contact), dont 0,8 (soit 8,2 %) comme impliqués dans la décision. L’enquête a permis de rencontrer 18,2 % des obligés alimentaires, 50 % de ceux qui avaient été désignés comme décideurs et 15,4 % des autres.

30 Tout d’abord, l’accès aux autres membres de l’entourage a été d’intensité variable selon leur lien de parenté avec Ego. Parmi les enfants qui n’étaient pas premier contact (69 filles et 89 fils), deux tiers ont pu être contactés par l’équipe, dont deux tiers encore ont accepté de participer (taux de participation final de 46 %). En revanche, les premiers contacts n’ont donné accès qu’à un tiers des petits-enfants, dont 78 % ont accepté de participer à l’enquête (taux de participation final de 26 %).

31 L’accès a aussi été plus faible pour les personnes que le premier contact déclarait comme non impliquées dans l’aide. La proportion de personnes couvertes par un questionnaire est par exemple de 49 % parmi les obligés alimentaires dont les premiers contacts ont déclaré qu’ils participaient aux décisions, contre seulement 15 % parmi ceux dont le premier contact a déclaré qu’ils n’étaient pas impliqués dans les décisions. Cette différence, qui s’observe quel que soit le premier contact, est particulièrement nette et statistiquement significative lorsque le premier contact est une fille (43,8 % contre 15,0 %, p-value = 0,009) ou un fils (60,0 % contre 16,5 %, p-value = 0,006) [9].

32 Ce niveau différentiel de blocage a des effets sur la circulation effective globale de l’enquêteur, et donc sur l’accès à de potentielles discordances, qui dépendent de la proportion des membres de l’entourage que le premier contact a déclarés comme décideurs : plus cette proportion est élevée, plus la circulation globale est forte. Or, la proportion d’obligés qui, selon le premier contact, participent aux décisions est presque deux fois plus élevée lorsque le premier contact est un enfant : 8,2 % quand c’est un enfant, et même plus de 11 % quand c’est un fils, contre 4,5 % quand c’est un conjoint (p-value = 0,05), alors même que les enfants déclarent en moyenne un nombre plus élevé d’obligés de la personne aidée (10 contre 7 quand c’est un conjoint). Il est possible qu’il soit plus facile au conjoint qu’à un enfant de se revendiquer seul décideur (si la décision est perçue comme une prérogative), ou moins facile d’impliquer d’autres décideurs (si la décision solitaire apparaît comme un poids).

33 Les premiers contacts semblent donc faire usage différemment de leur rôle de portier : s’ils permettent tous un accès privilégié aux membres de l’entourage qu’ils déclarent impliqués dans l’aide, la circulation est plus efficace et facilite l’accès à de potentielles discordances lorsque le premier contact est un enfant, à la fois parce que l’accès aux membres déclarés décideurs est plus large et parce que le nombre de décideurs déclarés est plus élevé, surtout lorsque le premier contact est un fils. Ces résultats suggèrent donc que la fréquence des discordances observées ne peut s’analyser qu’en tenant compte de l’identité du premier contact.

Donner sens aux discordances selon l’entrée dans l’enquête

34 Une plus large circulation ne conduit pas pour autant systématiquement à observer davantage de discordance, dès lors que le premier contact peut choisir de donner ou de verrouiller l’accès aux autres membres de l’entourage en fonction de ce qu’il anticipe en termes de discordances. De fait, les résultats de l’enquête MEDIPS semblent indiquer que les discordances au sein de l’entourage familial sont elles aussi structurées selon l’identité du premier contact.

Les conjointes : se protéger de l’enquête pour garantir la mise en scène de la vie familiale

35 Que se passe-t-il lorsque le premier contact est une conjointe ? Alors qu’elles déclarent peu de décideurs dans l’entourage et que les enquêteurs n’ont eu que peu accès à ces derniers, les conjointes sont pourtant plus souvent contredites que les premiers contacts enfants (voir ci-après) : sur les 24 obligés alimentaires rencontrés, 2 des 3 personnes qu’elles avaient déclarées décideuses disent qu’elles ne le sont pas, 5 des 21 qu’elles avaient déclarées non décideuses disent au contraire qu’elles le sont. L’analyse des journaux suggère l’existence de deux configurations opposées : la mise en scène de l’autonomie du couple âgé d’une part, celle de la solidarité familiale de l’autre.

Mme Flèche (cas 86), une conjointe seule aidante contredite par son fils hébergé

36 Dans l’enquête concernant M. Flèche (Ego), atteint d’une maladie d’Alzheimer à un stade avancé, la divergence des définitions de la situation est poussée à l’extrême. Ce qui pose question, c’est la direction même de l’aide. Mme Flèche remplit le premier questionnaire à leur domicile. Pendant la passation du questionnaire arrive leur fils unique, qu’ils hébergent dans un appartement sur le même palier. Il remplit un questionnaire à son tour. Il a 52 ans, est au chômage, séparé de sa conjointe. Ses deux enfants vivent avec leur mère. Mme Flèche ne considère pas son fils comme aidant, elle insiste au contraire sur l’aide matérielle qu’elle et son mari lui apportent, en l’hébergeant gratuitement. Pourtant, le fils ne déclare pas bénéficier d’une aide matérielle de la part de sa mère. Il estime, en revanche, aider sa mère (pour garder son père, pour faire quelques courses). De son côté, elle affirme : « Oh, il va acheter une baguette de temps en temps, c’est tout. » Elle évoque son inquiétude pour le financement de l’accueil de jour de son mari : compte tenu de leur niveau de ressource, l’allocation personnalisée d’autonomie (Apa) [10] ne couvrira qu’une faible partie des frais. M. Flèche était directeur d’une auberge de jeunesse et Mme Flèche, assistante de direction, travaillait avec lui. Ils sont tous deux d’origine populaire, ont peu de patrimoine liquide et leur fils ne semble pas en mesure de participer au financement. Les transactions dans cet entourage font donc l’objet de qualifications différenciées de la part des acteurs (Zelizer, 2005 ; Weber, 2000), se traduisant par des discordances de déclarations, révélatrices des enjeux de l’enquête pour chacun. Le fils, hébergé par ses parents, tient à affirmer une indépendance matérielle et une utilité dans l’aide [11], tandis que sa mère s’inquiète que le couple doive faire face seul au financement des aides. Comme dans d’autres cas, la révélation de ces discordances est rendue possible par la rencontre fortuite entre l’enquêteur et l’aidant de second rang, auquel il n’aurait probablement pas eu accès par le premier contact.

Mme Garnier (cas 97), une conjointe contredite dans ses efforts de montrer une famille aidante

37 À l’inverse, il peut arriver que la personne contactée en premier présente l’image d’une famille mobilisée autour d’elle, masquant son isolement, que la suite de l’enquête dévoile. C’est le cas de Mme Garnier, elle aussi premier contact pour l’enquête concernant son mari (Ego). Mme Garnier était éducatrice, issue d’une famille d’assureurs, et son mari était aussi assureur. Elle déclare qu’elle est aidante en temps ainsi que ses cinq enfants et qu’elle prend les décisions avec les enfants. L’enquêtrice note cependant : « Elle parle beaucoup, […] elle veut me raconter la vie de chacune des personnes de la famille mais elle n’est pas précise sur l’aide et la fréquence des relations (elle dit “beaucoup” ou “pas beaucoup[…], il semblerait qu’elle cache le fait qu’elle ne voie pas très souvent les gens). » Lorsque l’enquêtrice demande l’accès aux enfants, Mme Garnier refuse pour ses fils, dont l’un est assureur et l’autre vigile (« Elle semble avoir peur d’eux ; elle dit qu’une de ses belles-filles dirait “n’importe quoi” »). Elle donne les coordonnées de ses filles, qui sont éducatrice, secrétaire médicale et assistante maternelle. Deux d’entre elles, bien que réticentes, acceptent de répondre à l’enquête. Elles disent qu’elles ne sont ni aidantes en temps, ni décideuses et évoquent leur inquiétude sur l’aggravation de l’état de leur père et le coût de sa prise en charge. L’une d’entre elles critique le questionnaire et notamment les questions cherchant à recueillir son opinion sur la répartition de la prise en charge financière de la dépendance entre les familles et l’État, qui d’après elle « vont dans le sens de déresponsabiliser l’État ». Dans cette situation, la prise en charge collective décrite dans un premier temps par la mère est donc contredite par la suite de l’enquête, qui fait apparaître les inquiétudes des filles et les potentielles tensions à propos du financement, dans cette fratrie aux destins sociaux et aux revenus hétérogènes.

38 Ces deux situations suggèrent que la faible circulation de l’enquête peut être liée à des tentatives de la conjointe de limiter l’accès aux enfants qui, une fois rencontrés, risqueraient de contredire ses premières déclarations. Il n’est pas impossible qu’une meilleure circulation aurait révélé une contradiction plus large encore.

Fils et filles : ouvrir l’enquête ou sélectionner les répondants ?

39 Les fils et les filles premiers contacts ont permis une circulation plus large, ce qui permet d’étayer les résultats par des tests statistiques. C’est parmi les personnes déclarées décideuses par les premiers contacts « fils » que la discordance observée est la plus forte (4 personnes sur 6, soit les deux tiers, ont déclaré qu’elles n’étaient pas décideuses). Ce taux de discordance est significativement plus élevé que pour les obligés que les fils ont décrits comme ne participant pas aux décisions (3 personnes sur 13, soit 23 %), pour ceux que les filles ont déclarés décideurs (2 sur 7, soit 28,6 %) ou non décideurs (6 sur 32, soit 18,8 %) [12]. Or, les fils se distinguent à la fois pour avoir déclaré une proportion élevée de décideurs (11,2 % contre 7,0 %) et par le fort taux de couverture de ces derniers par l’enquête (60,0 % contre 43,8 %). Cela suggère que les premiers contacts « fils » sont d’autant plus souvent contredits qu’ils présentent l’image d’une décision plus largement partagée et ouvrent l’accès au reste de l’entourage.

40 La mise en regard de deux cas révèle les mécanismes qui sous-tendent ces deux formes d’appropriation du protocole d’enquête par les filles et les fils.

Une fille de Mme Lamy (cas 22) donne accès à ses frères et sœurs les plus coopératifs

41 Mme Lamy (Ego), veuve, était lingère à l’hôpital et a eu sept enfants. Les cinq aînés ont entre 70 et 76 ans au moment de l’enquête. Les deux benjamins, Jocelyne et Marc, ont 57 ans. Le premier contact de l’enquête est Marguerite, troisième enfant et deuxième fille. Secrétaire à la retraite, elle habite avec sa mère. D’après son questionnaire, les aidants en temps sont elle-même et ses deux sœurs. Pour l’aide en argent comme pour la participation aux décisions, elle cite tous les frères et sœurs sauf Marc (le dernier fils). Marguerite dit financer toutes les dépenses pour sa mère et que, si elle cessait de l’aider, « elle irait à l’hôpital ». La fratrie est relativement homogène socialement, s’inscrivant dans les classes populaires. Les deux sœurs de Marguerite sont secrétaire et aide-soignante, plusieurs frères sont artisans. Marguerite accepte de proposer l’enquête à trois de ses frères et sœurs, ceux qu’elle présente comme les plus « agréables et coopératifs ». Ces derniers ont tous confirmé les déclarations de Marguerite en ce qui concerne leur propre participation.

Le fils de Mme Lenz (cas 88) ouvre l’enquête et se trouve contredit par ses sœurs

42 La circulation dans l’exemple précédent contraste avec le déroulement de l’enquête autour de Mme Lenz (Ego), veuve et mère de trois enfants, suivie pour une maladie d’Alzheimer à un stade avancé. Elle était femme au foyer, son mari artisan tailleur. Au moment de l’enquête, elle habite seule et est en attente d’une place en maison de retraite.

43 Le premier contact de l’enquête est son fils, Jean-Paul, rencontré par l’enquêteur dans la maison de Mme Lenz, située sur le même terrain que la sienne. Pendant ce premier entretien, Jeannie, la fille aînée de Mme Lenz, qui habite à proximité, passe déposer des bouteilles d’eau pour sa mère. L’enquêteur prend alors directement rendez-vous avec elle. Jean-Paul fournit les coordonnées de sa deuxième sœur, Alexandra, qui a déménagé récemment dans une autre commune.

44 Dans leurs réponses aux questionnaires, les trois enfants s’accordent sur le fait qu’aucun d’entre eux n’aide financièrement leur mère. En revanche, sur la question de l’aide en temps, Jean-Paul déclare une aide partagée entre lui et ses sœurs, alors que chacune des deux sœurs se présente comme la seule aidante. Ces discordances concernant la répartition de l’aide en temps renvoient à des différences liées au genre observées de manière plus générale dans l’enquête. Les fils ont, plus souvent que les filles, décrit une aide partagée entre les enfants, affichant un fonctionnement collectif de la fratrie, alors que les filles ont, plus souvent que les fils, insisté sur des différences d’implication dans l’aide quotidienne au sein de la fratrie.

45 La sélection des interlocuteurs ultérieurs par les filles premiers contacts a souvent été construite sur cette mise en avant des différences de contribution. Elles se sont saisies de l’enquête d’une manière normative en redéfinissant le périmètre de l’enquête d’après leur jugement sur l’implication réelle des personnes dans l’aide au quotidien. À cette normativité se référant au fonctionnement effectif des maisonnées s’oppose une normativité, plus souvent exprimée par les fils premiers contacts, qui se réfère à la norme juridique et aux statuts liés aux places dans la parenté. Les fils ont en effet plus souvent accepté de donner accès sans distinction à toute la fratrie, qu’ils ont décrite comme produisant une aide partagée, ce qui renvoie au souci, observé dans d’autres enquêtes, de la part des hommes en matière d’aide familiale, d’afficher un fonctionnement égalitaire (Le Pape et al., 2018b).

Des formes spécifiques de discordance selon la configuration familiale

46 Les différents cas présentés dans cet article mettent également en évidence certaines sources spécifiques de discordance qui caractérisent la configuration dans son ensemble, au-delà du premier contact : l’hébergement de certains enfants de la personne âgée dépendante, l’hétérogénéité sociale des fratries, le caractère évolutif de la maladie.

Les enfants hébergés

47 Dans le cas de Mme Lamy (cas 22), si les trois frères et sœurs enquêtés en second ont confirmé les dires de Marguerite les concernant, l’enquête révèle cependant des divergences sur le rôle de Marguerite elle-même. Yvon et Lucienne ont fait ressortir le rôle prépondérant de cette dernière dans les décisions. En revanche, alors que Marguerite s’incluait dans les aidants en argent, Yvon et Lucienne ne la citent pas, insistant plutôt sur le fait qu’elle dépend de leur aide à eux. Lucienne a précisé qu’elle héberge gratuitement Marguerite et sa mère dans l’une de ses maisons. Cette indétermination, déjà observée entre Mme Flèche et son fils (cas 86), est récurrente dans les situations de cohabitation entre parents et enfants adultes et accentuée en cas de troubles cognitifs d’un parent : dans plusieurs cas de l’enquête MEDIPS, l’enfant cohabitant revendique le fait d’être aidant, une aide peut-être invisible aux yeux du reste de la famille, alors que d’autres membres de l’entourage insistent sur le bénéfice que retire cet enfant en étant hébergé.

L’hétérogénéité sociale des fratries

48 Les types de discordances observées dépendent aussi des caractéristiques sociales des fratries. Ainsi, toujours dans la famille Lamy (cas 22), les faibles revenus des membres de la fratrie concentrent les enjeux sur la contribution de chacun aux dépenses, tandis que la taille de la fratrie et les écarts d’âge créent des effets d’éloignement et de clan. De même, dans la fratrie Lenz (cas 88) où le financement soulève moins de difficultés, les discordances portent sur l’aide en temps et sur la décision, structurées par les rapports de genre mais aussi par les divergences entre les destins sociaux de Jeannie et d’Alexandra. Jeannie, la seule qui n’a pas connu d’ascension sociale (elle est agente d’accueil, Jean-Paul ingénieur et Alexandra cadre bancaire), est en congé maladie et sans enfants. D’après les déclarations dans les questionnaires des trois frères et sœurs, Jeannie assure des visites quotidiennes et des services non programmés, des courses et des petits coups de main en partie invisibles aux yeux de ses frère et sœur. Jean-Paul et Alexandra, tous deux en position sociale élevée, en couple avec plusieurs enfants, sont moins présents au quotidien mais impliqués dans les décisions, les démarches, la gestion des aides à domicile. B. Trépied (2003) a montré comment leur position sociale dominante pouvait amener certains membres d’une fratrie à prendre la main sur les décisions alors que la gestion quotidienne est assurée par d’autres. Dans la fratrie Lenz, les discordances sur la participation aux décisions expriment aussi ce rapport de force : Jeannie s’est déclarée non décideuse, alors qu’Alexandra et Jean-Paul l’ont tous deux déclarée décideuse. Il est possible que Jeannie, investie dans une aide quotidienne peu visible pour ses frère et sœur, exprime cette absence de reconnaissance en déclarant qu’ils décident sans elle.

Le caractère évolutif de la maladie

49 Enfin, toujours dans le cas de Mme Lenz (cas 88), les discordances tiennent aussi aux différences de référentiel temporel, dans une situation où la prise en charge semble de plus en plus lourde à gérer et conduit à des ajustements. Après avoir rencontré Jeannie, l’enquêteur écrit :

50

« Je comprends qu’Alexandra a été très investie auprès de ses parents quand [sa famille habitait près de sa mère]. Mais les soins corporels à sa mère lui sont une charge insupportable. […] Elle est très très occupée par [son] métier, par deux enfants […] et par le soutien qu’elle apporte à d’autres membres de son entourage […]. Aujourd’hui, l’organisation repose beaucoup moins sur elle. […] Elle a décidé de lever le pied. »

51 Vraisemblablement, Alexandra a répondu à la question sur l’aide en temps en se référant à son fort investissement de « principale aidante » « jusque récemment » (elle a déclaré qu’elle était la seule aidante), alors que Jeannie (qui s’est elle aussi déclarée seule aidante) a décrit la situation au moment de l’enquête, dans laquelle Alexandra est moins engagée au quotidien. Les discordances disent ici l’instabilité de ces configurations d’aide, sous tension face à la lourdeur des tâches et à l’aggravation des troubles, au rythme variable et incertain.

Conclusion

52 Le retour sur les données de l’enquête MEDIPS montre que les enquêtes polyphoniques ont un intérêt propre pour analyser les fonctionnements familiaux. Les efforts des personnes enquêtées pour montrer une cohérence, parfois en restreignant la circulation de l’enquête, sont révélateurs des normes en matière d’entraide et de relations familiales : l’enjeu peut être de mettre en scène une conjointe dévouée, une fratrie mobilisée ou investie de manière égalitaire. Les discordances, quant à elles, révèlent des enjeux souvent cachés ou non dits (de temps, d’argent, de souffrance), pointent des rapports de domination (entre conjoints, entre parents et enfants, dans la fratrie) et expriment des tensions entre différentes normativités : la norme de l’héritage égalitaire imposée par le Code civil napoléonien (Halpérin, 2002), la norme portée par un idéal de redistribution au sein de la maisonnée où chacun contribuerait à hauteur de ses moyens (Gramain et al., 2007).

53 L’analyse des discordances met aussi en lumière certaines conséquences spécifiques des processus de perte d’autonomie en cas de maladie neurodégénérative. Ainsi, les contextes de cohabitation parent-enfant rendent difficile la qualification des aides. Les conjoints occupent une position particulière, en première ligne de l’aide mais potentiellement contournés ou disqualifiés par l’implication des enfants. Enfin, la temporalité de l’aggravation des symptômes chez la personne aidée suscite des descriptions différentes de la situation selon les membres de l’entourage : en effet, ces dernières évoluent en fonction des enjeux fluctuants liés à la diffusion du diagnostic, à la santé de l’aidant et au poids matériel et financier de l’aide. Ces résultats ayant été établis en 2005, une nouvelle enquête serait pertinente pour voir si de nouvelles régularités révèlent des transformations des relations familiales ou des rapports à la maladie d’Alzheimer.

54 En creux, ces analyses mettent en lumière le caractère étonnant des situations de « concordance ». Réussir à circuler dans un entourage et y recueillir plusieurs versions concordantes est finalement un résultat qui n’a rien d’évident et dont les conditions mériteraient d’être étudiées plus avant.

55 D’un point de vue méthodologique, cette recherche montre la force de l’articulation entre les statistiques descriptives et les études de cas, pour interpréter les discordances déclaratives dans les entourages. La participation des ethnographes à la conception de l’enquête a attiré l’attention sur la circulation de l’enquêteur, élément indispensable pour comprendre les discordances. L’approche statistique de cette circulation fait ressortir des régularités et, ce faisant, des exceptions concernant le lien entre mode d’entrée et composition démographique de l’entourage ainsi qu’entre circulation dans l’entourage et identité du premier contact : à la lumière de ce cadre, le retour aux cas ethnographiques permet de saisir plus finement la genèse des discordances déclaratives observées.

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Mots-clés éditeurs : statistiques, ethnographie, alzheimer, aides, discordances, parenté

Date de mise en ligne : 04/11/2024.

https://doi.org/10.3917/rpsf.152.0041

Notes

  • [1]
    . Le contenu de cet article n’engage que ses autrices.
  • [2]
    . La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative apparaissant le plus souvent après 65 ans. Elle est caractérisée par des troubles de la mémoire, des fonctions exécutives (raisonnement, planification…) et de l’orientation dans le temps et dans l’espace. Elle évolue vers une perte d’autonomie.
  • [3]
    . L’enquête MEDIPS a été réalisée par une équipe de recherche composée de S. Gojard, A. Gramain, F. Weber, J. Wittwer, A. Béliard, S. Billaud, M. Blanchard, J.-S. Eideliman, S. Gollac, L. Lacan, D. Roy et E. Soutrenon. Elle a bénéficié du soutien financier du ministère de la Recherche et de celui de la fondation Médéric-Alzheimer.
  • [4]
    . Dans le cas d’une personne qui n’a plus d’ascendants vivants, ses obligés alimentaires sont ses enfants, ses gendres et ses belles-filles (dès lors que l’enfant conjoint ou un petit-enfant issu du mariage est encore en vie), ses petits-enfants majeurs (Code civil, articles 205 et 206). Dans cet article, le terme « obligé alimentaire » couvre aussi le conjoint de la personne bien qu’il soit tenu à une obligation de solidarité plus forte, dénommée le « devoir de secours » (Code civil, article 212).
  • [5]
    . Il a été décidé de parler dans cet article de « discordances » pour pointer les décalages objectifs constatés entre les déclarations. L’expression « perspectives multiples » semble moins adaptée car elle suggère que tout ne serait qu’une question de « point de vue », alors que le terme « dissonances » évoque davantage (comme en musique) l’effet produit sur le spectateur.
  • [6]
    . « Le fait même que dans un espace social donné les acteurs locaux soient largement reliés entre eux sous forme de réseaux rend l’anthropologue de terrain nécessairement tributaire de ces réseaux pour produire ses données. Il devient facilement captif de tel ou tel d’entre eux. Le recours à un interprète, qui est toujours aussi un “informateur privilégié” , introduit des formes particulières d’ “enclicage”  : le chercheur dépend alors des propres affinités et hostilités de son interprète, comme des appartenances ou des ostracismes auxquels le voue le statut de ce dernier » (Olivier de Sardan, 1995, p. 102).
  • [7]
    . Un questionnaire couvrait l’ensemble des membres d’un ménage.
  • [8]
    . Les noms et prénoms des personnes enquêtées, ainsi que les noms de lieu ont été modifiés par souci d’anonymat et de confidentialité.
  • [9]
    . Les tests utilisés sont choisis en fonction des effectifs (chi 2 d’indépendance ou test exact de Fisher). Les tests statistiques pour petits échantillons sont nécessaires pour tenir compte du fait que les faibles effectifs font « sauter » les proportions : lorsqu’un seul obligé alimentaire a été déclaré, le taux de circulation ne peut être que de 0 % ou de 100 %.
  • [10]
    . Aide financière destinée aux personnes âgées de plus de 60 ans en perte d’autonomie.
  • [11]
    . Ce résultat rejoint ceux de l’enquête préparatoire à l’Enquête nationale sur les ressources des jeunes, qui montre que la volonté d’atténuation de leur dépendance économique conduit les enfants à minimiser l’aide qu’ils reçoivent (Le Pape et al., 2018a).
  • [12]
    . P-values toutes inférieures à 0,1.
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