Couverture de RPSF_139

Article de revue

Les familles homoparentales sous contrôle

Des contraintes juridiques et administratives dans l’établissement de la filiation

Pages 45 à 60

Notes

  • [1]
    Il est possible que le recensement sous-estime le nombre de familles homoparentales, notamment en raison des modalités proposées, qui ne permettent pas de déclarer deux parents de même sexe.
  • [2]
    Les Legal Consciousness Studies renvoient à un courant de recherches qui émerge aux États-Unis à partir des années 1980, dans une démarche pluridisciplinaire qui propose un renversement théorique. Plutôt que de cadrer les analyses d’un point de vue macrosociologique, en faisant du droit une production imposée par les législateurs, il s’agit alors de partir des expériences routinières des individus afin d’en dégager des logiques liées à l’appréhension qu’ils en font. L’intérêt se porte alors moins vers les dispositifs institutionnels que vers les pratiques concrètes de celles et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, peuvent être amenés à s’y confronter.
  • [3]
    L’adoption extrafamiliale consiste à adopter un enfant avec lequel l’adoptant ne possède pas de liens de parenté : un enfant pupille de l’État, un enfant d’un organisme d’adoption ou un enfant étranger. C’est souvent à cette démarche que se réfère ce terme dans le sens commun. Par opposition, l’adoption intrafamiliale se caractérise par le fait d’adopter une personne avec qui l’adoptant détient déjà un lien de parenté, y compris un lien d’alliance (beaux-enfants). Il sera utilisé ici pour évoquer les cas d’adoption de l’enfant biologique du ou de la conjointe. En effet, cette configuration pose plus spécifiquement question concernant les familles homoparentales.
  • [4]
    La question ne se pose pas pour la maternité puisque la femme qui accouche est automatiquement considérée comme mère par le droit en France, et dans la plupart des pays.
  • [5]
    Avoir 10 ans d’écart au minimum avec l’enfant, et vivre avec depuis au moins six mois.
  • [6]
  • [7]
    Datant du Code Napoléon de 1804 et remise en question tout au long du XXe siècle (Théry, 2016, p. 70).
  • [8]
    L’auteure de cet article remercie Martine Gross pour ses éclairages sur cette question. Voir aussi https://actu.dalloz-etudiant.fr/a-la-une/article/refus-dacces-a-ladoption-pleniere-oppose-a-une-celibataire-homosexuelle/h/ae7903b680a02861928f886fda35396c.html (consulté le 3 février 2019).
  • [9]
    Et destituant le parent biologique de ses droits parentaux.
  • [10]
    Le Portugal représentait une exception à ce niveau, jusqu’en 2016.
  • [11]
    La coparentalité, dans le cas des familles homoparentales, décrit les situations de plusieurs adultes seuls ou de plusieurs couples qui construisent ensemble un projet parental sans pour autant être en couple ensemble, et s’organisent donc pour partager la garde des enfants. Voir https://www.apgl.fr/homoparentalites/itemlist/category/26-coparentalite (consulté le 8 avril 2021).
  • [12]
    Vincent est socialisé avec la religion catholique, qui a pris une place très importante dans sa vie jusqu’à l’adolescence, et dont l’idéologie favorise une critique forte de cette pratique par la sacralité accordée au corps et l’importance accordée au lien entre sexualité, procréation biologique et parenté.
  • [13]
    Christine Delphy fait notamment référence au fait que ce sont les femmes qui obtiennent majoritairement la garde des enfants après le divorce et continuent donc à en assumer la charge.

1Ces dernières décennies, les familles homoparentales sont devenues plus visibles en France, et semblent également avoir connu une progression importante. Au début des années 2000, 7 % des gays et 11 % des lesbiennes avaient des enfants, et 35 % à 45 % manifestaient le désir d’en avoir (Cadoret, 2002). Vingt mille enfants vivaient alors avec des parents de même sexe (Festy, 2006). Il est probable que ce nombre ait augmenté de manière importante depuis, dans la mesure où les modes de conception des enfants au sein des familles homoparentales se sont considérablement diversifiés (Gross et al., 2014a ; Stacey, 2006), traduisant une moindre incompatibilité perçue entre homosexualité et parenté (D’Augelli et al., 2008), et ainsi de moindres renoncements. Selon les estimations du recensement de la population de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), trente et un mille enfants vivraient avec des parents de même sexe en 2018 (Algava et Penant, 2019) [1]. Mais la crispation autour des questions filiatives en France (Fassin, 2008a) a conduit le gouvernement à limiter les possibilités des parents à un accès à la filiation, en ne l’autorisant que par la procédure d’adoption, ce qui nécessite qu’un couple soit marié (voir infra).

2Les « Legal Consciousness Studies » (Lcs) [2], montrent que les individus peuvent faire des usages stratégiques du droit (Ewick et Silbey, 1998). En partant de leurs expériences routinières, l’intérêt se porte moins vers les dispositifs institutionnels que vers les pratiques concrètes qu’ils mettent en œuvre (ibid.). Des recherches ont également souligné ces capacités stratégiques chez les parents de familles homoparentales, y compris avant la reconnaissance juridique instaurée par l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Par exemple, les mères lesbiennes peuvent, pour renforcer la légitimité de leurs démarches, s’appuyer sur les discours des médecins dans les pays où elles accèdent à l’Amp, qui fonctionnent alors comme des « garants » de la légalité auprès des institutions françaises (Descoutures, 2008). Par ailleurs, le pacte civil de solidarité (pacs), en tant que contrat légal, peut également être utilisé comme un instrument juridique. Certaines femmes ajoutent ainsi une clause au partenariat pour statuer sur la résidence alternée des enfants en cas de séparation (Descoutures, 2005), et les parents l’utilisent parfois afin de faire reconnaître le partenaire pacsé comme deuxième parent aux yeux des institutions (crèche, école) (Rault, 2005). La reconnaissance légale accordée par l’union permet donc, dans une certaine mesure, de développer ce que les Lcs définiraient comme des capacités stratégiques d’action.

3En tant qu’institution, le mariage réglemente les relations conjugales et familiales à travers le droit qui permet d’organiser socialement la parenté, en déterminant le cadre dans lequel certaines filiations peuvent exister. Le droit représente alors un instrument pour faire exercer l’autorité de l’État et sa « vision souveraine » (Bourdieu, 1986, p. 12). Afin d’exercer leur parentalité, c’est-à-dire leurs rôles de parents au quotidien, les couples de même sexe doivent faire reconnaître leur lien de filiation par l’État, ceci passant nécessairement, en France, par le mariage. Dans la mesure où les liens de filiation sont des liens de parenté reconnus juridiquement, des dispositions et des droits y sont attachés, si bien que lorsque ces liens ne sont pas reconnus, un parent ne peut légalement être responsable de son enfant en cas de séparation ou de décès du parent biologique, et ne peut faire valoir son statut auprès des institutions (crèches, écoles, hôpitaux, etc.). Ce processus renvoie au « pouvoir de nomination » du droit, dans le sens où celui-ci produit des « énoncés performatifs », « des actes magiques qui réussissent, parce qu’ils sont en mesure de se faire reconnaître universellement, donc d’obtenir que nul ne puisse refuser ou ignorer le point de vue, la vision, qu’ils imposent » (ibid., p. 13).

4La réglementation de la filiation a des effets sur l’usage que les couples font du droit et sur leurs possibilités d’action (Meslay, 2020a ; Stambolis-Ruhstorfer et Descoutures, 2020). Comment ce contexte influe-t-il sur les choix d’union des couples de même sexe et sur la constitution d’une famille ? Dans quelle mesure les institutions, par le biais des mesures législatives mises en œuvre, peuvent-elles contribuer à façonner les projets des couples et à encadrer leur parentalité ? Et comment les individus font-ils face à cet encadrement, en s’adaptant au droit et aux règles existantes ? L’article vise à analyser les contraintes générées par l’accès à la filiation pour les couples de même sexe et les stratégies que ceux-ci déploient pour y faire face.

5À travers une enquête par entretiens (encadré 1), l’article analyse les effets de ce contexte législatif sur les familles homoparentales vivant en France, les contraintes qu’elles subissent nécessitant des ajustements de leur part, qui génèrent des inégalités selon les ressources des individus. Après un rappel du contexte législatif et des usages stratégiques du mariage, il s’agira de montrer comment l’État encadre les projets parentaux des couples de même sexe et l’ampleur des procédures administratives auxquelles ils doivent faire face. Si des stratégies peuvent être mises en place par les individus pour renforcer leurs possibilités de succès, celles-ci sont socialement situées et dépendent des ressources qu’ils peuvent mobiliser. Par ailleurs, les normes mises en avant au sein des institutions peuvent engendrer des discriminations pour les couples de même sexe, notamment dans l’obtention d’un agrément. Enfin, il sera mis en avant que ces cas concernent majoritairement les femmes, ce qui s’explique dans la mesure où l’accès à la parentalité demeure genré.

Encadré 1. Méthodologie et constitution du corpus

Cet article s’appuie sur une enquête qualitative par entretiens individuels, réalisés auprès de cinquante personnes mariées en France avec un partenaire de même sexe (vingt-cinq hommes, vingt-cinq femmes) dans le cadre d’une thèse portant sur les usages du mariage chez les couples de même sexe. Lors des entretiens, les personnes rencontrées ont été interrogées sur les raisons qui avaient pesé dans la décision du mariage, en leur demandant de prioriser ces choix tout en les laissant libres d’aborder l’ensemble des différents points qui avaient pu compter à leurs yeux. Pour plus d’un tiers du corpus, l’usage du mariage peut être qualifié de « filiatif », à savoir qu’il correspond aux personnes ayant choisi de se marier principalement pour accéder à l’adoption (intrafamiliale ou extrafamiliale). Il peut être exclusif, mais se combine également souvent à d’autres types de motivations. Cet usage du mariage est distinct de celui dit « juridique non filiatif », qui est motivé par des questions administratives, patrimoniales ou de protection ; mais aussi d’un usage « symbolique », fondé sur l’attrait pour le mariage en tant qu’affirmation de l’engagement conjugal et vecteur de légitimité sociale ; ou encore d’un usage « militant », caractérisé par la mise en lumière de revendications égalitaires. L’article s’intéresse plus spécifiquement à ce sous-échantillon du corpus : les dix-huit personnes qui justifient leur union par la possibilité de devenir parents, et qui déclarent donc des projets parentaux (ayant des enfants ou ayant le projet d’en avoir). Parmi ces personnes, seuls trois hommes figurent.
Le recrutement des enquêtés s’est opéré en diversifiant les différents modes de contact. Une partie des contacts proviennent d’une enquête pilote par questionnaires, réalisée à partir des adresses mentionnées sur les bans de mariage relevés dans les vingt mairies d’arrondissements parisiens, auxquels se mêlent des contacts recrutés par le biais d’observations réalisées en mairies. D’autres entretiens ont été sollicités par l’intermédiaire d’une postenquête auprès des répondants de l’enquête Virage Lgbt, réalisée par l’Institut national d’études démographiques (Ined) en 2016, afin d’accéder à des profils de personnes résidant hors de l’Île-de-France. Enfin, le reste du corpus est constitué par un effet de réseau ou effet « boule de neige ». Le corpus est également diversifié en termes d’âge, de sexe et de configuration familiale. Le sous-échantillon analysé compte onze personnes vivant à Paris, quatre personnes résidant dans d’autres départements d’Île-de-France, et trois personnes habitant dans d’autres régions, pour partie dans des grandes villes mais aussi parfois dans des communes de moins de dix mille habitants. Si ce sous-échantillon surreprésente les catégories supérieures de la population, il n’apparaît pas évident de l’analyser comme générateur de « biais », dans la mesure où cela peut aussi refléter des spécificités dans la composition des populations gaies et lesbiennes en général. Par exemple, les personnes qui déclarent un conjoint de même sexe appartiennent, en proportion, davantage aux catégories sociales favorisées (Buisson et Lapinte, 2013).

Le contexte législatif et ses conséquences sur les usages du mariage

6Depuis la diversification des formes conjugales et familiales à partir des années 1970, les mariages de couples se soumettant à des « contraintes sociales » tout en rejetant l’attrait et le symbole de ce modèle sont documentés, dessinant une frontière entre « ceux qui attribuent une valeur intrinsèque au mariage et ceux qui la refusent » (Roussel, 1989, p. 122). La contrainte juridique au mariage pour les couples homoparentaux (voir infra) peut donc être mise en parallèle avec d’autres situations administratives. Mais la contrainte juridique joue particulièrement en ce qui concerne l’établissement de la filiation, dans la mesure où la reconnaissance parentale revêt une grande importance dans la vie quotidienne avec des enfants, tandis que la plupart des intérêts patrimoniaux et successoraux peuvent se contourner avec l’établissement de testaments spécifiques. En revanche, les parents « non statutaires » n’ont aucun droit vis-à-vis de leurs enfants en cas de décès ou de séparation avec leur conjoint, et ne peuvent pas officiellement prendre de décisions vis-à-vis des institutions (crèches, écoles, etc.) et/ou en cas d’hospitalisation. Il est alors nécessaire de faire reconnaître leur lien de filiation. En France, il faut ainsi engager une procédure d’adoption, ce qui a des conséquences pratiques.

Lien de filiation et accès aux techniques procréatives en France

7Aujourd’hui, tous les pays européens qui ouvrent le mariage aux couples de même sexe leur autorisent également la possibilité d’une adoption extrafamiliale [3] conjointe (Sénat, 2012), mais les dispositions concernant la filiation diffèrent grandement en fonction des contextes lorsque l’un des deux parents détient des liens biologiques avec un enfant. En France, le nombre d’enfants adoptables est désormais infime, la proportion de pupilles de l’État ayant notamment chuté de manière spectaculaire au cours de la seconde moitié du vingtième siècle (Mignot, 2017). Dans les pays étrangers, les possibilités sont également réduites puisque, parmi les pays où des mineurs pourraient être disponibles pour l’adoption, seuls l’Afrique du Sud, l’Argentine, le Brésil, la Colombie et l’Uruguay autorisent les demandes provenant de conjoints de même sexe (Ramón Mendos, 2019). Au final, quatre années après l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe en France, aucun d’entre eux n’a pu bénéficier de l’adoption d’un enfant étranger, et seul un couple a adopté un enfant pupille de l’État (Mignot, 2017). Une part importante des couples utilisent donc d’autres techniques permettant de concevoir génétiquement des enfants (Gross et al., 2014b).

8Afin d’établir la filiation dans ces cas, dans certains pays nordiques il existe des présomptions de comaternité, et des reconnaissances parentales, inspirées de ce qui existe pour la paternité dans le cas des couples de sexe différent [4]. En revanche, la France ne réglemente la filiation entre un enfant et des parents de même sexe que par le biais de l’adoption (Ronzier, 2017), et n’accorde cette procédure qu’a posteriori : après l’accouchement, le conjoint peut demander l’adoption intrafamiliale de l’enfant. Dans le cas où l’un des deux est géniteur, le conjoint doit donc déposer une requête auprès du tribunal de grande instance, qui sollicite par la suite une audience afin d’examiner les pièces du dossier et adresser d’éventuelles questions à l’adoptant avant de se prononcer. Celui-ci doit cependant remplir certaines conditions [5], obtenir l’accord du parent biologique et justifier sa demande, notamment en exposant « les raisons qui [l’]amènent à faire cette demande », et « l’existence d’un lien affectif ancien ou d’une relation filiale avec l’enfant de [son] conjoint » [6].

9Par ailleurs, la France limite les procédures d’adoption aux couples mariés (Meslay, 2020a ; Stambolis-Ruhstorfer et Descoutures, 2020), en s’appuyant sur une réglementation ancienne [7], remise en cause tout au long du vingtième siècle, et datant de l’époque où seuls les enfants nés dans le cadre du mariage étaient considérés comme « légitimes », les enfants dits « adultérins » étant dépourvus de droits (Théry, 2016). Les cas d’adoption intrafamiliale par des couples de même sexe concernent des enfants mineurs ayant un seul parent légal. L’adoption plénière de la part du conjoint se substituerait donc aux liens de filiation déjà existants, ce qui conduirait, si le couple n’est pas marié, à destituer le géniteur de ses droits. De même, les procédures d’adoptions simples, qui ne remplacent pas les liens de parenté existants mais en ajoutent (Mignot, 2017), conduiraient, dans le cas d’un enfant mineur, à transférer l’autorité parentale à l’adoptant, au détriment du parent biologique. C’est le motif pour lequel les tribunaux de grande instance rejettent ce type de demandes [8] lorsqu’elles proviennent de couples non mariés, requérant que le couple soit marié afin que les conjoints puissent partager l’autorité parentale [9]. Dans ce contexte, il est possible de se demander comment les couples de même sexe s’arrangent avec cette obligation légale, comment ils investissent les procédures, et ce qu’elles impliquent en termes de démarches.

10Ces enjeux se combinent, en France, à la réglementation concernant la conception des enfants. L’Amp regroupe différentes techniques médicales : principalement l’insémination artificielle (Ia), éventuellement avec donneur (Iad) et la fécondation in vitro (Fiv). Tous les pays européens ayant ouvert le mariage aux couples de même sexe autorisent également les couples de femmes à y accéder (Sénat, 2012 ; Waaldijk, 2020) [10]. Il s’agit alors d’une « suite logique » afin d’égaliser les droits des femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle. Plus rarement, certains d’entre eux permettent également la Gpa, la plupart du temps lorsqu’elle n’implique pas de compensations financières (Rozée et al., 2016), ce qui permet aux hommes de concevoir un enfant. Cela dit, le coût et la rareté de cette technique pourraient engendrer d’importantes inégalités, en défaveur des hommes (Courduriès et Fine, 2014).

11La France, en revanche, choisit de réserver l’Amp aux seuls couples hétérosexuels dont l’infertilité est diagnostiquée médicalement (Nikolina, 2017). Ce contexte législatif contraint les couples de même sexe à accéder aux techniques médicales dans d’autres pays (Meslay, 2020b), ce qui ne permet pas que le conjoint du parent biologique soit reconnu juridiquement en France. Dès lors, il est possible de se demander comment cette absence de reconnaissance juridique affecte la manière dont les individus se projettent dans le mariage, et les usages qu’ils en font.

Usages stratégiques du droit et contraintes au mariage

12Au sein du corpus, la plupart des enquêtés ont eu ou envisagent d’avoir recours à l’Amp pour concevoir leurs enfants. L’adoption permet alors de donner un statut au parent « non statutaire » (Descoutures, 2006) et de lui accorder des droits. C’est d’ailleurs ce qui explique que, lorsque l’usage filiatif se combine à d’autres usages du mariage, il reste le plus central et priorisé par tous les enquêtés qui le mobilisent. Les contraintes juridiques au mariage déjà soulignées par ailleurs (Meslay, 2020a ; Stambolis-Ruhstorfer et Descoutures, 2020), permettent de mieux comprendre les stratégies et les adaptations que les individus doivent mettre en œuvre pour faire famille.

13Le droit, à savoir les règles qui permettent l’acquisition d’un statut reconnu juridiquement, participe à une forme de légitimité en tant que parent. Il peut être utilisé comme moyen pour produire un sentiment de reconnaissance, dans un contexte où celui-ci fait défaut (Hull, 2006). Avant l’ouverture du mariage aux couples de même sexe et les possibilités de reconnaissance juridique des familles homoparentales, Virginie Descoutures (2006 et 2010) montrait ainsi le manque de légitimité ressenti par les mères non statutaires et les plus grandes difficultés qu’elles rencontraient pour définir leur rôle. Ces mécanismes se retrouvent au sein du corpus. Le droit apparaît comme un outil central, permettant une légitimation de sa propre place dans la vie des enfants. Cela s’entrevoit particulièrement bien dans le discours de Clara, dont la conjointe est aussi la mère biologique de leur fille, conçue par Amp à l’étranger. Clara, de son côté, devient légalement mère à la suite d’une procédure d’adoption un an après la naissance de leur fille :

14

« J’étais très émue d’avoir un livret de famille, par contre. […] Du coup, quand on a reçu le livret de famille, c’était vraiment ça qui symbolisait le pourquoi de notre venue ce jour-là à la mairie, et que, grâce à ça, derrière il y a plein de choses qui allaient se débloquer pour nous. Que je sois la maman légale et officielle de notre fille, que j’aie le droit de l’emmener à l’hôpital, qu’on reconnaisse que je sois sa mère ! ça, c’était très important, et c’est ça en fait derrière le mariage, ce qu’il y a pour nous, plus que le fait qu’on s’aime et qu’on doive, qu’on puisse se dire qu’on veut s’aimer. […] Je me suis sentie sa maman, mais il m’a fallu du temps. Mais, il m’a fallu du temps pour dire que j’étais sa maman parce que, déjà, je l’ai pas portée et voilà, donc, même sans cet aspect-là, mais en tout cas, une fois que c’était vrai, que nos noms étaient inscrits dans ce livret de famille, que le sien aussi et qu’on disait que j’étais sa mère, c’était plus facile aussi quoi.
Enquêtrice : Ah oui, t’as trouvé ça plus facile une fois que c’était officiel ?
Parce que c’était plus facile à dire, ouais… ″c’est ma fille quoi″. Alors que j’ai mis des mois à le dire, enfin, avant je… c’était pas naturel. Et cet aspect-là, ouais cet aspect administratif m’a facilité aussi les choses. »
[Clara, 33 ans, chargée de communication, en couple depuis neuf ans, conjointe de la mère biologique ayant accouché par Pma à l’étranger]

15Le récit de Clara montre la manière dont son sentiment d’absence de légitimité s’exprime dans une difficulté à utiliser la terminologie parentale, et à définir sa place auprès de sa fille. La possibilité de se dire mère s’inscrit, pour elle, dans un processus qui prend du temps et n’a rien d’évident. Or, le droit semble jouer un rôle central dans ce processus, ce qui se traduit par l’importance accordée au livret de famille comme outil administratif de la reconnaissance juridique, qui légitime la parenté. À travers ce livret commun et l’inscription qui y figure de la filiation avec sa fille, c’est l’État qui autorise à se définir subjectivement comme parent. Le livret de famille fonctionne ainsi comme un énoncé performatif : parce que le droit nomme, qualifie publiquement les relations de filiation, il autorise à les penser comme telles. Il « produit » la parenté, qui, si elle existait déjà de fait, devient alors légitime, autorisée, et dicible, à la fois pour soi et vis-à-vis des autres. Ainsi, les représentations qui traversent le rapport à l’adoption ne sont pas uniquement juridiques. Même s’il s’agit de la dimension centrale, le juridique revêt aussi des caractères plus symboliques, par exemple en légitimant la parenté. Des logiques similaires se retrouvent dans le cas de Rachida, 38 ans, qui, à la suite du mariage, a adopté le nom de sa conjointe, mère biologique de leur fils, en tant que nom d’usage, et qui raconte l’importance qu’elle accorde, en termes de « cohésion familiale », au fait que leur fils et elles puissent porter le même nom. Le partage du nom de famille permet ainsi symboliquement aux enquêtés de créer une forme d’unité et de légitimer le sentiment de faire partie de la même famille, dans un contexte où l’officialisation de la cellule familiale n’est pas acquise.

16Cet usage du mariage renvoie pour partie à une vision instrumentale de la loi et à ce que, dans la perspective des Legal Consciousness Studies, on appellerait un « jeu avec le droit » (Ewick et Silbey, 1998). En d’autres termes, les individus utilisent les règles juridiques existantes afin de faire reconnaître, par la procédure d’adoption, leurs droits auprès de leurs enfants, souvent conçus à l’étranger. Au sein du corpus, certaines personnes interrogées déclarent qu’elles se seraient mariées de toute façon parce que d’autres aspects, symboliques et/ou juridiques, entrent également en jeu dans leur décision. Mais des formes de contraintes juridiques émergent plus particulièrement dans le cas de celles qui, tout en se montrant idéologiquement critiques vis-à-vis de l’institution, y recourent sans pour autant y adhérer. En effet, parmi ce sous-échantillon, plus de la moitié des enquêtés déclare avoir recours au mariage uniquement pour établir un lien de filiation avec leurs enfants, et raconte que, si d’autres possibilités s’étaient présentées, ils auraient fait des choix différents. Par exemple, ils ne se seraient pas mariés si le pacs avait permis d’adopter ou s’il avait existé des reconnaissances parentales distinctes des procédures d’adoption. Ils réalisent ce que le sociologue et économiste Max Weber appelle une « action rationnelle en finalité » c’est-à-dire que ces couples perçoivent le mariage comme un moyen « pour parvenir rationnellement aux fins propres, mûrement réfléchies, qu’[ils veulent] atteindre » (1971, p. 22). Pour beaucoup, l’argument peut être temporel : ils ne se seraient pas mariés dans l’immédiat si la législation avait été différente, mais envisagent que cette possibilité ait pu se présenter plus tard, pour d’autres raisons. Mais certains enquêtés expriment plus explicitement encore un véritable rejet de l’institution matrimoniale. Dans ces cas, les discours tenus sur l’institution se teintent de contraintes, celle-ci étant alors perçue comme une forme de « passage obligé » pour obtenir des droits. C’est notamment le cas de Clara qui déclare percevoir le mariage comme une « obligation » dans sa vie conjugale et familiale, confirmant les résultats soulignés dans le cadre de précédentes recherches (Stambolis-Ruhstorfer et Descoutures, 2020). Elle considère d’ailleurs que le choix du mariage aurait pu se présenter plus tard dans sa vie, afin de gérer les droits de succession et de patrimoine, mais n’attribue en revanche ni attrait ni attachement symbolique à ce modèle en tant que tel.

17Mais plus concrètement, les procédures d’adoption affectent également les temporalités des individus et les démarches qu’ils doivent engager dans ce cadre, générant ainsi des inégalités en fonction des couples.

S’adapter au droit : des possibilités inégales

18La réglementation de l’adoption nécessite, pour les individus, d’engager des démarches administratives, par exemple en rassemblant les éléments d’un dossier permettant de justifier leur investissement auprès de leurs enfants (voir infra). Les représentants juridiques qui évaluent les demandes d’adoption prennent alors le rôle d’instances de contrôle au sens où les décrit le philosophe Michel Foucault (1994), produisant, vis-à-vis de celles et ceux qui se trouvent en situation de subir la domination, des injonctions au discours de vérité et à l’aveu. Le « dispositif de pouvoir » (ibid., p. 121) formé par les institutions judiciaires se trouve ainsi en capacité de contraindre les couples à expliciter leurs liens de parenté avec leurs enfants. Toujours suivant l’approche foucaldienne, il s’agirait ici d’un mécanisme lié au « dispositif d’alliance » : l’établissement de la filiation fait l’objet d’un contrôle particulier au moment où les couples de même sexe accèdent à l’institution matrimoniale qui, historiquement, la réglemente, bien qu’elle ait peu à peu perdu cette fonction. Il est également possible de percevoir dans ce mécanisme de contrôle une fonction prescriptive, ces règles définissant ce que doivent être les familles homoparentales en limitant leur existence légale à celles formées par un couple marié. Or définir est « un acte de pouvoir à vocation normative. On le voit tout particulièrement lorsque la définition passe du registre scientifique au registre juridique – du descriptif au prescriptif : avec la loi, on définit non seulement ce qui est, mais ce qui doit être » (Fassin, 2008b, p. 75-76). Dans ce contexte prescriptif, certaines personnes peuvent également mobiliser différentes ressources afin de compléter leur dossier et de s’assurer de la réussite de leurs démarches. Ces contraintes d’ordre administratif rendent parfois les procédures plus longues, ou plus complexes, et conduisent les couples, lorsqu’ils le peuvent, à mettre en place des stratégies.

Les contraintes administratives et financières

19Les Legal Consciousness Studies soulignent qu’en fonction de leur position dans les rapports sociaux, tous les individus ne bénéficient pas des mêmes ressources pour s’emparer du droit (Ewick et Silbey, 1998). Au sein du corpus, les disparités dans l’accès à l’information se combinent à des inégalités économiques. Outre le prix des techniques d’Amp en elles-mêmes et des déplacements qu’elles nécessitent, la procédure d’adoption peut engendrer un coût supplémentaire pour certains couples, qui ont recours à un avocat pour garantir le succès de leur démarche et se prémunir en cas de problème. Mariée au tout début de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe (en 2013), Émilie, alors mère biologique d’un enfant conçu par des inséminations artisanales, raconte avoir fait appel à un avocat dans le cadre de la demande d’adoption engagée par sa conjointe afin qu’elles puissent obtenir des conseils et être accompagnées par un professionnel du droit en cas de demande complémentaire (par exemple, de demande d’enquête) de la part du juge. Il existe alors des inégalités selon les ressources financières dont disposent les couples, mais aussi sans doute selon leur capital culturel et social, ainsi que selon les temporalités et les contextes locaux des tribunaux. Au début du passage de la loi, l’aboutissement des procédures pouvait sans doute apparaître moins certain qu’il ne l’est après plusieurs années, et après que de nombreuses adoptions ont été prononcées pour des couples de même sexe.

20

« On a voulu justement passer par un avocat parce que, au moins, on était tranquilles par rapport à cette démarche-là. […] C’était lui qui rédigeait la requête, ça permettait d’avoir un accès un peu plus prioritaire parce que, quand y a les convocations au tribunal ou autre, ça permet quand il y a un avocat d’être dans les premiers à passer. Après, c’est vraiment parce que, comme on est passées par une insémination artisanale, on avait peur à un moment donné que le tribunal demande des factures d’une Pma, qu’on pouvait pas fournir, puisque de toute façon c’est pas demandé dans les pièces à fournir. […] Donc, c’était pour avoir un dossier béton avec des témoignages de la famille, comme quoi c’est effectivement à la base un projet de couple d’avoir un enfant, et que c’est effectivement sa deuxième maman à part égale quoi de toute façon.
Enquêtrice : Fallait des témoignages ?
[soupir] On les a fournis, parce qu’ils en demandaient, donc, après effectivement, ça dépend des tribunaux. Y en a effectivement, ils se sont contentés du strict minimum et y en a d’autres qui vont demander soit des témoignages de professionnels, par exemple, le pédiatre, la crèche, etc., la famille. Ça peut être également, y a certains tribunaux qui demandent une enquête, que ce soit une enquête sociale ou une enquête de la police […]
Enquêtrice : Vous avez fourni des témoignages de la famille c’est ça ? Qui disaient quoi ?
Qui attestaient que ma compagne s’investissait auprès de notre fille, qu’elle participait à son éducation, à ses frais. Et aussi par rapport à sa famille, par exemple, ses parents attestaient que si, qu‘ils étaient bien conscients que l’adoption créerait automatiquement un nouvel héritier de son côté, automatiquement puisque c’est une adoption plénière, donc, c’est retranscrit sur l’acte de naissance… par exemple, ses parents ont mis qu’ils étaient conscients que ça faisait un nouvel héritier dans leur branche familiale et qu‘ils s’opposaient pas du tout à ça. »
[Émilie, 36 ans, conseillère en assurance, en couple depuis treize ans, mère biologique d’un enfant conçu par insémination artisanale]

21Dans un contexte relativement incertain quant au jugement du tribunal, le recours à un avocat permet de se rassurer sur le résultat de l’adoption en obtenant de l’aide pour rédiger la requête, et en étant conseillée en cas de demandes complémentaires du juge. En termes de techniques, l’insémination artisanale choisie par Émilie est également associée à une crainte, qui justifie le recours à un professionnel. Dans le cas d’inséminations médicales à l’étranger, les couples peuvent répondre à d’éventuels questionnements en fournissant les dossiers administratifs remis par les cliniques, qui représentent alors des formes de « garants » parce qu’elles légitiment la naissance de l’enfant dans un autre pays et montrent qu’elle y est encadrée par des procédures établies (Descoutures, 2008). À l’inverse, l’insémination artisanale crée un vide juridique. Ne disposant de fait d’aucun document officiel sur lequel s’appuyer en cas de demande d’enquête de la part du juge, le recours à l’avocat fonctionne comme une ressource alternative à mobiliser pour atteindre ses objectifs. Bien qu’ils soient facultatifs dans le cadre de la procédure d’adoption, les témoignages à fournir contribuent également à donner du pouvoir aux familles d’origine dans les décisions, qui doivent alors confirmer l’investissement de la mère adoptive dans la vie de l’enfant. L’établissement de la filiation par la procédure d’adoption conduit à hiérarchiser les parents, à faire du parent non biologique un parent subalterne, contraint de se justifier, et de justifier sa place auprès de l’enfant, ce qui représente aussi une conséquence d’une biologisation de la filiation et du « mythe du vrai parent » (Théry, 2015). Certains enquêtés déclarent également avoir consulté un notaire en attendant que la procédure d’adoption soit prononcée afin de « sécuriser » la situation de leurs enfants, par exemple, en effectuant des délégations d’autorité parentale, qui permettent temporairement d’obtenir des droits parentaux. De nombreuses personnes ont par ailleurs assisté à des réunions avec des associations, en particulier avec l’Association des parents gais et lesbiens (Apgl) afin d’obtenir des informations et des retours d’expériences concernant les procédures, dans la mesure où celles-ci restent relativement invisibles en raison de l’absence de réglementation spécifique liée à la conception des enfants en tant que couple homoparental.

22Devenir parent demande donc d’engager d’importantes démarches administratives. Les enquêtés qui souhaitent entreprendre une adoption extrafamiliale se confrontent en outre à des procédures chronophages, et parfois discriminantes. C’est ce que montre le récit de Vincent, 36 ans, en couple avec Juan, sans enfant mais engagé avec son conjoint dans une procédure d’adoption extrafamiliale au moment de l’entretien, pour laquelle il essaye d’obtenir un agrément :

23

« Monter un dossier d’adoption avec un agrément, ça nécessite de passer par des psychologues, et aussi par un travailleur social qui est là pour évaluer ton aptitude à prendre en charge et à vraiment accueillir un enfant. Et c’est un parcours très compliqué. La psychologue a dit ″J’ai l’impression d’être comme Christophe Colomb découvrant l’Amérique face à votre couple″
Enquêtrice : C’est-à-dire ?
Parce que c’est des schémas dans lesquels ils ne se retrouvent pas, sur lesquels ils n’ont pas été formés, qui sont assez nouveaux. […] mardi prochain, on verra deux nouvelles travailleuses sociales pour remplacer celui qu’on avait, parce qu’on n’a pas eu un avis favorable. Il a un avis réservé… Alors, on a beaucoup progressé, enfin on n’était pas à l’aise sur nos bases au début. Quand bien même, tout se résume dans la première phrase qu’il nous a dite quand on l’a rencontré ″Vous êtes un couple homosexuel. J’ai rien contre, mais j’ai vraiment rien pour non plus quoi″ […] On va reprendre neuf mois dans le nez pour faire ce truc. Ça décale d’autant… Et puis, après, peut-être qu’elles diront non aussi… si tout le monde dit non […] peut-être qu’un jour on refermera la porte et qu’on se dira ″En fait, on s’est mariés pour rien″.
Enquêtrice : Parce que si la deuxième personne qui dit non…
Parce que, si la deuxième personne dit non, après on peut plus reposer de dossier pendant deux ans. […] C’est d’une violence qui est inouïe, tu vois. Le rapport qu’on reçoit, etc. où tu sens qu’en fait, il y a des choses qui sont fausses, exprès, pour porter la thèse qu’en fait, non, on peut pas […] Après, pour lui, tout se joue sur le fait qu’on soit un couple d’hommes, enfin… sa réserve, je pense qu’elle vient de là. Elle n’est pas écrite comme ça, parce que c’est illégal d’écrire ça. […] Il y a écrit que ″On n’est pas prêts″. Il apparaît, dans son rapport, qu’il y a des discordances dans notre couple et qu’il y a des choses sur lesquelles on n’a pas suffisamment réfléchi. »
[Vincent, 36 ans, ingénieur en informatique, en couple depuis quatorze ans, engagé dans une demande d’adoption extrafamiliale]

24Le récit de Vincent souligne bien le poids des démarches nécessaires pour obtenir un agrément, et les formes de stigmatisation auxquels peuvent être confrontés les couples de même sexe dans ce cadre. Le travailleur social en charge de leur dossier émet ainsi un « avis réservé » quant à leur demande, ce qui compromet fortement leurs chances de parvenir à ce qu’un organisme leur confie un enfant, et nécessite donc d’entreprendre un nouveau cycle d’évaluations. Sans qu’il ne soit tout à fait possible de les objectiver, il existe sans doute des mécanismes de discrimination au sein des institutions. Les travailleurs sociaux peuvent valoriser des normes situées en fonction de leur position sociale, contribuant ainsi à reproduire des rapports de domination vis-à-vis de certains profils d’usagers (Serre, 2010 et 2012). De manière similaire, le récit de Vincent montre que la valorisation de l’hétérosexualité et de la complémentarité des sexes dans l’éducation des enfants peut se retrouver dans les normes implicitement attendues par les travailleurs sociaux et les psychologues, affectant négativement le regard qu’ils portent sur les projets parentaux des couples de même sexe, et en particulier des couples d’hommes. Reflets des « tensions et interrogations qui peuvent se glisser dans les mécanismes contemporains du “contrôle social” » (Serre, 2010, p. 150), les relations avec les professionnels qui encadrent l’adoption renvoient aussi à l’existence de rapports de forces. Dans la norme du « bon parent », le rapport genré à la parentalité ainsi que les suspicions qui pèsent sur l’homosexualité masculine défavorisent les couples d’hommes dans leur désir d’enfant et leur identité de père, ceux-ci étant confrontés à des remises en cause récurrentes au sein des institutions (Berkowitz et Marsiglio, 2007). Dans le cas de Vincent, cela entraîne un allongement important des temporalités et des démarches administratives, en raison du nouveau cycle d’évaluation nécessaire pour obtenir l’agrément. Dès lors, la contrainte juridique au mariage (Meslay, 2020a ; Stambolis-Ruhstorfer et Descoutures, 2020) se double de contraintes administratives. Celles-ci ne sont cependant pas vécues de manière équivalente par les hommes et par les femmes.

Des asymétries de genre

25Il importe de souligner que les cas analysés ici de personnes faisant usage du mariage dans un but filiatif se révèlent particulièrement genrés et structurent la répartition du sous-échantillon du corpus par sexe. Alors que le corpus général comptait autant d’hommes que de femmes, seulement trois hommes contre quinze femmes rapportent ce type d’usage et déclarent avoir des enfants ou des projets parentaux. Cet écart s’explique par une double asymétrie genrée dans le rapport à la parenté pour les gays et les lesbiennes : dans la conception des enfants, d’une part, dans les représentations et le désir d’enfant en lui-même, d’autre part. Tout d’abord, il existe une forte asymétrie dans les techniques d’Amp dont les couples d’hommes et les couples de femmes disposent pour concevoir des enfants. Les contraintes légales et économiques liées à la Gpa expliquent que, même lorsque les hommes désirent avoir des enfants, ils sont moins susceptibles que les femmes d’y parvenir (Riskind et Patterson, 2010). Une partie des hommes sans enfants au sein du corpus déclarent d’ailleurs qu’ils auraient souhaité devenir pères s’ils en avaient eu la possibilité, tandis que ces formes de « regrets » n’apparaissent pas véritablement chez les femmes.

26L’existence de représentations négatives de la Gpa conduit également à délégitimer son usage et à l’écarter du champ des possibles. Ainsi, lorsque, au cours des entretiens avec les hommes du corpus, y compris parmi ceux qui ne sont pas actuellement engagés dans des projets parentaux, la Gpa et l’éventualité d’y recourir sont mentionnés, ils évoquent très souvent des réticences à ce sujet. Ainsi, Fabrice, 42 ans, actuellement sans projet parental mais mentionnant pourtant un fort désir d’enfant, déclare qu’il aurait « du mal à utiliser le corps d’une femme pour des désirs personnels ». Les normes existantes amènent à intégrer les discours d’une Gpa « immorale » et à privilégier l’adoption d’un enfant déjà né, ce qui permet aussi de répondre à la critique d’un droit à l’enfant, particulièrement adressée aux couples de même sexe (Théry, 2016). En effet, il s’agit alors pour eux d’accueillir et d’aider un enfant sans foyer, et non de créer la vie. Cette vision est également présente chez des hommes qui n’envisagent pas d’avoir des enfants dans l’immédiat, mais pour lesquels la Gpa fonctionne comme une figure repoussoir, alors même que leur désir de lien génétique peut être important. Le discours de Vincent conforte le propos :

27

« Après, on a fait une réunion autour de la gestation pour autrui. C’est quelque chose auquel, sur lequel moi personnellement, je ne suis pas très à l’aise. Je ne suis pas très à l’aise avec toutes les questions éthiques que ça peut poser derrière. Là, il y a un moment où on va parler un poil de marchandisation du corps de la femme et puis de la question de l’enfant à tout prix aussi. Savoir, est-ce que… enfin, tu vois, ça pose plein de questions sur lesquelles, sur lesquelles je ne suis pas à l’aise. […] Et après, l’adoption, en fait, c’était, dès le départ, le scénario qui était un peu privilégié, parce que ça correspond à nos valeurs, notre démarche, etc. Et après parce qu’on a l’idée… En fait, quand tu démarres l’adoption, quand t’es un couple homosexuel, tu démarres avec un truc un peu naïf aussi, tu vois, avec un côté aussi… en fait, on va vraiment sauver le monde. »
[Vincent, 36 ans, ingénieur en informatique, en couple depuis quatorze ans, engagé dans une demande d’adoption extra-familiale]

28Les arguments avancés par Vincent et la gêne qu’il ressent à propos de la Gpa montrent bien une forme d’intégration des critiques de cette pratique. Il reprend d’ailleurs les discours relayés par les opposants, soulignant qu’il ne revendique pas un droit à l’enfant (« l’enfant à tout prix ») et qu’il s’oppose à la « marchandisation du corps des femmes ». Le malaise qu’il décrit renvoie donc au poids de la stigmatisation entourant cette méthode (Rozée et al., 2016), interdite en France. Elle semble ainsi inconcevable à ses yeux alors même qu’un profond désir d’enfant l’anime, qu’il estime être présent depuis « une éternité », voire depuis « toujours », mais auparavant contrarié par l’absence de possibilités offertes aux couples de même sexe. Cette situation le conduit à privilégier une adoption extrafamiliale, un procédé supposé plus adéquat du point de vue axiologique, sous-tendant même plutôt, dans sa connotation, une forme d’altruisme qui permet un arrangement avec les normes, avec l’idée de « sauver le monde » en adoptant un enfant étranger ou pupille de l’État. L’adoption lui permet aussi de s’ancrer dans une pratique reconnue légalement en France, et il évoque d’ailleurs très directement le rôle des possibilités légales sur ses propres choix, en répétant à plusieurs reprises, durant l’entretien, que la loi Taubira lui « ouvre une porte » pour vivre un désir de paternité qu’il « s’interdisait » auparavant en raison d’un contexte défavorable.

29Y compris lorsqu’ils ne sont pas actuellement engagés dans des projets parentaux, de nombreux hommes du corpus général reprennent des arguments similaires au sujet de la Gpa et un seul déclare y avoir eu recours, ce qui concorde avec une dévalorisation de cette technique (Gross, 2014). Disposant de moins de possibilités, les hommes peuvent davantage être amenés à s’orienter vers l’adoption extrafamiliale, avec les difficultés qu’elle suppose, ou vers la coparentalité [11], très peu choisie au sein du corpus d’enquête, notamment parce qu’il s’agit alors de renoncer au couple biparental et à la reconnaissance juridique des deux conjoints. Or, il est possible de faire l’hypothèse que cette mise à distance de la Gpa résulte à la fois de l’interdiction juridique, des débats à ce sujet, et de l’intégration de certaines normes, religieuses notamment [12]. En revanche, ce type de situation ne trouve pas d’équivalent parmi les femmes du corpus dans la mesure où l’insémination artificielle ne semble pas représenter, pour elles, l’objet d’une stigmatisation, sans doute parce qu’il s’agit d’une technique présentée comme un moyen de soigner une infécondité, et légale pour les couples de femmes dans de nombreux pays européens, qui existe depuis longtemps pour les femmes hétérosexuelles. En effet, parmi les quinze femmes du sous-échantillon, douze déclarent avoir eu recours ou être actuellement engagées dans une procédure de Pma à l’étranger.

30Enfin, les écarts entre les différentes techniques d’Amp se combinent à des variations dans les représentations de la paternité et de la maternité, créant ainsi une double asymétrie, au détriment des hommes. Les préjugés autour d’une paternité « sans femmes » demeurent importants et demandent ainsi aux hommes des capacités pour surpasser l’illégitimité sociale de leur désir d’enfants (Cadoret, 2002 ; Gratton, 2008 ; Lewin, 2009). À l’inverse, la pression sociale imposée aux femmes fait de la maternité une trajectoire naturelle (Debest, 2014 ; Donati, 2000), même si les lesbiennes doivent davantage que les femmes hétérosexuelles « faire la preuve » de leur désir d’enfant (Descoutures, 2010). En ce sens, les femmes du corpus possèdent des dispositions plus affirmées pour envisager la parentalité, s’y projeter et justifier leur projet.

31La plupart des enquêtées manifestent également une préférence pour des liens biologiques avec les enfants, à l’image de Rachida, 38 ans, dont la conjointe est génitrice d’un enfant conçu par Pma à l’étranger et qui envisage elle-même d’avoir recours à cette méthode. Elle déclare n’avoir jamais envisagé l’adoption extrafamiliale, souhaitant plutôt « créer sa propre famille », ce qui rejoint l’idéalisation des liens de sang dans la famille (Herbrand, 2014) et du désir d’engendrement comme norme. Elle évoque d’ailleurs à ce sujet le désir d’être enceinte à la fois comme une expérimentation physique (découvrir la grossesse) et comme un désir de l’ordre de l’inné, d’un besoin. Or, ces deux types d’arguments ne se retrouvent pas de manière équivalente chez les hommes interrogés. Les différentes techniques de l’Amp permettent alors à la fois aux femmes un lien génétique avec l’enfant et une expérience physique de la grossesse.

32Ces écarts dans le rapport à la parentalité et au désir d’enfant peuvent s’expliquer par des socialisations différenciées (Court, 2010) qui s’opèrent à travers l’apprentissage de représentations différenciées de la maternité et de la paternité, participant à la fois à invisibiliser le rôle de père et à faire de la mère la principale pourvoyeuse des soins (Anderson et Hamilton, 2005). Mais ces socialisations s’inscrivent plus généralement dans des attentes sociales différenciées, matérialisées dans les institutions patriarcales. À ce titre, le mariage comme le divorce contribuent à « attribuer collectivement la charge des enfants aux femmes, et en exempter collectivement les hommes » (Delphy, 1998, p. 144) [13]. Le choix d’avoir des enfants, comme symétriquement le choix de ne pas en avoir, pèse toujours davantage sur les femmes, à qui l’entourage s’adresse prioritairement concernant ces questions (Debest, 2014). Ainsi, il n’est pas surprenant que les femmes et les hommes du corpus se positionnent différemment à ce sujet. Ces résultats concordent d’ailleurs avec l’attrait pour la parenté biologique chez les lesbiennes, noté dans d’autres pays, tandis que les gays l’envisagent davantage comme incompatible avec leur sexualité (Pollitt et al., 2019). Même si cette incompatibilité s’atténue avec le temps, les hommes restent plus susceptibles d’y renoncer (Tarnovski, 2012).

Conclusion

33Les usages juridiques du mariage visant l’établissement de la filiation avec des enfants apparaissent spécifiques aux couples de même sexe, en raison de la réglementation française à ce sujet. Ils concernent également majoritairement les femmes au sein du corpus général de cinquante personnes, ce qui s’explique notamment parce qu’elles sont bien plus nombreuses que les hommes à réaliser leur désir d’enfants grâce à des Pma.

34Les procédures filiatives en France, inadaptées aux couples de même sexe conduisent à contraindre ces derniers dans leur choix d’union (Meslay, 2020a ; Stambolis-Ruhstorfer et Descoutures, 2020). Si l’on peut y voir une forme de capacité stratégique d’action pour parvenir à un objectif (Ewick et Silbey, 1998), celles et ceux qui aspiraient à ne pas se marier et qui manifestent de fortes critiques idéologiques à l’égard du modèle matrimonial se trouvent aussi en situation de subir les procédures imposées par l’adoption. Les contraintes juridiques au mariage s’accompagnent alors de contraintes administratives, qui rendent l’accès à la parenté coûteux, chronophage, et parfois incertain, en fonction des réticences et/ou des formes de discrimination auxquelles les couples peuvent se confronter au sein des institutions. Elles génèrent des inégalités en fonction des ressources économiques, sociales et culturelles dont ils disposent.

35La situation analysée au moment de l’enquête est toutefois amenée à évoluer, dans les années à venir puisque l’Assemblée nationale a voté en 2020 un projet de loi relatif à la bioéthique proposant notamment l’ouverture de l’Amp aux couples de femmes et aux femmes célibataires. Celui-ci prévoit, outre l’accès aux techniques procréatives pour toutes les femmes, une modification du régime de filiation. Afin de prétendre à un don de sperme, les couples de femmes, y compris non mariés, devront établir devant un notaire un acte de « reconnaissance conjointe anticipée », leur permettant d’être reconnues comme mères à la naissance de l’enfant. Cette disposition, si elle n’annule pas toutes les inégalités de ressources qui existent entre les différents types de couples, pourrait permettre d’atténuer les contraintes qui pèsent sur les familles homoparentales et constituer une étape importante dans leur processus de légitimation.

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Notes

  • [1]
    Il est possible que le recensement sous-estime le nombre de familles homoparentales, notamment en raison des modalités proposées, qui ne permettent pas de déclarer deux parents de même sexe.
  • [2]
    Les Legal Consciousness Studies renvoient à un courant de recherches qui émerge aux États-Unis à partir des années 1980, dans une démarche pluridisciplinaire qui propose un renversement théorique. Plutôt que de cadrer les analyses d’un point de vue macrosociologique, en faisant du droit une production imposée par les législateurs, il s’agit alors de partir des expériences routinières des individus afin d’en dégager des logiques liées à l’appréhension qu’ils en font. L’intérêt se porte alors moins vers les dispositifs institutionnels que vers les pratiques concrètes de celles et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, peuvent être amenés à s’y confronter.
  • [3]
    L’adoption extrafamiliale consiste à adopter un enfant avec lequel l’adoptant ne possède pas de liens de parenté : un enfant pupille de l’État, un enfant d’un organisme d’adoption ou un enfant étranger. C’est souvent à cette démarche que se réfère ce terme dans le sens commun. Par opposition, l’adoption intrafamiliale se caractérise par le fait d’adopter une personne avec qui l’adoptant détient déjà un lien de parenté, y compris un lien d’alliance (beaux-enfants). Il sera utilisé ici pour évoquer les cas d’adoption de l’enfant biologique du ou de la conjointe. En effet, cette configuration pose plus spécifiquement question concernant les familles homoparentales.
  • [4]
    La question ne se pose pas pour la maternité puisque la femme qui accouche est automatiquement considérée comme mère par le droit en France, et dans la plupart des pays.
  • [5]
    Avoir 10 ans d’écart au minimum avec l’enfant, et vivre avec depuis au moins six mois.
  • [6]
  • [7]
    Datant du Code Napoléon de 1804 et remise en question tout au long du XXe siècle (Théry, 2016, p. 70).
  • [8]
    L’auteure de cet article remercie Martine Gross pour ses éclairages sur cette question. Voir aussi https://actu.dalloz-etudiant.fr/a-la-une/article/refus-dacces-a-ladoption-pleniere-oppose-a-une-celibataire-homosexuelle/h/ae7903b680a02861928f886fda35396c.html (consulté le 3 février 2019).
  • [9]
    Et destituant le parent biologique de ses droits parentaux.
  • [10]
    Le Portugal représentait une exception à ce niveau, jusqu’en 2016.
  • [11]
    La coparentalité, dans le cas des familles homoparentales, décrit les situations de plusieurs adultes seuls ou de plusieurs couples qui construisent ensemble un projet parental sans pour autant être en couple ensemble, et s’organisent donc pour partager la garde des enfants. Voir https://www.apgl.fr/homoparentalites/itemlist/category/26-coparentalite (consulté le 8 avril 2021).
  • [12]
    Vincent est socialisé avec la religion catholique, qui a pris une place très importante dans sa vie jusqu’à l’adolescence, et dont l’idéologie favorise une critique forte de cette pratique par la sacralité accordée au corps et l’importance accordée au lien entre sexualité, procréation biologique et parenté.
  • [13]
    Christine Delphy fait notamment référence au fait que ce sont les femmes qui obtiennent majoritairement la garde des enfants après le divorce et continuent donc à en assumer la charge.
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