Merci d’abord aux organisateurs d’avoir permis cette rencontre. Avant de commencer, je voudrais dire ma sympathie aux collègues et aux amis qui ont déjà été durement éprouvés par cette épidémie.
Il n’y a aucun doute, ce qui se passe actuellement nous dépasse tous. Personne ne sait comment maîtriser ce virus. Jürgen Habermas, à la façon inimitable des philosophes, le dit dans son interview d’hier dans Le Monde : « Il nous faut agir dans le savoir explicite de notre non-savoir. » En fait, personne ne sait à quoi ressemblera le monde d’après, un monde qui, rappelons-le n’était déjà pas en grande forme avant.
Alors, fini de rire ? Même si ce n’est qu’une question, elle suspend la continuité du temps, marque une coupure.
Nous avons un nom pour cela : traumatisme, ou rencontre du réel, trou dans la trame du sens, angoisse aussi.
La psychanalyse nous apprend qu’une rencontre traumatique avec le réel est toujours originelle, pour chacun elle a donc toujours eu lieu, au moment où le père a renoncé in extremis à sacrifier son fils, comme nous le raconte la très ancienne histoire d’alliance. Un sacrifice du sacrifice destiné à sauver le père, on a fini par s’en apercevoir avec Lacan, qui s’est amusé de l’indécision de Freud sur ce point. Tranchant le nœud, il a répondu par la division signifiante, quand lalangue se perd dans les chaînes du sens.
Alors oui, ce qui se passe fait écho au troumatisme langagier universel et de ce point de vue ne change pas grand-chose pour le…