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Article de revue

La ciste Ficoroni CIL I2 561, le vers saturnien et le locatif singulier des thèmes en -ā- en latin archaïque

Pages 285 à 303

Notes

  • [1]
    Merci à Siham Lemseffer et à Corinne Le Sergent pour leur lecture critique, ainsi qu’au comité de lecture de la Revue de Philologie pour ses observations.
  • [2]
    À ce sujet, cf. P. Kruschwitz (2002a).
  • [3]
    Cf. T. Cole (1969), p. 10.
  • [4]
    Pour un bilan de ces marques épigraphiques métriques dans la poésie en vers saturniens, cf. B. Vine (1993), p. 352-353 et P. Kruschwitz (2002b), p. 28, en particulier n. 60.
  • [5]
    À ce sujet, cf. P. Kruschwitz (2002b), p. 34.
  • [6]
    Pour un bilan, cf. en dernier lieu P. Freeman (1998).
  • [7]
    Nous reprenons ici les principales conclusions de T. Cole (1969), suivi par P. Freeman (1998).
  • [8]
    Sur ce point, cf. G. Meiser (1998), p. 53.
  • [9]
    Notamment, dans diverses positions du segment, il est possible de remplacer une syllabe quelconque par deux syllabes brèves, d’où l’apparition d’un petit nombre de cola octosyllabiques qui comportent toujours une semblable substitution.
  • [10]
    Pour des photographies de la ciste et en particulier du champ épigraphique, nous renvoyons à B. Bordenache Battaglia et A. Emiliozzi (1990), tables CCXCVII à CCCXIV et L, et à M. G. Granino Cecere (2005), p. 579-581.
  • [11]
    Pour ces deux séries d’objets, cf. les remarques de R. Wachter (1987), p. 106-112. Pour la ciste Ficoroni elle-même, cf. les présentations par R. Wachter (1987), p. 123-127, et par P. Kruschwitz (2002b), p. 25-32, et l’étude archéologique par G. Bordenache Battaglia et A. Emiliozzi (1990), p. 211-226, tables CCXCVII à CCCXIV et L.
  • [12]
    A. Degrassi (1963), p. 341-342 indique à tort que la ligne 2 figure « ante figuras », et la ligne 1 « post figuras ».
  • [13]
    À ce sujet, cf. l’étude de G. Bordenache Battaglia et A. Emiliozzi (1990), p. 211-226.
    Pour les éléments onomastiques et les conclusions sociologiques qu’il est possible de tirer de ceux-ci, cf. R. Wachter (1987), p. 125-126 et P. Kruschwitz (2002b), p. 28-29 et 31. Dindia est le gentilice de la dame qui offre l’objet à sa fille ; Magulnia est le gentilice du mari de cette dame, père de la fille, porté en asyndète par la mère en même temps que le sien propre. Il s’agit de deux gentilices prénestins. Novius Plautius porte un prénom osque et non latin. À ce sujet, cf. aussi O. Salomies (1987), p. 80-81. Quelles que soient ses origines, il vit à Rome ou du moins entretient des relations avec Rome, mais il entretient aussi des relations avec les deux gentes prénestines des Dindii et des Magulnii.
    L’hypothèse relative à Novius Plautius que nous exposons et qui est celle de G. Bordenache Battaglia et A. Emiliozzi (1990), p. 211-226, présente une difficulté : Novius Plautius, si tel est bien le nom du ciseleur, appartient vraisemblablement aux couches serviles de la société latine, il doit s’agir d’un affranchi. Cet affranchi grave son nom dans une inscription qui commémore aussi un don luxueux effectué par une mère aristocratique à sa fille. Il ne nous paraît pas probable que cette mère ait souhaité voir le nom d’un affranchi honoré à l’égal du sien. Ainsi, selon nous, il est plus probable que Novius Plautius soit un ingénu, le commanditaire de l’inscription. Le verbe FECID a alors le sens factitif « a fait faire », attesté dans l’inscription CIL I2 398. Selon nous, Novius Plautios entretient des relations à la fois avec les élites prénestines et avec un artiste installé à Rome qui a conçu et effectué la décoration ciselée.
  • [14]
    Pour cette traduction, cf. R. Wachter (1987), p. 144.
  • [15]
    À ce sujet, cf. R. Wachter (1987), p. 175.
  • [16]
    À ce sujet, cf. R. Wachter (1987), p. 124 et P. Kruschwitz (2002b), p. 27-28.
  • [17]
    Cf. P. Kruschwitz (2002b), p. 28.
  • [18]
    Pour l’analyse colométrique que nous proposons, qui seule permet de démontrer si les uacat marquent des limites entre cola ou entre vers, cf. p. 292.
  • [19]
    Cf. P. Kruschwitz (2002b), p. 28.
  • [20]
    À ce sujet, cf. par exemple G. Meiser (1998), p. 91.
  • [21]
    À ce sujet, cf. R. Wachter (1987), p. 126.
  • [22]
    À ce sujet, nous suivons G. Meiser (1998), p. 130-132.
  • [23]
    Ici encore, nous suivons l’analyse de G. Meiser (1998), p. 73, 131 et 132, qui concorde avec celle de G. Klingeschmitt (1992), p. 91.
  • [24]
    Ce traitement est considéré comme probable par P. Schrijver (1991), p. 302-303, qui examine non pas la désinence de locatif singulier des thèmes en -? en général, mais la forme figée prae en particulier.
  • [25]
    À la date de l’inscription, la graphie FECEI est une graphie archaïsante, qui renvoie à une prononciation figure im17 révolue.
  • [26]
    Pour cette analyse, cf. A. Ernout et A. Meillet (19594), p. 756-757 et A. Sihler (1995), p. 399.
  • [27]
    Une explication alternative pour le traitement de la désinence de locatif singulier des thèmes en -?- consiste à supposer que celle-ci était bel et bien une diphtongue, mais que l’évolution phonétique a été empêchée en raison de la pression paradigmatique des autres formes où le timbre [a] était stable. Une telle explication nous paraît impossible : les cas datif et ablatif pluriel en -?s indiquent que la pression paradigmatique n’était pas suffisante pour empêcher l’évolution phonétique d’une dipthongue à premier élément de timbre [a].
  • [28]
    Sur la stabilité des voyelles brèves en hiatus en syllabe intérieure ouverte en latin aux Ve et IVe siècles avant notre ère, par opposition au traitement non conditionné en syllabe intérieure ouverte, cf. G. Meiser (1998), p. 69.
  • [29]
    Aux Ve et IVe siècles avant notre ère, la déclinaison en -?, au singulier, comportait donc les cas suivants :
    • le génitif était en /-?s/, sans doute déjà partiellement relayé par la forme refaite /-??/, donc un monosyllabe relayé par un dissyllabe. À ce sujet, nous suivons G. Meiser (1998), p. 130 et 131.
    • le datif était en figure im18, diphtongue à premier élément long, monosyllabe.
    • le locatif était en /ai/, dissyllabe.
    R. Wachter (1987), p. 259-260 cherche à expliquer pour quelle raison la désinence de datif figure im19 évolue en latin classique vers -ae, diphtongue à premier élément bref, alors que la désinence de datif singulier thématique figure im20 évolue en -?, voyelle longue. Il considère que ce traitement discordant doit s’expliquer par l’analogie du locatif : pour les thèmes en -?, les désinences de datif et de locatif singulier étaient très proches phonologiquement et s’influençaient l’une l’autre, alors que pour les thèmes thématiques, figure im21, désinence de datif, et figure im22, désinence de locatif, ne l’étaient pas et ne s’influençaient pas. Cette explication nous paraît tout à fait valable. Selon nous, la désinence dissyllabique de locatif singulier/-ai/ a pu d’une part jouer un rôle analogique dans l’apparition de la désinence dissyllabique de génitif singulier /-??/, et, d’autre part, entraîner analogiquement le maintien de la diphtongue pour la désinence de datif singulier, figure im23. Ces analogies n’existaient pas dans la flexion thématique.
  • [30]
    Sur le traitement des laryngales entre voyelles en latin, lorsque la première voyelle est la voyelle fermée /i/ ou /u/, cf. P. Schrijver (1991), p. 321-322 et G. Meiser (1998), p. 110 : la chute de la laryngale entraîne un hiatus avec apparition d’un son de transition qui en l’occurrence est noté. Ainsi, figure im24 donne-t-il iuuencus, « jeune taureau ». Un traitement voisin est possible dans le cas de la désinence de locatif singulier des thèmes en -?.
  • [31]
    À ce sujet, cf. R. von Planta (1892-1897) I, p. 141-143 et II, p. 88-95 et 187, C. D. Buck (19282), p. 42 et 113-114, et G. Meiser (1986), p. 122-123.
  • [32]
    Au sujet de ce décalage, cf. G. Meiser (1986), p. 42-43.
  • [33]
    Sur ce point, cf. J. Stuart-Smith (2004), p. 70-71, avec bibliographie antérieure.
  • [34]
    Pour l’ensemble de ces données sud-picéniennes et leur interprétation, cf. G. Klingenschmitt (1992), p. 91. M. Weiss (1998), p. 709 note 40 reprend l’analyse de G. Klingenschmitt et considère que toútaih est un locatif singulier dissyllabique, mais, selon lui, ce locatif issu figure im25 a été recaractérisé par une particule figure im26. M. Weiss n’indique pas d’où provient la désinence de locatif figure im27. Il suppose que la particule ait été ajoutée pour recaractériser le locatif par rapport au datif figure im28. Une telle analyse doit s’appliquer aussi à la désinence latine, qui est elle aussi dissyllabique initialement, quoique M. Weiss mentionne uniquement la désinence sud-picénienne. Toutefois, selon nous, rien ne prouve qu’en sud-picénien, non plus qu’en latin, l’opposition entre diphtongues à premier élément long et diphtongues à premier élément bref ait cessé d’être pertinente en position finale absolue à date historique ; si cette opposition persiste, alors les deux cas locatif et datif ne sont pas menacés de confusion. Il nous semble plus économique de supposer que l’ancienne désinence *-ai ait comporté un hiatus à la suite de la chute de la laryngale. D’autre part, l’analyse de M. Weiss n’explique pas la forme latine. En particulier, à partir d’une recaractérisation figure im29, en latin, il y aurait fermeture de la voyelle *-a- en syllabe intérieure ouverte aux Ve et IVe siècles avant notre ère, d’où une désinence de locatif singulier figure im30, et finalement contraction en [?]. Au sujet de l’évolution d’*-a- en syllabe intérieure ouverte en latin, cf. G. Meiser (1998), p. 67-70, et au sujet des contractions en latin, cf. G. Meiser (1998), p. 87-88.
  • [35]
    Pour ces régularités, cf. T. Cole (1969), p. 46 et passim.
  • [36]
    Cf. G. Tanner (1961), p. 238.
  • [37]
    Cf. R. Wachter (1987), p. 267. La conclusion est valable quelle que soit l’origine de la désinence. À ce sujet, cf. G. Meiser (1998), p. 217.
  • [38]
    Sur l’affaiblissement de l’occlusive dentale sonore en position finale en latin archaïque, cf. G. Meiser (1998), p. 100.
  • [39]
    À ce sujet, cf. P. Freeman (1998). Nous nous permettons de renvoyer aussi à E. Dupraz (2007), où nous développons particulièrement ce point, en analysant notamment une autre inscription latine, la fibule de Préneste, CIL I2 3.
  • [40]
    Datation d’après M. Cristofani (1990), p. 20 et M. Hartmann (2005), p. 426-434.
  • [41]
    Nous reprenons l’analyse linguistique établie par E. Tichy (2002). La colométrie que nous proposons est celle qui fait l’objet de notre étude dans E. Dupraz (2007).
  • [42]
    À propos de l’accent latin, nous suivons G. Meiser (1998), p. 53.

11. Le vers saturnien est un mètre attesté dans la poésie latine préclassique des IIIe et IIe siècles avant notre ère. Sa constitution soulève de nombreuses difficultés. D’une part, les théoriciens antiques, qui utilisent le nom de uersus Saturnius, ne comprenaient déjà plus eux-mêmes les structures de ce mètre, qu’ils ne parviennent pas à définir [2]. D’autre part, le corpus que nous possédons est très limité et sa délimitation même n’est pas certaine. Thomas Cole, dans une étude fondamentale, part du principe qu’il faut considérer comme saturnien « any archaic Latin verse that is used stichically and divided by a caesura into two parts, the first of which contains five to nine syllables, the second (usually one to three syllables shorter than the first) five to eight syllables », à condition que ce vers ne puisse pas être scandé selon d’autres types métriques [3]. Thomas Cole part ainsi de l’unique caractéristique unanimement reconnue par la critique dans les temps modernes, l’existence de deux cola par vers, le deuxième étant le plus souvent plus bref que le premier, pour définir comme saturnien toute séquence suffisamment brève pour former un vers, et à partir de cette définition il tente de constituer la liste des vers saturniens susceptibles d’avoir été conservés. Il aboutit à une liste de cent vingt-cinq vers, soit deux cent-soixante-cinq cola compte tenu des cola préservés isolés. Selon Thomas Cole, peuvent être considérés comme saturniens d’une part des vers des poètes Appius Claudius Caecus, Livius Andronicus, Naevius, qui sont des fragments d’œuvres disparues, et d’autre part des vers contenus dans des inscriptions latines, c’est-à-dire des carmina Latina epigraphica, soit que ces inscriptions aient été conservées directement, soit qu’elles aient été recopiées et que la transcription ait été transmise.

2Ces derniers fournissent une aide précieuse pour la reconstitution des structures du vers saturnien : une partie des carmina Latina epigraphica fournissent des indications relatives à la distribution des vers et des deux cola qui constituent chaque vers. En effet, dans une partie des inscriptions en vers saturniens, il existe des marques épigraphiques de la délimitation des vers et des cola, soit des uacat, soit des signes spécifiques, différents des interponctions qui figurent entre les mots [4]. Ainsi, dans l’inscription CIL I2 7 = CLE 7, la fin de chaque vers est indiquée par des tirets, alors que les mots sont délimités en général par de simples interponctions [5] :

3

CORNELIVS. LVCIVS. SCIPIO. BARBATVS. GNAIVOD. PATRE # PROGNATVS. FORTIS. VIR. SAPIENSQVE - QVOIVS. FORMA. VIRTVTEI. PARISVMA # FVIT - CONSOL. CENSOR. AIDILIS. QVEI. FVIT. APVD. VOS - TAVRASIA. CISAVNA # SAMNIO. CEPIT - SVBIGIT. OMNE. LOVCANAM. OPSIDESQVE. ABDOVCIT
« Cornelius Lucius, Scipio Barbatus, issu de Gnaeus comme père, homme vaillant et sage, dont la beauté valait tout à fait le courage, qui fut consul, censeur, édile auprès de vous, prit Taurasia, Cisauna, le Samnium, vainc toute la Lucanie, ramène des otages. »

4La présence du tiret, toutefois, n’est pas systématique, car il en manque un dans le premier vers. La colométrie de cette inscription est la suivante :

5

Cornelius Lucius / Scipio Barbatus //
Gnaivod patre prognatus / fortis uir sapiensque //
quoius forma uirtutei / parisuma fuit //
consol censor aidilis / quei fuit apud uos //
Taurasia Cisauna / Samnio cepit //
subigit omne Loucanam / opsidesque abdoucit //

62. L’analyse colométrique du corpus ainsi constitué présente des difficultés considérables. Trois principes d’analyse ont été appliqués. Tout d’abord, il a été supposé que le vers saturnien, comme les vers latins plus récents, reposait sur l’alternance des syllabes longues et des syllabes brèves. D’autre part, la critique moderne a recherché dans le vers saturnien un principe d’alternance entre syllabes toniques et syllabes atones. Enfin, il a été proposé d’analyser le vers saturnien en supposant que les cola devaient comprendre un nombre fixe de syllabes, comme c’est le cas des différents mètres du français par exemple. Ces trois théories, la théorie quantitative, la théorie accentuelle et la théorie isosyllabique, se sont révélées insuffisantes. Aucune combinaison simple, ni quantitative, ni accentuelle, ni isosyllabique, ne permet de rendre compte de toutes les variantes attestées [6].

7Cependant, plusieurs points sont désormais acquis [7]. Le premier est la nécessité de subdiviser chacun des deux cola du vers saturnien en deux segments. Ainsi, le vers saturnien, comme l’alexandrin classique, comporte trois césures. Une césure se trouve entre les deux cola. Les deux autres séparent les deux segments de chacun des deux cola.

8Le deuxième point est relatif à l’origine du vers saturnien. Initialement, le mètre latin reposait uniquement sur le principe d’isosyllabisme. Les cola comportaient un nombre fixe de syllabes, ou du moins le second segment de chaque colon comprenait un nombre fixe de syllabes. La contrainte isosyllabique pouvait s’exercer sur l’ensemble du colon ou seulement sur le second segment du colon, soumis à une plus grande rigueur. C’est à partir d’une métrique isosyllabique que le vers saturnien est apparu. Cette métrique est elle-même nettement d’origine indo-européenne.

9Le troisième point est relatif au nombre de syllabes possible dans chaque colon et dans chaque segment. Les cola du vers saturnien comprennent cinq, six ou sept syllabes. Dans le même vers, la longueur des deux cola est indépendante. D’un vers à l’autre, la longueur des cola est aussi indépendante. Ainsi, à l’échelle d’un poème entier, il n’est pas possible de trouver des cola de plus de sept syllabes, ni de moins de cinq syllabes, mais aucun principe ne gouverne la distribution des cola de cinq, six ou sept syllabes. D’autre part, les segments des cola comprennent eux-mêmes deux, trois ou quatre syllabes, mais jamais davantage. Enfin, le deuxième segment d’un colon ne peut comprendre deux syllabes de plus que le premier, ce qui exclut des cola constitués de deux puis quatre syllabes. Ainsi, le vers

10

consol censor — aidilis / quei fuit — apud uos // 4 — 3 / 3 — 3 //

11comprend un premier colon constitué d’un segment de quatre syllabes et d’un segment de trois syllabes et un deuxième colon constitué de deux segments de trois syllabes, donc un colon de sept syllabes et un deuxième de six. C’est là une structure particulièrement appréciée, elle est très courante parmi les vers saturniens qui ont été conservés.

12Le saturnien apparaît comme dérivé d’une métrique isosyllabique, à la fois par durcissement et par assouplissement des règles de celle-ci. À l’origine, les règles isosyllabiques peuvent s’exercer uniquement sur le deuxième segment de chaque colon. Au contraire, dans le vers saturnien, elles s’exercent obligatoirement sur les deux segments. D’autre part, à l’origine, le même nombre de syllabes doit se retrouver de colon en colon, ou du moins de deuxième segment à deuxième segment. Au contraire, dans la nouvelle métrique, le saturnien est l’assemblage de deux fois deux segments, chacun des segments et chacun des cola comprend un nombre de syllabes précis, mais ce nombre peut varier d’un segment au suivant et d’un colon au suivant.

13Mais le saturnien n’est pas seulement un mètre isosyllabique. Des règles et préférences quantitatives et accentuelles sont apparues à l’intérieur de ce mètre, en sus des règles isosyllabiques. Par exemple, dans les segments de trois syllabes situés en deuxième moitié de colon, la seconde est le plus souvent, mais pas toujours, une syllabe longue. C’est le cas pour aid?lis et pour apud uos, à condition d’admettre que la préposition et son régime forment un seul groupe accentuel. Dans l’hypothèse d’un mot trisyllabique comme aid?lis, cette préférence entraîne une accentuation sur la seconde des trois syllabes, en vertu des règles d’accentuation du latin aux IIIe et IIe siècles avant notre ère [8]. Ainsi, la prédilection pour les deuxièmes segments x—x renvoie à une tendance à la fois quantitative et accentuelle. Les détails de ces règles et préférences sont difficiles à analyser et à expliquer [9].

143. Nous souhaitons ici examiner une inscription qui a parfois été analysée comme un carmen epigraphicum en vers saturniens, mais qui n’a jamais reçu d’analyse satisfaisante comme telle, de l’aveu même de ceux qui ont proposé son identification comme poétique. Selon nous, cette inscription atteste peut-être un stade ancien du vers saturnien, plus étroitement conforme au principe d’isosyllabisme que les saturniens des IIIe et IIe siècles avant notre ère.

15Dans notre étude, nous nous efforçons de classer et d’évaluer les différents éléments qui permettent de proposer une analyse comme texte métrique en saturniens. Nous tentons de prendre en compte dans nos conclusions les incertitudes inhérentes à la brièveté et à l’isolement du texte. Ainsi, notre analyse cherche à fournir des éléments pour une étude d’ensemble du vers saturnien et de ses origines, plus qu’à proposer une synthèse qu’un seul document ne saurait permettre.

16La ciste Ficoroni, découverte au XVIIIe siècle à Préneste, dans le Latium, est un coffret cylindrique luxueusement décoré, en bronze, qui mesure au total 74 centimètres de hauteur et 38,5 centimètres de diamètre [10]. Les pans du coffret portent des scènes gravées empruntées au mythe des Argonautes. Le couvercle du coffret porte trois figures sculptées en haut-relief, Dionysos soutenu par deux satyres. À la base de ce couvercle, sur une plaque qui mesure 18,5 cm de longueur et 4,6 cm de largeur, est gravée l’inscription CIL I2 561. Les cistes prénestines sont des coffrets de luxe, caractéristiques de l’art prénestin aux IVe et IIIe siècles avant notre ère. Un type d’objet apparenté, également caractéristique de l’art prénestin aux IVe et IIIe siècles avant notre ère, est représenté par des miroirs en bronze. Cistes et miroirs ont été fabriqués à Préneste même [11].

17La ciste Ficoroni est datée pour des raisons archéologiques d’environ 320 avant notre ère. L’inscription a pour texte :

  1. NOVIOS. PLAVTIOS. MED (uacat) ROMAI. FECID
  2. DINDIA. MACOLNIA. (uacat) FILEAI. DEDIT
    « Novius Plautius m’a fait à Rome. Dindia Magulnia m’a donné à sa fille. »
Les deux lignes sont gravées chacune le long d’un des longs côtés de la plaque, tête-bêche l’une par rapport à l’autre. Deux arguments indiquent qu’il faut lire la ligne que nous numérotons 1 avant la ligne 2. Le premier est épigraphique. La ciste est orientée par les figures sculptées en haut relief, puisque celles-ci ont toutes les trois le visage du même côté. Or la ligne 1 se trouve du côté avant du couvercle, sous les visages des trois personnages. La ligne 2, qui se trouve du côté du dos des personnages, suppose que le lecteur a tourné la ciste après en avoir contemplé la face avant [12]. Le deuxième argument est syntaxique. La nécessité de sous-entendre MED à la ligne 2 indique que celle-ci doit être lue après la ligne 1. L’écriture est particulièrement soignée.

18L’indication d’une origine romaine, s’agissant d’une ciste fabriquée à Préneste même, peut s’appliquer non pas à la ciste dans son ensemble, mais simplement à la décoration ciselée qui représente les Argonautes, sur les flancs du coffret. En ce cas, Novius Plautius est peut-être l’artiste de talent qui a conçu et effectué à Rome cette décoration ciselée, cependant que les autres éléments de la ciste provenaient de Préneste et que la ciste était assemblée à Préneste [13].

19Ainsi donc, l’inscription de la ciste Ficoroni a une double visée pragmatique ; la ligne 1 est une marque de fabrication de l’objet, qu’il s’agisse soit de la décoration ciselée, soit de la ciste dans son ensemble ; la ligne 2 est la commémoration du don lui-même.

204. Plusieurs éléments archéologiques et épigraphiques, tout d’abord, nous paraissent indiquer que l’inscription CIL I2 561 est une composition poétique.

21Archéologiquement, la ciste est un objet de luxe, qui représente un cadeau particulièrement important. Il s’agit d’un don solennel. Plus précisément, parmi les cistes prénestines, la ciste Ficoroni est un chef-d’œuvre singulier : la décoration ciselée atteste une maîtrise des canons de l’art hellénistique et une expressivité qui sont inconnues par ailleurs dans l’art prénestin. La ciste Ficoroni est donc exceptionnelle même à l’intérieur des élites prénestines qui échangeaient dons et contre-dons de bronze. D’autre part, la disposition de l’inscription nous paraît significative : les deux lignes sont gravées tête-bêche, elles figurent sur le couvercle de part et d’autre des figures en haut-relief qui servent de couvercle. Du point de vue de la visée pragmatique de l’inscription, cette disposition est significative : lors de la cérémonie du don, lorsque la ciste fut remise à la fille de Dindia Magulnia, celle-ci ne vit pas tout de suite les deux lignes de l’inscription, mais, ayant lu l’une de celles-ci, dut tourner la ciste, ou bien tourner elle-même autour de la ciste, pour trouver et lire la seconde. Ainsi, l’inscription ménage une surprise à celle qui reçoit le cadeau. Cette disposition qui marque une mise en scène de la cérémonie du don est une marque de raffinement pragmatique.

22Un premier élément épigraphique conforte cette analyse de l’inscription comme liée à une visée pragmatique particulièrement recherchée. L’inscription a une double visée pragmatique, marque de fabrication, commémoration du don. Or, si les cistes et miroirs prénestins portent souvent des inscriptions, cependant une seule de ces vingt-six inscriptions est une marque de fabrication, l’inscription CIL I2 552 sur un miroir daté entre 350 et 325 avant notre ère, qui comporte deux théonymes, puis la formule VIBIS. PILIPVS. CAILAVIT, « Philippe, esclave des Vibii, a ciselé » [14], et aucune ne comporte de commémoration d’un don. La plupart des inscriptions se limitent à des formes onomastiques issues de la mythologie, qui servent de légende aux scènes gravées qui constituent la décoration des objets. Ainsi, comme marque de fabrication et surtout comme commémoration d’un don, l’inscription CIL I2 561 est isolée parmi les inscriptions prénestines sur bronze. Tant la disposition du texte que son contenu renvoient à une visée pragmatique raffinée.

23Un autre élément matériel épigraphique indique lui aussi une composition recherchée pragmatiquement. Il s’agit du grand soin avec lequel sont tracées les lettres. L’inscription est calligraphiée, et elle s’oppose sur ce point aux autres inscriptions prénestines sur bronze [15].

24Ainsi, pragmatiquement, la ciste Ficoroni et l’inscription qui s’y trouve sont une composition exceptionnelle, particulièrement recherchée et correspondant à un projet précis et conscient. Ces éléments sont tout à fait compatibles avec une composition poétique. Nous ne considérons pas qu’ils soient contraignants en eux-mêmes ; selon nous, c’est l’absence d’un tel raffinement et d’un tel soin qui serait incompatible avec une composition poétique.

25Un argument positif, qui peut renvoyer directement à une composition poétique, est fourni par un autre élément matériel, la disposition des mots sur la plaque [16]. Chacune des lignes commence dans l’angle de la plaque et ne laisse donc pas d’espace à sa gauche. En revanche, elles se terminent toutes deux bien avant l’angle opposé et laissent donc un espace important à droite. Surtout, il se trouve un uacat très net à la première ligne entre MED et ROMAI, qu’aucune contrainte n’explique, pas même le socle des trois effigies en haut-relief. Certes, le pied gauche du personnage central engage le haut du champ épigraphique à hauteur de ce uacat, mais il subsiste un espace libre très important à droite et surtout à gauche de ce pied, qui ne s’explique pas par la nécessité de laisser un espace pour l’insertion du pied. La preuve nous en paraît fournie a contrario par la position du pied gauche du personnage de gauche, qui recouvre le sommet des deux dernières lettres de NOVIOS, sans qu’aucun effort ait été fait pour éviter ce recouvrement. Ce n’est pas la présence du pied gauche du personnage central qui explique le uacat à l’endroit correspondant de la ligne 1. Par ailleurs, alors que les mots NOVIOS, PLAVTIOS et MED, puis ROMAI et FECID, sont séparés par des interponctions, il ne se trouve pas d’interponction dans le uacat. À la ligne 2, de même, il se trouve un uacat, moins long mais net, entre MACOLNIA et FILEAI. Ce uacat, il est vrai, comporte un signe d’interponction, comme entre DINDIA et MACOLNIA et entre FILEAI et DEDIT.

26Nous considérons que la présence de ces uacat qui ne s’expliquent par aucune nécessité matérielle est un indice de composition poétique. Ces uacat marquent sans doute, comme sur d’autres inscriptions en vers saturniens, une colométrie. De fait cet indice est retenu par Peter Kruschwitz pour considérer que l’inscription est peut-être un texte poétique [17]. Plus précisément, si les uacat sont sur l’inscription des marques colométriques, alors ils délimitent non pas les vers eux-mêmes, mais les cola, qui seuls peuvent être assez courts pour occuper l’espace délimité par les uacat[18]. La limite entre les deux vers est simplement indiquée par le changement de ligne.

27Jusqu’à ce point, les éléments que nous avons pris en compte ne sont pas des preuves. Les quatre premiers arguments que nous avons invoqués, le luxe singulier du cadeau, la disposition archéologique de l’inscription sur l’objet, le genre épigraphique du texte, le soin apporté à la gravure, sont compatibles avec une composition poétique, dans la mesure où ils indiquent un don exceptionnel et une mise en scène exceptionnellement recherchée. Le quatrième, seul, est un indice positif d’une composition métrique : à moins d’admettre une fantaisie arbitraire de la part du scribe, la présence des deux uacat s’explique seulement comme marque épigraphique d’une colométrie. L’irrégularité représentée par la présence d’une interponction dans le deuxième uacat a son parallèle dans l’absence de tiret entre les deux premiers saturniens de l’inscription CIL I2 7 = CLE 7, alors que tous les autres saturniens sont délimités par des traits d’union.

285. Pour établir que l’inscription de la ciste Ficoroni est bel et bien une composition en vers saturniens, il est nécessaire de proposer une colométrie précise, étayée par des parallèles attestés. C’est bien la difficulté de déterminer une semblable colométrie qui incite Peter Kruschwitz à ne pas accepter l’hypothèse d’une inscription métrique [19].

29Il nous semble cependant possible de proposer une colométrie pour l’inscription :

figure im1

30Nous aboutissons ainsi à une colométrie parfaitement régulière :

31

3 — 4 / 3 — 2 //
3 — 4 / 3 — 2

32Notre proposition repose sur les règles de syllabation telles qu’elles sont reconstituées pour le latin de la fin du IVe siècle avant notre ère. En hiatus, /i/ est une voyelle [20], qui s’oppose comme particulièrement ouverte à /?/, d’où une notation possible -e- attestée par la forme FILEAI [21]. La désinence de datif singulier des thèmes en -?, issue d’indo-européen figure im2, monosyllabique [22].

33Enfin et surtout, la désinence de locatif singulier des thèmes en -?, issue d’indo-européen *eh2-i, est dissyllabique [23]. Dans cette finale *eh2-i, [i] est prononcé comme une voyelle et la laryngale colore *-e- avant de disparaître [24]. La finale *eh2-i donne phonétiquement /-ai/. Jusqu’en latin archaïque, c’est-à-dire jusqu’au IVe siècle avant notre ère inclus, il est nécessaire de supposer que cette désinence *-ai est prononcée avec un hiatus, dissyllabique. En effet, le traitement de la diphtongue à premier élément bref figure im3 en finale absolue, aux Ve et IVe siècles avant notre ère, est un traitement par fermeture du premier élément en /e/, d’où figure im4. Cette diphtongue figure im5 est destinée elle-même à se fermer vers 250 avant notre ère en /?/ fermé, puis vers 150 avant notre ère en [?]. Le traitement est bien attesté par l’évolution de la désinence de première personne du singulier du parfait de l’indicatif actif : la désinence falisque PE. PARA [i], « j’ai engendré, peper? », attestée sur l’inscription Gi 1, documente la forme étymologique, et la désinence latine FECEI, « j’ai fait, f?c? », attestée sur l’inscription latine CIL I2 638, de 132 avant notre ère, documente graphiquement le premier stade de l’évolution latine [25]. Un autre exemple de cette évolution est fournie par la conjonction ut?, corrélative d’ita et issue d’*uta-i, c’est-à-dire *uta recaractérisé par une particule déictique *-i [26]. Ainsi, le traitement classique de la désinence de locatif singulier des thèmes en -?, c’est-à-dire -ae, interdit de considérer qu’aux Ve et IVe siècles avant notre ère cette désinence ait été prononcée comme une diphtongue, comme un monosyllabe [27]. Gerhard Meiser conclut donc qu’à cette époque elle est dissyllabique : il existe dans cette désinence un hiatus /-ai/, sans doute occupé par un son de transition sans pertinence phonologique, c’est-à-dire figure im6. Dans ce dissyllabe avec hiatus, la voyelle [a] en hiatus ne s’affaiblit pas aux Ve et IVe siècles avant notre ère [28]. Nous considérons que c’est cette désinence dissyllabique qui est notée dans la forme ROMAI de l’inscription CIL I2 561 [29].

34À date plus récente, au IIIe siècle avant notre ère, une fois achevée l’époque du passage figure im7, l’hiatus est supprimé et la désinence de locatif singulier devient la diphtongue notée -ae. Gerhard Meiser ne prend pas position sur l’origine de l’hiatus tel qu’il figure en latin archaïque dans cette désinence. Il peut s’agir d’une trace de la laryngale tombée en hiatus dans la finale *eh2-i > *ah2-i : la chute a pu laisser un son de transition, et l’hiatus se maintenir [30].

35Dans les langues sabelliques, les représentants de la désinence de locatif singulier des thèmes en -? issue d’indo-européen *eh2-i sont notés de la même façon que des diphtongues à premier élément bref ou long en ombrien et en osque, respectivement ombrien -e ou -e, osque -aí ou -ae[31]. Plus précisément, la notation ombrienne -e ou -e renvoie à une monophtongaison identique à celle des diphtongues à premier élément bref ou long, c’est-à-dire précisément une prononciation monosyllabique de la désinence de locatif singulier des thèmes en -?. L’ombrien n’atteste donc pas du tout la prononciation dissyllabique de cette désinence, mais, selon nous, cette prononciation monosyllabique ombrienne peut résulter d’une résolution récente de l’hiatus. Quant à l’osque, la graphie -aí ne prouve rien quant à la prononciation monosyllabique ou dissyllabique de la désinence : elle est compatible avec une prononciation dissyllabique avec hiatus, car, à partir d’une désinence *-ai dissyllabique, intervient le décalage des voyelles d’avant caractéristique de l’osque et de l’ombrien, c’est-à-dire le passage d’*-i- bref à /e/ fermé bref noté précisément -í-[32]. En revanche, la graphie en alphabet latin -ae renvoie nécessairement à une diphtongue, car le phonème /e/ fermé bref est noté -i- en alphabet latin. Ainsi, le témoignage de l’osque en alphabet latin prouve que l’osque, comme l’ombrien, emploie à date historique une prononciation monosyllabique avec résolution de l’hiatus, ce qui, selon nous, est secondaire. L’ombrien et l’osque se comportent à date historique comme le latin à partir du IIIe siècle avant notre ère.

36Mais la troisième langue sabellique, le sud-picénien, semble attester que le sabellique, comme le latin jusqu’aux Ve et IVe siècles avant notre ère, a hérité et maintenu jusqu’à date historique une désinence dissyllabique /ai/ de locatif singulier pour les thèmes en -?. Une seule forme sud-picénienne de locatif singulier de thème en -? paraît attestée, toútaih, « dans la cité », qui figure sur l’inscription sud-picénienne Ri SP Ri 1. La lettre -h à la fin de ce mot n’indique certainement pas un phonème [33]. Le contexte de l’inscription est malheureusement fragmentaire, et donc l’analyse syntaxique du syntagme esmak toútaih, « dans cette cité », n’est pas sûre. Il n’est pas certain s’il s’agit d’un locatif. Toutefois, la notation -ai- en syllabe finale n’est pas celle d’une diphtongue, qui serait en sud-picénien -aí. D’autre part, le sémantisme du lexème « cité » est pleinement compatible avec une interprétation par un locatif. Ainsi, cette notation renvoie probablement à un locatif singulier des thèmes en -? dont la désinence est dissyllabique, encore à date historique en sud-picénien [34].

376. Notre colométrie aboutit à un résultat régulier. Les deux saturniens reconstitués

figure im8

38se composent comme suit, en indiquant la longueur des syllabes, à supposer que celle-ci ait déjà une pertinence métrique à cette époque,

figure im9

39Cette colométrie est identique à celle que présentent des saturniens plus récents. Du point de vue du compte des syllabes, il existe parmi les vers saturniens des cola à sept syllabes avec césure après la troisième, et il existe des cola à cinq syllabes avec césure après la troisième, et enfin la tendance à enchaîner un colon plus long puis un colon plus court dans le même saturnien est très bien attestée dans le corpus des vers documentés.

40Qui plus est, à supposer que des règles et préférences quantitatives ou accentuelles précises se soient déjà introduites dans le vers saturnien à l’époque de la ciste Ficoroni, chacun des quatre cola attestés sur celle-ci est conforme aux règles qui apparaissent dans le saturnien des IIIe et IIe siècles avant notre ère. Celui-ci, dans les cola heptasyllabiques avec césure après la troisième syllabe, comporte soit un crétique figure im10 au début du deuxième segment, comme dans Plautios med, soit une longue comme deuxième syllabe du deuxième segment, comme dans Magolnia, avec les conséquences que cela comporte sur la position de l’accent. D’autre part, dans les cola pentasyllabiques avec césure après la troisième syllabe, le premier segment commence souvent par figure im11, comme dans Romai fecid et dans fileai dedit[35] ; là encore cette prédilection entraîne des conséquences quant à la position de l’accent.

41Ainsi, il nous semble possible de proposer une colométrie régulière pour l’inscription CIL I2 561. Il est nécessaire, pour cela, de tenir compte de la syllabation de la désinence de locatif singulier des thèmes en -?, dissyllabique à la date de l’inscription. Une colométrie en vers saturniens pour cette inscription a été suggérée hypothétiquement par Godfrey Tanner en 1961 [36], dans le cadre d’une étude du vers saturnien en général où cet auteur propose une analyse reposant elle aussi sur le compte des syllabes, en tenant compte du déplacement de l’accent latin entre le Ve et le IIe siècle avant notre ère. Mais Godfrey Tanner considère comme monosyllabique la désinence de locatif singulier dans ROMAI, ce qui le contraint à une colométrie

42

Nouios Plautios / med Romai fecid // Dindia Magolnia / fileai dedit

43qui s’affronte à une difficulté importante : elle échoue à rendre compte de la disposition du texte sur la plaque. Le uacat net après med exclut que celui-ci se rattache au premier segment du premier colon.

44Ainsi, il nous semble que la possibilité d’une colométrie pour l’inscription de la ciste Ficoroni est un élément linguistique qui corrobore l’indication positive donnée par la présence des uacat : l’inscription peut être considérée comme un texte poétique, et ce texte peut recevoir une colométrie en vers saturniens. C’est la conjonction des deux éléments qui nous paraît significative.

457. D’autres éléments linguistiques nous paraissent pouvoir être allégués comme indices d’une composition poétique. Comme les éléments archéologiques et épigraphiques que nous avons présentés d’abord, ces éléments ne prouvent pas en eux-mêmes que l’inscription est un texte poétique. Au contraire, c’est leur absence qui serait incompatible avec la présence d’un texte poétique.

46Ces éléments sont des parallélismes entre les deux vers, signe du raffinement de la composition. En effet, la syntaxe des deux vers est identique : un sujet qui est une formule onomastique bimembre, prénom et gentilice pour l’homme, double gentilice pour la femme, un objet dans le premier colon qu’il est nécessaire de sous-entendre dans le deuxième, un complément à un cas oblique, locatif dans le premier colon, datif dans le deuxième, et une forme verbale de troisième personne du singulier du parfait. D’autre part, cette syntaxe coïncide avec la métrique, puisque le premier segment du premier colon comprend une forme onomastique, le deuxième segment comprend la deuxième forme onomastique et au premier vers l’objet, le troisième segment comprend le complément à un cas oblique, et le quatrième segment comprend le verbe. Enfin, des figures phonétiques soulignent ce parallélisme ; ce sont, selon nous, des paronomases.

47– Au premier colon, Romai contient une désinence dissyllabique, au deuxième, fileai contient une désinence monosyllabique qui comprend les mêmes timbres vocaliques sous forme diphtonguée. Dans les deux formes, la base comporte une voyelle longue, mais le timbre est différent, d’abord /?/ puis /?/.

48– Les deux formes verbales s’achèvent par deux allophones d’une même désinence : comme l’écrit Rudolf Wachter [37], il n’y a pas de différences phonologiques entre la désinence -id de fecid et la désinence -it de dedit, mais, dans la première forme, la sonore finale, c’est-à-dire faible [38], était notée comme opposée à la consonne forte sourde [k] qui la précède, dans la deuxième, comme opposée aux consonnes fortes sonores [d] qui la précèdent. L’opposition de force est notée comme une opposition de sonorité. Ainsi est obtenue une paronomase, c’est-à-dire un écho phonétique avec variation. D’autre part, le timbre de la voyelle longue radicale /?/ dans fecid est identique à celui de la voyelle brève /e/ du redoublement dans dedit, mais la longueur n’est pas la même.

49Selon nous, l’absence de ces parallélismes serait contradictoire avec une composition métrique. Le raffinement dont témoignent tous les aspects, archéologiques, épigraphiques et linguistiques, de l’inscription, est compatible avec l’hypothèse d’un texte en vers saturniens, dont la colométrie, mise en valeur par la disposition du texte, est restituable selon des principes attestés par ailleurs.

508. Ainsi, il nous semble que plusieurs indices, notamment des indices directs, épigraphiques et syllabiques, permettent de considérer l’inscription de la ciste Ficoroni comme une composition en vers saturniens.

51Nous souhaitons maintenant présenter d’autres hypothèses, qui se fondent sur l’analyse que nous venons d’effectuer, mais qui ne sont pas directement liées à celle-ci. L’inscription de la ciste Ficoroni est un témoignage particulièrement important pour l’histoire du vers saturnien, parce que, selon nous, c’est la seule inscription latine poétique qui soit attestée aux Ve et IVe siècles avant notre ère. Il existe aux VIIe et VIe siècles avant notre ère des inscriptions poétiques qui reposent exclusivement sur l’isosyllabisme [39] ; aux IIIe et IIe siècles avant notre ère est documenté le corpus des vers saturniens, qui reposent sur un isosyllabisme complété par des prédilections en matière de quantité des voyelles et d’accent.

52L’inscription de la ciste Ficoroni est le seul témoignage de l’évolution qui a eu lieu entre les deux périodes. Si notre analyse colométrique est juste, alors elle peut être utilisée comme témoignage de l’évolution entre le système attesté aux VIIe et VIe siècles avant notre ère et celui du vers saturnien des IIIe et IIe siècles avant notre ère. Mais ce témoignage, selon nous, est particulièrement ambigu en raison de la brièveté du texte.

53Aux VIIe et VIe siècles avant notre ère, la métrique latine repose exclusivement sur le principe d’isosyllabisme, tel qu’il est pratiqué dans la métrique indo-européenne dont la métrique latine est l’héritière. Le meilleur exemple de cette situation est fourni par l’inscription dite du vase de Duenos, CIL I2 4. Il s’agit d’une inscription romaine de la première moitié du VIe siècle avant notre ère [40], dont le texte et la colométrie sont les suivants [41] :

54

IOVESAT DEIVOS QOI MED MITAT NEI TED ENDO COSMIS VIRCO SIED # AST ED N OISI OPET OIT ESIAI PACA RIVOIS # DVENOS MED FECED EN MANOM EINOM DVENOI NE MED MALOS TATOD
figure im12

« Il jure par les dieux, celui qui m’offre : si envers toi la fille n’est pas gentille, et qu’elle ne choisit pas de faire usage de toi [comme amant ? comme époux ?], fais usage [de ce vase] pour elle, apaise-la par des flots. Un homme de bien m’a fait comme cadeau de bonheur pour un homme de bien, qu’aucun méchant ne me vole ».

55Dans chacun des cola, le deuxième segment mesure quatre syllabes, et, plus précisément, il est constitué de deux mots de deux syllabes chacun. Au premier colon, le pronom personnel MED peut être considéré comme enclitique. D’autre part, ce deuxième segment de deux fois deux syllabes forme une unité syntaxique – proposition relative au premier colon, groupe verbal au second, au troisième et au sixième, proposition indépendante au quatrième – sauf au cinquième colon où il réunit l’objet et l’objet second. Mais, dans ce cinquième colon, la césure entre les segments est mise en valeur par une figure phonétique, l’allitération qui relie, de part et d’autre, /m?nom/ et figure im13, et, aux deux extrémités du vers, figure im14. Quant au premier segment, il mesure un nombre libre de syllabes, la contrainte métrique porte exclusivement sur le deuxième segment. On obtient :

56

5 — 2 2 / 6 — 2 2 //
2 — 2 2 / 3 — 2 2 //
8 — 2 2 / 2 — 2 2

57Entre cette métrique encore attestée aux VIIe et VIe siècles avant notre ère, où chaque colon se doit de présenter, au moins au deuxième segment, le même nombre de syllabes, et celle des IIIe et IIe siècles avant notre ère, où les différents cola peuvent présenter un nombre différent de syllabes les uns par rapport aux autres, pourvu que ce nombre soit compris entre cinq et sept, les trois changements que nous avons présentés sont intervenus. Le premier est la nécessité d’un nombre fixe de syllabes même au premier segment de chaque colon. Il s’agit là d’une contrainte supplémentaire. Le second changement est la possibilité d’employer des cola dont le nombre de syllabes est différent, les uns à la suite des autres. Il s’agit là, en sens inverse, d’un relâchement de la contrainte. Le troisième changement est l’apparition de prédilections quantitatives et accentuelles. La ciste Ficoroni, s’il s’agit bien d’une composition métrique, est l’unique document qui peut permettre d’examiner comment ont eu lieu ces changements.

58Mais ce document est ambigu. En effet, il obéit à la fois aux règles de la métrique ancienne, celle qui est héritée de l’indo-européen et qui est attestée aux VIIe et VIe siècles avant notre ère, et à celles du saturnien des IIIe et IIe siècles avant notre ère. Du point de vue des règles anciennes, il y a parallélisme complet entre le premier colon du premier vers et le premier colon du deuxième, et entre le deuxième colon du premier vers et le deuxième colon du deuxième : les premiers cola comprennent sept syllabes avec césure après la troisième, les deuxièmes, cinq avec césure après la troisième. L’inscription obéit ainsi à la règle ancienne qui prescrit la reprise exacte du même nombre de syllabes de colon à colon. D’autre part, chacun de ces cola est d’un type qui est possible dans le saturnien des IIIe et IIe siècles avant notre ère, puisque ces cola comprennent respectivement sept et cinq syllabes et que leurs segments comprennent entre deux et quatre syllabes. Il n’est donc pas possible de déterminer s’il est déjà facultatif que les cola aient le même nombre de syllabes les uns que les autres, ni s’il est déjà obligatoire que les cola comprennent entre cinq et sept syllabes, et les segments, entre deux et quatre syllabes. La grande brièveté du texte ne permet pas de déterminer à quelles règles exactement l’auteur de la composition avait conscience d’obéir. L’inscription obéit à la fois aux règles anciennes et aux règles nouvelles, mais il n’est pas possible de déterminer lesquelles sont motivées à l’époque de la composition.

59Sur un autre point, l’inscription permet des remarques, mais, là encore, ces remarques ne sont pas conclusives. Le point concerné est l’apparition de prédilections quantitatives et accentuelles dans le vers saturnien. En fait, ces prédilections semblent être déjà intégrées dans la métrique latine à l’époque du vase de Duenos : la présence systématique de deux dissyllabes, dans les deuxièmes segments des cola, indique un rythme accentuel : ces segments comprennent nettement deux accents, ’x x ’x x, car l’accent latin, à cette date, se trouve systématiquement sur la syllabe initiale du mot [42]. L’inscription de la ciste Ficoroni atteste elle aussi des régularités dans le domaine de l’accentuation qui doivent s’expliquer par des prédilections dans le domaine du rythme accentuel. En effet, dans le deuxième colon de chaque vers, celui qui, selon les règles anciennes, est soumis aux contraintes les plus strictes, celui qui, dans le vase de Duenos, est seul à respecter le principe d’isosyllabisme, il se trouve le même rythme accentuel :

figure im15

60L’accent latin a changé de position entre les VIIe et VIe siècles d’une part, les IIIe et IIe siècles d’autre part : d’abord placé sur la syllabe initiale, il a ensuite été décalé, se trouvant sur la syllabe pénultième si celle-ci est lourde, sur l’antépénultième si la pénultième est légère. Il se trouve que dans ces deux segments, l’accent est sur la syllabe initiale de tous les mots de l’inscription, quelle que soit la règle, ancienne ou nouvelle, qui doit être appliquée.

61De même, si la règle d’accentuation ancienne est appliquée et que le pronom personnel est encore une fois enclitique, le rythme accentuel du premier colon des deux premiers vers est identique :

figure im16

62Ainsi, l’inscription de la ciste Ficoroni atteste peut-être des prédilections dans le domaine du rythme accentuel, qui s’intègrent aux règles isosyllabiques caractéristiques du mètre. Lorsque l’accentuation nouvelle, qui est corrélée avec la quantité syllabique, se mit en place, ces prédilections purent à leur tour expliquer l’apparition de prédilections dans le domaine quantitatif. Toutefois, là encore, l’extrême brièveté de l’inscription CIL I2 561 interdit toute certitude : ce texte se limite à deux vers et chacun des deux vers est construit sur un parallélisme syntaxique avec l’autre, ce qui peut expliquer la présence du même nombre d’accents au même endroit du vers.

639. Dans le présent article, nous avons tenté d’analyser l’inscription de la ciste Ficoroni comme une composition poétique en vers saturniens. Nous avons examiné deux séries d’éléments. Les uns nous ont paru être des arguments positifs indiquant une composition poétique. Il s’agit de la disposition graphique du texte et de la possibilité d’une colométrie selon des règles connues par ailleurs, s’agissant en particulier de la prosodie de la désinence de locatif singulier des thèmes en -?.

64La deuxième série d’éléments, qui sont des éléments archéologiques, épigraphiques et linguistiques, ne sont pas conclusifs en eux-mêmes. Il s’agit d’un ensemble de marques de raffinement qui caractérisent la ciste comme un objet luxueux, destiné à être offert au cours d’une cérémonie soigneusement mise en scène. Ce contexte de raffinement ne prouve rien quant à la nature métrique du texte, mais, celle-ci étant admise, il explique pourquoi les auteurs de l’inscription ont composé un texte poétique : le choix d’une inscription métrique est encore une marque de raffinement. Il est significatif que le vase de Duenos, autre inscription métrique, soit lui aussi une dédicace de cadeau. La poésie est un élément apprécié dans les échanges de cadeaux entre aristocrates latins.

65Si notre analyse est juste, alors l’inscription de la ciste Ficoroni est l’unique composition poétique latine des Ve et IVe siècles avant notre ère qui ait été conservée. Nous avons tenté d’en tirer des conclusions quant à l’évolution du vers saturnien. Mais l’inscription permet seulement des remarques ambiguës : elle semble conforme à la fois aux règles qui gouvernent la métrique latine aux VIIe et VIe siècles avant notre ère et à celles qui gouvernent le vers saturnien aux IIIe et IIe siècles avant notre ère, légèrement différentes. En tout cas, l’inscription de la ciste Ficoroni peut recevoir une analyse métrique qui fait d’elle un document significatif du point de vue de la poétique latine : elle témoigne, selon nous, du maintien et de la continuité d’une tradition métrique entre les compositions métriques d’époque royale et le vers saturnien.


66Pour les formes écrites en alphabet latin les conventions observées sont les suivantes. Les inscriptions sont transcrites en majuscules. Les crochets indiquent les restitutions. Les signes # indiquent le passage d’une ligne à une autre sur les inscriptions. Les textes métriques sont transcrits en italiques. Les signes —, / et // indiquent respectivement les limites de segment, de cola et de vers. Pour les formes écrites dans des alphabets épichoriques non latins, elles sont transcrites en caractères gras.

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Date de mise en ligne : 01/01/2009

https://doi.org/10.3917/phil.802.0285

Notes

  • [1]
    Merci à Siham Lemseffer et à Corinne Le Sergent pour leur lecture critique, ainsi qu’au comité de lecture de la Revue de Philologie pour ses observations.
  • [2]
    À ce sujet, cf. P. Kruschwitz (2002a).
  • [3]
    Cf. T. Cole (1969), p. 10.
  • [4]
    Pour un bilan de ces marques épigraphiques métriques dans la poésie en vers saturniens, cf. B. Vine (1993), p. 352-353 et P. Kruschwitz (2002b), p. 28, en particulier n. 60.
  • [5]
    À ce sujet, cf. P. Kruschwitz (2002b), p. 34.
  • [6]
    Pour un bilan, cf. en dernier lieu P. Freeman (1998).
  • [7]
    Nous reprenons ici les principales conclusions de T. Cole (1969), suivi par P. Freeman (1998).
  • [8]
    Sur ce point, cf. G. Meiser (1998), p. 53.
  • [9]
    Notamment, dans diverses positions du segment, il est possible de remplacer une syllabe quelconque par deux syllabes brèves, d’où l’apparition d’un petit nombre de cola octosyllabiques qui comportent toujours une semblable substitution.
  • [10]
    Pour des photographies de la ciste et en particulier du champ épigraphique, nous renvoyons à B. Bordenache Battaglia et A. Emiliozzi (1990), tables CCXCVII à CCCXIV et L, et à M. G. Granino Cecere (2005), p. 579-581.
  • [11]
    Pour ces deux séries d’objets, cf. les remarques de R. Wachter (1987), p. 106-112. Pour la ciste Ficoroni elle-même, cf. les présentations par R. Wachter (1987), p. 123-127, et par P. Kruschwitz (2002b), p. 25-32, et l’étude archéologique par G. Bordenache Battaglia et A. Emiliozzi (1990), p. 211-226, tables CCXCVII à CCCXIV et L.
  • [12]
    A. Degrassi (1963), p. 341-342 indique à tort que la ligne 2 figure « ante figuras », et la ligne 1 « post figuras ».
  • [13]
    À ce sujet, cf. l’étude de G. Bordenache Battaglia et A. Emiliozzi (1990), p. 211-226.
    Pour les éléments onomastiques et les conclusions sociologiques qu’il est possible de tirer de ceux-ci, cf. R. Wachter (1987), p. 125-126 et P. Kruschwitz (2002b), p. 28-29 et 31. Dindia est le gentilice de la dame qui offre l’objet à sa fille ; Magulnia est le gentilice du mari de cette dame, père de la fille, porté en asyndète par la mère en même temps que le sien propre. Il s’agit de deux gentilices prénestins. Novius Plautius porte un prénom osque et non latin. À ce sujet, cf. aussi O. Salomies (1987), p. 80-81. Quelles que soient ses origines, il vit à Rome ou du moins entretient des relations avec Rome, mais il entretient aussi des relations avec les deux gentes prénestines des Dindii et des Magulnii.
    L’hypothèse relative à Novius Plautius que nous exposons et qui est celle de G. Bordenache Battaglia et A. Emiliozzi (1990), p. 211-226, présente une difficulté : Novius Plautius, si tel est bien le nom du ciseleur, appartient vraisemblablement aux couches serviles de la société latine, il doit s’agir d’un affranchi. Cet affranchi grave son nom dans une inscription qui commémore aussi un don luxueux effectué par une mère aristocratique à sa fille. Il ne nous paraît pas probable que cette mère ait souhaité voir le nom d’un affranchi honoré à l’égal du sien. Ainsi, selon nous, il est plus probable que Novius Plautius soit un ingénu, le commanditaire de l’inscription. Le verbe FECID a alors le sens factitif « a fait faire », attesté dans l’inscription CIL I2 398. Selon nous, Novius Plautios entretient des relations à la fois avec les élites prénestines et avec un artiste installé à Rome qui a conçu et effectué la décoration ciselée.
  • [14]
    Pour cette traduction, cf. R. Wachter (1987), p. 144.
  • [15]
    À ce sujet, cf. R. Wachter (1987), p. 175.
  • [16]
    À ce sujet, cf. R. Wachter (1987), p. 124 et P. Kruschwitz (2002b), p. 27-28.
  • [17]
    Cf. P. Kruschwitz (2002b), p. 28.
  • [18]
    Pour l’analyse colométrique que nous proposons, qui seule permet de démontrer si les uacat marquent des limites entre cola ou entre vers, cf. p. 292.
  • [19]
    Cf. P. Kruschwitz (2002b), p. 28.
  • [20]
    À ce sujet, cf. par exemple G. Meiser (1998), p. 91.
  • [21]
    À ce sujet, cf. R. Wachter (1987), p. 126.
  • [22]
    À ce sujet, nous suivons G. Meiser (1998), p. 130-132.
  • [23]
    Ici encore, nous suivons l’analyse de G. Meiser (1998), p. 73, 131 et 132, qui concorde avec celle de G. Klingeschmitt (1992), p. 91.
  • [24]
    Ce traitement est considéré comme probable par P. Schrijver (1991), p. 302-303, qui examine non pas la désinence de locatif singulier des thèmes en -? en général, mais la forme figée prae en particulier.
  • [25]
    À la date de l’inscription, la graphie FECEI est une graphie archaïsante, qui renvoie à une prononciation figure im17 révolue.
  • [26]
    Pour cette analyse, cf. A. Ernout et A. Meillet (19594), p. 756-757 et A. Sihler (1995), p. 399.
  • [27]
    Une explication alternative pour le traitement de la désinence de locatif singulier des thèmes en -?- consiste à supposer que celle-ci était bel et bien une diphtongue, mais que l’évolution phonétique a été empêchée en raison de la pression paradigmatique des autres formes où le timbre [a] était stable. Une telle explication nous paraît impossible : les cas datif et ablatif pluriel en -?s indiquent que la pression paradigmatique n’était pas suffisante pour empêcher l’évolution phonétique d’une dipthongue à premier élément de timbre [a].
  • [28]
    Sur la stabilité des voyelles brèves en hiatus en syllabe intérieure ouverte en latin aux Ve et IVe siècles avant notre ère, par opposition au traitement non conditionné en syllabe intérieure ouverte, cf. G. Meiser (1998), p. 69.
  • [29]
    Aux Ve et IVe siècles avant notre ère, la déclinaison en -?, au singulier, comportait donc les cas suivants :
    • le génitif était en /-?s/, sans doute déjà partiellement relayé par la forme refaite /-??/, donc un monosyllabe relayé par un dissyllabe. À ce sujet, nous suivons G. Meiser (1998), p. 130 et 131.
    • le datif était en figure im18, diphtongue à premier élément long, monosyllabe.
    • le locatif était en /ai/, dissyllabe.
    R. Wachter (1987), p. 259-260 cherche à expliquer pour quelle raison la désinence de datif figure im19 évolue en latin classique vers -ae, diphtongue à premier élément bref, alors que la désinence de datif singulier thématique figure im20 évolue en -?, voyelle longue. Il considère que ce traitement discordant doit s’expliquer par l’analogie du locatif : pour les thèmes en -?, les désinences de datif et de locatif singulier étaient très proches phonologiquement et s’influençaient l’une l’autre, alors que pour les thèmes thématiques, figure im21, désinence de datif, et figure im22, désinence de locatif, ne l’étaient pas et ne s’influençaient pas. Cette explication nous paraît tout à fait valable. Selon nous, la désinence dissyllabique de locatif singulier/-ai/ a pu d’une part jouer un rôle analogique dans l’apparition de la désinence dissyllabique de génitif singulier /-??/, et, d’autre part, entraîner analogiquement le maintien de la diphtongue pour la désinence de datif singulier, figure im23. Ces analogies n’existaient pas dans la flexion thématique.
  • [30]
    Sur le traitement des laryngales entre voyelles en latin, lorsque la première voyelle est la voyelle fermée /i/ ou /u/, cf. P. Schrijver (1991), p. 321-322 et G. Meiser (1998), p. 110 : la chute de la laryngale entraîne un hiatus avec apparition d’un son de transition qui en l’occurrence est noté. Ainsi, figure im24 donne-t-il iuuencus, « jeune taureau ». Un traitement voisin est possible dans le cas de la désinence de locatif singulier des thèmes en -?.
  • [31]
    À ce sujet, cf. R. von Planta (1892-1897) I, p. 141-143 et II, p. 88-95 et 187, C. D. Buck (19282), p. 42 et 113-114, et G. Meiser (1986), p. 122-123.
  • [32]
    Au sujet de ce décalage, cf. G. Meiser (1986), p. 42-43.
  • [33]
    Sur ce point, cf. J. Stuart-Smith (2004), p. 70-71, avec bibliographie antérieure.
  • [34]
    Pour l’ensemble de ces données sud-picéniennes et leur interprétation, cf. G. Klingenschmitt (1992), p. 91. M. Weiss (1998), p. 709 note 40 reprend l’analyse de G. Klingenschmitt et considère que toútaih est un locatif singulier dissyllabique, mais, selon lui, ce locatif issu figure im25 a été recaractérisé par une particule figure im26. M. Weiss n’indique pas d’où provient la désinence de locatif figure im27. Il suppose que la particule ait été ajoutée pour recaractériser le locatif par rapport au datif figure im28. Une telle analyse doit s’appliquer aussi à la désinence latine, qui est elle aussi dissyllabique initialement, quoique M. Weiss mentionne uniquement la désinence sud-picénienne. Toutefois, selon nous, rien ne prouve qu’en sud-picénien, non plus qu’en latin, l’opposition entre diphtongues à premier élément long et diphtongues à premier élément bref ait cessé d’être pertinente en position finale absolue à date historique ; si cette opposition persiste, alors les deux cas locatif et datif ne sont pas menacés de confusion. Il nous semble plus économique de supposer que l’ancienne désinence *-ai ait comporté un hiatus à la suite de la chute de la laryngale. D’autre part, l’analyse de M. Weiss n’explique pas la forme latine. En particulier, à partir d’une recaractérisation figure im29, en latin, il y aurait fermeture de la voyelle *-a- en syllabe intérieure ouverte aux Ve et IVe siècles avant notre ère, d’où une désinence de locatif singulier figure im30, et finalement contraction en [?]. Au sujet de l’évolution d’*-a- en syllabe intérieure ouverte en latin, cf. G. Meiser (1998), p. 67-70, et au sujet des contractions en latin, cf. G. Meiser (1998), p. 87-88.
  • [35]
    Pour ces régularités, cf. T. Cole (1969), p. 46 et passim.
  • [36]
    Cf. G. Tanner (1961), p. 238.
  • [37]
    Cf. R. Wachter (1987), p. 267. La conclusion est valable quelle que soit l’origine de la désinence. À ce sujet, cf. G. Meiser (1998), p. 217.
  • [38]
    Sur l’affaiblissement de l’occlusive dentale sonore en position finale en latin archaïque, cf. G. Meiser (1998), p. 100.
  • [39]
    À ce sujet, cf. P. Freeman (1998). Nous nous permettons de renvoyer aussi à E. Dupraz (2007), où nous développons particulièrement ce point, en analysant notamment une autre inscription latine, la fibule de Préneste, CIL I2 3.
  • [40]
    Datation d’après M. Cristofani (1990), p. 20 et M. Hartmann (2005), p. 426-434.
  • [41]
    Nous reprenons l’analyse linguistique établie par E. Tichy (2002). La colométrie que nous proposons est celle qui fait l’objet de notre étude dans E. Dupraz (2007).
  • [42]
    À propos de l’accent latin, nous suivons G. Meiser (1998), p. 53.

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