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Article de revue

Langage et mémoire : aux racines de la neuropsychologie

Pages 3 à 4

1Ce numéro de la Revue de neuropsychologie comprend les textes issus du 20e séminaire Jean-Louis Signoret qui avait pour thème « Langage et aphasie ». Comme un retour aux sources, ce sujet était celui qui avait été retenu pour le premier séminaire Jean-Louis Signoret qui s’était tenu à la Faculté de médecine de Caen en 1992, un an après la mort du professeur Jean-Louis Signoret (1933-1991). Ce premier séminaire avait été publié, comme de nombreux autres qui suivirent, aux éditions DeBoeck de Bruxelles [1], d’autres sont parus dans la Revue de neuropsychologie. Le présent séminaire donne une bonne idée, à partir des huit articles successifs, de l’évolution de l’aphasiologie depuis la fin du xix e siècle à nos jours.

2Plusieurs articles traitent spécifiquement de ces aspects historiques, toujours chers aux aphasiologues. L’ensemble du dossier souligne également l’élargissement de la thématique et des recherches sur le langage, notamment aux investigations portant sur les maladies neurodégénératives, et à l’utilisation de plus en plus prégnante et informative de l’imagerie cérébrale.

3Le présent numéro se termine par un article aux confins du langage et de la mémoire, autre grande thématique de la neuropsychologie qui s’est beaucoup développée ces vingt dernières années, en particulier du fait de la prévalence accrue des maladies neurodégénératives, et notamment de la maladie d’Alzheimer.

4La neuropsychologie clinique incluant l’évaluation et la prise en charge des patients a connu des progrès notables. Les recherches sur la mémoire donnent lieu également à de nombreux travaux expérimentaux avec des découvertes majeures. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs été primées à l’automne 2014 par le jury Nobel en physiologie médecine. Celui-ci récompense, d’une part, John O’Keefe pour ses travaux sur les cellules de « lieu », et d’autre part, May-Britt Moser et Edvard I. Moser pour leurs études sur les cellules de « grille ». Dans les deux cas, les travaux de ces chercheurs, qui ont collaboré de longue date, permettent de comprendre les mécanismes cérébraux qui sont à la base de notre mémoire spatiale et de la façon dont nous nous orientons dans l’espace, un peu comme si nous étions dotés d’un « GPS » interne.

5Le fait que le jury Nobel choisisse ces chercheurs de deux générations différentes – John O’Keefe, né en 1939 et May-Britt et Edvard Moser, nés respectivement en 1963 et 1962 – est un beau message pour toute une communauté de chercheurs qui œuvrent à la compréhension des mécanismes fondamentaux de la mémoire, avec des applications visibles pour les maladies qui l’affectent.

6Et comme si l’année 2014 devait être l’année de la mémoire, le jury suédois récompensait l’écrivain français Patrick Modiano en lui attribuant le prix Nobel de littérature. L’œuvre de Modiano est une suite de récits mêlant imaginaire et souvenir, à partir de traces plus ou moins tangibles rencontrées par l’auteur et témoins d’une époque et d’un lieu, l’après-guerre dans Paris et sa région : une nouvelle « Recherche » de la mémoire en quelque sorte !

7Son discours de réception du prix Nobel le 7 décembre 2014 à Stockholm est un hommage à la mémoire avec l’emphase portée sur ses modifications liées à son inscription dans une société : « Il me semble malheureusement que la recherche du temps perdu ne peut plus se faire avec la force et la franchise de Marcel Proust. La société qu’il décrivait était encore stable, une société du xix e  siècle. La mémoire de Proust fait ressurgir le passé dans ses moindres détails, comme un tableau vivant. J’ai l’impression qu’aujourd’hui la mémoire est beaucoup moins sûre d’elle-même et qu’elle doit lutter sans cesse contre l’amnésie et contre l’oubli. À cause de cette couche, de cette masse d’oubli qui recouvre tout, on ne parvient à capter que des fragments du passé, des traces interrompues, des destinées humaines fuyantes et presque insaisissables ».

8L’attribution de ces prix Nobel, en physiologie/médecine comme en littérature, souligne l’importance et l’omniprésence de la mémoire, sous ses multiples formes et avec une diversité d’approches, seule démarche vraiment pertinente pour en saisir toute la complexité.

Bibliographie

Références

  • 1. « Langage et Aphasie » Séminaire Jean-Louis Signoret. Bruxelles : Editions DeBoeck Université, 1993 .
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