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Article de revue

Paraphasies phonémiques et/ou phonétiques ? Des raisons et des difficultés de cette distinction

Pages 27 à 32

Notes

  • [1]
    Le terme d’apraxie de la parole (« apraxia of speech ») est utilisé couramment dans la littérature anglo-saxonne et est de plus en plus préféré également dans la littérature française, le terme d’anarthrie, longtemps préféré en France, prêtant à confusion car il est utilisé dans la littérature anglo-saxonne pour indiquer une forme sévère de dysarthrie. Pour une discussion de cette terminologie, voir [23-26].

Introduction

1Lors de la planification de l’énoncé à produire, le locuteur sélectionne les mots, les morphèmes et les structures syntaxiques appropriées pour exprimer son message et il planifie la combinaison de sons correspondant aux séquences de mots en vue de l’articulation. La plupart des modèles de production du langage [1, 2] postule deux processus distincts pour la planification et la programmation de la forme des énoncés : la planification de la forme abstraite (phonologique) de l’énoncé et la spécification des programmes moteurs articulatoires (ou plan phonétique). Dans la littérature neuropsychologique, deux types d’erreurs, les paraphasies phonémiques et les paraphasies phonétiques ont été attribués respectivement à un trouble au niveau des processus phonologiques et au niveau de la programmation motrice. Toutefois, la distinction entre trouble phonologique et trouble phonétique ne s’établit pas facilement et n’est pas admise par tous les auteurs. Dans cette revue de la littérature, nous revisiterons les arguments en faveur de la séparation phonologique-phonétique et essaierons d’en illustrer les limites ainsi que de comprendre les raisons sous-tendant les difficultés de différenciation des troubles phonologiques et phonétiques.

Planification phonologique et erreurs phonologiques

2Il est généralement admis que la planification de la forme phonologique des énoncés implique l’activation/sélection d’unités plus petites que le mot (unités infra-lexicales, des phonèmes ou des syllabes). L’argument principal en faveur d’un encodage phonologique basé sur des unités plus petites que le mot est issu de l’observation des erreurs. Tout locuteur produit en effet un certain nombre d’erreurs, souvent appelés des lapsus. La majorité de ces erreurs (environ 70 % de toutes les erreurs produites [3]) implique la transformation de la forme des mots (erreurs phonologiques, comme par exemple : « il faut calaniser » pour « il faut canaliser » ; « elle est nogée lourrie » pour « logée nourrie » [3]). On peut constater que dans ces erreurs, des phonèmes sont substitués ou déplacés (métathèses). Les modifications observées lors de la planification c’est-à-dire lorsqu’un phonème est sélectionné à la place d’un autre phonème ou que deux phonèmes échangent leur position dans le mot semblent donc indiquer que les représentations en mémoire des formes phonologiques des mots ne sont pas holistiques, mais qu’elles sont décomposées en phonèmes.

3Même si nous avons tous expérimenté la production d’erreurs phonologiques, leur fréquence est relativement rare chez le locuteur adulte tout venant (environ une erreur tous les 900 mots produits [3]). Ce type d’erreur peut par contre apparaitre à une fréquence bien plus élevée chez des locuteurs souffrant d’aphasie à la suite d’une lésion cérébrale. Dans certains cas d’aphasie – notamment dans les aphasies de conduction, de Wernicke et de Broca, mais également dans la forme logopénique d’aphasies progressives primaires [4, 5] –, les erreurs phonologiques (ou paraphasies phonologiques) peuvent contaminer la production de la majorité des énoncés produits par les patients.

Lapsus phonologiques et paraphasies phonologiques

4Nous avons vu ci-dessus que la fréquence des erreurs phonologiques dans les aphasies peut dépasser largement celle observée chez tous les locuteurs, mais la fréquence des erreurs n’est pas la seule différence entre les erreurs pathologiques et les erreurs courantes. Alors que dans les lapsus phonologiques une seule unité infra-lexicale est généralement transformée, dans les paraphasies phonologiques produites par des locuteurs aphasiques on peut observer aussi bien des transformations d’une seule unité infra-lexicale – souvent appelés « paraphasies phonémiques » –, que des erreurs portant sur plusieurs unités infra-lexicales à la fois, qui donnent comme résultat la production d’un mot inexistant et souvent non interprétable ou néologisme (exemple : /bakREt/ pour « bouteille »; /sãsod/ pour « pantalon »). Ces erreurs, dans lesquelles la cible est très transformée et difficilement identifiable, se distinguent clairement des erreurs phonologiques produites par les locuteurs tout venants. Finalement, une dernière différence entre les erreurs courantes et les paraphasies concerne l’origine contextuelle des erreurs. Alors qu’une origine contextuelle (syntagmatique) peut souvent être identifiée dans les lapsus (cf. l’échange entre /n/ et /l/ dans l’exemple « elle est nogée lourrie »), les erreurs des patients aphasiques n’ont que rarement une origine contextuelle [6], d’autant plus que des erreurs peuvent survenir même lors de la production de mots isolés. Pour résumer, alors que des similarités peuvent être identifiées entre les lapsus phonologiques produites par tous les locuteurs et les paraphasies phonologiques observées dans certains troubles acquis du langage, ces similarités se limitent à un sous-ensemble d’erreurs et les erreurs « pathologiques » se différentient des erreurs « normales » de par leur fréquence, leur sévérité et l’absence d’une origine contextuelle.

5La littérature sur les troubles phonologiques dans les aphasies s’est penchée en particulier sur la caractérisation de la sévérité en proposant une classification des erreurs en fonction de leur sévérité : les erreurs « proches » de la cible ou paraphasies phonémiques (qui ressemblent le plus aux erreurs courantes produites par tous les locuteurs) et les néologismes transformant la cible de manière plus radicale. Néanmoins, la classification des erreurs dans ces deux catégories (erreurs proches ou paraphasies phonémiques versus erreurs éloignées ou néologismes) varie selon les auteurs, le critère essentiel étant la proximité (le degré de recouvrement segmental) entre la cible et l’erreur [7-10]. La classification en fonction de la sévérité est donc forcément arbitraire. Par ailleurs, les tentatives de contraster les erreurs proches et éloignées sur des caractéristiques linguistiques et psycholinguistiques n’ont pas toujours abouti [9], raison pour laquelle certains auteurs proposent un continuum plutôt que deux catégories d’erreurs. Dans ce cadre les erreurs sont regroupées sous l’étiquette de paraphasies phonologiques ou de non-mots sans distinction de sévérité.

6Le débat sur la continuité ou séparation en deux catégories d’erreurs phonologiques est strictement lié au débat sur l’origine des erreurs et il se prolonge dans le débat sur la différentiation phonologique-phonétique. Certains auteurs différencient ainsi une origine lexico-phonologique des erreurs, générant surtout des erreurs éloignées de la cible, d’une origine post-lexicale, donnant lieu à des erreurs phonémiques. Par exemple, pour Kohn et Smith [8] (cf. aussi [11]) les néologismes seraient générés au niveau lexico-phonologique, c’est-à-dire durant l’activation/sélection des unités infra-lexicales associées aux mots sélectionnés, alors que les paraphasies phonémiques sont attribuées à un dysfonctionnement « post-lexical ». Dans une perspective similaire, Goldrick et Rapp [12] attribuent au niveau lexico-phonologique les erreurs phonologiques survenant uniquement (ou majoritairement) dans des tâches impliquant la sélection lexicale (dénomination, description, production spontanée) et au niveau d’encodage post-lexical les erreurs phonologiques observées dans toutes les modalités de production orale. Il faut clarifier ici qu’il n’y a pas un consensus dans la littérature quant à la spécification des processus et représentations lexico-phonologiques et post-lexicaux. De manière générale, le niveau lexico-phonologique implique la sélection/activation des unités infra-lexicales constituant la composition phonologique abstraite des mots. Les erreurs seraient ainsi dues à des difficultés d’activation des codes phonologiques et les informations manquantes seraient omises ou attribuées par défaut [8, 11], générant des néologismes. Au niveau post-lexical les erreurs émergeraient lors du maintien en mémoire (ou buffer phonologique dans les modèles neuropsychologiques) de la représentation phonologique abstraite correctement activée en vue de son assemblage et de l’encodage phonétique, donnant ainsi lieu à des paraphasies phonémiques. Dans cette perspective les néologismes et les paraphasies phonémiques ont donc des origines différentes, seules ces dernières étant générées par les mêmes mécanismes postulés également pour la génération des erreurs chez les locuteurs tout-venants (mais cf. [13] pour une démonstration basée sur l’origine contextuelle des erreurs que seul un sous-ensemble des paraphasies phonémiques, les métathèses, ont la même origine que les lapsus phonologiques). Les auteurs favorisant un continuum entre néologismes et paraphasies phonémiques sont liés principalement aux traditions connexionnistes et prônent une origine unique pour toutes les erreurs phonologiques [9, 14, 15]. Dans ces modèles la distance entre l’erreur et la cible est attribuée à la sévérité de l’atteinte plutôt qu’à des dysfonctionnements à des niveaux d’encodage différents pour les néologismes et les paraphasies phonémiques.

Paraphasies phonémiques et phonétiques

7Un autre point de débat concerne la différenciation entre erreurs phonologiques et erreurs phonétiques. Les modèles symboliques de production du langage proposent la distinction entre l’encodage de la forme abstraite de l’énoncé (forme phonologique) et celle des engrammes moteurs de la parole (encodage phonétique). Cette distinction est faite également en pathologie acquise entre troubles phonologiques, associés aux troubles du langage dans les aphasies fluentes, et troubles phonétiques, associés aux troubles de parole dans les apraxies de la parole (ou anarthrie [1]) et aux aphasies non fluentes [16-18]. Alors que les troubles phonologiques sont associés à des difficultés d’encodage des propriétés phonologiques abstraites des formes lexicales, les troubles phonétiques font référence aux difficultés dans la planification des propriétés articulatoires de la parole [19-22]. Néanmoins, la sémiologie classique des troubles phonologiques et phonétiques se caractérise par un certain nombre de manifestations communes et cela engendre des difficultés de distinction entre ces deux catégories diagnostiques que nous essaierons de développer ci-dessous.

Paraphasies phonémiques : phonologiques ou phonétiques ?

8Le notion de trouble phonétique fait référence à une atteinte de la programmation des gestes articulatoires [20, 21, 25], qui se manifestent essentiellement par des transformations de phonèmes sous forme de distorsions, appelées paraphasies phonétiques, accompagnées d’autres transformations telles que des allongements des syllabes, des pauses inter-syllabiques (donc un ralentissement du débit de parole), des insertions de schwa inter-consonantiques (par ex., /pƏrãdƏrƏ/ pour « prendre »), des approches et reprises multiples et une dysprosodie. Les patients présentant une apraxie de la parole produisent également des paraphasies phonémiques, c’est-à-dire des productions dans lesquelles un phonème est remplacé par un autre (ou est perçu comme tel, cf. infra), ou ajouté ou supprimé. Puisque ce type de transformation est observé également dans les troubles phonologiques, la présence de paraphasies phonémiques dans les divers troubles complique souvent l’établissement d’un diagnostic différentiel entre troubles phonologiques et phonétiques. Dans ce qui suit, nous ferons l’état des données et hypothèses disponibles à ce jour et de leur contradictions : en effet, alors que certains auteurs proposent que les erreurs phonémiques et phonétiques sont générées par deux mécanismes différents (phonologique versus phonétique), d’autres les considèrent comme la manifestation d’un unique processus (ou de son dysfonctionnement).

9 Premièrement, comme le souligne Ziegler [26], des distorsions phonétiques sont parfois perçues à l’oreille comme étant la production d’un autre phonème, tout en se situant entre deux phonèmes : par exemple, le mot « belle » prononcé avec un retard dans le voisement du /b/ est perçu comme « pelle ». D’autre part, une distorsion peut effectivement aboutir dans une autre catégorie phonémique : par exemple un /b/ produit avec un voisement suffisamment retardé pour correspondre à celui d’un /p/. Pour les deux exemples ci-dessus les transformations phonémiques (ou perçues comme telles) dans le cadre de troubles phonétiques sont dues à des distorsions articulatoires, leur origine est donc différente de celle des transformations phonémiques dans le cadre de troubles phonologiques, qui sont dues à la sélection/activation d’un segment erroné (/p/ sélectionné au lieu de /b/). Dans cette perspective, Buchwald et Miozzo [27] ont montré que seulement une analyse acoustique des erreurs permet une distinction entre une origine phonologique ou phonétique des erreurs phonémiques. Les auteurs ont analysé les erreurs produites par deux patients anglophones dans des situations de production de mots commençant par /s/ suivi d’une autre consonne (par ex., « sport », « spill »). Les deux patients produisaient des erreurs d’omission du phonème /s/ initial (ex. /pill/ au lieu de /spill/). Dans les analyses acoustiques des erreurs, ils ont tiré profit du fait qu’en anglais les consonnes sourdes plosives (comme /p/) sont aspirées en initiale de mot (/ph/ dans « pill »), mais ne le sont pas dans les autres positions dans le mot (/p/ dans « spill »). Ils ont ainsi fait l’hypothèse que l’omission du /s/ devrait résulter en une production de /p/ initial aspiré seulement s’il a été planifié comme phonème initial, c’est-à-dire en cas de transformation phonologique (car la forme phonologique planifiée serait /pill/ ou /port/, alors que /spill/ et /sport/ seraient planifiés en cas de trouble phonétique et transformés lors de la programmation du geste articulatoire). Les deux patients étudiés correspondent en effet à ces deux profils contrastés : chez un patient le phonème initial /p/ a les mêmes propriétés aspirées lors de la production /phill/ pour la cible « spill » que lors de la production du mot « pill », alors que chez l’autre patient le /p/ n’est pas aspiré lors de l’omission du /s/ initial pour la cible « spill » (il l’est seulement lors de la production de la cible « pill »). Ces résultats montrent ainsi que des erreurs perçues comme similaires à l’oreille peuvent avoir des propriétés acoustiques différentes auxquelles sont associées deux origines différentes, respectivement phonologique et phonétique.

10Cette hypothèse d’une origine différente des erreurs phonologiques et phonétiques se heurte néanmoins à une série d’observations et d’arguments en faveur d’une continuité ou d’une origine unique des erreurs phonémiques et phonétiques. D’une part plusieurs études utilisant des méthodologies différentes (analyses acoustiques des erreurs, analyses des propriétés psycholinguistiques des erreurs) n’ont pas réussi à mettre en évidence des différences claires entre les erreurs produites par des patients avec troubles phonologiques (essentiellement des aphasies de conduction et de Wernicke) et celles produites par des patients présentant des apraxies de la parole [28-31]. D’autre part, les analyses acoustiques des lapsus phonologiques produits par des locuteurs tout venants ont permis d’observer la cooccurrence d’erreurs phonémiques et phonétiques [32], alors que seules des erreurs phonémiques avaient été décrites dans les lapsus [3]. En effet Frish et Wright [32] ont mis en évidence dans la même étude et chez les mêmes locuteurs la cooccurrence d’erreurs clairement phonémiques, c’est-à-dire de phonèmes erronés produits avec les propriétés acoustiques d’un autre phonème de la langue (dans leur analyse /s/ versus /z/) ainsi qu’un continuum dans les transformations, c’est-à-dire des erreurs phonétiques (étant intermédiaires et ne correspondant ni à /z/ ni à /s/). L’observation d’un continuum dans la transformation des phonèmes représente un argument en faveur d’une interaction entre les processus phonologiques et phonétiques dans la planification des énoncés (cf. par exemple [33, 34]) et soulève le débat sur l’opportunité de distinguer deux entités cliniques distinctes. En effet, si on admet que les processus phonologiques et phonétiques interagissent, on doit pouvoir admettre la coexistence d’erreurs phonologiques et phonétiques aussi bien chez le locuteur tout venant que chez les patients aphasiques [35].

Le décours temporel des troubles phonologiques et phonétiques

11Alors que la question du degré d’interaction entre les divers niveaux de traitement reste clairement d’actualité comme nous l’avons esquissé ci-dessus, les modèles de production du langage admettent que tous les traitements ne peuvent pas se faire en parallèle et qu’il est nécessaire d’envisager que les processus d’encodage procèdent au moins partiellement de manière incrémentale/séquentielle. Il est en effet peu probable que la forme phonologique puisse être planifiée avant que le mot à produire n’ait été identifié dans le lexique. Par ailleurs, les dissociations décrites dans la pathologie acquise avec l’observation de patients produisant uniquement des erreurs lexicales (généralement sémantiques) sans atteinte de la forme du mot [36] et de patients produisant essentiellement des erreurs phonologiques [37] indiquent également que ces deux processus peuvent être séparés. On peut donc se demander si avec des techniques de neuro-imagerie à haute résolution temporelle telles que l’électroencephalographie (EEG) ou la magnétoencéphalographie (MEG) il est possible d’identifier le moment dans le processus de planification de l’énoncé durant lequel sont générés les divers types d’erreurs. La question du décours temporel des divers processus sous-tendant la planification des énoncés a été étudiée avec diverses approches dans la littérature psycholinguistique et des fenêtres temporelles d’encodage spécifiques et consécutives pour la sélection lexicale à partir du concept (processus lexico-sémantiques) et pour l’encodage de la forme des mots (processus lexico-phonologique, encodage de la forme phonologique abstraite) ont été proposées [38, 39].

12Ces modèles ont été particulièrement élaborés pour la production de mots isolés dans des tâches de dénomination d’images (figure 1 ). En ce qui concerne les erreurs phonologiques, elles sont vraisemblablement générées après que le mot à produire ait été indexé à partir du concept qu’on veut exprimer. On peut donc faire l’hypothèse que les erreurs phonologiques observées chez les patients aphasiques sont générées durant l’encodage phonologique, c’est-à-dire durant la fenêtre temporelle associée avec l’encodage phonologique, à savoir entre environ 270 et 400 ms après la présentation du stimulus imagé. En effet, lorsqu’on analyse les différences de potentiels évoqués (PE ou ERP en anglais) entre patients aphasiques et sujets contrôle durant une tâche de dénomination d’images, des divergences apparaissent uniquement après 270-300 ms chez des patients avec troubles phonologiques [40, 41], alors que des divergences plus précoces (entre 100 et 250 ms) sont observées chez des patients produisant des erreurs sémantiques et lexicales [41]. Avec la même approche on a également pu identifier une fenêtre temporelle plus tardive (à partir de 400 ms) de divergence entre les ERP des contrôles et des patients produisant des erreurs phonémiques et phonétiques [42]. Néanmoins, dans cette dernière étude il n’a pas été possible d’identifier des patterns spécifiques différenciant les patients avec des troubles à prédominance phonémique ou phonétique car les fenêtres temporelles des divergences ERP chez ces deux profils de patients se superposaient largement. Cette observation est ainsi à mettre en lien avec les études comportementales commentées dans la section précédente qui n’ont pas pu distinguer clairement troubles phonémiques et phonétiques et appuyant l’hypothèse d’une interaction ou continuité entre les niveaux d’encodage phonologique et phonétique.

Figure 1

figure im1

Figure 1

Illustration du décours temporel lors de la planification de la production d’un mot selon les estimations de Indefrey [38, 39].

Conclusion

13Nous avons essayé d’illustrer les raisons théoriques et pratiques sous-tendant les difficultés à distinguer les troubles phonologiques des troubles phonétiques et avons également souligné que cette distinction n’est pas admise par tous les auteurs. En effet, si les catégories diagnostiques en neuropsychologie du langage sont basées sur des modèles proposant la distinction entre l’encodage de la forme abstraite de l’énoncé (phonologique) et celle des engrammes moteurs de la parole (phonétique), le diagnostic différentiel phonologique-phonétique est compliqué d’une part par le fait que des erreurs perçues comme étant similaires à l’oreille peuvent avoir des propriétés acoustiques différentes et, d’autre part, par le débat théorique sur l’opposition phonologique-phonétique qui reste d’actualité.

Liens d’intérêts

14l’auteure déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

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Notes

  • [1]
    Le terme d’apraxie de la parole (« apraxia of speech ») est utilisé couramment dans la littérature anglo-saxonne et est de plus en plus préféré également dans la littérature française, le terme d’anarthrie, longtemps préféré en France, prêtant à confusion car il est utilisé dans la littérature anglo-saxonne pour indiquer une forme sévère de dysarthrie. Pour une discussion de cette terminologie, voir [23-26].
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