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Article de revue

Mécanismes neurophysiologiques impliqués dans l'empathie et la sympathie

Pages 133 à 144

1Notre capacité à partager et à comprendre les états émotionnels et affectifs des autres (empathie) et à ressentir une motivation orientée envers leur bien-être (sympathie) joue un rôle essentiel dans les interactions sociales [1]. L’empathie est considérée comme un composant nécessaire à une coexistence harmonieuse des individus en motivant par exemple de nombreux comportements prosociaux. La sympathie fournit une base affective nécessaire au développement moral chez l’enfant. Empathie et sympathie recouvrent donc des états affectifs et motivationnels distincts et mettent en jeu des circuits neuronaux en partie indépendants qui présentent, en outre, des trajectoires neuro-développementales spécifiques [2]. Les deux concepts paraissent similaires mais il est important de ne pas les confondre. En effet, on peut éprouver de la sympathie sans ressentir d’empathie. De même, l’empathie n’engendre pas systématiquement de sympathie, ni de comportements altruistes associés à la promotion du bien-être d’autrui [3].

2Si pendant longtemps, ces capacités socio-affectives ont attiré l’attention des philosophes, des économistes, des psychologues du développement et des psychologues sociaux, les neurosciences sociales explorent aujourd’hui les mécanismes neurobiologiques qui les sous-tendent [4]. Elles examinent aussi l’effet des facteurs individuels (liés à la personnalité) et situationnels (liés aux contextes sociaux) qui modulent l’expression de l’empathie en l’amplifiant ou en l’inhibant. Par ailleurs, de nombreuses psychopathologies sont marquées par des déficits d’empathie. Par exemple, une caractéristique essentielle, permettant de distinguer les psychopathes des autres criminels, s’exprime par un manque de préoccupation à l’égard de leurs victimes, ce qui correspond à une absence d’empathie, de culpabilité ou de remords [5]. De même, l’absence d’empathie est un aspect central des troubles des conduites chez l’enfant [6]. Autrement dit, une meilleure connaissance des circuits neurophysiologiques qui sous-tendent l’empathie peut contribuer non seulement à une meilleure compréhension de notre sensibilité interpersonnelle, mais également éclairer nos connaissances sur les mécanismes neuronaux et cognitifs impliqués dans le traitement des informations émotionnelles, la relation entre cognition et motivation, ainsi que l’impact des différences individuelles et des traits de personnalité dans le domaine de la santé mentale.

3Le but de cet article est d’examiner de manière critique notre connaissance actuelle des bases neurophysiologiques de l’empathie et de la sympathie chez les humains. J’examinerai, dans un premier temps, les origines évolutives de l’empathie en me concentrant sur la biologie des fonctions des processus autonomes, endocrines et homéostatiques du système nerveux autonome qui se sont développées pour supporter les besoins de communication et de sociabilité sélective des mammifères. Ensuite, j’entreprendrai une revue critique des données empiriques qui étayent la notion de circuits neuronaux partagés entre la génération du comportement, y compris les émotions vécues par le sujet lui-même, et la perception de celles des autres. Je mettrai l’accent sur des études récentes de neuro-imagerie fonctionnelle relatives à l’empathie vis-à-vis de la douleur qui montrent, d’une part, un recouvrement partiel au niveau des circuits neuronaux impliqués dans la nociception et dans l’observation de la douleur chez les autres et, d’autre part, la façon dont certaines variables interpersonnelles modulent la résonance affective et la compréhension empathique. Les études lésionnelles chez les patients neurologiques sont essentielles en vue de compléter notre connaissance sur les fonctions mises en œuvre par les régions impliquées dans l’empathie. Elles seront donc brièvement examinées. Enfin, je conclurai en soulignant que les recherches futures ne pourront pas faire l’économie d’une analyse conceptuelle plus sophistiquée de l’empathie afin de bénéficier pleinement d’une approche multidisciplinaire.

Origines évolutives de l’empathie

4Les êtres humains sont intrinsèquement sociaux. Leur survie dépend de façon cruciale de la qualité des interactions sociales engagées, de la formation d’alliances et de l’exactitude des jugements sociaux. Il est par conséquent logique que des mécanismes neurobiologiques spécialisés aient évolué pour percevoir, comprendre, prédire et répondre aux états internes (subjectifs par nature) d’autres individus. Cependant, l’homme n’est pas le seul animal à ressentir et communiquer des émotions, et à répondre à celles des autres. Darwin avait noté une continuité dans l’expression des émotions et l’apparition de l’empathie (qu’il appelait sympathie comme les philosophes écossais avant lui) entre les animaux et l’homme. Les états émotionnels de base sont partagés par tous les mammifères, en particulier par les espèces sociales. Pour MacLean (1985), l’empathie aurait émergé en rapport avec l’évolution des mammifères, il y a 180 millions d’années. Dans la transition évolutive des reptiles aux mammifères, trois développements clés sont apparus :

  • l’allaitement, conjointement avec le soin maternel ;
  • la communication audio-vocale pour maintenir le contact entre la mère et sa progéniture ;
  • le jeu [7].
Il se peut que le développement de cette triade comportementale ait dépendu de l’évolution de la division thalamo-cingulaire du système limbique chez les premiers mammifères. Cette division (qui n’a aucun équivalent dans le cerveau reptilien) est, à son tour, liée au néocortex préfrontal qui, chez les êtres humains, pourrait jouer un rôle clé dans l’acculturation familiale. Le développement du comportement parental des mammifères a préparé le terrain pour une exposition et une réactivité accrues aux signaux émotionnels des autres, en particulier les signaux de douleur, de séparation, et de détresse. Le soin parental indispensable à la survie des descendants, à leur reproduction et à la transmission de leurs gènes est associé aux réponses sociales contingentes aux signaux de faim, de peur et de douleur. Les hominiens africains, dont les chimpanzés, les gorilles et les humains, partagent un certain nombre de mécanismes parentaux avec d’autres mammifères placentaires, notamment la gestation interne, la lactation, et les mécanismes d’attachement impliquant les neuropeptides tels que l’ocytocine et la vasopressine [8].

5Selon Porges (2001), l’approche ou le retrait social repose sur une estimation implicite et rapide des sensations de sécurité, d’inconfort ou de danger potentiel. L’origine phylogénique des comportements associés à l’engagement social est intimement liée à l’évolution du système nerveux autonome (le système sympathique et le parasympathique), à la façon dont il est associé au traitement des émotions et aux réponses comportementales ou tendances à l’action qui favorisent la réaction adaptative de l’organisme à son environnement [9]. À ce niveau primitif, les réponses comportementales d’appétence et d’aversion sont modulées par des circuits neuronaux spécifiques communs à tous les mammifères. Ces systèmes physiologiques sont génétiquement câblés pour permettre aux animaux de répondre inconditionnellement aux stimuli de menace, ou d’appétence, en utilisant des modèles spécifiques de réponse qui sont les plus adaptifs aux espèces et aux conditions environnementales particulières. Le système limbique, qui comprend l’hypothalamus, le cortex parahippocampal, l’amygdale et plusieurs régions étroitement reliées (le septum, les ganglions de la base, le noyau accumbens, l’insula, le cortex rétro-splénial cingulaire, et le cortex préfrontal) sont principalement responsables du traitement des émotions [10]. Ces régions sont unies par les rôles qu’elles jouent dans la motivation et l’émotion, supportées par des connexions avec le système nerveux autonome. Le système limbique est caractérisé par de riches connexions réciproques avec les cortex cingulaire et orbito-frontal, impliqués dans l’évaluation et la régulation de des émotions.

6La plupart des processus de traitement de l’information liés à la communication émotionnelle sont non conscients et largement automatiques [11]. Dans ce cadre évolutif, il est important de noter que chez les animaux comme chez l’homme, les facteurs sociaux (relations intergroupes, alliances, hiérarchie sociale) ont une grande influence sur les interactions sociales et un impact sur le degré d’empathie ainsi que ses expressions motivationnelles et comportementales [12]. En général, ce point de vue évolutionniste est compatible avec l’hypothèse selon laquelle des niveaux avancés de cognition sociale seraient advenus comme propriétés émergentes d’un fonctionnement exécutif puissant, aidé chez l’homme par les propriétés représentatives du langage et de la métacognition [13]. Ces niveaux plus élevés fonctionnent sur des niveaux antérieurs d’organisation et ne doivent pas être considérés comme indépendants, ou incompatibles les uns avec les autres. L’évolution a construit des couches de complexité croissante, allant de mécanismes non représentatifs (par exemple, la contagion de l’émotion) aux mécanismes représentatifs et méta-représentatifs, qui doivent être prises en compte pour une compréhension intégrale de l’empathie humaine [14].

L’empathie chez l’homme

7Les aspects émotionnels et sociaux associés à l’empathie et à la sympathie chez les humains reposent donc sur des systèmes neurobiologiques relativement anciens qui sont partagés avec d’autres primates [7, 8]. Cependant, des capacités computationnelles de niveaux plus élevés (c’est-à-dire plus récentes sur le plan évolutif), impliquées dans la compréhension des états mentaux (aussi appelée théorie de l’esprit), se sont superposées à ces systèmes anciens. Ainsi le langage, les fonctions exécutives et plus généralement la métacognition ont élargi la gamme des comportements qui peuvent être engendrés par l’empathie. En effet, le langage a découplé les avantages adaptatifs que procure l’empathie, permettant par exemple de décrire nos états émotionnels, de comprendre plus précisément l’état affectif d’autrui, de s’identifier aux autres, de créer un sens de la communauté au sein d’un groupe et de transmettre des émotions par des récits. Nous savons aussi combien les mots peuvent soigner ou au contraire blesser autrui. Le langage nous permet de partager nos émotions avec les autres d’une manière particulièrement efficace car il agit à distance et véhicule les émotions par son contenu sémantique ainsi que par sa prosodie. Il est aussi un moyen puissant de régulation de nos propres émotions et de celles des autres. Les psychiatres et les psychothérapeutes apprennent à utiliser le langage pour induire des états affectifs chez leurs patients tout en se protégeant des effets négatifs que ceux-ci peuvent produire en retour sur eux [15]. Par exemple, de nombreux travaux en psychologie sociale ont démontré que lorsque l’on demande à un sujet de prendre la perspective subjective d’une autre personne, des modifications relativement subtiles dans le choix des mots utilisés peuvent modifier les émotions ressenties, en affectant le mélange entre sentiments de détresse personnelle et sympathie [16]. Cela est important car la détresse et l’anxiété n‘engendrent pas nécessairement le ressenti de ce qu’éprouve l’autre et conduisent parfois à des ressentis d’aversion associés à des motivations égoïstes (éviter la source de cette détresse). À l’inverse, la sympathie est associée avec une motivation centrée vers autrui qui peut déclencher des comportements altruistes. Chez l’adulte comme chez l’enfant, la détresse personnelle et la sympathie présentent des patterns distincts du système nerveux autonome, en particulier une accélération du rythme cardiaque. Une augmentation de la réponse électrodermale corrèle avec la détresse personnelle et un ralentissement du rythme cardiaque est généralement associé à la sympathie [17]. Une étude utilisant l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) a montré que des modifications subtiles dans les instructions verbales données aux participants, lorsqu’ils sont confrontés à des vidéos montrant des personnes exposées à une souffrance physique, ont un impact déterminant sur les circuits neurophysiologiques impliqués dans les réactions émotionnelles [18]. Ces instructions verbales demandaient aux sujets soit d’imaginer l’intensité de la douleur que le patient ressentait (imagine the other’s perspective) ou ce qu’eux même ressentiraient s’ils étaient à la place du patient (imagine self perspective). Imaginer autrui en première personne induit une forte augmentation de l’activité hémodynamique au sein de l’amygdale (structure qui joue un rôle pivot dans l’analyse et évaluation des stimuli selon leur signification affective) et de la substance grise péri-aqueducale (PAG) qui joue un rôle dans la modulation de la douleur et la sélection de comportements de défense de fuite ou de repos. Ces deux structures sont richement interconnectées et permettent le contrôle et la modification des fonctions viscérales. Cette perspective subjective aussi est associée avec une élévation des évaluations subjectives d’anxiété et de détresse. À l’inverse, imaginer ce que ressent autrui se traduit par une baisse de l’activité hémodynamique au sein de l’amygdale, activité corrélée à une augmentation de l’activité des cortex préfrontal dorso-latéral et médian impliqués dans la régulation émotionnelle (figure 1). Ces instructions verbales permettent ainsi d’accroître ou de réduire la distance entre soi et l’autre, un aspect essentiel dans l’intersubjectivité.

Figure 1
Figure 1
 Modification de l’activité hémodymanique au sein de l’amygdale selon la perspective subjective adoptée par les participants lorsqu’ils sont exposés à des vidéos montrant des patients exprimer une douleur subie par un traitement sonore. Lorsque les sujets s’imaginent être dans la situation douloureuse que subit le patient (imagine soi), une augmentation de l’activité est détectée dans l’amygdale droite (D) et gauche (G), ainsi qu’un accroissement des sentiments de détresse personnelle. Lorsque les sujets adoptent la perspective de l’autre (imagine autrui), une réduction significative de l’activité dans cette région est mesurée ainsi qu’une diminution des sentiments de détresse couplés à des sentiments de sympathie envers autrui [18].

Dans quelle mesure partageons-nous les émotions des autres ?

8Dans le contexte du traitement de l’émotion, il a été proposé que la perception d’une émotion chez un autre individu active chez l’observateur les mécanismes neuronaux qui sont responsables de l’expérience d’une émotion similaire [19]. Cette idée repose sur la découverte des « neurones miroirs » (c’est-à-dire les neurones sensorimoteurs) chez le singe, situés dans les cortex prémoteur ventral, moteur primaire et pariétal postérieur [20]. Ces neurones ont suscité beaucoup d’enthousiasme tout en apportant une vision un peu simpliste et naïve selon laquelle ils seraient la base neurobiologique de la cognition sociale en général et de l’empathie en particulier (pour une analyse critique, voir [21-24]). Ces neurones ont une fonction cruciale dans le codage des actions dirigées vers un but (c’est dans ce cadre qu’ils ont été découverts) et dans ce contexte ils contribuent à la perception et la compréhension du comportement des autres. En revanche, même s’il semble logique qu’ils soient impliqués dans le phénomène de résonance motrice, leur rôle dans la perception et l’expression des émotions est loin d’être évident [24].

9Les études qui rapportent l’implication des neurones miroirs dans la perception des émotions chez l’homme sont souvent basées sur le simple fait qu’une activation a été détectée dans le gyrus frontal inférieur (région homologue du cortex prémoteur ventral chez le singe dans laquelle ces neurones ont été découverts). Ces études interprètent leurs résultats de façon circulaire, s’appuyant sur un raisonnement logique fallacieux : puisque cette région est activée dans la condition expérimentale et que des neurones miroirs ont été localisés dans cette même région (dans d’autres études), alors le système des neurones miroirs est impliqué dans cette tâche. Ce raisonnement ignore deux faits : seulement 17 % des neurones enregistrés dans le cortex prémoteur ventral chez le singe ont des propriétés « miroir » ; et chez l’homme, cette région est aussi associée à des processus computationnels divers qui n’ont rien à voir avec des propriétés sensorimotrices, comme le contrôle cognitif, l’attention sélective, la sélection de réponses et l’inhibition sélective [24]. Il n’est donc pas du tout assuré que l’activation du gyrus frontal inférieur reflète systématiquement l’implication de neurones miroirs. En outre, les méta-analyses conduites sur les études de neuro-imagerie fonctionnelle dans le domaine de la reconnaissance et de l’expression des émotions n’indiquent pas de rôle particulier des régions du système des neurones miroirs [25, 26]. Or ces études sont réellement importantes puisqu’elles s’affranchissent des idiosyncrasies inhérentes aux expériences individuelles.

10Malgré ces réserves, une étude utilisant un paradigme dans lequel les sujets devaient observer et imiter des actions de la main et du visage (condition de sourire et de froncement des sourcils) a trouvé une activation du cortex prémoteur ventral droit durant l’observation et l’imitation des expressions faciales [27]. Une étude plus récente a démontré que même une observation passive des expressions faciales active un vaste réseau de régions cérébrales, lui aussi impliqué dans l’exécution d’expressions similaires, y compris le gyrus frontal inférieur et le cortex pariétal postérieur [28]. Toutefois, la majorité des études de neuro-imagerie fonctionnelle ne signale pas d’activation du gyrus frontal inférieur ou d’autres régions abritant des neurones miroirs durant la perception d’expressions faciales de l’émotion. Par exemple, Chakrabarti, Bullmore et Baron-Cohen ont montré aux participants des vidéoclips représentant des expressions faciales de joie, de tristesse, de colère et de dégoût [29]. Seule la perception de l’expression de joie était associée à une activation de la pars opercularis dans l’hémisphère gauche.

11Une référence plus indirecte à la contribution des neurones miroirs dans l’empathie, devenue populaire au cours des cinq dernières années, s’appuie sur l’interprétation d’une activation commune – au sein d’une même région cérébrale – à l’expérience d’un état émotionnel et à son observation chez autrui. Par exemple, éprouver du dégoût pour un aliment et percevoir autrui exprimer du dégoût pour ce même aliment sont associés dans les deux cas à une augmentation d’activité dans l’insula antérieure [30]. Cela semble étayer l’idée de représentations neurales partagées entre autrui et soi, et plus généralement la théorie de la simulation qui propose que la perception d’une émotion chez une autre personne active chez l’observateur les mécanismes neuronaux qui sont responsables de la génération d’une émotion similaire [28]. Il est hors de la portée de cet article d’évaluer la validité de l’hypothèse selon laquelle il existerait des catégories distinctes d’émotions soutenues par des circuits neuronaux spécifiques (ce qui est loin d’être accepté [31]), ou d’évaluer si, à titre d’exemple, il serait réellement adapté de simuler des mouvements menaçants en réponse à la perception d’une personne en colère plutôt que de fuir au plus vite [22]. Nous verrons par la suite comment ce raisonnement s’applique à la perception de la douleur d’autrui.

12En accord avec le couplage perception-action, un certain nombre d’études électromygraphiques (EMG) ont démontré que l’observation d’expressions faciales déclenche des expressions similaires sur le visage de l’observateur, même en l’absence d’une reconnaissance consciente de ce stimulus [32]. En regardant quelqu’un sourire, l’observateur active, à un niveau infraliminaire, les (mêmes) muscles faciaux qui interviennent dans la production d’un sourire. Cela créerait le sentiment correspondant de bonheur chez l’observateur. Une étude a examiné la relation entre les mimiques faciales de colère et de joie (mesurées par EMG) et l’humeur auto-rapportée chez des participants qui étaient considérés comme étant des personnes ayant peu ou beaucoup de disposition empathique. Les participants ayant beaucoup d’empathie produisaient une mimique faciale plus importante que les participants ayant peu d’empathie [33]. Cependant, une autre étude n’a trouvé aucune relation entre la reconnaissance des émotions et la tendance des participants à imiter les manifestations dynamiques de ces émotions [34]. Une réponse sélective de l’EMG facial a bien été détectée chez les participants auxquels étaient présentés des vidéoclips d’expressions faciales de joie et de colère mais aucune corrélation entre l’intensité de la mimique faciale et le niveau d’empathie dispositionnelle n’a été trouvé. Il faut noter que la validité des questionnaires d’empathie (ce qu’ils mesurent et leur pouvoir prédictif) est discutable et aucune relation fiable (reproductible et consistante) n’a été démontrée avec des mesures par neuro-imagerie fonctionnelle [3].

13Une étude réalisée par le groupe de Ekman est souvent citée pour soutenir l’hypothèse que la production d’une expression faciale génère des changements spécifiques du système nerveux autonome [35]. Dans une série d’expériences, les participants devaient produire sur commande des configurations faciales pour imiter la colère, le dégoût, la peur, le bonheur, la tristesse et la surprise pendant que la fréquence cardiaque, la résistance électrodermale, la température cutanée et l’activité somatique étaient enregistrées. Les résultats ont montré qu’une telle activité faciale volontaire produisait des niveaux significatifs d’expérience subjective des émotions associées, ainsi que des modifications spécifiques et fiables du système nerveux autonome. Cependant, ces résultats n’ont jamais pu être reproduits malgré de nombreuses tentatives. Une série de méta-analyses conduites par Cacioppo et ses collaborateurs (2000) ont depuis clairement démontré que l’activité du système nerveux autonome et la réactivité viscérale ne permettent pas de distinguer les émotions primaires entre elles. Le seul résultat stable et consistent indique que les émotions négatives sont associées à des réponses plus intenses [36].

14Un certain nombre d’études en neuro-imagerie ont démontré qu’imaginer des expériences émotionnelles selon sa propre perspective ou selon la perspective de quelqu’un d’autre produit des patterns similaires d’activation cérébrale (et d’autres réponses distinctes). Par exemple, Ruby et Decety (2004) ont présenté à des participants des phrases qui décrivaient des situations de la vie réelle qui provoquent des émotions sociales (par exemple la honte, la culpabilité, la fierté) ainsi que des situations neutres sur le plan émotionnel. Il était demandé aux participants d’imaginer ce qu’ils ressentiraient s’ils se trouvaient dans ces situations ou d’imaginer ce que leur mère ressentirait dans ces situations [37]. Les régions corticales qui sont impliquées dans le traitement émotionnel, s’activent d’une façon similaire dans les conditions qui intégraient des situations chargées d’émotions pour les perspectives de soi et de l’autre, y compris l’amygdale et les pôles temporaux. En outre, l’interaction entre le contenu émotionnel des situations à imaginer et le contexte subjectif de prise de perspective conduit à une augmentation de l’activité neuro-hémodynamique dans le cortex somatosensoriel droit, laquelle est significativement plus élevée pour la perspective en première personne. Une autre étude a conjugué des mesures psychophysiologiques (fréquence cardiaque et réponse électrodermale) et l’IRM fonctionnelle chez des participants auxquels il a été demandé d’imaginer :

  • une expérience personnelle de peur ou de colère de leur propre passé ;
  • une expérience équivalente provenant d’une autre personne « comme si ça leur arrivait » ;
  • une expérience non émotionnelle de leur propre passé [38]. Lorsque les participants pouvaient comprendre le scénario de l’autre, ils produisaient des patterns d’activation psychophysiologiques (par exemple résistance cutanée) et de neuro-imagerie équivalents à ceux d’une imagerie émotionnelle personnelle. Le cortex somatosensoriel était particulièrement impliqué dans l’imagerie à la première personne.
La stimulation magnétique transcranienne (TMS) en « simple pulse » appliquée au niveau du cortex somatosensoriel droit durant des tâches de jugement émotionnel perturbe de manière sélective la reconnaissance de l’expression faciale de la peur, mais pas l’expression de bonheur [39]. L’implication du cortex somatosensoriel dans la reconnaissance des émotions est supportée par une étude conçue pour tester si la reconnaissance d’expressions faciales nécessite un traitement visuel suivi d’une simulation des réponses somatoviscérales associées à l’expression perçue. D’autres auteurs ont ciblé l’aire occipitale des visages dans l’hémisphère droit et la région du visage au sein du cortex somatosensoriel droit avec la TMS répétitive pendant que les participants devaient distinguer des expressions faciales [40]. Les résultats ont démontré que la stimulation réduisait sélectivement la distinction des expressions faciales aux deux endroits mais n’avait aucun effet sur le test d’identité faciale appariée.

15En résumé, la référence aux neurones miroirs dans l’empathie, devenue populaire durant les dernières années, repose le plus souvent sur l’interprétation de toute activation commune entre l’expérience d’un état émotionnel et l’observation du même état chez un autre individu comme activité miroir, ou circuits neuronaux partagés. Pour que cet argument tienne, les voxels activés n’ont pas même besoin de se trouver dans les régions supposées contenir des neurones miroirs. De plus, les tâches utilisées confondent l’imitation volontaire d’une expression émotionnelle avec l’expérience subjective de cette émotion. Cela a entraîné une confusion regrettable entre neurones miroirs et substrats neuronaux partagés. Il semble cependant que le cortex somatosensoriel droit joue un rôle dans l’expérience et la reconnaissance de certaines émotions. Toutefois, la notion de circuits neuronaux partagés n’est pas forcément synonyme de neurones miroirs, ni une preuve que les régions communément impliquées implémentent des fonctions similaires. Après tout, les fonctions d’une aire corticale sont déterminées à la fois par ses connexions extrinsèques et ses propriétés intrinsèques (organisation laminaire, type de cellules et de récepteurs) [41]. Enfin, la question de savoir si des émotions spécifiques sont traitées par des mécanismes neuronaux distincts est posée. Cette question, encore sans réponse, est importante pour la validité du modèle de la simulation de la reconnaissance des émotions. Par exemple que l’insula soit impliquée dans le dégoût n’est pas une manifestation de sa spécificité pour cet état émotionnel : elle est aussi impliquée dans le plaisir comme dans la douleur, et son rôle est probablement lié à la sensation subjective d’états corporels viscéraux intenses [42].

Percevoir la détresse d’autrui

16La douleur sert de fonction protectrice non seulement en avertissant la personne d’un danger réel ou potentiel pour son intégrité physique. Par son expression publique, elle peut aussi attirer l’attention des autres et inciter des comportements d’aide et de réconfort [43]. Il s’agit par conséquent d’un paradigme écologiquement valide pour examiner les mécanismes neurophysiologiques qui sous-tendent l’empathie et la sympathie.

17De nombreuses études indiquent que lorsque nous percevons ou imaginons autrui dans des situations douloureuses, les régions impliquées dans la douleur physique sont actives chez l’observateur. Ce circuit inclut le cortex somatosensoriel secondaire (mais pas systématiquement), l’insula antérieure, le cortex cingulaire antérieur (dans sa partie ventrale et parfois dorsale), l’aire motrice supplémentaire et la PAG [44]. Ce mécanisme relativement primitif sur les plans évolutif et ontogénétique (il est en place dès la naissance) semble jouer un rôle crucial dans le développement de l’empathie et du raisonnement moral car il nous permet de détecter la détresse des autres et, par la socialisation, de déclencher une inhibition des comportements agressifs [2, 45]. Dans le cas de la douleur, il semblerait que nous soyons prédisposés à ressentir la détresse des autres comme un stimulus aversif et que nous apprenions à éviter les actions associées à cette détresse. Ceci est le cas pour de nombreuses espèces de mammifères, incluant les rongeurs. Par exemple, un rat qui a appris à appuyer sur un levier pour obtenir de la nourriture arrêtera de s’alimenter s’il perçoit que son action (appuyer sur le levier) est associée à la délivrance d’un choc électrique sur un autre rat [46]. Chez l’homme, ce mécanisme de détection de la détresse de l’autre est modulé de façon non consciente (il peut être inhibé ou amplifié) par divers facteurs sociaux tels que les relations interpersonnelles ou l’appartenance à un groupe (ethnique, politique, religieux). Il ne serait en effet pas adaptatif d’éprouver de la même façon la détresse d’un ennemi et la détresse d’un individu du même groupe. Une étude IRMf récente a présenté des vidéos de personnes exprimant la douleur sur leur visage, conséquence d’un traitement médical. Il était indiqué aux sujets que toutes ces personnes étaient porteuses du virus HIV mais pour différentes raisons : pour certaines, le virus avait été transmis par la prise de drogues illicites (partage de seringues) ; d’autres personnes avaient été contaminées au cours d’une transfusion sanguine [47]. En réalité ces vidéos étaient objectivement non différenciables car les visages de ces patients exprimaient une intensité de douleur comparable. Les résultats montrent que les sujets étaient beaucoup plus sensibles à la douleur des victimes de transfusion qu’à celle des consommateurs de drogues. En témoignent l’évaluation de l’intensité de la douleur et l’augmentation significative de la réponse hémodynamique dans les régions associées au traitement des informations nociceptives, en particulier le cortex cingulaire antérieur, l’insula et la PAG. Ces différences de réactions hémodynamique et comportementale sont en outre atténuées par les mesures comportementales implicites dans lesquelles les participants blâment les comportements de toxicomanie. Dans une autre étude, les sujets étaient exposés dans un premier temps par la méthode de priming soit à une photo d’eux-mêmes, d’une personne qu’ils aiment ou d’un étranger. Après l’exposition à l’une de ces trois amorces, une série de stimuli représentant des mains et des pieds dans des situations douloureuses était présentée pendant une seconde et les sujets imaginaient l’intensité de la douleur pour chaque situation [48]. Les résultats montrent une diminution graduelle de la réponse hémodynamique dans le cortex cingulaire antérieur et l’insula entre soi > personne aimée > étranger.

18Le contexte social dans lequel surviennent les situations douloureuses a un impact sur le traitement de l’information au sein du circuit de la nociception. Si les situations douloureuses sont intentionnellement causées par une tierce personne (un enfant frappant un autre), en plus du circuit impliqué dans le traitement de la douleur, les régions du cortex préfrontal qui sous-tendent le raisonnement social et moral (cortex orbito-frontal et médian, et amygdale s’activent fortement et accroissent leur connectivité fonctionnelle avec le réseau fronto-pariétal attentionnel [49] (figure 2). Il existe d’autres exemples de modulation. Les médecins ne réagissent heureusement pas de la même manière que des sujets contrôles lorsque l’on leur montre des vidéos de partie du corps (visage, mains et pieds) piquées avec une aiguille. Dans leur cas, aucune activation de l’insula, du cortex cingulaire antérieur et de la PAG n’est détectée. En revanche, les régions du cortex préfrontal impliquées dans la régulation des émotions (partie dorso-latérale et médiane) sont sélectivement recrutées et sont inversement corrélées avec l’activité dans l’insula et l’amygdale [50]. Cette régulation affective est très précoce (110 ms après présentation des stimuli) comme vient de le montrer une étude en potentiels évoqués qui suit la même logique que l’étude précédente [51].

Figure 2
Figure 2
 Lorsque l’on présente à des enfants (âgés de 7 à 11 ans) des vidéos de 2,2 s qui montrent des situations douloureuses accidentelles (A), les régions impliquées dans le traitement nociceptif-insula, cortex somatosensoriel, thalamus, cortex cingulaire antérieur dans sa partie antérieure ventrale (aMCC), aire motrice supplémentaire (SMA) et la substance grise périaqueducale (PAG), s’activent (B). Si les stimuli impliquent une interaction dans laquelle une autre personne inflige intentionnellement une action douloureuse (C), en plus du réseau de la nociception, une augmentation du signal est détectée dans le cortex préfrontal médian et dans le cortex orbitofrontal (D). En plus, ces deux dernières régions accroissent leur connectivité effective avec le réseau fronto-pariétal supramodal (E) qui inclut la jonction temporopariétale (TPJ), le sillon intrapariétal supérieur (IPS) et la partie supérieure du sulcus précentral (PrC). Ce réseau joue un rôle critique dans l’orientation de l’attention vers les stimuli saillants [49].

19Pour résumer, percevoir ou imaginer un autre individu souffrir ou en détresse est associé à des réponses hémodynamiques dans le réseau neuronal traitant les aspects affectifs et sensoriels de la douleur. Ces réponses sont modulées par le contexte social, et par nos attitudes conscientes et non conscientes envers les autres. Il est important de noter que ce réseau (cortex cingulaire antérieur, insula, PAG and amygdale) n’est pas spécifique à l’expérience émotionnelle de la douleur. Il est aussi impliqué dans des processus plus généraux tels que l’attention, l’évaluation des stimuli négatifs et la sélection de mouvements défensifs squeletto-musculaires associés à des mécanismes de survie tels que l’aversion et le retrait lorsqu’un organisme est face à un danger ou à une menace [52].

Impact des lésions cérébrales sur l’empathie et la sympathie

20Puisque les données issues des expériences utilisant les techniques de neuro-imagerie fonctionnelle sont simplement corrélationnelles, les études entreprises avec des patients neurologiques sont cruciales afin d’inférer le rôle causal d’une région donnée, et d’évaluer le poids fonctionnel de celle-ci dans le processus cognitif étudié. Étant donné la nature complexe de la notion d’empathie – qui comporte des composants affectifs, cognitifs et motivationnels, on s’attend à ce qu’il y ait des déficits hétérogènes liés à l’empathie plutôt qu’une altération unique.

21L’implication du cortex somatosensoriel dans le traitement des émotions est étayée par une étude lésionnelle qui a rapporté que des lésions du cortex somatosensoriel dans l’hémisphère droit, comprenant l’insula et le gyrus supra-marginal antérieur, sont associées à une difficulté dans la reconnaissance des expressions faciales, surtout si elles sont ambiguës [53]. Ce résultat est compatible avec l’idée selon laquelle la reconnaissance des émotions est sous-tendue par des circuits neuronaux partagés (c’est-à-dire, nous reconnaissons les expressions émotionnelles des autres en réactivant nos propres représentations somatosensorielles). La question de savoir si ce mécanisme est nécessaire reste toutefois discutable. En effet, plusieurs observations neuropsychologiques s’opposent au modèle de circuits partagés entre l’expérience de l’émotion et sa reconnaissance chez autrui. Par exemple, Keillor et collègues ont signalé le cas d’une patiente souffrant d’une paralysie faciale bilatérale qui était incapable d’exprimer ses émotions au moyen d’expressions faciales [54]. Malgré sa paralysie faciale totale, cette personne ne montrait aucun déficit au niveau de l’expérience émotionnelle, de la reconnaissance ou de l’imagerie mentale des expressions faciales. Pareillement, des patients atteints du syndrome de Moebius, qui souffrent de paralysie faciale bilatérale et généralement de paralysie complète dues au sous-développement des 6e et 7e nerfs crâniens, ont des difficultés à communiquer au moyen d’expressions faciales, mais n’ont pas de problèmes particuliers dans la reconnaissance des expressions faciales émotionnelles des autres [55].

22Dans la même veine, une étude entreprise sur des patients souffrant d’une insensibilité congénitale à la douleur a trouvé des résultats qui vont à l’encontre du modèle simulationniste de la reconnaissance des émotions. Malgré le fait que ces patients n’ont jamais eu l’expérience personnelle de la douleur, ils ont montré des réponses hémodynamiques similaires à celles de sujets contrôles, face à la douleur observée, dans le cortex cingulaire moyen antérieur et l’insula antérieure, deux régions clés des circuits partagés pour la douleur de soi et de l’autre [56].

23Les démences fronto-temporales (DFT) constituent un groupe de maladies neuro-dégénératives caractérisées par des troubles du comportement, du langage, et une détérioration intellectuelle. Elles sont dues à une altération progressive de certaines régions frontales et temporales, associée à une dégradation sévère de la cognition sociale et constituent une source importante de connaissance dans la relation entre empathie et cognition. Dans une étude, il a été demandé à des parents au premier degré d’utiliser l’index de réactivité interpersonnelle (IRI) afin de classer 18 patients atteints de DFT, 19 patients atteints de démence sémantique (DS), 16 patients atteints de la maladie d’Alzheimer et 10 sujets contrôles sains appariés suivant l’âge [57]. Les groupes atteints de DFT et de démence sémantique ont montré des niveaux d’empathie considérablement plus faibles que ceux atteints de la maladie d’Alzheimer ou les sujets contrôles. Les patients atteints de DS ont montré une perturbation de l’empathie émotionnelle et cognitive, tandis que les patients atteints de DFT ont montré seulement une perturbation de l’empathie cognitive. Dans une deuxième étude menée par le même groupe, les bases neuro-anatomiques de l’empathie ont été examinées chez 123 patients atteints de DFT, de maladie d’Alzheimer, de dégénérescence cortico-basale et de paralysie supranucléaire progressive en utilisant également l’IRI [58]. Une étude des corrélations a été conduite entre une sous-échelle de compréhension empathique et de mise en contexte et le volume du cerveau en IRM structurelle, par la méthode de morphométrie voxel-à-voxel (VBM). Les voxels dans le pôle temporal droit, le gyrus fusiforme droit, le noyau caudé droit et le gyrus sous-callosal droit corrélaient de manière significative avec le score total d’empathie. Le score d’empathie corrélait de manière positive avec le volume des structures temporales droites dans la démence sémantique, et avec le volume du gyrus sous-callosal dans la démence fronto-temporale. Ces résultats suggèrent que les régions frontales médiane et temporale antérieure de l’hémisphère droit sont essentielles à une expérience empathique. Les études menées sur les maladies neurologiques dégénératives ont également fourni des preuves montrant que des mécanismes neurologiques relativement distincts sont à l’origine des déficits de cognition sociale et d’empathie. Par exemple, il a été montré que les patients atteints de DFT ainsi que les patients atteints de la maladie d’Huntington (MH), pathologie principalement sous-corticale caractérisée par des mouvements involontaires, présentent des difficultés dans les tâches de cognition sociale [59]. Cependant, les deux groupes de patients montrent des déficits qualitativement différents : les déficits des patients atteints d’une DFT peuvent être attribués à une détérioration de la théorie de l’esprit (compréhensions des états mentaux de soi et d’autrui), tandis que ceux des patients atteints de la MH semblent être associés à des inférences erronées tirées des situations sociales. Il est donc intéressant de noter que les patients atteints de la MH et de la DFT manquent d’empathie et de sympathie, mais pour des raisons différentes. Dans le premier groupe, la perte d’empathie survient davantage à un niveau affectif et émotionnel qu’à un niveau cognitif, tandis que les patients atteints de DFT vivent dans un mode égocentrique dans lequel ils ont des difficultés à attribuer, aux autres, des états mentaux indépendants. Ces résultats sont compatibles avec l’idée de circuits neuronaux distincts impliqués dans les aspects cognitifs et affectifs de l’empathie [2, 3].

24De manière générale, de nombreuses observations cliniques ont régulièrement indiqué que les lésions du cortex préfrontal peuvent causer une détérioration sévère du comportement interpersonnel, y compris pour l’empathie et la sympathie. Par exemple, une série d’études utilisant l’IRI comme mesure des capacités empathiques chez des patients atteints de lésions cérébrales ont montré une empathie réduite à la suite de dommages de l’hémisphère droit avec une sévérité des troubles lorsque les lésions touchent les régions ventro-médianes et orbitaires [60]. Une autre étude menée par le même groupe a récemment découvert une double dissociation comportementale et anatomique entre les déficits au niveau de l’empathie cognitive (associés aux lésions ventro-médiales) et de l’empathie émotionnelle (associés à une lésion du gyrus frontal inférieur gauche/insula) [61].

25Une détérioration du cortex préfrontal médian/cingulaire est généralement associée à des déficits au niveau de l’interaction sociale et des émotions liées à la conscience de soi. De tels patients peuvent devenir apathiques, indifférents à l’environnement et incapables de concentrer leur attention sur des tâches comportementales et cognitives. Il a aussi été suggéré que les dommages frontaux entravent la capacité de mise en contexte, un élément crucial de la compréhension empathique [62].

26En somme, les études neuropsychologiques mettent en lumière le rôle critique joué par le cortex médian et orbito-frontal dans les émotions sociales, y compris l’empathie et la sympathie. Ces études indiquent l’existence de dissociations entre la capacité à ressentir les émotions d’autrui (lésions sous-corticales et temporales) et la capacité à les comprendre (lésions préfrontales) et enfin à y répondre de manière appropriée (lésions frontales orbitaires et cingulaires) [63].

27Par ailleurs, il existe de nombreux troubles en psychiatrie qui sont associés avec des déficits d’empathie et de sympathie. La psychopathie en est un exemple paradigmatique : les psychopathes sont décrits comme affectivement insensibles, superficiels, avec un manque d’égard impitoyable pour les autres et une absence marquée d’empathie et de sympathie. Ils ont des difficultés dans le traitement de certaines émotions exprimées sur le visage, en particulier la détresse [64]. Ils sont aussi peu sensibles au conditionnement de la peur, mesuré par le réflexe de sursaut [65]. Un dysfonctionnement de l’amygdale et de sa connectivité fonctionnelle avec le cortex orbito-frontal et une hyperactivité du système dopaminergique de récompense apparaît central dans ce désordre de personnalité. Un tel trouble perturbe la capacité de former des associations entre stimulus et renforcement négatif, ce qui empêche les patients d’apprendre à associer leurs actions néfastes à la douleur et à la détresse d’autrui [66].

28Des dysfonctionnements comportementaux similaires semblent présents chez les enfants et les adolescents agressifs et antisociaux, souffrant de troubles des conduites, et montrant des tendances psychopathiques. Une étude en IRM fonctionnelle a récemment démontré que ces jeunes, face à la douleur d’autrui, activent le même réseau cérébral que les adolescents contrôles soit l’insula, le cortex somatosensoriel, le cortex cingulaire antérieur et la PAG. En revanche, cette perception de la douleur ne semble pas provoquer une réaction aversive comme c’est habituellement le cas chez les enfants et les adolescents, mais semble être une source de plaisir. Elle est en effet associée chez eux à une connectivité fonctionnelle différente de celle des adolescents contrôles chez lesquels l’activité du cortex préfrontal dorso-latéral et cingulaire antérieur covarie négativement avec l’activité dans l’amygdale [67]. Les adolescents souffrant de désordres des conduites présentent une forte réponse dans l’amygdale et le striatum ventral, régions impliquées dans le plaisir et la récompense, dont l’activité, en outre, est positivement corrélée avec leurs scores de comportements sadiques. Il n’y a par contre aucune modulation en provenance du cortex préfrontal.

Relations entre empathie et altruisme

29La biologie de l’évolution nous enseigne que les comportements altruistes sont apparus avant la capacité d’exprimer des émotions et de ressentir de l’empathie envers autrui. L’attaque des abeilles qui se sacrifient pour protéger l’essaim et les signaux d’alarme chez les oiseaux pour alerter d’un danger constituent deux exemples de comportements altruistes qui ne reposent pas sur l’empathie. Sauf à écarter les insectes sociaux, on ne peut donc pas dire que l’empathie a favorisé l’apparition des comportements sociaux [68]. En revanche, la capacité à ressentir l’état émotionnel de congénères et d’y répondre de manière appropriée a apporté, chez les mammifères, un avantage adaptatif évident pour la survie de l’individu et du groupe social dans lequel il vit. Chez l’homme, de nombreuses études en psychologie sociale et développementale indiquent que l’empathie est un facteur favorisant les comportements prosociaux [69].

30Au cours de l’évolution des mammifères, le cerveau des femelles est devenu sensible aux signaux de souffrance de leur progéniture. Cette sensibilité s’est étendue au-delà de la relation mère-enfant, afin que tous les individus normalement développés soient dérangés par la souffrance des autres [70]. Cette détresse empathique (sentiment d’aversion) joue un puissant rôle motivationnel pour déclencher des comportements prosociaux et interviendrait dans le développement des bases de la moralité chez l’enfant [71] Des modifications liées à l’âge (entre 7 à 40 ans) ont été démontrées dans le réseau qui réagit à la douleur des autres. Plus les sujets sont jeunes et plus la réponse de l’amygdale, de l’insula postérieure et du cortex orbito-frontal médian est importante [2]. En revanche, une corrélation positive entre l’âge et l’activité hémodynamique est détectée au niveau du cortex dorso-latéral et orbito-frontal latéral. Ce pattern reflète un changement entre une réponse émotionnelle viscérale essentielle pour l’analyse de la signification affective des stimuli chez les enfants et une fonction plus évaluative chez les adultes.

31Plusieurs études en IRMf ont montré que le circuit mésolimbique de renforcement du plaisir s’active de la même manière lorsque des sujets obtiennent des récompenses monétaires et lorsqu’ils décident librement de donner de l’argent à des fondations caritatives [72]. En outre, les donations sont plus élevées lorsque les participants sont en présence d’autres personnes : l’activation du striatum ventral avant la prise de décision (donner ou non) est significativement modulée par la présence des autres [73]. Ceci n’est guère surprenant car, pour l’animal social, être observé par les autres est une situation naturelle, et le traitement des récompenses sociales (effet appelé « prestige ») est un aspect critique de motivation des comportements prosociaux.

32Ainsi, les conduites altruistes et prosociales procèdent d’une pluralité de motivations. Selon des interactions complexes avec des facteurs situationnels, motivationnels, de personnalité, et sociaux (relations intergroupes), l’empathie peut entraîner de la sympathie envers autrui, une détresse personnelle, de l’indifférence ou même le plaisir de voir son ennemi souffrir. Mais par défaut, le spectacle de la souffrance d’autrui déclenche, chez les individus normaux (hors contexte de compétition), l’activation d’un réseau neural impliqué dans le traitement des informations aversives. Cela peut inciter à des conduites d’aide ou de réconfort qui peuvent être motivées par le seul désir égoïste de supprimer la gêne que la vue de la souffrance suscite. Ces conduites peuvent également être motivées, et renforcées, par l’effet positif de l’approbation sociale, physiologiquement gratifiante. On peut aussi aider autrui sans en attendre aucun bénéfice individuel. Autrement dit, l’évolution a fait de nous des pluralistes motivationnels et non simplement des égoïstes ou des hédonistes.

Conclusion

33Il ne fait aucun doute que les notions d’empathie et de sympathie sont utiles au niveau phénoménologique : nous avons besoin de mots pour naviguer dans le monde social. Toutefois, ces concepts sont relativement complexes et riches sur le plan sémantique. Ils doivent nécessairement être déconstruits si l’on souhaite caractériser leur implémentation neurophysiologique, leur développement chez l’enfant et leur modulation par des facteurs sociaux [2, 3]. Assurément, les comportements associés à ou déclenchés par ce que les psychologues et biologistes appellent « empathie » et « sympathie » sont hétérogènes à l’extrême, allant du mimétisme à l’altruisme, en passant par la contagion émotionnelle, la compréhension des sentiments et des émotions des autres, la compassion, la cruauté, etc. Cette réserve souligne la nécessité d’une conceptualisation plus fine de l’empathie. Notre compréhension future des mécanismes biologiques et psychologiques de l’empathie, qu’elle provienne des sciences sociales, des sciences biologiques et médicales, ou de l’économie, bénéficiera d’une meilleure analyse conceptuelle et pas seulement de nouvelles techniques de mesure du fonctionnement cérébral.

34Déconstruire l’empathie et les phénomènes associés (comme la sympathie) en des processus et représentations constituants sera aussi profitable à l’exploration des troubles psychiatriques associés à des déficits de l’empathie tels que la psychopathie, le trouble de la personnalité narcissique, ou les troubles des conduites chez les enfants. Essayer de comprendre les perturbations de l’empathie nécessite un examen du développement neuropsychologique de l’enfant, incluant les aspects endocriniens et hormonaux, la physiologie du système nerveux autonome, les facteurs génétiques et leurs interactions avec le contexte psychologique et social. Il est par exemple reconnu que des conditions d’attachement harmonieux ont un effet sur la capacité de réguler les émotions négatives et de ressentir de la sympathie envers les autres. À l’inverse, le système HPA n’étant pas mature à la naissance, les mauvais traitements ont des effets délétères à long terme sur la réactivité des hormones qui régulent le stress et une influence sur les comportements sociaux [74]. En se concentrant sur les mécanismes fondamentaux du cerveau et du comportement, plutôt que sur des troubles psychiatriques bien singuliers, nous pourrons améliorer ou même créer des interventions thérapeutiques nouvelles (comportementales et pharmacologiques) qui pourront être utilisées dans une grande variété de troubles.

35Conflit d’intérêts : Aucun.

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Mots-clés éditeurs : théorie de l'esprit, neurosciences affectives, sympathie, circuits neuronaux partagés, amygdale, cortex orbito-frontal, empathie

Mise en ligne 15/11/2012

https://doi.org/10.1684/nrp.2010.0079

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