Notes
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[1]
Cet article est la version remaniée d’une communication présentée lors du colloque « Un nouveau Canguilhem » organisé par J.-F. Braunstein à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne en décembre 2011. L’auteur tient à remercier chaleureusement J.-F. Braunstein et C. Limoges pour leurs remarques et commentaires sur une version préliminaire de ce travail.
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[2]
Voir notamment Georges Canguilhem, philosophe, historien des sciences, Paris, Albin Michel, 1993 ; G. Renard, L’Épistémologie chez Georges Canguilhem, préface de A. Fagot-Largeault, Paris, Nathan, 1996 ; F. Dagognet, Georges Canguilhem, philosophe de la vie, Le Plessis-Robinson, Institut Synthélabo pour le progrès de la connaissance, 1997 ; F. Bing, J.-F. Braunstein et É. Roudinesco (éd.), Actualité de Georges Canguilhem. Le normal et le pathologique, Le Plessis-Robinson, Institut Synthélabo pour le progrès de la connaissance, 1998 ; J.-F. Braunstein (coord.), Canguilhem. Histoire des sciences et politique du vivant, Paris, Puf, 2007 ; G. Le Blanc, Canguilhem et les normes, 2e éd., Paris, Puf, 2007 ; A. Fagot-Largeault, C. Debru et M. Morange, Philosophie et médecine : en hommage à Georges Canguilhem, Paris, Vrin, 2008 ; D. Lecourt, Georges Canguilhem, Paris, Puf, 2008 ; G. Le Blanc, Canguilhem et la vie humaine, Paris, Puf, 2010 ; L. Ferté, A. Jacquard et P. Vermeren (dir.), La Formation de Georges Canguilhem. Un entre-deux-guerres philosophique, Paris, Hermann, 2013 ; ainsi que les numéros thématiques sur Canguilhem de la Revue de métaphysique et de morale (1985, 90/1), des Cahiers philosophiques (1996, 69) et de Dialogue (2013, 52/4).
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[3]
G. Canguilhem, Œuvres complètes, t. I : Écrits philosophiques et politiques (1926-1939), textes présentés et annotés par J.-F. Braunstein, M. Cammelli et X. Roth, sous la direction de J.-F. Braunstein et Y. Schwartz, avec une préface de J. Bouveresse, Paris, Vrin, 2011 (dorénavant : Œuvres, I).
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[4]
Ibid., p. 152.
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[5]
Hésiode, Les Œuvres et les Jours, traduction nouvelle par J. Chenu, Paris, Imp. de Panckoucke, 1844.
-
[6]
Cité dans Michel Deguy, « Allocution de clôture », in Georges Canguilhem, philosophe, historien des sciences, op. cit., p. 324.
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[7]
Y. Schwartz, « Présentation : Jeunesse d’un philosophe », in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 91.
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[8]
V. Guillin, « Les études cartésiennes de Georges Canguilhem », Les Cahiers philosophiques, 2008, 114, pp. 65-84.
-
[9]
Originellement paru dans les actes du Congrès Descartes de 1937 (R. Bayer [éd.] Travaux du IXe Congrès international de philosophie. Congrès Descartes, t. II, Études cartésiennes, IIe partie, Paris, Hermann, 1937, pp. 77-85), cet article sur « Descartes et la technique » est bien sûr repris dans G. Canguilhem, Œuvres, I, pp. 490-498.
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[10]
Avec « Aspects du vitalisme » et « Le vivant et son milieu », « Machine et organisme » fait partie d’une série de conférences données en 1946-1947 au Collège philosophique sur l’invitation de Jean Wahl, et qui sera publié pour la première fois dans G. Canguilhem, La Connaissance de la vie, Paris, Hachette, 1952.
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[11]
G. Canguilhem, « Organismes et modèles mécaniques. Réflexions sur la biologie cartésienne », Revue philosophique, 1955, 145, pp. 281-299.
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[12]
G. Canguilhem, La Formation du concept de réflexe aux xviie et xviiie siècles, Paris, Puf, 1955.
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[13]
Prononcée sur l’invitation de la Société de philosophie de Dijon, et à l’occasion de l’inauguration de l’amphithéâtre Gaston-Bachelard à la nouvelle Faculté des lettres et sciences humaines, le 24 janvier 1966, cette conférence sera reprise avec le même titre sous forme d’article in G. Canguilhem, Études d’histoire et de philosophie des sciences, Paris, Vrin, 1968, pp. 163-171.
-
[14]
G. Canguilhem, « Mort de l’homme ou épuisement du Cogito ? », Critique, 1967, 242, pp. 599-618.
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[15]
X. Roth, « Traité de logique et de morale : Présentation », in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 614.
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[16]
Pour une présentation du fonds Canguilhem au CAPHES, voir http://cirphles.ens.fr/caphes/centre-documentaire/fonds-collectes/fonds-personnels/article/georges-canguilhem (site consulté le 16 juin 2014) ; le dossier en question se trouve dans le carton 28 du fonds, sous la cote CG.28.1.
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[17]
Inventoriés dans le dossier « Cours d’Alain. 1920-1929 » du carton 3, « Études », sous la cote CG.3.3.
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[18]
Voir Alain, Idées. Introduction à la philosophie. Platon, Descartes. Hegel, Comte, rééd. augmentée, Paris, Hartmann, 1939 ; nous citerons à partir de l’édition la plus récente de cet ouvrage, à savoir Paris, Flammarion, 1983, pp. 92 et 95.
-
[19]
Voir supra n. 9.
-
[20]
Sur le rôle joué par l’interprétation de la « VIe Méditation » par Guéroult dans « Organismes et modèles mécaniques. Réflexions sur la biologie cartésienne », voir V. Guillin, « Les études cartésiennes de Georges Canguilhem », art. cit., pp. 70-73.
-
[21]
Une analyse historiographique de ce document est en préparation.
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[22]
Ce dernier cours, jusque-là conservé par François Delaporte, a été récemment déposé par Camille Limoges au CAPHES.
-
[23]
G. Canguilhem, « Philosophie d’une éviction : l’objet contre la chose », Revue de métaphysique et de morale, 1990, 95/1, pp. 125-129.
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[24]
F. Dagognet, L’Éloge de l’objet, Paris, Vrin, 1989.
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[25]
G. Canguilhem, « Philosophie d’une éviction : l’objet contre la chose », art. cit., p. 125.
-
[26]
Idem.
-
[27]
J.-F. Braunstein, « Introduction : À la découverte d’un “Canguilhem perdu” », in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 104 ; sur ces différents aspects de l’influence d’Alain sur Canguilhem et sa génération, outre l’Introduction de J.-F. Braunstein à ce volume, voir J.-F. Sirinelli, Génération intellectuelle : khâgneux et normaliens dans l’entre-deux-guerres, Paris, Fayard, 1988, et T. Leterre, Alain, le premier intellectuel, Paris, Stock, 2006 ; sur les Libres Propos, voir J. Michel-Alexandre, « Esquisse d’une histoire des Libres Propos (Journal d’Alain) », Bulletin de l’Association des Amis d’Alain, 1967, 25, pp. 1-143.
-
[28]
J. Bouveresse, « Préface aux Œuvres complètes de Georges Canguilhem », in G. Canguilhem, Œuvres, I, pp. 30-37.
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[29]
Les traces de ces engagements abondent dans la partie « Articles, discours et conférences (1926-1938) » qui ouvrent le premier volume des Œuvres ; pour le fameux épisode de la Préparation militaire supérieure (PMS), voir J.-F. Sirinelli, op. cit., chap. xiv.
-
[30]
Voir X. Roth, art. cit., p. 600-601 et 605-608 ; et surtout X. Roth, Georges Canguilhem et l’unité de l’expérience : juger et agir (1926-1939), Paris, Vrin, 2013.
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[31]
Pour une analyse de l’interprétation alinienne de Descartes, voir O. Reboul, « Alain lecteur de Descartes », in R. Bourgne (éd.), Alain lecteur des philosophes, de Platon à Marx, Paris, Bordas, 1987, pp. 69-81.
-
[32]
Comme le dit lapidairement Pascal Engel dans une recension d’ouvrage récente, « Cela fait penser à Alain : style faussement clair, dogmatique, pontifiant » (Pascal Engel, recension de Jacques Schlanger, Savoir être et autres savoirs, Revue philosophique, 2012, 4, p. 610).
-
[33]
G. Canguilhem, « La fin d’une parade philosophique : le bergsonisme » (20 avril 1929 ; Libres Propos), in G. Canguilhem, Œuvres, I, pp. 223-224 ; c’est donc aussi chez Alain qu’il faut certainement chercher une des sources de l’antipsychologisme canguilhemien : on se reporta utilement à cet égard au choix de propos opéré par G. Pascal dans « Alain, les psychologues, la psychologie », Bulletin de l’Association des amis d’Alain, 1997, 84, pp. 9-54.
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[34]
G. Canguilhem, « Qu’est-ce que la psychologie ? », in G. Canguilhem, Études d’histoire et de philosophie des sciences, Paris, Vrin, 1968, p. 381.
-
[35]
G. C., « 31 mars – Naissance de Descartes (1596) » (20 mars 1927 ; Libres Propos), in G. Canguilhem, Œuvres, I, pp. 154-155.
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[36]
Idem.
-
[37]
G. Canguilhem, « Quatrième lettre à Jean-Richard Bloch » (8 janvier 1928), in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 190.
-
[38]
Alain, Souvenirs sans égards, suivi de Traité des outils et Dix Leçons d’astronomie, préface de E. Blondel, Paris, Aubier, 2010, p. 51.
-
[39]
Alain, Idées, op. cit., p. 94.
-
[40]
Voir l’épisode tel que narré dans A. Baillet, La Vie de Monsieur Descartes, Paris, chez Daniel Hortemels, 1691, vol. I, pp. 122-123 ; comme le rappelle aussi Gabrielle Ferrières, c’est aussi par l’évocation de cet épisode que Jean Cavaillès, interne au camp de Saint-Paul-d’Eyjeaux, avait conclu une conférence sur « Descartes et sa méthode », rappelant qu’il « faut toujours savoir tirer l’épée » (G. Ferrières, Jean Cavaillès. Un philosophe dans la guerre, 1903-1944, avec une étude de son œuvre par G. Bachelard, Paris, Seuil, 1982, p. 166).
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[41]
G. C., « 1er juillet – Naissance de Leibniz (1646) » (20 juillet 1927 ; Libres Propos), in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 172 ; le même épisode est rappelé par Canguilhem dans sa recension de « Maxime Leroy, Descartes, Le Philosophe au masque » (15 septembre 1929 ; Europe), in Œuvres, I, p. 253 ; voir infra, p. 12-13.
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[42]
G. Canguilhem, « La Fin de l’Éternel, par Julien Benda » (20 janvier 1930 ; Libres Propos), in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 273.
-
[43]
Alain, Idées, op. cit., p. 94.
-
[44]
« [La] philosophie classique, […] c’est la philosophie à l’usage des classes » (H. Taine, Les Philosophes classiques du xixe siècle en France, 3e éd. revue et corrigée, Paris, Hachette, 1868, p. iv).
-
[45]
G. Canguilhem, « L’agrégation de philosophie » (mai 1932 ; Méthode), in G. Canguilhem, Œuvres, I, pp. 427-431) ; « Commentaires sur un article d’André Joussain, “L’enseignement de la sociologie” » (janvier 1933 ; Méthode), in Œuvres, I, pp. 437-439 ; et « R. Le Senne – Le Devoir » (février 1933 ; Méthode), in Œuvres, I, pp. 441-444.
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[46]
Peut-être conviendrait-il de nuancer une telle affirmation si on se rapporte aux pratiques philosophiques concrètes de Canguilhem en classe : voir J. Picquemal, « G. Canguilhem, professeur de Terminale (1937-8) : un essai de témoignage », Revue de métaphysique et de morale, 1985, 90/1, pp. 63-83.
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[47]
G. Canguilhem, « L’agrégation de philosophie », art. cit., p. 427.
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[48]
G. Canguilhem, « Examen des examens – Le Baccalauréat » (20 février 1930 ; Libres Propos), in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 275.
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[49]
Idem.
-
[50]
Ibid., p. 276 ; sur le rapport de Canguilhem aux manuels, voir X. Roth, « Traité de logique et de morale : Présentation », art. cit., pp. 605-612.
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[51]
G. Canguilhem, « Ce que pense la jeunesse universitaire française » (décembre 1926 ; Revue de Genève), in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 151.
-
[52]
Ibid., p. 149.
-
[53]
G. Canguilhem, « Réflexions sur la création artistique chez Alain », Revue de métaphysique et de morale, 1952, 57/2, p. 181.
-
[54]
G. Canguilhem, « Le sourire de Platon » (15 mai 1929 ; Europe), in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 233.
-
[55]
G. Canguilhem, Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique (1943), repris dans G. Canguilhem, Le Normal et le Pathologique, 5e éd., Paris, Puf, 1994, p. 7.
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[56]
Descartes, Discours de la méthode (1637), in Descartes, Œuvres philosophiques, textes établis, présentés et annotés par F. Alquié, Paris, Garnier, 1997, vol. I, p. 567.
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[57]
À ce sujet, voir O. Reboul, L’Homme et ses passions d’après Alain, Paris, Puf, 1968 ; et G. Bianco, « Pacifisme et théorie des passions : Alain et Canguilhem », in M. Murat et F. Worms (dir.), Alain, littérature et philosophie mêlées, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 2012, pp. 135-136.
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[58]
Voir supra n. 18 ; une première édition de cet ouvrage avait été publiée en 1932 (toujours chez Hartmann), mais sans les chapitres sur Comte.
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[59]
Alain, Étude sur Descartes, Paris, Hartmann, 1928 ; dans l’édition de 1932 d’Idées, Alain avait ajouté des chapitres sur le Traité des Passions, l’homme-machine, les passions de l’âme, la générosité et les remèdes aux passions.
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[60]
Alain, Idées, op. cit., p. 96.
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[61]
Ibid., p. 121.
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[62]
Ibid., pp. 122-123.
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[63]
Ibid., pp. 108.
-
[64]
G. Canguilhem, « Le sourire de Platon », art. cit., p. 233.
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[65]
G. Canguilhem, « Prolétariat, marxisme et culture » (décembre 1930 ; Libres Propos), in G. Canguilhem, Œuvres, I, pp. 329-330 ; on retrouve cette insistance sur le « matérialisme » comme méthode dans la brochure de 1935 sur Le Fascisme et les paysans (ibid., I, pp. 535-593) et les deux chroniques données aux Feuilles libres de la Quinzaine de la même année (« Chronique marxiste. – Actualité du marxisme », ibid., pp. 480-482 ; « La philosophie marxiste et l’enseignement officiel, par René Maublanc », ibid., pp. 482-484).
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[66]
G. Canguilhem, « De la vulgarisation philosophique – Une édition du Discours de la méthode » (20 juillet 1927 ; Libres Propos), in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 174.
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[67]
G. Canguilhem, « Maxime Leroy, Descartes, Le Philosophe au masque », art. cit., p. 257.
-
[68]
Ibid., p. 255.
-
[69]
Ibid., p. 253.
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[70]
Ibid., pp. 256-257.
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[71]
Alain évoque cette formule stendhalienne dans Idées : « Stendhal dit quelque part que Descartes paraît d’abord, en sa Méthode, comme un maître de raison, mais, deux pages plus loin, raisonne comme un moine » (Alain, Idées, op. cit., p. 91) ; l’original semble provenir de l’Histoire de la peinture en Italie (1817) : « On a vu Descartes déserter une méthode sublime et, dès le second pas, raisonner comme un moine » ([Stendhal], Histoire de la peinture en Italie, Paris, P. Didot l’ainé, 1817, t. II, p. 442).
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[72]
G. Canguilhem, « Maxime Leroy, Descartes, Le Philosophe au masque », art. cit., p. 256.
-
[73]
G. Canguilhem, « Le sourire de Platon », art. cit., p. 235.
-
[74]
Alain, Idées, op. cit., p. 92.
-
[75]
Ibid., p. 135.
-
[76]
G. Canguilhem, « La Fin de l’Éternel, par Julien Benda », art. cit., p. 273.
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[77]
É. Boutroux, Des vérités éternelles chez Descartes, traduction par G. Canguilhem, préface de L. Brunschivcg, Paris, Alcan, 1927 ; cette traduction est reprise, sans la préface de Brunschvicg, en annexe II du premier volume des Œuvres de Canguilhem.
-
[78]
Pour C. Limoges, que nous remercions pour ces précisions, c’est probablement à la demande de Brunschvicg que Canguilhem aurait réalisé cette traduction, peut-être pour rembourser le prêt qu’il avait contracté auprès de son frère lors de l’acquisition de l’édition Adam et Tannery des œuvres de Descartes ; voir supra p. 4 et la note 2, Œuvres, I, p. 254.
-
[79]
G. Canguilhem, « Maxime Leroy, Descartes, Le Philosophe au masque », art. cit., p. 254.
-
[80]
G. Canguilhem, « La fin d’une parade philosophique : le bergsonisme », art. cit., voir supra n. 33.
-
[81]
Ibid., p. 222.
-
[82]
G. C., « Archives de la trahison des clercs » (20 novembre 1928 ; Libres Propos), in G. Canguilhem, Œuvres, I, pp. 206-209.
-
[83]
G. Petit et M. Leudet, Les Allemands et la science, préface de P. Deschanel, opinions de MM. A. Alexandre, E. Babelon, M. Barrès, M. Boule, É. Boutroux… etc., Paris, Alcan, 1916 ; sur cette « littérature de guerre », voir C. Prochasson et A. Rasmussen, Au nom de la patrie. Les intellectuels et la Première Guerre mondiale (1910-1919), Paris, La Découverte, 2010 ; A. Rasmussen, « La science française dans la guerre des manifestes 1914-1918 », Mots, 2004, 76, pp. 9-23.
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[84]
É. Boutroux, « La science allemande », in G. Petit et M. Leudet, Les Allemands et la science, op. cit., pp. 50-51.
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[85]
Ibid., p. 51.
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[86]
Ibid., p. 50.
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[87]
Sur la dérive collaborationniste d’un grand nombre d’« alinistes », voir les indications bibliographiques fournies dans J.-F. Braunstein, « Introduction : À la découverte d’un “Canguilhem perdu’” », art. cit., p. 109, n. 3.
-
[88]
É. Boutroux, Des vérités éternelles chez Descartes, op. cit., in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 954.
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[89]
G. Canguilhem, « Réflexions sur la création artistique chez Alain », art. cit., p. 104.
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[90]
V. Guillin, « Les études cartésiennes de Georges Canguilhem », art. cit., p. 67.
-
[91]
Voir supra, n. 9.
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[92]
G. Boas, « The Ninth International Congress of Philosophy and the Second International Congress of Esthetics and the Science of Art », Journal of Philosophy, 1937, 34/21, pp. 568-569 [c’est nous qui traduisons].
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[93]
D. S. Robinson, « The Cartesian Studies of the Ninth International Congress of Philosophy », Journal of Philosophy, 1938, 35/7, p. 182 [c’est nous qui traduisons].
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[94]
Idem.
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[95]
Alain, Souvenirs sans égards, op. cit., pp. 44-45.
1 Qu’est-ce une œuvre philosophique [1] ? À partir de quel moment peut-on dire d’une collection ou d’une somme d’interventions, écrites ou orales, ésotériques ou profanes, délivrées dans le cadre d’un enseignement ou présentées comme résultats d’une recherche, qu’elle constitue une œuvre ? Les conditions suivantes, dont aucune n’est à elle seule suffisante, paraissent pouvoir permettre de qualifier d’œuvre l’ouvrage de celui qui se veut, ou se voudrait, philosophe.
2 Une œuvre, ce serait d’abord un ensemble de thèses, plus ou moins liées, plus ou moins englobantes, plus ou moins ambitieuses aussi, qui formeraient comme le noyau d’une pensée en acte. Une œuvre, ce serait ensuite l’ensemble des méthodes ou des procédures qui auraient été utilisées pour former ce noyau, auxquelles on devrait se référer pour en mieux comprendre la genèse et la structure et dont on pourrait, le cas échéant, se servir pour en élargir la portée ou le spectre. Une œuvre, c’est bien sûr aussi un style, c’est‑à-dire une volonté faite œuvre, de présenter ce que recèle ce noyau sous un jour singulier, tantôt en s’inscrivant dans une tradition, tantôt en rompant avec elle, parfois les deux. Finalement, une œuvre philosophique, ce peut aussi être la traduction réflexive d’un certain ethos, sans qu’il soit d’ailleurs toujours possible d’assigner une priorité à l’élément pratique ou à l’élément théorique.
3 À tous ces égards, nul doute qu’il existe une œuvre philosophique canguilhemienne, dont les thèses, les méthodes, le style et l’ethos sont aujourd’hui bien connus [2]. À ce titre, on peut bien dire que la philosophie de Canguilhem fait œuvre et, ajouterait-on volontiers, œuvre complète. Mais peut-être existe-il une autre façon de saisir l’œuvre philosophique de Canguilhem, non plus sous la forme unifiée que peut lui conférer le mouvement rétrograde du vrai historiographique, mais sous celle, plus dynamique – moins évidente aussi, et certainement plus rebelle à la systématisation – d’une pensée se faisant, s’élaborant en se reprenant, se donnant forme en se réformant. De fait, c’est dans la perspective d’une telle tentative que la parution du premier volume des Œuvres complètes de Georges Canguilhem prend tout son sens [3]. Œuvres complètes au pluriel cette fois, insistons-y, car ici le pluriel compte.
4 Pour saisir toute l’importance de cette parution pour une meilleure compréhension de la pensée de Canguilhem, on nous permettra d’évoquer une de ces trouvailles de traducteur qui donnent tant à penser et à laquelle on aimerait croire que Canguilhem, « Languedocien. Élève à l’École Normale Supérieure pour préparer l’agrégation de philosophie. Le reste du temps à la campagne, à labourer [4] », comme il se définissait lui-même en 1926, aurait été sensible. En effet, fut un temps où l’on rendait en français le titre du poème d’Hésiode non par Les Travaux et les jours, mais par Les Œuvres et les jours [5] – traduction intéressante de l’original Érga kaì Hêmérai, qui permet de garder bien présente à l’esprit la pluralité d’acceptions du concept grec ergon, qui renvoie tout aussi bien à la fonction d’une chose ou d’un être qu’au travail nécessaire pour le réaliser et au produit résultant de ce travail, c’est‑à-dire aussi bien à l’œuvre comme entreprise productrice qu’à l’ouvrage comme réalité produite. Or, pour un philosophe, on pourrait dire qu’il n’y a pas d’œuvre au singulier sans qu’il y ait d’œuvres au pluriel (bien souvent sous la forme de ces ouvrages d’encre et de papier que constituent livres et articles), cette pluralité des œuvres attestant bien souvent elle-même le lent processus d’élaboration, d’approfondissement, de reprise et de correction qui conduit à l’œuvre. Traduction intéressante aussi parce qu’elle nous rappelle que chaque jour appelle son œuvre et que, à l’instar des tâches agricoles commandées par le rythme des saisons dont parle Hésiode, l’œuvre d’un philosophe ne s’élabore pas dans un vide social, mais qu’elle se constitue aussi au travers des multiples obligations et sollicitations, plus ou moins prosaïques, auxquelles expose et soumet le métier de philosophe conçu comme fonction sociale. Cette variété, cette historicité, cette contingence aussi, des œuvres, « traces d’un métier » pour reprendre la belle expression de Canguilhem [6], c’est bien ce à quoi nous introduisent d’une manière exemplaire les différents textes réunis dans ce premier volume de ses Œuvres complètes.
5 Dans les pages qui suivent, il ne sera possible de donner qu’un aperçu très parcellaire de la manière dont les textes regroupés dans ce premier volume peuvent contribuer à une meilleure compréhension de la formation et de la transformation de la pensée de Canguilhem. Pour ce faire, on se propose de répondre à l’appel, formulé par Yves Schwartz dans sa préface, qui nous enjoint d’explorer le rapport au « patrimoine philosophique » de Canguilhem, dont – note-t‑il avec justesse – « le maniement différencié des auteurs est très instructif tant quant à ses choix philosophiques et la construction de sa pensée, que sur l’histoire de la philosophie française d’entre les deux guerres [7] ». Parmi les pistes suggérées (kantisme, bergsonisme, hégélianisme, nietzschéisme, marxisme), c’est l’itinéraire cartésien qu’on empruntera.
6 Comme nous l’avons souligné dans une étude antérieure [8], il existe, dispersés dans l’œuvre de Canguilhem, toute une série d’articles, de chapitres d’ouvrages et de développements épars consacrés à Descartes et qui abordent, au prisme de l’analyse de la pensée cartésienne, tout un ensemble de questions diverses et variées : thématique de la liberté créatrice, statut de la technique, fonction du « sentiment », problématique de l’individualité biologique, interrogation sur la pertinence de l’opposition mécanisme-finalité, questionnement sur l’historique de la notion de réflexe, réflexion sur la méthode et prise de position sur l’importance philosophique et morale du Cogito. Or, une telle analyse historiographique, principalement conduite en partant de l’article de 1937 sur « Descartes et la technique [9] » et en s’appuyant sur des textes postérieurs, peut être complétée, raffinée ou approfondie par la prise en considération de nombreux écrits appartenant à la phase initiale de la vie philosophique de Canguilhem.
7 Comme J.-F. Braunstein et X. Roth le soulignent tous les deux dans leurs introductions respectives, la partie émergée des études cartésiennes de Georges Canguilhem, c’est‑à-dire la petite collection de textes publiés et accessibles constituée par – outre « Descartes et la technique » – « Machine et organisme » (1946-1947) [10], « Organismes et modèles mécaniques. Réflexions sur la biologie cartésienne » (1955) [11], et la thèse sur La Formation du concept de réflexe aux xviie et xviiie siècles de la même année [12], auxquels on peut ajouter certains passages de l’article sur « L’évolution du concept de méthode de Claude Bernard à Gaston Bachelard » (1966) [13] et de « Mort de l’homme ou épuisement du Cogito ? » (1967) [14], appartient à un ensemble beaucoup plus vaste d’écrits, de cours et d’interventions qui attestent l’intérêt pérenne de Canguilhem pour Descartes (qui, comme le dit à juste titre Xavier Roth, fait partie de son « panthéon philosophique » [15]) et de la richesse de la réflexion de Canguilhem à cet égard.
8 Il faut reconnaître que Canguilhem lui-même avait bien indiqué la voie puisque l’un des dossiers des archives léguées au CAPHES figure dans l’inventaire sous le beau titre – à l’écho alinien – de « Descartes à travers mes âges », formule de Canguilhem qu’on se permet d’emprunter pour le titre de cet article [16]. Ce carton, qui contient des documents assez hétéroclites couvrant la période 1924-1960, regroupe des cours et des notes sur Descartes pris par Canguilhem entre 1924 et 1927 – alors qu’il est élève à l’École normale – ; des cours d’Alain (auxquels il faudrait au moins rajouter un cours daté de 1920 et des notes sur « Descartes, Spinoza, Malebranche, Leibniz » prises par Simone Anthériou, future épouse Canguilhem, en 1926-192 [17]), ainsi qu’un recueil de textes constitué après l’acquisition de l’édition Adam et Tannery et, encore une fois, aliniennement intitulé « Monsieur Descartes, prince de l’entendement » (un Descartes qu’Alain lui-même allait jusqu’à sacrer « roi d’esprit » [18] quand il traitait d’égal à égal avec la princesse Élisabeth ou la reine Christine).
9 On retrouve aussi dans ce « Descartes à travers mes âges » des « notes de 1937 pour “Descartes et la technique” » [19], une conférence sur Descartes prononcée à l’université de Strasbourg en 1950, différentes coupures de presse et articles sur le Neuvième Congrès international de philosophie (le fameux Congrès Descartes de 1937 à l’occasion duquel Canguilhem avait présenté son « Descartes et la technique », on y reviendra) et sur le tricentenaire de la mort de Descartes en 1950, un cours non daté de Guéroult sur Descartes donné à Strasbourg [20], et surtout un manuscrit sobrement intitulé « Descartes interrompu », projet de livre destiné à paraître dans la collection « Pour connaître » chez Bordas, sur lequel Canguilhem avait travaillé à partir de 1948, dont une demi-douzaine de chapitres avaient déjà été ébauchés, mais qui semble avoir été définitivement abandonné vers 1 [21].
10 À ces documents, il faudrait bien sûr ne pas oublier de joindre les cours portant sur tout ou partie de l’œuvre cartésienne ou abordant un problème par son entremise (comme le cours sur la finalité donné en 1941 à Clermont-Ferrand, celui délivré en Sorbonne en 1959-1960 sur « L’œuvre scientifique de Descartes et la science du xviie siècle », ou encore celui sur « Descartes. Les Passions de l’âme » donné à l’ENS en 1962 [22]) et les textes rédigés pour la Radiodiffusion française en 1956 et qui portaient sur « L’homme du Traité de l’homme » et « L’homme maître et possesseur de la nature ». Parions qu’une analyse attentive des archives permettrait encore d’étoffer ce corpus cartésien dont les éléments hétéroclites sont, encore une fois, autant de traces des formes que peut prendre le métier de philosophe.
11 Concluons notre tour d’horizon par l’évocation d’un dernier document, beaucoup plus tardif, qui témoigne autant de la prégnance de l’intérêt de Canguilhem pour Descartes que de ce qui a peut-être initialement provoqué ou suscité cet intérêt. C’est en effet dans la dernière recension d’ouvrage qu’il donna à la Revue de métaphysique et de morale en 1990 [23], et qui rendait compte de L’Éloge de l’objet de François Dagognet [24], que l’on retrouve une des dernières mentions publiées de Descartes par Canguilhem. Après avoir rappelé l’ambition de Dagognet de « sauver l’objet de tout ce qui le déconsidère », ce qui supposait de « définir l’objet en le distinguant de la chose, et chemin faisant, [de] critiquer et réfuter ceux des philosophes qui ont cru en l’immuabilité des choses » et « de louer les industriels, les écrivains et les artistes qui ont fabriqué, chanté et métamorphosé des objets », Canguilhem évoque certains des penseurs auxquels Dagognet adresse ses remontrances, « Sénèque, Descartes, Bergson, [qui] sont visés pour n’avoir su méditer que sur les choses, les “anti-objets” » [25], non sans immédiatement signifier dans une note en bas de page qu’il refuse sur un point bien précis de s’associer à l’acte d’accusation ainsi dressé :
Je me permets, respectueusement, de déclarer mon désaccord concernant Descartes. Pourquoi lui reprocher de vivre dans un monde « aseptisé et quasi vide », de s’être enfermé dans un poële, comme si ces mois de l’hiver 1629-1630 n’avaient pas été les préliminaires d’un long voyage riche en observations ingénieuses ? La correspondance avec Mersenne, dans l’année 1630, et surtout la fameuse lettre écrite d’Amsterdam à Balzac (2 mai 1631) ne permettent pas de douter de l’intérêt que portait alors Descartes aux « embellissements […], commodités […] curiosités de la vie », en somme à des objets [26].
13 Comme on le sait, c’est précisément cette question de la création, notamment dans sa dimension technique de création d’objets qui, près d’un demi-siècle auparavant, avait suscité l’intérêt et provoqué la réflexion de Canguilhem, laquelle allait aboutir à son premier grand article séminal de 1937, « Descartes et la technique ». Canguilhem n’avait pas oublié d’où il venait. Reste maintenant à montrer quel chemin il a suivi.
14 Comme le rappelle J.-F. Braunstein, « Canguilhem est d’abord un disciple d’Alain, qui fut son professeur de khâgne au lycée Henri-IV. Une fois entré à l’École normale supérieure, Canguilhem devient une sorte d’animateur du groupe des “chartiéristes” de l’École. C’est dans la revue d’Alain, les Libres Propos, lancée par Michel Alexandre, qu’il va publier près d’une centaine d’articles de 1927 à 193 [27]. » Cet alinisme de jeunesse, comme y insiste aussi Jacques Bouveresse [28], aura pour manifestations les plus immédiates, les plus visibles et peut-être aussi les plus dérangeantes à l’époque pour un jeune normalien agrégé de philosophie, un pacifisme radical et un antimilitarisme résolu [29]. Pourtant, comme le souligne à juste titre Xavier Roth, l’influence d’Alain se fera aussi bien sentir sur le plan moral et politique que métaphysique et épistémologique, à tel point que l’on peut raisonnablement rattacher, en ces premières productions, Canguilhem à cette école « réflexive » française qui, concevant l’entendement comme instance absolument originaire de jugement, renvoie, par l’intermédiaire d’Alain, à Lagneau et Lachelier, et remonte jusqu’à Kant et… Descartes [30]. Or, il nous semble justement – et c’est ce qu’on a déjà essayé de suggérer précédemment en attirant l’attention sur la place occupée par Alain dans les traces matérielles de l’itinéraire cartésien de Canguilhem – que c’est par l’intermédiaire de la lecture toute personnelle qu’Alain faisait de Descartes [31] que Canguilhem a pu en venir à aborder le problème de la création, entendue au sens large, dans le cadre d’une réflexion sur le rapport entre la connaissance et l’action dans Descartes.
15 Avant d’aborder ces hauteurs spéculatives qui conduiront jusqu’à l’épineux et décisif problème de la création divine des vérités éternelles, on montrera d’abord, plus modestement, à quel point l’empreinte d’Alain dans les écrits du jeune Canguilhem est profonde. Le style, c’est l’homme. Mais un style, est-ce suffisant pour faire un philosophe ? Rares sont ceux qui répondraient positivement à une telle question et, comme on le sait, une des raisons du discrédit dans lequel est tombée la pensée d’Alain a à voir avec le mélange détonnant de rusticité et de brillance caractéristiques de sa prose, qui dans le pire des cas l’a fait ranger au nombre des littérateurs au verbe haut mais à la pensée creuse, et, dans le meilleur, à celui des moralistes dont l’élégance de la langue compense l’étroitesse des vues [32]. Quel que soit le parti que l’on voudra prendre dans ce débat, nul ne contestera qu’Alain avait non pas seulement du style, mais bien un style, et ceux qui prendront la peine, ou plutôt jouiront du plaisir, de parcourir ce premier volume des Œuvres complètes ne manqueront pas de retrouver chez Canguilhem ce même goût de la formule bien troussée et du bon mot qui fait mal, de l’exhortation fraternelle et de l’invective vivifiante. Ce ton si particulier de ses premiers écrits, alliant énergie et rudesse, Canguilhem le doit certainement en partie à Alain et, s’il s’est adouci – peut-être par respect des usages académiques – dans ses travaux ultérieurs, la source ne s’en est pas pour autant tarie : les psychologues en ont fait les frais, eux qui, en 1929, se voyaient reprocher leur « doctrine mortelle pour ruminants » qui, « faisant de l’esprit un petit univers à part, séparable, et observable comme avec des appareils », transformait l’esprit en « chose c’est‑à-dire […] l’enterrait comme esprit » [33]. Les mêmes se verront adresser, en 1956, un sévère conseil d’orientation leur rappelant que « quand on sort de la Sorbonne par la rue Saint-Jacques, on peut monter ou descendre ; si l’on va en montant, on se rapproche du Panthéon qui est le Conservatoire de quelques grands hommes, mais si l’on va en descendant, on se dirige sûrement vers la Préfecture de police [34] ». Du fossoyeur de la pensée ou de l’auxiliaire de police, le lecteur décidera laquelle de ces deux épigrammes est la plus cinglante.
16 Cette empreinte alinienne, si sensible dans le style du « jeune » Canguilhem, se retrouve aussi sans mal dans le choix et le maniement des auteurs du patrimoine philosophique caractéristiques du contributeur actif et ardent aux Libres Propos que fut Canguilhem. À cet égard, les références cartésiennes fournissent des illustrations frappantes de pratiques ou d’usages typiquement aliniens. Considérons par exemple un des tout premiers textes « communiqués par G. C. » aux Libres Propos et qui célèbre le 31 mars 1927 – exemple paradigmatique du « culte des morts » qu’Alain avait hérité de Comte – la naissance de Descartes, en proposant aux lecteurs une sélection de fragments de la correspondance avec Mersenne, intitulée « Descartes et ses contradicteurs », dans lesquels Descartes ne se montre pas, c’est le moins qu’on puisse dire, convaincu des vertus d’une pratique dialogique de la philosophie [35]. La sélection de Canguilhem se termine ainsi par le fragment suivant, évoquant la mémoire de Jean de Beaugrand, qui avait accusé Descartes de plagiat et qui s’était vu affubler en retour du surnom de « géostatisticien » en raison de sa position sur la variation du poids des graves :
J’admire que vous vous soyez avisé de m’envoyer une des lettres de feu M.N. après sa mort, vu que vous ne les aviez pas jugées dignes que je les visse pendant sa vie. Car cet homme n’a jamais été capable de rien écrire que des paralogismes très impertinents, quand il a même cherché la vérité ; ce serait merveille s’il l’avait rencontrée en n’ayant dessein que de médire d’un homme qu’il haïssait, et je ne réponds autre chose à sa belle lettre sinon qu’il n’y a pas un seul mot contre moi qui ne soit faux et sans preuve. Je serais bien marri que vous prissiez la peine de m’envoyer ses autres lettres ; car nous avons ici assez de papier pour le dernier usage, et elles ne peuvent servir à autre chose [Lettre à Mersenne, septembre 1641, AT III, 437] [36].
18 Maniement étonnant du corpus philosophique par celui qui se disait, dans une lettre à Jean-Richard Bloch, doué d’« une simplicité assez rustique pour n’être froissé ou choqué par rien, même par ce qui passe les bornes [37] ». Peut-être pourrait-on aussi voir dans cette évocation par Canguilhem de la « hauteur » cartésienne un plaidoyer pro domo à l’appui de la résolution d’Alain de ne pas rendre les coups que lui attiraient ses prises de position, lui qui déclarait dans ses Souvenirs sans égards de 1947 :
Certes, j’aurais pu discuter, me défendre ; mais quoi ? Plaider devant les ignorants ? Je n’aimais pas cela. Je montrais ici un certain défaut de caractère qui devait être remarqué et qui le fut. Je n’ai jamais fait mon propre éloge, si ce n’est dans ces pages, et j’y mets de la mesure, comme le lecteur l’aura remarqué [38].
20 Les Libres Propos nous offrent encore une autre illustration d’une pratique typiquement alinienne reprise par Canguilhem, celle qui consiste à utiliser des éléments biographiques apparemment sans lien avec la doctrine pour remonter de l’homme à l’œuvre, dans la mesure où l’ethos philosophique ne se doit pas seulement attester dans le cadre « régulier » de la classe, en dépit de l’exemple admirable de Lagneau, mais aussi dans le cadre « séculier » du monde, qui est celui de la vie vraie. Ainsi, « dès que l’on veut connaître le caractère, les mœurs et les mouvements d’un homme, la légende n’est pas à mépriser », affirmait Alain [39], conseil dont semble s’être souvenu Canguilhem lorsque, sacrifiant une nouvelle fois au culte des « grands hommes » en célébrant la naissance de Leibniz, il lui opposa la figure de Descartes. Et Canguilhem d’évoquer l’épisode fameux rapporté par Baillet de la traversée de l’Elbe au cours de laquelle Descartes ne dut son salut face à des mariniers sans scrupule qui en voulaient à sa vie et à ses effets qu’à la résolution de tirer l’épée, ce qui en imposa aux âmes basses de ses agresseurs [40]. Au lieu de cela, considérez l’attitude de l’onctueux Leibniz – rapportée par Fontenelle – qui, voguant de Venise à Mesola, est tenu, parce que hérétique, pour cause de la tempête traversée et se voit menacé d’être jeté à la mer, et qui « tira un chapelet, qu’apparemment il avait pris par précaution, et le tourna d’un air assez dévot. Cet artifice lui réussit ; un marinier dit au pilote que puisque cet homme-là n’était pas un hérétique, il n’était pas juste de le jeter à la mer [41]. » Entre la hardiesse et la fortitude cartésienne, d’une part, et l’artifice et la ruse leibnizienne, d’autre part, Canguilhem, comme Alain, a choisi. Au « clerc douillet », au « protestant porteur de chapelet [qui] n’était dans le fond qu’un conciliateur et un opportuniste » (comme Canguilhem le décrira dans le compte-rendu d’un livre de Benda pour Libres Propos en 1930 [42]), le maître et le disciple préfèrent celui qu’Alain s’imaginait comme « un homme vif et dur, impatient de délibérer, qui décide, qui tranche, qui se risque [43] ».
21 Cette exemplarité morale de la figure cartésienne justifie en partie sa place dans l’enseignement d’Alain. Descartes, philosophe classique, et donc, pour détourner la venimeuse formule de Taine [44], devant être enseigné dans les classes de philosophie. C’est bien l’avis de Canguilhem et ce premier volume des Œuvres complètes nous fournit nombre d’illustrations précieuses de l’intérêt du futur Inspecteur général de philosophie pour les questions de pédagogie relatives à la discipline, comme l’attestent en particulier ses contributions à la revue Méthode d’Arbousse-Bastide et Bénézé [45]. Dans ce registre aussi, la référence à Descartes est de pure orthodoxie alinienne. Peut-être cela surprendra-t‑il ceux qui sont prompts à faire de Canguilhem un libertaire hypermoderne, mais il convient de reconnaître qu’en ces années d’avant-guerre ses positions en matière d’enseignement pourraient paraître à beaucoup d’un traditionalisme consommé [46]. Commentant le rapport du jury de l’agrégation de philosophie pour la session 1932, Canguilhem dénonce – toute ressemblance avec des faits réels récents étant bien sûr fortuite – la mise au programme de Bacon, dont il juge que le profit à tirer de son étude serait, « à tous les points de vue, nul », et de Plotin, comme de pures manœuvres commerciales destinées à faire vendre de la copie, déplorant que, « de plus en plus, disparaissent des questions imposées par le programme les grands systèmes de philosophie », Descartes et Kant s’étant comme « évanouis [47] ». Il poursuivra dans la même veine dans la croustillante rubrique « Examen des examens » des Libres Propos, où il dissèque les sujets de philosophie donnés au baccalauréat à la session de 1929 et dans laquelle il plaide pour un enseignement qui soit celui des problèmes et non des solutions et, par conséquent, exige que l’on se réfère aux grandes philosophies, parce que les « petites philosophies sont celles qui apportent une solution panacée [48] ». À défaut de cela, constate avec amertume Canguilhem, on aboutit « à ce paradoxe de candidats qui ne peuvent traiter une question d’écrit sans parler de Spencer ou de Taine, et qui, en revanche, interrogés à l’oral sur Descartes qu’ils présentent comme un auteur philosophique spécialement étudié, sont incapables de dire ce que contient la cinquième partie du Discours de la méthode [49] ». Complices de cette corruption antiphilosophique de la jeunesse sont aussi les manuels à l’« intolérable et ignominieuse prétention […], qui exécutent, en quelques phrases, le dualisme cartésien, et mettent en douze lignes Einstein à la portée de tous ; qui passent à peu près sous silence les quatre règles de la méthode de Descartes, exposant amplement les doctrines de Duhem et de Le Roy sur la valeur des théories physiques [50] ».
22 Mais pourquoi précisément plutôt Descartes et Kant que Taine ou Spencer ? Encore une fois, parce que Canguilhem, suivant en cela Alain, pensait alors qu’il existait bien une philosophia perennis et que cette philosophie était pérenne parce qu’elle se confrontait à des problèmes humains de tous les temps et tous les lieux. C’est cette universalité et cette humanité qui font des philosophies de Platon, de Descartes ou de Kant de grandes philosophies, et justifient que l’on continue à les enseigner parce que, même si leurs auteurs sont morts, la pensée qui les anime reste bien vivante. Comme il le déclare dans sa réponse à l’enquête sur « Ce que pense la jeunesse universitaire française » réalisée par la Revue de Genève en 1926, « [i]l n’y a pas de problème nouveau pour notre génération. Il y a des problèmes éternels à résoudre par des méthodes éternelles. Ce qui sera nouveau peut-être ce sera de croire à la méthode et de l’appliquer [51]. » Voilà pourquoi, ajoute-t‑il, il faut craindre qu’un relativisme historique délétère ne fasse lui-même advenir un temps où « nous lirons que Platon n’était bon qu’en son temps et Descartes et Spinoza de même [52] ». Il est frappant de voir à quel point Canguilhem est ici proche de son maître, dont il reconnaîtra lui-même, dans ses « Réflexions sur la création artistique chez Alain » de 1952, qu’il croyait « à la nature humaine, à l’éternelle histoire [53] ». Voilà pourquoi nous ne devrions pas être davantage surpris, comme le dit Canguilhem dans sa très belle recension pour Europe des Onze chapitres sur Platon d’Alain intitulée « Le sourire de Platon » (1929), « qu’on nous propose la société et le commerce de Platon, homme comme nous, aussi difficilement et pourtant joyeusement homme que nous, plus encore que nous », que nous ne devrions être « surpris de nous trouver enfants de “notre Père Descartes” » [54].
23 Reste maintenant à savoir à quels « problèmes humains concrets » (pour reprendre l’expression de l’Introduction de l’Essai de 1943 [55]) nous introduit la philosophie de Descartes. Un premier indice nous a déjà été fourni précédemment par le conseil de lecture de Canguilhem aux candidats du baccalauréat : lisez bien la cinquième partie du Discours de la méthode. Pourquoi ? Parce que vous y trouverez « l’ordre des questions de physique [que l’auteur] a cherchées, et particulièrement l’explication du mouvement du cœur et de quelques autres difficultés qui appartiennent à la médecine, puis aussi la différence qui est entre notre âme et celle des bêtes [56] ». Une nouvelle fois, on ne peut manquer de sentir ici l’empreinte de l’interprétation alinienne de Descartes sur Canguilhem, dans la mesure où l’insistance sur le mécanisme cartésien est justement une des spécificités de cette dernière, et ce à deux titres au moins, méthodologique et moral [57]. Prenez par exemple Idées, recueil de textes sur les grands philosophes du panthéon alinien publié chez Hartmann en 193 [58] et qui reprend des chapitres sur Descartes publiés vers la fin des années 1920 [59] dont on n’a pas de raison de penser qu’ils diffèrent notablement de l’enseignement que Canguilhem avait reçu d’Alain. Dans ces chapitres, le mécanisme cartésien est conçu à la fois comme un purgatif destiné à nous débarrasser des préjugés animistes qui remplissent les corps d’âme, en particulier les corps vivants, et comme un fortifiant susceptible de nous prémunir contre des passions qui sont en nous, mais pas par nous ou de nous. D’une part, nous dit Alain, « il est bon de noter […] que les machines sont partout en Descartes, mais partout définies, partout renvoyées à l’objet, partout nettoyés d’esprit, comme en effet elles sont. Et sous ce rapport, il est bon que le lecteur garde en sa pensée, et en place centrale, le paradoxe de l’animal machine [60] », car, ajoute-il plus loin, « [d]ès que les corps vivants sont des corps, ils tombent sous la notion de corps, ils ne reçoivent plus que le rapport extérieur, ou, si l’on veut mécanique, et tout est dit [61] ». D’autre part, il faut, comme Descartes, choisir « de n’être, en son humeur, que chose mécanique ; et par décret nos passions sont renvoyées à l’ordre des choses. Ce ne sont jamais que mouvements, maniables plus ou moins selon qu’on les connaît, comme sont les mouvements de la nature autour de nous [62] », et sur lesquels « il faut avoir médité longtemps […] si l’on veut pouvoir développer cette médecine supérieure, à laquelle [Descartes] dut, si l’on en croit, de prolonger sa vie jusqu’à la cinquantaine, contre la prédiction des médecins [63] ». L’insistance d’Alain à souligner la destination morale et pratique du mécanisme cartésien (qui va permettre de « se rendre comme maître et possesseur de la nature » et de « sa nature », problèmes humains concrets s’il en est) a sans aucun doute profondément marqué Canguilhem qui affirme, toujours dans « Le sourire de Platon », que l’on trouve « chez Descartes une théorie des passions et du gouvernement de soi », « marque des grands auteurs » [64], et théorie d’autant plus humaine et concrète qu’elle peut conduire à un matérialisme « entendu comme méthode, “une certaine manière de s’orienter dans la jungle des causes et une certaine manière de poser ou de ne pas poser les questions”, c’est‑à-dire d’expliquer les faits, les actions par les causes plutôt que par les fins, par les conditions plutôt que par les intentions », à laquelle peuvent se rattacher les écrits de Lucrèce, Montaigne, Molière, Marx ou Mort de la morale bourgeoise (1930) d’Emmanuel Berl, dont Canguilhem avait fait une recension très positive dans les Libres Propos, à cette réserve près qu’il regrettait « personnellement de ne pas voir figurer Descartes… [dans cette lignée] qui vise d’abord aux conditions terrestre de l’existence humaine, sinon pour justifier l’homme du moins pour l’expliquer [65] ».
24 Même s’il est plus difficile à saisir, le second point de fixation de l’intérêt de Canguilhem pour Descartes ne renvoie pas moins que le premier à Alain et à un des aspects les plus intrigants de sa lecture de Descartes, à savoir son interprétation de la théologie cartésienne. Et c’est justement ce même intérêt pour la théologie cartésienne que l’on retrouve aussi sous la plume du Canguilhem contributeur des Libres Propos. Bien évidemment, cet intérêt se traduit d’abord dans la volonté de montrer que le « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » n’est ni celui « des philosophes », ni celui « des savants », et a fortiori pas celui de Descartes philosophe, c’est‑à-dire d’empêcher qu’on l’annexe sans discussion au catholicisme, ce qui vaudra à Paul Lemaire – prolifique auteur d’éditions scolaires des philosophes classiques chez Hatier – une sévère remontrance de Canguilhem pour avoir procuré un « Discours de la Méthode mutilé » d’où l’on ait expurgé la fameuse formule qui veut que « la théologie enseigne à gagner le ciel ». « C’est beaucoup, peut-on dire, admet Canguilhem ; et Descartes n’y contredit pas. Mais, en fait, il a passé sa vie – sans toutefois craindre la mort – à tâcher de prolonger la vie humaine et à pousser les mathématiques [66]. » Pour autant, cette légitime volonté de répondre au « gilsonisme [67] », à cette « entreprise philosophique qui semble avoir fait vœu de classer les mérites des penseurs à partir d’angéliques doctrines [68] », ne doit pas nous faire verser dans l’excès contraire, celui dont se rend par exemple coupable l’historien des idées sociales Maxime Leroy dans son Descartes (1929), qui, « parce qu’il veut arracher Descartes à la théologie, [le compromet] avec ce qui dans la philosophie française représente la pensée laïque sous forme de religion d’État et d’instruction civique [69] », c’est‑à-dire avec le durkheimisme. Voilà pourquoi, constate Canguilhem, « [o]n ne peut être persuadé en aucune façon par un rapprochement de cet ordre : Le Dieu du Discours et des Méditations ne serait-il pas simplement le symbole de l’ordre scientifique, comme le Dieu de Durkheim n’est que le symbole, sans réalité céleste, de la morale, œuvre de la société ? Le Dieu de Descartes doit être recherché du côté du sujet et non de l’objet, fût-ce du côté de l’ordre scientifique, et s’il y a une chose qui est entièrement étrangère à l’esprit de Durkheim, c’est bien celle-là [70]. »
25 La question se pose alors de savoir comment, contrairement à ce que pensait Stendhal, Descartes peut bien concevoir Dieu en « maître de raison » et non en « moine [71] » ou, comme le disait Canguilhem, comment « en Descartes, comme jadis en Socrate l’impiété naît de trop de piété et […] la religion arrive irrésistiblement à son contraire [72] ». Or, ce rapprochement avec Socrate nous donne lui-même la clé de l’énigme puisqu’il s’explicite dans « Le sourire de Platon » qui nous rappelle que si, dans l’Euthyphron, « Socrate et Platon […] ont descendu Dieu au-dessous du juste », le déchoyant ainsi « d’une place usurpée », « Descartes [lui] vint l’élever au-dessus du Vrai » [73]. Ce qui est donc bien ici en jeu, c’est la fameuse et scandaleuse doctrine cartésienne de la création des vérités éternelles. Or ce point de théologie, qui a donné lieu à de vives controverses chez les cartésiens au xviie siècle, va justement être ressuscité par Alain à des fins philosophiques profanes. En effet, tout comme il ne faut pas chercher dans le passage du morceau de cire de la « IIe Méditation » une quelconque analyse de la matière mais bien plutôt une réaffirmation du primat de l’esprit connaissant, on pourrait dire de la doctrine de la création des vérités éternelles qu’elle sert à Alain non pas à démontrer la toute-puissance de Dieu, mais bien plutôt le primat de la volonté dans le jugement. C’est en « ses hardiesses cachées de théologien » que Descartes nous ouvre la voie, parce que ce « Prince de l’Entendement, mesurant l’entendement même, a refusé de chercher notre perfection par là et Dieu, par là, rabaissant hardiment notre pouvoir de comprendre devant l’attribut du vouloir » [74]. Une fois sécularisé, cet élément deviendra une composante essentielle de la contribution alinienne à la philosophie réflexive à la française qui, comme en écho à l’insistance de Lagneau et Lachelier sur la dimension synthétique de l’activité spirituelle, viendra revendiquer les droits du vouloir sur le connaître, leçon cartésienne par excellence dans la mesure où, pour Alain lui-même, « le propre de Descartes, […] c’est d’avoir reconnu la perfection de l’esprit dans la volonté qui décide [75] ». Cette leçon, Canguilhem l’avait bien présente à l’esprit quand, dans la recension du livre de Benda évoquée précédemment, il refuse, conformément à cette définition si particulière de la raison qu’il reçoit d’Alain, le droit à Leibniz de figurer sur la liste des « purs serviteurs de l’Éternel » parce que ce dernier fait « du principe d’identité le fond de la raison » et donc, en un sens, nie la spécificité de celle-ci, tandis que Descartes, parce qu’il a posé « la liberté divine indépendante des vérités éternelles qu’elle crée », mérite d’y figurer au premier rang [76].
26 Réflexion sur la destination pratique – entendue au sens large – du mécanisme et primat accordé à la volonté dans le jugement semblent donc être les points de départ de la réflexion à venir de Canguilhem et ce serait dans le creuset alinien que Canguilhem les aurait puisés. L’intérêt d’une telle généalogie historico-philosophique des problèmes abordés par Canguilhem est qu’elle permet, au moins en partie, d’éclairer une énigme de la bibliographie canguilhemienne, à savoir la présence parmi ses premières publications de la traduction de la thèse latine d’Émile Boutroux sur la doctrine des vérités éternelles chez Descartes [77]. Même si les conditions exactes de cette traduction ne sont pas connues [78], il paraît clair que ce travail, possiblement « alimentaire », n’en répondait pas moins à une certaine nécessité intellectuelle, celle de penser clairement et distinctement les rapports de l’entendement et de la volonté dans l’esprit. Il faut aussi noter que cette nécessité devait être particulièrement forte car on ne peut pas vraiment dire que Canguilhem ait été très enthousiaste à l’égard de Boutroux.
27 Ainsi, lorsque Canguilhem, dans sa recension du livre de Leroy, dresse la liste de ses préférences en matière d’exégèse cartésienne, il mentionne bien Brunschvicg, Hamelin, Valéry, Péguy et, bien sûr, Alain, mais non Boutroux, même au nombre des minus habens [79]. Peut-être cet « oubli » est-il à mettre au compte de la répugnance intellectuelle et morale que Canguilhem a pu éprouver vis‑à-vis des prises de position germanophobes défendues par Boutroux à l’occasion de la Première Guerre mondiale. Plusieurs écrits de jeunesse de Canguilhem gardent trace de cette répulsion, notamment sa recension du pamphlet anti-bergsonien de Politzer, « La fin d’une parade philosophique : le bergsonisme » [80]. Évoquant la manière dont la philosophie bergsonienne s’était muée, à l’occasion du premier conflit mondial, en un bellicisme patriotard, il rappelait que la façon dont Bergson avait « rencontré le concret… en l’an de grâce 1914 et les années suivantes, où le concret se révélait particulièrement sévère et frappant, [avait été] digne de L’Écho de Paris et du Gaulois. Je connaissais déjà la façon dont Bergson étreignait le concret dans le Bulletin des armées, où il retrouvait Boutroux, un grand spiritualiste aussi [81] ». L’année précédente, dans une de ses rubriques typiques des Libres Propos et inspirée de Benda, les « Archives de la trahison des clercs [82] », Canguilhem rappelait la participation de Boutroux à ce monument de la « littérature de guerre » qu’avait été le livre de Petit et Leudet intitulé Les Allemands et la science (1916) [83], dans lequel l’académicien livrait au lecteur ses réflexions sur la « Science allemande ». Soulignant l’indéniable supériorité organisationnelle de la science allemande et la compétence technique de ses savants, Boutroux n’en soutenait pas moins que la division du travail intellectuel telle que pratiquée outre-Rhin avait pour conséquence d’entraver le libre développement de l’intelligence, plutôt que de le favoriser. Adoratrice du fait, la communauté des savants allemands, excellents à fournir des matériaux, est incapable de générer l’idée qui transformera ces matériaux en lois de la nature. « La thèse impliquée dans la méthode allemande, affirmait Boutroux, c’est que l’idée sort, par génération spontanée, des matériaux eux-mêmes, quand une fois ceux-ci ont été convenablement rassemblés et coordonnés. » Or, objectait-il, « [l’]histoire des sciences ne vérifie pas ce postulat. L’idée jaillit, en réalité, de l’intelligence humaine, de l’homme même, en tant que celui-ci est capable non seulement d’emmagasiner des documents, mais de réagir de façon originale, au contact de ces documents [84]. » « Le point critique de la science allemande, c’est le passage du fait à l’idée […], poursuivait-il, [et] ce passage se fait par un mouvement continu de l’intelligence, dégageant progressivement le général du particulier. Déjà, dans la détermination scientifique du fait, intervient l’activité de l’esprit ; et d’autre part, c’est en s’appuyant constamment sur les faits que celui-ci s’élève aux idées les plus hautes. Contact incessant de l’intelligence avec les faits, en même temps qu’activité incessante de l’intelligence : telle est la méthode [85] », concluait Boutroux. Bien sûr, on ne surprendra personne en précisant que cette méthode, Boutroux la place sous l’auguste patronage de Descartes, dont le Discours de la méthode avait pour objectif « de démontrer que […] le […] bon sens préside à la vie pratique du commun des hommes et aux plus hautes spéculations du mathématicien, du physicien et du philosophe, que toute science risque de s’égarer, qui n’est pas, dans toutes ses recherches, contrôlée constamment par le bon sens [86] ». Autrement dit, Descartes de retour en Allemagne pour mener une guerre de l’esprit. On imagine sans peine la réaction de Canguilhem à cette « caporalisation » d’un penseur, orchestrée dans le langage même de cette philosophie réflexive à laquelle il souscrivait alors, et les efforts qu’il lui a fallu déployer pour essayer de distinguer pour lui-même, dans cette confusion, ce qui pouvait et devait être sauvé de cette philosophie. On peut peut-être aussi se représenter le sentiment qui a été le sien quand certains élèves d’Alain, proches ou collègues, une dizaine d’années plus tard, se sont rendus coupables d’une bien plus grande faiblesse de jugement, d’une bien plus grave trahison de l’esprit [87].
28 Reste que, malgré Boutroux, c’est bien dans l’analyse de la conception cartésienne de l’origine radicale de la création, expérience de « l’indifférence convenant à la liberté du créateur [88] » que se cristalliseront certains des thèmes ultérieurs de la réflexion de Canguilhem. C’est bien cette expérience qu’il retrouvera chez Alain et chez Bergson, philosophes qui « ont, chacun à sa manière, construit leur théorie de l’activité artistique sur ce principe que, dans l’œuvre d’art, aucune sorte d’essence ne précède l’existence [89] ». Mais, comme il a déjà été souligné ailleurs [90], le refus de cette conception intellectualiste de la création, qui n’atteste pas seulement l’infinité de Dieu, mais constitue aussi une négation radicale de la finalité dans l’univers, va servir de planche d’appel à Canguilhem pour repenser le statut de la technique, problème qui est à l’origine de son premier grand article, « Descartes et la technique ».
29 Pour conclure cet itinéraire cartésien, finissons en suggérant pourquoi, historiographiquement parlant, cet article de 1937 est important. D’une part, parce que ce sont peut-être les thèses qui y sont défendues qui ont valu à Canguilhem une première reconnaissance d’originalité académique émanant d’un organe pour le moins surprenant : comme on l’a dit [91], l’article sur « Descartes et la technique » a été prononcé à l’occasion du IXe Congrès international de philosophie qui s’est tenu à Paris en 1937 et qui coïncidait avec le tricentenaire du Discours de la méthode. Congrès célèbre pour la place qu’y ont tenue les représentants du cercle de Vienne, mais aussi pour toute sa mise en scène, ce que ne manquèrent pas de rapporter certains des participants. Ainsi, George Boas, professeur à Johns-Hopkins, a relaté non sans malice, dans son rapport pour le Journal of Philosophy, la pompe républicaine qui entoura les cérémonies, la présence du président de la République Albert Lebrun, du ministre de l’Éducation Jean Zay, le discours d’ouverture de Paul Valéry, le tout sur un fond musical dû à la Fanfare de la Garde républicaine. Le touriste américain Boas en a certainement eu pour le prix de son ticket de transatlantique, mais peut-être pas le philosophe : ayant survécu à une communication d’Hendrik Pos qui trouvait l’origine de la méthode dans la libre spiritualité de l’esprit, Boas avouait
qu’après une communication de ce type, c’est avec un certain découragement qu’on continuait à obéir à l’impératif catégorique. N’y avait-il pas plus de philosophie à récolter en conversant avec un collègue à une terrasse de café que dans l’atmosphère asphyxiante de l’amphithéâtre Richelieu ? Sans aucun doute, mais une tendance au masochisme – peut-être elle-même responsable du fait que l’on soit devenu un universitaire – nous poussait à retourner sur la scène du crime, même si l’on se surprenait parfois à se demander pourquoi la Muse de la poésie de la fresque murale au-dessus de l’estrade avait la même coupe de cheveux que notre mère ou quel sens de l’élégance avait pu pousser le peintre à écrire Athènes en caractères grecs et Paris en caractères romains ou pourquoi les gens entraient et sortaient de la salle comme des membres du Congrès qui ne voteraient pas [92].
31 Mais tout ne fut pas du même tonneau. L’attention de Daniel S. Robinson, chargé pour le même Journal of Philosophy des articles des actes du congrès portant spécifiquement sur Descartes, avait été, elle, retenue par plusieurs contributions. Ainsi avait-il particulièrement relevé, dans la section consacrée à l’apport cartésien aux champs spécialisés de la connaissance, deux contributions qui sortaient du lot, celle de Victor Basch sur l’esthétique cartésienne et celle d’un jeune inconnu :
Dans une autre contribution de ce groupe, expose Robinson, Georges Canguilhem défend de manière convaincante la thèse que Descartes a été le premier philosophe à soulever la question de la signification de la technique. Il y a été conduit par le problème de la relation de la théorie à la pratique. Il s’est particulièrement soucié de la construction de lunettes et de verres optiques, et de celle de machines et d’instruments à visée médicale, mais il s’est aussi intéressé à d’autres inventions. Canguilhem soutient que Descartes concevait la technique comme l’expression d’un besoin créatif original et non comme une simple extension de la connaissance objective, comme le font les positivistes et les pragmatistes [93].
33 Il y a plus mauvais résumé des thèses de Canguilhem en la matière. Et ce serait donc dans le Journal of Philosophy que l’on trouverait peut-être la première mention « académique » du travail de Canguilhem : jolis débuts américains pour une des figures phares de l’épistémologie « à la française ».
34 Finalement, la seconde raison qui fait de l’article de 1937 un objet historiographiquement intéressant, c’est qu’il inaugure chez Canguilhem une réflexion suivie et poursuivie sur la philosophie et la physiologie cartésiennes qui aboutira à un certain nombre de remises en question des interprétations dominantes du rapport entre mécanisme et finalité, du statut de l’individualité biologique ou de l’origine du concept de réflexe. Coïncidence étonnante, dans le rapport qu’on vient de citer, Robinson évoque, un paragraphe avant d’aborder le travail de Canguilhem, la communication du philosophe brésilien Ozorio de Almeida sur les contributions de Descartes à la physiologie. Pour de Almeida,
[Descartes] a développé un programme de recherches physiologiques en déduisant différents mécanismes physiologiques de son système général de philosophie, et a laissé à d’autres penseurs la tâche de les mettre à l’épreuve expérimentalement. Certains des mécanismes qu’il avait imaginés ont été par la suite découverts. Parmi eux, on trouve sa théorie de l’action réflexe et de la connexion entre les nerfs et les muscles, qui veut que la contraction d’un muscle soit accompagnée du relâchement du muscle antagoniste. L’auteur soutient que Descartes, même s’il ne pouvait pas avoir prévu le développement de la science chimique, n’en a pas moins fondé la biologie physique dans la mesure où il nous a enseigné que la tâche essentielle du physiologiste est de chercher à identifier les mécanismes physico-chimiques des phénomènes biologiques. Il est intéressant de constater que cette tâche demeure aujourd’hui encore celle de la physiologie telle que la conçoivent des hommes comme Loeb, Rudolf Magnus et Pavlov [94].
36 Comme on le sait, presque chacun des points de cette interprétation de la biologie cartésienne et de sa postérité sera discuté pied à pied par Canguilhem historien et philosophe des sciences du vivant. Et si on jette ne serait-ce qu’un rapide coup d’œil aux chapitres qu’Alain, dans Idées, consacre à l’animal, à l’union de l’âme et du corps, à l’homme-machine ou aux passions chez Descartes, on y retrouvera aussi l’essentiel de ces thèses contre lesquelles Canguilhem allait bientôt s’élever. Dans ses Souvenirs sans égards évoqués précédemment, Alain rappelait que l’assistance à ses leçons du Collège Sévigné « se composait d’élèves, de disciples, de femmes du monde, d’amateurs et d’inconnus, comme ce banquier du XVIe qui n’aimait pas Descartes et qui voulait qu’on lui rendit compte de la réputation de cet homme-là [95] ». Canguilhem n’était pas banquier, il était bien un disciple d’Alain, qui aimait Descartes, mais qui n’allait pas hésiter à questionner la réputation que son maître lui avait faite.
Notes
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[1]
Cet article est la version remaniée d’une communication présentée lors du colloque « Un nouveau Canguilhem » organisé par J.-F. Braunstein à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne en décembre 2011. L’auteur tient à remercier chaleureusement J.-F. Braunstein et C. Limoges pour leurs remarques et commentaires sur une version préliminaire de ce travail.
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[2]
Voir notamment Georges Canguilhem, philosophe, historien des sciences, Paris, Albin Michel, 1993 ; G. Renard, L’Épistémologie chez Georges Canguilhem, préface de A. Fagot-Largeault, Paris, Nathan, 1996 ; F. Dagognet, Georges Canguilhem, philosophe de la vie, Le Plessis-Robinson, Institut Synthélabo pour le progrès de la connaissance, 1997 ; F. Bing, J.-F. Braunstein et É. Roudinesco (éd.), Actualité de Georges Canguilhem. Le normal et le pathologique, Le Plessis-Robinson, Institut Synthélabo pour le progrès de la connaissance, 1998 ; J.-F. Braunstein (coord.), Canguilhem. Histoire des sciences et politique du vivant, Paris, Puf, 2007 ; G. Le Blanc, Canguilhem et les normes, 2e éd., Paris, Puf, 2007 ; A. Fagot-Largeault, C. Debru et M. Morange, Philosophie et médecine : en hommage à Georges Canguilhem, Paris, Vrin, 2008 ; D. Lecourt, Georges Canguilhem, Paris, Puf, 2008 ; G. Le Blanc, Canguilhem et la vie humaine, Paris, Puf, 2010 ; L. Ferté, A. Jacquard et P. Vermeren (dir.), La Formation de Georges Canguilhem. Un entre-deux-guerres philosophique, Paris, Hermann, 2013 ; ainsi que les numéros thématiques sur Canguilhem de la Revue de métaphysique et de morale (1985, 90/1), des Cahiers philosophiques (1996, 69) et de Dialogue (2013, 52/4).
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[3]
G. Canguilhem, Œuvres complètes, t. I : Écrits philosophiques et politiques (1926-1939), textes présentés et annotés par J.-F. Braunstein, M. Cammelli et X. Roth, sous la direction de J.-F. Braunstein et Y. Schwartz, avec une préface de J. Bouveresse, Paris, Vrin, 2011 (dorénavant : Œuvres, I).
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[4]
Ibid., p. 152.
-
[5]
Hésiode, Les Œuvres et les Jours, traduction nouvelle par J. Chenu, Paris, Imp. de Panckoucke, 1844.
-
[6]
Cité dans Michel Deguy, « Allocution de clôture », in Georges Canguilhem, philosophe, historien des sciences, op. cit., p. 324.
-
[7]
Y. Schwartz, « Présentation : Jeunesse d’un philosophe », in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 91.
-
[8]
V. Guillin, « Les études cartésiennes de Georges Canguilhem », Les Cahiers philosophiques, 2008, 114, pp. 65-84.
-
[9]
Originellement paru dans les actes du Congrès Descartes de 1937 (R. Bayer [éd.] Travaux du IXe Congrès international de philosophie. Congrès Descartes, t. II, Études cartésiennes, IIe partie, Paris, Hermann, 1937, pp. 77-85), cet article sur « Descartes et la technique » est bien sûr repris dans G. Canguilhem, Œuvres, I, pp. 490-498.
-
[10]
Avec « Aspects du vitalisme » et « Le vivant et son milieu », « Machine et organisme » fait partie d’une série de conférences données en 1946-1947 au Collège philosophique sur l’invitation de Jean Wahl, et qui sera publié pour la première fois dans G. Canguilhem, La Connaissance de la vie, Paris, Hachette, 1952.
-
[11]
G. Canguilhem, « Organismes et modèles mécaniques. Réflexions sur la biologie cartésienne », Revue philosophique, 1955, 145, pp. 281-299.
-
[12]
G. Canguilhem, La Formation du concept de réflexe aux xviie et xviiie siècles, Paris, Puf, 1955.
-
[13]
Prononcée sur l’invitation de la Société de philosophie de Dijon, et à l’occasion de l’inauguration de l’amphithéâtre Gaston-Bachelard à la nouvelle Faculté des lettres et sciences humaines, le 24 janvier 1966, cette conférence sera reprise avec le même titre sous forme d’article in G. Canguilhem, Études d’histoire et de philosophie des sciences, Paris, Vrin, 1968, pp. 163-171.
-
[14]
G. Canguilhem, « Mort de l’homme ou épuisement du Cogito ? », Critique, 1967, 242, pp. 599-618.
-
[15]
X. Roth, « Traité de logique et de morale : Présentation », in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 614.
-
[16]
Pour une présentation du fonds Canguilhem au CAPHES, voir http://cirphles.ens.fr/caphes/centre-documentaire/fonds-collectes/fonds-personnels/article/georges-canguilhem (site consulté le 16 juin 2014) ; le dossier en question se trouve dans le carton 28 du fonds, sous la cote CG.28.1.
-
[17]
Inventoriés dans le dossier « Cours d’Alain. 1920-1929 » du carton 3, « Études », sous la cote CG.3.3.
-
[18]
Voir Alain, Idées. Introduction à la philosophie. Platon, Descartes. Hegel, Comte, rééd. augmentée, Paris, Hartmann, 1939 ; nous citerons à partir de l’édition la plus récente de cet ouvrage, à savoir Paris, Flammarion, 1983, pp. 92 et 95.
-
[19]
Voir supra n. 9.
-
[20]
Sur le rôle joué par l’interprétation de la « VIe Méditation » par Guéroult dans « Organismes et modèles mécaniques. Réflexions sur la biologie cartésienne », voir V. Guillin, « Les études cartésiennes de Georges Canguilhem », art. cit., pp. 70-73.
-
[21]
Une analyse historiographique de ce document est en préparation.
-
[22]
Ce dernier cours, jusque-là conservé par François Delaporte, a été récemment déposé par Camille Limoges au CAPHES.
-
[23]
G. Canguilhem, « Philosophie d’une éviction : l’objet contre la chose », Revue de métaphysique et de morale, 1990, 95/1, pp. 125-129.
-
[24]
F. Dagognet, L’Éloge de l’objet, Paris, Vrin, 1989.
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[25]
G. Canguilhem, « Philosophie d’une éviction : l’objet contre la chose », art. cit., p. 125.
-
[26]
Idem.
-
[27]
J.-F. Braunstein, « Introduction : À la découverte d’un “Canguilhem perdu” », in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 104 ; sur ces différents aspects de l’influence d’Alain sur Canguilhem et sa génération, outre l’Introduction de J.-F. Braunstein à ce volume, voir J.-F. Sirinelli, Génération intellectuelle : khâgneux et normaliens dans l’entre-deux-guerres, Paris, Fayard, 1988, et T. Leterre, Alain, le premier intellectuel, Paris, Stock, 2006 ; sur les Libres Propos, voir J. Michel-Alexandre, « Esquisse d’une histoire des Libres Propos (Journal d’Alain) », Bulletin de l’Association des Amis d’Alain, 1967, 25, pp. 1-143.
-
[28]
J. Bouveresse, « Préface aux Œuvres complètes de Georges Canguilhem », in G. Canguilhem, Œuvres, I, pp. 30-37.
-
[29]
Les traces de ces engagements abondent dans la partie « Articles, discours et conférences (1926-1938) » qui ouvrent le premier volume des Œuvres ; pour le fameux épisode de la Préparation militaire supérieure (PMS), voir J.-F. Sirinelli, op. cit., chap. xiv.
-
[30]
Voir X. Roth, art. cit., p. 600-601 et 605-608 ; et surtout X. Roth, Georges Canguilhem et l’unité de l’expérience : juger et agir (1926-1939), Paris, Vrin, 2013.
-
[31]
Pour une analyse de l’interprétation alinienne de Descartes, voir O. Reboul, « Alain lecteur de Descartes », in R. Bourgne (éd.), Alain lecteur des philosophes, de Platon à Marx, Paris, Bordas, 1987, pp. 69-81.
-
[32]
Comme le dit lapidairement Pascal Engel dans une recension d’ouvrage récente, « Cela fait penser à Alain : style faussement clair, dogmatique, pontifiant » (Pascal Engel, recension de Jacques Schlanger, Savoir être et autres savoirs, Revue philosophique, 2012, 4, p. 610).
-
[33]
G. Canguilhem, « La fin d’une parade philosophique : le bergsonisme » (20 avril 1929 ; Libres Propos), in G. Canguilhem, Œuvres, I, pp. 223-224 ; c’est donc aussi chez Alain qu’il faut certainement chercher une des sources de l’antipsychologisme canguilhemien : on se reporta utilement à cet égard au choix de propos opéré par G. Pascal dans « Alain, les psychologues, la psychologie », Bulletin de l’Association des amis d’Alain, 1997, 84, pp. 9-54.
-
[34]
G. Canguilhem, « Qu’est-ce que la psychologie ? », in G. Canguilhem, Études d’histoire et de philosophie des sciences, Paris, Vrin, 1968, p. 381.
-
[35]
G. C., « 31 mars – Naissance de Descartes (1596) » (20 mars 1927 ; Libres Propos), in G. Canguilhem, Œuvres, I, pp. 154-155.
-
[36]
Idem.
-
[37]
G. Canguilhem, « Quatrième lettre à Jean-Richard Bloch » (8 janvier 1928), in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 190.
-
[38]
Alain, Souvenirs sans égards, suivi de Traité des outils et Dix Leçons d’astronomie, préface de E. Blondel, Paris, Aubier, 2010, p. 51.
-
[39]
Alain, Idées, op. cit., p. 94.
-
[40]
Voir l’épisode tel que narré dans A. Baillet, La Vie de Monsieur Descartes, Paris, chez Daniel Hortemels, 1691, vol. I, pp. 122-123 ; comme le rappelle aussi Gabrielle Ferrières, c’est aussi par l’évocation de cet épisode que Jean Cavaillès, interne au camp de Saint-Paul-d’Eyjeaux, avait conclu une conférence sur « Descartes et sa méthode », rappelant qu’il « faut toujours savoir tirer l’épée » (G. Ferrières, Jean Cavaillès. Un philosophe dans la guerre, 1903-1944, avec une étude de son œuvre par G. Bachelard, Paris, Seuil, 1982, p. 166).
-
[41]
G. C., « 1er juillet – Naissance de Leibniz (1646) » (20 juillet 1927 ; Libres Propos), in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 172 ; le même épisode est rappelé par Canguilhem dans sa recension de « Maxime Leroy, Descartes, Le Philosophe au masque » (15 septembre 1929 ; Europe), in Œuvres, I, p. 253 ; voir infra, p. 12-13.
-
[42]
G. Canguilhem, « La Fin de l’Éternel, par Julien Benda » (20 janvier 1930 ; Libres Propos), in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 273.
-
[43]
Alain, Idées, op. cit., p. 94.
-
[44]
« [La] philosophie classique, […] c’est la philosophie à l’usage des classes » (H. Taine, Les Philosophes classiques du xixe siècle en France, 3e éd. revue et corrigée, Paris, Hachette, 1868, p. iv).
-
[45]
G. Canguilhem, « L’agrégation de philosophie » (mai 1932 ; Méthode), in G. Canguilhem, Œuvres, I, pp. 427-431) ; « Commentaires sur un article d’André Joussain, “L’enseignement de la sociologie” » (janvier 1933 ; Méthode), in Œuvres, I, pp. 437-439 ; et « R. Le Senne – Le Devoir » (février 1933 ; Méthode), in Œuvres, I, pp. 441-444.
-
[46]
Peut-être conviendrait-il de nuancer une telle affirmation si on se rapporte aux pratiques philosophiques concrètes de Canguilhem en classe : voir J. Picquemal, « G. Canguilhem, professeur de Terminale (1937-8) : un essai de témoignage », Revue de métaphysique et de morale, 1985, 90/1, pp. 63-83.
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[47]
G. Canguilhem, « L’agrégation de philosophie », art. cit., p. 427.
-
[48]
G. Canguilhem, « Examen des examens – Le Baccalauréat » (20 février 1930 ; Libres Propos), in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 275.
-
[49]
Idem.
-
[50]
Ibid., p. 276 ; sur le rapport de Canguilhem aux manuels, voir X. Roth, « Traité de logique et de morale : Présentation », art. cit., pp. 605-612.
-
[51]
G. Canguilhem, « Ce que pense la jeunesse universitaire française » (décembre 1926 ; Revue de Genève), in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 151.
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[52]
Ibid., p. 149.
-
[53]
G. Canguilhem, « Réflexions sur la création artistique chez Alain », Revue de métaphysique et de morale, 1952, 57/2, p. 181.
-
[54]
G. Canguilhem, « Le sourire de Platon » (15 mai 1929 ; Europe), in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 233.
-
[55]
G. Canguilhem, Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique (1943), repris dans G. Canguilhem, Le Normal et le Pathologique, 5e éd., Paris, Puf, 1994, p. 7.
-
[56]
Descartes, Discours de la méthode (1637), in Descartes, Œuvres philosophiques, textes établis, présentés et annotés par F. Alquié, Paris, Garnier, 1997, vol. I, p. 567.
-
[57]
À ce sujet, voir O. Reboul, L’Homme et ses passions d’après Alain, Paris, Puf, 1968 ; et G. Bianco, « Pacifisme et théorie des passions : Alain et Canguilhem », in M. Murat et F. Worms (dir.), Alain, littérature et philosophie mêlées, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 2012, pp. 135-136.
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[58]
Voir supra n. 18 ; une première édition de cet ouvrage avait été publiée en 1932 (toujours chez Hartmann), mais sans les chapitres sur Comte.
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[59]
Alain, Étude sur Descartes, Paris, Hartmann, 1928 ; dans l’édition de 1932 d’Idées, Alain avait ajouté des chapitres sur le Traité des Passions, l’homme-machine, les passions de l’âme, la générosité et les remèdes aux passions.
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[60]
Alain, Idées, op. cit., p. 96.
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[61]
Ibid., p. 121.
-
[62]
Ibid., pp. 122-123.
-
[63]
Ibid., pp. 108.
-
[64]
G. Canguilhem, « Le sourire de Platon », art. cit., p. 233.
-
[65]
G. Canguilhem, « Prolétariat, marxisme et culture » (décembre 1930 ; Libres Propos), in G. Canguilhem, Œuvres, I, pp. 329-330 ; on retrouve cette insistance sur le « matérialisme » comme méthode dans la brochure de 1935 sur Le Fascisme et les paysans (ibid., I, pp. 535-593) et les deux chroniques données aux Feuilles libres de la Quinzaine de la même année (« Chronique marxiste. – Actualité du marxisme », ibid., pp. 480-482 ; « La philosophie marxiste et l’enseignement officiel, par René Maublanc », ibid., pp. 482-484).
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[66]
G. Canguilhem, « De la vulgarisation philosophique – Une édition du Discours de la méthode » (20 juillet 1927 ; Libres Propos), in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 174.
-
[67]
G. Canguilhem, « Maxime Leroy, Descartes, Le Philosophe au masque », art. cit., p. 257.
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[68]
Ibid., p. 255.
-
[69]
Ibid., p. 253.
-
[70]
Ibid., pp. 256-257.
-
[71]
Alain évoque cette formule stendhalienne dans Idées : « Stendhal dit quelque part que Descartes paraît d’abord, en sa Méthode, comme un maître de raison, mais, deux pages plus loin, raisonne comme un moine » (Alain, Idées, op. cit., p. 91) ; l’original semble provenir de l’Histoire de la peinture en Italie (1817) : « On a vu Descartes déserter une méthode sublime et, dès le second pas, raisonner comme un moine » ([Stendhal], Histoire de la peinture en Italie, Paris, P. Didot l’ainé, 1817, t. II, p. 442).
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[72]
G. Canguilhem, « Maxime Leroy, Descartes, Le Philosophe au masque », art. cit., p. 256.
-
[73]
G. Canguilhem, « Le sourire de Platon », art. cit., p. 235.
-
[74]
Alain, Idées, op. cit., p. 92.
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[75]
Ibid., p. 135.
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[76]
G. Canguilhem, « La Fin de l’Éternel, par Julien Benda », art. cit., p. 273.
-
[77]
É. Boutroux, Des vérités éternelles chez Descartes, traduction par G. Canguilhem, préface de L. Brunschivcg, Paris, Alcan, 1927 ; cette traduction est reprise, sans la préface de Brunschvicg, en annexe II du premier volume des Œuvres de Canguilhem.
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[78]
Pour C. Limoges, que nous remercions pour ces précisions, c’est probablement à la demande de Brunschvicg que Canguilhem aurait réalisé cette traduction, peut-être pour rembourser le prêt qu’il avait contracté auprès de son frère lors de l’acquisition de l’édition Adam et Tannery des œuvres de Descartes ; voir supra p. 4 et la note 2, Œuvres, I, p. 254.
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[79]
G. Canguilhem, « Maxime Leroy, Descartes, Le Philosophe au masque », art. cit., p. 254.
-
[80]
G. Canguilhem, « La fin d’une parade philosophique : le bergsonisme », art. cit., voir supra n. 33.
-
[81]
Ibid., p. 222.
-
[82]
G. C., « Archives de la trahison des clercs » (20 novembre 1928 ; Libres Propos), in G. Canguilhem, Œuvres, I, pp. 206-209.
-
[83]
G. Petit et M. Leudet, Les Allemands et la science, préface de P. Deschanel, opinions de MM. A. Alexandre, E. Babelon, M. Barrès, M. Boule, É. Boutroux… etc., Paris, Alcan, 1916 ; sur cette « littérature de guerre », voir C. Prochasson et A. Rasmussen, Au nom de la patrie. Les intellectuels et la Première Guerre mondiale (1910-1919), Paris, La Découverte, 2010 ; A. Rasmussen, « La science française dans la guerre des manifestes 1914-1918 », Mots, 2004, 76, pp. 9-23.
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[84]
É. Boutroux, « La science allemande », in G. Petit et M. Leudet, Les Allemands et la science, op. cit., pp. 50-51.
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[85]
Ibid., p. 51.
-
[86]
Ibid., p. 50.
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[87]
Sur la dérive collaborationniste d’un grand nombre d’« alinistes », voir les indications bibliographiques fournies dans J.-F. Braunstein, « Introduction : À la découverte d’un “Canguilhem perdu’” », art. cit., p. 109, n. 3.
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[88]
É. Boutroux, Des vérités éternelles chez Descartes, op. cit., in G. Canguilhem, Œuvres, I, p. 954.
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[89]
G. Canguilhem, « Réflexions sur la création artistique chez Alain », art. cit., p. 104.
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[90]
V. Guillin, « Les études cartésiennes de Georges Canguilhem », art. cit., p. 67.
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[91]
Voir supra, n. 9.
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[92]
G. Boas, « The Ninth International Congress of Philosophy and the Second International Congress of Esthetics and the Science of Art », Journal of Philosophy, 1937, 34/21, pp. 568-569 [c’est nous qui traduisons].
-
[93]
D. S. Robinson, « The Cartesian Studies of the Ninth International Congress of Philosophy », Journal of Philosophy, 1938, 35/7, p. 182 [c’est nous qui traduisons].
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[94]
Idem.
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[95]
Alain, Souvenirs sans égards, op. cit., pp. 44-45.