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Article de revue

Le Traité théologico-politique dans la correspondance de Spinoza

Pages 41 à 57

Notes

  • [1]
    La question de la religion dans la correspondance de Spinoza est un autre sujet. On en trouve une présentation dans Victor SANZ SANTACRUZ, « La religión en la correspondencia de Spinoza (I) : La relación Blyenbergh-Spinoza », Pensamiento, no 207 (1997), p. 453-472; « La religión en la correspondencia de Spinoza (II) : Velthuysen-Spinoza », Pensamiento, no 214 (2000), p. 27-51.
  • [2]
    Ep. 19.
  • [3]
    Ibid.
  • [4]
    Ep. 21.
  • [5]
    Ep. 23.
  • [6]
    Ep. 21.
  • [7]
    « [...] dans mon Éthique (non encore publiée) » (Ep. 23, G [Gebhardt, vol. 4, page...] 151; A [Appuhn, page...] 221).
  • [8]
    Ep. 30.
  • [9]
    Ep. 29.
  • [10]
    Ep. 7.
  • [11]
    Ep. 11.
  • [12]
    D’après F. Mignini, il ne s’agirait pas du TIE, mais de la KV, ce que Steven Nadler trouve peu convaincant; voir Steven NADLER, Spinoza, a life, Cambridge University Press, 1999, p. 372, n. 61 (trad. : Spinoza, une vie, Paris, Bayard, 2003, p. 211, n. 62).
  • [13]
    Ep. 8.
  • [14]
    Ep. 30.
  • [15]
    Ep. 31.
  • [16]
    Ep. 44.
  • [17]
    Ep. 46. Dans sa lettre du 14 novembre 1675 (Ep. 70), Schuller écrit à Spinoza que « Leibniz fait grand cas du Traité théologico-politique et [lui] a écrit une lettre à son sujet ».
  • [18]
    D’après K. O. Meinsma, c’est grâce à Urbain Chevreau qui lui aurait lu des extraits des Principes de la philosophie de Descartes que le prince, qui avait déjà créé une chaire de droit naturel pour Pufendorf, aurait fait inviter Spinoza (voir K. O. MEINSMA, Spinoza et son cercle. Étude critique historique sur les hétérodoxes hollandais, Paris, Vrin, 1983, p. 407). Voir aussi Pierre CLAIR, « Spinoza à travers les journaux en langue française à la fin du XVIIe siècle », Cahiers Spinoza, no 2, Éditions Réplique, 1978, p. 209-210.
  • [19]
    Cette conclusion est à maintenir alors qu’il est possible que la lettre exprime les sentiments du conseiller plus que ceux du prince, voire qu’elle ait été rédigée de façon à produire le refus de Spinoza.
  • [20]
    Ep. 63.
  • [21]
    Ep. 80. Il s’agit de Pierre-Daniel Huet (1630-1721), ami de Leibniz, évêque d’Avranches en 1685.
  • [22]
    De façon générale cependant, le Traité « n’a pas été l’objet en France d’une diffusion considérable, même après la traduction posthume de 1678 », écrit Paul Vernière (Spinoza et la pensée française avant la Révolution, t. I, Paris, PUF, 1954, p. 159).
  • [23]
    Voir André TOSEL, « Le Discours sur l’histoire universelle de Bossuet : une stratégie de dénégation du Traité théologico-politique », dans L’Hérésie spinoziste, la discussion sur le « Tractatus theologico-politicus », 1670-1677, et la réception immédiate du spinozisme, Actes du colloque international de Cortona, 10-14 avril 1991, Apa-Holland University Press, Amsterdam et Maarssen, 1995, p. 97-105.
  • [24]
    Ep. 83.
  • [25]
    En effet, la Demonstratio evangelica, dont il s’agit ici, paraît à Paris en 1679, tandis qu’un autre écrit contre le Traité théologico-politique, Quaestiones Alnetanae de concordia rationis et fidei, paraîtra à Caen en 1690.
  • [26]
    Ep. 67.
  • [27]
    « Misérable homuncule, vil ver de terre, que dis-je, cendre, pâture des vers... » (G 283; A 319-320).
  • [28]
    On trouve quasiment les termes du credo de l’Église (le « symbole des apôtres ») : tant d’hommes « affirment que le Christ, fils du Dieu vivant, s’est fait chair, a souffert et a été mis en croix, est mort pour les péchés du genre humain, est ressuscité, a été transfiguré et, en sa qualité de Dieu, règne dans les cieux avec le Père éternel uni au Saint-Esprit... » (G 285; A 322).
  • [29]
    Ep. 76 (G 318; A 342).
  • [30]
    Ibid. (G 322; A 344).
  • [31]
    Ibid. (G 323-324 ; A 345).
  • [32]
    Cette lettre se trouve dans l’édition de Gebhardt sous le numéro 67 bis; elle n’est traduite ni par Appuhn ni dans l’édition de la Pléiade qui estime qu’elle appartient à la correspondance complète de Stensen plutôt qu’à celle de Spinoza (voir p. 1274). Elle figure désormais dans toutes les éditions modernes.
  • [33]
    G 297.
  • [34]
    G 298; Burgh avait déjà donné saint Augustin en exemple (G 290; A 326).
  • [35]
    « [...] me tibi offero promptissimum ad examinanda tecum omnia illa argumenta, quae circa veram securitatis verae viam inveniendam, et tenendam examinare placuerit » (G 293).
  • [36]
    G 292.
  • [37]
    Sur ces points, voir G 293.
  • [38]
    G 294-295.
  • [39]
    G 295.
  • [40]
    G 296.
  • [41]
    Ibid.
  • [42]
    « N’hésitons donc pas, Monsieur, à établir entre nous un commerce d’amitié bien sincère et à entretenir cette amitié par tout genre de bons offices » (Ep. 1 [G 5; A 121]).
  • [43]
    « Pour juger à quel point votre amitié m’agrée... » (Ep. 2 [G 7; A 122]).
  • [44]
    Ep. 1,2,3,4,5,6,7,11,13,14,16,25,26,29,30,31,32,33,34.
  • [45]
    Ep. 71 et 72. Oldenburg eut, semble-t-il, une réaction très négative au Traité, en 1670, dans une lettre aujourd’hui disparue. Voir Steven NADLER, Spinoza, a life, p. 329; trad. p. 386.
  • [46]
    Spinoza doit ajourner la publication de l’Éthique : « la situation paraît s’aggraver chaque jour... » (Ep. 68 [G 299; A 328]).
  • [47]
    Ainsi, Oldenburg : « Vous me reprochez ma brièveté excessive... » (Ep. 74 [G 309; A 336]). Ou encore : « Les explications contenues à ce sujet dans votre dernière lettre ne me paraissent pas encore concluantes et ne donnent pas apaisement à l’esprit » (Ep. 77 [G 325; A 345]). Et enfin : « Dans votre dernière lettre [...] il y a encore quelques passages qui me semblent mériter un examen sévère » (Ep. 79 [G 329; A 348]).
  • [48]
    Ep. 61 : « Theologorum vulgus, et receptae Confessionum Formulae ».
  • [49]
    Ep. 68.
  • [50]
    Ep. 73 et 75.
  • [51]
    Ep. 73.
  • [52]
    Ep. 75.
  • [53]
    Ep. 78.
  • [54]
    Ep. 75.
  • [55]
    Ep. 79.
  • [56]
    Ep. 42.
  • [57]
    Lettre à Mersenne, mars 1637 (ou février, selon les éditeurs).
  • [58]
    Georges Friedmann parle de « pamphlets acerbes, exaltés » (G. FRIEDMANN, Leibniz et Spinoza, Paris, Gallimard, 1946, p. 176). Voir aussi K. O. MEINSMA, Spinoza et son cercle, p. 387.
  • [59]
    R. H. Popkin, « The first published reaction to Spinoza’s Tractatus : Col. J. B. Stouppe, the Condé circle, and the Rev. Jean Le Brun », dans L’Hérésie spinoziste, p. 6-12.
  • [60]
    Autre indice de la circulation de cette lettre, le pasteur remontrant Philips Van Limborch écrit à Velthuysen dès le 13 septembre 1671 : « J’ai confié ton jugement sur le livre de Spinoza à M. Nieuwpoort qui, j’en suis sûr, te l’a déjà retourné. Tout à fait d’accord avec toi : dans son traité l’auteur enseigne adroitement et à mots couverts l’athéisme. » Cette lettre est publiée dans K. O. MEINSMA, Spinoza et son cercle, p. 518-519.
  • [61]
    Regards sur la Hollande du siècle d’or, Vivarium, Naples, 1990, p. 338.
  • [62]
    Ibid., p. 696.
  • [63]
    K. O. MEINSMA, Spinoza et son cercle, p. 216.
  • [64]
    Ibid., p. 328. Voir aussi Catherine SECRÉTAN, « Partisans et détracteurs de Hobbes dans les Provinces-Unies du temps de Spinoza », Bulletin de l’Association des Amis de Spinoza, no 2 (1979), p. 1-13.
  • [65]
    Ep. 43.
  • [66]
    « [...] breviter ostendam, quam ille sinistre meam mentem interpretatus sit » (G 219; A 272).
  • [67]
    Selon son habitude, Spinoza ne prend pas l’initiative d’une discussion, il « répond » : il s’explique par rapport à des questions ou des affirmations qui lui sont adressées. Voir Pierre-François MOREAU, « Quelques questions sur la correspondance de Spinoza », Rivista di filosofia neo-scolas-tica, no 4 (2001), p. 571-579. Ici, il dépasse la simple réponse d’éclaircissement pour apporter une position globale (requise par une critique elle-même globale) qui fixe le cadre dans lequel interpréter le Traité théologico-politique par rapport à une orientation philosophique ou religieuse.
  • [68]
    Ep. 69.

1Le Traité théologico-politique a dû représenter un événement tout à fait spécifique et exceptionnel dans la vie de Spinoza : non seulement par ses thèses et ce qui s’y engage (on pourrait en dire au moins autant de l’Éthique, ou de ses autres écrits), mais par le fait même de sa publication (1670), puisqu’il s’agit de l’œuvre majeure publiée de son vivant. Il y a donc un intérêt spécial à étudier la correspondance de Spinoza, pour y rechercher à la fois des traces de l’élaboration de ce texte et des réactions à sa publication, susceptibles d’en éclairer la compréhension. L’intérêt se redouble car le Traité est la seule œuvre qui puisse se prêter à cet examen (les Principes ont un autre statut, et d’ailleurs leur publication coïncide approximativement avec le début de la correspondance) : un tel examen ne renvoie alors pas seulement à des questions philosophiques ou théologiques particulières, mais à une œuvre en tant que telle, à un système d’argumentation connu et discuté [1].

AVANT 1670, DES THÈMES ET DES ENJEUX

2Les lettres d’avant la publication nous apprennent assez peu de choses sur la nature du Traité, tout en montrant que se constitue peu à peu un univers de pensée. Elles expriment à la fois des thèmes et des enjeux.

Des thèmes

3De décembre 1664 à juin 1665, la correspondance avec Blyenbergh est suscitée par la publication des Principes de la philosophie de Descartes et des Pensées métaphysiques. Dans le cadre d’une discussion sur le problème du mal, sont développées des considérations sur la nature de Dieu, l’identité de la volonté et de l’entendement en Dieu [2], mais aussi des questions d’ordre plus théologique, spécialement proches du Traité : l’Écriture adopte un langage anthropomorphique à usage du vulgaire de sorte que les prophètes présentent leurs enseignements comme des lois, au moyen de paraboles, à la différence des philosophes qui « pratiquent la vertu par amour » de la vertu [3]; son objet n’est pas la spéculation, il est d’« aimer Dieu par-dessus toutes choses et son prochain comme soimême [4] »; elle tire son autorité d’être Parole de Dieu et non d’enseigner la vérité, ce qui conduit à séparer la philosophie de la théologie car seul l’entendement naturel a rapport à la vérité [5]. On reconnaît des thèses du Traité : statut de la philosophie et de la théologie, nature de l’Écriture, question du salut, référée à la philosophie ou à l’Écriture; ainsi, par exemple, la thèse du salut de tous, formulée à la fin du chapitre XV, est avancée ici de manière indirecte : « Mon entendement est incapable en raison de son exiguïté de déterminer tous les moyens par lesquels Dieu peut conduire les hommes à l’amour de lui, c’est-à-dire au salut [6]. » Le Traité est donc présent mais de manière indirecte par ce qui est dit de l’Écriture ou de son rapport à la philosophie ; il n’est pas mentionné explicitement, à la différence des Principes de la philosophie ou même déjà de l’Éthique[7]. Cela se comprend puisqu’il s’agit d’une correspondance qui se situe au début de sa rédaction, dont les thèmes sont imbriqués avec ceux de l’Éthique, mais il s’agit précisément de « thèmes », ou de considérations requises par l’argumentation d’un correspondant. Il faut y voir un indice de la gestation du Traité, sans qu’aucune indication puisse être tirée quant à son projet.

4C’est aussi à cette époque (septembre 1665) qu’une lettre d’Oldenburg, dont la correspondance avec Spinoza est d’ailleurs engagée depuis 1661, fait indirectement mais clairement allusion au Traité (ce que confirmera Spinoza dans sa réponse [8] ) : « Pour vous, je vois que vous vous occupez moins de philosophie, si l’on peut dire, que de théologie, puisque vous rédigez vos pensées sur les Anges, la prophétie, les miracles. Mais probablement vous le faites dans un esprit philosophique. Quoi qu’il en soit, je suis certain que l’ouvrage sera digne de vous et j’ai le plus vif désir de le connaître [9]. » Si la référence est allusive, on y reconnaît cependant des thèmes qui correspondent à la toute première partie du Traité (les anges sont mentionnés dans les deux chapitres sur la prophétie et les prophètes). Il s’agit en tout cas de la première mention d’un traité auquel travaille Spinoza.

Des enjeux

5Mais à côté de thèmes plus ou moins clairement exprimés, on décèle aussi l’évocation d’enjeux liés au contexte de l’époque et dont on voit qu’ils sont à l’origine du Traité. Ainsi, dès 1662, Oldenburg invite-t-il Spinoza à publier librement ce qu’il a pu composer « tant sur la philosophie que sur la théologie », à ne pas craindre ce qu’il appelle les « grognements [des] théologastres », à bannir « toute crainte d’irriter les homuncules [les avortons] de notre temps »; en effet, « il est temps d’aller à toutes voiles vers la vraie science et de scruter les « secrets de la nature plus avant qu’on ne l’a fait jusqu’ici [10] », à quoi s’ajoute une allusion au danger d’imprimer, moindre aux Pays-Bas qu’à Londres. L’année suivante, il lui demande s’il a « achevé cet ouvrage d’un si haut intérêt où [il traite] de l’origine des choses, de leur dépendance de la cause première, comme aussi de la purification de notre entendement », et l’invite à nouveau à ne pas se préoccuper « des théologiens de notre siècle abâtardi, moins soucieux de la vérité que de leur intérêt propre [11] »; le propos concerne alors la Réforme de l’entendement, voire le Court Traité[12], mais l’enjeu perçu est bien le même, dans cette manière d’évoquer la force des objecteurs, la contrainte, voire le danger qu’elle fait peser sur la nouvelle philosophie. Enfin, entre-temps Simon De Vries avait demandé l’aide amicale de Spinoza pour « défendre, contre la superstition religieuse, les vérités chrétiennes et soutenir l’assaut du monde entier [13] ». Si l’accent est différent, mention est toujours faite d’un contexte religieux difficile.

6Ces quelques lettres permettent donc de distinguer un ensemble où se montrent à la fois des thèmes et des enjeux : les thèmes annoncent quelques-uns de ceux que le Traité développera; les enjeux sont déjà de crise et de combat : des adversaires sont identifiés, la liberté est menacée par des forces passionnelles, la vérité est en cause. Mais cela ne constitue encore qu’un ensemble assez indéterminé, dans lequel seule une lecture rétrospective peut repérer en quoi le Traité est concerné. Thèmes et enjeux sont encore allusifs, juxtaposés en fonction de l’intervention des correspondants. C’est là que prend tout son relief la lettre bien connue à Oldenburg, où Spinoza reconnaît pour la première fois qu’il compose un traité pour expliquer comment il envisage l’Écriture et énumère ses motifs pour l’entreprendre [14]. Dans un espace de thèmes et d’enjeux encore indéterminé, ou non encore construit, il fait maintenant le lien entre les premiers et les seconds ; par là, il indique son projet : dans la réfutation des préjugés des théologiens et du vulgaire, établir « par tous les moyens [...] la liberté de philosopher et de dire notre sentiment ». Une ferme détermination est posée; elle oriente la démarche à venir. Oldenburg en prend aussitôt acte, sans mesurer peut-être entièrement la force du projet car s’il approuve les motifs indiqués par Spinoza, il ne les prolonge pas pour autant par ses réactions [15]. Cinq années avant sa publication, le projet radical du Traité est donc clairement affirmé; la correspondance n’y fera plus référence dans les années qui suivent.

APRÈS 1670, DES INFORMATIONS

7C’est en fait la correspondance postérieure à la publication du Traité qui est la plus riche d’enseignements, car elle éclaire la réception de l’œuvre.

8On y trouve d’abord des informations historiques. Dès le 17 février 1671, Spinoza indique à Jarig Jelles qu’il a entendu parler par l’un de ses visiteurs d’une traduction hollandaise sur le point d’être imprimée [16]. Il y a là plusieurs informations : d’une part, le Traité a été traduit très rapidement et il s’est trouvé quelqu’un pour en assurer l’édition, cela en dehors de tout contrôle de Spinoza, ce qui ne laisse pas d’étonner ; d’autre part, Spinoza s’oppose à cette impression, soutenu en ce point par beaucoup de ses amis et connaissances, car il est certain, ils sont certains que le livre serait interdit s’il était publié en hollandais. Il y a donc très tôt comme une dramatisation de ce texte, qui passe par la prise de conscience de ce qu’il ébranle dans l’espace public. Spinoza était d’ailleurs encore trop optimiste, puisque même l’édition latine allait être rapidement interdite, en 1674.

9En novembre de cette même année 1671, dans un appendice à la réponse qu’il lui adresse au sujet de questions d’optique, Spinoza propose à Leibniz de lui envoyer un exemplaire du Traité[17]. En février 1673, l’électeur palatin, Karl Ludwig, frère de la reine Christine de Suède, propose à Spinoza une chaire à Heidelberg par l’entremise de son conseiller Fabritius : signe que, au moins au-delà des frontières de son pays, la réputation de Spinoza pouvait être positive [18]. Du Traité il n’est pas question dans l’invitation, mais on peut douter qu’il ait été absent des motivations puisqu’il y est fait implicitement référence, et cela de manière assez contradictoire : la liberté de philosopher reconnue à Spinoza sera la plus grande, mais devra se pratiquer sans abus quant à la religion établie. Il y a manifestement du non-dit dans cette remarque : ce ne peut guère être que la notoriété de Spinoza, à la suite de l’œuvre publiée, qui suscite l’invitation, d’autant que si un point est mentionné, c’est celui qui est au cœur du Traité, la liberté de philosopher, mais avec cette restriction qui perçoit bien ce que le débat implique pour la religion. Et d’ailleurs, Spinoza ne s’y trompera pas puisqu’il déclinera une invitation dont les termes sont en pure contradiction avec son projet. Cette correspondance parle donc bien du Traité mais en creux, comme d’un texte présent dans les motifs de l’invitation, et qui pourtant doit être absent, refoulé du discours public de l’enseignement : traité paradoxal, fascinant et dangereux, dont il y a à se rapprocher et à s’écarter tout à la fois, signe de la fluctuatio animi de ceux qui avouent ainsi ne pas être entrés dans la démarche proposée au lecteur [19].

10Enfin, en juillet 1675, Schuller écrit à Spinoza que Boyle et Oldenburg ont de lui l’opinion la plus favorable et tiennent le Traité en la plus haute estime [20]. En revanche, en mai 1676, Tschirnhaus a « appris de M. Leibniz que le précepteur du Dauphin de France, appelé Huet, un homme d’un savoir étendu, doit écrire sur la vérité de la religion et réfuter » le Traité[21]. Cette dernière indication, plus inquiétante, montre en même temps la diffusion de l’ouvrage en très haut lieu en France [22], d’autant que Huet était précepteur du Dauphin avec Bossuet, dont on connaît aussi la position anti-spinoziste [23]. D’ailleurs, dans l’avantdernière lettre connue de lui [24], Spinoza demandera à son correspondant si la réfutation a vu le jour, et de la lui faire parvenir, mais celle-ci ne paraîtra pas de son vivant [25]. De manière toute symbolique, la correspondance de Spinoza s’achève donc sur la perspective d’une nouvelle réfutation, indice supplémentaire et comme définitif de la crise ouverte par le Traité.

APRÈS 1670, DES RÉACTIONS DÉCISIVES

11Mais à côté de ces informations isolées, de type historique, la correspondance d’après 1670 contient des réactions développées, particulièrement significatives. Elles sont de trois types : apologétique, dialogal, interprétatif, ce dernier étant celui qui importe le plus à la compréhension et à la réception du Traité.

De type apologétique

12Parmi les lettres de type apologétique, se trouve la correspondance « florentine » : les lettres adressées de Florence à Spinoza par Albert Burgh et Niels Stensen.

13Après avoir étudié avec zèle sous la direction de Spinoza, Burgh [26] s’était converti au catholicisme deux ans auparavant. Le jeune homme adresse à son ancien maître une sévère remontrance : sa philosophie est chimère et illusion, elle prétend à la vérité mais n’est qu’un fondement misérable sur lequel il est vain de faire reposer paix de l’âme et salut éternel; et il conclut sur un vigoureux appel à la conversion, appelant Spinoza à reconnaître sa « sage déraison ». Dans le corps de la lettre, le Traité est d’abord évoqué comme un « livre [au] titre impie », qui procède par « ruse diabolique » pour semer la confusion entre sa philosophie et sa théologie : le reproche de perversion est déjà définitif. Quelques thèses sont ensuite rappelées : l’Écriture ne peut s’expliquer par elle seule, elle nécessite de recourir à l’Église et aux traditions apostoliques ; Spinoza blasphème car il n’a pas foi dans le Christ, il nie ce qui le concerne dans les récits de sa vie et de sa passion, il recouvre signes et miracles sous un « bavardage vain et futile ». Une longue digression, dont la rupture de perspective indique bien aussi quelque faille dans le raisonnement, lui reproche de ne pouvoir expliquer par ses positions philosophiques de nombreux phénomènes de la nature, non seulement « l’essence des choses », mais, plus curieusement, « ce qui se produit dans les sortilèges et les incantations », l’existence de la « baguette divinatoire servant à découvrir les métaux enfouis et les sources souterraines », voire « la pierre cherchée par les alchimistes ». Enfin est exposée une apologie de l’Église. Dans tout cela, il n’y a nulle place pour une discussion : la réaction est passionnelle au premier degré, mêlant reproche d’athéisme, injures [27], appels répétés à la conversion, confession de foi [28], arguments en faveur de l’Église romaine.

14Spinoza aurait pu ne pas répondre, gardant le silence du mépris ou de l’impuissance à convaincre; il reconnaît d’ailleurs y avoir pensé, mais a été persuadé de répondre au nom d’une fidélité ancienne : on voit là un ressort de la correspondance, le désir d’établir, de maintenir, voire de restaurer des liens d’amitié, même dans des cas limites. Le ton de la réponse n’est certes pas paisible, il est même très polémique sur le fond, mais n’en vient jamais au style du correspondant ; il s’en tient à des arguments qui ont rapport au Traité. D’une part, Spinoza renverse l’apologie de l’Église en montrant que c’est de l’esprit du Christ qu’il s’agit, que le signe de la vraie foi est « la possession véritable du Saint-Esprit [29] »; on retrouve ici, notamment par la référence à la première épître de Jean, la tonalité du chapitre XIII du Traité; ce n’est pas la force de l’Église mais celle de « tous ceux qui confessent le nom du Christ [30] » qu’il faut louer. D’autre part, il renvoie aux démonstrations des chapitres VII et XV pour maintenir que « l’Écriture doit s’expliquer par l’Écriture seule [31] ».

15L’attitude de Burgh est donc de type réactif ou exhortatif; elle prend position moins sur les enjeux intellectuels du Traité que sur l’attitude religieuse qu’elle lui associe; elle appelle à s’en écarter au nom de convictions personnelles ; ni par ses objections ni par son style elle ne permet le débat ou des éclaircissements. Elle illustre un type de réaction qui ne peut que rester sans suite.

16La lettre de Niels Stensen (Steno), scientifique danois établi alors à Florence, est antérieure à la précédente : rédigée en 1671, elle ne fut toutefois publiée qu’en 1675, et omise dans les Opera posthuma[32]. Se présentant comme une réaction au « livre » dont bien des raisons permettent de penser que Spinoza est l’auteur, elle s’inscrit aussi dans le genre apologétique. Sans concession, elle fait remarquer à Spinoza que son « âme est morte », qu’à s’en tenir à des démonstrations étroites il lui manque « la connaissance et l’amour de notre auteur » (Dieu), qu’il suffit de s’en tenir aux principes des Anciens dont la sainteté démontre la vérité doctrinale [33]; elle se conclut avec fermeté par un appel à reconnaître ses erreurs, à se « rétracter », devenant un « nouveau saint Augustin [34] », après avoir d’ailleurs évoqué et cité l’apologète Justin dans son Dialogue avec le Juif Tryphon. Cependant, elle diffère de la lettre précédente par la forme et le fond. Par la forme : elle se veut cordiale, évoquant l’ancienne amitié, la souhaitant toujours actuelle; elle s’offre à partager des arguments [35] plus qu’à les asséner. Et par le fond, étroitement lié à la forme, elle argumente en entrant dans le langage de Spinoza pour voir comment en réaliser au mieux le projet, n’hésitant pas à prévenir ses objections lorsque le terrain est manifestement plus difficile.

17Ainsi, puisque le Traité se réfère entièrement à la « sécurité publique [36] » (ce point est nouveau par rapport aux correspondants précédents), c’est de là qu’il faut partir en examinant ensemble ce qui permet de trouver et de conserver la « sécurité authentique ». Par un glissement de sens, Stensen montre que c’est l’Église qui promet à tous la vraie sécurité puisqu’elle assure « une sécurité éternelle », une « paix stable » au moyen du pardon des péchés, par une co-opération de l’homme au salut, dont la réalisation dépend de l’« esprit du Christ », notion chère à Spinoza. Autrement dit, Stensen part du projet spinoziste de paix et de sécurité, le déplace dans une direction théologique, et en outre va argumenter en décrivant « la forme et le but du régime chrétien » pour que « cela ne [lui] paraisse pas totalement étranger à la raison [37] ». La démarche se veut rationnelle, pour conclure que le christianisme « vise à ce que l’âme passe de l’état de mort à l’état de vie », que c’est seulement là « que l’on trouve la vraie philosophie qui enseigne sur Dieu des choses dignes de Dieu et sur l’homme des choses adéquates à l’homme, et qui le guide pour réaliser la véritable perfection de toutes les actions [38] ». La dimension éthique du projet, la volonté d’exprimer au plus juste la nature de Dieu et de l’homme à partir d’arguments qui conduisent à la vraie philosophie, cela ne pouvait heurter de front Spinoza, même si par ailleurs il ne pouvait être dupe de l’orientation de son correspondant ; en s’inscrivant dans une argumentation fondée en raison, attentive à des orientations majeures du philosophe, la lettre acceptait de se tenir sur le terrain d’un débat. Le deuxième argument utilisé pour confirmer la « sécurité authentique », fondé sur les exemples de vertu et de conversion dans l’histoire de l’Église, se heurte à une difficulté lorsqu’il évoque des « œuvres souvent miraculeuses » rencontrées dans cette histoire. « Je sais bien ce que vous pouvez objecter aux miracles [39] », reconnaît prudemment Stensen, mais lorsqu’il voit le plus grand des miracles dans le fait que des hommes se sont convertis à la vertu après des dizaines d’années passées dans la malice, on comprend que Spinoza, qui objecte aux miracles, ne peut objecter à ce sens précis du miracle, un sens éthique dû à un glissement de sens. L’argumentation est habile, habile encore lorsque dans son intention de découvrir dans l’histoire de l’Église « une évidence de crédibilité », Stensen invite à considérer « la nécessité des bonnes œuvres » et à examiner « nos écrits » en se délivrant des « préjugés [40] » : après tout, il ne fait que demander à Spinoza d’appliquer à la lettre son Traité : examiner un texte à la manière de l’enquête historique et repérer les pratiques conformes au bien. Stensen a été un bon lecteur; à Spinoza d’en prendre acte en lisant bien Stensen qui l’a bien lu. Le dernier point concerne l’autorité du pontife romain : l’unité de la foi et le lien de la charité supposent une seule tête qui assure permanence aux matières de droit divin, les dogmes donnés par Dieu et transmis par les apôtres [41]. La raison invoquée est de nature à la fois théologique et politique puisqu’elle a trait à l’existence d’une société, l’Église; justement fondée ou non, elle évite la polémique et l’intolérance.

18Tout en se voulant cordiale et argumentée, cette lettre n’en est pas moins ferme quant à sa finalité apologétique puisque, partant du Traité, elle veut convaincre Spinoza de la vraie philosophie, de son erreur à lui, et l’amener à se rétracter. Le propos est sans ambiguïté. Il aurait été intéressant d’avoir la réponse de Spinoza pour la comparer à la réponse faite à Burgh; cela nous aurait beaucoup appris sur la manière dont Spinoza réagissait aux propos de ses lecteurs en fonction du contenu et du style de leur argumentation, puisque ces deux lettres relevaient du même genre apologétique. En l’état actuel, la réponse de Spinoza n’existe pas. Mais après tout, peut-être n’a-t-elle même jamais existé. Si les arguments avancés étaient de nature à susciter une réponse, on peut aussi penser, paradoxalement, que la lettre rendait la réponse difficile, voire inutile, précisément parce qu’elle était modérée quant au ton mais sans ambiguïté quant au but. Pourquoi et comment réagir à des arguments non polémiques mais trop ostensiblement liés à une dogmatique confessionnelle pour entrer dans la logique du Traité ? Pourquoi et comment discuter avec une invitation à se rétracter et à se convertir, qui de toute façon ne pouvait être dans les intentions de Spinoza ?

19Les lettres de Burgh et de Stensen, différentes et proches à la fois, montrent donc une certaine modalité de réception, une modalité qui n’entre pas encore dans la logique du Traité.

De type dialogal

20Le modèle dialogal suppose une relation d’amitié. Avec Oldenburg, celle-ci est ancienne puisque c’est déjà sur ce mode que s’ouvrait la première lettre de la correspondance de Spinoza dès août 1661 à l’initiative du savant anglais [42], mode aussitôt partagé par Spinoza [43]. Le ton ne se dément pas tout au long de la première partie de leur correspondance, à dominante scientifique [44]. Et lorsqu’elle reprend en 1675 au sujet du Traité, après dix années d’interruption, le ton se maintient sur ce même registre [45], d’autant plus fort que dans un contexte de crise [46] le danger rend cette relation compromettante. Le dialogue suppose cependant un deuxième registre, celui de la vérité, sans laquelle il serait pure relation spéculaire, faussement dialogale. Or, de ce point de vue, la correspondance avec Oldenburg n’est jamais de complaisance, elle montre même une certaine vivacité [47]. Mais précisément, c’est l’amitié portée par la vérité, l’amitié vraie, qui permet ici le dialogue, c’est-à-dire cette forme de correspondance où des questions appellent et permettent une réponse, alors qu’il y a des questions, qui sont des mises en question, et qui empêchent les réponses, comme on le voyait dans le genre précédent : il n’y a pas de réponse à Stensen, tandis que la réponse à Burgh est une non-réponse en tant que fin de non-recevoir.

21Concernant la réception du Traité, une indication précise est donnée, puisque, ayant avancé que celui-ci pouvait être critiqué par « la masse des théologiens et les formulaires confessionnels en usage [48] », Oldenburg est invité par Spinoza à dire clairement quels sont les passages qui peuvent arrêter les savants [49] ou qui ont choqué les lecteurs [50]. Il mentionne : la confusion de Dieu et de la nature, la critique des miracles, ce qui concerne le Christ. Les deux premiers points seront traités conformément aux thèses bien connues de l’ontologie du Traité (et de l’Éthique), mais c’est sur le troisième que Spinoza apportera le plus de précisions et de nouveauté : il n’est pas nécessaire au salut de connaître le Christ selon la chair, mais il en est autrement du fils éternel de Dieu; Dieu n’a pas pris une nature humaine [51]; la résurrection est « toute spirituelle, elle n’a été révélée qu’aux seuls fidèles par un moyen à leur portée [52] »; elle doit s’entendre dans un sens allégorique [53]. À travers cela s’exprime aussi une certaine tonalité dans la manière de parler du Christ, de sa sainteté, de son éternité enfin [54], qui n’est pas sans évoquer la dernière partie de l’Éthique. Au terme, cependant, Oldenburg ne sera convaincu sur aucun des trois points [55].

22Ce genre dialogal, même partiel (si on songe qu’Oldenburg reste plus que réticent quant aux vues de Spinoza) fait donc entrer réellement dans le Traité. Spinoza doit rendre compte de points essentiels qui portent à la fois sur des contenus de pensée et sur leurs conséquences quant à la manière de se situer par rapport à la religion. Mais ces points, choisis par son correspondant, restent partiels. La première partie du Traité n’est évoquée que de façon très limitée (les miracles, le Christ), la deuxième est ignorée, et quant au projet d’ensemble (la liberté), il n’est pas mentionné. Cette correspondance est instructive par son style et ses prises de position; elle est significative mais en son ordre seulement, car elle ne donne qu’un accès partiel au Traité. Si elle est révélatrice d’une amitié exigeante, elle relève encore d’un cercle privé.

De type interprétatif

23Le troisième type de réaction, le plus décisif, peut être dit interprétatif : il considère le Traité dans son ensemble et avance une prise de position globale.

24En réponse à une sollicitation de son correspondant Jacob Osten, Lambert Van Velthuysen [56] fait part de son « opinion et de son jugement » sur le livre intitulé « Discours théologico-politique », dont il dit ignorer l’auteur; il entend non seulement résumer l’opinion de cet auteur mais indiquer aussi « ses dispositions à l’égard de la religion ». D’ailleurs, et sans qu’il y ait à majorer ce point, il parle de manière approximative d’un « discours », non d’un traité, et confirmera une fois encore cette expression à la fin de la lettre. Or cette imprécision de vocabulaire est peut-être significative. On se souvient que Descartes avait choisi d’appeler son texte de 1637 sur la méthode « discours » et non « traité », pour éviter précisément le caractère systématique de l’exposé [57]. Ici donc, parler d’un discours, n’est-ce pas déjà en réduire délibérément la scientificité, et donc la portée par rapport au projet de son auteur ?

25À vrai dire, Velthuysen va présenter un résumé plutôt correct de l’ensemble du Traité, tout en exprimant à la marge, en introduction et en conclusion, son propre sentiment. On reconnaît en effet les grandes thèses du Traité. Sur Dieu : nécessité, identité avec l’univers, unité de la volonté et de l’entendement, refus d’une fonction de juge suprême, critique du miracle. Sur la vertu : elle est à elle-même sa propre récompense, elle est enseignée par les prophètes. Sur l’Écriture : elle n’enseigne pas la vérité mais les moyens de la vertu, elle doit s’interpréter selon son sens littéral. Sur le culte : il est réglé par les magistrats pour son expression publique; ceux-ci ont à faire régner justice et honnêteté dans l’État, à accepter des religions différentes pourvu qu’elles ne menacent pas la paix publique, tandis qu’un particulier a droit à son opinion propre; il n’y a pas d’élection du peuple juif; les docteurs du Nouveau Testament (ainsi Paul et Jacques) ont exprimé des arguments divers par « prudence apostolique » en fonction de leurs auditeurs mais dans l’unique visée du salut; l’exemple du Christ confirme que seul l’amour des vertus conduit à la félicité. Les résumés plus contestables concernent : Dieu « architecte et fondateur de l’univers », compris comme fatum; ou encore l’Écriture lorsqu’il est reproché à Spinoza d’introduire deux langages chez les prophètes (le dogme et le récit), et, dans une formulation un peu étrange, de refuser le rôle de la raison et de la philosophie dans son interprétation. À cela près, le résumé est plutôt fidèle et complet, d’autant qu’il évoque aussi la partie politique du Traité, à la différence des autres correspondants.

26Mais si le résumé est fidèle, il n’en est que plus redoutable. En effet, la conclusion de la lettre est abrupte et inattendue : une telle doctrine renverse et détruit de fond en comble tout culte et toute religion, elle introduit un athéisme dissimulé, elle forge un Dieu qui ne suscite aucun respect puisqu’il est soumis au fatum, qu’il n’est ni provident ni rétributeur; l’autorité de l’Écriture est ruinée, elle n’est mentionnée que pour la forme; d’autres écritures, le Coran en particulier, ont même valeur que la Parole de Dieu puisque Dieu fait d’autres révélations aux nations. La dernière phrase est des plus définitives : « Je pense donc ne pas m’être éloigné beaucoup de la vérité ni avoir fait tort à l’auteur si je le dénonce comme enseignant un pur athéisme au moyen d’arguments cachés et dissimulés. » Le résumé est en effet redoutable car s’il est inattaquable dans sa lettre, cela signifie très exactement ceci : la lecture correcte des thèses spinozistes fait nécessairement conclure à leur athéisme. Un résumé contestable n’aurait pas été aussi dangereux pour Spinoza : l’inexactitude de l’analyse aurait empêché de prendre au sérieux ses conclusions. Certes, le début de la lettre laissait clairement entendre un soupçon dans la lecture qui allait suivre, puisque après avoir dit les qualités de l’auteur du « Discours » (esprit non obtus, non superficiel, sérieux, libéré des préjugés et de la superstition), Velthuysen attaquait à la fois sa cause (détestable), son esprit (mauvais), son habileté et son astuce, son absence de religion au profit du déisme; et d’ailleurs Spinoza était dit aussi procéder par insinuations. Cependant, le corps de la lettre ne laissait pas attendre une telle finale. Il faut donc retenir pour l’instant, à un premier degré, qu’il s’agit bien d’une interprétation du Traité, non d’une simple réaction passionnelle : l’examen est global, méthodique, il aboutit à une compréhension. Il est donc recevable par un public large. Et c’est en cela qu’il est redoutable.

27Cette lettre est alors capitale car elle est l’une des toutes premières réactions à la publication du Traité, un des tout premiers documents à en donner une interprétation. Peut-être même faudrait-il dire la première interprétation produite aux Pays-Bas. Certes, plusieurs synodes calvinistes avaient condamné le Traité dès 1670, mais il s’agissait d’actes de nature différente, juridique et religieuse, dont la fonction était d’alerter et d’interdire, non pas d’exposer et de débattre; certes, il y avait eu cette année-là des dissertations et écrits divers (notamment ceux de Jakob Thomasius ou Friederich Rappolt en Allemagne), mais le statut de ces textes est plus difficile à définir [58]. Selon Popkin [59], la première réaction qui ait été publiée est l’ouvrage de Jean-Baptiste Stouppe, La Religion des Hollandais, en 1673; or la lettre de Velthuysen, si elle est bien écrite et reçue en 1671, n’est publiée, au sens strict, qu’en 1677 dans les Opera posthuma (qu’elle soit publiée dans les OP renforce d’ailleurs son statut et montre qu’elle fut largement diffusée très tôt). Cependant, au XVIIe siècle, une correspondance philosophique ou scientifique est déjà un écrit public, et cela se renforce encore dans le cas présent puisque cette lettre n’est pas adressée à Spinoza mais à un tiers (Osten) qui l’a sollicitée et va la transmettre à Spinoza. Cette intervention d’un tiers déprivatise la lettre, s’il en était besoin, et en signifie réellement le caractère public. Qu’est-ce qu’une publication sinon un écrit qui circule dans un réseau d’agents intellectuels intéressés à un débat, un écrit qui sort de la relation individuelle pour poser et diffuser des questions tout à la fois [60] ?

28En outre, l’ancienneté du document se renforce de l’autorité de son auteur. Velthuysen n’est ni un correspondant obscur, ni un ancien élève devenu impertinent après sa conversion, ni un scientifique étranger au débat philosophique. Paul Dibon dit de ce médecin d’Utrecht qu’il fut « l’un des philosophes (et théologiens) les plus sagaces des générations néerlandaises qui vécurent la diffusion des idées de Descartes et Spinoza [61] », un « libéral », « l’un des cartésiens les plus avertis [62] ». Meinsma souligne que cet esprit fort « entra plus d’une fois en conflit avec les pasteurs », qu’il « a donné droit de cité au système de Copernic à l’intérieur de nos frontières [63] », qu’il a pu traduire le Léviathan de Hobbes [64], et on sait qu’il a assurément joué un rôle dans la diffusion de la pensée de Hobbes aux Pays-Bas. Rien ne transparaît en tout cela d’un esprit obtus.

29Ainsi, cette lettre qui a une réelle autorité et une réelle diffusion doit contribuer à fixer très tôt l’interprétation du Traité. En même temps qu’elle exprime certainement l’esprit d’un temps, elle détermine aussi un type d’interprétation. On pourrait dire qu’avec elle tout est dit. Bayle ne poussera pas plus loin la critique dans son dictionnaire de 1697, comme si après tout il avait pu se contenter de la lecture de Velthuysen, au moins pour décider de l’interprétation du Traité. Tout cela confirme le statut très fort de cette lettre.

30La réponse de Spinoza est tout aussi décisive [65]. D’une part, elle conteste et a dessein de détruire ce qui lui apparaît bien comme une « interprétation », c’est-à-dire une lecture globale de son Traité et non une simple réaction; d’autre part, elle fixe elle-même une interprétation, cela dans le fond et dans la méthode.

31Spinoza voit en effet dans l’analyse de cette lettre, très littéralement, une fausse interprétation [66]. La vivacité du propos s’ajoute aux arguments non seulement pour la contester mais pour la détruire. Si son « traité » est devenu « discours » dans le langage de Velthuysen, l’opinion et le jugement de ce dernier deviennent ici un « libelle », petit écrit diffamatoire, voire des « inepties », comme l’avait d’abord écrit l’autographe ; son analyse s’écarte de la vérité; portée par la malice ou l’ignorance, elle mérite à peine une réponse, laquelle devra être brève et se faire attendre. Spinoza maintient d’autant plus la distance qu’il voit dans son accusateur le type même de lecteur passionnel auquel la préface du Traité voulait ne pas s’adresser : or renvoyer à cette préface est toujours chez Spinoza une manière très précise de situer une cause et un interlocuteur dans le complexe passionnel (voire superstitieux) que le Traité veut précisément détruire. Velthuysen n’a pas compris ou pas voulu comprendre le Traité; il n’a pas fait le chemin que Spinoza espère faire faire à son lecteur; et d’ailleurs, il est directement accusé de ne se rapporter à Dieu que pour des motifs passionnels. Spinoza reprend alors certains des arguments avancés pour récuser les accusations de propager l’athéisme, de ruser, de renverser la religion.

32À travers cela, Spinoza fixe un cadre pour une juste interprétation de sa pensée, en mettant l’accent sur l’amour de Dieu et sur la Nécessité. L’amour de Dieu d’abord : il s’agit en effet de reconnaître Dieu comme souverain bien, de l’aimer d’une âme libre – en cela consiste la félicité et la plus grande liberté –, de l’aimer non par crainte mais pour lui-même. La Nécessité ensuite : Dieu n’est pas soumis au fatum, sa liberté n’est pas niée; « toutes choses suivent avec une nécessité inéluctable de la nature de Dieu », et il suit de sa nature que Dieu se connaît lui-même non par contrainte mais par pleine liberté, par une libre nécessité; « cette nécessité inéluctable des choses ne supprime d’ailleurs ni les lois divines ni les humaines », ce qui va contre le reproche de détourner l’homme de la loi morale; enfin, tout découle de la nature de Dieu, Dieu identifié à l’univers. Or en mettant l’accent sur ces deux notions (Nécessité et amour de Dieu), Spinoza affirme son ontologie et ce qu’elle devient dans une éthique de la liberté (son devenir est son être même), ce qui est finalement le mouvement conceptuel des cinq parties de l’Éthique, mouvement qui se retrouve au cœur du Traité.

33Si d’autres points sont abordés dans cette lettre, notamment au sujet de l’interprétation de l’Écriture ou de Mahomet, c’est par l’accent mis sur l’amour de Dieu et la Nécessité que Spinoza structure sa réponse et qu’il fixe le cadre dans lequel interpréter son Traité. De même que Velthuysen avait fixé la réception du Traité, ainsi Spinoza en fixe l’interprétation [67]. Non seulement l’athéisme ne peut pas lui être reproché, notamment pour des raisons d’éthique personnelle, mais encore il n’est pas conceptuellement pensable dans sa philosophie, et pareillement sont impensables les déviations éthiques qui lui sont imputées. Et cette interprétation est certaine, adéquate à son exposé. Car, à côté d’une réaction sur le fond, Spinoza réagit sur un plan méthodologique pour contester qu’il ait pu manier un double langage au moyen d’arguments détournés : il nie avoir fait preuve « de ruse et d’astuce », il nie avoir donné des arguments solides pour défendre une thèse qu’il croirait fausse. La leçon est ferme. Le Traité n’enseigne pas l’athéisme ; lui prêter cette doctrine va contre son propos ; sur ce point aussi, la position de Spinoza doit éclairer nos propres interprétations.

34La correspondance entre Spinoza et Velthuysen a l’intérêt de définir la double interprétation possible du Traité : la « fausse », très tôt fixée, qui reviendra au long de l’histoire; la « vraie », très tôt exposée, qui est la pensée explicite de Spinoza sur son Traité, celle qui en définit le cadre d’intelligibilité ; et si celle-ci n’aborde pas la thèse du Traité sur la liberté de pensée, elle y fait au moins droit en revendiquant de penser librement et sans détours. À cette correspondance décisive Spinoza a attaché de l’importance si l’on considère que le débat allait se poursuivre avec Velthuysen, et que dans une lettre ultérieure [68], qui lui était désormais directement adressée en 1675, il allait lui demander l’autorisation, restée sans suite, de faire figurer à côté de son Traité ce qu’il n’appelait plus un « libelle » ou « des inepties » mais désormais son « manuscrit », voire ses arguments, de manière à expliquer ce qui paraissait obscur.

CONCLUSION

35Outre les informations apportées par la correspondance, on vient de voir trois types de réactions suscitées par le Traité. Il y a bien sûr des liens entre les trois. Dans l’apologétique, un minimum d’interprétation est requis pour fonder une prise de position; et, selon la personnalité du correspondant, il y a du dialogal dans la manière de s’adresser à Spinoza, comme on le voit chez Stensen. Dans le dialogal, une interprétation est nécessaire pour susciter la discussion, mais elle reste en suspens : elle n’est qu’à son début, elle demande à être éclairée dans la mesure où elle appelle des informations complémentaires ; et il y a bien de l’apologétique, mais voilé, car on perçoit comme un secret désir de faire revenir Spinoza à d’autres positions. Dans l’interprétatif, enfin, il y a de l’apologétique au sens précis où l’analyse des torts va de pair avec la volonté de corriger ces torts, mais sur mode mineur et non explicite ; quant au dialogal, il est présent dans la mesure où le sérieux de l’interprétation ne peut que susciter le débat, et d’ailleurs on a vu que la correspondance avec Velthuysen avait eu des suites. Cependant, dans les trois types de réaction, le centre de gravité est différent et donne chaque fois un autre accès au Traité. Or c’est bien la réaction de type interprétatif qui donne l’accès le plus précis à la philosophie du Traité; c’est elle qui permet le plus de constituer un débat public, celui qui est signifié ici par la présence du tiers et qui en fait tout autre chose qu’une lettre privée. Cette dernière correspondance apporte au Traité un principe de lecture qui n’est pas annexe : il doit appartenir à sa lettre même. De ce point de vue, la correspondance en ce qu’elle a de plus décisif est constitutive pour sa part de la lecture du Traité, c’est-à-dire du Traité lui-même.

Notes

  • [1]
    La question de la religion dans la correspondance de Spinoza est un autre sujet. On en trouve une présentation dans Victor SANZ SANTACRUZ, « La religión en la correspondencia de Spinoza (I) : La relación Blyenbergh-Spinoza », Pensamiento, no 207 (1997), p. 453-472; « La religión en la correspondencia de Spinoza (II) : Velthuysen-Spinoza », Pensamiento, no 214 (2000), p. 27-51.
  • [2]
    Ep. 19.
  • [3]
    Ibid.
  • [4]
    Ep. 21.
  • [5]
    Ep. 23.
  • [6]
    Ep. 21.
  • [7]
    « [...] dans mon Éthique (non encore publiée) » (Ep. 23, G [Gebhardt, vol. 4, page...] 151; A [Appuhn, page...] 221).
  • [8]
    Ep. 30.
  • [9]
    Ep. 29.
  • [10]
    Ep. 7.
  • [11]
    Ep. 11.
  • [12]
    D’après F. Mignini, il ne s’agirait pas du TIE, mais de la KV, ce que Steven Nadler trouve peu convaincant; voir Steven NADLER, Spinoza, a life, Cambridge University Press, 1999, p. 372, n. 61 (trad. : Spinoza, une vie, Paris, Bayard, 2003, p. 211, n. 62).
  • [13]
    Ep. 8.
  • [14]
    Ep. 30.
  • [15]
    Ep. 31.
  • [16]
    Ep. 44.
  • [17]
    Ep. 46. Dans sa lettre du 14 novembre 1675 (Ep. 70), Schuller écrit à Spinoza que « Leibniz fait grand cas du Traité théologico-politique et [lui] a écrit une lettre à son sujet ».
  • [18]
    D’après K. O. Meinsma, c’est grâce à Urbain Chevreau qui lui aurait lu des extraits des Principes de la philosophie de Descartes que le prince, qui avait déjà créé une chaire de droit naturel pour Pufendorf, aurait fait inviter Spinoza (voir K. O. MEINSMA, Spinoza et son cercle. Étude critique historique sur les hétérodoxes hollandais, Paris, Vrin, 1983, p. 407). Voir aussi Pierre CLAIR, « Spinoza à travers les journaux en langue française à la fin du XVIIe siècle », Cahiers Spinoza, no 2, Éditions Réplique, 1978, p. 209-210.
  • [19]
    Cette conclusion est à maintenir alors qu’il est possible que la lettre exprime les sentiments du conseiller plus que ceux du prince, voire qu’elle ait été rédigée de façon à produire le refus de Spinoza.
  • [20]
    Ep. 63.
  • [21]
    Ep. 80. Il s’agit de Pierre-Daniel Huet (1630-1721), ami de Leibniz, évêque d’Avranches en 1685.
  • [22]
    De façon générale cependant, le Traité « n’a pas été l’objet en France d’une diffusion considérable, même après la traduction posthume de 1678 », écrit Paul Vernière (Spinoza et la pensée française avant la Révolution, t. I, Paris, PUF, 1954, p. 159).
  • [23]
    Voir André TOSEL, « Le Discours sur l’histoire universelle de Bossuet : une stratégie de dénégation du Traité théologico-politique », dans L’Hérésie spinoziste, la discussion sur le « Tractatus theologico-politicus », 1670-1677, et la réception immédiate du spinozisme, Actes du colloque international de Cortona, 10-14 avril 1991, Apa-Holland University Press, Amsterdam et Maarssen, 1995, p. 97-105.
  • [24]
    Ep. 83.
  • [25]
    En effet, la Demonstratio evangelica, dont il s’agit ici, paraît à Paris en 1679, tandis qu’un autre écrit contre le Traité théologico-politique, Quaestiones Alnetanae de concordia rationis et fidei, paraîtra à Caen en 1690.
  • [26]
    Ep. 67.
  • [27]
    « Misérable homuncule, vil ver de terre, que dis-je, cendre, pâture des vers... » (G 283; A 319-320).
  • [28]
    On trouve quasiment les termes du credo de l’Église (le « symbole des apôtres ») : tant d’hommes « affirment que le Christ, fils du Dieu vivant, s’est fait chair, a souffert et a été mis en croix, est mort pour les péchés du genre humain, est ressuscité, a été transfiguré et, en sa qualité de Dieu, règne dans les cieux avec le Père éternel uni au Saint-Esprit... » (G 285; A 322).
  • [29]
    Ep. 76 (G 318; A 342).
  • [30]
    Ibid. (G 322; A 344).
  • [31]
    Ibid. (G 323-324 ; A 345).
  • [32]
    Cette lettre se trouve dans l’édition de Gebhardt sous le numéro 67 bis; elle n’est traduite ni par Appuhn ni dans l’édition de la Pléiade qui estime qu’elle appartient à la correspondance complète de Stensen plutôt qu’à celle de Spinoza (voir p. 1274). Elle figure désormais dans toutes les éditions modernes.
  • [33]
    G 297.
  • [34]
    G 298; Burgh avait déjà donné saint Augustin en exemple (G 290; A 326).
  • [35]
    « [...] me tibi offero promptissimum ad examinanda tecum omnia illa argumenta, quae circa veram securitatis verae viam inveniendam, et tenendam examinare placuerit » (G 293).
  • [36]
    G 292.
  • [37]
    Sur ces points, voir G 293.
  • [38]
    G 294-295.
  • [39]
    G 295.
  • [40]
    G 296.
  • [41]
    Ibid.
  • [42]
    « N’hésitons donc pas, Monsieur, à établir entre nous un commerce d’amitié bien sincère et à entretenir cette amitié par tout genre de bons offices » (Ep. 1 [G 5; A 121]).
  • [43]
    « Pour juger à quel point votre amitié m’agrée... » (Ep. 2 [G 7; A 122]).
  • [44]
    Ep. 1,2,3,4,5,6,7,11,13,14,16,25,26,29,30,31,32,33,34.
  • [45]
    Ep. 71 et 72. Oldenburg eut, semble-t-il, une réaction très négative au Traité, en 1670, dans une lettre aujourd’hui disparue. Voir Steven NADLER, Spinoza, a life, p. 329; trad. p. 386.
  • [46]
    Spinoza doit ajourner la publication de l’Éthique : « la situation paraît s’aggraver chaque jour... » (Ep. 68 [G 299; A 328]).
  • [47]
    Ainsi, Oldenburg : « Vous me reprochez ma brièveté excessive... » (Ep. 74 [G 309; A 336]). Ou encore : « Les explications contenues à ce sujet dans votre dernière lettre ne me paraissent pas encore concluantes et ne donnent pas apaisement à l’esprit » (Ep. 77 [G 325; A 345]). Et enfin : « Dans votre dernière lettre [...] il y a encore quelques passages qui me semblent mériter un examen sévère » (Ep. 79 [G 329; A 348]).
  • [48]
    Ep. 61 : « Theologorum vulgus, et receptae Confessionum Formulae ».
  • [49]
    Ep. 68.
  • [50]
    Ep. 73 et 75.
  • [51]
    Ep. 73.
  • [52]
    Ep. 75.
  • [53]
    Ep. 78.
  • [54]
    Ep. 75.
  • [55]
    Ep. 79.
  • [56]
    Ep. 42.
  • [57]
    Lettre à Mersenne, mars 1637 (ou février, selon les éditeurs).
  • [58]
    Georges Friedmann parle de « pamphlets acerbes, exaltés » (G. FRIEDMANN, Leibniz et Spinoza, Paris, Gallimard, 1946, p. 176). Voir aussi K. O. MEINSMA, Spinoza et son cercle, p. 387.
  • [59]
    R. H. Popkin, « The first published reaction to Spinoza’s Tractatus : Col. J. B. Stouppe, the Condé circle, and the Rev. Jean Le Brun », dans L’Hérésie spinoziste, p. 6-12.
  • [60]
    Autre indice de la circulation de cette lettre, le pasteur remontrant Philips Van Limborch écrit à Velthuysen dès le 13 septembre 1671 : « J’ai confié ton jugement sur le livre de Spinoza à M. Nieuwpoort qui, j’en suis sûr, te l’a déjà retourné. Tout à fait d’accord avec toi : dans son traité l’auteur enseigne adroitement et à mots couverts l’athéisme. » Cette lettre est publiée dans K. O. MEINSMA, Spinoza et son cercle, p. 518-519.
  • [61]
    Regards sur la Hollande du siècle d’or, Vivarium, Naples, 1990, p. 338.
  • [62]
    Ibid., p. 696.
  • [63]
    K. O. MEINSMA, Spinoza et son cercle, p. 216.
  • [64]
    Ibid., p. 328. Voir aussi Catherine SECRÉTAN, « Partisans et détracteurs de Hobbes dans les Provinces-Unies du temps de Spinoza », Bulletin de l’Association des Amis de Spinoza, no 2 (1979), p. 1-13.
  • [65]
    Ep. 43.
  • [66]
    « [...] breviter ostendam, quam ille sinistre meam mentem interpretatus sit » (G 219; A 272).
  • [67]
    Selon son habitude, Spinoza ne prend pas l’initiative d’une discussion, il « répond » : il s’explique par rapport à des questions ou des affirmations qui lui sont adressées. Voir Pierre-François MOREAU, « Quelques questions sur la correspondance de Spinoza », Rivista di filosofia neo-scolas-tica, no 4 (2001), p. 571-579. Ici, il dépasse la simple réponse d’éclaircissement pour apporter une position globale (requise par une critique elle-même globale) qui fixe le cadre dans lequel interpréter le Traité théologico-politique par rapport à une orientation philosophique ou religieuse.
  • [68]
    Ep. 69.
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