Notes
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[1]
Cité par Marjorie Louise Henry, La?Contribution d’un Américain au symbolisme, Stuart Merrill, Paris, H.?Champion, 1927, p.?63. La seule étude récente consacrée à Stuart Merrill est de Cécile Leblanc?: «?Stuart Merrill?: itinéraire d’un cosmopolite?», Revue Silène. Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest –?Nanterre –?La?Défense, 7?juin 2010. Disponible à l’adresse?: <http://www.revue-silene.com/f/index.php?sp=liv&livre_id=149> (consulté le 27?janvier 2012).
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[2]
Cinquantenaire du symbolisme, catalogue d’exposition, Paris, Bibliothèque nationale, 1936, p.?98.
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[3]
L’Ermitage, août?1893, p.?107.
-
[4]
Poesia, juin?1906, p.?50.
-
[5]
Jacques Monférier, «?Symbolisme et anarchie?», Revue d’histoire littéraire de la France, 65e?année, n°?2, avril-juin?1965, p.?233-238?; Uri Eisenzweig, «?Représentations illégitimes. Dreyfus, ou la fin de l’anarchisme?», Romantisme, n°?87, 1995, p.?75-86, et «?Poétique de l’attentat?: anarchisme et littérature fin-de-siècle?», Revue d’histoire littéraire de la France, 99e?année, n°?3, dossier «?Anarchisme et création littéraire?», mai-juin?1999, p.?439-452.
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[6]
Sur la confrérie Haute-Claire et le peintre Armand Point, voir Laurent Stéphane, «?Armand Point?: un art décoratif symboliste?», Revue de l’art, n°?116, 1997, p.?89-94.
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[7]
L’ordre martiniste est un courant de pensée ésotérique fondé en 1891 par Gérard Encausse, connu sous le pseudonyme de Papus. Il s’inspire des doctrines théosophiques développées par Joachim Martines de Pasqually (vers 1710-1774), Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), dit le «?philosophe inconnu?», et Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824).
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[8]
Vente Pierre Bergé & associés, hôtel Drouot, 13?décembre 2011, lot n°?6. Le fonds comprend notamment de nombreux manuscrits autographes et inédits, des lettres à sa fiancée Claire Rion et un ensemble de lettres reçues du monde littéraire et artistique. Le lot n’a pas été adjugé. Estimation 25?000?–?30 000?euros.
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[9]
André-Ferdinand Hérold (1865-1940). Nous donnons seulement les dates de naissance et de mort des acteurs de la «?mêlée symboliste?» cités dans les lettres de Stuart Merrill. On y retrouve les membres de la première et de la deuxième génération symboliste.
-
[10]
Peut-être Hérold fait-il allusion à son voyage en Algérie en 1894 en compagnie de Pierre Louÿs, à la recherche de Meryem bent Ali, de la tribu des Ouled-Naïl, qui avait été la maîtresse d’André Gide. La jeune femme, à la demande de ce dernier, lui coupa la barbe pendant son sommeil et Pierre Louÿs l’envoya par la poste en France?!
-
[11]
Département de l’Ardèche.
-
[12]
André Lebey (1877-1938).
-
[13]
Ernest Hello, Philosophie et athéisme, Paris, C.?Poussielgue, 1888.
-
[14]
Le Livre des visions et instructions d’Angèle de Foligno a été traduit en 1868 par Ernest Hello.
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[15]
Dans une autre lettre du début de l’année 1896 à Edmond Pilon, Stuart Merrill indique?: «?À propos de Sagesse, je relis en ce moment, après les avoir bien oubliées, les Petites Fleurs de saint François. Si j’étais le chrétien qu’il faut, c’est-à-dire si j’arrivais à renoncer aux choses de cette terre que j’aime et que je pense qu’il faut aimer, voilà le livre qui me suffirait dans ma thébaïde, avec l’Imitation et les Évangiles. Je ne serai jamais ce chrétien-là, mais saint François, celui de la légende, me charme par tout un côté de bon sens humain, par une sorte de bonne humeur, qui le rend bien différent de cette chipie de sainte Angèle de Foligno.?»
-
[16]
Département du Calvados.
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[17]
Paul Souchon (1874-1951).
-
[18]
Mécislas Golberg (1869-1907), penseur anarchiste alors réfugié à Londres.
-
[19]
Charles Chatel (1868-1897) et Jean Grave (1854-1939), journalistes anarchistes, furent inculpés avec d’autres activistes pour «?association de malfaiteurs?», jugés et acquittés en 1894 lors du retentissant «?procès?des Trente?».
-
[20]
Dans une autre lettre à Edmond Pilon datée de juin?1896, Stuart Merrill précise?: «?Dites à Souchon de ma part que je trouve qu’il se fait une idée… exagérée de la valeur de Golberg. Du reste c’est ce que je lui écris. La morale habituelle de ces aventures de “théoriciens” c’est, du moins pour le bourgeois, que seuls sont anarchistes ceux qui se font une excuse de leur anarchie pour voler, mentir ou tuer. Franchement je ne range pas Golberg dans cette catégorie, mais je brûle de trouver un anarchiste qui soit propre de sa personne, qui ne s’édifie pas chaque nuit un piédestal de soucoupes, et qui enfin n’ait aucun intérêt à proclamer les principes de l’anarchie. Si, je connais cet anarchiste?: c’est Jean Grave. Aussi est-il détesté par les Golberg et autres.?»
-
[21]
William Morris (1834-1896), fondateur du mouvement Arts & Crafts et théoricien du socialisme en Angleterre. Dans une lettre à Edmond Pilon datée d’octobre 1896, Stuart Merrill fait part de son admiration?: «?J’ai pleuré, oui, pleuré en apprenant sa mort, comme j’ai pleuré à la mort de Victor Hugo. Il semblait qu’il dût vivre encore longtemps, et connaître enfin la pleine gloire que ses contemporains lui ont marchandée à cause de ses courageuses opinions. Morris, je l’aimais, s’il est possible, encore plus que je ne l’admirais?; vous aussi vous êtes venu d’instinct à ce grand génie. Profitons de son exemple, et soyons des Hommes.?»
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[22]
Henri Mazel (1864-1947), directeur de la revue L’Ermitage, vient de publier La?Synergie sociale.
-
[23]
En grec ancien, on appelle «?aristie?» une série d’exploits accomplis par un héros animé d’une fureur sacrée qui se lance vaillamment contre la masse de ses ennemis. On en trouve une belle illustration dans L’Iliade. Sous la plume de Stuart Merrill, il faut y voir l’affirmation d’une supériorité personnelle et individuelle.
-
[24]
Laurent Labaigt, dit Jean Rameau (1858-1942).
-
[25]
Paul Adam (1862-1920).
-
[26]
Charles Chatel meurt de phtisie en 1897.
-
[27]
Emmanuel Lalande, dit Marc Haven (1868-1926), médecin et occultiste.
-
[28]
Stuart Merrill est proche de la communauté d’artistes créée par le peintre symboliste Armand Point (1860-1932)?; il s’y installe pour un temps à partir de mai?1897, avec le projet de devenir imprimeur.
-
[29]
René Philipon (1870-1936).
-
[30]
Durand et Durand, comédie de Maurice Ordonneau et Albin Valabrègue.
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[31]
Ferdinand le Noceur, comédie de Léon Gandillot.
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[32]
William Butler Yeats (1865-1939). Dans une lettre datée du 5?décembre 1896, Stuart Merrill avait montré son enthousiasme à?Edmond Pilon?: «?Yeats, qui a une idée très nette des questions sociales, et qui les voit de très haut, favorise une union des forces supérieures pour l’action révolutionnaire. Il voit la révolution après une très prochaine guerre européenne, comme nous tous. Il a même à ce sujet collationné les prophètes de divers pays, et tous s’accordent sur ces années-ci pour le déchaînement de la guerre. Oh?! mourir avant de voir cela?! Mais puisque nous le verrons, unissons-nous pour le bien. Philipon voit-il tout à fait clair dans ces questions?? Je crains parfois que ni vous ni lui (pardonnez ma franchise) ne compreniez qu’il faudra agir pour le bien avec les forces du mal. Moi-même, vous le savez, malgré ma philosophie, je suis assez souvent dégoûté de la bassesse d’âme des révolutionnaires. Grave les a cravachés dans un récent article, ces gens pour qui anarchie signifie droit au cambriolage. Riez de l’image?: nous devrions être d’indulgents vidangeurs répartissant la merde dans de pauvres terrains pour la croissance des roses et du blé de l’avenir?: vraiment cette image me semble juste.?» Publié partiellement par Marjorie Louise Henry, La?Contribution d’un Américain au symbolisme, Stuart Merrill, Paris, H.?Champion, 1927, p.?109.
-
[33]
Cette nouvelle de Bulwer-Lytton, traduite par René Philipon, a été illustrée par Odilon Redon en 1896.
-
[34]
Léon Leclère, dit Tristan Klingsor (1874-1966).
-
[35]
Alfred Vallette, fondateur du Mercure de France qu’il dirigeait avec sa femme Rachilde, réunissait souvent les auteurs de la revue à la Taverne du Panthéon. On retrouve autour d’eux à cette soirée célèbre?: Stuart Merrill, Paul Fort, Camille Mauclair, Alfred Jarry, Christian Beck, Jean de Tinan, Henri Albert, Ernest La?Jeunesse, Fanny Zaessinger et André Gide. Inaugurée en 1896, la Taverne du Panthéon se trouvait au 63 boulevard Saint Michel, à l’angle de la rue Soufflot ; elle prendra ensuite le nom de Capoulade. Gide l’évoque dans les Faux-Monnayeurs (IIIe partie, chap. VIII), où elle sert de cadre à la fameuse scène du banquet des Argonautes.
-
[36]
André Gide a été élu maire de la Roque-Baignard, dans le département du Calvados, en mai?1896.
-
[37]
Henry Durand, dit Henry Davray (1873-1944), traducteur d’Oscar Wilde.
-
[38]
Sébastien Melmoth est le pseudonyme adopté par Oscar Wilde (1854-1900) lors de son exil en France entre?1897 et?1900. Rappelons qu’Oscar Wilde a été condamné le 25?mai 1895 à deux ans de travaux forcés pour «?grave immoralité?» en raison de sa liaison avec Lord Alfred Douglas. À sa sortie de prison, il séjourne à Paris puis le rejoint en septembre?1897 à Naples.
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[39]
Stuart Merrill est un fervent admirateur d’Oscar Wilde. Merrill, Marcel Schwob, Adolphe Retté et Pierre Louÿs ont corrigé, à la demande de Wilde, le texte de sa tragédie Salomé écrite en français. Lors de la condamnation de Wilde, Merrill lança un appel dans La?Plume en novembre?1895 pour adoucir le sort du prisonnier?; sa pétition ne recueillit que très peu de signatures.
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[40]
Jean Lorrain (1856-1906).
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[41]
Le n°?94 d’octobre?1897 du Mercure de France accueille en effet Les?Aubes, drame lyrique (actes?I et?II) d’Émile Verhaeren, Le?Signe de la Clef et de la Croix, conte d’Henri de Régnier et Les?Quatre Saisons de Stuart Merrill.
-
[42]
Ce recueil de poèmes paraît au Mercure de France seulement en 1900.
-
[43]
Paul Fort (1872-1960).
-
[44]
Henry de Groux (1866-1930).
-
[45]
Numa Gillet (1868-1940).
-
[46]
Élémir Bourges (1852-1925).
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[47]
Léon Paschal (1873-1939).
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[48]
Jean Moréas (1856-1910).
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[49]
François Coppée (1842-1908).
-
[50]
Edmond Pilon, La?Maison d’exil, Paris, Mercure de France, 1898.
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[51]
Georges Pioch (1873-1953).
-
[52]
Jean Delville (1867-1953).
-
[53]
Proche des mouvements ésotériques, Stuart Merrill est lecteur des œuvres de Louis-Claude de Saint-Martin et de Papus. Dans une lettre à Edmond Pilon datée du 21?juillet 1896, il écrit?: «?Est-ce que par hasard je suivrais à mon insu le chemin de Saint-Martin?? Le petit livre d’éthique que je médite est non seulement basé sur l’idée de l’accord à faire entre nous et les desseins de Dieu, mais comporte la triple division que vous m’indiquez. Ce petit livre, je veux cependant le faire sans avoir recours à Saint-Martin, car je désire qu’il paraisse exprimer la morale d’un homme raisonnable, qu’il soit athée ou déiste, qu’il soit utilitaire ou idéaliste. Je veux même autant que possible en écarter toute métaphysique, afin de n’effaroucher personne. En d’autres mots, je veux persuader à ceux qui ne pensent pas que la Beauté, la Bonté et la Vérité sont les conditions de la parfaite Vie, c’est-à-dire du Bonheur, et que tout le reste n’est que Mort et formes de Mort.?» Cité par M.?L.?Henry, op. cit., p.?207.
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[54]
Faik Konica (1875-1942) anime à Bruxelles sous ce pseudonyme la revue littéraire Albania.
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[55]
José Hennebicq (1870-1941).
-
[56]
Charles Van Lerberghe (1861-1907).
-
[57]
Dans une lettre à Edmond Pilon datée du 1er?septembre 1898, Stuart Merrill fait déjà part de son émotion?: «?Quelle débâcle?! Le czar dont ils ont tant léché les bottes prêche maintenant le désarmement, et il est prouvé que ce sacro-saint Deuxième Bureau était plein de crapules?! Ah?! si l’armée en sort indemne de cette épreuve-là, de cette preuve, devrait-on dire, je désespère définitivement de la France. Ce qui est plus formidable que la crapulerie des meneurs de la conspiration esterhazyste, c’est la bêtise de nos gouvernants honnêtes. Car enfin Cavaignac lui-même fut stupide jusqu’à ce jour, et tous furent stupides, à moins qu’ils ne fussent sciemment les co-assassins de Dreyfus. Et dire que c’est avec un peu d’écriture de gâteux qu’on a ainsi secoué la France pendant des années?!?»
-
[58]
Le 29?octobre 1898, la Chambre criminelle de la Cour de cassation déclare recevable la demande de révision du jugement du 22?décembre 1894 condamnant le capitaine Alfred Dreyfus au bagne à perpétuité pour trahison.
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[59]
Pierre Quillard (1864-1912).
-
[60]
Georges Picquart (1854-1914), chef du Deuxième Bureau en 1895, convaincu de l’innocence du capitaine Dreyfus, révèle, après enquête, les faux en écritures à sa hiérarchie. Muté, chassé de l’armée puis emprisonné, il devient une icône du camp dreyfusard.
-
[61]
Dans une lettre à Edmond Pilon datée du 22?octobre 1898, Stuart Merrill évoque un projet théâtral?: «?Vous me parlez d’une collaboration possible entre vous et moi pour le théâtre. Rien ne me serait plus agréable. J’ai moi-même en tête un scénario dont je vous développerai les détails un jour. Le mien malheureusement a pour fond nécessaire les incidents d’une grève, l’éternelle grève dont il est difficile de se débarrasser dans une pièce sociale. Ma pièce en outre est plutôt décourageante, puisqu’elle a pour héros un bourgeois qui se sacrifie pour le peuple et qui est tué par lui?: le pendant de tout le drame intérieur, l’homme déchiré entre les préjugés de sa caste et son devoir social, me paraît pouvoir impressionner.?»
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[62]
Le passage de «?À New York?» à «?opprimés du monde?» a été publié dans M.?L.?Henry, op. cit., p.?110.
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[63]
Charles de Freycinet (1828-1923), ministre de la Guerre du 1er?novembre 1898 au 6?mai 1899, antidreyfusard.
-
[64]
Jules Guérin (1860-1910), journaliste antidreyfusard et antisémite. Il faut lire ici une allusion à l’épisode du «?Fort Chabrol?» pendant l’été 1899.
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[65]
Sébastien Faure (1858-1942), militant anarchiste et dreyfusard, fondateur en 1895 avec Louise Michel du journal Le?Libertaire.
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[66]
Le nationaliste Paul Déroulède (1846-1914) a tenté, lors des obsèques de Félix Faure, d’entraîner le général Roger dans un coup d’État contre le régime parlementaire.
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[67]
Edgar Demange (1841-1925), avocat d’Alfred Dreyfus lors des procès de?1894 et?1899.
-
[68]
Louis Cuignet (1857-1936), officier d’ordonnance du ministre de la Guerre Cavaignac (10?juillet 1898 –?12?mai 1899). Lors du deuxième procès Dreyfus à Rennes (7?août –?9?septembre 1899), il déclare être certain de sa culpabilité.
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[69]
Albert Trachsel (1863-1929).
Portrait de Stuart Merrill, par Albert E.?Sterner, paru dans La Plume, supplément du 13?octobre 1891
Portrait de Stuart Merrill, par Albert E.?Sterner, paru dans La Plume, supplément du 13?octobre 1891
Le département des Manuscrits conserve dans le fonds Edmond Pilon (NAF?28177) un ensemble de lettres inédites de Stuart Merrill (1863-1915). Nous publions pour la première fois dix lettres adressées par le poète à son ami entre?1896 et?1899.
2« Un Verlaine chuchotant, mais personnel et ?autre. Cette poésie est vraiment, vraiment subjuguante, des limbes où des voix se frôlent? [1]?!?» C’est en ces termes que Huysmans parle du poète Stuart Merrill à René Ghil, après la parution de son premier recueil en février?1887 chez Vanier, Les?Gammes. Né à Hempstead (Long Island) en 1863, Stuart Merrill est le fils d’un conseiller à l’ambassade américaine de Paris. Au lycée Fontanes (Condorcet), il côtoie André Fontainas, René Ghil, André-Ferdinand Hérold, Éphraïm Mikhaël, Pierre Quillard et Georges Vanor, avec lesquels il partage le même enthousiasme pour Wagner. Le manifeste du symbolisme, publié par Jean Moréas le 18?septembre 1886, paraît alors que Stuart Merrill séjourne aux États-Unis, qu’il avait regagnés après la mort de son père. C’est de là qu’il correspond avec ses amis français et envoie ses premiers poèmes pour publication. «?Passionné de justice sociale, mêlé au mouvement marxiste, on le vit alors dans les rues de New York vendre les feuilles où les “quatre cents” de la haute société étaient dénoncés? [2].?»
3Revenu définitivement en France, à l’apogée du symbolisme, il publie Les?Fastes en 1891 et Les?Petits Poèmes d’automne en 1895, ouvre un salon fréquenté par les symbolistes à son domicile quai de Bourbon à Paris, soutient Oscar Wilde lors de son procès, et s’enthousiasme pour la cause arménienne et la défense du capitaine Dreyfus. Collaborateur des revues La?Plume et L’Ermitage, il lie son écriture poétique à un engagement politique placé sous le signe de l’anarchisme?: «?Ce qui fait la force de la théorie symboliste c’est précisément son anarchie. Elle ne demande au poète que d’être significatif, c’est-à-dire individuel, et de se révéler, pensée et émotion, par des images aussi générales que possible. Oui le symbolisme est l’anarchisme en littérature?: au lieu de se recroqueviller entre deux dates, comme M.?Zola, ou de se fourrer tout vivant dans une boîte à momies, comme M.?Leconte de Lisle, il promène sa glorieuse fantaisie par les terres et les âges, et se soucie peu que les richesses qu’il ramasse viennent de Golconde ou d’Ophir? [3].?» On comprend dès lors son attachement au vers libéré et au vers libre, dégagés des contraintes de la métrique. Pour autant, au-delà de la structure, c’est bien l’inspiration qui est au cœur de sa démarche poétique?: «?Le talent seul du poète justifie ou condamne sa métrique? [4].?»
4Si bien des acteurs du symbolisme sont connus pour leur militantisme anarchiste, comme Félix Fénéon, Remy de Gourmont, Laurent Tailhade ou encore Francis Vielé-Griffin? [5], l’engagement politique de Stuart Merrill est pour autant peu étudié. Entre?1896 et?1899, il envoie une abondante correspondance à son ami et cadet de dix ans Edmond Pilon (1874-1945), où il énonce ses convictions profondes et évoque ses rencontres littéraires, souvent avec drôlerie. Edmond Pilon est alors un jeune poète, lauréat à dix-neuf ans d’un concours organisé par L’Écho de Paris, qui vient de publier en 1896, chez Vanier, les Poèmes de mes soirs, en vers libres, fortement influencés par Stuart Merrill, qui l’encourage sur la voie poétique et l’entoure d’une affection bienveillante. Quelques années plus tard, Edmond Pilon se tourne néanmoins vers la critique d’art, le portrait littéraire et l’évocation historique du xviiie siècle. Il dirige notamment la collection «?Jadis et naguère?: les hommes, les faits et les mœurs?» aux éditions H.?Jonquières. Il reçoit le grand prix de littérature de l’Académie française en 1940.
Lettre de Stuart Merrill à Edmond Pillon, 29?juin 1896
Lettre de Stuart Merrill à Edmond Pillon, 29?juin 1896
5Fidèle au souvenir de Stuart Merrill, il confie les nombreuses lettres qu’il a reçues de son ami à Marjorie Louise Henry qui prépare une thèse sur sa contribution au symbolisme français. Son travail, publié en 1927, ne cite que quelques extraits de lettres de Merrill à Pilon et fait davantage la part belle aux lettres adressées à André Fontainas et à Albert Mockel. Dans la bibliographie, elle annonce même la parution prochaine d’un volume de Lettres de Stuart Merrill à ses amis, sous la direction d’Albert Mockel?; celui-ci est resté à l’état de projet. L’essentiel des lettres de Merrill à Pilon demeure inédit à ce jour. Dix font l’objet de cette publication. Nous y découvrons un Stuart Merrill sensible aux actions des anarchistes comme Charles Chatel, Jean Grave et Sébastien Faure, et attentif aux événements politiques?:?«?aujourd’hui, l’affaire Dreyfus entre dans la phase révolutionnaire?». Fervent admirateur de William Morris, il rejoint pendant un temps la communauté artistique de Marlotte, dans la forêt de Fontainebleau, fondée par le peintre Armand Point? [6]. Il se montre enfin séduit par la doctrine martiniste? [7], «?l’ordre le plus favorable actuellement aux intellectuels désireux de réaliser dans la mesure du possible la Beauté, la Justice et la Vérité?». Alors que le fonds Stuart Merrill vient de faire son apparition sur le marché des autographes? [8], cette correspondance inédite prend valeur de sésame.
Lettre no?1
6[Février?1896.]
7Hier soir Hérold? [9] a dîné chez nous, a bu six cannettes, a déclaré qu’il était l’homme le plus passionné de la terre, a vanté sa belle barbe? [10], a raconté d’impossibles prouesses de bicycliste, a voulu me faire des cartes pour expliquer qu’il demeurait à Lapras par Lamastre et non pas à Lamastre par Lapras? [11], nous a bafouillé des révélations bien immorales sur une certaine Francine de [Valeure], a versé son dernier verre sur sa barbe, et enfin a été emmené à deux heures par Lebey? [12] à la lueur d’une titubante chandelle. J’adore toujours ce bon Hérold, mais je l’adore particulièrement après six cannettes. Vous croyez peut-être que je n’ai pas de bien foudroyantes révélations à vous faire.
8J’ai commencé Philosophie et athéisme de Hello? [13], non sans une première répugnance. Cet homme me semble sortir d’une sacristie et raisonner bien débilement. C’est là une toute première impression qui va vous faire bondir. Que voulez-vous?? Je me suis surtout nourri jadis de Descartes, de Leibnitz, de Spinoza, de Kant, de Hegel, de Schopenhauer et de Spencer, et je crois que la philosophie doit être un beau théorème ou un beau syllogisme, et non pas une suite d’éloquentes affirmations.
9Ainsi je tombe par hasard, en ouvrant Hello, sur cette phrase qui est bien d’un louche sacristain?: «?On peut dire, comme l’a fait M.?Renan?: Je crois en Dieu, je l’adore?; mais il n’existe pas.?»
10Voilà une affirmation qui peut suffire à l’intellect des vieilles dames, mais qui m’indigne, moi qui n’aime pourtant pas Renan.
11Je trouve qu’il faut procéder avec une extrême prudence dans la lecture des mystiques, surtout des modernes, et se fortifier d’une bonne méthode, sans laquelle un esprit crédule ou lyrique pourrait aboutir aux pires extravagances. Ainsi je lis avec une répugnance extrême les dix-huit «?pas?» de sainte Angèle de Foligno? [14], simple méthode de fakirisme, et des phrases pareilles?: «?L’impression que me faisait la vue d’un crucifix était telle que je ne pouvais plus me soutenir, la fièvre me prenait et je devenais réellement malade.?» Pouah?! et tout l’égoïsme de ces extases où reviennent les mêmes paroles ânonnées et vides de sens. Non, qu’on me rende, pour ce haut et pur et saint mysticisme qui anime et embellit le monde, tout le Nouveau Testament, et surtout le Sermon sur la Montagne. Quel air vivifiant, quelle joie souriante, quelle force sûre après les contorsions des hystériques au fond de leurs cellules?! Je crois bien que le seul saint que j’aime, c’est saint François? [15], presque gâté lui-même vers la fin de sa vie par le délire de l’ascétisme oriental.
12Toutes ces paroles vous mettent sans doute en colère, et je ne les écris qu’à la suite de récentes lectures. Mais j’ai toujours été sincère avec vous et parfois j’ai une peur bleue que vous ne distinguiez pas assez les esprits mâles des esprits femelles et obscurantistes.
Lettre no?2
13Langrune-sur-mer? [16], 29?juin 1896.
14J’ai écrit à Souchon? [17] que je ne pouvais rien pour Golberg? [18]?; en effet Chatel? [19] ne se rétablit pas, et malgré que j’aie juré de ne plus l’aider, on ne peut pas le laisser crever, que diable?! Si par hasard vous connaissiez des gens voulant bien se fendre d’un louis par mois pendant deux ou trois mois (la durée de la convalescence de Chatel) je vous serais bien reconnaissant de me les signaler. J’y mettrais du mien, et l’on pourrait prolonger la vie à un malheureux. Il est vrai qu’il ferait mieux de mourir illico, ce pauvre qui n’a jamais su vivre que comme un gosse égoïste et vaniteux. Et pardonnez-moi ces mauvais mots?: j’aime peut-être trop les forts pour savoir excuser les faibles.
15Que de choses j’aurais à vous répondre au sujet de votre lettre?! D’abord soyez persuadé que vis-à-vis des anarchistes je répudie une étiquette que j’assume devant les bourgeois. L’anarchie étant la dernière forme de la révolte, je suis anarchiste?; et quoique je ne voie nullement le bien que l’assassinat de Carnot, pour prendre un exemple, a pu faire au peuple, je m’obstine à croire que vous, moi, tous ceux qui sont obligés de consentir à la société moderne, sommes de bien plus terribles assassins qu’un Caserio. Car l’épouvantable du mal social de ce siècle, c’est que personne n’est coupable?; nous sommes tous coupables. Et quoique vous ne paraissiez pas goûter la froide dialectique des théoriciens, je vous affirme que ce sont les Marx, les Bakounine, les Guesde et les Grave? [20] qui sont les vrais révélateurs de notre commune culpabilité. La société moderne n’est malheureusement pas soumise au jeu de l’amour… et du hasard, mais à la règle de l’intérêt et du calcul. Le problème social se résout en deux phrases?: d’un côté concentration des moyens de production, de l’autre moins-value des forces de travail. Le machinisme en effet, exigeant pour le mettre en œuvre de vastes capitaux préalables, tombe peu à peu aux mains de la caste financière. À cela il n’y aurait pas grand mal si, d’un côté, le machinisme ne diminuait pas la main-d’œuvre et par conséquent sa rétribution, et si d’un autre il n’augmentait pas la production. D’où cette conclusion?: à mesure que nous devenons plus riches, nous devenons plus pauvres. Les pays du laisser-faire, l’Angleterre et les États-Unis, sont de terrifiants exemples de cette contradiction économique.
Assassinat du président Sadi Carnot par Caserio, Le?Petit Journal, n°?189, 24?juin 1894
Assassinat du président Sadi Carnot par Caserio, Le?Petit Journal, n°?189, 24?juin 1894
16Comment sortir de là?? Difficile énigme, mais n’oublions pas qu’il faut rebâtir avec les pierres de l’ancien bâtiment. Or il me semble déjà voir se dégager la nouvelle société sous la forme de ces vastes associations ouvrières qui groupent, de ville en ville, de province en province, de pays en pays, les ouvriers de même métier. En d’autres mots les corporations du Moyen Âge se reconstituent d’après la loi fatale des intérêts économiques. Un jour viendra, plus ou moins proche, où ces corporations s’empareront par révolution des moyens de production, de distribution, de communication concentrés aux mains de la caste financière. Car il faut, pour une expropriation collective, que les capitaux soient encore plus concentrés qu’à cette heure, et que le prolétariat devienne plus considérable et plus misérable.
17Voilà, je crois, la somme et la substance des doctrines de révolte. Que voulez-vous donc que viennent faire en cette lutte les paroles d’amour?? Entendons-nous?: je ne veux pas dire que nous ne devrions pas prêcher l’amour du prochain, puisque c’est au nom de cet amour que je voudrais que la révolution se fît?; mais cet amour ne pourra et ne devra se manifester que par la violence.
18Un exemple?: si par hasard deux pays se déclaraient la guerre et que la guerre pût être évitée par l’assassinat des chefs des deux pays, importerait-il de faire un prêchi-prêcha d’amour entre les deux armées hostiles, ou d’organiser l’exécution des chefs responsables?? Pour moi, il n’y a pas de doute?; pour vous il y en a peut-être, car dans votre lettre je crois encore percevoir ce fâcheux mysticisme qui reste dans le vague des mots et des idées. Allez donc prêcher l’amour à un fabricant qui, s’il augmentait de deux sous le salaire de ses ouvriers, ferait faillite, à cause de la concurrence du voisin?! Donc, prêchons l’amour à ceux qui croiraient ce fabricant coupable?; encore une fois nous sommes tous coupables. Mais ne nous attendons pas à des effets bien considérables de l’amour dans une société fondée sur l’égoïsme.
19Surtout n’allez pas croire que je déprécie le mysticisme?: au contraire, les mystiques ont révélé les plus belles cités futures, et de plus furent presque tous les plus pratiques des hommes. Mais je me méfie terriblement d’un certain mysticisme verbal dont le grand Maeterlinck ne s’est pas lui-même complètement défait dans un ou deux essais. Ayons le sens de la réalité (j’emploie ce mot dans sa signification courante). Les arbres qui montent le plus haut vers les astres sont ceux qui ont les racines les plus profondes?; si les oiseaux chantent au faîte, les vers rampent à la base. Connaissons donc la misère humaine, ne considérons aucune réalité comme trop basse. Que de fois des soi-disant mystiques m’ont affirmé qu’ils se désintéressaient de la révolution à cause de la bassesse de ses préoccupations?! Vous voulez donc intéresser à la métaphysique un homme qui n’a pas de pain??
20Enfin ne dédaignons pas les instruments par lesquels une grande idée se réalise plus ou moins parfaitement. Si l’idée du Christ lui-même a abouti à ce que nous voyons, pouvons-nous nous plaindre de ce que nos petits rêves se réalisent mal?? Prêchez la société idéale?: l’ouvrier qui vous écoutera comprendra qu’il faut suriner son patron. Et peut-être –?voilà l’affreux de toute responsabilité intellectuelle?– aura-t-il raison de par le rythme fatal du monde.
21J’aurais encore des tas de choses à vous dire. Je me rappelle (car je n’ai pas votre lettre sous la main) que vous m’opposez Morris? [21]?; j’ai pour lui la même admiration que vous, et depuis longtemps, mais je crains que vous ne le jugiez d’après un seul essai lu dans La?Société nouvelle. Morris est un très farouche révolutionnaire, et a même exprimé le vœu que tout art pérît pendant quelque temps pourvu que la révolution triomphât –?ce qui est une parole assez dangereuse, je pense.
22Zut?! Voici qu’il est déjà lundi, et je suis obligé d’interrompre cette causerie, provoquée, ô coupable, par quelques phrases de votre lettre. Du reste nous sommes d’accord sur l’essentiel de la question. Un mot cependant?: vous semblez croire que la Révolte manque de Héros. Et Louise Michel?? Apprenez ce que fut cette admirable vie et l’humilité chrétienne de cette femme vouée à l’amour, et ne dites pas que les âmes héroïques sont mortes. Pour ma part j’ai connu un Héros?: un ouvrier américain, dont je vous raconterai l’histoire un jour. Ne faisons pas un idéal préconçu du héros, mais sachons découvrir l’héroïsme latent au fond de chaque âme. Soyons, malgré nos propres péchés, des «?réveilleurs?» d’âmes –?et essayons, pauvres que nous sommes, de conformer autant que possible la cité extérieure à notre cité intérieure que vous avez si bien chantée.
Lettre no?3
2315?juillet 1896.
24Reçu Synergie, dont j’ai immédiatement commencé la lecture avec intérêt. Inutile de dire que Mazel? [22] conclut à l’aristocratie. Mais peste?! il me semble que le suprême désir de l’aristocrate doit être la diffusion de l’aristie? [23], et qu’il doit par conséquent souhaiter un état social où le libre développement de soi-même soit possible. Or nous ne voyons guère cette belle liberté dans les civilisations aristocratiques, dont la nôtre, une aristocratie d’argent, hélas?! c’est-à-dire la plus basse. Quand je songe aux forces perdues de la société, j’enrage. N’êtes-vous pas une force perdue pour le moment, vous, condamné à de ridicules travaux de journalisme?? Ah?! je vois bien que Mazel n’a jamais connu la misère, pour qu’il préconise si sagement l’aristocratie. Car que signifie ce mot?? Le lutteur forain est un aristocrate vis-à-vis de moi en tant qu’homme de muscle?; l’huissier du coin me dépasse certes en ruses autorisées?; le savetier rirait de souliers fabriqués par moi. Et si je me proclame aristocrate ès vers, qu’est-ce que cela peut foutre à M.?Jean Rameau? [24], que je respecte parce qu’il se croit grand poète??
25Aristocratie implique donc comparaison, et mon intime conviction c’est que les aristes ne se comparent jamais aux autres. Ils sont, parce qu’ils sont, comme le lion ou le baobab. Voyez donc la douceur des hercules et la charité des hommes de génie?!
26Et puis, encore une fois, il faut compter sur le mal comme l’instrument du bien. Car dans la tourbe des hommes, il n’y a ni bien, ni mal, dans le sens étroit du mot, mais simplement plus ou moins d’adaptation (matérielle, intellectuelle ou spirituelle) aux desseins cachés de Dieu. Je limite précisément notre liberté à ce pouvoir de nous accorder au souffle de Dieu. Oh?! avant que nous arrivions à la parfaite symphonie, quelle lente suite de siècles?!
27Et voilà ce qu’il faut dire à des Adam? [25], découragés dès le premier effort. Il fait en ce moment autant de mal que Barrès après avoir promis beaucoup plus de bien. Il semble qu’à notre époque l’homme vertueux réclame incontinument une récompense immédiate de ses efforts. Pourtant le savant et l’artiste savent encore se contenter du bonheur de l’action, de la joie de la réalisation, en une vaste charité spirituelle, sans se demander si une voix amie, sur la terre, s’élèvera pour les remercier. Et voilà pourquoi je ne place l’ariste que dans l’œuvre.
28Tout ce que je vous écris est un peu confus, mais ça me fait du bien de l’écrire, car je suis en pleine crise pessimiste. Un nuage noir s’est abattu sur moi, et j’ai besoin de crier ma foi. Vous connaissez –?je le sais par une belle lettre de vous?– ces moments d’orage mental. Par-dessus le marché j’éprouve des ennuis matériels qui m’empêcheront d’aider Chatel jusqu’au milieu de l’hiver prochain?; et je ne sais plus comment le tirer d’embarras? [26]. Merci de tout cœur pour ce que vous avez fait?: il est en effet dommage que Marc Haven? [27]? n’ait pu réconforter un peu ce pauvre ménage. Pour ma part, j’ai conseillé le mariage, avec l’immédiate approbation de Chatel, pour garantir l’avenir de Geneviève, qui serait reçue, après la mort du père, dans la famille de la mère?; sans la sanction du maire et du prêtre, ils trouveraient porte close. Encore de l’aristocratie, ça?!
29Nous venons en effet vers le 22 de ce mois passer quelques jours (deux ou trois) à Paris, puis nous filerons à Marlotte? [28]. Le 2?août je reviendrai seul à Paris passer dix jours. Pourquoi vous cacher que cela me fait infiniment mal de soustraire ma femme à ma mère?? Mais dans ma famille il y a tant d’exemples tragiques d’amour finissant par le suicide ou la folie, que je n’ose révéler ma liaison à une mère qui a déjà supporté d’immenses douleurs, et qui meut ses idées dans l’église et la bourgeoisie. Bah?! je ne devrais pas vous écrire tout cela, mais ça y est et tant pis. Passez-moi mes humeurs noires.
Lettre no?4
30[Fin 1896 –?début 1897.]
31[Armand] Point est en ébullition et fait des projets fantastiques que je suis loin d’approuver. J’espère de tout mon cœur que mon opposition ne gâtera pas notre amitié. Il s’agit de choses importantes dont je vous ai touché un mot à Beauvais?: une rénovation des arts décoratifs en France par un effort collectif. C’est sur ce mot que Point et moi nous nous disputons, car il me semble vouloir prendre la direction de l’entreprise et étouffer toute initiative. Mais je crois que je le ramènerai à l’idée de Morris, qui ne fut souvent que l’exécutant des œuvres d’autrui, et qui, par son respect de l’indépendance du prochain, forma plusieurs générations d’artistes libres.
32Vu Philipon? [29], qui m’engueule parce que j’ai ri à Durand et Durand? [30] et parce que je veux voir Ferdinand le Noceur? [31]?! Cette austérité (où entrait un peu de blague) m’a fort amusé. Du reste nous irons ensemble à un bal de l’Opéra, et nous avons juré de nous surveiller réciproquement nos gidouilles. Abouché Philipon avec Yeats? [32], le poète anglais, qui s’occupe beaucoup de théurgie. Ils se sont livrés à des expériences de clairvoyance, et sont ravis l’un de l’autre. Donc tout est pour le mieux, pourvu qu’ils ne se mettent pas à me détraquer. Ne voyez aucune malice dans cette dernière phrase, car toutes ces questions m’intéressent?; mais gare aux nerfs, quand on se livre aux expériences, et gare surtout à la crédulité?!
33Au fait, Philipon m’a remis pour vous La?Maison hantée de Redon? [33]. Il faut que je fasse un articulet sur Redon. J’ai promis à Philipon de bien mentir.
34Quoi encore?? Ah?! oui, j’ai appris la cause de la disgrâce de Klingsor? [34]?; il a certainement agi sous un coup de folie, et le mieux est, comme vous, de ne jamais en parler. Klingsor a trouvé un emploi à l’Hôtel de Ville à 150 francs par mois, et le voilà donc devenu Parisien.
Lettre no?5
35Mercredi des Cendres, [3?mars 1897].
36Vous me demandez des nouvelles littéraires. Je ne puis mieux faire que vous raconter le dîner des Mercuriens hier soir, Mardi gras, à la Taverne du Panthéon. Présents?: Vallette? [35], Rachilde, Fort et sa femme, Mauclair, Jarry, Beck, Tinan, Albert, nous et des comparses. Oh?! ce fut orageux?! Vous ignorez peut-être que Beck et Jarry sont en brouille depuis longtemps. Après le dîner, Jarry a trouvé spirituel d’éteindre l’électricité et de tirer cinq coups de revolver à blanc sur Beck, qui à son tour, très crâne, a jeté un verre d’eau à la tête de Jarry et s’est livré à un pugilat qui a nécessité notre intervention. À ce moment la punaise La?Jeunesse a paru parmi nous. D’où ce petit discours de Mauclair?: «?Pour mettre fin à ces stupides querelles, je propose que le plus poltron quitte la salle?; or celui-là est La?Jeunesse?!?» Le nommé La Jeunesse s’est en effet esquivé, mais deux heures après, a envoyé Tinan et Albert comme témoins à Mauclair. Stupéfaction générale?! L’affaire aura des suites. Pendant ce temps l’honnête Fort s’élevait violemment contre Mauclair, prétendant que celui-ci n’aurait pas dû parler ainsi à La?Jeunesse s’il avait cru que celui-ci riposterait, et se faisait insulter par l’insupportable Rachilde. Nous avons eu toutes les peines du monde à calmer Fort et à lui clore le bec d’une bouteille de kummel. Puis l’austère Gide est survenu, s’est mis à boire aussi et a peloté Fanny devant le Mercure scandalisé?! Ceci entre nous, et en pure plaisanterie, car Gide en galant homme ne pouvait faire moins que chatouiller la petite femme en rut. Mais c’était bien drôle de voir Gide ainsi déboutonné devant une vingtaine de gens, lui, le Maire? [36]?!
Odilon Redon, «?Je vis dessus le contour vaporeux d’une forme humaine?», première planche de La Maison hantée, [Paris], [René Philipon], [1896]
Odilon Redon, «?Je vis dessus le contour vaporeux d’une forme humaine?», première planche de La Maison hantée, [Paris], [René Philipon], [1896]
Lettre no?6
37Marlotte, [septembre?1897].
38Jeudi Davray? [37] m’a invité à déjeuner avec Oscar Wilde, qui a pris le pseudonyme de Sébastien Melmouth? [38] [sic]. Cet être est vraiment extraordinaire? [39]. Devant sa gaîté, son esprit, son aisance parfaite, on oublie qu’il a subi un épouvantable martyre. D’ailleurs ses amis ne font aucune allusion aux deux ans passés, et lui-même, paraît-il, n’en parle jamais. J’ai le regret de dire que, s’il faut en croire les racontars, il n’est pas remis de sa passion anti-physique. C’est dommage, car j’avoue éprouver une sorte de répulsion involontaire devant les malades de son espèce, et je pense que beaucoup de gens qui estiment les qualités de Wilde l’éprouvent comme moi. Pourquoi n’éprouverait-on pas la même horreur de ceux qui passent pour normaux mais qui commettent toutes sortes de saloperies avec les femmes?? Mystère où je pense que la morale n’a rien à voir. Il faut plaindre et essayer de guérir.
39Wilde est parti pour Naples. Je crains qu’il rejoigne Douglas dans cette Sodome moderne.
40Je suis assez dépourvu de nouvelles littéraires. Avez-vous vu dans le journal le coup de griffe que Lorrain? [40] vous donne?? Savez-vous que le prochain Mercure paraît sur 320?pages, et que le bon Vallette jubile comme un cuisinier qui a réussi un plat difficile?? Pour la première fois de sa vie il annonce à tout venant un numéro épatant? [41]?: Les?Aubes de Verhaeren, un conte de Régnier… et il est assez bon pour ajouter la suite des Quatre Saisons de Bibi.
41Vous attendez patiemment, paraît-il, vos épreuves. Et moi donc?? J’ai corrigé les premières épreuves de mes Poésies il y a deux semaines et j’attends la mise en pages. Des Quatre Saisons il y a 1?500 vers d’absolument achevés et définitifs, et environ un millier à reprendre et à corriger. Il est donc certain que le volume paraîtra, dans la collection à 3 francs 50, au printemps prochain, à moins que Vallette, débordé, ne me rejette en automne? [42].
42Pardon, assez parlé de moi.
43Dimanche prochain nous allons dîner chez les Fort? [43], pour célébrer le baptême de Jeanne.
44Quoi encore?? De Groux? [44] est enfin à peu près installé dans sa maison de Marlotte. Il s’occupe toujours de son exposition chez Bing, dont il semble attendre quelque profit?; il en a grand besoin. Si vous connaissiez des amateurs de lithographie, adressez-les donc directement à de Groux.
45Point travaille comme un fou. Il a commencé à fondre du bronze avec des résultats satisfaisants?; les grands ouvrages d’émaillage ne sont pas encore commencés. La peinture, vous le pensez bien, ne chôme pas non plus.
46Gillet? [45] croit avoir une commande importante?: la décoration d’un cirque à Nantes. Aussi se livre-t-il un peu moins à la rêverie?: il gâche même du plâtre pour faire des fonds de fresque. La commande vient des propriétaires de la Taverne du Panthéon, qui l’ont déjà employé à la décoration de leur salle.
47Bourges? [46] est toujours exquis, affable et omniscient. Il demande toujours affectueusement de vos nouvelles. Je crois que l’article de Paschal? [47] dans le Mercure l’a réconforté pour longtemps.
48Rencontré à Paris Moréas? [48], qui veut passer une quinzaine à Montigny. Il m’a lu des vers admirables, d’une émotion intense, et débarrassés enfin de romanisme. C’est décidément un vrai et grand poète. Il m’a paru désabusé et revenir de bien des choses?; cette mélancolie teinte les vers dont je vous parle, vers qui sont aussi beaux que l’Intermezzo de Heine.
49Voilà toutes les nouvelles dont je dispose. Je voudrais vous parler de vous-même, mais j’ignore trop vos préoccupations présentes. Quand vous serez découragé, pensez à votre bonheur futur. Ne vous attendez pas à faire descendre pour vous tout seul le ciel sur la terre, mais croyez à la possibilité du bonheur, car cette croyance seule rendra votre bonheur possible. Le secret de l’amour conjugal est le respect de la liberté de l’être aimé. Je suis bien bête de vous dire cela, mais j’ai déjà vu tant de naufrages d’amour que je ne puis assez m’élever contre ce qu’on appelle la tyrannie de l’amour, et qui n’en est véritablement que l’égoïsme. Je sens en vous ce sentiment chevaleresque du respect amoureux, et votre sœur m’a dit des choses exquises de votre fiancée. Certes si quelqu’un mérite le bonheur, c’est vous, et vous l’aurez. Il sera d’autant plus cher que vous l’aurez attendu plus longtemps.
50Je radote comme un vieux Coppée? [49]?; mais je m’intéresse ardemment à votre avenir et je voudrais vous voir aussi heureux homme que grand poète. Dites-moi quand doit paraître La?Maison d’exil?? [50].
51J’oubliais de vous dire que j’ai vu l’excellent Pioch? [51] à Paris et que j’ai reçu de lui une lettre longue, longue, longue, où il est triste, triste, triste… Mais je ne peux croire à un pessimisme prolongé chez lui. Pioch triste, c’est dire la lumière obscure, ou le rire en larmes, ou la vie morte. Pioch est par définition la joie et la jeunesse. J’oserais dire de lui, sans la moindre nuance d’ironie, que c’est un homme qui croit à ses génitoires. Vieux cochon de veinard?!
Lettre no?7
52Bruxelles, 25?mars 1898.
53Il existe ici un groupe martiniste restreint mais énergique dont un des principaux «?agitateurs?» semble être Delville? [52], le directeur de L’Art idéaliste, et un peintre d’un très noble et très haut talent. Il viendra à Paris ce printemps, et je voudrais que vous vous entendiez avec lui pour provoquer un peu plus d’énergie chez les martinistes. L’étude secrète est nécessaire, je le proclame hautement, mais les manifestations extérieures sont également nécessaires, et c’est ce qu’ont compris, me semble-t-il, les martinistes? [53] de Bruxelles.
54Je dis «?martinistes?» comme je dirais n’importe quoi. Mais le martinisme me semble l’ordre le plus favorable actuellement aux intellectuels désireux de réaliser dans la mesure du possible la Beauté, la Justice et la Vérité. Or jamais cette trinité sacrée de l’idéal humain n’a été menacée autant qu’à l’heure présente. Il nous faudrait donc, pour nous sauvegarder des violences prochaines et pour imposer nos idées de paix et de charité, une association universelle dont chaque membre s’engagerait à agir, selon sa conscience libre et les événements, autant qu’à penser, ou prier, ou aspirer, etc. Pensez à ce que je vous dis, parlez à vos amis des martinistes, demandez-leur surtout si le moment n’est pas venu de vous manifester autrement que par des conciliabules secrets.
55Je vous parle de cela parce que je suis ravi de la combativité des martinistes belges, surtout dans les ordres moral et esthétique.
Lettre no?8
56Bruxelles, 28?mars 1898.
57Un simple post-scriptum pour vous annoncer la présence à Bruxelles de… Tépéléni? [54], vous savez, l’ami de Chatel. C’est Verhaeren qui m’a mis sur la piste en parlant d’un prince albanais de sa connaissance, dirigeant de Bruxelles un journal Jeune Turc.
58J’ai pensé que cette nouvelle vous intéresserait. Vous apprendrez aussi avec plaisir que vous êtes connu et aimé par nos amis belges. José Hennebicq? [55] m’a longuement parlé de vous, ainsi que Verhaeren.
59Rencontré l’autre jour Van Lerberghe? [56] à une belle conférence d’Hennebicq faite à la Maison d’Art.
60Celui que je fréquente surtout ici est le peintre, poète et esthéticien Jean Delville, un des hommes les plus remarquables que je connaisse unissant en parfaite harmonie la pensée et l’action. Et puis il y a en Belgique tant de charmants caractères, plus simples, plus sains que les gens de lettres de Paris. Je reviens de ce voyage tout réconforté.
61Tout ce petit groupe que je fréquente est martiniste, je crois vous l’avoir dit. Je rêverais pour vos groupes martinistes une union plus intime, une influence plus efficace sur la foule. À ce point de vue le groupe de Bruxelles est peut-être plus hardi que le vôtre. Mais je parle là de choses que j’ignore trop –?et tant que le martinisme restera secret, je refuserai d’en faire partie, estimant peu digne d’accepter d’avance et par serment des doctrines qu’on ignore. L’Église est plus forte en ne cachant rien de la discipline de ses ordres ni de la rigueur de ses doctrines. Voilà un point que je discute beaucoup avec Delville, qui est résolument contre la divulgation des secrets du martinisme. Je crois même qu’il me prend pour un téméraire essayant de forcer les portes du sanctuaire, comme si la fin de toute initiation n’était pas la Foi, l’Amour et la Volonté (par la science), fin qu’ont atteinte par l’initiation intérieure quelques grands poètes et quelques merveilleux ignorants.
62Si je vous parle à bâtons rompus de tout cela, c’est que je suis plongé dans des discussions de cet ordre du matin au soir, avec intermèdes comiques, comme hier soir à un dîner où Delville, après avoir prêché très gravement contre le rire, s’est livré à la plus indécente hilarité, jusqu’à une heure du matin, après que j’eusse fait quelques grimaces. Et voilà, on dit déjà que je suis un débaucheur?!
Lettre no?9
63Marlotte, 4?décembre 1898.
64Êtes-vous allé à la réunion du Grand?Orient?? Ce devait être sublime. Votre dernière lettre, si vibrante, a passé ici de main en main.
65J’ai une envie terrible de jeter mon travail par-dessus les moulins et de rentrer à Paris. Mais j’attends des jours plus graves, où peut-être la Cause demandera non plus des discours, mais des vies. Je vous jure que j’y serai ce jour-là? [57].
66Aujourd’hui l’affaire Dreyfus entre dans la phase révolutionnaire? [58]?: Quillard? [59] l’a bien indiqué. Nous ne savons pas ce que l’imbécillité des gouvernants peut nous préparer. Hier c’était Picquart? [60] et Dreyfus qu’on défendait?; demain ce sera la Société dont on fera le procès. Je suis prêt, pour ma part, si le sang doit couler dans Paris, à me donner jusqu’au bout pour les idées de justice et de charité sociales qui sont ma seule foi, ma seule consolation, ma seule espérance depuis que j’ai su me demander la raison de la vie? [61].
67Je vous supplie de ne pas sourire. Je sors de la lecture du magnifique article de Clemenceau dans L’Aurore d’hier?; il me semble que je sors de la prodigieuse réunion de la rue Cadet. De grandes destinées s’ouvrent peut-être pour la France, qui a déjà expié son indifférence passée, osons dire sa lâcheté. On n’insulte que ceux qu’on adore.
68Si des Français doivent mourir pour obtenir la rédemption de l’humanité, je vous jure que je serai parmi eux. Oui, la rédemption de l’humanité?: l’Angleterre est bassement mercantile, l’Allemagne râle sous la botte du sergent prussien, l’Espagne ignore même la révolte, l’Italie est encore exténuée par l’insurrection de Milan, les États-Unis brandissent un grand sabre, et ne parlons pas –?n’est-ce pas???– de la Russie.
69Seule la France vit, ou plutôt revit?! Je retrouve enfin la France qui recueillit dans son sein charitable les exilés du monde et qui inspire les chants des Byron, des Heine, des Petöfi, des Mickiewicz, des Swinburne, des Meredith?!
70Ici il y a un Scandinave qui me dit que les paysans de Norvège attendent, dans les villages de fjords, l’arrivée des paquebots pour avoir des nouvelles de l’affaire Dreyfus. Ne trouvez-vous pas sublime la foi invincible en la loyauté française, malgré les Judas qui veulent la trahir??
71À New York, j’ai marché sous les bannières rouges des grévistes en chantant la Marseillaise?; à Londres je l’ai entendu chanter par les foules de Hyde Park?; à Munich nous la chevrotions à la barbe des sergots. Pauvre Marseillaise, elle a dû sonner bien faux, depuis trois ans, aux oreilles des opprimés du monde? [62]. Mais voici que Marianne a remis son bonnet rouge, et qu’elle l’entame haut et clair, le chant de la révolte.
72Des mots?! des mots?! des mots?! dirait un autre que vous en me lisant. Mais non?; le ton se hausse avec les événements?; les hommes de la Révolution avaient à couvrir de leur voix le son du canon et le bruit des têtes tombant de la guillotine. Or demain…
73Je n’ose continuer. Il suffit de la signature d’un Freycinet? [63]? pour changer le cours des événements. Mais le destin a souvent voulu que le geste décisif et nécessaire ne se fît pas. Quelques gouttes d’encre, une plume et une volonté, voilà de quoi dépendent les plus graves événements.
Lettre no?10
74Vevey, 22?août 1899.
75Ah?! si vous pouviez voir ce paysage qui s’étend sous ma fenêtre. Le lac est d’un bleu de lapis, moucheté ici et là du blanc éclatant des cygnes et des voiles. Tout autour, les montagnes se profilent azurées, dans la brume du matin. Sur la terrasse de l’hôtel, des palmiers, des lauriers roses, des géraniums, à l’ombre d’immenses catalpas. Ce serait le paradis sans une vieille dame antidreyfusarde à la voix rauque, qui bondit, hennit, déchire l’air de ses mains à mitaines quand j’arbore L’Aurore.
Pépin, «?En marche pour la vérité. La consigne est de se taire?!?»
Pépin, «?En marche pour la vérité. La consigne est de se taire?!?»
76Et malgré tout je voudrais être à Paris non seulement, bien entendu, pour revoir ma bonne Bob, mais pour y respirer cette odeur de bataille que j’aime tant. Ce n’est pas parce que j’attache une énorme importance aux bagarres de dimanche, mais voilà tout de même un bon indice de surexcitation. Nous avons beau vouloir, forts de nos idées, tolérer celles des autres, il vient un moment où les cris odieux et idiots des antisémites vous portent sur les nerfs, et le bon populo se fâche pour de bon. Ah?! lui aurait vite fait de capturer Guérin? [64] et sa bande?! Quel scandale que ce gouvernement qui parlemente ainsi avec des rebelles, lorsqu’il commet illégalités sur illégalités quand il s’agit d’arrestations d’anarchistes.
77Je vois que Sébastien Faure? [65] est arrêté pour excitation au meurtre. Elle est bien bonne, celle-là?! D’ailleurs Sébastien est un malin?; sa politique jusqu’ici a été de faire tout ce qu’on a toléré chez les autres. Après l’acquittement de Déroulède? [66], il a lancé son appel aux soldats. Après la provocation de Guérin, il provoque à son tour. Tout cela prépare d’assez tristes journées de grabuge, car aucune idée générale et généreuse ne domine encore la foule. Si cela continuait, il faudrait franchement poser la question de révolution sociale au-dessus même de l’affaire Dreyfus.
78Avez-vous lu in extenso le témoignage de Picquart?? C’est un chef-d’œuvre d’exposition. Il a certainement tourné un peu vers la lumière l’esprit des juges. C’est pourquoi je ne désespère pas. Demange? [67] a déjà en main, grâce à ses questions judicieuses, de quoi montrer les généraux en contradiction avec eux-mêmes. La lecture du premier témoignage de Cuignet? [68] devant celui-ci en personne a dû être un spectacle d’un haut ragoût.
79Vous n’avez pas idée combien ce drame passionne l’étranger. On s’arrache L’Aurore en Suisse. Hélas?! dès qu’on est en deçà de la frontière française, on voit réapparaître les Intransigeant, les Libre Parole, les Petit Journal, qui sont la honte d’un peuple.
80En attendant, il ne faudrait pas oublier la honte des autres peuples. L’Angleterre prépare un crime d’une lâcheté inouïe au Transvaal. En Amérique il y a de l’espoir, et je crois que Mac Kinley sera prochainement renversé sur la question des Philippines. Un vaste parti populaire s’organise contre l’Impérialisme. Tant mieux.
81En voilà une drôle de lettre, d’un ami à un ami. Mais il est bien difficile de détacher son esprit des grands drames de l’heure présente. Une seule chose me console?: c’est que vraiment le peuple prend conscience de lui-même, et commence à se passionner partout pour la Justice…
82Eh?! me voici retombant dans les grandes considérations. Halte là?!
83J’ai reçu de bonnes lettres de Pioch, encore malheureux, et de Philipon, pas bien portant. Celui-ci m’écrit qu’il vous a visités, vous et votre femme, à Paris. Il vous consacre quelques lignes très cordiales, très émues même, que je vous lirai.
84À Genève, j’ai vu Trachsel? [69] et j’ai passé une soirée avec lui et un Anglais paralytique à la taverne du Crocodile, où l’on admire, en chair et en os, un mignon crocodile. Je ne sais pas s’il boit des bocks. Vous voyez qu’elle était très réalisable, mon idée d’un crocodile dans une baignoire?!
85J’ai hâte, malgré un voyage très agréable, d’être de retour chez moi. Je mettrai mon livre en train, puis je partirai pour le Rhin ou l’Italie avec Bob, à moins de révolution.
86Dès que je serai libre de vous voir, je vous ferai signe, et nous passerons une soirée ensemble. Avant de partir pour mon nouveau voyage, j’arrangerai tout à Marlotte pour que vous puissiez aller vous y reposer quand vous voudrez. La maison sera la vôtre.
87Bonjour à Verhaeren, si vous le revoyez et dites-lui que j’espère qu’il se porte comme moi, c’est-à-dire comme un chêne. Ce m’est une volupté de vivre en ce moment, tant ma santé physique et morale est bonne. J’espère qu’il en est de même pour vous et Madame Pilon, à qui j’envoie mes bonnes amitiés.
Notes
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[1]
Cité par Marjorie Louise Henry, La?Contribution d’un Américain au symbolisme, Stuart Merrill, Paris, H.?Champion, 1927, p.?63. La seule étude récente consacrée à Stuart Merrill est de Cécile Leblanc?: «?Stuart Merrill?: itinéraire d’un cosmopolite?», Revue Silène. Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest –?Nanterre –?La?Défense, 7?juin 2010. Disponible à l’adresse?: <http://www.revue-silene.com/f/index.php?sp=liv&livre_id=149> (consulté le 27?janvier 2012).
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[2]
Cinquantenaire du symbolisme, catalogue d’exposition, Paris, Bibliothèque nationale, 1936, p.?98.
-
[3]
L’Ermitage, août?1893, p.?107.
-
[4]
Poesia, juin?1906, p.?50.
-
[5]
Jacques Monférier, «?Symbolisme et anarchie?», Revue d’histoire littéraire de la France, 65e?année, n°?2, avril-juin?1965, p.?233-238?; Uri Eisenzweig, «?Représentations illégitimes. Dreyfus, ou la fin de l’anarchisme?», Romantisme, n°?87, 1995, p.?75-86, et «?Poétique de l’attentat?: anarchisme et littérature fin-de-siècle?», Revue d’histoire littéraire de la France, 99e?année, n°?3, dossier «?Anarchisme et création littéraire?», mai-juin?1999, p.?439-452.
-
[6]
Sur la confrérie Haute-Claire et le peintre Armand Point, voir Laurent Stéphane, «?Armand Point?: un art décoratif symboliste?», Revue de l’art, n°?116, 1997, p.?89-94.
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[7]
L’ordre martiniste est un courant de pensée ésotérique fondé en 1891 par Gérard Encausse, connu sous le pseudonyme de Papus. Il s’inspire des doctrines théosophiques développées par Joachim Martines de Pasqually (vers 1710-1774), Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), dit le «?philosophe inconnu?», et Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824).
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[8]
Vente Pierre Bergé & associés, hôtel Drouot, 13?décembre 2011, lot n°?6. Le fonds comprend notamment de nombreux manuscrits autographes et inédits, des lettres à sa fiancée Claire Rion et un ensemble de lettres reçues du monde littéraire et artistique. Le lot n’a pas été adjugé. Estimation 25?000?–?30 000?euros.
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[9]
André-Ferdinand Hérold (1865-1940). Nous donnons seulement les dates de naissance et de mort des acteurs de la «?mêlée symboliste?» cités dans les lettres de Stuart Merrill. On y retrouve les membres de la première et de la deuxième génération symboliste.
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[10]
Peut-être Hérold fait-il allusion à son voyage en Algérie en 1894 en compagnie de Pierre Louÿs, à la recherche de Meryem bent Ali, de la tribu des Ouled-Naïl, qui avait été la maîtresse d’André Gide. La jeune femme, à la demande de ce dernier, lui coupa la barbe pendant son sommeil et Pierre Louÿs l’envoya par la poste en France?!
-
[11]
Département de l’Ardèche.
-
[12]
André Lebey (1877-1938).
-
[13]
Ernest Hello, Philosophie et athéisme, Paris, C.?Poussielgue, 1888.
-
[14]
Le Livre des visions et instructions d’Angèle de Foligno a été traduit en 1868 par Ernest Hello.
-
[15]
Dans une autre lettre du début de l’année 1896 à Edmond Pilon, Stuart Merrill indique?: «?À propos de Sagesse, je relis en ce moment, après les avoir bien oubliées, les Petites Fleurs de saint François. Si j’étais le chrétien qu’il faut, c’est-à-dire si j’arrivais à renoncer aux choses de cette terre que j’aime et que je pense qu’il faut aimer, voilà le livre qui me suffirait dans ma thébaïde, avec l’Imitation et les Évangiles. Je ne serai jamais ce chrétien-là, mais saint François, celui de la légende, me charme par tout un côté de bon sens humain, par une sorte de bonne humeur, qui le rend bien différent de cette chipie de sainte Angèle de Foligno.?»
-
[16]
Département du Calvados.
-
[17]
Paul Souchon (1874-1951).
-
[18]
Mécislas Golberg (1869-1907), penseur anarchiste alors réfugié à Londres.
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[19]
Charles Chatel (1868-1897) et Jean Grave (1854-1939), journalistes anarchistes, furent inculpés avec d’autres activistes pour «?association de malfaiteurs?», jugés et acquittés en 1894 lors du retentissant «?procès?des Trente?».
-
[20]
Dans une autre lettre à Edmond Pilon datée de juin?1896, Stuart Merrill précise?: «?Dites à Souchon de ma part que je trouve qu’il se fait une idée… exagérée de la valeur de Golberg. Du reste c’est ce que je lui écris. La morale habituelle de ces aventures de “théoriciens” c’est, du moins pour le bourgeois, que seuls sont anarchistes ceux qui se font une excuse de leur anarchie pour voler, mentir ou tuer. Franchement je ne range pas Golberg dans cette catégorie, mais je brûle de trouver un anarchiste qui soit propre de sa personne, qui ne s’édifie pas chaque nuit un piédestal de soucoupes, et qui enfin n’ait aucun intérêt à proclamer les principes de l’anarchie. Si, je connais cet anarchiste?: c’est Jean Grave. Aussi est-il détesté par les Golberg et autres.?»
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[21]
William Morris (1834-1896), fondateur du mouvement Arts & Crafts et théoricien du socialisme en Angleterre. Dans une lettre à Edmond Pilon datée d’octobre 1896, Stuart Merrill fait part de son admiration?: «?J’ai pleuré, oui, pleuré en apprenant sa mort, comme j’ai pleuré à la mort de Victor Hugo. Il semblait qu’il dût vivre encore longtemps, et connaître enfin la pleine gloire que ses contemporains lui ont marchandée à cause de ses courageuses opinions. Morris, je l’aimais, s’il est possible, encore plus que je ne l’admirais?; vous aussi vous êtes venu d’instinct à ce grand génie. Profitons de son exemple, et soyons des Hommes.?»
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[22]
Henri Mazel (1864-1947), directeur de la revue L’Ermitage, vient de publier La?Synergie sociale.
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[23]
En grec ancien, on appelle «?aristie?» une série d’exploits accomplis par un héros animé d’une fureur sacrée qui se lance vaillamment contre la masse de ses ennemis. On en trouve une belle illustration dans L’Iliade. Sous la plume de Stuart Merrill, il faut y voir l’affirmation d’une supériorité personnelle et individuelle.
-
[24]
Laurent Labaigt, dit Jean Rameau (1858-1942).
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[25]
Paul Adam (1862-1920).
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[26]
Charles Chatel meurt de phtisie en 1897.
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[27]
Emmanuel Lalande, dit Marc Haven (1868-1926), médecin et occultiste.
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[28]
Stuart Merrill est proche de la communauté d’artistes créée par le peintre symboliste Armand Point (1860-1932)?; il s’y installe pour un temps à partir de mai?1897, avec le projet de devenir imprimeur.
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[29]
René Philipon (1870-1936).
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[30]
Durand et Durand, comédie de Maurice Ordonneau et Albin Valabrègue.
-
[31]
Ferdinand le Noceur, comédie de Léon Gandillot.
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[32]
William Butler Yeats (1865-1939). Dans une lettre datée du 5?décembre 1896, Stuart Merrill avait montré son enthousiasme à?Edmond Pilon?: «?Yeats, qui a une idée très nette des questions sociales, et qui les voit de très haut, favorise une union des forces supérieures pour l’action révolutionnaire. Il voit la révolution après une très prochaine guerre européenne, comme nous tous. Il a même à ce sujet collationné les prophètes de divers pays, et tous s’accordent sur ces années-ci pour le déchaînement de la guerre. Oh?! mourir avant de voir cela?! Mais puisque nous le verrons, unissons-nous pour le bien. Philipon voit-il tout à fait clair dans ces questions?? Je crains parfois que ni vous ni lui (pardonnez ma franchise) ne compreniez qu’il faudra agir pour le bien avec les forces du mal. Moi-même, vous le savez, malgré ma philosophie, je suis assez souvent dégoûté de la bassesse d’âme des révolutionnaires. Grave les a cravachés dans un récent article, ces gens pour qui anarchie signifie droit au cambriolage. Riez de l’image?: nous devrions être d’indulgents vidangeurs répartissant la merde dans de pauvres terrains pour la croissance des roses et du blé de l’avenir?: vraiment cette image me semble juste.?» Publié partiellement par Marjorie Louise Henry, La?Contribution d’un Américain au symbolisme, Stuart Merrill, Paris, H.?Champion, 1927, p.?109.
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[33]
Cette nouvelle de Bulwer-Lytton, traduite par René Philipon, a été illustrée par Odilon Redon en 1896.
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[34]
Léon Leclère, dit Tristan Klingsor (1874-1966).
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[35]
Alfred Vallette, fondateur du Mercure de France qu’il dirigeait avec sa femme Rachilde, réunissait souvent les auteurs de la revue à la Taverne du Panthéon. On retrouve autour d’eux à cette soirée célèbre?: Stuart Merrill, Paul Fort, Camille Mauclair, Alfred Jarry, Christian Beck, Jean de Tinan, Henri Albert, Ernest La?Jeunesse, Fanny Zaessinger et André Gide. Inaugurée en 1896, la Taverne du Panthéon se trouvait au 63 boulevard Saint Michel, à l’angle de la rue Soufflot ; elle prendra ensuite le nom de Capoulade. Gide l’évoque dans les Faux-Monnayeurs (IIIe partie, chap. VIII), où elle sert de cadre à la fameuse scène du banquet des Argonautes.
-
[36]
André Gide a été élu maire de la Roque-Baignard, dans le département du Calvados, en mai?1896.
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[37]
Henry Durand, dit Henry Davray (1873-1944), traducteur d’Oscar Wilde.
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[38]
Sébastien Melmoth est le pseudonyme adopté par Oscar Wilde (1854-1900) lors de son exil en France entre?1897 et?1900. Rappelons qu’Oscar Wilde a été condamné le 25?mai 1895 à deux ans de travaux forcés pour «?grave immoralité?» en raison de sa liaison avec Lord Alfred Douglas. À sa sortie de prison, il séjourne à Paris puis le rejoint en septembre?1897 à Naples.
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[39]
Stuart Merrill est un fervent admirateur d’Oscar Wilde. Merrill, Marcel Schwob, Adolphe Retté et Pierre Louÿs ont corrigé, à la demande de Wilde, le texte de sa tragédie Salomé écrite en français. Lors de la condamnation de Wilde, Merrill lança un appel dans La?Plume en novembre?1895 pour adoucir le sort du prisonnier?; sa pétition ne recueillit que très peu de signatures.
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[40]
Jean Lorrain (1856-1906).
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[41]
Le n°?94 d’octobre?1897 du Mercure de France accueille en effet Les?Aubes, drame lyrique (actes?I et?II) d’Émile Verhaeren, Le?Signe de la Clef et de la Croix, conte d’Henri de Régnier et Les?Quatre Saisons de Stuart Merrill.
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[42]
Ce recueil de poèmes paraît au Mercure de France seulement en 1900.
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[43]
Paul Fort (1872-1960).
-
[44]
Henry de Groux (1866-1930).
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[45]
Numa Gillet (1868-1940).
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[46]
Élémir Bourges (1852-1925).
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[47]
Léon Paschal (1873-1939).
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[48]
Jean Moréas (1856-1910).
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[49]
François Coppée (1842-1908).
-
[50]
Edmond Pilon, La?Maison d’exil, Paris, Mercure de France, 1898.
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[51]
Georges Pioch (1873-1953).
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[52]
Jean Delville (1867-1953).
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[53]
Proche des mouvements ésotériques, Stuart Merrill est lecteur des œuvres de Louis-Claude de Saint-Martin et de Papus. Dans une lettre à Edmond Pilon datée du 21?juillet 1896, il écrit?: «?Est-ce que par hasard je suivrais à mon insu le chemin de Saint-Martin?? Le petit livre d’éthique que je médite est non seulement basé sur l’idée de l’accord à faire entre nous et les desseins de Dieu, mais comporte la triple division que vous m’indiquez. Ce petit livre, je veux cependant le faire sans avoir recours à Saint-Martin, car je désire qu’il paraisse exprimer la morale d’un homme raisonnable, qu’il soit athée ou déiste, qu’il soit utilitaire ou idéaliste. Je veux même autant que possible en écarter toute métaphysique, afin de n’effaroucher personne. En d’autres mots, je veux persuader à ceux qui ne pensent pas que la Beauté, la Bonté et la Vérité sont les conditions de la parfaite Vie, c’est-à-dire du Bonheur, et que tout le reste n’est que Mort et formes de Mort.?» Cité par M.?L.?Henry, op. cit., p.?207.
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[54]
Faik Konica (1875-1942) anime à Bruxelles sous ce pseudonyme la revue littéraire Albania.
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[55]
José Hennebicq (1870-1941).
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[56]
Charles Van Lerberghe (1861-1907).
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[57]
Dans une lettre à Edmond Pilon datée du 1er?septembre 1898, Stuart Merrill fait déjà part de son émotion?: «?Quelle débâcle?! Le czar dont ils ont tant léché les bottes prêche maintenant le désarmement, et il est prouvé que ce sacro-saint Deuxième Bureau était plein de crapules?! Ah?! si l’armée en sort indemne de cette épreuve-là, de cette preuve, devrait-on dire, je désespère définitivement de la France. Ce qui est plus formidable que la crapulerie des meneurs de la conspiration esterhazyste, c’est la bêtise de nos gouvernants honnêtes. Car enfin Cavaignac lui-même fut stupide jusqu’à ce jour, et tous furent stupides, à moins qu’ils ne fussent sciemment les co-assassins de Dreyfus. Et dire que c’est avec un peu d’écriture de gâteux qu’on a ainsi secoué la France pendant des années?!?»
-
[58]
Le 29?octobre 1898, la Chambre criminelle de la Cour de cassation déclare recevable la demande de révision du jugement du 22?décembre 1894 condamnant le capitaine Alfred Dreyfus au bagne à perpétuité pour trahison.
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[59]
Pierre Quillard (1864-1912).
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[60]
Georges Picquart (1854-1914), chef du Deuxième Bureau en 1895, convaincu de l’innocence du capitaine Dreyfus, révèle, après enquête, les faux en écritures à sa hiérarchie. Muté, chassé de l’armée puis emprisonné, il devient une icône du camp dreyfusard.
-
[61]
Dans une lettre à Edmond Pilon datée du 22?octobre 1898, Stuart Merrill évoque un projet théâtral?: «?Vous me parlez d’une collaboration possible entre vous et moi pour le théâtre. Rien ne me serait plus agréable. J’ai moi-même en tête un scénario dont je vous développerai les détails un jour. Le mien malheureusement a pour fond nécessaire les incidents d’une grève, l’éternelle grève dont il est difficile de se débarrasser dans une pièce sociale. Ma pièce en outre est plutôt décourageante, puisqu’elle a pour héros un bourgeois qui se sacrifie pour le peuple et qui est tué par lui?: le pendant de tout le drame intérieur, l’homme déchiré entre les préjugés de sa caste et son devoir social, me paraît pouvoir impressionner.?»
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[62]
Le passage de «?À New York?» à «?opprimés du monde?» a été publié dans M.?L.?Henry, op. cit., p.?110.
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[63]
Charles de Freycinet (1828-1923), ministre de la Guerre du 1er?novembre 1898 au 6?mai 1899, antidreyfusard.
-
[64]
Jules Guérin (1860-1910), journaliste antidreyfusard et antisémite. Il faut lire ici une allusion à l’épisode du «?Fort Chabrol?» pendant l’été 1899.
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[65]
Sébastien Faure (1858-1942), militant anarchiste et dreyfusard, fondateur en 1895 avec Louise Michel du journal Le?Libertaire.
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[66]
Le nationaliste Paul Déroulède (1846-1914) a tenté, lors des obsèques de Félix Faure, d’entraîner le général Roger dans un coup d’État contre le régime parlementaire.
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[67]
Edgar Demange (1841-1925), avocat d’Alfred Dreyfus lors des procès de?1894 et?1899.
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[68]
Louis Cuignet (1857-1936), officier d’ordonnance du ministre de la Guerre Cavaignac (10?juillet 1898 –?12?mai 1899). Lors du deuxième procès Dreyfus à Rennes (7?août –?9?septembre 1899), il déclare être certain de sa culpabilité.
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[69]
Albert Trachsel (1863-1929).