Notes
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[1]
Nous remercions Agnès Bénassy-Quéré, Gunther Capelle-Blancard, Benjamin Carton, Laurent Clerc et Henri Sterdyniak pour leurs commentaires sur une version antérieure de cet article.
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[2]
Cet article reflète les idées personnelles des auteurs, mais ne rend pas compte de la position de la Banque de France.
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[3]
Les statistiques disponibles ne permettent pas d’appréhender précisément la variable de productivité adéquate, qui nécessiterait de connaître l’évolution des heures travaillées et de la valeur ajoutée par secteur pour tous les pays de l’échantillon. En conséquence, nous choisissons de retenir ici le PIB par tête en PPA comme mesure de la productivité d’un pays. Bien que n’étant pas exempte de biais dus aux effets demande, cet indicateur apparaît comme l’un des plus fiables.
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[4]
La forte surévaluation de la monnaie finlandaise au début des années 1990 provient de la crise financière violente qui a frappé le pays à cette époque.
1La zone euro dans son ensemble présente un compte extérieur équilibré, mais cette situation masque de profonds déséquilibres entre les pays. Les performances en matière de commerce extérieur sont en effet très divergentes entre l’Allemagne qui accumule des excédents et les pays du Sud comme l’Espagne, le Portugal et la Grèce dont les déficits sont persistants.
2Au début des années 2000, la plupart des économistes pensaient que l’union monétaire faciliterait le financement des pays déficitaires, en supprimant le risque de change à l’intérieur de la zone. Les déficits extérieurs seraient ainsi financés sans douleur, au taux d’intérêt commun (Blanchard et Giavazzi, 2002). L’intensification des mouvements de capitaux entre les pays membres permettrait à la zone euro de remplir automatiquement le critère d’intégration financière, nécessaire pour former une zone monétaire optimale selon Mundell (1961) ; la zone euro deviendrait alors une zone monétaire optimale de manière endogène (Frankel et Rose, 1998 ; Rose et Engel, 2000). À cette époque, l’approfondissement de l’intégration financière était censé aplanir les difficultés de financement des pays périphériques mais aussi faciliter leur convergence réelle. Non seulement, la contrainte extérieure des pays déficitaires allait être assouplie, mais les entrées de capitaux dont ils bénéficieraient viendraient renforcer leur productivité et accélérer leur rattrapage économique.
3La première décennie de l’union monétaire a donné raison aux optimistes quant à l’approfondissement de l’intégration financière : les flux de capitaux transfrontaliers à l’intérieur de la zone se sont beaucoup accrus et les pays déficitaires ont pu s’émanciper de la pression des marchés des changes qu’ils subissaient de plein fouet auparavant. Cependant depuis 2010, la crise de la dette a révélé la fragilité financière des pays déficitaires et montré que leur appartenance à une union monétaire ne leur garantissait nullement de pouvoir se financer à un taux d’intérêt commun. Non seulement, les taux d’intérêt sur la dette souveraine des pays du Sud se sont fortement accrus, mais ils ont emporté avec eux l’ensemble des taux d’intérêt débiteurs pour les agents privés de ces pays. Un processus de fragmentation est donc maintenant à l’œuvre dans l’espace financier européen.
4Comment expliquer ce retournement soudain ? En réalité, la crise a révélé des disfonctionnements à l’œuvre depuis le début de l’union monétaire, mais qui étaient restés masqués jusqu’alors par un climat de confiance excessive. Premièrement, les entrées de capitaux vers les pays périphériques n’ont pas servi à améliorer leur productivité relative, mais plutôt à soutenir leur demande, notamment en consommation et logement, contribuant à alimenter les pressions inflationnistes, mais aussi des bulles immobilières (Giavazzi et Spaventa, 2010). Cette situation s’est trouvée aggravée par les taux d’intérêt réels négatifs – résultant des taux d’intérêt nominaux assez bas communs à la zone euro – et de l’inflation plus élevée dans les pays du Sud. Deuxièmement, le risque de défaut souverain était considéré comme négligeable pour la plupart des pays développés avant la crise de 2010. Par conséquent, il y avait peu de différences entre les taux d’intérêt sur les obligations souveraines des pays de la zone euro, ce qui a contribué à faciliter l’endettement de ces économies. Les renflouements successifs de l’Etat grec, puis la restructuration de sa dette en début d’année 2012, ont montré que le défaut d’un Etat développé à l’intérieur même de la zone euro était tout-à-fait possible. Ce risque devait donc être compensé par des taux d’intérêt plus élevés dans les pays risqués. Pire encore, un pays à l’intérieur d’une union monétaire avait une probabilité de défaut plus élevée qu’un pays ayant conservé sa monnaie, puisqu’il n’y avait ni mécanisme coercitif pour contraindre ses finances publiques, ni renflouement automatique prévu en cas de difficultés. En l’état actuel du fonctionnement de la zone euro, la dette souveraine des pays peut être assimilée à une dette en monnaie étrangère, traditionnellement moins bien notée par les agences de notation qu’une dette en monnaie nationale, puisque le pays en risque de défaut ne peut pas utiliser directement la création monétaire pour rembourser (Boone et Johnson, 2011 ; Gros, 2011 ; de Grauwe, 2011 ; Pisani-Ferry, 2012). Le risque de défaut souverain à l’intérieur de l’union monétaire, maintenant pris en compte par les marchés, a conduit à creuser profondément les écarts de taux d’intérêt entre les pays.
5Cependant, cette montée des spreads a été tellement violente, que l’on peut se demander si elle ne reflète pas davantage qu’un risque de défaut des États. En effet, une partie des spreads pourrait aussi être destinée à compenser les investisseurs contre le risque d’investir dans un pays qui abandonnerait ensuite l’euro. La prime de risque de change qui était censée être éradiquée par l’union monétaire serait ainsi réapparue, avec les mêmes conséquences « désagréables », c’est-à-dire des taux d’intérêt nettement plus élevés pour les pays déficitaires. Avant l’union monétaire, cette prime de risque de change venait alourdir les taux d’intérêt des pays déficitaires, pour compenser les pertes des investisseurs en cas de dévaluation. La prime de change était liée au fait que les pays déficitaires, notamment les pays du Sud, ayant davantage d’inflation que l’Allemagne, se trouvaient régulièrement avec des monnaies surévaluées si le taux de change était maintenu fixe trop longtemps. Or cette situation pourrait se retrouver en union monétaire.
6En effet, bien que les taux de change soient complètement fixes entre les pays membres depuis l’adoption de l’euro, les taux de change réels continuent d’évoluer tant que l’inflation diffère d’un pays à l’autre. Ils se sont appréciés dans les pays du Sud, sous l’effet d’une inflation plus forte, entraînant une perte de compétitivité et une dégradation du commerce extérieur. Une question importante est de savoir si cette appréciation a conduit à une surévaluation des taux de change réels dans cette partie de la zone euro. Plusieurs études se sont penchées récemment sur cette question en utilisant une approche de taux de change d’équilibre fondamental (Fundamental Equilibrium Exchange Rate) ; leur conclusion révèle une grande divergence des pays membres quant aux mésalignements de leurs taux de change réels (Jeong et al. 2010 ; Cline et Williamson, 2011 ; Carton et Hervé, 2012).
7Notre but dans cet article est de déterminer si les mésalignements des taux de change réels des pays membres se sont aggravés depuis l’union monétaire. Pour y répondre, nous évaluons les taux de change d’équilibre pour l’ensemble des pays membres en recourant à une approche de taux de change d’équilibre comportementale (Behavioral Equilibrium Exchange Rate) introduite par Clark et MacDonald (1998) et suivie par exemple par Alberola et al. (1999, 2002), Alberola (2003) et Bénassy-Quéré et al. (2009, 2010). Plus précisément, nous estimons leur valeur d’équilibre par une méthode de cointégration en panel reliant les taux de change à leurs fondamentaux économiques sur la période 1980-2010. Nous calculons ensuite les mésalignements comme la différence entre les parités observées et les parités estimées par le modèle. Cette méthode nous permet de comparer les mésalignements entre pays membres en termes d’ampleur et de persistance.
8Dans la suite de cet article, nous fournissons une brève revue de la littérature sur la question des taux de change réels et des déséquilibres à l’intérieur de la zone euro dans la partie 1. La méthode d’estimation ainsi que les données sont présentées en partie 2. Nous commentons les résultats trouvés en termes de mésalignements des taux de change réels pour l’ensemble des pays membres dans la partie 3. Nous comparons ensuite les mésalignements avant et après l’union monétaire en termes d’ampleur et de persistance dans la partie 4.
1 – Revue de la littérature
1.1 – Les divergences d’inflation et de taux de change réels dans la zone euro
9Comme les parités nominales sont fixes à l’intérieur d’une union monétaire, une inflation plus forte dans un pays génère nécessairement une appréciation du taux de change réel de ce pays, qui peut susciter une perte de compétitivité et un creusement du déficit extérieur. Le critère d’inflation du Traité de Maastricht était destiné à éviter ce biais en faisant de la convergence des taux d’inflation un préalable à l’union monétaire. La politique monétaire commune était aussi censée compléter ce processus de convergence nominale. Cependant, les écarts d’inflation entre les pays ont persisté après l’union monétaire.
10Premièrement, l’union monétaire elle-même pourrait être à l’origine des divergences d’inflation et de croissance entre les pays. En effet, durant la première décennie de l’union monétaire, les pays du sud de la zone euro ont connu une forte baisse de leur taux d’intérêt liée à la disparition de leur prime de change. Cette situation favorable à l’endettement a renforcé la demande et les pressions inflationnistes. Les différentiels d’inflation seraient ainsi imputables aux écarts des cycles économiques, comme le montrent Andersson et al. (2009) en utilisant un panel de 12 pays membres sur la période 1999-2006. Ils pourraient aussi avoir été aggravés par des différences dans la transmission de la politique monétaire liées à la structure du marché des biens (Bulir et Hurnik, 2008). Plus fondamentalement, l’inflation a été tirée par les augmentations de salaires et les hausses de prix immobiliers dans les pays en rattrapage, alors qu’elle est restée très contenue en Allemagne, notamment grâce aux réformes structurelles du gouvernement Schröder visant à limiter les salaires.
11Deuxièmement, au début de l’union monétaire, les pays du Sud avaient encore des niveaux de revenus et de prix plus bas que ceux des pays du cœur de la zone euro. Par conséquent, il était logique d’attendre une inflation plus forte et une appréciation du taux de change réel dans ces pays tant que durerait leur rattrapage économique, ainsi que le prévoit l’effet Balassa-Samuelson. Cette convergence attendue des niveaux de prix expliquerait les écarts d’inflation dans les toutes premières années de l’union monétaire (Honohan et Lane, 2003). Cependant, l’effet Balassa-Samuelson n’est pas corroboré dans les années suivantes. Il n’expliquerait qu’une petite partie des écarts d’inflation, la productivité relative des biens échangeables ayant peu progressé dans les pays du Sud (Bulir et Hurnik, 2008). De même, la relation négative entre l’inflation et le niveau de prix initial est difficile à établir (Beck et al., 2009). L’effet Balassa ne semble pas décisif non plus pour expliquer l’inflation dans les pays pris individuellement, comme l’Espagne (Rabanal, 2009), ou l’Irlande (Honohan et Lane, 2003).
1.2 – Les déséquilibres extérieurs dans la zone euro
12Toujours dans cette première décennie de l’union monétaire, l’intégration financière accrue ainsi que le bas niveau des taux d’intérêt nominaux et réels dans les pays périphériques ont favorisé l’endettement et stimulé la demande dans les pays périphériques tout en décourageant l’épargne. Cette situation était alors perçue comme salutaire car les flux de capitaux étaient censés financer de « bons déséquilibres », dans le sens où ils permettraient une allocation efficiente des ressources à l’intérieur de la zone. Il semblait en effet normal que des pays en phase de rattrapage, avec un plus faible revenu par tête, aient des balances courantes déficitaires. C’était le cas en zone euro, davantage que pour l’ensemble des pays de l’Union européenne (UE) ou de l’OCDE (Blanchard et Giavazzi, 2002). Ces résultats sont confirmés par Schmitz et von Hagen (2009) qui ont estimé une relation entre balances commerciales et niveaux de revenu par tête pour un échantillon de 15 pays de l’UE sur la période 1981-2005. Les flux de capitaux ont été davantage orientés vers les pays à plus faibles revenus à l’intérieur de la zone euro, en comparaison avec l’ensemble des pays de l’UE — même s’il existe des différences entre les pays du Sud et les pays d’Europe centrale et orientale.
13Ainsi les balances courantes ont été très divergentes à l’intérieur de la zone, allant de -14 % du PIB dans certains pays à 8 % dans d’autres. Leur valeur absolue atteignait 6 % du PIB en moyenne après l’union monétaire contre 3 % sur la période précédente (Barnes et al., 2010). Les différences de conjoncture et de compétitivité expliquent ce phénomène. La dérive des coûts salariaux unitaires dans les pays en rattrapage s’est traduite par une détérioration de leur commerce extérieur puisque les pays les plus avancés, notamment l’Allemagne, menaient dans le même temps une politique visant à maîtriser les salaires afin de gagner en compétitivité. Selon Berger et Nitsch (2010), les déséquilibres courants des pays de la zone euro se sont accrus au début de l’union monétaire tout en devenant plus persistants.
14Ainsi, peu à peu s’est insinuée l’idée selon laquelle l’union monétaire pourrait aussi favoriser la formation de « mauvais déséquilibres », les entrées de capitaux dans les pays périphériques apparaissant excessifs par rapport à l’allocation optimale des ressources entre les pays membres. Pour le vérifier, il est possible de s’appuyer sur la méthode proposée par Chinn et Prasad (2003) qui expliquent les comptes courants en fonction de variables fondamentales au moyen de régressions en panel sur un grand ensemble de pays. Toutes les variables étant prises en moyenne sur 5 ans pour éviter les effets cycliques, l’estimation du modèle fournit une norme pour un compte courant compatible avec les fondamentaux structurels du pays. Cette norme fournit une indication utile, bien qu’elle dépende des fondamentaux retenus dans le modèle et de l’échantillon choisi. En appliquant cette méthode sur un ensemble de pays de l’OCDE de 1969 à 2008, Barnes et al. (2010) montrent que les soldes courants à l’intérieur de la zone euro ont eu une ampleur bien plus importante que ceux prévus par le modèle entre 2004 et 2008, qu’il s’agisse des excédents allemands, néerlandais ou bien des déficits grecs, portugais ou espagnols. Ce résultat est confirmé au moins pour les pays déficitaires par l’introduction dans le modèle d’une variable muette représentant les pays périphériques de la zone euro qui s’avère significativement négative. Jaumotte et Sodsriwiboon (2010) concluent aussi que les déficits courants des pays du sud de la zone euro dépassent leur valeur estimée, même s’il y a de fortes différences entre les pays. Tous ces résultats soulèvent la question d’une éventuelle surévaluation des monnaies des pays périphériques.
2 – Estimation des mésalignements : aspects méthodologiques
15Nous calculons d’abord des taux de change réels d’équilibre pour les pays de la zone euro en estimant une relation de long terme entre leurs taux de change effectifs réels et les fondamentaux économiques. Nous déduisons ensuite les mésalignements – c’est-à-dire les surévaluations ou sous-évaluations – comme les écarts entre les taux de change réels observés et leurs valeurs estimées par le modèle.
2.1 – La relation de long terme entre taux de change réels et fondamentaux
16Nous suivons ici une approche comportementale du taux de change d’équilibre (Behavioral Equilibrium Exchange Rate) et utilisons un modèle semblable à celui proposé par Alberola et al. (1999, 2002) et Alberola (2003). Le taux de change réel effectif dépend de deux variables : (i) la productivité du secteur échangeable par rapport au secteur non échangeable – exprimée en termes relatifs par rapport aux partenaires – qui représente l’effet Balassa-Samuelson ; une hausse de cette variable est censée améliorer la compétitivité extérieure du pays et faire s’apprécier son taux de change d’équilibre ; (ii) la position extérieure nette du pays, qui en s’améliorant augmente les revenus des capitaux entrant dans le pays, permettant ainsi une appréciation du taux de change réel sans dégradation de la balance courante. Nous retenons ces deux variables fondamentales car leur effet à long terme sur le taux de change réel est attesté par de nombreuses études empiriques (voir par exemple Bénassy-Quéré et al., 2009, 2010), ce qui nous conduit à estimer l’équation suivante :
18où rit désigne le taux de change réel effectif du pays i à la période t (pris en logarithme), yit représente la productivité relative du secteur échangeable (en logarithme) et NFAit sa position extérieure nette en pourcentage du PIB. ?i est un coefficient destiné à capter des effets fixes et ?it désigne le terme d’erreur de la régression.
19Les données utilisées concernent la période allant de 1980 à 2010 pour onze pays de la zone euro (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Pays-Bas, Portugal) ainsi que pour la zone euro elle-même prise dans son ensemble. Les taux de change effectifs réels, extraits de la base de données fournie par la Banque des Règlements Internationaux (BRI), sont des moyennes pondérées de 27 taux de change bilatéraux déflatés par les prix à la consommation ; les pondérations reflètent le poids du commerce bilatéral ainsi que la concurrence exercée sur les marchés tiers (Klau et Fung, 2006). La productivité relative du secteur échangeable est approximée par le PIB par tête rapporté à celui d’une moyenne pondérée des partenaires commerciaux (source : WEO, FMI) [3]. Les positions extérieures nettes sont extraites de la base de Lane et Milesi-Ferretti (2007) pour la période 1980-2007, actualisées ensuite en cumulant les comptes courants en dollars et rapportées au PIB en dollars (source : WEO, FMI).
20L’application de divers tests de racine unitaire et de cointégration en panel montre qu’il existe bien une relation de long terme entre nos variables. Nous estimons ensuite le vecteur de cointégration, qui nous fournit les coefficients ?1 et ?2 sur les variables explicatives de l’équation (1). Les constantes ?i sont calculées de façon à ce que la moyenne des résidus estimés soit nulle. Une fois la relation de long terme établie, nous effectuons des tests afin de vérifier que ces coefficients sont stables sur la période et notamment n’ont pas été affectés par l’union monétaire elle-même. Les détails et l’ensemble des résultats de ces tests sont fournis dans le document de travail (Coudert et al., 2012).
2.2 – Le calcul des mésalignements
21La méthode repose sur l’hypothèse que le taux de change réel estimé par le modèle correspond bien à l’équilibre de long terme compatible avec les fondamentaux économiques du pays. Les mésalignements sont calculés comme les écarts entre les valeurs observées des taux de change réels effectifs et les valeurs estimées par le modèle. Un signe positif (négatif) indique une surévaluation (sous-évaluation). Ainsi, par construction, le taux de change réel d’un pays peut devenir surévalué pour deux catégories de raisons : soit simplement parce qu’il s’est apprécié, soit parce que le taux de change d’équilibre s’est déprécié sous l’effet d’une dégradation des fondamentaux du pays. La surévaluation d’un pays peut donc provenir de quatre facteurs : les deux premiers sont les causes d’appréciation du taux de change réel à l’intérieur d’une union monétaire : (i) l’appréciation de l’euro contre les monnaies tierces, (ii) ou bien une inflation plus élevée dans le pays par rapport aux partenaires ; les deux suivants sont liés à la dépréciation du taux de change d’équilibre d’un pays : (iii) une baisse de sa productivité relative, (iv) ou bien une dégradation de sa position extérieure nette résultant généralement de l’accumulation de déficits extérieurs.
22Par construction aussi, notre méthode impose de fixer un point d’équilibre au cours de la période sous revue. Nous avons choisi ici d’imposer que le taux de change observé soit égal au taux de change d’équilibre en moyenne sur l’ensemble de la période pour chacun des pays de l’échantillon. Ce choix se justifie par le fait que cette moyenne est calculée sur une période suffisamment longue, plus de trente ans. En effet, en raison de la relation de cointégration que nous avons mise en évidence, le taux de change réel observé ne peut s’écarter durablement de son équilibre. Plus la période est longue, plus l’équilibre sera atteint souvent au cours de la période, le taux de change réel alternant périodes de sur-évaluation et sous-évaluation. C’est pourquoi considérer que l’équilibre est atteint en moyenne sur longue période est sans doute une hypothèse plus satisfaisante que de choisir arbitrairement une période, où cet équilibre serait réalisé.
3 – Les résultats
23Les résultats de nos calculs de mésalignements sont représentés dans le graphique 1 en ce qui concerne les pays du cœur de la zone (Allemagne, Autriche, Belgique, France et Pays-Bas). Le mésalignement du taux de change réel de l’euro figure aussi sur le graphique pour fournir un élément de comparaison. Les mésalignements calculés pour ces pays ont évolué parallèlement à ceux de l’euro, mais avec des fluctuations de moindre ampleur. Ceci n’est pas surprenant car, par construction, le taux de change effectif réel des pays de la zone euro est beaucoup moins volatil que celui de l’euro lui-même. En effet, il est calculé par rapport à des partenaires commerciaux dont la majorité est aussi à l’intérieur de la zone euro et donc en change nominal fixe, alors que le taux de change effectif de l’euro lui-même est calculé par rapport à des pays extérieurs à la zone euro dont les monnaies sont pour la plupart en changes flexibles. Par exemple, quand l’euro s’est déprécié de 16 % entre 1998 et 2000 en termes effectifs réels, la dépréciation n’a excédé 8 % dans aucun des pays membres, en termes effectifs réels. Cependant, alors que le taux de change effectif réel observé de l’euro est plus volatil que ceux des pays membres, son taux de change d’équilibre est plus stable puisqu’il est estimé par le modèle sur la base de la moyenne des données des pays membres pour la productivité et la position extérieure nette. Cette situation explique pourquoi les mésalignements que nous calculons pour l’euro sont plus importants que ceux des pays membres.
Mésalignements des taux de change réels effectifs de l’euro et des pays du cœur de la zone euro, en %
Mésalignements des taux de change réels effectifs de l’euro et des pays du cœur de la zone euro, en %
24Au début des années 2000, les pays ont bénéficié de la dépréciation de l’euro, leurs taux de change réels devenant sous-évalués. La situation s’est inversée ensuite, lorsque l’euro s’est fortement apprécié contre les devises tierces (de 41 % de 2000 à 2009, avant une dépréciation de 7 % en 2010). En fin de période, l’euro est surévalué d’environ 15 % en 2009 et 8 % en 2010. Pourtant, les pays du cœur de la zone euro n’en sont guère affectés : les taux de change réels sont à peu près à l’équilibre en France et en Allemagne, tandis que l’Autriche, la Belgique et les Pays-Bas ne connaissent qu’une très faible surévaluation (moins de 5 %) ; la Finlande bénéficie même d’un taux de change réel sous-évalué, du fait de l’amélioration continue de ses fondamentaux depuis le début de l’union monétaire [4].
25La situation est bien différente dans les pays périphériques (Espagne, Grèce, Irlande, Portugal) dont les taux de change réels sont fortement surévalués en fin de période (graphique 2).
Mésalignements des taux de change réels effectifs de l’euro et des pays périphériques, en %
Mésalignements des taux de change réels effectifs de l’euro et des pays périphériques, en %
26Les deux pays les plus affectés par ce phénomène, la Grèce et le Portugal, bénéficiaient pourtant de monnaies très sous-évaluées en début de période mais la surévaluation a été continue et croissante depuis 2000. La trajectoire est un peu différente pour l’Espagne et l’Italie, même si le résultat est similaire en fin de période. Ces deux pays pâtissaient déjà d’une certaine surévaluation au début des années 1990 lorsque leurs monnaies adhéraient au système monétaire européen. La dévaluation de leurs monnaies en 1992-1993 leur a fourni un gain de compétitivité durable, leur permettant d’entrer dans l’union monétaire avec des taux de change réels sous-évalués. Cependant, comme pour la Grèce et le Portugal, la persistance d’une inflation légèrement supérieure à celle des autres pays de la zone euro et la dégradation des fondamentaux ont peu à peu érodé cet avantage et conduit de nouveau à la surévaluation des monnaies.
27La surévaluation des taux de change dans les pays périphériques n’a pas vraiment été corrigée après la crise de 2008 malgré la dépréciation de l’euro en fin de période. La position extérieure des pays périphériques a continué à se dégrader, la productivité ne s’est pas améliorée et, au moins jusqu’en 2010, fin de notre échantillon, l’inflation est restée supérieure dans les pays périphériques à l’exception de l’Irlande. Les surévaluations restent importantes pour la Grèce (20 %), le Portugal (14 %), l’Espagne (10 %) et l’Italie (7 %). Seule l’Irlande a réussi à résorber sa surévaluation pendant la crise (de 14 % en 2008 à 5 % en 2010) au prix d’une politique de rigueur drastique qui a fait baisser les salaires et les prix.
28Lorsque l’on compare les pays à l’intérieur de la zone euro en 2010, la surévaluation apparaît particulièrement forte dans le groupe des pays du Sud (Espagne, Portugal et Grèce) (graphique 3). Leur taux de change réel est davantage surévalué que celui de l’euro lui-même, alors que les taux de change fixes à l’intérieur de la zone euro devraient amortir les mésalignements de l’euro par rapport au reste du monde.
Mésalignements des taux de change réels effectifs de l’euro et des pays membres, en 2010
Mésalignements des taux de change réels effectifs de l’euro et des pays membres, en 2010
4 – Comparaison avant et après l’union monétaire
4.1 – Les mésalignements se sont-ils amplifiés ?
29Nous comparons maintenant les deux périodes avant et après l’union monétaire, de façon à déterminer si les mésalignements se sont réduits ou amplifiés après l’adoption de l’euro. D’un côté, l’union monétaire aurait pu stabiliser les parités effectives réelles puisque la majeure partie des partenaires sont en changes fixes. D’un autre côté, les changes fixes pourraient avoir suscité une surévaluation dans les pays du sud de l’Europe où l’inflation est restée plus forte.
30Le graphique 4 compare la moyenne des mésalignements en valeur absolue pour les deux sous-périodes avant et après l’union monétaire : 1988-1998 et 1999-2010. Trois résultats ressortent de ce graphique. Premièrement, les mésalignements sont plus élevés depuis l’union monétaire pour 8 pays sur 11. Deuxièmement, les mésalignements sont plus grands en moyenne pour les pays dits périphériques et la Finlande dans les deux périodes considérées par rapport aux pays du cœur de la zone euro.
Mésalignement moyen en valeur absolue avant et après l’union monétaire
Mésalignement moyen en valeur absolue avant et après l’union monétaire
4.2 – Les mésalignements sont-ils devenus plus persistants ?
31Un autre élément important à considérer est la vitesse à laquelle ces mésalignements se résorbent. Une surévaluation est certainement plus néfaste pour le commerce extérieur et l’économie du pays si elle persiste pendant de nombreuses années par rapport à une situation où elle serait rapidement corrigée. Or, avant l’union monétaire, la surévaluation pouvait être rapidement effacée par une dévaluation. Il faut donc se demander si la fixité des taux de change nominaux à l’intérieur de la zone euro a ralenti l’ajustement.
32Pour mesurer la persistance, nous considérons les coefficients d’auto-corrélation du premier ordre de la série des mésalignements au cours des deux périodes (tableau 1). Plus l’auto-corrélation est forte, plus les mésalignements ont tendance à persister dans le temps. Deux conclusions ressortent de la comparaison de ces coefficients. Premièrement, les mésalignements sont plus persistants après l’union monétaire qu’ils ne l’étaient auparavant. Le coefficient d’auto-corrélation pour l’ensemble de l’échantillon est en effet supérieur sur la dernière période (0,78) à sa valeur sur la période précédente (0,64). Ceci est le cas pour les pays du cœur et les pays périphériques. Deuxièmement, les mésalignements sont plus persistants dans les pays périphériques que dans les pays du cœur de la zone. En d’autres termes, les déséquilibres de taux de change réels sont plus lents à être corrigés dans ces pays. Il faut plus de 4 ans pour résorber la moitié d’une surévaluation dans ces pays (coefficient d’autocorrélation 0,85), contre un peu plus d’un an seulement dans les pays du cœur (coefficient de 0,54).
Coefficient d’auto-corrélation du premier ordre pour les mésalignements
Coefficient d’auto-corrélation du premier ordre pour les mésalignements
Note : ** (resp. *) : les coefficients sont significativement différents entre les deux périodes, au seuil de 5 % (resp. 10 %).5 – Conclusion
33L’union monétaire était censée stabiliser le taux de change effectif des pays membres en fixant leurs parités nominales bilatérales. Cependant, les taux de change réels ont continué à diverger en raison des écarts d’inflation entre les pays et de leur exposition différente aux pays tiers. Leurs divergences s’expliquent surtout par les taux d’inflation plus élevés dans les pays périphériques.
34Nos résultats montrent que les taux de change effectifs réels sont surévalués pour les pays périphériques depuis la seconde moitié des années 2000. Cette situation tient à plusieurs facteurs : (i) l’inflation plus forte dans ces pays qui a provoqué une appréciation de leur taux de change réel ; (ii) l’appréciation de l’euro contre les pays tiers qui a aggravé les problèmes de compétitivité ; (iii) la dégradation de la position extérieure nette de ces pays qui a conduit à une dépréciation de leur taux de change réel d’équilibre ; (iv) leur productivité relative qui n’a pas progressé suffisamment pour enrayer cette dépréciation du taux de change d’équilibre.
35Selon nos estimations, l’ampleur des mésalignements a augmenté depuis l’adoption de l’euro et ce phénomène est particulièrement marqué dans les pays périphériques. Les déséquilibres de taux de change réels sont aussi plus lents à se résorber en union monétaire par rapport à la période précédente, où les dévaluations nominales étaient encore pratiquées. Les ajustements par les prix et les salaires sont bien plus longs à mettre en œuvre et difficiles à accepter par les populations.
36Les trois pays membres les plus frappés par la crise en 2010-2011, la Grèce, l’Irlande et le Portugal, sont ceux qui présentent aussi la plus forte surévaluation de leur taux de change réel effectif en 2010. Les problèmes de la dette souveraine et bancaire, qui ont concentré tous les regards ces dernières années, ne sont donc pas les seuls défis auxquels la zone euro doit maintenant faire face. Les écarts de compétitivité à l’intérieur de la zone constituent aussi un enjeu majeur pour sa pérennité. Une meilleure surveillance des écarts de conjoncture et d’inflation entre les pays membres est nécessaire pour éviter de nouvelles dérives.
Références bibliographiques
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- Alberola E., S.G. Cervero, H. Lopez et A. Ubide, 1999, « Global equilibrium exchange rates: Euro, Dollar, ‘ins’, ‘outs’ and other major currencies in a panel cointegration framework », IMF Working Paper WP/99/175, International Monetary Fund, Washington, D.C.
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Mots-clés éditeurs : zone euro, mésalignements, taux de change réel d'équilibre, cointégration en panel
Date de mise en ligne : 05/03/2013
https://doi.org/10.3917/reof.127.0035Notes
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[1]
Nous remercions Agnès Bénassy-Quéré, Gunther Capelle-Blancard, Benjamin Carton, Laurent Clerc et Henri Sterdyniak pour leurs commentaires sur une version antérieure de cet article.
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[2]
Cet article reflète les idées personnelles des auteurs, mais ne rend pas compte de la position de la Banque de France.
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[3]
Les statistiques disponibles ne permettent pas d’appréhender précisément la variable de productivité adéquate, qui nécessiterait de connaître l’évolution des heures travaillées et de la valeur ajoutée par secteur pour tous les pays de l’échantillon. En conséquence, nous choisissons de retenir ici le PIB par tête en PPA comme mesure de la productivité d’un pays. Bien que n’étant pas exempte de biais dus aux effets demande, cet indicateur apparaît comme l’un des plus fiables.
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[4]
La forte surévaluation de la monnaie finlandaise au début des années 1990 provient de la crise financière violente qui a frappé le pays à cette époque.