Couverture de REOF_126

Article de revue

Évaluer les réformes des exonérations générales de cotisations sociales

Pages 57 à 103

Notes

  • [1]
    Cette étude a bénéficié de l’appui des fédérations professionnelles des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre opérationnelle. En tant que financeurs : FEP ; CLIMO ; USP ; PRISME ; SOP ; SDD ; SAMERA. En tant que soutien, UMIH ; GPS ; FESP ; FCD ; SNRC ; FFB ; SNARR ; FNADE ; CSAE. Cependant, ce document n’engage que ses auteurs et ne représente pas la position de ces fédérations. Cette étude a été présentée au colloque « Trajectoires, Emplois et Politiques publiques » (Caen, juin 2012), au 61e congrès de l’AFSE (Paris, juillet 2012) et au séminaire de l’OFCE (Paris, décembre 2012).
  • [2]
    Dans le tout premier rapport d’évaluation consacré à ces dispositifs, réalisé en 1996 par le CSERC pour le compte du Premier ministre Alain Juppé, il était indiqué que sept secteurs de la nomenclature agrégée de l’époque, la NAP 40, étaient principalement concernés par les exonérations : les hôtels, cafés et restaurants ; les services marchands aux particuliers ; le commerce de détail, alimentaire et non alimentaire ; le textile et l’habillement ; les cuirs et chaussures ; enfin le bâtiment, génie civil et agricole. Il était indiqué également qu’un ciblage plus large des exonérations, jusqu’à 1,6 Smic, qui était le niveau maximal d’abattement retenu par la loi quinquennale pour l’emploi du 20 décembre 1993, ne modifierait qu’à la marge cette liste de secteurs. Plus récemment, les analyses descriptives de l’Acoss (2005) – Agence centrale des organismes de sécurité sociale – confirment ce point.
  • [3]
    L’indicateur d’hétérogénéité qui résulte du modèle de Malinvaud [2002 est la variance intersectorielle de la part du coût du travail non qualifié dans la valeur de la production. Plus les secteurs ont un contenu en emploi peu qualifié différents, plus l’on risque de sous-estimer les effets des allégements ciblés sur les travailleurs non qualifiés avec une approche agrégée (qui ne distingue pas plusieurs secteurs d’activité).
  • [4]
    Le lien entre exonération et coût du travail n’est d’ailleurs pas trivial non plus au niveau agrégé où les exonérations dégressives peuvent conduire à des effets inattendus des hausses du Smic sur le coût du travail (L’Horty, 2000).
  • [5]
    Niveau cohérent avec nos simulations.
  • [6]
    L’Acoss couvre 95 % du total des allégements.
  • [7]
    Le rendement de cette seconde mesure a été évalué à 2 milliards d’euros environ.
  • [8]
    De même Heyer et al. (2012) montrent que l’introduction de la réforme de la TVA sociale proposée par le gouvernement Fillon en février 2012 et qui devait entrer en vigueur en octobre de la même année aurait un impact sectoriel très différencié et favoriserait les secteurs employant principalement des salariés rémunérés de 1,6 à 2,4 fois le Smic (construction, agroalimentaire et les transports).
  • [9]
    Le coût horaire en Ile-de-France est de 43 % plus élevé que dans les autres régions (Demailly et alii, 2012).
  • [10]
    Notons que les Dads natives non accessibles aux chercheurs fournissent l’ensemble des éléments de rémunération de l’assiette de calcul des exonérations.
  • [11]
    Le Projet de loi de finance de la sécurité sociale de 2012 réintègre les majorations de cotisations sociales dans le calcul des allégements généraux.
  • [12]
    15 % toutes tailles d’entreprise confondues.
  • [13]
    Par exemple, les entreprises agricoles, les entreprises de travail temporaire, les particuliers employeurs et les administrations publiques ne figurent pas dans le champ de l’enquête Acémo. De même, les apprentis, dont la rémunération minimale est définie comme une fraction du Smic, ne sont pas recensés parmi les salariés bénéficiaires de la revalorisation du Smic.
  • [14]
    D’après le chiffrage présenté dans Amghar et Laloue (2010), si les allégements de cotisations sociales étaient calculés sur la base de l’assiette CSG et non sur l’assiette de cotisations sociales, le rendement pour l’État serait d’environ 1,85 milliard d’euros.
  • [15]
    Dans cette étude, nous ne considérons pas les déductions forfaitaires spécifiques qui peuvent différencier les montants des exonérations selon les secteurs.
  • [16]
    Dans cette étude, nous n’abordons pas la question des effets du profil infra-annuel des rémunérations qui peuvent modifier le montant des exonérations effectives. La mesure d’annualisation mise en œuvre début 2011 a eu un rendement estimé à 2 Mds d’euros (PLFSS 2011).
  • [17]
    L’algorithme de calage utilisé est présenté en détail dans Bunel, Gilles et L’Horty (2010).
  • [18]
    La procédure de calage a été réalisée à partir de 12 tranches de salaires et deux tailles d’entreprises (plus et moins de 20 salariés).
  • [19]
    Pour le seul secteur HCR, un contrôle complémentaire du calage a pu être réalisé. En effet, il existait de 2004 à 2009 une aide spécifique à l’emploi dans ce secteur qui a conduit l’Unedic à constituer une base répertoriant le nombre de salariés au Smic parmi les salariés aidés. La distribution calée issue des Dads donne un nombre de salariés au Smic très proche de celui observé dans cette base (Bunel et L’Horty, 2011-b).
  • [20]
    Notons que ce secteur ne respecte pas, même à un niveau fin, la définition donnée aux secteurs intenses en main-d’œuvre. Il a toutefois été conservé dans ce champ car il comporte dans ses activités de distribution de courriers un taux de recours à des emplois à bas salaire très important.
  • [21]
    En utilisant les élasticités variables proposées dans le rapport Besson (2007) selon lequel ces élasticités passent de -1,2 au niveau du Smic à -0,3 à 1,4 fois le Smic, on obtient 690 000 emplois créés ou sauvegardés.
  • [22]
    6,507 milliards d’exonérations seraient toujours octroyés dans les secteurs intenses en main-d’œuvre pour un effet sur l’emploi de (245,0 -83,7) soit un coût par emploi sauvegardé de 40 350 euros.
  • [23]
    L’ensemble des cotisations sociales patronales incluant notamment l’assurance chômage et les régimes complémentaires de retraite (AGIRC/ARRCO), est de prêt de 45 %. Or d’après la législation actuelle n’entrent pas dans l’assiette de calcul des exonérations les cotisations patronales d’assurance chômage, la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

1Les différents dispositifs d’allégements généraux de cotisations sociales qui ont été progressivement déployés en France depuis le début des années quatre-vingt-dix, sont toujours restés ciblés sur les bas et les moyens salaires. Depuis la réforme Fillon de 2003, ces dispositifs représentent un budget annuel de plus de 20 milliards d’euros et prennent la forme d’une exonération dégressive, de 26 points de cotisations employeurs au niveau du SMIC (28,1 % pour les entreprises de moins de 20 salariés) et qui diminue régulièrement avec le salaire jusqu’à s’annuler à 1,6 Smic. Pour une entreprise donnée, le montant des exonérations dépend donc fortement de la distribution des salaires, qui renvoie pour l’essentiel à la structure de ses qualifications. C’est la raison pour laquelle certains secteurs d’activité riches en main-d’œuvre vont être très concernés par ces dispositifs, tandis que pour d’autres secteurs plus intenses en travail qualifié et en capital, ces dispositifs n’auront pas ou peu d’effets sur le montant des prélèvements sociaux à la charge des employeurs.

2Un petit nombre de secteurs d’activité, essentiellement issus des services, sont donc très concernés par ces allégements de cotisations sociales [2]. Pour autant, depuis vingt ans, les travaux d’évaluation n’ont pas véritablement fait jouer un rôle actif à cette dimension. Les évaluations ex ante ont mobilisé pour l’essentiel des modélisations agrégées où l’économie n’est pas composée de plusieurs secteurs d’activité et où la main-d’œuvre elle-même n’est composée que de deux ou trois catégories de main-d’œuvre (Laffargue 1996 ; Malinvaud 1998 ; Salanié, 1999 ; Audric et alii 2000 ; Laffargue 2000 ; Laroque et Salanié 2000 ; Cahuc 2003, Doisy et alii 2004 ; Chéron et alii 2005 ; Langot, 2011 ; Cahuc et Carcillo, 2012). Il est d’ailleurs frappant de constater qu’une synthèse récente des travaux d’évaluation réalisés de 1993 à 2009 n’accorde aucune place à la dimension sectorielle du dispositif (Ourliac et Nouveau, 2012).

3Les évaluations ex post et les études qui mobilisent des données individuelles d’entreprises, ont également rarement donné un rôle actif aux effets sectoriels de ces dispositifs. L’évaluation de Crépon et Desplatz (2001) distingue uniquement l’industrie et le tertiaire. Le travail de Gafsi et alii (2004) décompose l’évolution de l’emploi et du coût du travail à un niveau sectoriel intermédiaire, en 16 secteurs, mais la problématique est de rechercher des invariants entre ces secteurs afin d’estimer plusieurs paramètres d’intérêt à un niveau agrégé. L’étude de Jamet (2005) part également du constat que les évolutions de l’emploi et du coût du travail diffèrent parfois fortement selon les secteurs d’activité et en tire une mesure du biais d’agrégation entre les élasticités sectorielles et macroéconomiques, mais elle conclut que ce biais est limité et que les effets d’entraînement entre secteurs sont compensés par les effets de concurrence, justifiant finalement les approches agrégées qui négligent ces biais en utilisant des élasticités microéconomiques dans des maquettes macroéconomiques. Une exploration purement théorique de Malinvaud (2002) sur l’agrégation des demandes de travail non qualifié souligne néanmoins que « le biais induit par un raisonnement intégralement agrégé sera proportionnel à un indicateur d’hétérogénéité[3] » et qu’une « approche macroéconomique risque bien de sous-estimer souvent la valeur absolue de l’élasticité à long terme de la demande de travail non qualifié ».

4Sans prétendre trancher cette question complexe du biais d’agrégation, l’objectif de cette contribution est d’évaluer les effets sur l’emploi des dispositifs d’exonération de cotisations sociales pour l’ensemble de l’économie et pour les secteurs les plus intenses en main-d’œuvre. Pour y parvenir, nous avons construit un outil ad hoc d’évaluation ex ante, baptisé SISMICs, qui est un Simulateur Inter-Sectoriel pour la Mesure des Impacts des Cotisations Sociales. Cet outil très souple permet d’étudier les effets d’une modification du dispositif d’exonération sur le coût du travail et d’en déduire les effets directs et induits sur l’emploi pour l’ensemble de l’économie et pour les secteurs intensifs en main-d’œuvre.

5L’impact sur l’emploi des exonérations dépend en premier lieu de leurs effets sur le coût du travail et ces effets ne sont pas triviaux s’agissant d’un allégement dégressif qui s’applique à une distribution particulière de salaires [4]. L’impact sur le coût du travail résulte en effet de la rencontre entre un barème dégressif et une distribution des salaires qui est propre à chaque entreprise et à chaque secteur d’activité. Une première originalité de SISMICs est de proposer une mesure directe des effets des allégements de cotisations sociales sur le coût du travail selon différentes tranches de salaires définies relativement au Smic à partir des distributions effectives de salaires, au niveau des entreprises et des secteurs d’activité, cohérente avec les exonérations effectivement perçues. Cette distribution s’appuie sur des informations sur les salaires et le temps de travail tirées des DADS (Déclarations annuelles de données sociales) qui ont été calées afin d’obtenir des niveaux d’exonérations cohérents avec ceux observés dans les fichiers de l’Acoss. Finalement, afin de préciser les effets indirects sur l’emploi des différentes réformes considérées, nous évaluons également l’ampleur des emplois induits au travers des échanges inter-sectoriels de consommations intermédiaires.

6Une deuxième originalité de cet outil est de pouvoir intégrer la dimension sectorielle afin d’insister sur le rôle joué par les secteurs intenses en main-d’œuvre. Alors que beaucoup d’études ont souligné dans une perspective de long terme les effets potentiellement négatifs des allégements sur la productivité et sur l’emploi qualifié (Chéron et alii, 2005 ; Langot 2011), il s’agit de souligner les effets positifs des allégements sur l’emploi peu qualifié qui se concentrent dans un petit nombre de secteurs. Le dispositif français d’exonération de cotisations sociales mis en œuvre avec la réforme Fillon de 2003-2005 qui a harmonisé les dispositifs antérieurs hérités des mesures Aubry et des dispositifs Juppé du début des années quatre-vingt-dix, exerce des effets redistributifs entre les secteurs d’activité assez puissants au profit de ces secteurs intenses en main-d’œuvre. Dès lors, même une réforme marginale de ce dispositif, inspirée par la recherche d’économies de dépenses, dans un contexte de forte pression budgétaire, de croissance faible et de persistance du chômage à un niveau élevé, peut exercer des effets importants sur ces secteurs d’activité.

7La dernière spécificité de cette étude est de mobiliser des élasticités de la demande de travail à son coût estimées sur des données d’entreprises [5] (Bunel et L’Horty, 2012). Ces estimations ont été faites sur la période 2003 à 2007 au cours de laquelle le barème d’exonération a fortement évolué. Dans cette étude, nous évaluons les effets de plusieurs scenarii de réformes qui modifient un ou plusieurs paramètres du barème des exonérations (sa pente, son seuil d’extinction, son montant maximal, ou son système de décote avantageant les entreprises de moins de 20 salariés). Pour chaque réforme, nous évaluons les effets sur le coût du travail et les effets sur l’emploi pour l’ensemble de l’économie et pour les secteurs intensifs en main-d’œuvre. L’organisation de cette étude est la suivante. La première section présente les dispositifs d’exonération de cotisations sociales et rappelle leur histoire. La deuxième section évalue les effets des exonérations sur le coût du travail et l’emploi pour ces entreprises. La troisième section explore des scenarii de réformes et mesure leurs effets sur le coût du travail et sur l’emploi. La dernière section conclut.

1 – Les dispositifs d’exonération de cotisations sociales sur les bas salaires

8La France est à la fois un pays où les prélèvements sociaux sont élevés, relativement à l’ensemble des autres prélèvements, en particulier l’impôt sur le revenu, et où les bas salaires sont élevés du fait de la présence du salaire minimum et de ses règles d’indexation, sur les prix à la consommation et le salaire moyen ouvrier.

9La part des cotisations sociales payées par les employeurs dans le coût de la main-d’œuvre est plus importante en France que dans de nombreux pays industrialisés aussi bien au niveau global que lorsque l’on raisonne par sous-secteurs d’activité.

10Dans ce contexte, les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires constituent un moyen de restaurer la compétitivité coût des entreprises. En l’absence de ces exonérations, le coût du travail au niveau du salaire minimum serait l’un des plus élevé d’Europe. Grâce aux allégements, la France est en cinquième position pour le niveau du coût du travail au salaire minimum.

11Le dispositif qui organise l’exonération générale des cotisations sociales en France est issu de la réforme du 17 janvier 2003, dite réforme Fillon, qui s’inscrit dans une longue tradition de dispositifs d’allégement de cotisations sur les bas salaires, ouverte en juillet 1993 avec les premières mesures du gouvernement Balladur. La réforme de 2003 consiste en la fusion de deux allégements existants, pour les entreprises aux 35 heures d’une part, et pour celles aux 39 heures d’autre part, en un unique nouveau barème, comme l’avait déjà effectuée la réforme de 1996 qui fusionnait l’exonération de cotisations famille de 1993 avec celle de l’assurance maladie de 1995. De ce point de vue, l’exonération Fillon de 2003 est dans la continuité des générations successives de dispositifs antérieurs qui ont progressivement approfondi l’ampleur des allègements tout en élargissant la cible vers des niveaux de salaires toujours plus élevés. Dans le même temps, la réforme Fillon a fusionné des dispositifs de salaire minima en organisant la convergence des mécanismes de Garantie Mensuelle de Rémunération, instaurées lors du passage aux 35 heures, et du SMIC (pour une évaluation des effets sur l’emploi de cette réforme, cf. Bunel et alii, 2010 et Bunel et L’Horty, 2012).

1.1 – Une vue d’ensemble des exonérations générales

12S’il y a continuité dans l’empilement et l’extension des allégements, le dispositif Fillon marque aussi une rupture dans la longue succession de réformes des prélèvements sociaux. D’une part, il organise une uniformisation des barèmes des prélèvements sociaux selon les entreprises, qui colle au plus près des allégements Aubry II pour les salariés dont la rémunération est proche du Smic (le point de départ du nouveau dispositif reste à 26 %). D’autre part, les exonérations atteignent un maximum avec cette réforme. Le dispositif Fillon coïncide avec une montée en charge significative des exonérations de cotisations sociales qui vont représenter un montant de plus de 20 milliards d’euros à partir de 2007. Les premiers dispositifs mis en œuvre sous les gouvernements de MM. Balladur et Juppé représentaient quant à eux un montant budgétaire d’environ 5 milliards d’euros.

13Le graphique 1 présente les différents barèmes d’exonération de cotisations sociales employeurs qui ont été mis en œuvre en France depuis le début des années quatre-vingt-dix. On y a fait figurer également le dispositif en vigueur dans les départements d’outre-mer depuis 2009 (sur l’évaluation des effets sur l’emploi des exonérations outre-mer et sur les dispositifs antérieurs, cf. Bauduin et alii, 2010 et 2011).

Graphique 1

Graphique 1

Graphique 1

Tous les dispositifs français d’exonération générale de cotisations sociales
Source : Législation française et calculs des auteurs

14Le volume de dispositifs qui dérogent au droit commun des prélèvements sociaux a connu une forte expansion en France sur les dernières décennies, à la fois en nombre de dispositifs et en masse budgétaire, sans que l’on puisse mesurer de façon précise cette expansion, tant les dispositifs sont nombreux et complexes. Un rapport du Conseil des Prélèvements Obligatoires (Amghar et Laloue, 2010) recense 68 dispositifs dérogatoires pour les mesures sur les rémunérations des salariés. Parmi tous ces dispositifs, 35 mesures affectent le taux de prélèvements à assiette constante (réductions de taux, franchises, exonérations…), 31 affectent l’assiette des prélèvements sans modifier le taux (non assujettissement, exemptions, abattement, déduction et plafonnement d’assiette).

15Les allégements généraux gardent un poids prépondérant dans l’ensemble du budget consacré aux exonérations malgré l’accroissement important du nombre de dispositifs ciblés. Selon l’Acoss (2011) [6], les allégements généraux de cotisations sociales sur les bas salaires étaient de 20,9 Mds d’euros en 2010, soit 69,6 % de l’ensemble, tandis que les exonérations ciblées représentaient au total 6,1 Mds d’euros (soit 22 %), le solde correspondant aux exonérations pour heures supplémentaires (2,9 Mds d’euros). S’agissant des seules mesures qui affectent les taux de prélèvement, trois grandes catégories de dispositifs dérogatoires peuvent être distingués : les exonérations sur les formes particulières d’emploi (apprentissage, contrat de professionnalisation, stages, contrat d’accompagnement vers l’emploi,…) représentent 2,2 Mds d’euros, les exonérations territoriales (zones de redynamisation urbaine, zones de revitalisation rurale, zones franches urbaines, mesures DOM,…) représentent un budget de 1,3 Mds d’euros, tandis que les aides sectorielles (franchise pour les services à la personne, jeunes entreprises innovantes, travailleurs occasionnels des secteurs agricoles, contrat vendange, marins salariés, portage de presse, arbitres et juges sportifs, journalistes professionnels, artistes du spectacle et mannequins, professions médicales, …) représentent 2,6 Mds d’euros.

Encadré 1. Brève histoire des allégements généraux de cotisations sociales

L’ambition des premières mesures déployées en 1993 par le gouvernement d’Édouard Balladur était de baisser le coût du travail en général, et non d’agir uniquement sur le travail non qualifié. Avec la loi du 27 juillet 1993, qui instaure une exonération des cotisations familiales d’un niveau de 5,4 % entre le niveau du Smic et 1,1 Smic, et de 2,7 % jusqu’à 1,2 Smic, on commence par cibler le bas de la distribution des salaires pour des raisons budgétaires. Mais une extension progressive des allégements jusqu’à 1,6 Smic était programmée par la loi quinquennale relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle de décembre 1993. Elle a été mise en œuvre en partie à partir de janvier 1995 avec l’extension de l’exonération de cotisations famille jusqu’au seuil de 1,2 Smic (1,3 pour la demi-exonération).
Avec la loi du 4 août 1995, le gouvernement d’Alain Juppé instaure une ristourne dégressive des cotisations de Sécurité sociale. L’objectif n’était pas alors de baisser le coût du travail, mais d’éviter qu’il n’augmente après la hausse de 4 % du salaire minimum de l’été 1995 qui a suivi l’élection présidentielle de Jacques Chirac. On parle aujourd’hui d’allégement défensif pour qualifier ce type de réforme visant à amortir les effets sur le coût du travail des hausses du Smic brut.
La réforme de 1996 poursuit quant à elle un objectif de simplification. Après les changements de 1993 et de 1995, deux dispositifs au profil différent coexistent, ce qui est inutilement compliqué et peu lisible. Le nouvel allégement correspond exactement à la somme des deux précédents au niveau du Smic (18,2 % = 5,4 + 12,8) et reprend le profil linéairement dégressif du second dispositif. Le seuil d’extinction de l’exonération, qui est de 1,33 Smic, n’a pas été calculé de façon à optimiser les effets sur l’emploi non qualifié. Il a été simplement déduit de l’enveloppe budgétaire de 40 milliards de francs qui devait être affectée à cette politique, en supposant la distribution des salaires inchangée.
La réforme de 1998 réduit à 1,3 le seuil d’extinction de l’exonération. À nouveau, le changement n’est pas motivé par un souci d’optimisation des effets sur l’emploi. Il répond au besoin de dégager 4 milliards de francs d’économie budgétaire. Le nouveau seuil a été calculé de façon à être compatible avec une enveloppe de 36 milliards de francs. Le dispositif de 1998 est, par ailleurs, le premier à être calculé au prorata de la durée du travail, ce qui réduit l’avantage accordé au temps partiel.
Dans le cadre de la réduction de la durée collective du travail mise en œuvre par le gouvernement de Lionel Jospin, les allégements ont à nouveau un caractère défensif. Il ne s’agit pas de baisser le coût du travail, mais d’éviter qu’il n’augmente à la suite des hausses des salaires horaires associées à la compensation de la baisse de la durée. Comme la compensation est intégrale au niveau du Smic et supposée partielle au-delà, l’allégement est dégressif avec les salaires, dans une fenêtre d’exonération élargie et selon un profil non linéaire. Ce profil légèrement convexe de la mesure dite « Aubry II » (2000) a été conçu afin de stabiliser le coût horaire à tous les niveaux de salaires, sur la base d’hypothèses pour les hausses de salaires horaires et celles de la productivité.
On retrouve les mêmes ingrédients dans la dernière réforme de 2003, dite « réduction Fillon ». Il ne s’agit toujours pas de baisser le coût du travail pour favoriser l’emploi non qualifié selon une logique offensive. L’objectif est, d’une part, de simplifier les dispositifs existants en fusionnant deux mesures qui cœxistaient, comme en 1996. Désormais, un barème d’allégement unique s’applique, que les entreprises soient ou non à 35 heures. Il est d’autre part, d’éviter d’augmenter le coût du travail dans un contexte de forte hausse du Smic. Au niveau du salaire minimum, le nouveau dispositif est aussi avantageux pour les employeurs que celui de la mesure dite « Aubry II », et son profil est linéaire comme celui de la ristourne de 1998. Le surcroît de baisse de cotisations donné aux entreprises à 39 heures compense les effets sur le coût du travail de la hausse du Smic à la suite de l’harmonisation « par le haut » des mécanismes de garantie de revenus. Enfin, les disponibilités budgétaires ont déterminé le seuil d’extinction du dispositif, fixé à 1,7 Smic de façon transitoire, avant d’être porté à 1,6 Smic en 2005.
Deux réformes plus ponctuelles ont été introduites. Celle de décembre 2006, visant à accroître de 2 points de pourcentage le seuil maximum d’exonération pour les entreprises de moins de 20 salariés. Celle de 2011 qui prévoit de calculer sur un base annuelle et non plus mensuelle les allégements versés afin d’éviter les éventuels effets pervers liés à la mensualisation identifiés dans le rapport Bur (2008) [7].
Amortir l’impact sur le coût du travail des hausses de Smic ou des hausses de salaires, limiter les dépenses budgétaires, simplifier les dispositifs existants ont été les arguments à l’origine de chacune des réformes successives des dispositifs d’allégement de cotisations sociales. Aucune réforme n’a véritablement organisé une baisse offensive du coût du travail non qualifié dans le but de réduire le chômage des travailleurs non qualifiés. Pour autant, il n’en reste pas moins qu’au terme de toutes ces réformes, les gouvernements successifs ont fait le choix d’un dispositif original de réduction du coût du travail ciblé sur les bas et moyens salaires.

1.2 – Les principaux bénéficiaires des exonérations : les secteurs intenses en main-d’œuvre

16Les exonérations de cotisations sociales permettent certes de réduire le coût du travail pour les bas et les moyens salaires. Cependant, elles n’affectent pas de manière homogène le coût du travail supporté par les différents secteurs économiques. L’objet de cette section est d’identifier les secteurs d’activité qui bénéficient le plus des mesures d’exonération de cotisations sociales. Pour mesurer l’intensité de l’aide effectivement perçue, on utilise habituellement comme indicateur le taux d’exonération apparent (TEA) qui est le rapport entre le montant des exonérations et la masse salariale.

17En 2010, ce taux est en moyenne de 5,7 % dans le secteur concurrentiel tous dispositifs d’aide confondus. Il inclut les exonérations générales, les exonérations géographiques et sectorielles spécifiques et les exonérations associées aux contrats aidés. Le TEA associé aux seules exonérations générales est de 4,9 %. La modification des barèmes d’allégement et la hausse du Smic associées à la réforme Fillon de janvier 2003 ont conduit à une progression de ce taux depuis 2003 de plus de 25 % en moyenne.

18Comme l’indiquent les travaux statistiques de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), ce taux est fortement influencé par la taille des entreprises (les plus petites bénéficiant d’un taux d’exonération plus élevé que les autres), la localisation géographique des entreprises et/ou leur secteur d’activité (Acoss-stat, 2005 ; 2011).

19Comme les allégements sont ciblés sur les bas et les moyens salaires (inférieurs à 1,6 Smic), ils bénéficient surtout aux secteurs riches en main-d’œuvre. Lorsque l’on calcule un niveau de TEA par sous-secteur d’activité, de nettes différences émergent. Ce taux est pratiquement nul ou marginal pour certains secteurs comme la R&D ou les activités financières alors qu’il est de plus de 11 % dans le secteur des hôtels et restaurants, les activités de services à la personne ou encore le commerce de détail.

20Puisque les exonérations générales de cotisations sont décroissantes avec le niveau de salaire, plus les salaires sont élevés dans un secteur donné, moins ce secteur sera susceptible de bénéficier d’exonérations. Par exemple, le secteur de l’hébergement et restauration qui bénéficie du taux d’exonération apparent le plus important (11,8 % pour les seules exonérations générales) se caractérise par un salaire brut moyen mensuel 30 % inférieur à celui observé dans l’ensemble du secteur concurrentiel.

21Cette relation entre niveau de salaire et taux d’exonération apparaît clairement sur le graphique 2. On observe un lien linéaire et positif entre la part des salariés rémunérés à 1,3 Smic et en deçà et le niveau du taux d’exonération apparent moyen par secteur. Ce graphique permet également d’identifier les secteurs qui bénéficient pleinement du système d’exonérations actuelles (situés en haut à droite) et ceux qui sont faiblement concernés (situés en bas à gauche). Les hôtels et restaurants, le commerce de détail, les services personnels et opérationnels, la construction et l’industrie textile sont les secteurs les plus concernés [8].

Graphique 2

Graphique 2

Graphique 2

Taux d’exonération et part des salariés rémunérés en deçà de 1,3 Smic par secteur d’activité
Source : Séquoia Acoss et Dads Insee. Calculs des auteurs

22Cette analyse sectorielle peut être complétée par une analyse géographique. Pour les mêmes raisons que celles avancées précédemment, les départements qui concentrent beaucoup d’entreprises à forte intensité en main-d’œuvre bénéficient également d’un niveau d’aide plus élevé. Les régions du Centre et du Sud de la France où les activités de services occupent une place importante sont celles qui en bénéficient le plus. En revanche, l’Ile-de-France, la région Rhône-Alpes et les régions du Nord-Est plus industrielles et/ou caractérisées par des niveaux de rémunération [9] plus élevés ont un taux plus faible de bas salaires et d’exonérations.

2 – Simuler les effets des exonérations sur le coût du travail et l’emploi

23Afin d’évaluer les effets des exonérations de cotisations sociales, une maquette baptisée SISMICs (Simulateur Inter-Sectoriel pour la Mesure des Impacts des Cotisations Sociales) a été construite. Cet outil permet de calculer l’ampleur des aides perçues, leur impact sur le coût de travail par niveau de rémunération puis d’en déduire l’impact direct sur l’emploi.

24Cette maquette permet également d’évaluer les effets indirects sur l’emploi. Plutôt que de proposer un bouclage macro-économique comme le font les autres évaluations (par exemple Heyer et al., 2012 à l’aide de la maquette e-mod.fr), SISMICs prend en compte les interdépendances sectorielles. Il quantifie le nombre d’emplois induits par des relais d’offre au travers des interdépendances productives entre secteurs d’activité.

25Après un rappel des mécanismes théoriques, nous discutons des distributions de salaire intégrées dans la maquette. Le point suivant expose les effets des exonérations de cotisations sociales sur le coût du travail et les effets directs et induits sur l’emploi. Enfin, nous comparons nos résultats avec ceux obtenus par des travaux antérieurs.

2.1 – Les effets attendus en théorie

26Les exonérations générales de cotisations sociales poursuivent un objectif macroéconomique d’enrichissement du contenu en emploi de la croissance. Il s’agit de rendre le prélèvement social progressif en fonction du salaire, ce qui, à niveau donné de prélèvement, permet de réduire le coût relatif du travail peu qualifié et est favorable à l’emploi si l’on suit la théorie classique de la demande de travail. La hausse des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, dès lors qu’elle n’est pas compensée par une hausse plus forte encore du salaire minimum et des salaires nets, peut réduire le coût du travail ce qui est susceptible d’exercer un effet positif sur l’emploi au travers de plusieurs canaux.

27Au niveau microéconomique des décisions des employeurs, trois mécanismes sont en œuvre.

  • Le premier est dénommé effet de substitution : à niveau d’activité donné, la baisse du coût d’un facteur de production relativement aux autres facteurs va modifier les choix technologiques et organisationnels des entreprises, au détriment de l’emploi des autres facteurs de production, capital et travail qualifié. Cet effet peut aussi s’exercer entre les secteurs d’activités au travers de substitutions dans la consommation : les secteurs les plus concernés par les exonérations diminuent leurs prix et captent une part plus importante de la demande.
  • Le deuxième mécanisme est appelé effet de volume : à technologie et organisation donnée, la baisse du coût d’un des facteurs permet aux entreprises de baisser leurs prix, ce qui peut stimuler la demande pour leurs produits et est favorable à l’emploi de tous les facteurs de production. Ces deux premiers effets déterminent la valeur de l’élasticité de la demande de travail, c’est-à-dire la sensibilité de l’emploi demandé par les entreprises relativement au coût du travail.
  • Pour en déduire l’effet des exonérations sur le volume d’emploi, il importe également de prendre en compte un troisième mécanisme, que l’on appelle effet d’assiette. Selon ce mécanisme, l’effet sur l’emploi est d’autant plus important que la mesure est ciblée sur les bas salaires, et ce, indépendamment de l’élasticité de la demande de travail à son coût. En effet, quelle que soit la valeur de l’élasticité de la demande de travail, l’impact sur le niveau d’emploi d’une baisse de cotisations sociales est, pour un budget donné d’exonérations, d’autant plus marqué que le coût du travail diminue fortement. L’effet sur l’emploi augmente donc avec le degré de ciblage de l’exonération sur les plus bas salaires. Cet effet d’assiette permet de renforcer les effets de volume et de substitution.
On peut illustrer formellement ce mécanisme. Le nombre d’emplois de type i créé directement par une baisse de cotisations (?Li) est égal au nombre initial d’emplois (Li) multiplié par l’élasticité de la demande de travail à son coût (?ii) et par la baisse en pourcentage du coût du travail peu qualifié (?wi/wi). Cette dernière est égale au montant budgétaire d’exonérations B rapporté à la masse salariale pour les emplois concernés par l’exonération. Elle est donc d’autant plus forte que le salaire des travailleurs concernés est faible, c’est-à-dire que l’exonération est ciblée dans le bas de la distribution des salaires.

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equation im3

29

equation im4

30L’effet sur l’emploi est donc d’autant plus élevé que wi est faible, ce qui est d’autant plus le cas que la baisse de cotisations sociales B est ciblée dans le bas de la hiérarchie salariale. Cela reste valable quelle que soit la valeur de l’élasticité de la demande de travail, pourvu qu’elle soit bien négative.

31La valeur de l’élasticité de la demande de travail est théoriquement issue du Lemme de Shepard. Si les rendements d’échelle sont constants et si d’autres hypothèses standards sont respectées (iso-élasticité de la demande de biens, concavité de la fonction de production), l’expression théorique de cette élasticité de la demande de travail à son coût, est donnée par une formule à la fois simple et élégante.

32

equation im5

33Cette expression formelle de l’élasticité prix directe met en jeu les deux effets classiques de volume et de substitution qui vont dans le même sens. Le premier terme de l’expression correspond à l’effet de substitution qui est d’autant plus important que le facteur i dont le coût varie occupe une faible part de l’ensemble des coûts (la part du coût des autres facteurs dans le coût total sj élevée) et que les possibilités de substitution entre les facteurs i et j sont fortes (élasticité de substitution de i par rapport à j sij élevée). L’effet volume est d’autant plus important que le facteur occupe une part importante dans l’ensemble des coûts (si élevé) et que la demande est élastique à son prix (e fort). Notons que ces deux mécanismes jouent séparément l’un de l’autre et constituent donc deux canaux qui s’additionnent.

34Ces effets favorables au niveau microéconomique peuvent être partiellement compensés à un niveau plus macroéconomique par d’autres mécanismes, appelés effets de bouclage. Par exemple, à long terme, les exonérations qui favorisent l’emploi peu qualifié peuvent aussi avoir des effets moins bénéfiques sur l’accumulation du capital humain, l’emploi des travailleurs qualifiés, la productivité et la croissance. Ensuite, si les exonérations augmentent l’emploi à court terme, elles vont contribuer à réduire le chômage, ce qui peut favoriser une moindre modération salariale par effet Philips. Il en résulte une hausse de second tour des salaires qui modère la baisse initiale du coût du travail et limite l’impact positif sur l’emploi. En outre, les exonérations réduisent le coût relatif vis-à-vis de l’extérieur, ce qui soutient la compétitivité-prix des exportations et réduit celle des importations, ce qui est favorable à la balance commerciale et à l’emploi. Enfin, le financement des exonérations a des conséquences sur l’équilibre des finances publiques. Pour compenser les manques à gagner de rentrées sociales, l’État doit réduire ses dépenses, emprunter ou augmenter les impôts, ce qui suppose dans tous les cas un effet négatif sur l’emploi.

35Il est important de souligner que les estimations que nous avons effectuées ne prennent pas en compte ces effets de bouclage macroéconomique. Elles se situent au niveau microéconomique et retracent les réactions des employeurs aux exonérations sans considérer les rétroactions possibles liées à l’équilibre général des marchés. En revanche, nous considérons les créations d’emplois induites par les interdépendances sectorielles. Les exonérations stimulent la production, ce qui requiert des consommations intermédiaires qui augmentent la production dans les autres secteurs d’activité (cf. supra).

2.2 – La mesure des distributions des salaires

36Afin d’évaluer les effets des exonérations de cotisations sociales, il est nécessaire d’identifier clairement les salariés concernés et de connaître de façon précise leur niveau de rémunération. Cela suppose de positionner l’ensemble de salariés relativement au niveau du Smic. Une première difficulté est que les données administratives et statistiques françaises ne permettent pas de mesurer avec précision le nombre de salariés payés au Smic, comme le soulignent régulièrement les rapports du groupe d’experts sur le Smic (2009 à 2011). On peut seulement mesurer de façon relativement précise le nombre de salariés directement concernés par la revalorisation du Smic, à l’aide des enquêtes sur l’activité et les conditions d’emploi de la main-d’œuvre (Acémo) qui sont gérées par la Dares. Les fichiers administratifs des Déclarations annuelles de données de sociales (Dads) gérés et diffusés par l’Insee conduisent quant à eux à identifier les salariés payés « au voisinage » du Smic [10]. Il s’agit des salariés dont la rémunération brute annuelle perçue (incluant tout ou partie des éléments constitutifs du salaire) ramenée à l’heure de travail (calculée à partir du nombre de jours de paie et du nombre d’heures travaillées y compris les heures supplémentaires) est proche du Smic horaire légal. Or, les rémunérations brutes des fichiers Dads diffusés aux chercheurs sont basées sur l’assiette CSG alors que les exonérations accordées aux entreprises sont calculées à partir de l’assiette sociale et en fonction de la rémunération des salariés à l’égard du Smic. Dans les rémunérations Dads sont inclues la participation, l’intéressement et la majoration des heures supplémentaires, éléments qui ne sont pas soumis à cotisations et qui n’interviennent pas dans l’assiette de calcul des exonérations [11]. En outre, de nombreuses primes sont exclues du calcul de l’assiette du Smic (Seguin, 2006).

37Des écarts relativement importants peuvent être observés en mobilisant l’une ou l’autre de ces deux sources administratives. Par exemple, en 2006, d’après les fichiers Acémo, près de 11 % [12] des salariés sont rémunérés au Smic dans les entreprises de 10 salariés et plus, alors que seulement 6 % des salariés présents dans les Dads sont rémunérés au voisinage du Smic. Cet écart du simple au double s’explique par le fait que plus de la moitié des salariés rémunérés sur la base du Smic bénéficient d’une rémunération totale ramenée à l’heure de travail supérieure à 1,15 fois le Smic (Seguin, 2006). En effet, leur rémunération totale inclut des éléments faisant partie de l’assiette de vérification du Smic (Seguin, 2006) et des compléments exclus de cette assiette (primes d’ancienneté, primes liées aux contraintes de poste, majorations pour heures supplémentaires ou complémentaires). Inversement, près de 2 salariés sur 5 rémunérés au voisinage du Smic au sens des Dads ne sont pas repérés par l’enquête Acémo comme étant rémunérés au Smic. Le périmètre [13] ainsi que l’information disponible sur le temps de travail de ces deux fichiers expliquent cette erreur de type 2.

38Ainsi, utiliser directement des données issues des Dads pour simuler les effets d’une modification des barèmes d’exonérations risque d’introduire un biais substantiel [14]. La difficulté provient du fait que les Déclarations annuelles de données sociales (Dads) constituent la seule source accessible aux chercheurs qui permet d’estimer pour chaque année la distribution des salaires horaires à un niveau sectoriel fin. En effet, les enquêtes Emploi disposent d’une taille d’échantillon trop faible pour pouvoir en déduire ce type d’information. L’enquête Acémo, quant à elle, reste peu accessible aux chercheurs et son champ exclut une partie des entreprises fortement utilisatrices d’emplois à bas salaire et de travail temporaire. L’enjeu est donc d’utiliser les Dads et d’essayer de corriger cette source pour tendre vers la vraie distribution des rémunérations [15].

39Dans le cadre de la maquette SISMICs, on utilise les fichiers issus de la dernière année des Dads disponibles auprès de l’Insee (l’année 2008). Ces fichiers permettent d’établir une distribution brute des salaires en 11 classes pour l’ensemble de l’économie et pour les secteurs intenses en main-d’œuvre. D’après le graphique 3 qui présente cette distribution, 4,4 % des salariés sont rémunérés au Smic en effectifs occupés.

Encadré 2. Les données Dads

Les Déclarations annuelles de données sociales (Dads) sont une formalité administrative obligatoire pour toute entreprise employant des salariés. Le champ de l’exploitation des Dads couvre actuellement l’ensemble des employeurs et de leurs salariés à l’exception des agents des organismes de l’État (qu’ils soient ou non titulaires) ; des services domestiques et des activités extraterritoriales. Les DADS recouvrent donc en pratique 80 % des emplois salariés.
Cette source statistique fournit des informations sur les salaires annuels bruts et nets, le temps de travail, le type d’emploi, la catégorie socio-professionnelle et le secteur d’activité.
L’Insee impute pour chaque salarié un temps de travail annuel obtenu en croisant les informations sur le nombre de semaines travaillées dans l’année et un nombre d’heures hebdomadaires théorique en fonction du statut du salarié (temps plein ou temps partiel). Cette mesure du temps de travail demeure relativement imprécise car elle ne porte pas sur un temps de travail effectif.

Graphique 3

Graphique 3

Graphique 3

Distribution des effectifs en fonction du Smic. Ensemble de l’économie
Source : Déclarations annuelles de données sociales, calculs des auteurs.

40Lorsque l’on tient compte de la quotité de travail moyenne des salariés de cette classe de rémunération sur l’année, ce pourcentage passe à 3,6 %. Ainsi, d’après cette source administrative, peu de salariés seraient rémunérés au Smic. On retrouve ici le biais identifié par les études antérieures. D’après cette distribution brute, 29 % des salariés sont rémunérés en dessous de 1,3 Smic et 51 % en dessous de 1,6 Smic. Ces pourcentages sont à considérer avec prudence et donnent une image vraisemblablement biaisée de la vraie distribution des salaires dans l’économie [16]. Dans un travail antérieur visant à évaluer les effets sur l’emploi et les salaires de la réforme Fillon de janvier 2003, nous avons proposé une stratégie originale visant à caler la distribution brute issue des Dads en mobilisant une information administrative complémentaire : les montants d’exonération de cotisations sociales effectivement perçus par les entreprises répertoriées par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Bunel, Gilles et L’Horty, 2010 ; Bunel et L’Horty, 2012).

41Grâce aux bordereaux récapitulatifs de cotisation (BRC) envoyés chaque mois pour les établissements de plus de 10 salariés et chaque trimestre pour ceux de moins de 10 salariés aux Urssaf, l’Acoss constitue un fichier Séquoia (Système pour l’étude quantitative et l’observation des assiettes) répertoriant l’ensemble des exonérations perçues par les établissements en les déclinant par types (principalement les exonérations générales, les exonérations spécifiques sectorielles ou territoriales et les exonérations associées aux contrats aidés). En collaboration avec les services de l’Acoss, cette base a été appariée entreprise par entreprise, avec les fichiers Dads. Ce travail a permis de comparer pour la première fois le niveau des exonérations effectivement perçues par les entreprises aux exonérations théoriques déduites de la distribution de salaire observée à l’aide des Dads. Un écart important a été identifié entre ces deux grandeurs. Le montant théorique issu de la distribution brute des salaires des Dads conduit à sous-estimer structurellement de l’ordre de 20 % le montant des exonérations générales effectivement perçues.

42Afin de corriger ce biais, cette distribution brute a été recalée pour qu’elle soit plus cohérente avec le montant des exonérations perçues réduisant l’écart final entre exonérations observées et théoriques à moins de 1,3 % [17]. La distribution globale obtenue à l’aide de cette méthode et portant sur l’année 2008 figure dans le graphique 3 [18]. Cette opération conduit à des changements relativement conséquents. Par exemple, après calage, 9,5 % au lieu de 4,4 % des salariés sont rémunérés au Smic dans le secteur concurrentiel. Ce résultat apparaît comme nettement plus cohérent avec les distributions récemment calculées à l’aide de l’enquête Acémo (Goarant et Muller, 2011 et Seguin, 2006) [19].

43Notons que l’écart entre la distribution calée et la distribution brute est nettement moindre pour les salariés dont la rémunération est inférieure à 1,3 Smic et à fortiori à 1,6 Smic (34 % contre 29 % pour le premier groupe et 54 % contre 51 % pour le second). Ainsi, c’est bien aux alentours du Smic, c’est-à-dire pour des rémunérations inférieures à 1,2 Smic, que les Dads fournissent la distribution des salaires la plus biaisée.

44Une fois ce calage réalisé pour chaque entreprise, il est possible de construire et de comparer précisément les distributions de salaire entre le secteur concurrentiel et les secteurs intenses en main-d’œuvre (voir encadré).

Encadré 3. Les secteurs intenses en main-d’œuvre

Dans cette étude, nous définissons les secteurs intenses en main-d’œuvre comme les secteurs concurrentiels, hors agriculture et industries agroalimentaires, pour lesquels la part des emplois à bas salaires (emplois rémunérés en deçà de la médiane des salaires définie à un niveau NAF85) est supérieure à la part médiane de l’ensemble du secteur concurrentiel.
Ces secteurs intenses en main-d’œuvre réunissent la quasi-totalité des emplois du secteur des hôtels et restaurants, des services personnels, du commerce et de l’industrie textile. À ces premiers secteurs, il faut ajouter entre 60 % et 75 % des emplois des services opérationnels, de la construction, de l’industrie du bois et du papier et de l’équipement, et des postes et télécommunication [20]. Enfin, une partie plus marginale des emplois de la métallurgie et transformation des métaux et des transports est également intégrée. Il s’agit des sous-secteurs de la collecte des déchets et de recyclage ainsi que des activités de joaillerie. Au total, 12 secteurs sur les 36 de la nomenclature sont considérés comme étant des secteurs intenses en main-d’œuvre, et selon une intensité variable selon ces secteurs.
Ces secteurs intensifs en main-d’œuvre emploient 4,6 millions de salariés dont 4,2 millions en équivalent temps plein. Ils représentent 31 % des emplois du secteur concurrentiel. Ces salariés bénéficient d’une rémunération plus faible que la moyenne (-19 % en moyenne). La part de leur masse salariale dans la masse salariale totale n’est que de 25 %.

45Le graphique 4 présente les deux distributions obtenues. La distribution des salaires pour les secteurs intenses en main-d’œuvre est largement décalée vers la gauche : plus de 15 % des salariés sont rémunérés au Smic (contre 9,5 % dans l’ensemble du secteur concurrentiel), 53 % touchent moins que 1,3 Smic (contre 34 %) et 75 % moins de 1,6 Smic (contre 54 %). Ainsi trois salariés sur quatre dans les secteurs intenses en main-d’œuvre seraient concernés par une modification des barèmes d’exonération contre moins de deux sur cinq dans les autres secteurs d’activité.

Graphique 4

Graphique 4

Graphique 4

Comparaison des distributions des effectifs en fonction du Smic pour l’ensemble de l’économie et les secteurs intenses en main-d’œuvre
Source : Déclarations annuelles de données sociales, calculs des auteurs.

2.3 – La mesure des effets sur le coût du travail et l’emploi

46À partir de la distribution sectorielle des salaires, il devient possible d’analyser les effets des exonérations générales sur le coût du travail et sur l’emploi. Il existe beaucoup de travaux d’évaluation dans ce domaine qui appliquent une pluralité de méthodes ex ante ou ex post, mais ces travaux portent tous sur la première génération d’exonérations, mise en œuvre avant 1998 et ciblée jusqu’à 1,3 Smic. Il existe très peu d’évaluation des effets sur l’emploi du dispositif issu de la réforme Fillon de 2003 et ciblé jusqu’à 1,6 Smic. Comme les pentes des deux barèmes et leur degré de ciblage sur les bas salaires sont différents, on ne peut se contenter d’une simple règle de trois pour mesurer l’effet du nouveau dispositif. L’effet d’assiette et la baisse de l’élasticité de la demande de travail en fonction du niveau de rémunération font qu’un doublement du budget des exonérations conduit à des effets sur l’emploi inférieurs au double des effets initiaux si la fenêtre d’exonération est élargie et/ou si la pente du barème dégressif est plus faible. D’autres mécanismes économiques peuvent par ailleurs affaiblir le rendement des exonérations de cotisations au fur et à mesure de leur extension (décrits par Cahuc, 2003). Dès lors, il ne suffit pas de rapporter le coût budgétaire du dispositif actuel au coût par emploi créé issu des évaluations du dispositif antérieur, comme le font les chiffrages diffusés par l’administration économique (COE, 2006 ; Ourliac et Nouveau, 2012). Les destructions d’emplois déduites de cette opération sont comprises entre 600 000 et 1,1 million d’emplois ce qui constitue un majorant de l’effet réel des exonérations générales.

47Un travail plus poussé a été réalisé par Barlet et al. (2009). La simulation proposée par ces auteurs intègre plusieurs mécanismes économiques notamment l’impact d’une variation de l’emploi sur le taux de chômage et la négociation salariale. L’ampleur des destructions d’emplois simulées à l’aide de la maquette ACE est nettement moindre. Elle est comprise entre 400 000 et 600 000 emplois sur 10 ans.

48Notre objectif est de prolonger ces premiers travaux exploratoires en adoptant une stratégie sensiblement différente, de nature plus microéconomique. On s’appuie d’une part sur une mesure directe de l’effet des exonérations sur le coût du travail, obtenue par simulation des effets des barèmes sur les distributions de salaires. La mesure du coût du travail est déduite de la structure des barèmes et de la distribution des effectifs pour douze tranches de rémunération. D’autre part, on mobilise une estimation de l’élasticité de la demande de travail à son coût issue d’un travail micro-économétrique sur données d’entreprises portant sur la réforme des allégements de la période 2003 à 2005 (Bunel et L’Horty, 2012). L’élasticité moyenne de l’emploi au coût du travail que nous avons estimée est de 0,516.

49Le tableau 1 présente les caractéristiques générales de l’ensemble des secteurs concurrentiels ainsi que des secteurs intenses en main-d’œuvre qui ont été introduites dans la maquette SISMICs et les résultats des simulations. Ces mécanismes décrivent des effets directs, alors que les créations d’emplois transitent aussi par des relais indirects. Parmi ces relais, dans la perspective sectorielle qui est la nôtre, des mécanismes du côté de l’offre peuvent être mobilisés. Une exonération qui profite particulièrement à un ensemble de secteurs riches en main-d’œuvre à bas salaires a aussi des effets indirects dans les autres secteurs au travers des achats de consommations intermédiaires. Nous proposons un chiffrage de ce mécanisme dans nos simulations.

Tableau 1

Effets des exonérations actuelles pour l’ensemble du secteur privé et pour les entreprises des secteurs intenses en main-d’œuvre

Tableau 1
Secteurs Ensemble peu intenses en main-d’œuvre intenses en main-d’œuvre Effectifs occupés (en milliers) 14 791 10185 4 606 Masse salariale (en milliards d’euros) 435,52 324,37 111,15 Coût du travail par tête (en euros) 29 444 31 848 24 128 Exonérations simulées Coût des allégements de CS (milliards d’euros) 19,16 10,25 8,91 Nombre de salariés concernés par les CS (en milliers) 8 078 4 654 3 424 Part des salariés concernés par les CS (en %) 55 46 74 Taux d’exonération moyen des exonérés (en %) 12,34 11 14,20 Taux d’exonération moyen global (en %) 4,4 3,2 8,00

Effets des exonérations actuelles pour l’ensemble du secteur privé et pour les entreprises des secteurs intenses en main-d’œuvre

Source : Déclarations annuelles de données sociales, maquette SISMICs.

50Pour les secteurs intenses en main-d’œuvre l’effet des exonérations est nettement plus important. Les entreprises de ces secteurs bénéficient de près de 9 milliards d’euros d’exonérations générales de cotisations sociales par an. Ces exonérations représentent plus de 45 % de l’enveloppe totale du secteur concurrentiel. Elles représentent 8 points de la masse salariale versée dans ces secteurs. Près de trois salariés sur quatre bénéficient dans ces secteurs du dispositif actuel d’exonération de cotisations sociales. Ce dispositif joue un rôle massif puisque pour ces salariés les exonérations réduisent de 14 points le coût du travail.

51La maquette SISMICs met en cohérence ces différents éléments afin d’en déduire les effets des différents chocs sur le coût du travail et sur l’emploi. Notre démarche qui consiste à chiffrer les effets sur l’emploi des exonérations générales par une simulation à partir d’une estimation de paramètres structurels, en l’occurrence l’élasticité de la demande de travail au coût du travail est celle suivie par Crépon et Desplatz (2001) et Gafsi et alii (2004).

52Deux variantes sont considérées. La première suppose que l’élasticité est constante pour tous les niveaux de salaire et de qualification. La seconde admet que cette élasticité est en moyenne de -0,516 mais qu’elle est plus importante pour les bas salaires et moindre pour les salaires plus élevés, comme le suggèrent des estimations de cette élasticité par niveaux de qualifications (Hamermesh, 1993). L’élasticité ainsi prise en compte est de -0,75 jusqu’à 1,2 Smic et de -0,25 au-delà de 1,6 Smic.

53Après simulations, nous trouvons que l’effet de l’ensemble des exonérations générales de cotisations sociales est compris entre 500 000 et 610 000 emplois créés ou sauvegardés (tableau 2) [21]. Une suppression pure et simple des allégements généraux de cotisations sociales conduirait à ce niveau de destruction d’emplois. Ces destructions se concentreraient fortement parmi les bas salaires : 35 % au niveau du Smic et 85 % pour des emplois compris entre le Smic et 1,3 fois le Smic. L’économie budgétaire réalisée par emploi détruit (ou coût par emploi créé) serait comprise entre 34 000 et 42 000 euros.

Tableau 2

Effets des exonérations générales sur l’emploi et coût par emploi créé

Tableau 2
Ensemble Secteurs intenses en main-d’œuvre Effet sur l’emploi (en milliers) Élasticité fixe 495,8 236,3 Élasticité variable 613,0 298,2 Coût par emploi créé Élasticité fixe (en euros) 42 160 41 110 Élasticité variable (en euros) 34 090 32 580

Effets des exonérations générales sur l’emploi et coût par emploi créé

Note : Les effets emplois ont été calculés de façon à neutraliser la couverture imparfaite des DADS.
Source : Maquette SISMICs.

54Quels seraient les effets directs de la suppression des exonérations générales sur les seules entreprises des secteurs intensifs en main-d’œuvre ? D’après les simulations réalisées à l’aide de la maquette SISMICs, l’effet serait de l’ordre de 236 000 à 298 000 emplois détruits, soit près de la moitié des emplois détruits dans l’ensemble de l’économie alors que ces secteurs ne représentent que 30 % de l’ensemble de l’emploi du secteur privé concurrentiel.

2.4 – Les créations d’emplois indirectes

55À cet effet direct sur l’emploi, s’ajoute un effet induit de par l’interdépendance sectorielle. Pour ce faire, nous mobilisons le Tableau entrées-sorties (TES) national de l’année 2007 ventilé en 114 branches. Nous calculons sur cette base une matrice des coefficients techniques en divisant la valeur des consommations intermédiaires de chacun des produits par celle de la production de la branche, et ce pour chaque branche. Cette matrice permet d’étudier les effets sur la production de toutes les branches de n’importe quel choc sur la production d’une ou plusieurs branches. La logique est celle des consommations intermédiaires requises pour la fabrication de nouveaux produits.

56Pour passer des résultats exprimés en production à des résultats exprimés en emploi, nous calculons le contenu en emploi de chaque euro produit pour chacune des 114 branches, à savoir

57

equation im10

58Ni est l’emploi régional par branche et PRODi la production correspondante. Le coefficient ni est considéré comme étant stable au cours de l’année. Pour dénombrer les emplois induits, nous enlevons l’équivalent en production des emplois et regardons l’impact sur la production induite de l’ensemble des branches, puis sur l’emploi induit.

59La valeur de la production de la branche i PRODi va s’ajuster au choc, ni restant constant. Cette variation ?PRODi va provoquer à son tour des variations des productions des autres branches. Les coefficients ni des autres branches étant stables à court terme, le niveau de l’emploi requis Ni dans chacune d’entre elles se modifiera. La somme de ces ?Ni représente l’emploi indirect.

60D’après cette simulation, une hausse de 100 emplois dans les secteurs intenses en main-d’œuvre se traduit à terme par la création de 46 emplois indirects. Dans ces emplois indirects, 11 sont créés dans les secteurs intenses en main-d’œuvre. Ainsi, pour les 236 000 à 298 000 emplois détruits directement dans les secteurs intenses en main-d’œuvre à la suite de la suppression des exonérations, on devrait observer entre 108 700 et 137 200 emplois détruits indirectement dans l’ensemble de l’économie.

61Notons que les effets indirects sont globalement plus importants pour les chocs qui affectent les autres secteurs. Ils sont plus capitalistiques et leurs consommations intermédiaires sont proportionnellement plus élevées. Nous avons calculé que pour 100 emplois créés directement dans ces autres secteurs, il y avait en moyenne 99 emplois créés indirectement dans l’économie.

2.5 – Comparaison avec les études antérieures

62Il est intéressant de comparer ces résultats à ceux des évaluations antérieures, même si, comme nous l’avons déjà précisé, on n’évalue pas le même dispositif. Dans le graphique 5A nous avons repris les résultats de 17 études antérieures en les ramenant à une enveloppe budgétaire de 5 milliards d’euros de 2010 (certaines études chiffrent les effets d’une baisse de 10 points de cotisations sociales, d’autres ceux de la mesure dite Juppé de 1995, d’autres encore celle d’un allégement de 10 milliards de francs). La moyenne des effets sur l’emploi est de 310 000 emplois pour 5 milliards d’euros, ce qui est proche du budget des dispositifs des années quatre-vingt-dix. Pour ce budget, notre estimation moyenne est de 130 000 emplois, ce qui est inférieur mais néanmoins proche des résultats de plusieurs études. L’écart entre ces études peut provenir de deux effets.

Graphique 5

Comparaison avec les études antérieures

Graphique 5

Comparaison avec les études antérieures

A) Nombre d’emplois créés ou sauvegardés pour une enveloppe budgétaire de 5 milliards d’euros (valeur 2010)
Graphique 5
B) Coût annuel brut par emploi créé ou sauvegardé
Source : Calculs des auteurs.

63D’une part, les premiers travaux portent sur les politiques d’exonération dont la pente et le ciblage sont plus favorables à l’emploi, à budget donné. D’autre part, les travaux sur données microéconomiques ont tendance à sous-estimer les exonérations effectivement perçues par les entreprises et ainsi à surestimer l’effet sur l’emploi. Le coût par emploi créé est selon nous compris entre 39 000 et 48 000 euros, contre 24 000 euros en moyenne sur les 17 études antérieures qui ont évalué les mesures de première génération.

3 – Les effets de réformes partielles des dispositifs généraux d’exonérations

64La suppression totale des exonérations est une alternative qui a peu de chance d’être proposée et mise en œuvre à court terme. En revanche, des modifications des barèmes d’exonération peuvent être introduites conduisant ou non à une réduction de l’enveloppe totale d’exonérations.

65Afin d’apprécier les effets potentiels de ces modifications sur l’emploi, nous avons simulé la mise en œuvre de plusieurs scenarii de réformes. L’idée est de balayer les possibles et d’étudier les effets sur l’emploi en focalisant l’attention sur les secteurs intensifs en main-d’œuvre. Deux groupes de réformes sont appréhendés. Dans un contexte de forte pression budgétaire, on envisage en premier lieu des réformes visant à réduire d’un quart l’enveloppe totale des exonérations de cotisations sociales. Dans un second temps, on suppose que cette enveloppe reste constante mais avec un recentrage sur les bas salaires. Dans cette dernière configuration, on appréhende également les effets de la hausse du Smic.

3.1 – Six scenarii de réformes visant à économiser 5 milliards d’euros

66Nous avons imaginé six variantes de barèmes et mesuré leurs effets sur l’emploi et le coût du travail. Ces variantes modifient un ou plusieurs éléments caractérisant le système d’exonération actuel : sa pente, son seuil d’extinction, son montant maximal, son système de décote avantageant les entreprises de moins de 20 salariés.

67De façon à les rendre comparables, les paramètres des variantes ont été fixés de manière à pouvoir économiser exactement 5 milliards d’euros d’exonérations pour l’ensemble du secteur privé, soit une réduction de plus de 25 % du total des exonérations. Présentons rapidement ces variantes, en les ordonnant de la moins ciblée sur les bas salaires à la plus ciblée :

  • Décotification : Ce scénario repose sur deux changements. Il consiste tout d’abord à supprimer le système de décote actuel portant sur le niveau maximum d’exonération de cotisations sociales. Ce seuil est de 26 % et 28,1 % selon la taille des entreprises (plus ou moins 20 salariés). Un nivellement par le haut de ce niveau à 29,90 % pour toutes les entreprises est supposé. Les économies d’exonérations sont obtenues par une réduction du seuil d’extinction des exonérations à 1,35 Smic.
  • Pentification : Ce scénario est plus simple et repose sur un seul changement la réduction du seuil d’extinction des exonérations. Ce seuil passerait de 1,6 à 1,4 Smic et il subsisterait un écart du niveau maximum d’exonération selon la taille des entreprises.
  • Uniformisation : Ce scénario consiste à réduire pour l’ensemble des salariés y compris ceux rémunérés au-delà de 1,6 Smic le montant des cotisations de 1,15 point de pourcentage.
  • Translation : Cette réforme envisage un déplacement vers la gauche de la courbe des barèmes d’exonération pour l’ensemble des salariés. Les niveaux maximum d’exonération passeraient de 28,1 % à 24,50 % pour les entreprises de moins de 20 salariés et de 26,0 % à 22,40 % pour les autres. Le seuil d’extinction des exonérations serait réduit à 1,49 Smic.
  • Sous-cotification : Ce cinquième scénario repose sur une modification du seuil d’exonération maximum des seules entreprises de 20 salariés et plus. Le seuil maximal baisserait sensiblement pour ces entreprises pour atteindre 15,30 %. Pour les plus petites entreprises, le barème d’exonération est supposé inchangé. En outre, pour l’ensemble des entreprises, le seuil d’extinction demeure figé à 1,6 Smic.
  • Plafonnement : Le dernier scénario repose sur un plafonnement du niveau maximum des exonérations avec un maintien à 1,6 Smic du seuil d’extinction des exonérations. Ce plafonnement serait de 17,1 % pour les entreprises de 20 salariés et plus et 19,2 % pour les autres et affecterait tous les salariés jusqu’à 1,15 Smic.
En associant à chaque réforme une variation du coût de travail par tranche de salaire, il est relativement facile d’en déduire l’effet direct sur l’emploi. Les simulations réalisées indiquent que l’impact sur l’emploi varie entre 78 000 et 166 000 emplois détruits selon les scénarii (graphique 6A). Il faut dans tous les cas ajouter les emplois détruits indirectement qui représentent pour mémoire 46 % des destructions directes dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre et 99 % des destructions directes dans les autres secteurs. L’effet global sur l’emploi tenant compte des emplois directement détruits et des destructions induites varie entre 142 500 et 285 800 emplois.

68La décotification qui consiste en un resserrement des exonérations sur les bas salaires avec une légère hausse du niveau d’exonération maximum apparaît comme la mesure qui affecte le moins le coût du travail et qui est la moins défavorable à l’emploi pour l’ensemble du secteur concurrentiel (moins de 80 000 emplois seraient détruits dans ce cas).

69Les graphiques 6A et 6B présentent l’ensemble des résultats des simulations réalisées pour les six réformes envisagées et en supposant soit une élasticité constante soit une élasticité variable selon les niveaux de salaire. Le graphique 6A porte sur l’ensemble de l’économie alors que le graphique 6B se focalise uniquement sur les secteurs intenses en main-d’œuvre.

Graphique 6

Effets sur l’emploi des différents scénarii (les effets sont mesurés en milliers d’emplois)

Graphique 6

Effets sur l’emploi des différents scénarii (les effets sont mesurés en milliers d’emplois)

Note : les traits horizontaux correspondent à l’effet moyen d’une suppression totale des exonérations de cotisations sociales ramenées à un coût de 5 milliards d’euros.

A) Ensemble de l’économie
Graphique 6
B) Secteurs intenses en main-d’œuvre
Source : Maquette SISMICs

70Les effets sur l’emploi obtenus sont cohérents avec l’évolution du coût du travail indiquée dans le tableau 3. Globalement, le classement de ces différents scénarii en fonction des destructions d’emplois respecte le principe suivant : les réformes de barèmes qui resserrent les exonérations vers les bas salaires sont celles qui génèrent le moins de destructions d’emplois. Inversement celles qui aplanissent le niveau des exonérations sont les plus défavorables à l’emploi.

Tableau 3

Six scénarii de réformes pour les exonérations générales de cotisations sociales : les paramètres d’intérêt

Tableau 3

Six scénarii de réformes pour les exonérations générales de cotisations sociales : les paramètres d’intérêt

Source : Maquette SISMICs.

71Pour les secteurs intenses en main-d’œuvre des résultats similaires sont observés. Les destructions d’emplois dans ces secteurs varient entre 24 000 et 84 000 emplois selon les scénarii envisagés. Le plafonnement des exonérations apparaît à nouveau comme le changement le plus défavorable. Il conduit à la destruction de 3,5 fois plus d’emplois que la décotification.

72Notons que le poids des destructions d’emplois supporté par les secteurs intenses en main-d’œuvre change selon ces scénarii. Il est de l’ordre de 30 % pour les trois premières hypothèses et varie entre 45 % et 50 % pour les trois dernières qui sont nettement plus défavorables aux bas-salaires.

73Ainsi, dans l’optique d’une modification des barèmes d’allégement visant à économiser 5 milliards d’euros, la politique qui semble la moins défavorable à l’emploi consiste à réintroduire un ciblage des exonérations proche de celui établi par la réforme Juppé de 1995. Le montant maximum des exonérations demeurant nettement plus élevé que celui fixé il y a 17 ans.

74La question de l’émergence ou du renforcement d’une trappe à bas salaire dans le cas d’un tel ciblage reste ouverte. Les études qui tentent de mesurer l’incidence des exonérations générales sur la formation des salaires ne conduisent pas à des résultats univoques (voir notamment les travaux de Lehmann, Marical et Rioux, 2011 ; Lhommeau et Rémy, 2010 sur le sujet). Les travaux qui identifient l’existence d’une trappe à bas salaire montrent que son ampleur est relativement limitée (Lhommeau et Rémy, 2010).

75La maquette SISMICs permet également de décomposer ces destructions d’emplois par tranche de rémunération (graphique 7A et 7B). Il apparaît qu’il existe une corrélation nette entre l’ampleur des destructions globales d’emplois et le nombre d’emplois à bas salaire détruits. Pour l’ensemble de l’économie, une réforme s’appuyant sur une décotification maintiendrait relativement inchangé le nombre d’emplois à bas salaires. Les 39 000 emplois créés au voisinage du Smic seraient pratiquement compensés par les 47 000 emplois détruits entre 1,1 et 1,3 Smic. Ainsi, l’essentiel des destructions d’emplois concernerait les salariés rémunérés au-delà de 1,4 Smic.

Graphique 7

Décomposition de l’effet emploi par niveau de salaire des différents scénarii (les effets sont mesurés en milliers d’emplois)

Graphique 7

Décomposition de l’effet emploi par niveau de salaire des différents scénarii (les effets sont mesurés en milliers d’emplois)

A) Ensemble de l’économie
Graphique 7
B) Secteurs intenses en main-d’œuvre
Source : Maquette SISMICs

76Inversement, pour les trois derniers scénarii, la translation, la sous-cotification et le plafonnement, entre 75 % et 92 % de ces destructions porteraient sur les bas-salaires.

77Pour les secteurs intenses en main-d’œuvre, ce constat est renforcé, puisque seulement 1 % des destructions d’emplois concerne les bas-salaires dans le cas d’une décotification alors que cette proportion varie entre 82 % et 95 % pour les trois derniers scénarii. Les réformes les moins défavorables à l’emploi sont celles qui sont les moins défavorables aux secteurs intenses en main-d’œuvre.

78Finalement, le graphique 8 permet de donner des éléments de comparaison en termes d’efficience des mesures étudiées. Ce graphique exprime le montant des économies d’exonérations réalisées par emploi détruit. Par exemple, la décotification permet d’économiser en moyenne 210 000 euros par an par emploi détruit alors que le plafonnement ne permet d’en économiser que 60 000 euros. Globalement la première réforme apparaît 2 fois plus efficace qu’une politique de pentification ou d’uniformisation et 3 fois plus efficace qu’une politique de sous-cotification ou de plafonnement des exonérations. Ce ratio permet de hiérarchiser ces différentes réformes et de les comparer avec les résultats obtenus dans des études portant sur des chocs antérieurs (voir supra).

Graphique 8

Graphique 8

Graphique 8

Économies réalisées par emploi détruit pour des différents scénarii dans les secteurs intenses en main-d’œuvre
Source : Maquette SISMICs.

79À titre d’information, il est également possible de calculer le coût par emploi sauvegardé associé aux exonérations qui demeureraient après ces réformes. Dans le cas d’une décotification, ce coût resterait sensiblement le même alors que dans le cas d’un plafonnement il augmenterait de près de 25 % [22].

3.2 – Scenarii de réformes à budget d’exonérations constant

80Nous envisageons dans ce dernier point des réformes qui n’affectent pas le budget total des exonérations mais qui conduisent à les cibler davantage sur les bas salaires. Comme l’a montré le point précédent, la décotification et la pentification sont les réformes les plus efficaces en termes de maintien de l’emploi. C’est pourquoi nous ne retiendrons ici que des réformes affectant le seuil d’extinction et la pente des exonérations.

81Nous envisageons deux variantes, ordonnées de la moins ciblée sur les bas salaires à la plus ciblée :

  • Ciblage : Ce scénario repose sur deux changements : la réduction du seuil d’extinction des exonérations et une hausse du taux d’exonération maximum. On suppose qu’il n’existe plus d’écart entre ce taux maximum selon la taille des entreprises.
  • Ciblage avec plafonnement : Le scénario précédent conduit dans certaines configurations à obtenir un niveau maximum d’exonération qui dépasse le seuil de 28,1 %. Or la législation actuelle ne permet pas de dépasser ce seuil, même si l’ensemble des exonérations de cotisations sociales dépasse 40 % [23]. Pour tenir compte de cette situation on introduit un plafond à 28,1 %. La forme du barème d’exonération s’apparente dans ce cas à celle existant dans les DOM.

Graphique 9

Graphique 9

Graphique 9

Deux scénarii types ciblant davantage les bas salaires à budget constant
Source : Maquette SISMICs

82Ce ciblage conduira à plusieurs effets. À titre d’exemple nous indiquons entre parenthèse les effets du passage du seuil d’extinction de 1,6 Smic à 1,3 Smic (sans plafonnement) :

  1. Une part légèrement plus importante de l’ensemble des exonérations versées aux secteurs intensifs en main-d’œuvre (46 % à 49 %) ;
  2. Un pourcentage moindre de salariés concernés par les exonérations (55 % à 34 %) ;
  3. Une forte augmentation du taux d’exonération moyen (de 12,3 % à 23,3 % pour l’ensemble des entreprises et de 14,2 % à 24,4 % pour les secteurs intensifs en main-d’œuvre) ;
  4. Une baisse du coût du travail des salariés rémunérés en deçà de 1,3 fois le Smic (-4 %) ;
Notons qu’en présence d’un plafonnement ces effets sont plus limités.

Graphique 10

Graphique 10

Graphique 10

Effet sur l’emploi d’une modification du seuil d’extinction des exonérations à budget constant
Source : Maquette SISMICs

83Le graphique 10 décrit les effets sur l’emploi d’une modification du seuil d’extinction. Un ciblage plus important des aides sur les bas salaires permettrait d’accroître le nombre d’emplois de 90 000 à 170 000 sans plafonnement et de 40 000 à 55 000 avec plafonnement des exonérations. Plus de 60 % des emplois créés le seraient dans les secteurs intenses en main-d’œuvre.

4 – Conclusions

84La politique française d’exonération générale de cotisations sociales sur les bas salaires est montée progressivement en puissance depuis les premiers dispositifs mis en œuvre en 1993. Elle a connu une extension marquée à la fin des années quatre-vingt-dix avec le passage aux 35 heures et une phase de stabilisation avec les mesures Fillon entre 2003 et 2005. Elle prend désormais la forme d’une exonération de 26 points de cotisations employeurs au niveau du SMIC, majorée à 28,1 points pour les entreprises de moins de 20 salariés, exonération qui diminue régulièrement avec le salaire jusqu’à s’annuler à 1,6 Smic. Ce dispositif mobilise un budget annuel de plus de 20 milliards d’euros, soit quatre fois plus que les budgets déployés au début des années quatre-vingt-dix. Grâce à ces exonérations générales, la France n’est qu’en cinquième position européenne pour le niveau du coût du travail au voisinage du salaire minimum, alors que le niveau des prélèvements sociaux et celui du salaire minimum y sont parmi les plus élevés d’Europe.

85Les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires ont un effet incontestablement positif sur l’emploi, comme l’ont confirmé de façon unanime les 17 évaluations déjà réalisées. Mais ces travaux portent tous sur les dispositifs de première génération mis en œuvre au début des années quatre-vingt qui étaient très ciblés sur les bas salaires (avec un seuil d’extinction à 1,3 Smic), à l’exception de l’évaluation ex ante de Barlet et alii (2010). En outre, ils ne prennent pas en considération la dimension sectorielle des dispositifs d’allégements généraux. Pour une entreprise donnée, le montant des exonérations dépend fortement de la distribution des salaires, qui renvoie pour l’essentiel à la structure de ses qualifications. Les secteurs d’activité les plus riches en main-d’œuvre sont donc les plus concernés par ces dispositifs, tandis que dans d’autres secteurs plus intenses en travail qualifié et en capital, il n’y aura pas ou peu d’effets sur le montant des prélèvements sociaux à la charge des employeurs.

86Les exonérations générales de cotisations sociales représentent 5,7 % de l’ensemble de la masse salariale des salariés du secteur privé en 2010. Ce taux moyen étant très variable selon les secteurs d’activité. Un petit nombre de secteurs est principalement concerné par les exonérations. Il s’agit des hôtels et restaurants, des services à la personne, du commerce, de l’industrie textile, des services opérationnels, de la construction, de l’industrie du bois et du papier et de l’équipement, et des postes et télécommunication. Il s’agit également des sous-secteurs de la collecte des déchets et de recyclage ainsi que des activités de joaillerie. Ces secteurs intenses en main-d’œuvre emploient dans l’ensemble 4,6 millions de salariés et 4,2 millions en équivalent temps plein. Ils représentent 31 % des emplois de l’ensemble des secteurs concurrentiels. En moyenne, leurs salariés bénéficient d’une rémunération plus faible (-19 %). C’est pourquoi, la part de leur masse salariale dans la masse salariale totale n’est que de 25 %.

87D’après nos simulations, dans ces secteurs intenses en main-d’œuvre, près de trois salariés sur quatre bénéficient des exonérations, ce qui conduit ces secteurs à capter plus de 45 % du budget dédié aux exonérations générales de cotisations sociales. Globalement, ce dispositif représente 8 points de la masse salariale versée dans ces secteurs et réduit de 14 points le coût du travail des salariés rémunérés en deçà de 1,6 fois le Smic.

88L’objectif premier de notre étude était d’évaluer les effets sur l’emploi des exonérations générales de cotisations sociales pour l’ensemble de l’économie et pour les secteurs les plus intenses en main-d’œuvre. Pour cela, nous avons construit un outil ad hoc d’évaluation ex ante, baptisé SISMICs, qui est un Simulateur inter-Sectoriel pour la mesure des impacts des cotisations sociales. Cet outil nous a permis d’étudier les effets sur le coût du travail et sur l’emploi d’une suppression totale du dispositif d’exonération générale de cotisations sociales existant et de plusieurs réformes visant à l’aménager en partie. Ces réformes sont plus ou moins ciblées sur les bas salaires et sont analysées pour une enveloppe budgétaire fixée arbitrairement à 5 milliards d’euros. Pour chaque réforme, nous évaluons les effets sur le coût du travail et les effets sur l’emploi en partant d’élasticités de la demande de travail à son coût estimées sur des données d’entreprises, c’est-à-dire à un niveau microéconomique cohérent avec nos simulations. L’originalité de cette maquette est de prendre en considération la distribution réelle des emplois, selon différentes tranches de salaires définies relativement au Smic. Cette distribution s’appuie sur des informations sur les salaires et le temps de travail tirées des Dads (Déclarations annuelles de données sociales) qui ont été calées afin d’obtenir des niveaux d’exonérations cohérents avec les données de l’Acoss. Afin de préciser les effets indirects sur l’emploi des différentes réformes considérées, nous évaluons également l’ampleur des emplois induits au travers des échanges inter-sectoriels de consommations intermédiaires.

89D’après les résultats de nos simulations, la suppression de l’ensemble des exonérations générales de cotisations sociales conduirait à une hausse du coût du travail de l’ordre de 4,4 % pour l’ensemble des salariés et de 12,3 % pour les salariés qui bénéficient à l’heure actuelle des exonérations. Les destructions d’emplois associées à ce renchérissement du coût du travail seraient comprises entre 500 000 et 610 000 emplois dont près de la moitié dans les secteurs intenses en main-d’œuvre. Les pertes d’emploi dans les secteurs de main-d’œuvre conduisent en outre à des pertes d’emplois induites dans les autres secteurs qui correspondent à 46 % des pertes initiales (100 emplois détruits dans les secteurs intenses en main-d’œuvre détruisent indirectement 46 emplois dans le reste de l’économie). Les destructions d’emplois directs se concentreraient fortement parmi les bas salaires : 35 % au niveau du Smic et 85 % pour des emplois compris entre le Smic et 1,3 fois le Smic. L’économie budgétaire réalisée par emploi détruit (ou coût par emploi créé) serait comprise entre 34 000 et 42 000 euros.

90Nous avons tout d’abord imaginé et simulé six variantes de barème, pour une économie budgétaire donnée de 5 milliards d’euros, qui modifient un ou plusieurs éléments caractérisant le système d’exonération actuel (sa pente ; son seuil d’extinction ; son montant maximal ; son système de décote avantageant les entreprises de moins de 20 salariés). Ces réformes sont plus ou moins ciblées sur les plus bas salaires et sur les secteurs de main-d’œuvre. La part de la baisse des exonérations à la charge des seules entreprises des secteurs intenses en main-d’œuvre varie du simple au double. Les résultats des simulations indiquent que les réformes les moins défavorables à l’emploi, sont celles qui préservent le plus les bas salaires et les entreprises qui les emploient. Nous avons également imaginé un ciblage des exonérations à budget constant permettant de renforcer très nettement l’ampleur des exonérations versées aux salariés rémunérés en deçà de 1,3 Smic. Cette politique permettrait de créer plusieurs dizaines de milliers d’emplois à coût constant et ceci principalement dans les secteurs intensifs en main-d’œuvre. La question complexe du développement dans un tel contexte d’une trappe à bas salaire reste ouverte.

91Les spécificités et les limites de notre travail doivent être indiquées. Il s’agit d’une évaluation qui utilise les distributions de salaires effectives des entreprises et leurs comportements d’emploi estimés sur micro-données administratives. Nous supposons une élasticité de la demande de travail de 0,5 en moyenne, éventuellement décroissante avec le niveau de qualification, qui n’aurait pas été affectée par la crise économique. Cette évaluation prend en compte les effets d’entraînement entre secteurs d’activité mais n’intègre pas d’effets de bouclage macroéconomique par la formation des salaires, celle des prix, l’équilibre extérieur ou celui des finances publiques. Ces interdépendances macroéconomiques ont largement été documentées par des travaux antérieurs et paraissent peu pertinentes a priori pour une discussion sur le ciblage optimale des aides.

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  • Rapport du groupe d’experts Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance, décembre 2009.
  • Salanié B., 2000, « Une maquette analytique du marché du travail à long terme », Économie et Prévision, 146, pp. 1-13.
  • Seguin S., 2006, « Les salariés au Smic en 2002 : un sur deux travaille dans une petite entreprise, un sur quatre gagne plus de 1,3 Smic horaire grâce à des compléments de salaire », Premières Synthèses, 27.2.

Notes

  • [1]
    Cette étude a bénéficié de l’appui des fédérations professionnelles des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre opérationnelle. En tant que financeurs : FEP ; CLIMO ; USP ; PRISME ; SOP ; SDD ; SAMERA. En tant que soutien, UMIH ; GPS ; FESP ; FCD ; SNRC ; FFB ; SNARR ; FNADE ; CSAE. Cependant, ce document n’engage que ses auteurs et ne représente pas la position de ces fédérations. Cette étude a été présentée au colloque « Trajectoires, Emplois et Politiques publiques » (Caen, juin 2012), au 61e congrès de l’AFSE (Paris, juillet 2012) et au séminaire de l’OFCE (Paris, décembre 2012).
  • [2]
    Dans le tout premier rapport d’évaluation consacré à ces dispositifs, réalisé en 1996 par le CSERC pour le compte du Premier ministre Alain Juppé, il était indiqué que sept secteurs de la nomenclature agrégée de l’époque, la NAP 40, étaient principalement concernés par les exonérations : les hôtels, cafés et restaurants ; les services marchands aux particuliers ; le commerce de détail, alimentaire et non alimentaire ; le textile et l’habillement ; les cuirs et chaussures ; enfin le bâtiment, génie civil et agricole. Il était indiqué également qu’un ciblage plus large des exonérations, jusqu’à 1,6 Smic, qui était le niveau maximal d’abattement retenu par la loi quinquennale pour l’emploi du 20 décembre 1993, ne modifierait qu’à la marge cette liste de secteurs. Plus récemment, les analyses descriptives de l’Acoss (2005) – Agence centrale des organismes de sécurité sociale – confirment ce point.
  • [3]
    L’indicateur d’hétérogénéité qui résulte du modèle de Malinvaud [2002 est la variance intersectorielle de la part du coût du travail non qualifié dans la valeur de la production. Plus les secteurs ont un contenu en emploi peu qualifié différents, plus l’on risque de sous-estimer les effets des allégements ciblés sur les travailleurs non qualifiés avec une approche agrégée (qui ne distingue pas plusieurs secteurs d’activité).
  • [4]
    Le lien entre exonération et coût du travail n’est d’ailleurs pas trivial non plus au niveau agrégé où les exonérations dégressives peuvent conduire à des effets inattendus des hausses du Smic sur le coût du travail (L’Horty, 2000).
  • [5]
    Niveau cohérent avec nos simulations.
  • [6]
    L’Acoss couvre 95 % du total des allégements.
  • [7]
    Le rendement de cette seconde mesure a été évalué à 2 milliards d’euros environ.
  • [8]
    De même Heyer et al. (2012) montrent que l’introduction de la réforme de la TVA sociale proposée par le gouvernement Fillon en février 2012 et qui devait entrer en vigueur en octobre de la même année aurait un impact sectoriel très différencié et favoriserait les secteurs employant principalement des salariés rémunérés de 1,6 à 2,4 fois le Smic (construction, agroalimentaire et les transports).
  • [9]
    Le coût horaire en Ile-de-France est de 43 % plus élevé que dans les autres régions (Demailly et alii, 2012).
  • [10]
    Notons que les Dads natives non accessibles aux chercheurs fournissent l’ensemble des éléments de rémunération de l’assiette de calcul des exonérations.
  • [11]
    Le Projet de loi de finance de la sécurité sociale de 2012 réintègre les majorations de cotisations sociales dans le calcul des allégements généraux.
  • [12]
    15 % toutes tailles d’entreprise confondues.
  • [13]
    Par exemple, les entreprises agricoles, les entreprises de travail temporaire, les particuliers employeurs et les administrations publiques ne figurent pas dans le champ de l’enquête Acémo. De même, les apprentis, dont la rémunération minimale est définie comme une fraction du Smic, ne sont pas recensés parmi les salariés bénéficiaires de la revalorisation du Smic.
  • [14]
    D’après le chiffrage présenté dans Amghar et Laloue (2010), si les allégements de cotisations sociales étaient calculés sur la base de l’assiette CSG et non sur l’assiette de cotisations sociales, le rendement pour l’État serait d’environ 1,85 milliard d’euros.
  • [15]
    Dans cette étude, nous ne considérons pas les déductions forfaitaires spécifiques qui peuvent différencier les montants des exonérations selon les secteurs.
  • [16]
    Dans cette étude, nous n’abordons pas la question des effets du profil infra-annuel des rémunérations qui peuvent modifier le montant des exonérations effectives. La mesure d’annualisation mise en œuvre début 2011 a eu un rendement estimé à 2 Mds d’euros (PLFSS 2011).
  • [17]
    L’algorithme de calage utilisé est présenté en détail dans Bunel, Gilles et L’Horty (2010).
  • [18]
    La procédure de calage a été réalisée à partir de 12 tranches de salaires et deux tailles d’entreprises (plus et moins de 20 salariés).
  • [19]
    Pour le seul secteur HCR, un contrôle complémentaire du calage a pu être réalisé. En effet, il existait de 2004 à 2009 une aide spécifique à l’emploi dans ce secteur qui a conduit l’Unedic à constituer une base répertoriant le nombre de salariés au Smic parmi les salariés aidés. La distribution calée issue des Dads donne un nombre de salariés au Smic très proche de celui observé dans cette base (Bunel et L’Horty, 2011-b).
  • [20]
    Notons que ce secteur ne respecte pas, même à un niveau fin, la définition donnée aux secteurs intenses en main-d’œuvre. Il a toutefois été conservé dans ce champ car il comporte dans ses activités de distribution de courriers un taux de recours à des emplois à bas salaire très important.
  • [21]
    En utilisant les élasticités variables proposées dans le rapport Besson (2007) selon lequel ces élasticités passent de -1,2 au niveau du Smic à -0,3 à 1,4 fois le Smic, on obtient 690 000 emplois créés ou sauvegardés.
  • [22]
    6,507 milliards d’exonérations seraient toujours octroyés dans les secteurs intenses en main-d’œuvre pour un effet sur l’emploi de (245,0 -83,7) soit un coût par emploi sauvegardé de 40 350 euros.
  • [23]
    L’ensemble des cotisations sociales patronales incluant notamment l’assurance chômage et les régimes complémentaires de retraite (AGIRC/ARRCO), est de prêt de 45 %. Or d’après la législation actuelle n’entrent pas dans l’assiette de calcul des exonérations les cotisations patronales d’assurance chômage, la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).
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