Notes
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[1]
La GSC, qui est le leader historique du secteur, compte seulement 30 000 affiliés en 2020 (LesEchos.fr, 01/04/2020), soit une très faible proportion des dirigeants des entreprises actuellement en activité.
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[2]
Pour Bruno et al. (1992), l’échec entrepreneurial correspond aussi à une cessation de l’activité qui peut être due aussi bien à des problèmes légaux qu’à une mésentente des différents partenaires. Nous ne retiendrons pas ici cette définition.
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[3]
Sur le site Internet 60 000 Rebonds, une entrepreneure dont le projet a échoué s’exprime ainsi : « Après mon syndrome des 3 D, Dépression, Divorce, et Dépôt de bilan en juin 2015, j’ai souhaité intégrer l’association 60 000 Rebonds. Grâce à ma coach et mon parrain, j’ai pu au bout d’un an vivre le rebond. Car même si j’ai trouvé un emploi de salariée, cela reste un chemin vers la reconstruction. » Pour un autre entrepreneur, « le plus important, c’est de vaincre la solitude et de retrouver des pairs avec qui échanger ». Il apparaît alors que les facteurs psychologiques sont déterminants pour comprendre le processus du rebond entrepreneurial. Comme l’explique un entrepreneur en rebond, « j’avais besoin d’une attention particulière et de retrouver une estime de soi perdue lorsque j’ai fait faillite. Rebondir, c’est plus dur que de créer une entreprise. Il faut une énergie folle pour reprendre confiance en soi ! 60 000 Rebonds, c’est beaucoup de compétences et d’expériences pour y parvenir. »
-
[4]
D’un point de vue pratique, on peut s’attendre à ce que l’assurance chômage agisse comme un catalyseur du rebond entrepreneurial, avec un effet au moins à 3 niveaux : 1) l’assurance contient les pertes en patrimoine suite à la cessation d’activité ; 2) l’assurance prévient la déconstruction personnelle suite à la cessation d’activité en évitant l’exclusion sociale ; 3) l’assurance peut permettre l’amélioration des compétences grâce au suivi du projet professionnel.
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[5]
Selon Yamakawa et al. (2015, p. 215), la confiance en soi est « […] defined in terms of the degree to which individuals believe they are capable of performing the roles and tasks associated with pursuing an entrepreneurial career, which includes founding, managing, and growing new ventures ».
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[6]
Des offres alternatives d’assurance chômage privée pour les dirigeants sont proposées notamment par l’APPI, April, Axa, Cameic et Solly Azar.
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[7]
26 € 30 par jour durant 182 jours en France métropolitaine.
Introduction
1La loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », qui réforme l’assurance chômage, a été publiée au Journal officiel le 6 septembre 2018 et est entrée en vigueur en janvier 2019. Cette mesure phare du programme économique d’Emmanuel Macron a permis d’élargir le régime de l’assurance chômage aux indépendants, et offre depuis le 1er novembre 2019 une indemnisation aux dirigeants de petites et moyennes entreprises (PME) confrontés à une liquidation judiciaire. Même si la portée réelle de la nouvelle loi reste conditionnée par les décrets d’application qui en précisent le contour exact, celle-ci n’en présuppose pas moins un lien positif entre l’indemnisation et le rebond des entrepreneurs concernés.
2Mais quelle est réellement la portée d’une assurance chômage pour les dirigeants de PME ? Nous savons peu de choses à ce sujet. L’entrepreneur est souvent vu comme un spéculateur qui assume la prise de risque au bénéfice de la société (Kirzner, 1973). Cependant, si assurance et entrepreneuriat semblent a priori antinomiques – la prévention étant à l’opposé de la prise de risque –, il n’en reste pas moins qu’il existe un véritable besoin de protection des entrepreneurs. Nous étudions donc ici la valeur ajoutée d’un système d’assurance chômage pour les dirigeants de PME. Il s’agit d’une question de recherche importante pour le décideur public qui, comme la nouvelle loi le montre, a pris progressivement conscience du lien entre la dynamique entrepreneuriale et la croissance économique, et pour le chercheur car la question du rebond post-échec de l’entrepreneur reste pour l’heure encore peu explorée (Dias et al, 2017 ; Corner et al., 2017 ; Walsh et Cunningham, 2017).
3Les pouvoirs publics ont notamment cherché à initier ces dernières années une nouvelle politique de l’offre, en développant à la fois les systèmes d’incitation et la sensibilisation des individus à la démarche entrepreneuriale. En pratique, la politique de la sensibilisation à l’entrepreneuriat a principalement reposé sur des success stories d’entrepreneurs qui étaient célèbres pour avoir réussi. Mais la croissance du nombre de créations d’entreprises s’accompagne mécaniquement d’une augmentation du nombre de liquidations judiciaires ! La France a ainsi connu près de 48.440 liquidations judiciaires en 2018 selon l’Observatoire de l’Emploi des Entrepreneurs, avec des conséquences souvent dévastatrices pour les individus concernés. Aujourd’hui encore, le dirigeant de PME n’a souvent pas droit à l’assurance chômage dont bénéficient les salariés, et très peu d’entre eux bénéficient d’une assurance chômage privée [1]. Or ces entrepreneurs, de par leur expérience passée, sont la plupart du temps très bien placés pour recréer une entreprise et pour favoriser l’activité économique.
4Il n’existe à notre connaissance que deux études qui traitent de la portée de l’assurance chômage des entrepreneurs. La première est une recherche limitée à la population danoise et qui se focalise sur la prise de risque des entrepreneurs en présence d’une couverture assurantielle (aléa moral) (Ejrnaes et Hochguertel, 2013). Plus précisément, cette étude se focalise sur les différences de comportements entre les assurés et les non-assurés à partir de la probabilité de transiter de l’état d’entrepreneur à l’état de chômeur. Au Danemark, les personnes qui créent leur emploi ont la possibilité de souscrire volontairement à une assurance chômage. Il s’agit d’un mécanisme d’assurance des revenus total ou partiel. Cette assurance est cependant subventionnée par l’État, et les candidats ne peuvent pas être rejetés s’ils décident d’y souscrire. Les auteurs montrent qu’il existe bien une différence de comportement entre les entrepreneurs assurés et les non assurés puisque les entrepreneurs assurés ont une probabilité plus forte de se retrouver sans emploi. Selon Ejrnaes et Hochguertel (2013), une faible partie de cette différence entre le comportement de ces deux catégories d’entrepreneurs s’explique par la présence d’aléa moral, la plus grande partie des différences de comportement provenant de l’hétérogénéité entre les individus.
5La seconde recherche étudie de son côté la valorisation subjective de l’assurance chômage pour les dirigeants de PME français dans une perspective d’anticipation du risque d’échec du projet entrepreneurial (Pommet et Sattin, 2018). Cette étude montre notamment que les bénéfices de l’assurance restent mal anticipés par les entrepreneurs et met en lumière un type particulier de problème d’antisélection sur ce marché. Elle suggère en outre que l’assurance est vue comme un « bien de luxe » par les entrepreneurs. L’article reste toutefois concentré sur des anticipations de bénéfices et ne permet pas de se prononcer sur la portée effective de ce type d’assurance pour les entrepreneurs une fois l’échec entrepreneurial avéré.
6Nous contribuons ici à la littérature sur le rebond entrepreneurial en nous interrogeant sur les facteurs de résilience qui poussent les entrepreneurs français à créer une nouvelle entreprise suite à un échec entrepreneurial. Plus précisément, aucune recherche n’a pour le moment abordé l’utilité effective d’une assurance chômage dédiée aux entrepreneurs en termes de capacité de rebond suite un sinistre. C’est ce que nous nous proposons de faire ici grâce à des données d’enquête inédites, et à partir d’un modèle intégrateur de rebond entrepreneurial.
7Afin d’étudier la portée de l’assurance chômage pour les entrepreneurs, nous exploitons un échantillon inédit provenant d’une enquête menée auprès de 186 dirigeants de PME franciliennes ayant connu une liquidation anticipée de leur société entre 1999 et 2015, et dont certains ont été assurés auprès de la Garantie Sociale des Chefs d’entreprises (GSC). Les différences en matière de trajectoires professionnelles au sein des deux populations y sont notamment analysées. Nous montrons notamment que le rebond entrepreneurial naît de la rencontre d’une envie d’entreprendre, de compétences entrepreneuriales et de moyens financiers suffisants. Nous montrons par ailleurs que l’assurance chômage permet de favoriser le rebond par création d’une nouvelle entreprise dans une proportion qui varie entre 21,4 % et 48,2 % sur l’échantillon considéré.
8L’article est structuré comme suit. La section 1 présente la revue de la littérature et développe nos hypothèses. La section 2 introduit les données, les variables ainsi que notre méthodologie statistique. La section 3 présente nos résultats empiriques. La dernière section conclut l’article en présentant quelques pistes pour des recherches futures.
1 – Le rebond entrepreneurial : revue de la littérature et hypothèses
9Le rebond entrepreneurial par création d’une nouvelle entreprise est un type particulier de décision d’entreprendre issu d’un contexte spécifique : l’échec entrepreneurial.
10La définition la plus commune de l’échec entrepreneurial renvoie à la liquidation judiciaire ou encore à l’insolvabilité de l’entreprise (Singh et al., 2007 ; Shepherd, 2003, p. 318) [2]. Les déterminants de la survie des entreprises et donc de leur échec ont reçu une attention marquée de la part des chercheurs (De Tienne et Wennberg, 2016 ; Khelil, 2016 ; Jenkins et McKelvie, 2016). On remarque à ce titre que les entrepreneurs qui réussissent sont encore bien différents de ceux qui échouent (Shepherd, 2003 ; Casson, 2005). Plusieurs déterminants de la survie des entreprises, tels que l’âge de l’entreprise ou encore l’expérience du créateur, ont notamment été mis en évidence (Freeman et al., 1983 ; Yamakawa et al., 2015).
11On connaît toutefois moins de choses sur les conséquences de l’échec entrepreneurial pour le créateur (Singh et al., 2007 ; Shepherd, 2009). Notamment, si de nombreuses études se sont penchées sur les facteurs expliquant l’entrée dans l’entrepreneuriat, très peu de travaux ont pour l’heure analysé les déterminants du rebond entrepreneurial (Baú et al., 2016). Dans cette perspective, il est nécessaire de mieux appréhender les conséquences de l’échec entrepreneurial afin de pouvoir analyser ensuite les déterminants du rebond des entrepreneurs (Yamakawa et al., 2015).
12L’échec entrepreneurial implique des coûts spécifiques liés à la faillite du projet entrepreneurial qui peuvent être classés en 3 catégories : les coûts financiers, sociaux et psychologiques (Ucbasaran et al., 2013). Les premiers coûts pour l’entrepreneur/dirigeant sont financiers. Singh et al. (2007) suggèrent que les deux principaux problèmes financiers mis en avant par les entrepreneurs sont la perte de revenu et les dettes issues de la liquidation de la société que l’entrepreneur devra absorber dans le futur (Cope, 2011). Viennent ensuite les coûts sociaux liés à la disparition de l’entreprise. En effet, lorsqu’un entrepreneur perd son entreprise, cela a souvent un impact sur ses relations personnelles et professionnelles. La faillite des projets entrepreneuriaux se solde assez fréquemment par un divorce mais aussi par la perte d’une partie importante du réseau social de l’entrepreneur (Ucbasaran et al., 2013). Enfin, des émotions négatives (telles que la peine, la culpabilité, l’humiliation, etc.) sont souvent associées à l’échec entrepreneurial et peuvent générer des coûts psychologiques conséquents (Shepherd, 2003 ; Singh et al., 2007). Il existe à ce titre une stigmatisation de l’échec entrepreneurial, particulièrement importante dans le cas français (Brunet-Mbappe, 2013). Par ailleurs, d’un point de vue psychologique, la disparition de sa société peut être vécue comme une perte personnelle pour l’entrepreneur, compte tenu de la « propriété psychologique » du créateur sur son entreprise (Pierce et al., 2001 ; Shepherd, 2003). Selon Shepherd (2003), cette perte personnelle peut générer en retour une « réponse émotionnelle négative » de la part de l’entrepreneur, dont l’intensité peut varier en fonction des individus concernés (Shepherd et Cardon, 2009). Cela va avoir de l’importance par la suite, lorsque les entrepreneurs vont entamer le processus de résilience. On note enfin que les trois dimensions financière, sociale et psychologique de l’échec entrepreneurial peuvent être interreliées, bien que nous n’ayons que peu d’information sur ce point (Ucbasaran et al., 2013). En première approche, nous analyserons toutefois ces différentes dimensions indépendamment les unes des autres.
13La question du rebond entrepreneurial est directement associée à la gestion des coûts financiers, sociaux et psychologiques associés à son échec passé (Singh et al., 2007). Les témoignages d’entrepreneurs qui ont subi l’échec de leur entreprise mettent en évidence la nécessité de se reconstruire après la liquidation de leur société et de trouver, en plus de la motivation, les ressources financières, sociales et psychologiques nécessaires au rebond (Rambault, 2017) [3]. Les caractéristiques matérielles des individus semblent déterminantes à ce titre. Les contraintes de liquidité ont été identifiées par le passé comme étant un facteur clé dans la décision d’entreprendre (Fairlie et Krashinsky, 2012). Ces auteurs montrent que le taux d’entrée dans l’entrepreneuriat augmente en général à mesure que la richesse des ménages concernés croît. Cette contrainte d’ordre matériel doit donc également influencer la probabilité de rebondir par création d’entreprise suite à un échec entrepreneurial (Singh et al., 2007). Ce point est confirmé par Baú et al. (2016) qui obtiennent, sur un échantillon d’entrepreneurs suédois, que la probabilité de recréer une entreprise suite à l’échec d’un précédent projet augmente avec les revenus disponibles de la famille. Le coût financier anticipé est par ailleurs en grande partie responsable de la crainte de l’échec (fear of failure) (Cacciotti et al., 2016). On peut notamment penser que la présence de fonds personnels conséquents peut contribuer à rassurer les entrepreneurs et peut plus facilement les inciter à rebondir en créant une nouvelle entreprise. Dans cette perspective, l’assurance chômage des entrepreneurs peut alors être envisagée comme une solution pour diminuer les coûts financiers inhérents à l’échec entrepreneurial (Ejrnæs et Hochguertel, 2013). En effet, l’assurance chômage, en préservant les flux de revenus associés à l’activité passée, limite les pertes financières liées à la disparition de l’entreprise [4]. C’est ce que souligne Philippe Rambaud, fondateur de l’association 60 000 Rebonds, et qui a lui-même connu un dépôt de bilan en 2008, lorsqu’il précise : « J’ai vécu l’ensemble du processus post dépôt de bilan. Et j’ai eu beaucoup de chance de pouvoir rebondir. J’ai eu une psychothérapeute exceptionnelle, des clients m’ont incité à remonter un business. Et contrairement à 99 % de créateurs d’entreprise, j’avais souscrit une coûteuse assurance chômage qui m’a permis de vivre durant 18 mois » (Gless, 2013). Cela nous conduit à formuler les deux hypothèses suivantes :
- H1 : La présence de fonds disponibles jugés suffisants par l’entrepreneur favorise le rebond entrepreneurial par création d’une nouvelle entreprise.
- H2 : L’assurance chômage favorise le rebond entrepreneurial par création d’une nouvelle entreprise.
14Il apparaît ensuite que certaines caractéristiques psychologiques et cognitives des individus peuvent aussi influencer leur propension à se relancer dans l’aventure entrepreneuriale. Selon Yamakawa et al. (2015), la motivation intrinsèque vis-à-vis du métier est un facteur déterminant qui explique l’entrée dans l’entrepreneuriat, mais aussi le rebond. Celle-ci est associée à un niveau élevé de satisfaction du travail qui assure que l’entrepreneur persiste dans l’aventure entrepreneuriale lorsque les difficultés apparaissent (Yamakawa et al., 2015). Les éléments identifiés par ces auteurs comme liés à la motivation de se réengager dans une aventure entrepreneuriale sont par exemple la passion pour l’entrepreneuriat ou encore le fait d’être libre, indépendant, etc. Il peut également s’agir d’un besoin de réalisation personnelle de la part de l’entrepreneur. Celui-ci trouve alors dans l’activité de dirigeants des satisfactions (pouvoir, autonomie, etc.) qui le poussent à s’engager (Baron, 2004). On parle dans ce cas d’entrepreneuriat par opportunité. Parmi ces facteurs cognitifs/psychologiques, il en est un qui est essentiel afin de comprendre ce qui pousse les individus à franchir le cap de l’entrepreneuriat : la confiance en soi (Baron, 2004) [5]. La confiance de l’entrepreneur dans sa capacité à gérer une entreprise doit donc normalement être un facteur clé du rebond entrepreneurial. Ce point particulièrement sensible concernant des dirigeants ayant connu un échec entrepreneurial, la remise en cause personnelle étant bien entendu différente suivant la personnalité de chacun et suivant le niveau de résilience de l’entrepreneur. Nous proposons donc les deux hypothèses suivantes :
- H3 : La satisfaction de l’entrepreneur quant à son activité passée de dirigeant favorise le rebond entrepreneurial par création d’une nouvelle entreprise.
- H4 : La capacité perçue des dirigeants à diriger une entreprise influence positivement le rebond entrepreneurial par création d’une nouvelle entreprise.
15D’une façon générale, nous pouvons intégrer ces dimensions psychologiques dans le modèle plus général de Casson (1991), où la décision d’entreprendre découle d’un processus de maximisation d’utilité dans lequel l’entrepreneur potentiel passe à l’acte si la rémunération escomptée découlant de la création est supérieure à celle provenant des alternatives qui lui sont proposées. Dans cette perspective, Campbell (1992) insiste sur la nécessité de dépasser l’approche uniquement psychologique de la décision d’entreprendre et d’intégrer explicitement la question de l’employabilité. Cette logique d’action renvoie à la fois à un potentiel de rémunération (objectif ou subjectif) lié aux différentes alternatives présentes et à une capacité à matérialiser ce potentiel via des compétences spécifiques. Parmi les alternatives disponibles, le travail salarié est sans doute la plus prégnante concernant des individus professionnellement actifs. Au-dessous d’un certain niveau d’employabilité, le dirigeant peut aussi être amené à recréer une entreprise simplement parce qu’il n’a pas le choix. On parle alors d’entrepreneuriat par nécessité (Casson, 2005). Cela nous conduit à poser une dernière hypothèse :
- H5 : L’employabilité de l’entrepreneur influence négativement le rebond entrepreneurial par création d’une nouvelle entreprise.
2 – Données, variables et modèles économétriques
2.1 – Les données
16Créée il y a 40 ans par les syndicats patronaux (Medef, CPME, U2P et certaines branches professionnelles), la GSC est une association qui travaille actuellement en collaboration avec Groupama-GAN afin d’offrir une protection aux chefs d’entreprise connaissant des difficultés. Il s’agit de la structure la plus ancienne et la mieux établie sur ce marché en France [6]. La garantie GSC s’adresse à tous les chefs d’entreprise, artisans, commerçants, ainsi qu’aux dirigeants de société qui ont la qualité de gérant ou de président sans pouvoir être couverts par le régime de l’UNEDIC. Pour pouvoir s’affilier au régime GSC, il suffit d’être immatriculé au Répertoire des Métiers ou au Registre du Commerce et des Sociétés et membre d’une organisation patronale (sauf pour le régime créateurs). Moyennant une cotisation annuelle, les dirigeants peuvent alors prétendre à une indemnisation de 55 % ou de 70 % de leur revenu professionnel imposable, sur une durée maximale de 12, 18 ou 24 mois de chômage, laissée au choix du chef d’entreprise.
17Les enquêtes portant sur les conséquences de l’échec entrepreneurial pour les entrepreneurs sont particulièrement délicates à administrer. Il est tout d’abord difficile de récupérer les coordonnées personnelles des individus concernés. Les bases de données entreprises ne comportent en effet que le nom du dirigeant et les coordonnées de la société disparue. Par ailleurs, il est compliqué d’interroger ces personnes sur des expériences passées qui ont souvent été difficilement vécues.
18Les données utilisées dans cette étude ont été collectées par deux voies distinctes. Une enquête a été initiée par la GSC en 2015 auprès des personnes qu’elle avait indemnisées depuis 1999 au titre de la garantie proposée afin d’étudier à la fois le contexte de la cessation d’activité et le devenir des entrepreneurs concernés. Les personnes sélectionnées par tirage aléatoire au sein de la population francilienne étaient toutes d’anciens dirigeants de PME. Le questionnaire a été administré par téléphone via un prestataire de services. Ces données ont ensuite été complétées par un échantillon d’entrepreneurs ayant un profil similaire grâce à une enquête menée en interne par les chercheurs de l’Université Paris I. Au final, la base compte 186 entrepreneurs ayant échoué, dont 152 entrepreneurs assurés et 34 entrepreneurs non assurés dans l’échantillon témoin. Au sein de l’échantillon total, 39 entrepreneurs assurés et 1 entrepreneur non assuré sont partis à la retraite suite à la liquidation de leur société.
19Une première analyse des deux populations suggère que la population des entrepreneurs sinistrés ayant bénéficié de l’assurance est plus âgée (Δ = 8,21 ; p < 0.01) et fait référence à des sinistres plus anciens (Δ = 3,95 ; p < 0.01) que ceux présents dans l’échantillon de contrôle. Ce point n’est pas une surprise car le portefeuille d’assurés de la GSC est plutôt plus âgé que la moyenne (Pommet et Sattin, 2018). Il plaide toutefois pour l’inclusion de variables de contrôle temporelles spécifiques dans les estimations réalisées.
2.2 – Les modèles économétriques
20Il existe différentes façons de caractériser l’impact de l’assurance sur la probabilité de rebond des entrepreneurs avec des données en coupe. On peut tout d’abord estimer un modèle binaire simple (ici un modèle probit), en supposant que le rebond est observé si et seulement si la profitabilité nette de cette option pour l’entrepreneur est positive compte tenu de ses choix alternatifs (notée Y*1 et qui est non observable). En notant Y1 = 1 si l’entrepreneur recrée une entreprise, et Y1 = 0 dans le cas inverse, on obtient une équation à estimer du type :
22où ε1 correspond au terme d’erreur qui suit une loi normale centrée réduite, la variable Assurance renvoie au fait d’être assuré et X1 représente le vecteur des autres variables explicatives. Compte tenu des différences structurelles entre les sous échantillons assurés et non assurés, il convient alors d’incorporer les variables temporelles notées plus haut dans notre estimation (âge des dirigeants et date du sinistre).
23Une seconde méthode possible consiste à apparier les observations tirées de l’enquête afin que les profils des assurés et des non assurés deviennent comparables. Cela permet de mesurer dans un deuxième temps l’effet de l’assurance en comparant la fréquence du rebond dans les deux populations considérées.
24Formellement, on peut définir d une variable indicatrice, telle que d = 1 si le dirigeant est assuré et d = 0 sinon. On suppose que YT représente la fréquence de rebond des dirigeants assurés et YC représente la fréquence de rebond des dirigeants sans assurance. Dans ce cas, l’effet net de l’assurance sur la probabilité de rebond peut être notée αT tel que :
26L’impact de l’assurance sur la probabilité de rebond des entrepreneurs pourrait être aisément mesuré par la différence ∆ = Y T – Y C si les deux états étaient disponibles pour chaque entrepreneur. Or ce n’est pas le cas car les valeurs Y T et Y C ne sont observables respectivement que pour les populations des assurés et des non assurés. Nous ne disposons donc pas a priori de la quantité E(Y C | X, d = 1). Ces populations sont par ailleurs dissemblables sur un certain nombre de points, la prise d’assurance pouvant être associée à des profils d’entrepreneurs plus « à risque » que les autres, et sont donc non comparables directement.
27Une solution classique à ce problème d’endogénéité consiste à utiliser la méthode d’appariement par les scores (propensity score matching ou PSM), afin d’apparier les assurés et les non assurés en fonction de la probabilité qu’ils ont a priori de souscrire une assurance chômage. Notons que l’appariement n’a alors aucune raison de se limiter aux effets temporels notés plus haut. L’objectif est alors d’associer chaque dirigeant assuré avec le dirigeant non assuré « qui lui ressemble le plus ». Nous utilisons pour ce faire la distance de Mahalanobis et le nearest neighbour matching (NNM) qui permet de sélectionner pour chaque unité étudiée l’observation ayant le score le plus proche dans le groupe de contrôle.
28Les différentes étapes du protocole d’appariement sont reprises dans le tableau 1 ci-dessous :
Le protocole d’appariement
Description | ||
---|---|---|
Étape 1 | Estimer la demande assurance à l’aide d’un modèle logit | |
Étape 2 | Restreindre l’échantillon des dirigeants assurés en éliminant les observations qui ont des probabilités plus petites que le minimum du score ou plus grandes que le maximum du score réalisé par les dirigeants non assurés. | |
Étape 3 | Déterminer des observations contrefactuelles pour les dirigeants assurés. | |
a) | Choisir une observation dans les sous-échantillons des dirigeants assurés, en la supprimant de l’échantillon. | |
b) | Choisir l’observation la plus proche dans le sous-échantillon de dirigeants non assurés. Placer l’observation générée dans le groupe de contrôle. | |
c) | Répéter a) et b) jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’observation dans le sous-échantillon des dirigeants assurés. | |
d) | A partir du groupe de contrôle générés en c), déterminer l’espérance conditionnelle des deux états : assuré et non assuré. | |
Étape 4 | Déterminer l’estimation l’effet net de la souscription sur le rebond par création en utilisant un échantillon réalisé en d). |
Le protocole d’appariement
2.3 – Les variables
29La variable dépendante Création est une variable binaire codée 1 si l’entrepreneur a recréé une entreprise entre la date du sinistre et celle d’administration du questionnaire. Elle est donc codée 0 si l’entrepreneur déclare avoir repris un emploi salarié, être parti à la retraite, ou être encore au chômage depuis la date de la cessation d’activité.
30Les différentes variables explicatives utilisées pour nos estimations ainsi que les statistiques descriptives sont présentées dans le tableau 2 ci-dessous :
Les variables explicatives
Les variables explicatives
31Comme précisé dans le tableau, un certain nombre de variables relatives au contexte et aux conséquences de la cessation d’activité renvoie aux évaluations subjectives des entrepreneurs quant à leur situation personnelle.
3 – Résultats empiriques
3.1 – Analyse par les régressions
32Le tableau 3 reprend l’ensemble des estimations effectuées. Les régressions 1, 3, 5, 7, et 9 ont été réalisées sur l’ensemble de l’échantillon, tandis que les régressions 2, 4, 6, 8 et 10 restreignent l’analyse aux seuls entrepreneurs encore actifs en 2015. En effet, on peut penser que les entrepreneurs qui ont atteint l’âge de départ à la retraite sont globalement moins incités à recréer une entreprise. Il convient donc de contrôler aussi ce biais éventuel. Les estimations réalisées incorporent une estimation robuste de la variance qui nous permet de nous prémunir contre une éventuelle erreur de spécification des résidus (Huber, 1967). La statistique de Hosmer et Lemeshow calculée sur une partition de l’échantillon en 10 groupes n’est jamais significative. Il ne semble donc pas y avoir de problème d’adéquation entre nos différents modèles et les données utilisées. Enfin, nos estimations expliquent entre 5,2 % et 21,7 % de la variance totale (McFadden). Toutes les situations sont globalement significatives au seuil de 1 %. Les deux dernières colonnes du tableau présentent les effets marginaux des modèles 9 et 10.
33Les modèles 1 et 2 incorporent l’assurance et les différents effets temporels. La contrainte financière est ajoutée dans les modèles 3 et 4, tandis que les modèles 5 et 6 intègrent en plus les compétences du dirigeant. Les modèles 7 et 8 sont complétés par l’employabilité du dirigeant, son désir d’entreprendre, ainsi que par deux autres variables de contrôle : le nombre d’enfants à charge et l’activité du conjoint. En effet, la contrainte financière a d’autant plus de chance d’être aiguë que les ressources du ménage sont limitées et que les besoins familiaux sont importants. On note toutefois que l’effet attendu quant à ces deux dimensions est ambigu par nature. Le travail salarié du conjoint peut ainsi donner une assise aux entrepreneurs qui leur permet de rebondir plus facilement, ou les désinciter de s’investir dans l’aventure si les ressources du ménage sont suffisantes. De même, la présence d’enfants à charge peut amener l’entrepreneur à créer une entreprise afin de subvenir aux besoins du ménage. Mais si ce dernier dispose de ressources suffisantes, la présence de nombreux enfants peut aussi l’inciter à favoriser ses obligations familiales au détriment de son projet professionnel. Enfin, les estimations 9 et 10 n’incorporent que les variables statistiquement significatives et constituent les modèles finaux sur la base desquels sont calculés les effets marginaux.
34Nos différentes estimations sont présentées dans le tableau 3. D’une façon générale, on remarque que les dirigeants plus âgés sont moins portés à recréer une affaire, même lorsque l’on prend en compte le biais induit par le départ en retraite de certains d’entre eux. La création d’une entreprise nécessite souvent des investissements financiers et personnels importants, et ce résultat est cohérent avec l’hypothèse de cycle de vie en matière d’investissement professionnel (Ben Porath, 1967). Les modèles 1 et 2 suggèrent par ailleurs que les effets temporels liés à la taille de la fenêtre d’observation pour chaque entrepreneur n’ont pas d’impact significatif sur la probabilité d’observer un rebond. Le rebond entrepreneurial, s’il doit intervenir, semble se matérialiser rapidement, et la variable effet temporel est donc retirée dans les estimations suivantes. Enfin, si le nombre d’enfants à charge ne semble pas non plus avoir un impact marqué sur le rebond de l’entrepreneur, le fait que le conjoint de l’entrepreneur ait une activité professionnelle semble de son côté réduire l’incitation de ce dernier à créer à nouveau une entreprise. Ce point semble notamment à mettre en perspective avec la part importante d’entrepreneurs par nécessité qui caractérise l’Hexagone (Fayolle, 2017, p. 37).
Les résultats empiriques (modèles probit / effets marginaux)
Les résultats empiriques (modèles probit / effets marginaux)
Écart-type robuste entre crochets, *** p < 0.01, ** p < 0.05, * p < 0.1.35Concernant nos différentes hypothèses, on remarque tout d’abord que la prise d’assurance semble favoriser le rebond par création d’entreprise dans tous les modèles estimés. L’hypothèse H2 semble donc validée. Plus précisément on trouve ici que la présence d’une police d’assurance accroît la probabilité de rebondir avec une création d’entreprise. Cette augmentation est comprise entre 21,4 % (si on considère l’échantillon total) et 28 % (si on exclut les retraités de l’analyse) dans les modèles 9 et 10.
36De même, la présence de fonds et de compétences suffisants pour créer une nouvelle entreprise impacte positivement le rebond des entrepreneurs dans des proportions comprises respectivement entre 5,2 % et 7,6 % pour le premier, et entre 3,1 % et 9,6 % pour le second pour chaque point sur l’échelle de Likhert associée à ces variables. Les hypothèses H1 et H4 semblent donc confirmées.
37Les deux dernières hypothèses, H3 et H5, sont elles aussi validées par nos différentes estimations. Plus précisément, on trouve sans surprise que les dirigeants sinistrés rebondissent moins souvent par création d’entreprise (et donc plus souvent par une activité salariée) lorsqu’ils s’estiment eux-mêmes hautement employables (hypothèse H5). À ce titre, une bonne employabilité semble réduire la probabilité de rebond par création d’entreprise dans une proportion comprise entre 5,5 % et 5,7 % par point sur l’échelle de Likhert. Enfin, la satisfaction liée au métier de dirigeant semble de même conditionner l’avenir professionnel des entrepreneurs considérés (hypothèse H3). Le désir de redevenir entrepreneur augmente la probabilité de rebond par création entreprise dans une proportion comprise entre 7,1 % et 8,5 % par point sur l’échelle de Likhert correspondante.
3.2 – Analyse par appariement statistique
38L’appariement statistique entre dirigeants assurés et non assurés est réalisé à l’aide des commandes pscore.ado, attnd.ado et teffects sous Stata. La détermination de la probabilité ex-ante d’être assuré est présentée et discutée en Annexe 1, ainsi que les tests de moyenne avant et après appariement.
3.2.1 – Étude de la probabilité de rebond liée à l’assurance
39Les différences au niveau de la probabilité de rebond entre entrepreneurs assurés et non assurés après appariement sont reportées dans le tableau 4 ci-dessous, en distinguant entre ATE (average treatment effect) et ATET (average treatment effect on treated). On remarque que la probabilité de rebond par création d’une nouvelle entreprise semble positivement associée à la prise d’une assurance chômage par les entrepreneurs. En effet, l’assurance augmente de façon statistiquement significative le pourcentage d’entrepreneurs qui rebondissent par création d’entreprise suite à un sinistre. Cette proportion est comprise ici entre 31,7 % et 48,2 %, suivant que l’on considère ou non les entrepreneurs qui sont partis entre-temps à la retraite. Ces chiffres sont cohérents avec les résultats trouvés plus haut, et viennent confirmer la validité de l’hypothèse H2.
Analyse par appariement statistique : rebond par création d’entreprise
Probabilité de recréer une nouvelle entreprise | (Base totale, N = 186) | (Base sans les retraités, N = 146) | ||
---|---|---|---|---|
ATE | ATET | ATE | ATET | |
βAssurés vs Non Assurés | 0,317** | 0,320** | 0.438*** | 0,482*** |
σ (βAssurés vs Non Assurés) | 0,138 | 0.132 | 0.092 | 0,080 |
Intervalle de confiance (95 %) | [0.046 ; 0.587] | [0.060 ; 0.580] | [0.257 ; 0.619] | [0.325 ; 0.639] |
Analyse par appariement statistique : rebond par création d’entreprise
*** p < 0.01, ** p < 0.05, * p < 0.13.2.2 – Étude du rôle de l’assurance sur les comportements des assurés et les coûts de faillite supportés
40Par quels canaux l’assurance chômage favorise-t-elle le rebond des entrepreneurs ? Le tableau 5 ci-dessous détaille les différences contextuelles et comportementales entre les entrepreneurs assurés et ceux qui ne sont pas assurés après appariement statistique.
Analyse par appariement statistique : contexte de la cessation d’activité, coûts de faillite et soutiens pour rebondir
Analyse par appariement statistique : contexte de la cessation d’activité, coûts de faillite et soutiens pour rebondir
σ (βAssurés vs Non Assurés) entre parenthèses*** p < 0.01, ** p < 0.05, * p < 0.1
41On remarque tout d’abord que les assurés semblent en moyenne plus engagés dans l’entreprise qui a été liquidée. Cela se traduit par un recours plus fréquent aux cautions bancaires et autres garanties personnelles afin de financer l’activité de la firme. Cela génère un problème d’agence particulier avec l’assureur, car les assurés se révèlent finalement moins réactifs face aux difficultés et connaissent plus souvent des cessations de paiement. Comme suggéré par Ejrnaes et Hochguertel (2013), l’assurance chômage semble donc pousser dans une certaine mesure les entrepreneurs à prendre des risques face aux difficultés.
42Les assurés semblent ensuite plus exposés aux conséquences de l’échec entrepreneurial. L’attrition patrimoniale ne semble pas plus importante pour les entrepreneurs assurés, et il n’existe toutefois pas de différence notable au niveau des sphères familiales, amicales et professionnelles entre les deux populations d’entrepreneurs pour ce qui est du soutien au rebond. Mais les assurés ont plus de difficultés que les autres pour réunir les fonds nécessaires au démarrage d’une nouvelle activité. La remise en cause de l’environnement de couple semble aussi particulièrement marquée pour les assurés, qui peuvent moins souvent que la moyenne compter sur leur conjoint pour rebondir professionnellement.
43Il est intéressant de constater que l’échec entrepreneurial, s’il a potentiellement des conséquences plus importantes chez les assurés, n’implique pas forcément un processus de déconstruction personnelle plus marqué. La liquidation de la société n’est pas vue comme plus éprouvante chez les assurés même si la peur de l’échec est bien plus présente dans cette population. L’assurance chômage semble donc avoir aussi un effet indirect en limitant les coûts psychologiques découlant de l’échec du projet, ce qui conduit les entrepreneurs assurés à être au final plus résilients d’un point de vue entrepreneurial. Une moindre employabilité favorise par ailleurs aussi le rebond par création au sein de cette population.
Discussion et conclusion
44La disparition de leur société peut avoir des conséquences dévastatrices pour les entrepreneurs concernés. Dans cet article, nous montrons, en triangulant différentes méthodes d’estimation, que la prise d’une assurance chômage permet aux dirigeants de rebondir plus facilement par création d’une nouvelle entreprise en cas de sinistre. Plus précisément, nous montrons que les entrepreneurs qui ont souscrit à une assurance privée rebondissent plus fréquemment par création d’entreprise dans une proportion comprise entre 21,4 % et 48,2 %. L’assurance chômage semble donc être a priori un mécanisme de protection intéressant pour les entrepreneurs confrontés à une liquidation judiciaire.
45Il est toutefois difficile en l’état d’en tirer des conclusions quant à l’efficacité du nouveau dispositif d’indemnisation des indépendants prévu par la loi du 5 septembre 2018. En effet, le système assuranciel issu de l’article 51 de la loi n° 2018-771 diffère sensiblement des garanties privées étudiées ici. Notamment, le domaine d’application de l’assurance chômage prévu par la nouvelle loi est limité aux travailleurs indépendants qui satisfont à des conditions de ressources, de durée antérieure d’activité et de revenus antérieurs d’activité. Le montant de l’allocation est forfaitaire et est indépendant des revenus d’activité antérieurs. En effet, suivant les décrets n° 2019-796 du 26 juillet 2019 et n° 2019-976 du 20 septembre 2019, l’allocation est fixée à environ 800 euros pendant six mois [7] si le dirigeant peut justifier d’un revenu d’activité d’au moins 10.000 euros par an sur les deux dernières années. L’entreprise doit avoir fait l’objet d’un jugement de liquidation judiciaire, ou bien de redressement judiciaire lorsque l’adoption du plan de redressement est subordonnée par le tribunal au remplacement du dirigeant (art. 5424-25). Enfin, l’assurance revêt ici un caractère obligatoire, le système devant être financé exclusivement par l’impôt (art. 5424-28).
46Au regard de ces différents éléments, le nouveau système d’assurance chômage apparaît plus comme un complément que comme un substitut aux polices d’assurance privées existantes. Tout d’abord, la nouvelle loi pose des conditions à l’entrée qui excluent certains entrepreneurs du dispositif d’assurance (conditions de ressources, de durée et revenus antérieurs d’activité). Ces derniers s’ils veulent être assurés ne peuvent donc se tourner que vers des prestataires privés. Par ailleurs, la faiblesse de l’indemnité forfaitaire envisagée et de la durée d’indemnisation confèrent au nouveau dispositif une protection a minima pour les entrepreneurs concernés. L’indemnisation n’étant plus assise sur les revenus professionnels passés des dirigeants, ceux d’entre eux qui bénéficient de revenus élevés avant la liquidation judiciaire se trouvent peu protégés par le nouveau système d’assurance obligatoire, en ce qu’ils seront amenés à réduire drastiquement leur niveau de vie en l’absence d’autres garanties privées si le risque se matérialise. On peut enfin s’interroger sur la condition d’un revenu d’activité minimum pour pouvoir bénéficier du nouveau système d’assurance chômage. En effet, les entreprises qui connaissent une liquidation judiciaire dans bien des cas réalisent des exercices déficitaires sur les années passées, ce qui exclut automatiquement leurs dirigeants du nouveau système d’assurance chômage. Un niveau correct de protection contre les risques associés à l’échec entrepreneurial ne pourra donc être atteint dans bien des cas que grâce au recours parallèle à une police d’assurance privée. Toutefois, un intérêt majeur de la nouvelle loi réside en ce qu’elle pose le principe d’une assurance obligatoire pour les entrepreneurs. Or nous savons que le bénéfice d’une telle assurance est souvent mal anticipé par les entrepreneurs avant leur souscription effective, compte tenu à la fois de l’optimisme qui les caractérise et des problèmes informationnels présents sur ce marché (Pommet et Sattin, 2018). La réforme de l’assurance chômage, qui prend corps dans notre pays afin de fournir aux entrepreneurs une protection contre la perte de leur emploi, semble à ce titre particulièrement pertinente.
47Cet article doit être considéré comme un travail d’étape, dont les perspectives méritent d’être étendues. Nous nous sommes notamment concentrés ici sur une police d’assurance spécifique qui est proposée aux entrepreneurs français. Les recherches futures gagneront à étudier aussi l’impact des différentes polices existantes (taux, durée) afin d’affiner notre connaissance du rendement de ce type d’assurance, ainsi que l’impact des différents environnements institutionnels à l’œuvre sur le devenir des entrepreneurs (Peng et al., 2010). D’un point de vue méthodologique, nous avons choisi d’interroger ici les représentations subjectives des entrepreneurs quant aux caractéristiques de l’échec qu’ils ont rencontré ; il serait donc aussi intéressant de trianguler nos résultats en utilisant aussi des variables reposant sur des critères objectifs. Par ailleurs, nous avons focalisé notre étude sur la présence ou non d’un rebond entrepreneurial, en laissant dans l’ombre les autres déterminants des carrières des entrepreneurs (durée de rebond, type de rebond, etc.), ainsi que sur l’importance des stratégies mises en place par ces derniers pour prévenir les sinistres (auto-assurance, etc.). On remarque finalement que la question de la résilience des entrepreneurs confrontés à l’échec entrepreneurial soulève des problématiques importantes, tout en restant complexe à traiter si l’on considère la multiplicité des facteurs en cause et les difficultés d’accès au réel. Ce champ de recherche est néanmoins actuellement en rapide expansion et il est probable que de futurs travaux nous permettront très prochainement d’enrichir nos connaissances sur cette thématique.
L’étude des déterminants de la prise d’une assurance chômage
48Le grand avantage de l’appariement multidimensionnel est qu’il ne nécessite pas de spécifier de forme fonctionnelle afin d’estimer les différences existantes entre les deux populations d’entrepreneurs. Mais cela a un coût. Il est notamment nécessaire de bien évaluer les déterminants de la demande d’assurance car la sélection se fait ici uniquement sur les dimensions observées.
49Afin de pouvoir apparier nos observations, nous avons procédé à une estimation de la probabilité qu’ont les différents individus d’être assuré ou non en fonction de leurs caractéristiques propres. L’analyse a été réalisée à partir d’un modèle logit avec estimation robuste de la variance (Huber, 1967). Il existe très peu d’éléments sur les déterminants de la demande d’assurance chômage par les dirigeants d’entreprises. Cette partie de l’étude doit donc être considérée dans la perspective d’une recherche exploratoire sur cette thématique.
50D’un point de vue pratique, on suppose que cette demande d’assurance provient des caractéristiques physiologiques du dirigeant (sexe, état de santé, âge), de son profil psychologique (optimisme, besoin d’accomplissement, aversion au risque, fatalisme), de son entourage familial (statut marital, nombre d’enfants à charge), de son patrimoine et de ses autres revenus (dirigeant propriétaire, présence d’indemnisation dans le cadre du mandat et hors mandat social, présence d’une cessation de paiement). Un contrôle temporel est par ailleurs incorporé aux estimations afin de tenir compte des différences structurelles entre les deux échantillons à ce niveau.
51Les différentes estimations sont présentées dans le tableau 6 ci-dessous. Les modèles 1 et 2 incorporent toutes les variables explicatives et les modèles 3 et 4 prennent quant à eux uniquement en compte les variables significatives et/ou psychologiques, à l’exception toutefois de la variable Présence d’une cessation de paiement dans les modèles 2 et 4. Tous nos modèles sont significatifs au seuil de 1 %, et ne semblent pas souffrir de problème d’incomplétude ou de multicolinéarité.
L’estimation de la probabilité de s’assurer
(1) | (2) | (3) | (4) | |
---|---|---|---|---|
Variables | assurance | assurance | assurance | assurance |
Âge du dirigeant | 0.789*** | 0.939*** | 0.845*** | 0.926*** |
[0.249] | [0.282] | [0.215] | [0.228] | |
Âge du dirigeant2 | -0.008*** | -0.009*** | -0.008*** | -0.009*** |
[0.003] | [0.003] | [0.002] | [0.002] | |
Effet temporel | 0.326*** | 0.275*** | 0.322*** | 0.284*** |
[0.087] | [0.081] | [0.085] | [0.083] | |
Évite de prendre des risques | 0.235 | 0.172 | ||
[0.164] | [0.152] | |||
Actions déterminent le destin | 0.467*** | 0.529*** | 0.453** | 0.507*** |
[0.176] | [0.175] | [0.174] | [0.172] | |
Besoin de se réaliser professionnellement | -0.392** | -0.299* | -0.300** | -0.263* |
[0.187] | [0.175] | [0.172] | [0.159] | |
Optimisme (LOT-R indice) | 0.058 | 0.044 | ||
[0.044] | [0.041] | |||
Dirigeant en couple | -1.179 | -0.616 | ||
[0.932] | [0.923] | |||
Conjoint du dirigeant actif | 0.504 | 0.268 | ||
[0.642] | [0.645] | |||
Indemnisation chômage du dirigeant | -1.636** | -1.687** | -1.372* | -1.262* |
[0.738] | [0.790] | [0.737] | [0.734] | |
Statut TNS | -0.739 | -0.993 | ||
[0.680] | [0.661] | |||
Dirigeant propriétaire | 0.573 | 0.183 | ||
[0.559] | [0.516] | |||
Dirigeant homme | 0.340 | 0.426 | ||
[0.813] | [0.822] | |||
Dirigeant en bonne santé | 0.107 | 0.036 | ||
[0.189] | [0.184] | |||
Présence d’une cessation de paiement | 1.703*** | 1.199*** | ||
[0.577] | [0.513] | |||
Constante | -23.641*** | -26.371*** | -22.128*** | -24.247*** |
[6.342] | [6.865] | [4.933] | [5.118] | |
Pseudo R2 | 0.4426 | 0.4759 | 0.4369 | 0.4138 |
Observations | 186 | 186 | 186 | 186 |
L’estimation de la probabilité de s’assurer
Écart-type robuste entre crochets, *** p < 0.01, ** p < 0.05, * p < 0.152La probabilité de s’assurer dépend principalement ici des facteurs psychologiques et physiologiques. L’âge du dirigeant, son besoin d’accomplissement professionnel, et un faible fatalisme expliquent la prise d’assurance, conjointement avec l’absence d’autres indemnisations.
53Conformément aux résultats de Pommet et Sattin (2018), on remarque que l’effet de l’âge sur la probabilité de s’assurer suit une courbe en U inversé. Elle croit jusqu’à un âge seuil puis décroît ensuite. L’aversion au risque, l’optimisme, l’environnement familial, l’état de santé, le sexe, le niveau de patrimoine, le statut de salarié ont un effet moins marqué dans nos différentes estimations, et ne semblent pas déterminer la prise de l’assurance au sein de notre échantillon.
54La variable cessation de paiement est incluse et significative dans les modèles 1 et 3. Cette dernière variable peut toutefois être interprétée de deux façons différentes, et souffre à ce titre d’un problème latent d’endogénéité. En effet, les assurés sont des dirigeants qui sont plus à risque que les autres (effet direct). Mais dans le même temps, les assurés peuvent connaître plus souvent que la moyenne une cessation de paiement du fait de l’assurance (effet de retour). Par prudence, nous n’incluons donc pas cette dernière dimension dans nos estimations afin de réaliser l’appariement de nos différentes observations, et nous nous basons pour les étapes suivantes sur les résultats du modèle 4 ci-dessous.
55La zone de support commun est comprise entre 0.1724 et 0.9987. Cette zone étant définie, il n’existe pas de risque de confusion structurelle (Rausenbaum et Rubin, 1983). Il ne semble pas exister non plus de différence statistiquement significative au niveau des moyennes des variables explicatives considérées après appariement (tableau 7).
Moyennes des variables explicatives avant et après appariement
Moyennes des variables explicatives avant et après appariement
*** p < 0.01, ** p < 0.05, * p < 0.1Références
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Mots-clés éditeurs : PME, liquidation judiciaire, rebond entrepreneurial, assurance chômage
Date de mise en ligne : 11/01/2021
https://doi.org/10.3917/entre1.192.0043Notes
-
[1]
La GSC, qui est le leader historique du secteur, compte seulement 30 000 affiliés en 2020 (LesEchos.fr, 01/04/2020), soit une très faible proportion des dirigeants des entreprises actuellement en activité.
-
[2]
Pour Bruno et al. (1992), l’échec entrepreneurial correspond aussi à une cessation de l’activité qui peut être due aussi bien à des problèmes légaux qu’à une mésentente des différents partenaires. Nous ne retiendrons pas ici cette définition.
-
[3]
Sur le site Internet 60 000 Rebonds, une entrepreneure dont le projet a échoué s’exprime ainsi : « Après mon syndrome des 3 D, Dépression, Divorce, et Dépôt de bilan en juin 2015, j’ai souhaité intégrer l’association 60 000 Rebonds. Grâce à ma coach et mon parrain, j’ai pu au bout d’un an vivre le rebond. Car même si j’ai trouvé un emploi de salariée, cela reste un chemin vers la reconstruction. » Pour un autre entrepreneur, « le plus important, c’est de vaincre la solitude et de retrouver des pairs avec qui échanger ». Il apparaît alors que les facteurs psychologiques sont déterminants pour comprendre le processus du rebond entrepreneurial. Comme l’explique un entrepreneur en rebond, « j’avais besoin d’une attention particulière et de retrouver une estime de soi perdue lorsque j’ai fait faillite. Rebondir, c’est plus dur que de créer une entreprise. Il faut une énergie folle pour reprendre confiance en soi ! 60 000 Rebonds, c’est beaucoup de compétences et d’expériences pour y parvenir. »
-
[4]
D’un point de vue pratique, on peut s’attendre à ce que l’assurance chômage agisse comme un catalyseur du rebond entrepreneurial, avec un effet au moins à 3 niveaux : 1) l’assurance contient les pertes en patrimoine suite à la cessation d’activité ; 2) l’assurance prévient la déconstruction personnelle suite à la cessation d’activité en évitant l’exclusion sociale ; 3) l’assurance peut permettre l’amélioration des compétences grâce au suivi du projet professionnel.
-
[5]
Selon Yamakawa et al. (2015, p. 215), la confiance en soi est « […] defined in terms of the degree to which individuals believe they are capable of performing the roles and tasks associated with pursuing an entrepreneurial career, which includes founding, managing, and growing new ventures ».
-
[6]
Des offres alternatives d’assurance chômage privée pour les dirigeants sont proposées notamment par l’APPI, April, Axa, Cameic et Solly Azar.
-
[7]
26 € 30 par jour durant 182 jours en France métropolitaine.