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Article de revue

L’entrepreneuriat dans les activités créatives et culturelles : problématiques structurantes d’un champ d’étude encore émergent

Pages 7 à 28

Notes

  • [1]
    Se reporter en annexe pour une présentation des principales études publiées.
  • [2]
    Dans un rapport remis au ministre de la Culture et de la Communication en novembre 2004, Jean-Paul Guillot rappelait qu’en 2003, la valeur ajoutée dégagée par le secteur du spectacle vivant et enregistré (qui était alors de 11 milliards d’euros), équivalait à celle de la construction aéronautique, navale et ferroviaire. Rapport « Pour une politique de l’emploi dans le spectacle vivant, le cinéma et l’audiovisuel ». Citons également l’étude de Thibault Brodaty pour le Ministère de la Culture et de la Communication : « Etude sur l’estimation rétrospective de l’impact économique d’un ensemble d’évènements culturels uniques ou d’équipements culturels récent », février 2014.
  • [3]
    Si la notion d’industries créatives est largement adoptée en Grande Bretagne et dans les pays du Commonwealth, certains pays européens tels que la Finlande, l’Espagne, l’Allemagne préfèrent le terme « industries culturelles », ainsi que le Japon ou la Corée du Sud.
  • [4]
    Dans cette édition spéciale du Rapport sur l’Economie créative, il est écrit que : « la créativité et la culture sont des processus ou attributs intimement liés à l’invention et à la production de nouvelles idées ou de nouvelles manières d’interpréter le monde (…). Le cadre analytique de ce rapport propose de considérer la « créativité » et la « culture » à la fois comme des moteurs et comme des facilitateurs du développement ».
  • [5]
    En Angleterre, certains auteurs et institutions ont depuis quelques années déplacé leur objet d’étude vers la question des compétences entrepreneuriales ; par exemple des travaux se sont intéressés à la manière de promouvoir les compétences entrepreneuriales dans l’univers culturel et créatif au sein des cursus de formation (universités, écoles) à partir du milieu des années 2000 (Rae, 2004 ; Henry, Hill, Leicht ; 2005 ; DCMS, 2006 ; NESTA, 2009).
  • [6]
    Dans la littérature anglo-saxonne et dans le champ stratégique, le terme d«’industry » est utilisé pour désigner des secteurs d’activité. Dans son livre, Caves emploie les guillemets pour parler des « creative industries » et pour son introduction, il a titré « Economic Properties of Creative Activities ».
  • [7]
    Dans les cultural studies, les subcultures sont des cultures propres à des groupes d’individus et singulières par rapport à celle des autres groupes ; elles désignent au départ les « cultures des marges » (mods, punks, skinheads, etc.). Le terme de subculture est privilégié à sa traduction française (sous-culture), qui en utilisant un préfixe péjoratif en dénature le sens (Glévarec, Macé, Maigret, 2008).
  • [8]
    La liste du DCMS recouvre les industries créatives suivantes : patrimoine, architecture, arts plastiques, artisanat d’art, spectacle vivant, édition (livre, presse), musique, logiciels de loisir, produits cinématographiques, TV et radio, publicité, design, Mode, génie logiciel.
  • [9]
    Au cœur du premier cercle, le noyau des « core creative arts », se trouvent la littérature, la musique, les arts de la scène et les arts visuels. Un second cercle est représenté par les autres industries culturelles de base (cinéma, musées, bibliothèques). Le troisième cercle comprend les services du patrimoine, l’édition, l’enregistrement du son, la télévision, la radio, la vidéo et les jeux sur ordinateur. Enfin, le dernier cercle, celui où la valeur artistique est la plus faible mais la valeur commerciale la plus élevée, inclut la publicité, l’architecture, le design et la mode.
  • [10]
    Citons le rapport Europe Creative (2014-2020), http://ec.europa.eu/culture/creative-europe/index_fr.htm, mais aussi le rapport réalisé par Ernst & Young (2015).
  • [11]
    Le « tournant culturel » désigne la posture intellectuelle qui émerge des travaux des cultural studies, à savoir le statut accordé à la « culture », sinon au « symbolique » (David Chaney, 1994, cité par Glévarec et al. 2008). En prenant la culture au sérieux et en étendant la notion de culture, au-delà du réductionnisme élitiste, les cultural studies se sont intéressées, avec une posture critique, aux cultures des marges, au départ aux cultures populaires et jeunes (musicales notamment) puis à d’autres domaines de recherche : médias studies, fan studies, game studies, visual studies ; études post-coloniales, black studies, ethnic and race studies ou encore études de genre, gay, lesbian, queer, transgenre, porn studies (Glévarec, Macé, Maigret, 2008).
  • [12]
    Avec le romanisme, l’art s’est détaché progressivement du principe d’imitation au profit de la pure création. « L’artiste a l’ambition d’inventer un autre monde rival et substitut insurpassable du monde réel et il accède lui-même au statut de créateur » (Chiapello, 1998, p. 31)
  • [13]
    Avec la signature des œuvres ; ou avec l’obtention d’un statut fiscal permettant à l’artiste de le séparer des autres artistes et avec l’entrée dans les académies.
  • [14]
    L’emploi du terme industrie n’est ici pas anodin
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1 – Pourquoi un numéro spécial sur l’entrepreneuriat dans les activités culturelles et créatives ?

1Depuis une vingtaine d’années, les acteurs politiques et socio-économiques – aux niveaux régional, national et européen – portent une attention nouvelle à la culture comme en témoignent de nombreuses études et publications [1]. Ces travaux soulignent, d’une part, sa contribution directe à la dynamique économique mesurée en termes de croissance économique (emplois, valeur ajoutée), d’autre part, sa contribution indirecte à travers un effet d’entrainement sur la créativité, l’innovation et l’économie de la connaissance. En France, dans un rapport de 2013, intitulé « L’apport de la culture à l’économie de la France », l’IGF (Inspection générale des Finances) et l’IGAC (Inspection générale des Affaires culturelles) rappellent que les entreprises culturelles emploient environ 670 000 personnes (que leur profession soit culturelle ou non), soit 2,5 % de l’emploi en France. D’après le DEPS (département des Etudes, de la Prospective et des Statistiques, 2015) du ministère de la Culture et de la Communication, les métiers artistiques ont augmenté de 94 % en vingt ans, pour atteindre 334 000 personnes en 2008 (alors qu’en même temps la population active n’augmentait que de 17 %). La seconde édition de l’étude d’Ernst & Young (2015) confirme la place prépondérante et le dynamisme des industries culturelles et créatives (ICC) au sein de l’économie française en 2013 : elles ont généré plus de 83 milliards d’euros de revenus, employé 1,3 million de personnes et ont affiché une croissance de 1,2 %, supérieure aux taux de croissance du PIB et de l’emploi en France sur la même période. Suite à ce double mouvement d’économicisation de la culture et de culturalisation de l’économie, l’univers culturel – élargi à la sphère créative – est présenté par les acteurs politiques comme un secteur économique à part entière (commode aux agrégations économiques et aux statistiques) [2]. Les différents travaux menés en Europe et des études récentes ont donc choisi de se fonder sur le processus de production pour favoriser l’extension du domaine de l’art à d’autres activités intégrant une composante créative importante (les « industries créatives ») puis à l’ensemble de l’économie où la créativité et l’innovation sont des facteurs déterminants de la création de valeur (« l’économie créative ») (Busson et Evrard, 2013) [3]. Il est important de noter que les frontières de cette économie tendent à être floues et varient d’un pays à l’autre, voire d’un gouvernement à l’autre (UNESCO/PNUD, 2013). Néanmoins, en général, cette économie culturelle et créative désigne l’ensemble des activités ayant recours à la propriété intellectuelle et orientées vers l’exploitation marchande de la création artistique (Howkins, 2001).

2Le développement de l’expression « entrepreneuriat culturel et créatif » durant les quinze dernières années s’inscrit dans ce nouvel intérêt pour le rôle de la culture et de la créativité dans le développement économique (Throsby, 2001 ; Rae, 2004 ; DCMS, 2006 ; Henry, 2008 ; NESTA, 2009 ; Hagoort and Koymann, 2009 ; HKU, 2010 ; Henry and De Bruyn, 2011 ; Markusen, 2013). Les Nations Unies défendent l’émergence d’un nouveau paradigme dans lequel l’entrepreneuriat, la créativité et l’innovation sont les principaux moteurs de l’économie mondiale (rapport sur l’économie créative de Nations Unis/PNUD, 2008 et 2010 ; rapport de l’UNESCO/PNUD, 2013) [4]. L’intérêt porté à l’activité créative comme ferment de nouvelles dynamiques entrepreneuriales s’est affirmé, à la fois pour mieux comprendre les effets de la créativité sur l’entrepreneuriat et l’innovation, mais aussi pour favoriser les conditions sociales, culturelles, géographiques de son développement (mise en réseau, développement des interactions, ‘spillover’…) (Scott, 2006 a et b ; Chapain et Comunian, 2010 ; European Commission, 2011, 2014). Ainsi en quelques années, l’économie créative et culturelle serait devenue et perçue comme le secteur catalyseur, ayant des effets d’entrainement sur la compétitivité et le développement économique d’une région / d’un pays, sur la régénération urbaine, sur la diversification des activités sans oublier la notoriété et le prestige d’un territoire (Myerscough, 1988 ; Lewis, 1990 ; Frith, 1991 ; Wilson, Stokes, 2005).

3Cependant, comme pour les industries créatives et l’économie créative, le périmètre et les contours de l’entrepreneuriat culturel et créatif ne sont pas sans poser de problème. Le champ défini est en effet très hétérogène que ce soit en termes de filières d’activité, de prestations / de produits culturels, de pratiques, d’objectifs poursuivis ou encore de statuts. Cette délimitation est alors quelque peu inopérante pour se saisir de l’activité entrepreneuriale effective. Derrière ces possibles périmètres et les définitions retenues se cachent des réalités et des pratiques entrepreneuriales bien différentes, dont il convient de prendre la mesure. Associer l’économie culturelle à l’économie créative tend aussi à entretenir une certaine confusion, d’autant que la créativité n’est pas une prérogative de l’artiste et qu’elle soulève d’autres problématiques dans le champ socio-économique, avec le développement de l’innovation et le management de la créativité dans les organisations. On peut penser au recours à des techniques et des démarches pour favoriser la créativité – comme la méthode TRIZ, la théorie C-K, le design thinking –, à la constitution de communautés créatives, à la mise en place d’espaces créatifs (de type art lab, design lab, fab lab, living lab…) (Fabbri et Charue-Duboc, 2013 ; Capdevila, 2015), avec notamment des questions relatives au management de ressources intangibles comme l’imagination ou l’esthétisme.

4Sur le plan académique, la parution en 2000 de l’ouvrage de Richard Caves sur les industries créatives a constitué une étape importante, à partir de laquelle les chercheurs en sciences humaines et sociales se sont intéressés aux problématiques des industries créatives ouvrant la voie à des recherches sur l’entrepreneuriat créatif et sur l’entrepreneuriat culturel (Swedberg, 2006) dans une perspective plus théorique. À ce titre, les ouvrages de Henry (2007) et Henry et De Bruyn (2011) constituent des travaux de références. Ils proposent des réflexions intéressantes sur de nombreuses questions en lien avec la nature de l’entrepreneuriat créatif, les défis pour les créateurs de réconcilier objectifs artistiques et commerciaux, les processus de création, d’innovation et de commercialisation, mais également les politiques publiques et les dispositifs de formation susceptibles de soutenir et d’encourager l’entrepreneuriat créatif [5]. Citons également les parutions des revues International Journal of Cultural Policy, de la revue Journal of Arts Management, Law et Society, de la revue International Journal of Arts Management (IJAM). Dans ces recherches qui se situent à des niveaux d’analyse différents (micro, méso, macro) et dans des champs disciplinaires multiples (économie, sociologie, sciences politiques, aménagement, économie géographique…), les problématiques entrepreneuriales sont certes présentes mais elles ne sont pas toujours explicitement abordées avec les approches théoriques du champ de l’entrepreneuriat. Les choses évoluent néanmoins avec le développement récent de publications mais également de numéros spéciaux sur le thème. On peut noter notamment, le numéro spécial « Cultural Entrepreneurship and the New Arts Management » de la revue (IJAM) (2018), ainsi que la création récente de la revue Artivate : A Journal of Entrepreneurship in the Arts, et la parution de l’ouvrage Entrepreneurship in Culture and Creative Industries, sous la direction de Innoerhofer, Pechlaner et Borin (2018). Autre signe de l’émergence du champ, une recherche des articles et revues ayant les mots clés « art entrepreneur/ship », « cultural entrepreneur/ship » ou « creative entrepreneur/ship » dans leur titre, résumé ou mots clés, sur la base de données Scopus, donne 190 entrées entre 1982 et 2017 (dont 48 hors champs de l’entrepreneuriat dans les ICC), soit 142 entrées au total. 71 % (101) concernent la période postérieure à 2011. Si entre 1 et 3 entrées par an sont comptabilisées entre 1982 et 2005 dans la base de données, elles montent à 4 à 6 entrées par an entre 2006 et 2010 et à 10 à 17 entrées par an entre 2011 et 2016 ; et ce sont 23 entrées qui sont enregistrées pour la seule année 2017.

5Au regard de ces constats, notre ambition, à travers ce numéro spécial, est de situer l’entrepreneuriat culturel et créatif vis-à-vis du champ de l’entrepreneuriat, sur les plans conceptuel, théorique et méthodologique. Au regard de ces trois angles d‘attaque, nos objectifs sont les suivants : identifier les principales problématiques, les clarifier afin de faire progresser la connaissance sur un domaine encore trop peu exploré en entrepreneuriat. Nous avons aussi fait le choix d’une approche multidisciplinaire, plus à même d’appréhender la complexité du phénomène à l’étude. Cette multidisciplinarité est représentée dans la composition de l’équipe éditoriale qui regroupe à la fois des chercheurs en sciences de gestion et en économie géographique. Avec la présence de Caroline Chapain, comme rédactrice invitée, l’ouverture aux recherches anglophones s’est aussi trouvée renforcée, à la fois pour enrichir les débats et pour irriguer le propos à l’échelle européenne.

6Avant de présenter les articles qui constituent le cœur de ce numéro spécial, nous avons dressé une synthèse des problématiques jugées structurantes à double titre : d’une part, elles aident à pointer des premiers constats quant aux concepts mobilisés, à la pertinence du périmètre et à la portée des travaux actuels, d’autre part elles permettent de dégager des voies de recherche prometteuses pour les prochaines années.

2 – Des problématiques structurantes… aux voies de recherche dans le champ de l’entrepreneuriat

7Dans une perspective critique, il nous a semblé souhaitable de questionner le bien-fondé des attentes et des espoirs portés par et sur l’entrepreneuriat culturel et créatif. Dans ce qui suit, notre argumentation repose principalement sur les questions de définition et de caractérisation ; elle s’articule autour de deux constats, sur lesquels nous nous appuyons pour proposer des voies de recherche futures.

8Premier constat : la critique du recours à l’expression « Industries Créatives et Culturelles » (ICC), directe traduction de la terminologie anglophone, nous semble salutaire pour se dégager d’une approche trop statique et englobante. En effet, l’utilisation de ce terme en français (fondée sur une traduction hâtive) est lourde de sens voire de contresens [6]. En effet, en quoi le théâtre, les arts plastiques, ou l’artisanat d’art présentent-ils un caractère d’industrie ? Aussi, parler des activités créatives et culturelles est jugé préférable pour éviter l’emploi d’une expression trop décalée par rapport à la réalité à laquelle elle renvoie. En outre, l’expression ICC – trop générique – ne convient pas à l’étude du phénomène entrepreneurial. Face à un déficit de contextualisation, l’analyse du phénomène toujours singulier suppose de privilégier l’étude des processus d’individuation dans un contexte unique pour s’intéresser à la fois aux raisons d’entreprendre et aux processus de construction de modalités organisationnelles selon une « rationalité élargie » pour reprendre la formule de Marchesnay (2008).

9Second constat : si nous voulons aboutir à des travaux originaux en particulier pour la recherche en entrepreneuriat, il nous semble préférable dans l’étude de l’entrepreneuriat culturel et créatif de ne pas chercher à transposer les pratiques du monde des affaires aux activités culturelles et créatives, et de privilégier au contraire une entrée par les pratiques concrètes qui y ont cours et par les subcultures qui s’y déploient [7]. Ces analyses fines permettraient de mettre à jour de nouvelles formes d’entrepreneuriat et des modalités de création et de partage de la valeur, comme nous y invite le numéro de la Revue de l’Entrepreneuriat (2017) coordonné par O. Germain et A. Jacquemin, numéro consacré aux approches critiques en entrepreneuriat.

10À l’issue de ces constats, nous avançons que l’entrepreneuriat culturel et créatif ne peut être envisagé comme un objet d’étude unique. Aux côtés d’une approche statique (propices aux travaux statistiques et/ou descriptifs) induite par la notion d’industries créatives et culturelles, le champ de l’entrepreneuriat créatif et culturel gagnerait à privilégier une démarche processuelle, avec le courant de l’émergence organisationnelle (Gartner, 1985, 1995) – notamment avec l’approche par le projet et l’entrepreneuring (Desreumaux et Bréchet, 2009 ; Steyaert, 2007 ; Hjorth et Steyaert, 2007 ; Hjorth, 2017 ; Steyaert, 2017) –, mais aussi en réinterrogeant la question de la valeur et des modalités d’évaluation d’un projet entrepreneurial dans l’univers des activités créatives et culturelles (Heinich, 2017). Au regard de ces perspectives, les recherches menées pourront alors mieux se saisir des différentes natures et types de travail entrepreneurial, avec l’introduction d’objets d’étude précis, mieux circonscrits quant aux univers d’activité étudiés. De tels objets d’étude seront plus propices à la progression de la connaissance au regard de la diversité des profils des porteurs de projet (individuel, collectif…), des activités (production, intermédiaires, diffusion…), des filières (théâtre, danse, musique, patrimoine…), des univers (hip hop, punk rock, métal… pour la musique par exemple), des pratiques (amateurs, professionnelles), des ressources à mobiliser (économique, sociale, culturelle) et des potentiels de valeur(s).

11Les deux sections suivantes développent cette argumentation en reprenant chaque point.

2.1 – Des industries créatives et culturelles… aux activités créatives et culturelles

12Aborder l’entrepreneuriat créatif et culturel pose d’emblée la question de ses contours. La réponse ne s’impose pas avec évidence.

2.1.1 – Périmètres et contours des ICC

13À ce jour, est privilégié le périmètre des industries créatives et culturelles retenu au cours de la dernière décennie, à partir de la liste des industries créatives proposée par le Department For Culture Media and Sport (DCMS) [8] du gouvernement britannique ou encore de la liste des activités culturelles proposées par EUROSTAT. Alors que la première est très extensive, la seconde propose une liste plus restreinte des activités culturelles en excluant le design, la mode et le génie logiciel. Selon EUROSTAT (Deroin, 2011), les activités culturelles recouvrent le patrimoine, l’architecture, les archives, les bibliothèques, les arts plastiques, l’artisanat d’art, le spectacle vivant, l’édition (livre, presse), la musique, les produits cinématographiques, la télévision et la radio mais également le logiciel de loisir et la publicité.

14Toutefois ces périmètres ne doivent pas nous laisser ignorer les débats actuels (Busson et Evrard, 2013), mais aussi passés relatifs aux tentatives de définition et la difficulté de disposer de critères simples pour définir les champs d’application de la culture. Ces discussions soulignent combien toute tentative de délimitation est délicate, et que par ailleurs, ces délimitations peuvent être mouvantes (Benghozi et Sagot-Duvauroux, 1994 ; Nyahoho, 2001), comme le montrent le débat récent sur l’entrée de la gastronomie dans les industries créatives et culturelles, mais aussi l’apparition d’Internet qui vient brouiller les cartes et les frontières des filières et des métiers. Rappelons également qu’autrefois, la notion d’industries culturelles était caractérisée par des méthodes de production de masse (comme dans la musique enregistrée, l’audiovisuel, le cinéma…), ce qui est aujourd’hui en partie remise en cause, avec les nouvelles pratiques de production et de diffusion rendues possibles avec Internet. Ainsi, la production et la diffusion créatives peuvent se représenter beaucoup plus dans un continuum de pratiques à la fois individuelles, de groupe et d’organisation avec différentes motivations en termes culturel et commercial (Chapain et Hargreaves, 2016). Parmi les autres définitions proposées récemment, nous avons constaté que le modèle des cercles concentriques de Throsby (2008) tend à s’imposer [9] dans les rapports officiels publics (émanant de l’Etat, de la Commission Européenne) ainsi que dans les notes ministérielles. Il fonde sa définition sur le degré de contenu culturel des biens et services relativement à leur valeur commerciale (plus on s’éloigne du centre et plus la valeur du contenu culturel diminue par rapport au contenu commercial). Cette modélisation invite toutefois le chercheur en entrepreneuriat à préciser dans quel cercle il situe son travail, mais également à interroger la question de la valeur et de la valorisation.

2.1.2 – En matière d’entrepreneuriat, quels enseignements peut-on dégager de ces choix de périmètre et des difficultés de délimitation ?

15Avec cette expression générique « d’industries créatives et culturelles » (mobilisée dans des travaux et rapports de la commission européenne [10]), on tend à ignorer la diversité des réalités entrepreneuriales en raison d’une part de l’emploi du terme « Industrie » et d’autre part de son association aux qualificatifs « Créatif » et « Culturel ». Ce périmètre apparaît ainsi problématique pour plusieurs raisons. Premièrement, l’utilisation de l’expression « Industries culturelles et créatives » présente le risque de ranger ou d’assimiler l’entrepreneur créatif et culturel à des figures entrepreneuriales dominantes : par exemple, celle du capitaine d’industrie ou celle d’un start-uper alors que les situations entrepreneuriales actuelles renvoient à des réalités toutes autres : celles de l’artiste, du free-lance, du travailleur indépendant, de très petites entreprises, d’acteurs associatifs et coopératifs.

16En second lieu, cette entrée globalisante masque les spécificités des pratiques et des styles entrepreneuriaux dans chaque activité artistique et culturelle mais également dans les différents contextes de production où se forgent des identités ou subcultures particulières (Straw, 2014 ; Guibert et Quemener, 2015). Ce faisant les travaux risquent de ne pas tenir suffisamment compte d’une part des conditions socio-économiques, d’autre part des dimensions culturelles dans l’analyse de l’entrepreneuriat culturel et créatif.

17Enfin, la définition retenue nourrit une confusion entre des formes différentes de création ; au-delà des nouvelles formes artistiques, le travail créateur peut aussi être associé à l’univers des découvertes scientifiques. Comme le souligne Menger (2002, p. 5), le savoir et l’innovation sont la condition majeure du développement des sociétés et le monde des arts et de la recherche scientifique et technique en font « leur alpha et omega ». Cette confusion entraîne comme conséquences une identification de toute forme de création à la figure valorisante de l’artiste, ou à celle « d’un chercheur en esthétique » (Busson et Evrard, 2013, p. 4).

18Dans cette perspective, nous considérons, notamment au regard de recherches antérieures menées sur l’activité artistique et sur les artistes (Chastel, 1966 ; Becker, 1974 ; 1988, Alpers, 1988 ; Bourdieu, 2001 ; Elias, 1991 ; Moulin, 1983 ; Paradeise, 1998), qu’il est nécessaire pour le champ de l’entrepreneuriat d’appréhender les questions de production de la culture en marquant bien une distinction entre les différentes activités culturelles et créatives. Cependant, au sein même d’une catégorie comme les activités culturelles résultant de la reproductibilité des contenus artistiques (dont l’édition ou la musique enregistrée sont des exemples), on peut observer des réalités productives et économiques diverses. Si une partie s’inscrit dans une certaine réalité industrielle (major du disque, grande maison d’édition), une autre, la distribution indépendante (labels indépendants) ou les medias alternatifs comme les fanzines par exemple, ne peut s’en prévaloir, se rapprochant davantage d’une activité artisanale. Au-delà, plutôt que de considérer exclusivement l’unité d’analyse que constitue l’activité, l’étude fine de la production de la culture gagnerait à s’appuyer sur le mouvement de fond que constitue le cultural turn dans les sciences humaines et sociales et à tenir compte des dimensions identitaires ou culturelles dans les analyses [11]. Si des études ont déjà montré dans quelle mesure des femmes ou encore des immigrés abordent l’entrepreneuriat de manière différente (voir par exemple les travaux de Richomme-Huet, Vial, 2017 et ceux de Levy-Tadjine, 2009), les dimensions identitaires ou culturelles ont encore été peu mobilisées en entrepreneuriat culturel. On peut citer l’ouvrage récemment publié de J.-P. Denis (2014) sur le hip hop management, celui de F. Hein (2012) « Do it yourself ! Autodétermination et culture punk », dans lequel ce dernier analyse (dans une perspective sociologique) l’émergence d’un entrepreneuriat punk ou encore le travail de Emin et Guibert (2017) sur la scène punk de Montaigu comme phénomène entrepreneurial collectif. Ces travaux ouvrent la voie à une analyse des subcultures en entrepreneuriat culturel.

19Ces précisions à la fois terminologiques mais aussi sur les contours d’activité et réalités identitaires sont la condition nécessaire pour bien prendre la mesure des spécificités entrepreneuriales des projets engagés. En effet, au sein de ces différents univers, les dynamiques entrepreneuriales initiées par des acteurs (individus, collectif d’individus ou d’acteurs privés / publics) se déploient dans des contextes aux caractéristiques socio-économiques, spatio-temporelles et culturelles bien distinctes. Loin de gommer ou de délaisser ces différences, les recherches en entrepreneuriat doivent au contraire s’attacher à présenter la situation, les valeurs et représentations, l’insertion spatiale et temporelle, pour saisir les aspects d’encastrement et d’incrustation du projet entrepreneurial. Pour mieux comprendre la réalité et la diversité des formes et modalités d’entrepreneuriat dans les activités créatives et culturelles, nous proposons de privilégier une analyse contextuelle des processus entrepreneuriaux – qu’ils soient initiés par des individus – entrepreneurs ou intrapreneurs, mais aussi par des collectifs d’acteurs.

2.2 – Des figures de l’entrepreneur culturel et créatif… au projet entrepreneurial dans le champ des activités culturelles et créatives

20Une autre entrée possible est de chercher à caractériser les figures de l’entrepreneur culturel et créatif, d’autant que les représentations dominantes ont contribué à souligner la centralité de l’individu, à accentuer la valorisation du sujet (l’artiste), parfois au détriment du travail créateur. Au niveau conceptuel et théorique cette orientation centrée sur l’individu semble toutefois peu pertinente.

2.2.1 – Des difficultés de se saisir de la figure de l’entrepreneur culturel et créatif : un détour historique

21Les recherches historiques (Braudel, 1989 ; Bourdieu, 1979 ; Menger 1983, 1993, 1995) soulignent que la figure de l’artiste évolue (Chiapello, 1998) ce qui la rend difficile à saisir. Tout d’abord à la Renaissance en se détachant du monde des métiers (par la reconnaissance de la part de l’activité intellectuelle de son activité qui le valorise et le distingue de l’artisan) ; puis au XIXe siècle, en rapport avec les conceptions philosophiques de l’art [12] mais aussi avec l’apparition de nouveaux procédés techniques (tels que la peinture à l’huile au XIVème siècle, la photo, le cinéma au XIXème et plus récemment la vidéo ou internet). La figure du génie, « d’un être d’exception, naturellement doté de qualités supérieures », d’un « talent inné » (Chiapello, 1998, p. 32) tend à s’effacer au profit d’une palette plus diversifiée de figures qui sont au centre de relations, de contrats et d’échanges à organiser et à gérer, ce qui conduit Greffe à proposer la notion d’artiste-entreprise (2012), depuis la situation d’autoentrepreneur (artiste plasticien, musicien…) à celle de multinationale (major de la musique ou de l’audiovisuel par exemple).

22Rappelons que cette figure de l’artiste entrepreneur est bien antérieure à l’engouement récent porté à l’univers créatif et culturel. Rappelons aussi que chaque époque voit apparaître des pratiques entrepreneuriales différentes et de nouvelles formes organisationnelles en raison de bouleversements politiques, économiques mais aussi législatifs et fiscaux [13]. Avant la renaissance, l’art et la technique sont des registres étroitement associés, l’artiste est avant tout entreprise (Greffe, 2012) ; il s’agit d’ateliers qui produisent et vendent eux-mêmes le produit de leurs activités (autour d’une organisation du travail fondée sur la division des tâches entre les maîtres et les apprentis, « l’artiste est technicien avant même d’être artiste, il lui faut tout savoir faire d’un bout à l’autre de la chaîne » (Greffe, 2012, p. 15) depuis la conception jusqu’à la commercialisation. Avec la Renaissance, jalon historique majeur, on repère un premier glissement avec l’affirmation progressive de deux catégories distinctes que sont l’artiste et l’artisan ; en effet certains ateliers devenus de véritables « holdings » (tels l’atelier du Titien, celui de Tintoret à Venise ou de Rubens à Anvers) préfèrent consacrer moins de temps à l’apprentissage et recruter des artisans déjà formés. L’artiste se consacre de plus en plus à la conception (plutôt qu’à la réalisation), tout en agissant à la fois comme entrepreneur et organisateur, dans un contexte de libéralisation de l’activité d’entreprendre. Au XXe siècle, cette évolution est accentuée avec le mouvement de conceptualisation des activités artistiques, et l’importance accordée à l’idée et au concept (Cf. les parcours d’artistes comme M. Duchamp, J. Koons ou D. Hirst, ou S. Reich, P. Glass). Parallèlement, l’apparition d’un marché de l’art, perçu historiquement comme une libération permettant aux artistes d’acquérir une autonomie les libérant de l’emprise de leurs mécènes (Busson et Evrard, 2013), a suscité de nouvelles divisions du travail et l’apparition de fonctions économiques distinctes : depuis les espaces de production, jusqu’aux espaces de commercialisation avec des métiers associés à des compétences techniques (éclairage sonorisation), technologiques (logiciels audiovisuels), logistiques, juridiques (assurances, propriété intellectuelle…), commerciales (expositions, galeries, salons, salles de concert, théâtres, producteurs, tourneurs…).

23Ce rapide détour historique apporte un éclairage sur l’activité artistique, mais aussi sur la complexité de s’en saisir. On découvre que l’artiste conçoit, produit, commercialise avec les outils et pratiques de son temps ; au-delà du fait d’entreprendre, il tend aussi à être un organisateur de ressources et de compétences, Greffe parle de « coordinateur d’équipe qui a une responsabilité économique » (2012, p. 33).

2.2.2 – Des difficultés de se saisir de la figure de l’entrepreneur culturel et créatif : actualité des débats

24L’actuel regain d’intérêt pour l’entrepreneur culturel est le reflet de l’importance croissante accordée aux dimensions économiques accompagnant la création artistique, et dont témoigne en France la médiatisation du rapport « Sur le développement de l’entrepreneuriat dans le secteur culturel en France » (Rapport Hearn, 2014). Hélas, les attentes envers l’entrepreneuriat et l’entrepreneur culturel sont telles qu’elles induisent des propositions souvent réductrices, comme cette définition proposée dans ce rapport. L’entrepreneur culturel y est présenté comme « le fondateur d’une personne morale immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) qui commercialise un produit ou service culturel, dont il est ou non à l’initiative, en s’insérant dans des logiques entrepreneuriales (rentabilité, croissance, profit) ». L’entrepreneuriat dans le secteur culturel serait donc « d’abord statutaire, avant de se définir par domaine, par filière (musique, spectacle vivant, art contemporain notamment) ou par seule posture entrepreneuriale » (Rapport Hearn, 2014, p. 12).

25Cette définition est quelque peu paradoxale dans la mesure où, d’une part, l’entrepreneuriat culturel et créatif s’articule avec l’univers associatif (Emin et Guibert, 2009), d’autre part, l’entrepreneuriat culturel s’inscrit dans un « nouvel esprit du capitalisme » (Boltanski et Chiapello, 1999). Ainsi, en France, environ un tiers des établissements culturels sont des structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) et la culture est l’un des tout premiers secteurs de l’ESS (CNCRES, 2014). Si le secteur culturel compte des acteurs industriels, il repose également sur des travailleurs indépendants (free-lance, artistes, auto-entrepreneurs…) et sur des configurations organisationnelles réinventées, dans lesquelles les acteurs créatifs collaborent en mode projet (Menger, 2002). La plupart des travaux sur les activités culturelles et créatrices en économie géographique ont précisément démontré l’importance du territoire pour les travailleurs et les entreprises œuvrant dans ce domaine ; importance dans les processus créatifs mais aussi dans les dynamiques de production qui s’appuient sur des ressources et des réseaux à la fois locaux, nationaux et/ou internationaux (Chapain et Comunian, 2010). Ainsi, ils sont impliqués dans des réseaux d’échange très interconnectés, fondés sur toutes les formes de proximité, à l’échelle de métropoles urbaines, de quartiers spécifiques ou encore de clusters dédiés (Evans, 2009 ; Chesnel et al., 2013 ; Emin et Schieb-Bienfait, 2018). L’artiste ou l’acteur culturel est tout à la fois et tour à tour « travailleur au projet, créateur de son propre emploi, chef d’équipe quand il doit réunir autour de lui des collaborateurs aux talents divers, agent de son propre succès commercial ou médiatique, inventeur de structures nouvelles… » (Moura, 2011, p. 12).

26Aussi, la définition du rapport Hearn nous montre le chemin encore à parcourir ; il encourage à se tourner vers la communauté scientifique et une perspective critique pour éclairer ce champ d’étude. En effet, la croyance forte en « une relation causale et peu ambiguë » entre le développement de l’entrepreneuriat et la croissance économique, dénoncée par Germain et Jacquemin (2017), est ici comme ailleurs au cœur des fantasmes du champ culturel, des discours politiques (et dans une certaine mesure de l’action publique). Elle suscite un enthousiasme quelque peu suspect pour une supposée nouvelle figure de l’entrepreneur culturel et créatif. Devant ce constat, soyons vigilants à ne pas enfermer l’entrepreneuriat dans une vision économiciste et à considérer l’entrepreneur culturel et créatif comme un super-héros schumpétérien, le Deus Ex Machina de l’économie, acteur et vecteur de la dynamique économique du XXIe siècle.

27Scientifiquement, l’entrepreneur culturel et créatif demeure encore un objet flou ; non stabilisé pour les sciences humaines et sociales. Ainsi, parmi les travaux traitant d’entrepreneuriat culturel et créatif ou de l’entrepreneur culturel et créatif, beaucoup (Cf. par exemple McNicholas, 2004) parlent d’entrepreneuriat simplement pour évoquer le lien économie / culture, c’est-à-dire l’accroissement et la complexification des relations entre le monde des arts et le monde des affaires. Ils traitent de sujets en lien avec la gestion et notamment la recherche de financement (mécénat, partenariat) ou le marketing territorial. Parmi ceux s’attachant à une conception plus aboutie de l’entrepreneuriat, trois optiques se démarquent.

28La première, inscrite dans le raisonnement libéral évoqué plus haut, s’attache à la figure de « l’artiste-financier » au sens de Greffe (2012). Dans cette perspective, « les liens entre créativité artistique et rendement économique sont revendiqués » et l’entrepreneuriat s’apparente à la création d’une entreprise ou d’une organisation sur le modèle de ce qui se fait ailleurs et est mesuré en termes de croissance, de rentabilité ou encore de profit mais dans les industries [14] culturelles et créatives. Sans se confondre avec ceux-ci, les travaux de Dimaggio (1982) sur l’entrepreneur institutionnel qu’est le « capitaliste culturel » reposent sur une autre forme de naturalisation, celle associant culture et culture légitime. Ces capitalistes d’un genre particulier ont œuvré à la création et au développement d’organisations culturelles telles que les musées, les orchestres symphoniques ou les opéras, opérant par ce biais un double mouvement de construction de la culture légitime et de différenciation avec la culture dite populaire. Ce faisant, elles ont pendant longtemps rendu invisible la culture dite populaire, tout comme la prégnance de la logique libérale a mis dans l’ombre certaines pratiques entrepreneuriales.

29La deuxième figure fait référence aux « travailleurs au projet » (Heusch, Dujardin, Rajabaly, 2011, p. 17) dans le secteur artistique, « ni tout à fait des salariés ni réellement des travailleurs indépendants » qui gèrent « eux-mêmes les contrats de courte durée liés à leur activité professionnelle, par nature irrégulière et incertaine, en passant d’un projet à l’autre au gré des collaborations tout au long de leur carrière ». Acteurs de la « société entrepreneuriale » (Audretsch, 2007), certains artistes et travailleurs des industries créatives « sont contraints de se comporter comme des entrepreneurs » (Hausmann et Heinze, 2016, p. 11), sorte d’entrepreneurs « de nécessité » (Cowling et Bygrave, 2003 ; Teissier-Dargent, 2014). Cette vision rejoint la perspective ouverte par Menger dans son ouvrage Portrait de l’artiste en travailleur (2002) dans lequel le précariat domine et le créateur est une « figure exemplaire du nouveau travailleur ». L’entrepreneuriat renvoie ici aux « nouveaux modes de production et [aux] nouvelles relations d’emploi engendrés par les mutations récentes du capitalisme » (Menger, 2002, p. 8) et à la « cité au projet » décrite par Boltanski et Chiapello (1999) fondée sur l’initiative des acteurs et l’autonomie relative de leur travail, mais au prix de leur sécurité matérielle et psychologique. C’est ainsi, comme le rappellent Germain et Jacquemin (2017) en s’appuyant sur le travail de Loaker (2013), que le champ artistique se trouve repositionné dans le « capitalisme culturel flexible ».

30La troisième catégorie de travaux souligne les problématiques similaires auxquels acteurs culturels et entrepreneurs sont confrontés (Menger, 2009 ; Preece, 2011, 2013 ; Hjorth et Holt, 2015) : créativité, innovation ou encore prise de risque ; et s’inscrit dans la voie ouverte par Swedberg (2006). Selon cet auteur, l’entrepreneuriat culturel pourrait être défini comme la mise en œuvre de nouvelles combinaisons qui apportent quelque chose de nouveau et d’apprécié dans le champ culturel, et non pas forcément de profitable dans le champ économique. Dans cette veine, plusieurs travaux (sans forcément se référer à Swedberg) associent à la figure de l’entrepreneur artistique les actions permettant de se bâtir une carrière artistique et de créer une valeur artistique et culturelle reconnue. Il en est ainsi de l’artiste-entreprise évoquée précédemment qui ne se contente pas d’être un bon créatif mais doit également travailler en réseau, mobiliser d’autres compétences qu’artistiques, « veiller à ce que son œuvre soit bien distribuée et protéger ses droits de propriété intellectuelle, etc. » (Greffe, 2012, p. 6). Scott (2012) étudie un nouveau genre d’entrepreneur « sans capital » (Ellmeier, 2003, p. 11) qui bâtit une capacité à vivre de son activité artistique à partir d’une manière innovante de faire, due à l’absence de capital économique. Cette posture privilégie une entrée par les pratiques concrètes dans le secteur culturel plutôt que de se conformer aux pratiques du monde des affaires pour les transposer dans le secteur culturel. Elle ouvre la voie à l’étude de phénomènes entrepreneuriaux occultés jusqu’ici issus de l’associationnisme solidaire, de l’éducation populaire ou encore de l’éthique punk Do it Yourself (Emin et Guibert, 2017).

31Certains ouvrages comme ceux de Henry (2007) et Henry et De Bruin (2011) regroupent des contributions touchant à plusieurs perspectives dans l’optique d’informer les politiques publiques.

2.2.3 – Quels enseignements tirer de ces différents travaux et catégorisations ?

32Du côté de l’individu, le porteur du projet peut entreprendre sous des formes bien différentes, en tant qu’artiste, travailleur indépendant, créateur de très petite entreprise, partie prenante d’un projet associatif ou coopératif, créateur d’une entreprise à fort potentiel de développement (comme dans le cas des plates-formes de musique), mais aussi en tant que salarié – intrapreneur développeur de projets dans des entreprises déjà existantes (un théâtre, un centre national, une société de production et de distribution du cinéma ou de l’audiovisuel, une major de la musique…).

33En développant son projet, l’entrepreneur développe des aptitudes d’innovateur, d’organisateur en combinant des ressources humaines, matérielles, financières diverses et en engageant des capitaux (économiques, sociaux, culturels et symboliques). Ces éléments sont rarement réunis dans une seule personne, rappelant à juste titre que tout entrepreneur s’inscrit dans une aventure collective, qui mobilise un collectif d’acteurs pour l’accompagner dans son idée et la mise en œuvre de son projet organisationnel : cela peut être le galeriste, l’éditeur, mais aussi le financier, le consultant ou encore des pairs… Un auteur majeur comme William Gartner a bien compris l’importance d’inscrire l’entrepreneuriat dans une problématique élargie de l’action collective (Gartner, 1993). L’histoire économique mais aussi l’histoire de l’art ont été trop fortement enclins à personnaliser les histoires collectives et à attribuer à tel ou tel artiste, créateur un rôle déterminant dans un projet entrepreneurial, dans son organisation artistique et économique. Pourtant sur le plan historique, cette action collective est bien perceptible dans des exemples aussi divers que l’entreprise Brueghel, l’atelier de Rodin ou les concerts Pasdeloup.

34L’intérêt porté à l’entrepreneur dans les activités culturelles et créatives nous invite à chercher à dépasser les réductionnismes économiques (la figure de l’homo-oeconomicus) et sociologiques (la figure de l’homo sociologicus), mais aussi la figure encore persistante de l’artiste romantique (héritée du XIXe siècle) pour proposer une voie nouvelle afin d’aborder l’activité entrepreneuriale. Privilégier l’entrée par l’action ou encore l’entreprendre en train de se faire nous semble fructueuse, en nous rattachant à la perspective de l’entrepreneuring proposée par Steayert (2007). Notre compréhension du phénomène entrepreneurial doit passer par l’observation et la compréhension des pratiques individuelles et sociales des entrepreneurs culturels, dans une perspective pragmatique (Marchesnay, 2012) ; le pragmatisme (Dewey) constituant, selon Joas (2008), une voie féconde à une compréhension de l’agir humain axée sur la dimension créative. D’autres travaux récents (Dupuy, Livet, Reynaud, 1999 ; Hatchuel, 2005), consacrés à ouvrir de nouvelles perspectives pour une épistémologie de l’action, nous invitent à examiner les représentations et dispositifs de l’action repérés dans l’entrepreneuriat culturel et créatif. Le secteur créatif et culturel, lieu privilégié d’expérimentations et de dynamiques entrepreneuriales variées individuelles ou collectives (mutualisation, groupement d’employeurs, collectif d’artistes, etc.), offre des terrains particulièrement propices pour penser l’émergence de l’action collective (Bréchet, Schieb-Bienfait, Desreumaux, 2009) et repérer une « révision inventive » de modèles collectifs de l’action (Hatchuel, 2005) mais aussi pour questionner les objets, pratiques et dispositifs de gestion (modèles d’activité, modes de financement, pratiques de management de projet, do it yourself…).

35Si les esprits chagrins critiquent cette injonction à l’entrepreneuriat culturel, l’intérêt actuel porté à l’entrepreneur culturel nous semble prometteuse car elle traduit l’émergence de nouvelles dynamiques dans les jeunes générations et de fructueuses voies de dépassement des oppositions binaires et trop dichotomiques du monde socio-économique : Matériel / Idéel, Art / Economie, Artiste / Entrepreneur, Créer / Gérer, Individuel / Collectif, Amateur / Professionnel… En s’intéressant au travail entrepreneurial effectif, il s’agit d’ouvrir la boîte noire de l’activité de l’entrepreneur culturel, pour (re)découvrir les méthodes, les compétences et réseaux que l’entrepreneur construit, mobilise et coordonne pour développer son projet, inventer de nouvelles structures, organisations et collaborations. De nouveaux espaces de questions et de débat s’ouvrent à nous pour à la fois mieux comprendre et expliquer ces dynamiques entrepreneuriales de l’univers culturel comme autant de phénomènes socio-économiques, spatio-temporels et culturels complexes.

3 – Présentation des articles du numéro

36Les articles présentés dans ce numéro spécial reposent sur des recherches empiriques menées tant en France (Saint-Etienne) qu’en Europe (Belgique, Pays de Galles, Pays-Bas), en milieu rural et urbain ainsi que sur différentes catégories d’acteurs (artistes, créatifs). Les travaux ont été menés par des chercheurs spécialisés en entrepreneuriat et/ou management culturel. Ces textes contribuent à enrichir les trois thématiques principales que nous avions proposées lors de l’appel à contributions : (1) la caractérisation de l’entrepreneuriat et de l’entrepreneur créatifs et culturels, (2) les pratiques des entrepreneurs culturels et les dynamiques et processus entrepreneuriaux qu’ils impulsent, et (3) les rôles des dispositifs de gestion spécifiques au secteur en tenant compte plus particulièrement de leur environnement.

37Sur le premier sujet, Julie Pirard, Frédéric Dufays et Virginie Xhauflair soulignent le parallèle existant entre artiste et entrepreneur, l’incertitude – au cœur de l’action entrepreneuriale – représentant également une difficulté majeure (Menger, 2006) et récurrente du parcours artistique. Plus spécifiquement encore, cette incertitude serait renforcée par la tension identitaire vécue par les artistes sur le marché du travail, tiraillés entre une posture pragmatique de « survie » professionnelle et un « éthos » caractérisé par un désintéressement inhérent à la pratique artistique. C’est justement les motivations et les tensions qui traversent « l’artiste-entreprise » (Greffe, 2012) qui doit gérer la mise en synergie des deux dynamiques, artistiques et économiques, de production de ses œuvres qui est au cœur de l’article proposé par Sophie Bennett, Rachel Rahman, Nerys Fuller-Love et Steven McGuire. L’article d’Ellen Loots et Arjen van Witteloostuijn analyse quant à lui les déterminants de la croissance des entreprises dans les ICC en s’appuyant sur ces motivations mais également sur les spécificités de l’environnement des entrepreneurs créatifs.

38Ces deux derniers articles soulignent bien la complexité des dynamiques entrepreneuriales culturelles et créatives, qui reposent à la fois sur des déterminants individuels mais aussi sur l’environnement dans lesquels les entrepreneurs culturels opèrent. Avec une approche longitudinale, l’article de Julie Pirard, Frédéric Dufays et Virginie Xhauflair poursuit la réflexion engagée dans les deux premiers textes sur les dynamiques entrepreneuriales en abordant la question des pratiques. S’appuyant sur une étude de parcours de comédiens entrepreneurs, il met en exergue trois processus de construction et de gestion de la carrière artistique. En choisissant comme unité d’analyse le parcours artistique, ce travail rejoint la perspective ouverte par Lindgren et Packendorff (2003) invitant à mettre au centre de l’analyse l’individu entreprenant, c’est-à-dire celui qui accomplit une série d’actes entrepreneuriaux tout au long de sa vie. Ce choix se révèle fécond dans un secteur d’activité caractérisé par le mode projet. Mais plutôt que d’appréhender l’artiste en tant qu’individu isolé qui enchaîne les projets successifs de façon plus ou moins indépendante (Paradeise, 1998), Julie Pirard, Frédéric Dufays et Virginie Xhauflair montrent que les parcours d’individus sont en réalité souvent des parcours d’équipe. Ceci implique, comme ils le soulignent, qu’afin d’en comprendre la nature, le parcours d’un comédien doit être considéré en lien avec le ou les collectifs auxquels celui-ci appartient.

39Enfin, dans leur article, Gaëlle Déchamp et Isabelle Horvath interrogent le rôle de la pépinière thématique comme élément activateur de l’entrepreneuriat créatif. Leur recherche permet ainsi d’éclairer les rôles des espaces physiques de travail dans les dynamiques entrepreneuriales dont la pépinière est un exemple au côté des espaces de co-working, tiers-lieux ou autres FabLabs. Créée à l’initiative des pouvoirs publics la pépinière, comme le rappellent les auteurs, a pour but de soutenir l’entrepreneuriat créatif dans un contexte de redynamisation territoriale en regroupant dans un espace circonscrit de jeunes entrepreneurs travaillant dans le secteur des industries créatives. Leur recherche vient compléter les travaux d’Ellen Loots et Arjen van Witteloostuijn, et ceux de Sophie Bennett, Rachel Rahman, Nerys Fuller-Love et Steven McGuire qui traitent, même si ce n’est pas de façon centrale, de l’influence ou du soutien que les décideurs publics peuvent apporter aux dynamiques entrepreneuriales dans les activités créatives et culturelles.

40L’ensemble de ces contributions participe d’une meilleure compréhension de l’entrepreneuriat dans le secteur culturel et créatif et ouvre des perspectives de recherche privilégiant des travaux ancrés et contextualisés favorisant un dialogue interdisciplinaire, notamment entre l’entrepreneuriat, l’économie, la géographie, mais aussi les sciences politiques.

41L’article d’Ellen Loots et d’Arjen van Witteloostuijn sur les freins à la croissance dans les entreprises créatives et culturelles propose un modèle d’interprétation des moteurs de la croissance de ces entreprises. Alors que les industries culturelles et créatives (ICC) sont considérées par les décideurs politiques comme un moteur important de la croissance économique, la croissance de ces entreprises demeure encore une énigme. Le manque de croissance de ces entreprises est-il dû à la nature même du travail créatif ? Dans quelle mesure la nature des travailleurs créatifs intervient-elle dans les processus de croissance de leurs entreprises ? Pour aborder cette problématique, les auteurs fondent leurs recherches sur une revue de la littérature – dans la veine des travaux de Penrose (1959) – et de publications sur les entrepreneurs créatifs et culturels néerlandais (notamment, Hesmondhalgh, 2007 ; Hesmondhalgh & Baker, 2010). À partir de l’étude des pratiques d’entrepreneurs néerlandais, ils mettent en évidence des spécificités de ces acteurs créatifs et de leurs univers d’activité. Les auteurs insistent sur le fait que les entrepreneurs culturels et créatifs font preuve de motivations et de pratiques entrepreneuriales qui se distinguent dans une certaine mesure de celles des entrepreneurs non-culturels et non-créatifs (comme l’intérêt limité pour la croissance, la motivation pour la production et pour le développement de leur réputation). Ces pratiques sont interprétées en combinant deux niveaux d’analyse ; l’analyse de l’individu, en tenant compte de ses capitaux humain, financier, social et symbolique et de ses motivations, plus souvent intrinsèques, et l’analyse des opportunités que son environnement lui offre pour réaliser son projet entrepreneurial. En conjuguant l’analyse des caractéristiques des individus et l’analyse des caractéristiques méso-environnementales, les auteurs mettent en évidence la production d’écosystème avec des processus de sélection distinctifs. L’articulation de ces deux niveaux d’analyse ouvre de nouvelles voies pour expliquer le type de croissance de ces entreprises créatives et culturelles, en termes financiers, d’emploi et de réputation. Les propositions dégagées de cette recherche constituent une première étape vers le développement d’une théorie de la croissance des entreprises créatives et culturelle. Les auteurs nous invitent à tester ces propositions sur des entreprises implantées dans d’autres pays et territoires.

42L’article de Sophie Bennett, Rachel Rahman, Nerys Fuller-Love and Steven Mc Guire illustre ces dynamiques en se concentrant sur les entrepreneurs créatifs opérant en milieu rural. En effet, leur recherche explore les tensions motivationnelles et le processus créatif d’entrepreneurs créatifs du Pays de Galles. Dans cet article, le cadre de la motivation intrinsèque et extrinsèque (Amabile 1996 ; Amabile, Hill, Hennessey & Tighe, 1994) ainsi que la théorie de l’auto-détermination (Deci & Ryan, 2002) sont utilisés afin d’identifier les motivations paradoxales des entrepreneurs artisitiques opérant dans les zones rurales. À l’aide de données empiriques quantitatives et qualitatives, ils démontrent que ces entrepreneurs mettent en place différentes stratégies de développement pour équilibrer leurs objectifs à la fois artistiques et commerciaux. Quatre facteurs motivationels principaux sont identifiés pour les entrepreneurs artistiques : le résultat, la reconnaissance, l’épanouissement personnel et le mode de vie. Pour les harmoniser, trois stratégies d’équilibrage sont mises en évidence, elles produisent : une satisfaction élevée et un faible revenu, une satisfaction moyenne et un revenu plus élevé ou bien une faible satisfaction et un revenu moyen. Ces stratégies sont utilisées par les entrepreneurs artistiques afin d’obtenir de la production de l’art visuel à la fois une satisfaction personnelle et une compensation financière. Sur la base de ces constats, il apparaît important de s’interroger sur les strategies rurales actuellement déployées : comment et sur quoi investir afin d’équilibrer la tension motivationelle et contribuer à la dynamique des économies rurales ? En effet, ces stratégies – qui résultent en différents degrés de satisfaction en termes de motivation et de revenu – ont forcément des implications pour le développement rural. Les auteurs nous invitent à poursuivre cette recherche pour engager des études comparatives avec d’autres régions rurales au Royaume-Uni et en Europe afin d’identifier si les stratégies d’équilibrage sont identiques ou bien si elles varient. Cette recherche ouvre également des perspectives quant à la question de la contribution potentielle de ces entrepreneurs artistiques aux économies rurales. Il est intéressant de noter aussi que les résultats obtenus suggèrent que les stratégies d’équilibrage peuvent varier avec le cycle de vie, ajoutant une dimension temporelle, pas forcément présente dans les propositions de Loots et van Witteloostuijn.

43La dimension temporelle est, au contraire, au cœur de l’article de Julie Pirard, Frédéric Dufays et Virginie Xhauflair qui analyse les parcours de quatre comédiens en Belgique francophone en mobilisant la théorie des réseaux sociaux et notamment le concept de « cristallisation » de Larson et Starr (1993). Au-delà d’une vision purement instrumentale des réseaux (comme pourvoyeurs de ressources), le modèle de Larson et Starr (1993) explique la formation puis l’utilisation d’un réseau en contexte entrepreneurial en trois étapes (identification des relations, transformation en un réseau d’affaires, superposition des échanges). Privilégiant la méthode biographique, les auteurs s’appuient sur les moments clés du parcours théâtral des comédiens interrogés pour identifier leurs modes de production, de financement et de diffusion ainsi que les étapes de cristallisation vécues par chacun. Trois modulations de cristallisation ou processus de formation et d’utilisation de leurs réseaux socio-professionnels par les artistes sont identifiées : cristallisations et décristallisations successives, cristallisation d’un collectif ou d’une équipe, et cristallisation du réseau de partenaires, modulations utilisées tantôt successivement, tantôt en combinaison. L’enchaînement de ces modulations de cristallisation est facilité par le fait que chaque cristallisation débouche sur de nouvelles opportunités pour les comédiens à travers la création de nouveaux liens ou l’acquisition de nouvelles compétences, soulignant l’importante dimension collective de leurs parcours. Leurs résultats montrent également que ces modulations de cristallisation prennent forme autour d’une diversité d’éléments cristallisateurs, dépassant une vision exclusivement centrée sur un projet ou une personne. Ainsi, si dans certains cas l’élément cristallisateur est une personne ou un projet, tels que Condor et Chabaud (2012) et Bréchet et Schieb-Bienfait (2011) l’ont souligné dans leurs travaux respectifs, il se révèle être également ici une idée artistique, un thème, un mode de gouvernance ou encore une expérience professionnelle acquise. Leurs résultats contribuent ainsi à la littérature en entrepreneuriat en enrichissant le modèle réticulaire de formation d’organisation de Larson et Starr (1993) et en lui donnant un caractère plus systémique et moins linéaire. Ils participent enfin d’une meilleure compréhension des processus de gestion de l’incertitude inhérente aux carrières de comédien, et offrent une explication à la diversité des parcours d’insertion professionnelle des artistes. Pour conclure les auteurs nous invitent à dépasser la question du comment pour analyser les conséquences des trois modalités de cristallisation de réseau identifiées, notamment en termes de perception de l’incertitude par les comédiens.

44L’article de Gaëlle Déchamp et Isabelle Horvath a pour objet d’étude une pépinière thématique d’entreprises orientées vers la créativité à Saint-Etienne (France) – Le Mixeur –. Les auteurs mobilisent les travaux issus de deux cadres théoriques : la pépinière comme forme spécifique d’accompagnement entrepreneurial d’une part, et la théorie des proximités d’autre part. Dans ce cadre, ils étudient la relation entre une structure en tant qu’espace organisé de regroupement et d’accompagnement de jeunes entrepreneurs, et les pépins en tant qu’acteurs de ce dispositif, et analysent les formes de proximités activées par ces acteurs localisés et leurs effets sur la dynamisation de l’entrepreneuriat créatif. S’appuyant sur 21 entretiens avec des pépins créatifs et l’observation directe de la vie de la pépinière créative à laquelle ils appartiennent, les auteurs identifient les « ingrédients » de l’efficacité de cette forme d’accompagnement entrepreneurial dans le domaine créatif. Sont ainsi mis en exergue l’importance des caractéristiques de la pépinière, qu’il s’agisse des modes et critères de sélection qui regroupent des pépins partageant des valeurs communes, de l’inscription dans un quartier créatif qui favorise les sollicitations externes et ouvre des opportunités de développement, ou encore de l’existence d’une identité de marque qui procure un label et une image professionnelle aux pépins qui s’y inscrivent. Les autres ingrédients sont l’architecture du lieu permettant une proximité physique et relationnelle entre les pépins, la liberté des pépins à constituer des équipes modulables en fonction des projets et enfin l’apprentissage mutuel par le dialogue inter-compétences. In fine, le travail de Gaëlle Déchamp et Isabelle Horvath interroge le rôle des créateurs de ces dispositifs que sont les pépinières et fait émerger un modèle d’accompagnement différent du modèle classique formateur-prescripteur/entrepreneur. La pépinière a ici un rôle de facilitateur (via la logistique et l’animation du lieu), le rôle d’accompagnateur au sens du formateur étant partagé entre les pépins puisque les apprentissages sont co-construits par les pairs. Les apprentissages reposent sur la comparabilité et la complémentarité de connaissances et d’initiatives des pépins, sans conflit d’intérêt mais plutôt dans un esprit collaboratif. Et les équipes projets qui se construisent et se déconstruisent sont à chaque fois des sources potentielles de création de connaissance. Cette nouvelle approche managériale, caractérisée par l’articulation autonomie-collectif et la mise en œuvre d’un co-apprentissage, est qualifiée par les auteurs de « management intrapreneurial » (c’est-à-dire à la fois interne et équipreneurial). Qu’en est-il sur d’autres pépinières créatives ?

45Espérons que ce numéro sur l’entrepreneuriat dans les activités culturelles et créatives soit le prémisse d’une dynamique de recherche francophone sur le « modèle » du réseau « Creative Regions in Europe » porté par Caroline Chapain et deux autres collègues britanniques, dynamique qui s’est laissée entrevoir lors du 3è forum Entreprendre dans la culture à Paris et dont nous ne pouvons que nous réjouir.

46Pour terminer, nous tenons à remercier les auteurs, contributeurs et évaluateurs pour leur soutien et leur engagement dans la réalisation de ce numéro spécial.

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    • BRODATY T. (2014), « Étude sur l’estimation rétrospective de l’impact économique d’un ensemble d’évènements culturels uniques ou d’équipements culturels récent », Ministère de la Culture et de la Communication : février 2014.
    • DEPS, « Chiffres clés 2015. Statistiques de la culture et de la communication », Rapport Ministère de la Culture et de la Communication.
    • ERNST & YOUNG (2015) « Cultural times. The first global map of cultural and creative industries ».

Notes

  • [1]
    Se reporter en annexe pour une présentation des principales études publiées.
  • [2]
    Dans un rapport remis au ministre de la Culture et de la Communication en novembre 2004, Jean-Paul Guillot rappelait qu’en 2003, la valeur ajoutée dégagée par le secteur du spectacle vivant et enregistré (qui était alors de 11 milliards d’euros), équivalait à celle de la construction aéronautique, navale et ferroviaire. Rapport « Pour une politique de l’emploi dans le spectacle vivant, le cinéma et l’audiovisuel ». Citons également l’étude de Thibault Brodaty pour le Ministère de la Culture et de la Communication : « Etude sur l’estimation rétrospective de l’impact économique d’un ensemble d’évènements culturels uniques ou d’équipements culturels récent », février 2014.
  • [3]
    Si la notion d’industries créatives est largement adoptée en Grande Bretagne et dans les pays du Commonwealth, certains pays européens tels que la Finlande, l’Espagne, l’Allemagne préfèrent le terme « industries culturelles », ainsi que le Japon ou la Corée du Sud.
  • [4]
    Dans cette édition spéciale du Rapport sur l’Economie créative, il est écrit que : « la créativité et la culture sont des processus ou attributs intimement liés à l’invention et à la production de nouvelles idées ou de nouvelles manières d’interpréter le monde (…). Le cadre analytique de ce rapport propose de considérer la « créativité » et la « culture » à la fois comme des moteurs et comme des facilitateurs du développement ».
  • [5]
    En Angleterre, certains auteurs et institutions ont depuis quelques années déplacé leur objet d’étude vers la question des compétences entrepreneuriales ; par exemple des travaux se sont intéressés à la manière de promouvoir les compétences entrepreneuriales dans l’univers culturel et créatif au sein des cursus de formation (universités, écoles) à partir du milieu des années 2000 (Rae, 2004 ; Henry, Hill, Leicht ; 2005 ; DCMS, 2006 ; NESTA, 2009).
  • [6]
    Dans la littérature anglo-saxonne et dans le champ stratégique, le terme d«’industry » est utilisé pour désigner des secteurs d’activité. Dans son livre, Caves emploie les guillemets pour parler des « creative industries » et pour son introduction, il a titré « Economic Properties of Creative Activities ».
  • [7]
    Dans les cultural studies, les subcultures sont des cultures propres à des groupes d’individus et singulières par rapport à celle des autres groupes ; elles désignent au départ les « cultures des marges » (mods, punks, skinheads, etc.). Le terme de subculture est privilégié à sa traduction française (sous-culture), qui en utilisant un préfixe péjoratif en dénature le sens (Glévarec, Macé, Maigret, 2008).
  • [8]
    La liste du DCMS recouvre les industries créatives suivantes : patrimoine, architecture, arts plastiques, artisanat d’art, spectacle vivant, édition (livre, presse), musique, logiciels de loisir, produits cinématographiques, TV et radio, publicité, design, Mode, génie logiciel.
  • [9]
    Au cœur du premier cercle, le noyau des « core creative arts », se trouvent la littérature, la musique, les arts de la scène et les arts visuels. Un second cercle est représenté par les autres industries culturelles de base (cinéma, musées, bibliothèques). Le troisième cercle comprend les services du patrimoine, l’édition, l’enregistrement du son, la télévision, la radio, la vidéo et les jeux sur ordinateur. Enfin, le dernier cercle, celui où la valeur artistique est la plus faible mais la valeur commerciale la plus élevée, inclut la publicité, l’architecture, le design et la mode.
  • [10]
    Citons le rapport Europe Creative (2014-2020), http://ec.europa.eu/culture/creative-europe/index_fr.htm, mais aussi le rapport réalisé par Ernst & Young (2015).
  • [11]
    Le « tournant culturel » désigne la posture intellectuelle qui émerge des travaux des cultural studies, à savoir le statut accordé à la « culture », sinon au « symbolique » (David Chaney, 1994, cité par Glévarec et al. 2008). En prenant la culture au sérieux et en étendant la notion de culture, au-delà du réductionnisme élitiste, les cultural studies se sont intéressées, avec une posture critique, aux cultures des marges, au départ aux cultures populaires et jeunes (musicales notamment) puis à d’autres domaines de recherche : médias studies, fan studies, game studies, visual studies ; études post-coloniales, black studies, ethnic and race studies ou encore études de genre, gay, lesbian, queer, transgenre, porn studies (Glévarec, Macé, Maigret, 2008).
  • [12]
    Avec le romanisme, l’art s’est détaché progressivement du principe d’imitation au profit de la pure création. « L’artiste a l’ambition d’inventer un autre monde rival et substitut insurpassable du monde réel et il accède lui-même au statut de créateur » (Chiapello, 1998, p. 31)
  • [13]
    Avec la signature des œuvres ; ou avec l’obtention d’un statut fiscal permettant à l’artiste de le séparer des autres artistes et avec l’entrée dans les académies.
  • [14]
    L’emploi du terme industrie n’est ici pas anodin
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