DARD/DARD 2019/2 N° 2

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Article de revue

Épisode 2 - Éco-construction, « plan solaire » et économie circulaire

Pages 22 à 31

Notes

  • [1]
  • [2]
    Lire l’épisode 1 dans le précédent numéro.
  • [3]
    Le financement de cette société mixte est réalisé par l’opérateur privé SEM Énergies Hauts-de-France et la commune, mais aussi via un prêt bancaire et la souscription des citoyens et des acteurs locaux.
  • [4]
    Lire dans l’épisode 1 le témoignage de Marie-Amélie Szewczyk, institutrice à l’école primaire Émile-Basly.
  • [5]
    À lire, dans le prochain numéro de DARD/DARD, l’épisode 3 qui portera notamment sur l’alimentation.
Rappel du premier épisode : « Résilience et “démocratie impliquante” »
À l’aube des années 2000, sur les décombres d’un territoire meurtri par la fermeture de sa mine, le maire Jean-François Caron écrit un nouveau récit pour Loos-en-Gohelle, la transition écologique, en impliquant directement les habitants dans les projets de la ville, notamment les agriculteurs, incités à se convertir au bio.

Jean-François Caron, maire

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Jean-François Caron, maire

« Loos-en-Gohelle s’est positionnée comme une ville laboratoire où les entreprises peuvent venir expérimenter la construction et la rénovation écologiques. »

1Comme ses voisines du bassin minier lensois, Loos-en-Gohelle se réveille à la fin du xxe siècle avec une gueule de bois noire carbonée dont il ne va pas être simple de se relever. Depuis plus d’un siècle, l’activité économique et sociale tourne autour de la mine, et la vie des habitants, du soir au matin, de la naissance à la mort, est ordonnancée par les Charbonnages de France, qui contrôlent la main-d’œuvre au gré d’un paternalisme d’un autre temps. Les corons, ces petites maisons ouvrières construites à proximité des mines appartenant à cette société industrielle, apparaissent comme l’un des symboles visibles de ce lourd héritage. Calamiteux en termes de bilan énergétique, comme le résume Jean-François Caron : « Le charbon étant gratuit pour les mineurs, l’isolation des maisons n’était pas une préoccupation. Déjà très inconfortables, il est en plus devenu ruineux de les chauffer dès lors qu’il a fallu payer le combustible. » Ainsi, quand il engage le tournant de la transition écologique aux confins des années 1990-2000, l’éco-construction et la réhabilitation thermique de ces « passoires » s’imposent comme une évidence, que le diagnostic participatif social et environnemental lancé par la commune ne fait que confirmer.

Loos-en-Gohelle

  • #6 700 habitants, 18 % de chômage en 2014*
  • #Limitrophe de Lens mais entourée de terres cultivées
  • #Située dans la communauté de communes de Lens-Liévin, département du Pas-de-Calais, région Hauts-de-France
  • #Une histoire marquée par un siècle et demi d’exploitation charbonnière intensive
  • #Des terrils inscrits, au titre du bassin minier, au Patrimoine mondial de l’Unesco en 2012
  • #Démonstratrice de la conduite du changement vers une ville durable, selon l’Ademe

L’éco-construction, terrain d’expérimentation

2Dépourvue de fonds propres pour bâtir ou rénover, la Ville de Loos-en-Gohelle se tourne vers les bailleurs sociaux pour entreprendre ce plan de réhabilitation, en les encourageant à articuler performance énergétique, efficacité économique et primauté du social. Les premières résidences sociales qui sortent de terre sont ainsi estampillées Haute qualité environnementale (HQE), le label de l’époque. « Nous avons développé la culture de l’innovation et de l’expérimentation. Loos-en-Gohelle s’est positionnée comme une ville laboratoire : les bailleurs sociaux et les entreprises du bâtiment peuvent venir y expérimenter construction et rénovation écologiques, avec un retour d’expérience direct des usagers », poursuit Jean-François Caron.

3Pour favoriser cette expérimentation, l’édile, également vice-président chargé « du développement durable, de l’environnement et de l’aménagement du territoire » à la région Nord-Pas-de-Calais de 1998 à 2004, va se servir de cette assise pour constituer à Loos-en-Gohelle un écosystème d’acteurs de la filière du bâtiment tournés vers les objectifs de la transition écologique. Il crée en 2001 le Centre ressource du développement durable (CERDD) et le Centre de développement des éco-entreprises (CD2E) [1], installés sur la base 11/19 réhabilitée. Pôle régional, le CD2E devient très vite l’outil opérationnel de cette vaste ambition, comme l’explique son directeur adjoint, François-Xavier Callens : « Notre rôle est d’accompagner les entreprises, de travailler sur l’ensemble de la chaîne, de déployer l’ingénierie, l’expertise et le réseau nécessaires au développement en région des filières du bâtiment durable, de l’économie circulaire et des énergies renouvelables. »

4Rebaptisé « accélérateur de l’éco-transition », le CD2E applique la démarche déjà éprouvée de la politique de Jean-François Caron : démontrer par l’exemple à partir de réalisations témoins. C’est ainsi que sont conçus sur la commune trois « démonstrateurs », comme autant de lieux emblématiques de la révolution verte en cours : la plate-forme solaire LumiWatt, dispositif technique test dédié aux technologies photovoltaïques, un Théâtre de l’éco-construction et la Maison de l’ingénieur, nommée Réhafutur. Celle-ci n’est rien d’autre qu’un grand bâtiment dans lequel logeaient les ingénieurs des mines, réhabilité avec sept éco-matériaux et cinq isolants différents, et doté de 80 capteurs pour suivre ses performances thermiques dans le temps, lesquelles apparaissent vite comme exceptionnelles.

Jean-Luc Mathé, habitant, membre du comité citoyen du « plan solaire »

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Jean-Luc Mathé, habitant, membre du comité citoyen du « plan solaire »

« J’ai été sensible au fait que le “plan solaire” était un projet à la fois écologique et économique. »

5Ces trois démonstrateurs, véritables prototypes, sont au service des élèves, apprentis, étudiants, élus, agents territoriaux, opérateurs publics, bailleurs, entreprises du bâtiment et observateurs de tous horizons venus de la région et de la France entière, voire de l’autre côté de la frontière, pour monter en compétence en matière de transition énergétique. Un artisan cherche-t-il à se renseigner sur l’efficacité thermique de la paille, du chanvre, du colza ou du lin ? Une formation sur les ressources de la filière régionale et leur mise en œuvre est dispensée au Théâtre de l’éco-construction. Des PME ou TPE ont-elles besoin de compétences en termes d’éco-matériaux pour répondre à un marché public ? Le CD2E les invite à visiter la maison Réhafutur et les aide à former un groupement d’entreprises pour bâtir une réponse plus solide.

6Au-delà de ces démonstrateurs bien pratiques pour tester certains usages en temps réel, le visiteur bénéficie à Loos-en-Gohelle d’un écosystème aux multiples ramifications : des pépinières d’entreprises, des clusters, un centre de ressources et, depuis 2012, une école spécialisée dans l’éco-construction. Les Apprentis d’Auteuil ont en effet décidé d’y installer l’unité de formation par apprentissage (UFA) Sainte-Barbe, susceptible d’accueillir 350 élèves autour des nouveaux métiers de l’éco-construction : couvreur, plâtrier-plaquiste, étancheur-bardeur, zingueur, menuisier-installateur, constructeur ossature bois…

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7Mais revenons à nos corons aux courants d’air du vent mauvais. La première phase de réhabilitation donne des résultats probants, comme l’observe Jean-François Caron : « Dans certains logements sociaux, les habitants paient désormais moins de 150 euros de chauffage par an, ce qui est perçu comme une véritable révolution dans l’ancien pays minier ! Pas besoin de beaucoup plus d’arguments en faveur du développement durable quand vos voisins, qui se chauffent à l’électricité, paient dix fois plus cher. » La Ville de Loos-en-Gohelle et le CD2E font valoir ces résultats lorsque l’État lance en mars 2017 le programme « Engagement pour le renouveau du bassin minier » : d’accord pour accélérer le rythme de réhabilitation des logements sociaux, mais sur la base de l’éco-construction et de l’efficacité thermique. À leurs yeux, l’opportunité est belle pour changer d’échelle. En matière de réalisations témoins, cela signifie que le projet Réhafutur de rénovation très basse consommation peut passer de 1 à 6 maisons tests à Loos-en-Gohelle, mais aussi à Lens et Liévin. À tel point qu’après une vingtaine d’années d’expérimentations en la matière, Loos peut revendiquer une dizaine de modèles d’éco-constructions, depuis la maison low-tech de type « Chênelet », bâtie à partir d’essences forestières de la région tractées à cheval, jusqu’au bâtiment passif produisant plus d’énergie qu’il n’en consomme, en passant par la maison high-tech portée par la Fédération française du bâtiment, dotée de chaudières aux allures d’ordinateur. Il est démontré au passage que si l’investissement dans les éco-matériaux est plus élevé au départ, il est amorti dans la durée en raison de leur longévité et de leurs performances en termes d’isolation. Quant aux effets induits sur le développement de la filière régionale et des emplois locaux, ils sont manifestes.

François-Xavier Callens, directeur adjoint du CD2E

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François-Xavier Callens, directeur adjoint du CD2E

« Jean-François Caron est un véritable catalyseur. Les entreprises constatent qu’ici les paroles sont suivies par des actes et qu’elles peuvent expérimenter. »

8Pourtant, le chemin reste long pour une commune qui, rappelons-le, se trouve dans l’incapacité d’investir directement. Cette réhabilitation en éco-construction concerne 15 % seulement de son parc social, même si, sur le plan régional, le CD2E revendique 23 000 logements éco-rénovés en dix ans. « Jean-François Caron est un véritable catalyseur, observe François-Xavier Callens. Sa force est de permettre à chacun d’expérimenter. Les entrepreneurs ne s’arrêtent pas aux belles paroles : ils sont très pragmatiques, ils attendent de voir ; et ils constatent qu’ici les paroles sont suivies par des actes. Et la dynamique qu’il impulse autour de la transition écologique se ressent dans toute la région, jusqu’à la métropole lilloise. »

Un « plan solaire » lumineux et… citoyen

9En matière de transition énergétique, outre la réhabilitation des logements, l’une des actions les plus spectaculaires à Loos-en-Gohelle a sans nul doute été la mise en place de panneaux solaires sur le toit de l’église, avec la bénédiction de l’évêché. Mais aussi symbolique fût-il, Jean-François Caron n’avait nullement l’intention de s’arrêter à ce fait d’armes. En 2013, il a réfléchi avec ses équipes municipales à la façon de répondre au master plan Rev3 – « la troisième révolution industrielle en Hauts-de-France » –, né de la collaboration entre l’économiste Jeremy Rifkin et, d’autre part, la chambre de commerce et d’industrie et la région Hauts-de-France (alors Nord-Pas-de-Calais). Accompagnée dans sa démarche par le réseau Territoires à énergie positive (TEPos), la Ville s’est interrogée sur sa capacité à produire des énergies renouvelables. « Cela a été un grand moment de montée en compétence collective de la part des élus et des agents de la Ville, résume Julian Perdrigeat, directeur de cabinet à la mairie. À la question de savoir comment Loos pouvait gagner en autonomie en termes d’énergie, nous avons conclu qu’il fallait tendre vers la décroissance, car nous ne pourrions jamais produire autant d’énergie que nous en consommions ; qu’il fallait s’inscrire dans une solidarité territoriale en allant chercher ailleurs des gisements que nous n’avions pas, de type éolien, et concentrer notre action sur le solaire et le patrimoine de la ville. »

10Ainsi naît le « plan solaire », qui consiste à installer 2 600 mètres carrés de panneaux photovoltaïques, pour produire de l’électricité, la consommer et/ou la revendre, sur huit bâtiments communaux puis sur des toitures privées. Jean-François Caron voit dans ce plan une belle opportunité de mettre en application sa démarche de « démocratie impliquante [2] », car les Loossois seront ici en première ligne. Ainsi, en plus des ingénieries juridique et technique habituelles, la municipalité a recours à une ingénierie de mobilisation citoyenne, pour non seulement impliquer les habitants mais aussi faire converger les intérêts de la commune et les leurs, parfois opposés. Une assistance à maîtrise d’ouvrage qui ne s’est pas avérée inutile, à en croire Jean-Luc Mathé, l’un de ces citoyens impliqués, propulsé porte-parole des habitants : « Au début, nous étions une vingtaine à avoir créé le comité de citoyens. Mais on en a perdu en cours de route car cela apparaissait trop flou pour certains. Moi je suis resté parce que la démarche m’intéressait : même si je suis sensible à l’environnement, je ne voulais pas d’une taxe écologique supplémentaire et de l’augmentation de nos impôts locaux. J’ai apprécié le fait que ce soit un projet à la fois écologique et économique. Le maire voulait au départ que nous soyons des ambassadeurs ; or nous sommes plutôt devenus des acteurs, car j’ai aussi participé aux réunions de négociation pour le choix des prestataires et la création de la société, et je suis maintenant dans son conseil de gestion. »

Julian Perdrigeat, directeur de cabinet à la mairie

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Julian Perdrigeat, directeur de cabinet à la mairie

« À la question de savoir comment Loos-en-Gohelle pouvait gagner en autonomie en termes d’énergie, nous avons conclu qu’il fallait tendre vers la décroissance. »

11La SAS « Mine de Soleil » est en effet constituée de la Ville de Loos-en-Gohelle, de la SEM Énergies Hauts-de-France, de partenaires privés (les installateurs des panneaux solaires)… et d’un comité citoyen, qui s’est largement mobilisé. Jugeant intéressant de devenir actionnaires d’une société mixte tout en s’impliquant dans le devenir de leur commune, une centaine d’habitants ont collecté 40 000 euros de souscriptions citoyennes (de 50 euros chacune) – une partie du budget global (570 000 euros) [3] permettant de couvrir en 2020 les huit bâtiments municipaux et à la commune d’atteindre son autonomie énergétique : électricité de l’hôtel de ville et des salles publiques, voiture électrique mise à la disposition des personnes âgées, etc. Pour renforcer la symbolique de l’implication citoyenne dans la transition énergétique de la commune, la municipalité a offert une souscription aux enfants nés pendant la période de lancement de l’opération ou d’installation des panneaux (2018-2020). La phase 2 du « plan solaire » est d’ores et déjà activée : impliquer le Pôle métropolitain de l’Artois et son bassin de population de 650 000 habitants.

Autonomie en eau et défi « zéro déchet »

12Cette approche circulaire des ressources, de la production/récupération jusqu’à la consommation et au recyclage, est dans l’ADN de Loos-en-Gohelle depuis que Jean-François Caron a fixé son cap écologique. Très tôt, la Ville s’est penchée sur sa gestion de l’eau en installant des cuves de récupération d’eau de pluie, évidemment inscrites dans le cahier des charges dès qu’un chantier de construction ou de rénovation de bâtiment est lancé sur la commune. La quinzaine de cuves aujourd’hui existantes représentent environ trois semaines d’autonomie pour tous les besoins municipaux en eau : nettoyage des salles publiques, lavage des véhicules de la Ville, arrosage des terrains de sport et des parcs, remplissage des chasses d’eau dans les écoles (qui possèdent toutes une cuve de récupération). Il n’y a guère qu’après deux mois de sécheresse que la Ville doit à nouveau puiser dans ses réseaux d’eau potable ; sinon, son autonomie est effective. « Veolia ne nous vend plus d’eau pour arroser notre territoire », glisse, malicieux, Jean-François Caron.

Caroline Sestu, habitante

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Caroline Sestu, habitante

« J’ai choisi de m’installer par hasard à Loos-en-Gohelle en 2010 et j’ai eu un coup de cœur pour cette ville, par la façon qu’elle a de nous impliquer, notamment sur le défi “zéro déchet”. »

13De la même manière, la commune s’est saisie de la question du recyclage ménager en lançant en 2018 auprès des familles le défi « zéro déchet ». Chargée de mission citoyenneté à la mairie, Océane Ten a pendant deux ans sensibilisé aux éco-gestes adultes et écoliers [4] en animant de nombreux ateliers. Une habitante, Caroline Sestu, a suivi l’expérience : « Océane nous a démontré que nous pouvions fabriquer par nous-mêmes nos produits ménagers : pastilles pour lave-vaisselle, lessive liquide, film alimentaire, dentifrice en pâte ou en poudre… Et nous avons tous fortement réduit le poids de nos poubelles, à des niveaux différents selon que l’on réussit à convaincre ou non le reste de la famille. Nous avons enchaîné sur toute une série d’ateliers : recyclage des épluchures de fruits et légumes en cuisinant des carrot cakes ou des muffins à la banane, fabrication de peintures naturelles, de bee-wraps avec de la cire d’abeille pour remplacer les films alimentaires, de tawashis, ces éponges faites à partir de vieilles chaussettes, etc. J’ai choisi de m’installer par hasard à Loos en 2010 et j’ai eu un coup de cœur pour cette ville, par la façon qu’elle a de nous impliquer et de nous écouter. » C’est aujourd’hui elle qui transmet l’utilité des gestes éco-responsables au sein de son entreprise, comme cela se fait par ailleurs dans les Ch’ti TEDx, ces mini-conférences publiques organisées par la Ville où les Loossois viennent partager leurs expériences.

Économie circulaire et monnaie locale

14En matière d’économie circulaire, Loos-en-Gohelle a adopté une triple stratégie : le levier de la commande publique pour inciter les fournisseurs à puiser leurs matériaux dans la production locale ; l’accompagnement des entreprises, via le CD2E, pour qu’elles réfléchissent au cycle de vie de leurs produits et services ; et, cerise sur le gâteau, un axe recherche et développement par l’intermédiaire du pôle de compétitivité sur l’économie circulaire Team², créé en 2010 sur la base 11/19. « Nous avons cherché à développer nos connaissances sur la recyclabilité des matériaux, notamment pour des matières hautement stratégiques comme le plastique ou les terres rares, explique Julian Perdrigeat. Par exemple, comment trouver un débouché aux plastiques dans les industries installées en région ? On s’est aperçus que, une fois assemblés, ils pouvaient servir à fabriquer des habitacles pour automobiles, une filière qui a ainsi été mise dans la boucle de l’économie circulaire. » Dans le même ordre d’idée, la plate-forme de recherche [avniR] développée par le CD2E a permis une diffusion large des outils nécessaires à l’analyse des cycles de vie. En guise d’illustration, certains déchets du bâtiment et sédiments de dragage marins, fluviaux ou lacustres, coûteux à éliminer et parfois d’un fort niveau de contamination, ont trouvé une nouvelle vie auprès d’une filière régionale qui utilise et valorise ces ressources.

Dominique Hays, directeur de l’association Les Anges Gardins

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Dominique Hays, directeur de l’association Les Anges Gardins

« La manne, c’est la monnaie de l’engagement. »

15À cette logique des communs et de l’économie circulaire, il ne manquait que la monnaie, qui favorise les échanges de biens et de services plutôt que la financiarisation du capital. Pas si simple, quand on est une collectivité qui ne vit pas en autarcie et dont l’économie ne fait pas partie des compétences administratives ? Qu’à cela ne tienne, on passera par une association, en l’occurrence Les Anges Gardins, pilotée par Dominique Hays, engagé de longue date dans les combats écologiques aux côtés de Jean-François Caron. Il raconte : « Loos-en-Gohelle est un terrain propice pour une monnaie locale ; c’est un bastion de l’éducation populaire, un endroit où la coopération a toujours existé, bien avant l’arrivée de Jean-François comme maire. En 2017, nous avons jugé utile, pour développer différemment nos activités et notre système alimentaire [5], de créer une monnaie d’une autre nature, la manne, basée sur l’échange : “Je répare ton vélo, tu me donnes 1 kilo de légumes.” On a par exemple aidé un éleveur de poules de Bourbourg, une race locale menacée, en les achetant 80 mannes pièce. En retour, il peut s’approvisionner dans les commerces de la commune : paniers de légumes, pizzas, frites à la friterie, gâteaux à la boulangerie, bouquets chez le fleuriste, carte de six “softs” au café, etc. C’est la monnaie de l’engagement des gens pour ce qui n’a pas de prix, la biodiversité, la résilience, l’entraide, la réparation, le tri des déchets… Une heure de temps d’un intellectuel vaut une heure de temps d’un manuel. Dix mannes équivalent à un quart d’heure. » Et pour une fois, la municipalité semble ici à la traîne par rapport à la dynamique citoyenne engagée. « Nous peinons encore à convaincre notre administration d’utiliser la manne pour payer nos services, comme par exemple la cantine, les activités culturelles ou les services sociaux. Sans doute n’est-ce pas la priorité du moment », confesse Julian Perdrigeat. Ce serait presque rassurant que de voir une commune, dont les feux de la transition écologique sont par ailleurs tous au vert, devancée dans certains actes éco-responsables par sa population…


Date de mise en ligne : 27/04/2020

https://doi.org/10.3917/dard.002.0022

Notes

  • [1]
  • [2]
    Lire l’épisode 1 dans le précédent numéro.
  • [3]
    Le financement de cette société mixte est réalisé par l’opérateur privé SEM Énergies Hauts-de-France et la commune, mais aussi via un prêt bancaire et la souscription des citoyens et des acteurs locaux.
  • [4]
    Lire dans l’épisode 1 le témoignage de Marie-Amélie Szewczyk, institutrice à l’école primaire Émile-Basly.
  • [5]
    À lire, dans le prochain numéro de DARD/DARD, l’épisode 3 qui portera notamment sur l’alimentation.

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