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Article de revue

Une émulation à usage local. Les concours d’histoire des sociétés savantes de province au XIXe siècle

Pages 32 à 62

Notes

  • [1]
    Jeremy L. CARADONNA, « Prendre part au siècle des Lumières : le concours académique et la culture intellectuelle au XVIIIe siècle », Annales HSS, 64-3, 2009, p. 633-662 ; ID., The Enlightenment in Practice. Academic Prize Contests and Intellectual Culture in France, 1670-1794, Ithaca, Cornell University Press, 2012 ; et bien sûr : Daniel ROCHE, Le siècle des Lumières en province : Académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, Paris et La Haye, Mouton et EHESS, 1978.
  • [2]
    Données fournies par J. L. CARADONNA, « Prendre part… », art. cit., p. 638.
  • [3]
    Jean-Pierre CHALINE, Sociabilité et érudition. Les sociétés savantes en France, XIXe-XXe siècles [1995], Paris, Éditions du CTHS, 1998.
  • [4]
    Ibidem, p. 297 sq.
  • [5]
    Olivier IHL, Le mérite et la République. Essai sur la société des émules, Paris, Gallimard, 2007.
  • [6]
    John SHOVLIN, « Emulation in eighteenth-century French economic thought », Eighteenth-Century Studies, 36-2, 2003, p. 224-230 ; ID., « Toward a reinterpretation of revolutionary antinobilism : the political economy of honor in the Old Regime », The Journal of Modern History, 72-1, 2000, p. 35-66.
  • [7]
    O. IHL, Le mérite…, op. cit., p. 115. Sur la dimension antinobiliaire des théories économiques de l’émulation, on pourra se reporter aux travaux de John Shovlin mentionnés dans la note précédente.
  • [8]
    Alan B. SPITZER, The French Generation of 1820, Princeton, Princeton University Press, 1987, p. 219.
  • [9]
    Carol E. HARRISON, The Bourgeois Citizen in Nineteenth-Century France : Gender, Sociability and the Use of Emulation, Oxford, Oxford University Press, 1999 ; Sarah MAZA, The Myth of the French Bourgeoisie. An Essay on the Social Imaginary 1750-1850, Cambridge, Harvard University Press, 2003, p. 197-198.
  • [10]
    Ainsi que le souligne par exemple J.-P. CHALINE, Les bourgeois de Rouen. Une élite urbaine au XIXe siècle, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1982.
  • [11]
    O. IHL, Le mérite…, op. cit.
  • [12]
    Stéphane GERSON, « La mesure de l’érudition. Le Comité des travaux historiques et ses correspondants provinciaux (1830-1870) », in Bruno DUMONS, Gilles POLLET (éd.), La fabrique de l’honneur. Les médailles et les décorations en France (XIXe-XXe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 55-68.
  • [13]
    On a également privilégié l’étude des compagnies dont les publications fournissaient systématiquement des informations relatives à l’identité des lauréats. Ont été dépouillés, dans leur intégralité, les bulletins ou mémoires des sociétés suivantes : Académie d’Arras, Académie de Reims, Académie de Nantes, Académie du Gard, Académie de Metz, Société d’émulation des Vosges, Société archéologique du midi de la France, Société d’agriculture, commerce, sciences et arts de la Marne, Société académique de Saint-Quentin, Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers, Société d’émulation de Cambrai.
  • [14]
    D. ROCHE, Le siècle…, op. cit., p. 344.
  • [15]
    Robert FOX, The Savant and the State : Science and Cultural Politics in Nineteenth-Century France, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 2012, p. 62 ; Odile PARSIS-BARUBÉ, La province antiquaire. L’invention de l’histoire locale en France (1800-1870), Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2011.
  • [16]
    Deux cents mémoires lui furent soumis : Martin S. STAUM, « The Enlightenment transformed : the Institute prize contests », Eighteenth-Century Studies, 19-2, 1985-1986, p. 153-179.
  • [17]
    Catriona SETH, « L’institut et les prix littéraires », in Jean-Claude BONNET (éd.), L’empire des Muses. Napoléon, les arts et les lettres, Paris, Belin, 2004, p. 111-131 ; Élise FELLER, Jean-Claude GŒURY, « Les archives de l’Académie des sciences morales et politiques. 1832-1848 », Annales historiques de la Révolution française, 222, 1975, p. 567-583 ; Maurice CROSLAND, « From prizes to grants in the support of scientific research in France in the nineteenth-century : the Montyon Legacy », Minerva, 17-3, 1979, p. 355-380.
  • [18]
    On pense au fameux prix Montyon.
  • [19]
    Georges PICOT, Concours de l’Académie. Sujets proposés, prix et récompenses décernés. 1834-1900, Paris, Imprimerie nationale, 1901.
  • [20]
    On trouve dans les différentes livraisons de la Revue des sociétés savantes des comptes rendus détaillés de ce concours.
  • [21]
    Mentionnons deux exemples plus tardifs : le concours de monographies communales de 1889, et le concours lancé en 1912 par le Manuel général de l’instruction primaire sur le thème « L’instituteur dans la société moderne ».
  • [22]
    Pour une analyse structurale du débat, associant très judicieusement les positions défendues par les principaux protagonistes à leur trajectoire individuelle et à leur situation dans le champ du pouvoir : Christophe CHARLE, Les élites de la République (1880-1900) [1987], Paris, Fayard, 2006, p. 42 sq. ; voir encore Françoise DREYFUS, « La double genèse franco-britannique du recrutement au mérite : les concours et l’open competition », Revue française d’administration publique, 142, 2012, p. 327-337.
  • [23]
    Émile DURKHEIM, L’évolution pédagogique en France [1938], Paris, PUF, 1969, p. 298 sq.
  • [24]
    Nira KAPLAN, « Virtuous competition among citizens : emulation in politics and pedagogy during the French Revolution », Eighteenth-Century Studies, 36-2, 2003, p. 241-248.
  • [25]
    A. B. SPITZER, The French Generation…, op. cit., p. 206-224. Sur l’émulation dans l’enseignement mutuel : Michel CHALOPIN, L’enseignement mutuel en Bretagne. Quand les écoliers bretons faisaient la classe, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.
  • [26]
    Jacques CHAMPION, « Le concours général et son rôle dans la formation des élites universitaires au XIXe siècle », Revue française de pédagogie, 31-1, 1975, p. 71-82.
  • [27]
    Dominique JULIA, « Le choix des professeurs en France : vocation ou concours ? 1700-1850 », Paedagogica Historica. International Journal of the History of Education, 30-1, 1994, p. 175-205.
  • [28]
    Depuis 1748, les élèves de l’École du Génie de Mézières étaient sélectionnés par concours : D. JULIA, « Sélection des élites et égalité des citoyens. Les procédures d’examen et de concours de l’Ancien Régime à l’Empire », Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée, 101-1, 1989, p. 339-381.
  • [29]
    C. CHARLE, Les hauts fonctionnaires en France au XIXe siècle, Paris, Gallimard-Julliard, 1980, p. 33-51.
  • [30]
    Jacques Léonard évoque une « fièvre des concours » : Jacques LÉONARD, « Les médecins de l’Ouest au XIXe siècle », thèse, université Paris 4, 1978, vol. 2, p. 711-712.
  • [31]
    Harrison WHITE, Cynthia WHITE, La carrière des peintres au XIXe siècle. Du système académique au marché des impressionnistes [1965], Paris, Flammarion, 1991.
  • [32]
    Raymonde MOULIN, « Les bourgeois amis des arts. Les expositions des beaux-arts en province 1885-1887 », Revue française de sociologie, 17-3, 1976, p. 383-422.
  • [33]
    Jean-Luc MAYAUD, 150 ans d’excellence agricole en France. Histoire du Concours général agricole, Paris, Belfond, 1991.
  • [34]
    C’est le cas des concours fondés par la Société d’émulation des Vosges et la Société d’émulation de Cambrai. Des concours d’histoire étaient organisés dans le cadre d’expositions régionales.
  • [35]
    La Société d’émulation de Cambrai, créée en 1804, récompensa en 1808 l’auteur d’une biographie. À compter de 1821, elle définit pour la première fois la question à traiter pour son concours annuel d’histoire locale.
  • [36]
    Au même rythme que celui des cercles d’étude : J.-P. CHALINE, Sociabilité et érudition…, op. cit., p. 28-66. Mais le nombre de sociétés continua de croître après 1918.
  • [37]
    MAUD’HEUX, « Compte rendu des travaux », Annales de la société d’émulation du département des Vosges (désormais Annales… Vosges), 1838, p. 275-309, p. 276.
  • [38]
    Ibidem, p. 277.
  • [39]
    C’est le thème développé dans le « Discours d’ouverture prononcé par M. H. Siméon, préfet des Vosges, président », Annales… Vosges, 1832, p. 9-15.
  • [40]
    J. PILLOY, « Rapport sur le premier concours d’histoire locale », Mémoires de la Société académique des sciences, arts, belles-lettres, agriculture et industrie de Saint-Quentin (désormais Mémoires… Saint-Quentin), 1878-1879, p. 10-15, p. 14.
  • [41]
    Voir les comptes rendus des concours de la Société archéologique du midi de la France.
  • [42]
    Sylvain RAPPAPORT, « Le temps de la vertu : vertu de la lenteur », Revue historique, 621, 2002, p. 51-76.
  • [43]
    CLAUDEL, « Rapport sur la distribution des primes décernées à l’Agriculture et à l’Industrie », Annales… Vosges, 1848, p. 647-653, p. 647-648.
  • [44]
    Comte A. D’HÉRICOURT, « Rapport sur le concours d’histoire », Mémoires de l’Académie des sciences, lettres et arts d’Arras (désormais Mémoires… Arras), 1859, p. 57-66, p. 59.
  • [45]
    Antonin SOUCAILLE, « Rapport sur le concours des mémoires historiques et archéologiques », Bulletin de la société archéologique scientifique et littéraire de Béziers (désormais Bulletin… Béziers), 1906, p. 601 ; « Réponse aux discours de réception de MM. Plichon […] », Mémoires… Arras, 27, 1853, p. 133.
  • [46]
    Que l’on s’efforçait de bannir. « Rapport sur le concours d’Histoire par M. l’abbé Duflot », Mémoires… Arras, 1901, p. 251.
  • [47]
    N. KAPLAN, « Virtuous Competition… », art. cit. ; M. S. STAUM, « The Enlightenment… », art. cit. Les compagnies savantes entretenaient une sociabilité supposée corriger l’individualisme régnant. « L’esprit de communauté qui se rencontre dans une famille bien réglée, se reproduit dans l’institution des académies » : « Réponse… », Mémoires… Arras, 1853, art. cit., p. 130. Voir encore : BALLON, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges depuis le 30 septembre 1845 […] jusqu’au 24 septembre 1846 », Annales… Vosges, 1846, p. 13-46, p. 13 sq. ; Dr HAXO, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges », Annales… Vosges, 1855, p. 23-40, p. 23 sq. ; Abbé CARRIÈRE, « Avantages et utilité des sociétés savantes de province », Bulletin de la société archéologique du midi de la France (désormais Bulletin… Midi), 1872, p. 43-45. Sur cette articulation entre rhétoriques de l’émulation et de l’association : C. E. HARRISON, The Bourgeois Citizen…, op. cit.
  • [48]
    VINCENOT, « Compte-rendu des travaux de l’Académie pendant l’année 1855-1856 », Mémoires de l’Académie nationale de Metz (désormais Mémoires… Metz), 1855-1856, p. 28-53, p. 28.
  • [49]
    MAUD’HEUX, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges depuis le 24 septembre 1848 […] jusqu’au 8 novembre 1849 », Annales… Vosges, 1849, p. 22-36, p. 23.
  • [50]
    J. LEFEUVRE, « Rapport de la commission des prix », Annales de la Société académique de Nantes (désormais Annales… Nantes), 1869, p. XL-XLVIII, p. XLI.
  • [51]
    M. BLANCHET, « Rapport sur le concours de 1854-1855 », Annales… Nantes, 1855, p. 29.
  • [52]
    PARISOT, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges, depuis le 2 mai 1835 […] jusqu’au 2 mai 1836 », Annales… Vosges, 1836, p. 379-423, p. 381.
  • [53]
    Il était rare qu’aucun concurrent ne fût récompensé.
  • [54]
    O. PARSIS-BARUBÉ, La province antiquaire…, op. cit., p. 223 sq.
  • [55]
    Récit de la remise des prix de la Société géographique de l’Est le 30 novembre 1890 : François PLOUX, Une mémoire de papier. Les historiens du village et le culte des petites patries rurales à l’époque contemporaine (1830-1930), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 89-90 ; en 1858, c’est le préfet des Vosges qui remet les récompenses. Voir encore : CHEREST, « Procès-verbal de la séance publique du 20 décembre 1877, Grand salon de l’Hôtel-de-Ville d’Epinal », Annales… Vosges, 1878, p. 46-48.
  • [56]
    Mémoires de la Société d’émulation de Cambrai (désormais Mémoires… Cambrai), 1874, p. 69-72.
  • [57]
    Abbé CARRIÈRE, « Avantages et utilité… », art. cit., p. 43-45. Louis Noguier, membre de la Société archéologique de Béziers, écrivait à propos des prêtres monographes : « Se mêler au mouvement des esprits cultivés de l’époque ne serait-ce pas […] pour eux le meilleur moyen d’augmenter l’influence morale et légitime que le clergé est appelé à exercer sur les populations ? » (Louis NOGUIER, « Rapport sur le concours des mémoires historiques et monographies locales », Bulletin… Béziers, 1877, p. 89-97, p. 96-97). Sur ce point, concernant les instituteurs et les prêtres : F. PLOUX, Une mémoire…, op. cit.
  • [58]
    PASQUIER, dans Bulletin… Midi, 1897, p. 161.
  • [59]
    La question de la contribution de la vie associative à la production d’une identité bourgeoise a été particulièrement explorée par l’historiographie britannique. Sur ce point, voir notamment R. FOX, « Learning, politics and polite culture in provincial France : the sociétés savantes in the nineteenth century », Historical Reflections, 7-2/3, 1980, p. 543-564.
  • [60]
    Dr HAXO, « Compte rendu… », Annales… Vosges, 1855, art. cit., p. 28.
  • [61]
    On pense à Lyon : Pierre-Yves SAUNIER, L’esprit lyonnais XIXe-XXe siècles : genèse d’une représentation sociale, Paris, CNRS Éditions, 1995.
  • [62]
    Léon MAÎTRE, « Rapport de la commission des prix sur le concours de l’année 1875 », Annales… Nantes, 1875, p. XLIII-LI, p. XLIII.
  • [63]
    Nous avons identifié six fondateurs de concours : deux magistrats (dont un lauréat du Concours général), un avocat, un pharmacien, et deux notables sans profession, mais désignés l’un comme appartenant à une famille de manufacturiers rémois, l’autre comme le fils d’un négociant.
  • [64]
    Du type : Écrire l’histoire d’une localité du département.
  • [65]
    Mémoires… Saint-Quentin, 1879-1880.
  • [66]
    Louis DEMAISON, « Concours d’histoire et médailles hors concours », Travaux de l’Académie nationale de Reims (désormais Travaux… Reims), 1879-1880, p. 48-51, p. 48. En dépit de la révérence affichée à l’égard de la haute science, une certaine ironie était parfois perceptible (tel raillait les « beaux esprits » des bords de Seine : Bulletin… Midi, 1902).
  • [67]
    MAUD’HEUX, « Compte rendu… », Annales… Vosges, 1838, art. cit, p. 275 sq.
  • [68]
    LEMARQUIS, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges depuis le 2 mai 1839 […] jusqu’au 1er janvier 1840 », Annales… Vosges, 1840, p. 12-40, p. 13.
  • [69]
    Dr HAXO, « Compte rendu… », Annales… Vosges, 1855, art. cit., p. 29. Voir encore : Dr HAXO, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges depuis le 25 novembre 1852 », Annales… Vosges, 1853, p. 23-46 ; BRIGUEL, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges depuis le 2 mai 1840 […] jusqu’au 1er janvier 1841 », Annales… Vosges, 1841, p. 252-276 ; MANSION, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges, depuis le 3 mai 1841 […] jusqu’au 2 mai 1842 », Annales… Vosges, 1842, p. 455-494 ; LEROY, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges depuis le 11 novembre 1847 […] jusqu’au 21 septembre 1848 », Annales… Vosges, 1848, p. 624-646. Sur l’opposition de l’érudit et du théoricien : L. CHANTRAINE, « Rapport sur le concours d’histoire par M. L. Chantraine Professeur agrégé de l’université, membre de la Société », Mémoires… Cambrai, 1911, p. XXVII-XXXVIII, p. XXXII-XXXIII ; M. DE SAINT-MARTIN, Bulletin… Midi, 1890, p. 70-71 ; Abbé CARRIÈRE, « Avantages et utilité… », art. cit.
  • [70]
    Les mots sont de Briguel, secrétaire adjoint de la Société d’émulation des Vosges : BRIGUEL, « Compte rendu… », Annales… Vosges, 1841, art. cit., p. 253.
  • [71]
    Dr HAXO, « Compte rendu… », Annales… Vosges, 1855, art. cit., p. 23 sq.
  • [72]
    La vocation des sociétés aurait été de mettre les « conquêtes du génie […] à la portée du plus grand nombre » : BRIGUEL, « Compte rendu… », Annales… Vosges, 1841, art. cit., p. 253.
  • [73]
    L’abbé Carrière disait que les sociétés provinciales présentaient l’avantage, sur les académies parisiennes, d’être « plus rapprochées de tous », et « naturellement plus à la portée du plus grand nombre » : « Avantages et utilité… », art. cit.
  • [74]
    TREMSAL, « Rapport de la commission d’histoire et d’archéologie », Annales… Vosges, 1893, p. XXXVII.
  • [75]
    A. VIGUIÉ, « Rapport sur le concours de 1866 », Mémoires de l’Académie du Gard (désormais Mémoires… Gard), 1865-1866, p. 62-74, p. 63.
  • [76]
    À moins que ce soit l’inverse : l’insistance sur le nécessaire recours aux documents inédits justifiait l’utilité de la science locale.
  • [77]
    Le chercheur exhumant un vieux manuscrit était parfois comparé à un mineur fouillant dans les entrailles de la nation.
  • [78]
    Comme l’ont montré les travaux d’A.-M. Thiesse, notamment : Anne-Marie THIESSE, Ils apprenaient la France. L’exaltation des régions dans le discours patriotique, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1997.
  • [79]
    Ses contours étaient d’ailleurs mouvants, puisqu’enjeux de luttes. L’érudition provinciale ne contribua pas seulement à la caractérisation des identités locales. Elle fit advenir des découpages à la conscience collective. Pour le Mortainais : Alain GUILLEMIN, « Pouvoir de représentation et constitution de l’identité locale », Actes de la recherche en sciences sociales, 52/53, 1984, p. 15-18. Pour la Bresse : Annie BLETON-RUGET, « Pays et nom de pays. L’invention de la Bresse louhannaise (XIXe-XXe siècles) », Ruralia, 8, 2001, p. 37-57. Ces deux auteurs ont eu l’immense mérite de dégager les enjeux (sociaux et économiques) de la production du local.
  • [80]
    Abbé BRINCOURT, « Rapport sur le concours d’histoire », Travaux… Reims, 1898-1899, p. 37-52, p. 38. Sur l’histoire locale comme science du concret : A. VIGUIÉ, « Rapport… », Mémoires… Gard, 1865-1866, art. cit.
  • [81]
    Joachim MALÉZIEUX, « Rapport sur le deuxième concours d’histoire locale », Mémoires… Saint-Quentin, 1878-1879, p. 16-19, p. 16-17.
  • [82]
    L. CHANTRAINE, « Rapport… », Mémoires… Cambrai, 1911, art. cit., p. XXXII-XXXIII.
  • [83]
    Le discours localiste, lorsqu’il stigmatisait l’exode rural, associait volontiers la ville (dont Paris était la pire incarnation), au superficiel, à l’artificiel. On mettait en garde les jeunes paysans contre le « mirage » de la ville et de ses plaisirs factices.
  • [84]
    Abbé BRINCOURT, « Rapport… », Travaux… Reims, 1898-1899, art. cit., p. 38.
  • [85]
    Abbé HAUDECŒUR, « Rapport sur le concours d’histoire », Travaux… Reims, 1902-1903, p. 43-51, p. 47 ; ou encore L. NOGUIER, « Rapport sur le concours des mémoires historiques », Bulletin… Béziers, 1874, p. 90-98, p. 92.
  • [86]
    « Rapport de M. Joachim Malézieux sur le deuxième concours d’histoire locale », Mémoires… Saint-Quentin, 1879-1880, p. 23-26, p. 26 ; L. DEMAISON, « Rapport sur le concours d’histoire », Travaux… Reims, 1899-1900, vol. 2, p. 43-51 ; Abbé HAUDECOEUR, « Rapport… », Travaux… Reims, 1902-1903, art. cit., p. 47 ; Abbé DUFLOT, « Rapport sur le concours d’histoire », Mémoires… Arras, 1913, p. 191 ; Ad. DE CARDEVACQUE, « Rapport sur le concours d’histoire », Mémoires… Arras, 1882, p. 52.
  • [87]
    Emmanuel LEMAIRE, « Rapport sur le concours d’histoire locale de 1890 », Mémoires… Saint-Quentin, 1890, p. 9-33, p. 32.
  • [88]
    René PERROUT, « L’histoire locale », Annales… Vosges, 1899, p. 7-19, p. 13-14.
  • [89]
    Docteur MARCÉ, « Rapport de la commission des prix sur le concours de l’année 1876 », Annales… Nantes, 1876, p. 291-303, p. 293.
  • [90]
    À propos d’un mémoire sur le conventionnel Polycarpe Pottofeux. Voir encore Abel PATOUX, « Rapport sur le deuxième concours d’histoire locale », Mémoires… Saint-Quentin, 1878-1879, p. 61-75, p. 62.
  • [91]
    E. LEMAIRE, « Rapport… », Mémoires… Saint-Quentin, 1890, art. cit., p. 32.
  • [92]
    Ernest FRÉVILLE, « Rapport sur les concours d’histoire et d’archéologie », Travaux… Reims, 1909-1910, p. 51-64, p. 56.
  • [93]
    Exemple : L. DEMAISON, « Rapport… », Travaux… Reims, 1899-1900, art. cit.
  • [94]
    Abbé HAUDECŒUR, « Rapport sur le concours d’histoire », Travaux… Reims, 1904-1905, p. 35-42.
  • [95]
    Bien entendu ce travail d’inventaire des éléments constitutifs d’une tradition locale consistait moins à perpétuer, en la célébrant, une identité établie, qu’à la produire. Sur cette approche constructiviste : P.-Y. SAUNIER, L’esprit lyonnais…, op. cit. ; A. BLETON-RUGET, « Pays… », art. cit. ; A. GUILLEMIN, « Pouvoir de représentation… », art. cit.
  • [96]
    Mémoires… Gard, 1882, p. XLVI.
  • [97]
    « Ces travaux, poursuivis pendant des années, disent quel amour obstiné M. A. Carrière porte aux choses du pays natal » : Abbé DEGERT, « Rapport sur le concours de 1912 », Bulletin… Midi, 1912, p. 164.
  • [98]
    Par exemple DEVÈS, « Rapport sur le concours », Bulletin… Béziers, 1869, p. 151-169, p. 151.
  • [99]
    Dr HAXO, « Compte rendu… », Annales… Vosges, 1855, art. cit., p. 33-34 ; Charles LABOR, « Rapport sur le concours », Bulletin… Béziers, 1865, p. 76.
  • [100]
    Les sociétés d’émulation auraient été les foyers de cette renaissance provinciale : BRIGUEL, « Compte rendu… », Annales… Vosges, 1841, art. cit., p. 254 (sur « les avantages que présente aux hommes laborieux du pays un point central où ils puissent tous converger »). En 1862, un inspecteur primaire évoquait ce « centre intellectuel d’où part sans cesse une généreuse impulsion et où convergent, comme vers un point naturel, beaucoup des productions scientifiques et littéraires de nos provinces de l’Est » (GASQUIN, « Rapport sur le concours littéraire et scientifique de 1862 », Annales… Vosges, 1862, p. 95-102, p. 95).
  • [101]
    Belle illustration avec l’invention du Mortainais par l’avocat Hippolyte Sauvage (A. GUILLEMIN, « Pouvoir de représentation… », art. cit.).
  • [102]
    Édouard PRIVAT, Bulletin… Midi, 1899, vol. 1, p. 71-72. Sur la nécessité, pour les académies départementales, de donner la possibilité aux « intelligences qu’elles voient éclore dans la sphère où elles se meuvent » de s’épanouir sur place : Abbé CARRIÈRE, « Avantages et utilité… », art. cit.
  • [103]
    Deux exemples : E. LEMAIRE, « Rapport sur le premier concours d’histoire locale », Mémoires… Saint-Quentin, 1879-1880, p. 17-18 ; J. MALÉZIEUX, « Rapport sur le concours Quenescourt », Mémoires… Saint-Quentin, 1886-1887, p. 34-37.
  • [104]
    Sur la difficile délimitation du territoire de l’historien local, on pourra consulter F. PLOUX, Une mémoire…, op. cit.
  • [105]
    Félix VOULOT, « Rapport de la commission d’archéologie et d’histoire sur le concours de 1877 », Annales… Vosges, 1878, p. 94-98, p. 94-95.
  • [106]
    L. NOGUIER, « Rapport sur le concours des mémoires historiques et monographies locales », Bulletin… Béziers, 1883, p. 207-216, p. 207.
  • [107]
    E. LEMAIRE, « Rapport sur le premier concours d’histoire locale », Mémoires… Saint-Quentin, 1880-1881, p. 10-21, p. 20 ; J. MALÉZIEUX, « Rapport sur le concours d’histoire locale de 1892 », Mémoires… Saint-Quentin, 1892, p. 45 sq.
  • [108]
    L. DEMAISON, « Rapport… », Travaux… Reims, 1899-1900, art. cit., p. 43. Voir encore : Abbé BRINCOURT, « Rapport… », Travaux… Reims, 1898-1899, art. cit., p. 43. La réalisation d’une monographie était à l’occasion qualifiée d’acte « essentiellement patriotique » (A. SOUCAILLE, « Rapport sur les mémoires archéologiques, historiques et biographiques », Bulletin… Béziers, 1908, p. 313).
  • [109]
    Voir par exemple les livraisons du Bulletin… Midi : notamment les années 1883 et 1903 (p. 61-62).
  • [110]
    Il n’est pas impossible que l’augmentation du volume total de publications à caractère historique ait été un effet de la concurrence que se livraient conservateurs et républicains sur le terrain de l’interprétation du passé. Les auteurs de monographies de village, par exemple, pour la plupart membres du clergé ou instituteurs laïques, s’opposaient à distance dans les chapitres qu’ils consacraient à la féodalité ou à la Révolution. Toutefois, ce type de rivalité se trouvait neutralisé dans le cadre des concours académiques, dont les règlements rappelaient le caractère apolitique.
  • [111]
    A. SOUCAILLE, « Rapport sur les Mémoires historiques, archéologiques et biographiques », Bulletin… Béziers, 1907, p. 140-148, p. 148.
  • [112]
    CHEVREUX, « Rapport de la commission d’histoire et d’archéologie », Annales… Vosges, 1901, p. 64-68, p. 68.
  • [113]
    Ibidem.
  • [114]
    L. DEMAISON, « Rapport sur le concours d’histoire », Travaux… Reims, 1892-1893, p. 36 (et encore p. 94-95). Ce thème revient souvent dans les rapports de concours que publie l’Académie de Reims.
  • [115]
    La collecte de documents inédits était un indice d’un travail personnel : E. LEMAIRE, « Rapport… », Mémoires… Saint-Quentin, 1890, art. cit.
  • [116]
    « S’il est une qualité que demande un travail historique, si modeste qu’il soit, c’est bien la patience » : THIRION, « Rapport sur le concours d’histoire », Travaux… Reims, 1893-1894, p. 31-38, p. 32. S. RAPPAPORT, « Le temps de la vertu… », art. cit.
  • [117]
    A. SOUCAILLE, « Rapport sur le concours de mémoires historiques », Bulletin… Béziers, 1892, p. 365-371, p. 371.
  • [118]
    Charles ABEL, « Rapport sur le concours d’histoire de l’année 1887-1888 », Mémoires… Metz, 1887-1888, p. 47-53, p. 53.
  • [119]
    Abbé DUFLOT, « Rapport sur le concours d’histoire », Mémoires… Arras, 1903, p. 440. « Tel qu’il est, [l’ouvrage] mérite les éloges pour le labeur considérable qu’il a occasionné » : FLEURIEL, « Rapport fait au nom de la commission d’histoire et d’archéologie », Annales… Vosges, 1912, p. XLII-XLVIII, p. XLV.
  • [120]
    « Rapport de M. G. Lecoq sur le concours d’histoire locale », Mémoires… Saint-Quentin, 1870-1872, p. 58-67, p. 64.
  • [121]
    Bulletin… Midi, 1883, p. 34 sq. Un auteur se vit reprocher des libertés de langage, et l’usage d’épithètes à la limite de la vulgarité : PASQUIER, « Rapport sur le concours littéraire », Annales… Vosges, 1867, p. 107-115, p. 108. Voir les rapports du concours de l’Académie de Reims pour les années 1861- 1862, 1866, 1881-1882, 1901-1902, et les comptes rendus des concours organisés par la Société de Saint-Quentin en 1870-1872 et 1880-1881.
  • [122]
    G. CARRÉ, « Rapport sur le concours d’histoire », Travaux… Reims, 1884-1885, p. 34-43, p. 40-41. « Bien que la monographie de Neuville ne soit pas complète, son auteur a fait preuve de beaucoup de bonne volonté. Il a fait de nombreuses recherches ; il a cité ses sources. Il mérite d’être encouragé » : Jules PILLOY, « Rapport sur le concours d’histoire locale », Mémoires… Saint-Quentin, 1897-1898, p. 12-41, p. 19.
  • [123]
    Soit moins de 2 % du total de l’échantillon. Un chiffre comparable aux 2,1 % de lauréates des concours académiques d’Ancien Régime (J.-L. CARADONNA, The Enlightment…, op. cit., p. 107).
  • [124]
    J.-P. CHALINE, Sociabilité et érudition…, op. cit., p. 170 sq.
  • [125]
    Données extraites de l’inventaire établi par G. PICOT, Concours de l’Académie…, op. cit. Elles concernent la période 1835-1900.
  • [126]
    F. PLOUX, Une mémoire…, op. cit.
  • [127]
    Sur cette question : Francine MUEL-DREYFUS, Le métier d’éducateur. Les instituteurs de 1900, les éducateurs spécialisés de 1968, Paris, Minuit, 1983.
  • [128]
    Alexandre VINCENT, « Rapport de la commission des prix », Annales… Nantes, 1898, p. XXVIII-XLIII, p. XXXII.
  • [129]
    Albert CANS, « Rapport sur le concours d’histoire et d’archéologie », Travaux… Reims, 1910- 1911, p. 35-41, p. 35.
  • [130]
    Le bas clergé était un peu plus ambitieux, la proportion d’auteurs de monographies paroissiales n’atteignant que 41,2 %.
  • [131]
    « Circulaire du 23 juillet 1834 relative aux rapports des sociétés savantes des départements avec le ministère », in Xavier CHARMES, Le Comité des travaux historiques et scientifiques (histoire et documents), Paris, Imprimerie nationale, 1886, vol. 2, p. 10.

1 La tradition du concours académique, dont l’origine remonte aux joutes poétiques médiévales, connut son âge d’or au siècle des Lumières. Une étude récente estimait à 15000 le nombre d’hommes et de femmes qui, entre 1670 et 1793, participèrent à une épreuve de cette nature [1]. Pour tous ceux qui n’étaient pas directement associés à la vie intellectuelle des salons, la formule offrait une voie d’accès au monde des lettres. La demande était pressante, et les opportunités toujours plus nombreuses : la fréquence annuelle des concours ne cessa d’augmenter entre le règne de Louis XIV et celui de Louis XVI. La Révolution de 1789 vint briser cet élan. Qu’on en juge : 475 concours avaient été organisés au cours de la décennie qui précéda la convocation des États généraux ; 133 seulement eurent lieu entre 1790 et 1795 [2]. L’éclipse, cependant, fut de courte durée. Dès les années 1820, le réseau des académies, démantelé en 1793, était pratiquement reconstitué. Et le nombre d’associations spécialisées dans les études scientifiques ou littéraires augmenta régulièrement au cours du XIXe siècle [3]. Ces sociétés d’émulation eurent à cœur de rétablir la prestigieuse tradition des joutes intellectuelles. En réalité, la plupart n’avaient pas les moyens de fonder un prix dans quelque domaine que ce soit. À l’inverse, les compagnies les plus dynamiques consacraient l’essentiel de leur activité à organiser des concours sur des questions diverses : l’amélioration des techniques agricoles, les sciences naturelles, l’histoire, la poésie etc. Certaines y ajoutaient un prix de vertu [4].

2 Organiser un concours n’était évidemment pas une mince affaire. Chaque année, parfois tous les deux ans, les sociétaires devaient désigner une commission, définir un programme, examiner les œuvres ou les travaux des candidats, rédiger un rapport détaillé, préparer enfin la séance solennelle de remise des médailles. En dépit de la difficulté de l’entreprise, les sociétés comportant plusieurs sections correspondant aux différents domaines de la connaissance n’hésitaient pas à organiser jusqu’à trois ou quatre épreuves simultanées. Ce dont témoigne tant d’énergie déployée, c’est d’abord la force d’une conviction dont on peut affirmer qu’elle constituait l’un des traits distinctifs de la culture intellectuelle de la bourgeoisie postrévolutionnaire : l’émulation, ne cessaient de marteler les hommes qui animaient les sociétés dites, précisément, d’émulation, constituait un puissant facteur de progrès matériel et de perfectionnement moral. C’est pourquoi il convenait de provoquer, par la mise en jeu de trophées, cette relation de libre concurrence entre égaux dont ne pouvaient résulter que de grands bienfaits. Olivier Ihl a identifié les différentes matrices à partir desquelles s’est développée, à l’époque moderne, une réflexion sur le pouvoir incitatif des récompenses honorifiques [5]. Sous l’Ancien Régime, deux courants de pensée contribuèrent selon lui plus particulièrement à l’élaboration d’une théorie de l’émulation. La science du gouvernement des hommes, d’abord, avait considéré les avantages d’une politique des incitations sur l’exercice brutal de la contrainte. Les économistes, de leur côté, s’étaient efforcés de démontrer que l’attribution de primes aux agriculteurs et aux marchands pouvait favoriser le développement des forces productives [6]. Ces théories portaient en creux la critique d’un régime dans lequel la noblesse héréditaire détenait le monopole des distinctions honorifiques, et où le roi pouvait octroyer arbitrairement des marques de considération. C’est aussi une conception féodale de l’honneur qui était contestée. La revendication d’un gouvernement de la vertu, où le jugement public serait le véritable arbitre du mérite individuel – l’État se contentant de jouer le rôle d’intermédiaire – fut portée par une bourgeoisie désireuse de se voir reconnaître un rôle en rapport avec sa valeur [7].

3 Les membres de l’Assemblée constituante se méfiaient pourtant des signes distinctifs de la supériorité, dont l’existence semblait contredire le principe d’égalité entre citoyens. C’est seulement avec le Directoire, et surtout après Brumaire, que la République assuma pleinement sa nature méritocratique. On vit dès lors proliférer les prix et les concours. Cette doctrine de l’émulation, dont Napoléon fit un usage politique [8], triompha dans la France postrévolutionnaire. L’univers scolaire, l’institution militaire, le monde des lettres, celui des sciences comme celui des arts en étaient imprégnés.

4 Carol Harrisson et Sarah Maza ont avancé l’hypothèse que la culture de l’émulation fut une dimension essentielle de l’engendrement intellectuel d’une conscience bourgeoise au cours du XIXe siècle [9]. Les membres de la classe moyenne, que la politique, la religion, les affaires contribuaient à opposer entre eux [10], éprouvaient leur unité dans la fréquentation de cercles d’étude dont la raison d’être était de promouvoir l’idéologie de l’émulation. Mise en œuvre, celle-ci était un facteur de cohésion, puisque les concurrents partageaient les mêmes valeurs, la même éthique de l’effort et du dépassement de soi, poursuivaient les mêmes fins, se soumettaient aux mêmes règles du jeu.

5 C’est pour provoquer cette émulation parmi les hommes d’étude ou les travailleurs zélés que les sociétés savantes décernaient des récompenses honorifiques. Il s’agissait de mettre en pratique, dans les limites restreintes d’un département ou d’un arrondissement, les théories des incitations qu’avaient échafaudées, aux siècles précédents, les économistes, les pédagogues et les philosophes, et dont s’inspiraient les administrations étatiques lorsqu’elles instituaient une ingénierie des honneurs [11]. Par conséquent, ce que le déroulement d’un concours académique donne à observer, c’est la manière dont la bourgeoisie des villes de province s’appropria, après la Révolution, cette science des récompenses, et les usages spécifiques qu’elle en fit dans la sphère locale.

6 Chaque épreuve s’accompagnait de la publication de textes – programmes, comptes rendus, discours de remise des prix – dans lesquels les organisateurs révélaient leurs intentions. Les longs rapports que rédigeaient les commissions chargées de départager les concurrents s’avèrent particulièrement instructifs : ces documents, dont la lecture constituait l’un des temps forts de la séance de clôture de l’année académique, débutaient systématiquement par des considérations sur l’utilité des concours et sur les vertus de l’émulation. Par ailleurs, pour établir leur verdict, dont les attendus étaient rendus publics le jour de la remise des médailles, les porte-parole du jury déployaient toute une gamme d’arguments dont l’intérêt réside en ce qu’elle nous révèle le système d’appréciation à partir duquel étaient évaluées les qualités intellectuelles, morales ou civiques des concurrents [12].

7 Nous nous limiterons, dans le cadre de cette étude, dont on pourra ultérieurement envisager d’élargir le périmètre, au cas particulier des concours d’histoire qu’organisèrent onze compagnies – anciennes académies ou sociétés d’émulation de création plus récente – sélectionnées notamment sur le critère de leur implantation géographique [13]. Au siècle des Lumières, l’histoire n’occupait, dans la culture du concours académique, qu’une place très marginale. Dans neuf cas sur dix, la question mise au concours portait sur les arts, les sciences ou les belles-lettres [14]. La formule du concours d’histoire, parisienne à l’origine, ne se répandit en province qu’après 1760. En revanche, au XIXe siècle, les sociétés savantes étaient pour la plupart des sociétés d’antiquaires, au moins partiellement spécialisées dans l’étude de l’histoire, de l’archéologie et des traditions populaires [15]. La grande ambition de ces sociétés était de constituer le territoire de leurs investigations en entité historique, et d’associer à cette entreprise les hommes instruits qu’animait un même sentiment d’appartenance à leur patrie locale. L’organisation d’un concours annuel devait faciliter cette mobilisation des bonnes volontés. Ajoutons que les bulletins qu’éditaient les sociétés organisatrices indiquaient généralement la profession des lauréats. Il est donc possible de reconstituer, sur la base de cet échantillon, l’espace social de l’érudition dans la France provinciale du XIXe siècle – et de dresser un portait-type de l’amateur de recherche historique.

UNE ARÈNE PACIFIQUE

Une culture du concours

8 Ce sont les grandes institutions culturelles parisiennes qui, dès la période du Directoire, s’efforcèrent de rétablir la culture alors moribonde du concours académique. En 1796, la loi relative à l’organisation de l’Institut créait six prix annuels de science et de littérature. La classe de sciences morales et politiques eut le temps, avant sa suppression en janvier 1803, d’organiser 29 concours [16]. En septembre 1804, un décret instituait des prix décennaux, récompensant les auteurs d’ouvrages consacrés aux sciences, aux arts ou à la littérature [17]. L’Institut, dont certains prix trouvaient leur origine dans un legs [18], continua après 1815 d’attribuer des distinctions honorifiques aux auteurs de travaux remarquables. La classe de sciences morales et politiques s’occupa par exemple, dès son rétablissement en 1832, d’organiser des concours. Un bilan publié en 1901 recensait 272 sujets proposés et 1600 mémoires soumis [19]. Les pouvoirs publics n’étaient pas en reste. En 1858, un arrêté du ministre de l’Instruction publique créait un grand concours annuel entre sociétés savantes. Il consistait en trois prix de 1500 francs chacun décernés aux sociétés ayant présenté les meilleurs mémoires sur des questions d’histoire, d’archéologie ou de science [20]. Le ministère sollicitait de surcroît ses propres agents : pensons au grand concours organisé en décembre 1860 auprès des instituteurs ruraux, auxquels était demandé un mémoire sur les besoins de l’instruction primaire [21].

9 Mais si toutes ces initiatives furent couronnées de succès, c’est d’abord parce que le principe de la sélection des talents au moyen d’un concours avait acquis, auprès de la minorité instruite de la société française à laquelle s’adressaient les instances organisatrices, une incontestable légitimité. Depuis la fin de l’Ancien Régime, son champ d’application n’avait cessé de s’élargir. Sous la monarchie absolutiste, des voix s’étaient élevées pour dénoncer les procédés employés par l’État pour recruter ses serviteurs et réclamer la généralisation du concours, mieux adapté à la détection des compétences qu’un système fondé sur la vénalité, le patronage ou la faveur. Bien entendu, la critique du privilège par les porte-parole de la bourgeoisie montante constituait l’arrière-plan politique de ces controverses. Après la Révolution, qui inscrivit le principe de la capacité dans l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme, la question des modalités d’admission aux emplois administratifs continua de faire débat. Si le modèle méritocratique, assimilé à la sélection par concours, ne se généralisa, du moins dans la haute administration, que très progressivement, il finit par s’imposer dans l’opinion [22]. Il était désormais admis que le meilleur moyen de stimuler le talent, de distinguer le mérite ou de détecter les aptitudes consistait à placer les hommes en situation de concurrence. L’émulation était désignée comme la condition du progrès, dans le domaine de la connaissance comme dans les autres sphères de l’activité humaine. Les hommes qui participaient aux joutes académiques, nous y reviendrons, étaient issus pour la plupart de la petite ou moyenne bourgeoisie des capacités. 50 % au moins exerçaient une profession exigeant un diplôme. 31 % étaient ecclésiastiques. Par conséquent nombreux étaient ceux qui, en d’autres circonstances, avaient subi l’épreuve d’un concours. Dans les établissements scolaires d’abord : sous l’Ancien Régime, les jésuites avaient fait de l’émulation le principe directeur de leur pédagogie [23] et contribué à infléchir la signification d’un concept qui désignait originellement le désir d’égaler, mais était associé, au XVIIIe siècle, à l’idée de concurrence [24]. Les jeunes bourgeois qui, sous le règne des derniers Bourbons, fréquentaient les collèges et les lycées, baignaient dans cette culture de la compétition scolaire [25]. Les meilleurs pouvaient participer au prestigieux Concours général, rétabli par un décret du 21 vendémiaire an IX (13 octobre 1800) [26]. La réforme de l’agrégation en 1821 fit de cette épreuve un véritable concours, censé entretenir un esprit d’émulation au sein du corps enseignant [27]. Mais l’univers scolaire n’était pas le seul concerné. Dans la France des notables, c’est par concours qu’était recrutée une partie des agents de l’État. Cette procédure avait été expérimentée dès le XVIIIe siècle dans certains corps techniques [28]. Censée fonder un régime méritocratique où les carrières seraient ouvertes aux talents, elle connut logiquement, après la Révolution, une extension progressive. L’admission dans les grandes écoles était subordonnée à la réussite au concours d’entrée [29]. La carrière médicale était jalonnée d’innombrables concours [30]. Il en allait de même dans le domaine artistique. La formation des peintres consistait en une interminable succession de compétitions opposant les élèves des ateliers. Le fameux prix de Rome couronnait l’édifice [31]. En province, les sociétés des Amis des arts délivraient des récompenses honorifiques à l’occasion des expositions régionales [32].

10 La formule du concours s’était donc progressivement imposée, à l’âge de l’individualisme bourgeois, comme un mode efficace de détection des compétences et de promotion des talents. Mais elle était également destinée à instaurer cet esprit d’émulation dans lequel on aimait voir un puissant moteur du progrès. Après 1830, des notables agromanes se mirent par exemple à attribuer des primes aux agriculteurs méritants [33]. Il n’était d’ailleurs pas rare qu’un concours d’histoire trouvât son origine dans l’extension, au domaine de la recherche, d’un concours initialement destiné aux laboureurs ou aux fermiers [34].

DOCUMENT 1

Les concours d’histoire de onze sociétés d’émulation. Évolution annuelle du nombre de concurrents

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Les concours d’histoire de onze sociétés d’émulation. Évolution annuelle du nombre de concurrents

11 Les concours d’histoire organisés par des sociétés provinciales, dont certains dataient pourtant du règne de Louis XVIII [35], ne commencèrent à attirer régulièrement des concurrents qu’à la fin des années 1840 (voir document 1). Le nombre annuel moyen de lauréats augmenta progressivement dans la seconde moitié du siècle [36]. Dans les premières années du XXe siècle, on pouvait déjà observer des signes d’essoufflement. Mais c’est avec le premier conflit mondial qu’allait s’achever l’histoire du concours académique. Si les sociétés savantes continuèrent, après l’Armistice, de mettre en jeu des médailles, le public ne répondait plus à l’appel.

« Stimuler » l’émulation

12 C’est donc d’abord à Paris que la tradition des joutes académiques s’est reconstituée. La province ne fit qu’emboîter le pas. Cependant les motivations des érudits qui animaient la vie intellectuelle locale n’étaient pas absolument identiques à celles des éminents savants de l’Institut. Les notabilités provinciales entendaient faire du concours l’instrument d’un projet spécifique, dont les rapports produits à l’occasion des remises de prix dévoilent les différentes facettes.

13 L’objectif premier des organisateurs était de développer, dans leur environnement proche, un esprit d’émulation propre à réveiller une province jugée trop léthargique. C’est le but que ne cessa de poursuivre la Société d’émulation des Vosges, née en 1825 de la fusion d’une commission d’agriculture et d’une commission des antiquités. Les fondateurs de ce cercle affirmaient vouloir encourager le goût des études, l’amour du progrès matériel et moral, et contribuer à l’amélioration de l’agriculture comme des arts mécaniques. L’émulation, « le plus puissant de tous les mobiles » [37], était le moyen grâce auquel pourrait être accompli cet ambitieux programme. Il s’agissait par conséquent, pour les membres de la compagnie, de répandre autour d’eux ce « sentiment fécond en prodiges » – autour d’eux, c’est-à-dire parmi les hommes « d’études et de progrès » établis dans le département des Vosges [38], mais davantage encore dans les strates inférieures de la société [39]. Cette volonté de démocratiser l’esprit d’émulation, bien loin de constituer une spécificité vosgienne, était largement répandue dans la bourgeoisie des sociétés savantes. Les concours d’histoire locale, que les notables qui les avaient institués avaient d’abord conçus pour leurs semblables, furent, au cours du siècle, davantage destinés à ceux qu’un membre de la Société académique de Saint-Quentin désignait en 1879 comme des « hommes modestes » [40]. Il entendait par là les représentants de la petite bourgeoisie instruite, et plus particulièrement – on y reviendra – les maîtres d’école. On insistait beaucoup sur la nécessité de faire pénétrer l’esprit d’émulation, et avec lui l’amour des sciences, dans les profondeurs de la société [41]. Olivier Ihl souligne la dimension disciplinaire de l’émulation prémiale. Elle est évidente dans le cas particulier des concours de vertu, qui distinguaient les ouvriers méritants, dont on se doute bien qu’ils n’étaient pas sélectionnés parmi ceux qu’on savait portés à la contestation [42]. Mais, hormis ce cas particulier, il fallait des circonstances exceptionnelles pour que l’émulation soit explicitement désignée comme un instrument au service de la conservation sociale. En 1848, l’auteur du rapport sur l’attribution des primes par la Société d’émulation des Vosges opposait l’Émulation, facteur de progrès dont il énumérait les prodiges, aux « déplorables utopies que les ennemis de la patrie ou que quelques cerveaux malades ont osé produire et qui, en détruisant infailliblement toutes les nobles et grandes choses qu’enfante l’Émulation, eussent été la dégradation et la misère pour tous » [43].

14 L’organisation d’un concours consistait à établir les conditions d’une joute équitable entre amateurs de recherche historique. Le règlement édicté à cette occasion était supposé instaurer un régime de stricte égalité entre les concurrents, dont le nom ne devait être dévoilé qu’après l’énoncé du verdict. Par ailleurs la polémique, l’aigreur, la rancune, le ressentiment, étaient bannis de l’éphémère « arène scientifique » [44] qu’avait instituée la mise en jeu de médailles. L’émulation était fréquemment définie comme une lutte courtoise [45]. Cette obstination à vouloir rappeler le nécessaire respect des règles de la bienséance trahissait peut-être une inquiétude : celle de voir la discorde s’installer au sein d’une institution où se côtoyaient des notables entre lesquels les motifs de division (la politique [46], la religion) ne manquaient pas. La sociabilité savante joua un rôle essentiel dans la formation d’une classe bourgeoise dont l’unité reposait sur un socle de valeurs communes que les cercles d’étude célébraient à l’envi. La bourgeoisie, par ailleurs, redoutait les conséquences sociales et morales du triomphe de l’individualisme et de la libre concurrence dans la France postrévolutionnaire. L’émulation était désignée comme un antidote à cette atomisation sociale. Elle convertissait l’intérêt égoïste en sociabilité [47], fabriquait du lien sur la base d’une relation de concurrence entre individus égaux. S’adressant aux membres de l’Académie de Metz, le secrétaire de cette compagnie affirmait par exemple qu’« une généreuse rivalité d’efforts sur des terrains différents ne fait que cimenter en vous cette estime mutuelle et cette entente cordiale qui contribuent tant au bonheur des hommes » [48].

La fabrique de l’estime

15 C’est donc pour « réveiller, développer, diriger l’esprit d’émulation » [49], « stimuler l’émulation des travailleurs » [50], pour « multiplier autour d’elles les causes d’émulation » [51], que les sociétés savantes organisaient des concours. Dans une allocution prononcée en 1836, M. Parisot, secrétaire perpétuel de la Société d’émulation des Vosges, expliquait ce qui, à ses yeux, conférait aux récompenses honorifiques leur pouvoir incitatif : « Les médailles que nous accordons ont peu de valeur en elles-mêmes sans doute, mais elles en acquièrent une grande par leur objet, par leur publicité, par l’appareil de leur distribution, par la main qui les distribue, et surtout par vos suffrages, Messieurs » [52].

16 Les prix, dont certains portaient le nom de leur fondateur, consistaient en l’attribution de médailles d’or, de vermeil, d’argent ou de bronze. L’auteur d’un travail jugé médiocre obtenait une simple mention honorable [53]. La valeur d’une médaille d’or atteignait en général 200 ou 300 francs – une somme appréciable pour un instituteur dont le traitement s’échelonnait, à la fin du siècle, entre 800 et 2000 francs par an. Il n’en reste pas moins que la récompense était d’abord symbolique. Et ce qui donnait tout son prix à ce type de distinction, c’était le prestige de l’institution qui, chaque année, décidait de son attribution. Les sociétaires étaient des notables, aisés, instruits et disposant de loisirs. La proportion de nobles parmi les membres titulaires des sociétés d’antiquaires, très variable d’une compagnie à l’autre, pouvait dépasser 30 % sous les monarchies censitaires. Elle diminua nettement par la suite, sous l’effet de la montée en puissance des professions libérales et des enseignants [54]. Les procédures d’admission dans ces cercles (parrainage, élection, versement d’une cotisation, etc.) suffisaient à décourager les candidats appartenant aux classes laborieuses ou aux strates inférieures de la bourgeoisie.

17 Par ailleurs la remise des médailles s’insérait dans un cérémonial qui, en raison de son apparat, de la qualité des participants, mais aussi de la publicité donnée à l’événement, conférait à la récompense une grande partie de sa valeur. Le nom des vainqueurs était révélé lors de la séance annuelle de clôture, en présence des autorités municipales, du préfet, du recteur, de l’inspecteur d’académie [55]. Le 24 novembre 1872, par exemple, la Société d’émulation de Cambrai organisait dans les locaux du Musée communal la cérémonie de remise des distinctions aux lauréats de ses concours [56]. L’assistance était nombreuse. Le maire, à qui avait été confiée la présidence d’honneur, se tenait sur l’estrade réservée, entouré des dignitaires de la société, des officiers de la garnison, du sous-intendant militaire, de plusieurs notables enfin. Après chaque discours, l’orchestre municipal exécutait quelques morceaux. Enfin les lauréats furent invités à recevoir leur récompense. Le prix d’histoire fut attribué à l’instituteur de Beauvois, auteur d’une Notice historique sur cette localité de 2000 habitants.

18 En 1872, le président en exercice de la Société archéologique du Midi affirmait que les concours académiques « fournissent l’occasion et le moyen [aux hommes d’intelligence et d’étude] […] d’acquérir et d’étendre leur influence et de satisfaire l’ambition légitime et si naturelle à tout cœur généreux, de rendre de plus grands services à ceux qui vivent sous le ciel qui les fit naître » [57]. Un membre de la même compagnie, constatant en 1897 que le jury qu’il présidait n’avait eu à examiner que quatre manuscrits, s’adressait aux amateurs d’histoire pour leur rappeler « qu’une réputation a parfois pour point de départ une récompense décernée par une société savante » [58]. Cette « réputation » à laquelle songeait l’auteur n’était pas exclusivement intellectuelle. La notoriété du lauréat s’étendait bien au-delà du cercle étroit des érudits locaux. Les prix décernés par les académies avaient une valeur sociale. Il faut rappeler ici le rôle de la sociabilité savante dans la formation des élites locales [59]. Les académies accueillaient en leur sein des représentants de la bonne société, qui pouvaient rendre manifeste, par toute la panoplie de leurs activités, leur dévouement au bien public. En 1855, le secrétaire perpétuel de la Société d’émulation des Vosges, dans un long exposé sur l’utilité des associations savantes, soutenait que « l’estime publique s’attache au citoyen dévoué dont les lumières, les connaissances acquises, l’expérience consommée sont constamment au service de la communauté » [60]. D’autre part ces sociétés – et en particulier celles qui, dans les limites d’un département, d’une ancienne province, ou encore à l’échelle d’une métropole [61], s’intéressaient à l’histoire, à l’archéologie, à l’étude des traditions populaires – se préoccupaient de la sauvegarde du patrimoine architectural et apportaient une contribution décisive à la fabrication des identités locales. Celles-ci n’étaient que très partiellement le produit de l’histoire ou de l’organisation spatiale. Elles furent façonnées par des discours sur les lieux et par des activités de promotion patrimoniale qui ne répondaient à aucune autre nécessité que celle de servir les intérêts des hommes qui associaient leur nom à cette entreprise de célébration des particularismes locaux, des appartenances territoriales et de l’enracinement.

19 Les concours académiques participaient de cette logique de fabrication de la notabilité. Mais s’ils engendraient des profits symboliques, une part du bénéfice était affectée aux jurés qui s’étaient constitués eux-mêmes en arbitres de l’excellence scientifique. Instituer un jury, c’était déjà désigner ceux qui auraient l’honneur d’y siéger comme des hommes éminents. Un archiviste l’affirmait sans façon :

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« Chaque année, la Société académique fait appel aux hommes d’étude, les invite à creuser de nouveaux sillons dans le champ de la science, et toujours sa voix a le privilège d’être entendue. Quelle que soit la notoriété des auteurs qui veulent bien lui faire hommage de leurs productions en sollicitant son jugement, elle se sent toujours très honorée de leur déférence. Ériger une compagnie en tribunal, lui soumettre ses œuvres et lui dire jugez, c’est lui décerner un témoignage de haute estime » [62].

21 Certains sociétaires – il s’agissait souvent de membres fondateurs d’une académie – léguaient une substantielle somme d’argent destinée à financer un prix annuel qui porterait leur nom, et en perpétuerait le souvenir [63]. Mais ce capital d’honorabilité que les érudits des sociétés savantes avaient patiemment accumulé n’était pas destiné à être thésaurisé. Les établis de la science locale entendaient en faire bénéficier tous ceux qui partageaient leur goût pour les études et acceptaient d’y consacrer leurs loisirs. Le concours académique, parce qu’il offrait une opportunité aux amateurs d’histoire d’entrer dans le champ de gravitation de la sociabilité savante sans toutefois accéder aux positions dominantes – a fortiori lorsqu’ils étaient de condition modeste – était l’occasion de ce transfert purement symbolique de notoriété. Ou plutôt faudrait-il parler de transaction, puisque la valeur attribuée aux récompenses que décernaient les sociétés d’émulation était étroitement dépendante de l’estime que le public voulait bien accorder à ces institutions.

LE LOCAL COMME ARGUMENT ET COMME HORIZON

22 Chaque concours donnait lieu à la rédaction d’un programme où était énuméré un ensemble de thèmes à étudier. Ces indications étaient en général peu contraignantes [64]. Les mémoires, anonymes et inédits, pouvaient porter sur un personnage, une institution, une localité, un édifice, un événement… La seule condition imposée aux compétiteurs était de traiter un sujet en rapport avec l’histoire du département ou du groupe de départements dans les limites duquel la société organisatrice exerçait ses activités. Cette règle ne souffrait aucune exception. L’histoire des concours académique était exclusivement locale.

Une infériorité revendiquée

23 Si l’homme des sociétés savantes ne contestait jamais cette spécialisation de la science provinciale dans les études locales, c’est d’abord parce qu’il définissait ses activités, ses méthodes de travail, ses thèmes de recherche, et jusqu’à son existence, dans une confrontation permanente avec la « grande histoire » qu’il associait au foyer intellectuel parisien et à ses prestigieuses institutions. L’érudition locale ne cessa, tout au long du XIXe siècle, de forger son identité dans l’affirmation d’une infériorité totalement assumée – voire revendiquée – à l’égard de la haute science qui se pratiquait dans la capitale. À aucun moment il n’était question de concurrencer les auteurs parisiens. On reconnaissait la supériorité des « historiens de race » [65] sur les érudits locaux dont les travaux « ne demandent ni génie, ni inspiration », et « réclament seulement une grande patience, une instruction solide, un sens critique développé, toutes qualités qui peuvent s’acquérir par le travail » [66]. Ainsi les jurys de concours, dans leurs commentaires sur les épreuves de l’année, dont la fonction était aussi de circonscrire le territoire de l’histoire locale, ne cessaient-ils d’opposer la science parisienne à la science provinciale. À chacun de ces deux pôles du champ des études historiques était associé un ensemble de notions qu’on a portées sur un tableau (voir document 2).

24 Les membres de la Société d’émulation des Vosges, par exemple, ne manquaient jamais une occasion de se démarquer du « monde des académies » et de ses ambitions intellectuelles. En 1838, l’avocat Maud’heux opposait les érudits enfermés dans l’« horizon borné du département » aux académiciens, « hommes distingués par une réputation européenne, par l’étendue et la profondeur de leurs connaissances, qui se livrent avec succès aux plus hautes spéculations de la science » [67].

DOCUMENT 2

Paris, Province : relevé de notions dans les rapports de jurys de concours

Paris Province
Institut (plus tard Université)
Haute science
Sociétés d’émulation
Érudition locale
Science spéculative Science utile
L’abstrait Le concret
Histoire générale Histoire locale
Le général Le particulier
La vie publique L’intime
Le savant Le travailleur
Synthèse Collecte du « matériau »
Ambition intellectuelle Modestie
Grand homme Gloire locale
Le grandiose/le tragique Le familier / le familial
figure im2

Paris, Province : relevé de notions dans les rapports de jurys de concours

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« Tandis que d’autres » expliquait deux ans plus tard le vice-président de la même compagnie, « sur un théâtre plus élevé, riches d’études spéciales, à qui nul secours ne manque, peuvent consacrer tout leur temps, toutes leurs méditations aux progrès de la science, nous, dans les découvertes, fruits de leurs travaux et de leur génie, nous recherchons les résultats dont l’incontestable utilité peut devenir profitable à notre département » [68].

26 Les mêmes thèmes étaient repris d’année en année. En 1855, le docteur Haxo constatait encore, mais sans s’en offusquer, qu’un « abîme » séparait l’Institut, « ce corps illustre qui est la couronne scientifique de la France, pour ne pas dire du monde entier », des cercles d’études qui proliféraient loin de la capitale : « Au point de vue de la valeur des hommes et de l’étendue des connaissances », ajoutait-il, « les sociétés de province marchent à une immense distance de celles qui font l’honneur et la gloire de Paris » [69].

Collecteurs et compilateurs

27 Dès lors qu’était adoptée une posture si modeste, comment justifier l’utilité de cette science provinciale en quelque sorte subalterne ? Plusieurs arguments étaient mis en avant. On insistait d’abord sur la position médiane que les sociétés d’émulation occupaient entre « deux pôles de civilisation » ; les « sommités intellectuelles et scientifiques » d’une part, les « intelligences peu cultivées, peu avancées » d’autre part [70]. Les érudits locaux formaient un maillon essentiel d’une grande « chaîne intellectuelle » [71]. Et si l’idée n’était que suggérée, il ne fait guère de doute que ce rôle de corps intermédiaire [72] que les notables des sociétés savantes s’attribuaient dans le domaine de la culture, ils le revendiquaient également, pour la bourgeoisie locale dont ils étaient les porte-parole, sur le plan plus général de l’organisation sociale [73].

28 Mais les études locales trouvaient leur justification principale dans la nécessité d’un partage du travail intellectuel. « Nos modestes récompenses n’ont pas la prétention de susciter des Michelets, des Duruys, des Rambauds : notre but est d’encourager les travailleurs qui mettent au jour les documents, les faits qui seront mis en œuvre par nos historiens » [74]. La science parisienne, spéculative et généralisante, exigeait des compétences qui la mettaient hors de portée des simples amateurs. Elle n’en était pas moins dépendante du travail de collecte de l’information brute auquel était affectée l’érudition provinciale.

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« L’histoire générale » – affirmait encore un pasteur nîmois – « n’est désormais possible qu’au moyen de l’histoire locale préalablement dressée. Il faut, avant tout, extraire et réunir les matériaux. Plus tard un grand artiste viendra qui les mettra en œuvre et en construira un majestueux édifice. Mais l’édifice, à moins d’être fantastique, a besoin de pierres pour s’élever ; et ces pierres, c’est nous qui, de nos provinces, les apporterons péniblement : à d’autres la gloire, à nous le labeur » [75].

30 Cette représentation de l’historien local en travailleur offrant à des mains plus habiles la matière première qu’il aurait patiemment amassée n’avait rien d’original. Sous une forme ou une autre, elle était reprise partout.

31 L’importance que les contemporains accordaient aux sources authentiques n’était pas étrangère à cette conception de l’organisation du travail historique [76]. Les provinciaux, parce qu’ils avaient directement accès aux masses documentaires conservées loin de Paris, étaient tout désignés pour procéder à la collecte des données brutes. Les jurys des concours exigeaient d’ailleurs des candidats qu’ils exploitent des archives manuscrites, qu’ils interrogent les traditions locales, qu’ils livrent en tout cas des informations inédites. Mais ce projet d’élaboration d’une histoire de France par accumulation de données périphériques qu’on aurait fait converger vers Paris était sous-tendu par une conception de la nation où le local était désigné comme le socle de l’édifice façonné par les siècles. Une variante organiciste du même topos assimilait les entités locales (communes, pays, provinces) aux cellules élémentaires du grand corps national [77].

32 Pareille représentation du national, qui, sous la IIIe République, devait devenir un paramètre essentiel du discours sur la patrie [78], justifiait un programme d’écriture de l’histoire de France consistant à multiplier les monographies locales en amont du travail de synthèse. Puisque l’unité et la cohésion de la nation résidaient dans l’emboîtement de ses composantes locales, étudier l’histoire d’une province ou de ses subdivisions, c’était contribuer à la connaissance de l’histoire de France – mais indirectement, et de manière partielle. Le travail de l’érudit local ne prendrait toute sa valeur qu’exploité par le savant véritable. Les concurrents ne devaient jamais oublier de rester des historiens du local.

À la recherche du local

33 Il fallait donc leur rappeler en quoi consistait cette France locale à laquelle ils étaient invités à consacrer leurs travaux [79]. La réponse était donnée, mais incidemment, dans des considérations méthodologiques sur l’histoire locale. Celle-ci était en premier lieu définie comme une science du concret [80]. De l’érudit, on attendait non qu’il bâtisse des théories, mais qu’il s’immerge dans les archives pour en extraire des faits et « recueillir par le détail ce qui constitue la grande légende humaine » [81]. Ainsi un universitaire distinguait-il le

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« théoricien qui dégage des faits les lois qui les régissent et les expliquent » de l’« érudit patient, qui se cantonne dans un petit coin de passé et qui en rapporte, non de pittoresques tableaux, non de vastes généralisations, mais des faits minutieusement observés, étudiés, contrôlés, et qui demeurent acquis » [82].

35 Les sociétés savantes ne cessaient d’opposer l’histoire nationale, qu’elles associaient à la pensée abstraite et aux généralisations, à l’érudition provinciale, affectée à l’étude du particulier, du réel, du concret, du « vrai » [83], de la « vraie physionomie des temps, des hommes et des choses » [84].

36 Plus fréquemment encore la France locale était désignée comme un espace intime. Si la grande histoire devait privilégier l’étude des guerres, de la politique nationale, de la vie publique, l’histoire locale était censée s’attacher à « la vie intime du peuple » [85], au « côté intime des choses », aux « petites misères des grands et [aux] grandes misères des petits » [86]. Le discours sur le local était saturé de références au quotidien, au privé, au familier, et davantage encore au familial, que l’on opposait au grandiose et au tragique. L’histoire locale « nous fait pour ainsi dire asseoir au foyer de nos ancêtres et converser avec eux » [87], affirmait un auteur. Quand on fait de l’histoire locale, écrivait un avocat d’Épinal, « on se retrouve parmi les siens » [88]. Les vieux parchemins, ajoutait-il, sont des « papiers de famille ». Un médecin nantais qualifiait les sources locales de « sources intimes » [89]. L’histoire locale était encore comparée à une causerie au coin du feu [90]. Elle était supposée fortifier le sentiment de piété filiale [91]. La ferveur localiste des érudits provinciaux n’était rien d’autre qu’une variante spatiale du culte alors triomphant des valeurs familiales.

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« Pour bien aimer son pays », écrivait un érudit champenois, « il faut commencer par aimer la maison, le champ qui ont été témoins des jeux de notre enfance. […] De même, en aimant la France, il faut aimer les provinces qui nous rappellent nos traditions de famille, nos premières joies et nos premières douleurs. Le patriotisme n’est pas une abstraction, c’est un enchaînement de souvenirs. Laissons dire les railleurs qui se moquent du patriotisme de clocher » [92].

38 Mais ceux qui s’efforçaient de préciser les contours de cette histoire programmatique de l’intime se contentaient souvent d’énumérer un ensemble de thèmes dont la cohérence n’avait rien d’évident. On évoquait l’étude de la propriété privée, du communal, du régime fiscal, de la vie paroissiale, du « labeur modeste de l’existence quotidienne », des travaux des champs, des institutions privées, de l’organisation sociale, de la propriété [93]. Autant de domaines qu’en réalité les concurrents ignoraient à peu près totalement.

L’engendrement intellectuel de la province

39 En organisant des concours portant sur des questions d’histoire locale, les sociétés d’émulation entendaient poursuivre l’entreprise d’exploration de la France provinciale engagée depuis le XVIIIe siècle. Elles rappelaient sans cesse leur refus de laisser les particularismes locaux dépérir sous l’effet de cette « uniformisation » tant redoutée [94]. Il fallait sauvegarder ce qui pouvait encore l’être d’un patrimoine régional sur le point de disparaître [95] et doter chaque portion du territoire national de son histoire particulière [96]. Mais si la science historique avait la faculté d’entraver le processus de dilution des identités territoriales, ce n’est pas seulement parce qu’elle portait au jour, et à la conscience collective, ce en quoi consistaient ces identités, d’où elles provenaient, ce qui les fondait. Le chercheur nouait avec son objet une relation d’ordre affectif [97]. Le sentiment d’appartenance à la petite patrie trouvait à s’alimenter dans l’acte même de connaissance. Enfin la fonction du concours académique était d’animer une vie intellectuelle locale dont on ne cessait de déplorer la « léthargie » [98]. La bourgeoisie des cercles savants – une bourgeoisie du diplôme, très portée à dénoncer les ravages de l’esprit matérialiste [99] – aurait voulu redonner un peu de consistance à cette province anémiée en y développant des activités culturelles [100]. Les sociétés d’émulation auraient été le foyer de cette renaissance provinciale. Ce projet, en apparence généreux, était tout sauf désintéressé. Il s’agissait, pour une classe de notables de médiocre envergure, très consciente de ce qu’elle n’avait pas les moyens de contester l’hégémonie d’une capitale où se trouvait concentré tout ce qui pouvait compter, en France, sur le plan culturel, de créer dans son environnement immédiat une scène intellectuelle sur laquelle elle pourrait s’illustrer. La sociabilité savante fut, pour la bourgeoisie des préfectures et des sous-préfectures, aux effectifs en forte croissance, mais invisible au plan national, le moyen d’une stratégie d’affirmation de soi [101].

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« Grâce à vos travaux », déclarait en 1899 un érudit toulousain, « la province n’est pas aussi déshéritée qu’on le prétend à Paris : dans notre sphère plus étroite, des hommes ont aussi bien mérité de notre reconnaissance que les savants qui traitent de la grande histoire ont droit à la gratitude de la grande patrie » [102].

UNE ÉCOLE DE VERTU

Le consciencieux et la bonne volonté

41 Les rapports qu’étaient chargés de lire, à l’heure de la remise des prix, ceux à qui l’on avait accordé l’honneur de présider la commission compétente, mettaient en évidence la triple visée scientifique, civique et éthique des concours d’histoire. S’il va de soi que l’on attendait des candidats qu’ils contribuent, par leurs travaux, à approfondir la connaissance du passé local, les concours, qu’arbitraient des chercheurs confirmés, avaient aussi une fonction pédagogique. Il s’agissait de familiariser des cohortes d’amateurs avec les règles de la bonne méthode historique, cette « saine critique » dont les sociétaires se voulaient les apôtres et dont ils rappelaient sans cesse les grands principes : s’appuyer sur des documents originaux, indiquer ses sources, faire preuve d’impartialité… Mais c’est surtout le délicat problème de la délimitation du périmètre de l’histoire locale qui préoccupait les jurés. Les candidats ne pouvaient s’aventurer sur le terrain de l’histoire dite « générale » sans prendre le risque d’être rappelés à l’ordre [103]. La réprimande était d’autant plus brutale qu’il s’agissait de modestes historiens de village. C’est pourquoi les examinateurs se livraient à une traque du « hors-d’œuvre », expression désignant des développements sans rapport avec l’histoire locale. Ce que l’on exigeait des concurrents, c’était qu’ils fournissent des détails relatifs à l’histoire d’une subdivision territoriale ou d’une localité spécifique. Mais il se pouvait aussi qu’on leur reproche, au contraire, un excès de détails. Le dosage était fort subtil, et la recette jamais révélée [104].

42 En 1878, le rapporteur de la commission des prix de la Société d’émulation du département des Vosges concluait en ces termes son compte rendu d’une histoire manuscrite de Mirecourt :

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« Si vous voulez récompenser la patience et l’effort dans les recherches, l’étude et l’analyse [des documents] ; l’exactitude dans le dépouillement de ces pièces et dans les citations ; le culte des souvenirs du pays natal ou l’attachement à la patrie, en un mot la conscience et le patriotisme ou le civisme chez l’écrivain, vous honorerez l’auteur de la Notice historique et biographique sur Mirecourt par une de vos plus belles récompenses » [105].

44 Comme on peut le constater, l’accumulation des données et le perfectionnement des méthodes ne constituaient pas l’enjeu principal des concours. Il s’agissait aussi de rendre hommage aux vertus civiques qui, croyait-on, inspiraient les historiens locaux, ces « modestes ouvriers de la science, qui ne font pas de bruit et ne se mettent pas en grève » [106]. L’amour du pays natal, le dévouement patriotique, étaient des qualités essentielles qui valaient bien une médaille. « On sent que l’effort a été constant et que l’amour du pays a toujours soutenu l’écrivain » [107], expliquait un examinateur à propos d’un mémoire par ailleurs très médiocre.

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« Si le bien a besoin d’encouragements », affirmait un académicien rémois, « il en rencontrera parfois dans les récompenses de notre commission d’histoire. N’est-ce pas une vertu, en effet, que cet amour du sol natal, cette touchante forme de patriotisme qui trouve dans les travaux d’histoire locale l’une de ses meilleures et de ses parfaites expressions ? » [108]

46 Après 1870, l’histoire locale ne fut plus seulement désignée comme une manifestation de ferveur patriotique : elle faisait figure de contribution à l’œuvre de redressement national [109]. Ceci explique en partie la vogue des concours d’histoire, dans les décennies qui précédèrent la Grande guerre, auprès d’une bourgeoisie du diplôme aux effectifs toujours plus nombreux [110].

47 Les historiens locaux affichaient de leur côté un profond sentiment d’attachement à leur patrie, petite ou grande. C’est ce que révèle l’analyse des épigraphes dont les auteurs devaient orner leur manuscrit afin d’en préserver l’anonymat (voir document 3). 107 nous sont parvenues. Plus d’un tiers (36,4 %) faisaient référence à la patrie ; 6,5 % associaient le travail historique à la quête de la vérité, et désignaient l’impartialité comme l’une des principales qualités du chercheur ; 8,4 % en appelaient à la vénération du passé, au respect des traditions, au culte des ancêtres ; 13 % enfin faisaient l’apologie du travail.

48 En fait, davantage encore que les motivations patriotiques des concurrents, les sociétés d’émulation récompensaient les dispositions morales qu’ils avaient investies dans leurs travaux. Les choses pouvaient être dites sans détour : « Notre concours […] est une invite au travail opiniâtre, à des efforts soutenus, à une bonne volonté persévérante » [111] ; « Ce que nous voulons encourager, ce n’est pas seulement le mérite réel et reconnu ou le talent qui s’impose, c’est aussi le simple courage au travail, l’effort tenté, l’essai enfin, même le plus modeste, surtout le plus modeste » [112]. C’est pourquoi la Société d’émulation des Vosges s’adressait d’abord à « ceux qui n’ont à […] offrir que leur bonne volonté » [113]. Les concurrents n’étaient en effet pour la plupart que de très médiocres historiens. Ce n’était donc pas le talent qu’on pouvait distinguer chez eux, mais plutôt le désir de bien faire, peu importaient les résultats. En 1893, l’Académie de Reims constatait que les auteurs de monographies communales manquaient de culture classique, maîtrisaient à peine les bases de la science paléographique, ignoraient jusqu’aux « principes de critique, des saines méthodes et de ces connaissances étendues et variées qu’exige aujourd’hui l’étude de l’histoire ». Cependant, ajoutait-on, l’Académie aurait grand tort de décourager, par une sévérité excessive, ces

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« modestes chercheurs […] qui ont le mérite d’une excellente action, quand même le succès ne répondrait pas à leurs efforts […]. Elle leur décerne donc des médailles, de vrais prix d’encouragement qui s’adressent moins aux résultats acquis qu’à la somme de travail dépensée pour les atteindre » [114].

50 Les rapports de concours ne cessaient de vanter les « louables efforts », les « efforts sérieux », les « efforts considérables » qu’avait pu coûter la réalisation d’une monographie [115]. On appréciait par-dessus tout les ouvrages qui étaient l’aboutissement d’un travail de longue haleine, révélaient un tempérament porté au sacrifice de soi. Et l’on félicitait le lauréat pour sa persévérance, sa patience, son labeur assidu [116]. Il n’était pas rare qu’on attribue une médaille d’encouragement à l’auteur d’un manuscrit totalement dépourvu d’intérêt, au seul motif qu’il avait nécessité de longues heures de travail : « Les efforts que révèle ce travail donnent droit à une récompense » [117]. À la limite, c’est le goût de l’effort que l’on distinguait : « Cet envoi ne mérite pas les honneurs de l’impression dans nos Mémoires, mais il dénote l’amour du travail et la passion des recherches d’histoire locale, il faut encourager son auteur en lui décernant une mention honorable, mais rien de plus » [118]. En 1903, un membre de l’Académie d’Arras décelait, dans un Essai historique sur la commune de Boisleux-Saint-Marc, « le goût du travail, le sacrifice d’un plaisir facile et fugitif aux joies austères d’un labeur long et pénible » [119].

51 Le « consciencieux », la « bonne volonté », le « bon vouloir » étaient les qualités principales de l’historien local, que l’on ne cessait de mettre en garde contre tout excès de prétention intellectuelle. Ces notions désignaient une disposition à imiter les sommités scientifiques, sans jamais caresser l’espoir de les égaler. Le bon concurrent était celui qui savait se tenir dans ce juste milieu intellectuel. C’est sur ce critère qu’étaient évaluées les qualités formelles des mémoires (organisation des chapitres, style). On appréciait la réserve, la modération, la sobriété, le tact, la mesure, le « style sobre et sévère qui convient au genre » [120]. Et l’on stigmatisait l’emphase, l’enflure, le style déclamatoire, le lyrisme, la prétention à l’effet ; ou, à l’inverse, les « libertés de langage » [121], le laisser-aller, le sans-gêne, le négligé, le ton goguenard, badin ou, pire, vulgaire.

Figures de l’amateur d’histoire

52 Les rapports de concours, où jamais un compliment n’était accordé sans que soit également délivré quelque conseil, où les critiques, parfois rudes, étaient toujours atténuées par des encouragements à mieux faire, donnaient aux séances de distribution des prix des allures de remise des copies. « L’auteur est réellement en progrès », notait un académicien rémois à propos de M. Thénault, instituteur en retraite qui consacrait ses loisirs à réaliser des monographies de village. La commission, était-il précisé, avait particulièrement apprécié « la docilité avec laquelle il met à profit chaque année les observations et les critiques de nos rapporteurs ». Et elle proposait de récompenser par une médaille d’argent la « louable persévérance » de cet humble chercheur [122]. Les sociétaires, ou leurs représentants au sein des commissions spéciales, n’entendaient pas se contenter de jouer les arbitres. Le concours instituait, entre les organisateurs et les concurrents, une relation asymétrique analogue à celle qui liait le maître à ses élèves. On a là une autre manifestation de l’emprise que la culture scolaire pouvait exercer sur la sociabilité savante. Cependant on ne peut expliquer pourquoi les jurys se sentaient autorisés à adopter ce ton presque dédaigneux lorsqu’ils s’adressaient aux compétiteurs sans avoir au préalable étudié l’origine sociale des concurrents. Et l’on commencera par observer que cette intonation scolaire du concours académique, peu sensible au début du XIXe siècle, était bien plus marquée sous la IIIe République. Avant les années 1870 les rapporteurs n’adoptaient pas spontanément cette posture qui devint la norme par la suite. Entre ces deux moments, le recrutement des concurrents s’était considérablement démocratisé.

53 Nous sommes renseignés sur l’identité de 615 lauréats parmi le gros millier de ceux qui figurent dans notre échantillon. On notera tout d’abord que les concurrents, dans leur immense majorité, étaient des hommes. Le contraire eût été surprenant : les femmes n’étaient pas admises, en tout cas pas en qualité de membres, dans les sociétés d’émulation. L’essor de cette forme de loisir joua précisément un rôle déterminant dans la différenciation des sphères d’activités féminine et masculine. Aussi aimerait-on en savoir davantage sur les motivations des dix-sept femmes [123] qui osèrent transgresser les usages et se mesurer à des hommes. Au moins trois d’entre elles étaient par ailleurs poétesses : c’est peut-être parce qu’elles bénéficiaient d’une certaine reconnaissance dans un domaine que les représentations dominantes associaient moins exclusivement aux seuls hommes, qu’elles se risquèrent à sauter le pas. Deux lauréates étaient institutrices – une profession, on y viendra, très bien représentée dans le champ des études locales. Enfin deux auteures, dont une « paysanne », furent récompensées par l’Académie de Metz pour une chronique de leur village pendant la Grande guerre.

54 Si l’on considère à présent la profession des lauréats (voir document 4), il apparaît que plus des trois-quarts (80,3 %) se répartissaient entre trois grandes catégories qui fournissaient à l’érudition l’essentiel de ses bataillons : enseignement : 27,7 % ; clergé (presque exclusivement séculier) : 31 % ; bourgeoisie capacitaire (professions juridiques ou de santé, architectes, bibliothécaires) : 21,6 %. Parmi les 20 % restant, on trouve notamment : 7,1 % de fonctionnaires ou employés, 3,4 % d’hommes identifiés par un titre de noblesse, 1,6 % de maires ou conseillers municipaux (dont on ignore s’ils exerçaient par ailleurs une profession), 1,5 % de militaires.

55 Certaines caractéristiques de l’érudition postrévolutionnaire s’observent donc dans la sous-catégorie des lauréats de concours d’histoire. On sait en effet que les sociétés savantes étaient dirigées, pour l’essentiel, par des membres de la bourgeoisie du diplôme [124]. Le clergé y était également très actif. La bourgeoisie économique, en revanche, ne s’impliquait guère que dans les sociétés spécialisées dans les questions techniques. Les petites bourgeoisies anciennes ou nouvelles (artisans, commerçants, employés de bureau, fonctionnaires subalternes) se tenaient à l’écart de ce type d’activité, de même que les classes laborieuses. La prise de possession par la bourgeoisie à capital intellectuel de l’univers des sociétés savantes, longtemps dominé par le patriciat urbain, explique en grande partie le renouveau de cette sociabilité studieuse dans la France du XIXe siècle.

56 La proportion de lauréats issus de l’une des trois catégories dominantes a légèrement augmenté au cours du siècle (on passe de 74,1 % à 82 %). Mais cette stabilité relative masque un rééquilibrage interne. La part des diplômés du supérieur, en effet, ne cessa de décliner, passant de 33,5 % du total des lauréats entre 1850-1869 à 10 % en 1910-1939. La proportion d’ecclésiastiques se maintint quant à elle autour de 30 %. Elle augmenta même légèrement au début du XXe siècle, pour atteindre 39,5 % après 1910. Quant aux enseignants, très minoritaires au milieu du siècle (13,6 % entre 1850 et 1869), ils totalisaient en 1890-1909 37 % des lauréats (on put observer par la suite un léger tassement, sans doute peu significatif).

57 Toutefois la catégorie « enseignants » présente l’inconvénient d’associer sous une même étiquette trompeuse des professeurs du secondaire ou du supérieur, dont l’appartenance à la bonne bourgeoisie ne saurait être discutée, à des instituteurs, c’est-à-dire des petits notables de village (la plupart exerçaient leur métier en milieu rural) d’origine populaire. On propose donc de créer pour ces 21,5 % d’instituteurs médaillés une classe particulière dans laquelle figureraient également les 20,3 % de membres du clergé paroissial. Ces deux figures centrales de la société villageoise du XIXe siècle étaient en effet sociologiquement très proches. Dans leur immense majorité d’origine populaire – et souvent paysanne – les prêtres et les instituteurs avaient fait l’expérience de la promotion sociale par l’instruction. Ils souffraient d’un même positionnement ambigu, et très inconfortable, au sein de la société paysanne (s’ils occupaient une place centrale à l’intérieur du microcosme municipal, ils se trouvaient marginalisés par leur niveau d’instruction et leur rejet de la culture rustique). Enfin, ceux d’entre eux qui consacraient leurs loisirs aux études historiques étaient habités par la même volonté d’exploiter ce savoir qui les distinguait du commun des mortels pour consolider leur autorité sociale. Autant de facteurs qui expliquent que 41,8 % des lauréats aient été instituteurs ou prêtres (27,1 % sous le Second Empire, 51,8 % à la Belle Époque).

58 Les concours académiques de province rencontrèrent donc un certain succès dans les strates inférieures de la bourgeoisie intellectuelle, pratiquement exclues, pourtant, des cercles d’étude. On notera en passant que les concours parisiens étaient socialement beaucoup plus sélectifs : parmi les 35 lauréats du concours d’histoire de l’Académie des sciences morales et politiques, 88,5 % exerçaient une profession exigeant un titre universitaire (28,6 % enseignaient à l’université, 14 % en lycée, 31 % étaient soit magistrats soit avocats). Dans la liste des lauréats ne figurait le nom d’aucun prêtre ni d’aucun instituteur [125]. Hors de la capitale, c’est la montée en puissance des instituteurs ruraux qui explique en grande partie la démocratisation progressive du recrutement des concurrents. Le clergé paroissial était en effet très impliqué dès le milieu du siècle, avec 20 % de lauréats entre 1850 et 1869 – un nombre qui resta stable jusqu’au début du XXe siècle (22 % de prêtres en 1870-1889, de nouveau 20 % en 1890-1909). En revanche la part des instituteurs, logiquement insignifiante avant les années 1850, ne cessa d’augmenter par la suite : 7 % en 1850-1869, 12 % en 1870-1889 ; dans les années 1890, près d’un tiers des lauréats (31,49 %) exerçaient la profession d’instituteur public.

59 Nous avons décrit ailleurs cette brusque irruption des prêtres et des enseignants du primaire dans le champ des études locales [126]. L’Église et l’École y contribuèrent beaucoup. Les évêques incitaient les curés à réaliser des monographies paroissiales. Les inspecteurs d’académie demandaient aux maîtres d’étudier l’histoire, la géographie, les traditions de la commune où ils enseignaient. Le même argument était utilisé de part et d’autre : c’était le niveau d’instruction de ces hommes, nettement supérieur à celui des populations au milieu desquelles ils vivaient, qui faisait d’eux des notables, en tout cas à l’échelle d’un village. Leur prestige, leur autorité, l’estime qu’on leur accordait, bien qu’étroitement associés à la fonction qu’ils exerçaient, dépendaient aussi de leur capacité à faire fructifier ce capital acquis. Pourtant ces sollicitations répétées de la hiérarchie, fréquemment relayées par les sociétés savantes, n’auraient guère eu d’effet si elles n’avaient rencontré, chez ceux à qui elles étaient destinées, des dispositions favorables. L’intellectuel de village manifestait pour l’histoire, l’archéologie, la collecte des traditions populaires, un goût prononcé, produit d’une trajectoire sociale ascendante. Fils d’agriculteur ou d’artisan rural, il s’était dépouillé, au sortir de l’enfance, de tout ce qui aurait pu trahir ces origines rustiques et son existence studieuse se déroulait en marge de la sociabilité ordinaire. Issu du même univers que les villageois, et vivant au milieu d’eux, il était pourtant mal intégré à la collectivité villageoise. Cette contradiction était souvent mal vécue. L’histoire locale offrait une échappatoire. Elle permettait à l’auteur d’entrer en communication avec les habitants, qu’il interrogeait au sujet des traditions, et pour lesquels il écrivait, sans pour autant qu’il cesse d’être ce qu’il était devenu : un homme instruit. L’investissement dans les études locales, que l’on peut interpréter comme une manifestation de bonne volonté culturelle, était aussi une manière de se réapproprier une identité répudiée [127]. Elle constituait également une forme de ré-enracinement symbolique : lorsqu’un prêtre ou un instituteur publiait un ouvrage sur la commune où il avait été nommé et – chose fréquente – dédicaçait son travail aux habitants du lieu, c’était dans l’espoir de tisser des liens affectifs avec cette communauté d’adoption.

60 Le surgissement, dans le paysage de l’érudition provinciale, de cette nouvelle catégorie d’auteurs est à peu près contemporain de l’invention de la monographie de commune. C’est qu’il était entendu que ces « modestes travailleurs » aux compétences limitées devaient se cantonner aux tâches sans doute très utiles, mais malgré tout subalternes : « Leurs modestes analyses préparent les synthèses que des talents supérieurs mettront en lumière » [128] ;

61

« Pour son concours d’histoire […] l’Académie [de Reims] accueille toujours avec plaisir les monographies de communes, œuvres modestes d’apparences, mais très méritoires par le grand travail et les qualités sérieuses qu’elles exigent, et très utiles par les résultats intéressants qu’elles fournissent à l’histoire locale et à l’histoire générale » [129].

62 La science parisienne conservait le monopole de la grande histoire. La bonne bourgeoisie des sociétés d’émulation s’attribuait l’étude des circonscriptions intermédiaires (départements, diocèses) ou des chefs-lieux. Quant aux petits notables de village, ils n’avaient d’autre choix que de réaliser des monographies communales (les plus opiniâtres en produisaient par dizaines). La bourgeoisie des sociétés d’émulation était particulièrement soucieuse de maintenir cette organisation pyramidale des études locales. C’est pourquoi elle rappelait sans cesse aux chercheurs sortis des rangs de la petite notabilité que leur fonction consistait d’abord à collecter des données dans les limites d’un village. Mais cette volonté de reléguer les membres du clergé paroissial, et davantage encore les maîtres d’école, dans les tâches les moins valorisantes, ne faisait que traduire l’inquiétude que pouvait provoquer, parmi les bourgeois établis, l’émergence, dans le paysage social du XIXe siècle, de la figure trouble du fils de paysan frotté de haute culture.

63 Les données recueillies montrent que les amateurs de recherche historique avaient intériorisé ce partage social du travail intellectuel. 67 % des instituteurs étaient récompensés pour une enquête sur une localité rurale. 13,6 % d’entre eux seulement avaient osé soumettre au jury une étude portant sur une circonscription territoriale de niveau supérieur (province, département, ville principale ou chef-lieu secondaire) – encore s’agissait-il presque toujours de travaux à finalité pédagogique [130]. À l’inverse, 12,5 % des enseignants des lycées ou de l’université avaient réalisé une monographie de commune ; 39 % avaient soumis un manuscrit consacré à l’histoire d’une ville ou d’une circonscription plus vaste. Les bourgeois diplômés privilégiaient également l’étude des villes (31 % des lauréats) sur celle des communes rurales (10,8 %).

64 La formule du concours académique offrait aux amateurs de recherche historique qui, en raison de leur appartenance aux fractions inférieures de la bourgeoisie, étaient maintenus à l’écart des institutions savantes, la possibilité de faire une timide incursion dans cet univers très hermétique. Les établis de l’érudition provinciale voulaient encourager cette démocratisation du loisir studieux. Mais dans le même temps, ils semblaient redouter que la position hégémonique qu’ils occupaient dans ce champ se trouve menacée par l’effet même d’un dispositif dont le but recherché était de favoriser le talent pur. Le risque étant que la reconnaissance du mérite intellectuel, évalué indépendamment de l’inscription des agents dans l’espace social, devienne, au détriment du capital de notabilité, le principe organisateur du champ de l’érudition – et que la culture intellectuelle cesse d’être un caractère distinctif du notable. Guizot, dans une circulaire du mois de juillet 1834 adressée aux membres des sociétés savantes, évoquait déjà la « dangereuse perturbation » que risquait d’entraîner le développement de l’instruction populaire, et il recommandait aux « hommes remarquables » de s’adonner aux tâches intellectuelles nobles pour mieux se distinguer du commun [131]. Sans que la chose ait été d’emblée programmée, un partage du labeur s’instaura, dans le domaine des études historiques, qui permettait aux chercheurs appartenant à la noblesse ou à la bourgeoisie du diplôme d’enrôler des hommes de condition plus modeste dans une entreprise collective de célébration de la France locale dont ils conservaient toutefois la direction.


Annexes

DOCUMENT 3

Exemples d’épigraphes

Patriotisme Patrie et religion Petite patrie Célébration du passé La valeur travail (l’impartialité)
La science
À tous les cœurs bien
nés la patrie est chère
amours pour toujours
Mon pays sera mes
vénérer le passé a droit
Celui-là seul qui sait
d’espérer l’avenir
Le travail dissipe l’ennui
Mourir pour la patrie est
le sort le plus doux
patrie dans la grande
Le pays natal est la
patrie française
Labeur et patience La vérité avant tout
Dulce et decorum est pro
patria mori (Horace)
Le passé est la meilleure
leçon de l’avenir
Labore et patientia La vérité quand même
Le Languedoc est un
œuf dont Pézenas est
le jaune
In labore requies
Pro patria Dieu et patrie les vivants à marcher sur
Honorer les morts
illustres, c’est pousser
leurs traces
Constantia et labore Je lève la main et je jure
de n’avoir voulu que la
vérité
Vive la France !
Pro Deo et pro patria De quel pays es-tu ? Du
donc lorrain (Napoléon
pays des braves. Tu es
à un soldat)
Tout par le travail
Nosce Patriam De toutes les choses qui
vieillissent, l’erreur est la
seule qui ne mérite pas
d’être respectée
Pour Dieu et la patrie Laudator temporis acti
(Horace)
Vita labore dedit mor
Per Patriam vivo, per me
mea patria vivet (Visage,
poète ardennais)
talibus
Pro Aris et focis ment solide et résistant
La Bretagne est l’élé-
de la France
Colligite fragmenta ne
peréant
Bien faire et laisser dire
Doue ha meur bro L’impartialité est tou
jours un devoir
Et pius est patriae facta
referre labor (Ovide)
Nul bien sans peine
J’aime mon village plus
que ton village
Le véritable patriotisme
générations qui nous ont
n’est pas l’amour du sol ;
c’est l’amour du passé ;
c’est le respect des
précédés (Fustel de C.)
abeilles font les ruches
la France comme les
Les évêques ont fait
À vaincre sans péril, on C’est pour l’histoire une
que d’entrer dans toutes
condition indispensable
sionner pour toutes les
les doctrines, que de
comprendre toutes les
causes, que de se pas-
affections (Michelet)
Pour l’histoire, pour la
France
triomphe sans gloire
Notre village est une
petite patrie
Omnia labores
Soyons fiers de nos
grands hommes
Labore fideque
Tel foyer, telle nation nos ancêtres, c’est les
intéresser, les instruire et
Dire à nos contem
porains ce qu’ont fait
les moraliser
Nos Patriae fines et dulcia
relinquimus arva
Je donnerais trente
siècles de l’histoire du
Bas Empire pour l’his
toire de mon hameau
(M. Lièvre)
In labore requies
Labor improbus omnia
vincit
Nos Patriam fugimus…
(Virgile)
figure im3

Exemples d’épigraphes

DOCUMENT 4

Répartition des lauréats selon leur profession (total : 616)

Métiers de l’enseignement Instituteurs 21,5 % 27,7 %
Primaire supérieur 0,2 %
Secondaire 2,8 %
Université 0,6 %
Autre 2,6 %
Ecclésiastiques Curés, desservants, vicaires 20,3 % 31 %
Autre 5,8 %
Non précisé 4,9 %
Diplômés du supérieur (bourgeoisie capacitaire) Professions de santé (médecins, pharmaciens) 4,4 %
Professions juridiques (avocats, notaires, avoués, magistrats) 7,1 % 21,6 %
Archivistes 2,6 %
Bibliothécaires 1,3 %
Ingénieurs 0,8 %
Autre 5,4 %
Noblesse 3,4 %
Propriétaires 1,1 %
Maires, élus municipaux 1,6 %
Militaires 1,5 %
Fonctionnaires ou employés 7,1 %
Artisanat et industrie 1,3 %
Négoce et commerce 0,5 %
Agriculture 0,6 %
Divers ou sans profession 2,6 %
figure im4

Répartition des lauréats selon leur profession (total : 616)


Mots-clés éditeurs : vie intellectuelle, siècle, e, XIX, émulation, province, sociétés savantes, histoire locale, concours académique, France

Mise en ligne 08/06/2017

https://doi.org/10.3917/rhmc.641.0032

Notes

  • [1]
    Jeremy L. CARADONNA, « Prendre part au siècle des Lumières : le concours académique et la culture intellectuelle au XVIIIe siècle », Annales HSS, 64-3, 2009, p. 633-662 ; ID., The Enlightenment in Practice. Academic Prize Contests and Intellectual Culture in France, 1670-1794, Ithaca, Cornell University Press, 2012 ; et bien sûr : Daniel ROCHE, Le siècle des Lumières en province : Académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, Paris et La Haye, Mouton et EHESS, 1978.
  • [2]
    Données fournies par J. L. CARADONNA, « Prendre part… », art. cit., p. 638.
  • [3]
    Jean-Pierre CHALINE, Sociabilité et érudition. Les sociétés savantes en France, XIXe-XXe siècles [1995], Paris, Éditions du CTHS, 1998.
  • [4]
    Ibidem, p. 297 sq.
  • [5]
    Olivier IHL, Le mérite et la République. Essai sur la société des émules, Paris, Gallimard, 2007.
  • [6]
    John SHOVLIN, « Emulation in eighteenth-century French economic thought », Eighteenth-Century Studies, 36-2, 2003, p. 224-230 ; ID., « Toward a reinterpretation of revolutionary antinobilism : the political economy of honor in the Old Regime », The Journal of Modern History, 72-1, 2000, p. 35-66.
  • [7]
    O. IHL, Le mérite…, op. cit., p. 115. Sur la dimension antinobiliaire des théories économiques de l’émulation, on pourra se reporter aux travaux de John Shovlin mentionnés dans la note précédente.
  • [8]
    Alan B. SPITZER, The French Generation of 1820, Princeton, Princeton University Press, 1987, p. 219.
  • [9]
    Carol E. HARRISON, The Bourgeois Citizen in Nineteenth-Century France : Gender, Sociability and the Use of Emulation, Oxford, Oxford University Press, 1999 ; Sarah MAZA, The Myth of the French Bourgeoisie. An Essay on the Social Imaginary 1750-1850, Cambridge, Harvard University Press, 2003, p. 197-198.
  • [10]
    Ainsi que le souligne par exemple J.-P. CHALINE, Les bourgeois de Rouen. Une élite urbaine au XIXe siècle, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1982.
  • [11]
    O. IHL, Le mérite…, op. cit.
  • [12]
    Stéphane GERSON, « La mesure de l’érudition. Le Comité des travaux historiques et ses correspondants provinciaux (1830-1870) », in Bruno DUMONS, Gilles POLLET (éd.), La fabrique de l’honneur. Les médailles et les décorations en France (XIXe-XXe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 55-68.
  • [13]
    On a également privilégié l’étude des compagnies dont les publications fournissaient systématiquement des informations relatives à l’identité des lauréats. Ont été dépouillés, dans leur intégralité, les bulletins ou mémoires des sociétés suivantes : Académie d’Arras, Académie de Reims, Académie de Nantes, Académie du Gard, Académie de Metz, Société d’émulation des Vosges, Société archéologique du midi de la France, Société d’agriculture, commerce, sciences et arts de la Marne, Société académique de Saint-Quentin, Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers, Société d’émulation de Cambrai.
  • [14]
    D. ROCHE, Le siècle…, op. cit., p. 344.
  • [15]
    Robert FOX, The Savant and the State : Science and Cultural Politics in Nineteenth-Century France, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 2012, p. 62 ; Odile PARSIS-BARUBÉ, La province antiquaire. L’invention de l’histoire locale en France (1800-1870), Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2011.
  • [16]
    Deux cents mémoires lui furent soumis : Martin S. STAUM, « The Enlightenment transformed : the Institute prize contests », Eighteenth-Century Studies, 19-2, 1985-1986, p. 153-179.
  • [17]
    Catriona SETH, « L’institut et les prix littéraires », in Jean-Claude BONNET (éd.), L’empire des Muses. Napoléon, les arts et les lettres, Paris, Belin, 2004, p. 111-131 ; Élise FELLER, Jean-Claude GŒURY, « Les archives de l’Académie des sciences morales et politiques. 1832-1848 », Annales historiques de la Révolution française, 222, 1975, p. 567-583 ; Maurice CROSLAND, « From prizes to grants in the support of scientific research in France in the nineteenth-century : the Montyon Legacy », Minerva, 17-3, 1979, p. 355-380.
  • [18]
    On pense au fameux prix Montyon.
  • [19]
    Georges PICOT, Concours de l’Académie. Sujets proposés, prix et récompenses décernés. 1834-1900, Paris, Imprimerie nationale, 1901.
  • [20]
    On trouve dans les différentes livraisons de la Revue des sociétés savantes des comptes rendus détaillés de ce concours.
  • [21]
    Mentionnons deux exemples plus tardifs : le concours de monographies communales de 1889, et le concours lancé en 1912 par le Manuel général de l’instruction primaire sur le thème « L’instituteur dans la société moderne ».
  • [22]
    Pour une analyse structurale du débat, associant très judicieusement les positions défendues par les principaux protagonistes à leur trajectoire individuelle et à leur situation dans le champ du pouvoir : Christophe CHARLE, Les élites de la République (1880-1900) [1987], Paris, Fayard, 2006, p. 42 sq. ; voir encore Françoise DREYFUS, « La double genèse franco-britannique du recrutement au mérite : les concours et l’open competition », Revue française d’administration publique, 142, 2012, p. 327-337.
  • [23]
    Émile DURKHEIM, L’évolution pédagogique en France [1938], Paris, PUF, 1969, p. 298 sq.
  • [24]
    Nira KAPLAN, « Virtuous competition among citizens : emulation in politics and pedagogy during the French Revolution », Eighteenth-Century Studies, 36-2, 2003, p. 241-248.
  • [25]
    A. B. SPITZER, The French Generation…, op. cit., p. 206-224. Sur l’émulation dans l’enseignement mutuel : Michel CHALOPIN, L’enseignement mutuel en Bretagne. Quand les écoliers bretons faisaient la classe, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.
  • [26]
    Jacques CHAMPION, « Le concours général et son rôle dans la formation des élites universitaires au XIXe siècle », Revue française de pédagogie, 31-1, 1975, p. 71-82.
  • [27]
    Dominique JULIA, « Le choix des professeurs en France : vocation ou concours ? 1700-1850 », Paedagogica Historica. International Journal of the History of Education, 30-1, 1994, p. 175-205.
  • [28]
    Depuis 1748, les élèves de l’École du Génie de Mézières étaient sélectionnés par concours : D. JULIA, « Sélection des élites et égalité des citoyens. Les procédures d’examen et de concours de l’Ancien Régime à l’Empire », Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée, 101-1, 1989, p. 339-381.
  • [29]
    C. CHARLE, Les hauts fonctionnaires en France au XIXe siècle, Paris, Gallimard-Julliard, 1980, p. 33-51.
  • [30]
    Jacques Léonard évoque une « fièvre des concours » : Jacques LÉONARD, « Les médecins de l’Ouest au XIXe siècle », thèse, université Paris 4, 1978, vol. 2, p. 711-712.
  • [31]
    Harrison WHITE, Cynthia WHITE, La carrière des peintres au XIXe siècle. Du système académique au marché des impressionnistes [1965], Paris, Flammarion, 1991.
  • [32]
    Raymonde MOULIN, « Les bourgeois amis des arts. Les expositions des beaux-arts en province 1885-1887 », Revue française de sociologie, 17-3, 1976, p. 383-422.
  • [33]
    Jean-Luc MAYAUD, 150 ans d’excellence agricole en France. Histoire du Concours général agricole, Paris, Belfond, 1991.
  • [34]
    C’est le cas des concours fondés par la Société d’émulation des Vosges et la Société d’émulation de Cambrai. Des concours d’histoire étaient organisés dans le cadre d’expositions régionales.
  • [35]
    La Société d’émulation de Cambrai, créée en 1804, récompensa en 1808 l’auteur d’une biographie. À compter de 1821, elle définit pour la première fois la question à traiter pour son concours annuel d’histoire locale.
  • [36]
    Au même rythme que celui des cercles d’étude : J.-P. CHALINE, Sociabilité et érudition…, op. cit., p. 28-66. Mais le nombre de sociétés continua de croître après 1918.
  • [37]
    MAUD’HEUX, « Compte rendu des travaux », Annales de la société d’émulation du département des Vosges (désormais Annales… Vosges), 1838, p. 275-309, p. 276.
  • [38]
    Ibidem, p. 277.
  • [39]
    C’est le thème développé dans le « Discours d’ouverture prononcé par M. H. Siméon, préfet des Vosges, président », Annales… Vosges, 1832, p. 9-15.
  • [40]
    J. PILLOY, « Rapport sur le premier concours d’histoire locale », Mémoires de la Société académique des sciences, arts, belles-lettres, agriculture et industrie de Saint-Quentin (désormais Mémoires… Saint-Quentin), 1878-1879, p. 10-15, p. 14.
  • [41]
    Voir les comptes rendus des concours de la Société archéologique du midi de la France.
  • [42]
    Sylvain RAPPAPORT, « Le temps de la vertu : vertu de la lenteur », Revue historique, 621, 2002, p. 51-76.
  • [43]
    CLAUDEL, « Rapport sur la distribution des primes décernées à l’Agriculture et à l’Industrie », Annales… Vosges, 1848, p. 647-653, p. 647-648.
  • [44]
    Comte A. D’HÉRICOURT, « Rapport sur le concours d’histoire », Mémoires de l’Académie des sciences, lettres et arts d’Arras (désormais Mémoires… Arras), 1859, p. 57-66, p. 59.
  • [45]
    Antonin SOUCAILLE, « Rapport sur le concours des mémoires historiques et archéologiques », Bulletin de la société archéologique scientifique et littéraire de Béziers (désormais Bulletin… Béziers), 1906, p. 601 ; « Réponse aux discours de réception de MM. Plichon […] », Mémoires… Arras, 27, 1853, p. 133.
  • [46]
    Que l’on s’efforçait de bannir. « Rapport sur le concours d’Histoire par M. l’abbé Duflot », Mémoires… Arras, 1901, p. 251.
  • [47]
    N. KAPLAN, « Virtuous Competition… », art. cit. ; M. S. STAUM, « The Enlightenment… », art. cit. Les compagnies savantes entretenaient une sociabilité supposée corriger l’individualisme régnant. « L’esprit de communauté qui se rencontre dans une famille bien réglée, se reproduit dans l’institution des académies » : « Réponse… », Mémoires… Arras, 1853, art. cit., p. 130. Voir encore : BALLON, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges depuis le 30 septembre 1845 […] jusqu’au 24 septembre 1846 », Annales… Vosges, 1846, p. 13-46, p. 13 sq. ; Dr HAXO, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges », Annales… Vosges, 1855, p. 23-40, p. 23 sq. ; Abbé CARRIÈRE, « Avantages et utilité des sociétés savantes de province », Bulletin de la société archéologique du midi de la France (désormais Bulletin… Midi), 1872, p. 43-45. Sur cette articulation entre rhétoriques de l’émulation et de l’association : C. E. HARRISON, The Bourgeois Citizen…, op. cit.
  • [48]
    VINCENOT, « Compte-rendu des travaux de l’Académie pendant l’année 1855-1856 », Mémoires de l’Académie nationale de Metz (désormais Mémoires… Metz), 1855-1856, p. 28-53, p. 28.
  • [49]
    MAUD’HEUX, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges depuis le 24 septembre 1848 […] jusqu’au 8 novembre 1849 », Annales… Vosges, 1849, p. 22-36, p. 23.
  • [50]
    J. LEFEUVRE, « Rapport de la commission des prix », Annales de la Société académique de Nantes (désormais Annales… Nantes), 1869, p. XL-XLVIII, p. XLI.
  • [51]
    M. BLANCHET, « Rapport sur le concours de 1854-1855 », Annales… Nantes, 1855, p. 29.
  • [52]
    PARISOT, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges, depuis le 2 mai 1835 […] jusqu’au 2 mai 1836 », Annales… Vosges, 1836, p. 379-423, p. 381.
  • [53]
    Il était rare qu’aucun concurrent ne fût récompensé.
  • [54]
    O. PARSIS-BARUBÉ, La province antiquaire…, op. cit., p. 223 sq.
  • [55]
    Récit de la remise des prix de la Société géographique de l’Est le 30 novembre 1890 : François PLOUX, Une mémoire de papier. Les historiens du village et le culte des petites patries rurales à l’époque contemporaine (1830-1930), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 89-90 ; en 1858, c’est le préfet des Vosges qui remet les récompenses. Voir encore : CHEREST, « Procès-verbal de la séance publique du 20 décembre 1877, Grand salon de l’Hôtel-de-Ville d’Epinal », Annales… Vosges, 1878, p. 46-48.
  • [56]
    Mémoires de la Société d’émulation de Cambrai (désormais Mémoires… Cambrai), 1874, p. 69-72.
  • [57]
    Abbé CARRIÈRE, « Avantages et utilité… », art. cit., p. 43-45. Louis Noguier, membre de la Société archéologique de Béziers, écrivait à propos des prêtres monographes : « Se mêler au mouvement des esprits cultivés de l’époque ne serait-ce pas […] pour eux le meilleur moyen d’augmenter l’influence morale et légitime que le clergé est appelé à exercer sur les populations ? » (Louis NOGUIER, « Rapport sur le concours des mémoires historiques et monographies locales », Bulletin… Béziers, 1877, p. 89-97, p. 96-97). Sur ce point, concernant les instituteurs et les prêtres : F. PLOUX, Une mémoire…, op. cit.
  • [58]
    PASQUIER, dans Bulletin… Midi, 1897, p. 161.
  • [59]
    La question de la contribution de la vie associative à la production d’une identité bourgeoise a été particulièrement explorée par l’historiographie britannique. Sur ce point, voir notamment R. FOX, « Learning, politics and polite culture in provincial France : the sociétés savantes in the nineteenth century », Historical Reflections, 7-2/3, 1980, p. 543-564.
  • [60]
    Dr HAXO, « Compte rendu… », Annales… Vosges, 1855, art. cit., p. 28.
  • [61]
    On pense à Lyon : Pierre-Yves SAUNIER, L’esprit lyonnais XIXe-XXe siècles : genèse d’une représentation sociale, Paris, CNRS Éditions, 1995.
  • [62]
    Léon MAÎTRE, « Rapport de la commission des prix sur le concours de l’année 1875 », Annales… Nantes, 1875, p. XLIII-LI, p. XLIII.
  • [63]
    Nous avons identifié six fondateurs de concours : deux magistrats (dont un lauréat du Concours général), un avocat, un pharmacien, et deux notables sans profession, mais désignés l’un comme appartenant à une famille de manufacturiers rémois, l’autre comme le fils d’un négociant.
  • [64]
    Du type : Écrire l’histoire d’une localité du département.
  • [65]
    Mémoires… Saint-Quentin, 1879-1880.
  • [66]
    Louis DEMAISON, « Concours d’histoire et médailles hors concours », Travaux de l’Académie nationale de Reims (désormais Travaux… Reims), 1879-1880, p. 48-51, p. 48. En dépit de la révérence affichée à l’égard de la haute science, une certaine ironie était parfois perceptible (tel raillait les « beaux esprits » des bords de Seine : Bulletin… Midi, 1902).
  • [67]
    MAUD’HEUX, « Compte rendu… », Annales… Vosges, 1838, art. cit, p. 275 sq.
  • [68]
    LEMARQUIS, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges depuis le 2 mai 1839 […] jusqu’au 1er janvier 1840 », Annales… Vosges, 1840, p. 12-40, p. 13.
  • [69]
    Dr HAXO, « Compte rendu… », Annales… Vosges, 1855, art. cit., p. 29. Voir encore : Dr HAXO, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges depuis le 25 novembre 1852 », Annales… Vosges, 1853, p. 23-46 ; BRIGUEL, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges depuis le 2 mai 1840 […] jusqu’au 1er janvier 1841 », Annales… Vosges, 1841, p. 252-276 ; MANSION, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges, depuis le 3 mai 1841 […] jusqu’au 2 mai 1842 », Annales… Vosges, 1842, p. 455-494 ; LEROY, « Compte rendu des travaux de la société d’émulation du département des Vosges depuis le 11 novembre 1847 […] jusqu’au 21 septembre 1848 », Annales… Vosges, 1848, p. 624-646. Sur l’opposition de l’érudit et du théoricien : L. CHANTRAINE, « Rapport sur le concours d’histoire par M. L. Chantraine Professeur agrégé de l’université, membre de la Société », Mémoires… Cambrai, 1911, p. XXVII-XXXVIII, p. XXXII-XXXIII ; M. DE SAINT-MARTIN, Bulletin… Midi, 1890, p. 70-71 ; Abbé CARRIÈRE, « Avantages et utilité… », art. cit.
  • [70]
    Les mots sont de Briguel, secrétaire adjoint de la Société d’émulation des Vosges : BRIGUEL, « Compte rendu… », Annales… Vosges, 1841, art. cit., p. 253.
  • [71]
    Dr HAXO, « Compte rendu… », Annales… Vosges, 1855, art. cit., p. 23 sq.
  • [72]
    La vocation des sociétés aurait été de mettre les « conquêtes du génie […] à la portée du plus grand nombre » : BRIGUEL, « Compte rendu… », Annales… Vosges, 1841, art. cit., p. 253.
  • [73]
    L’abbé Carrière disait que les sociétés provinciales présentaient l’avantage, sur les académies parisiennes, d’être « plus rapprochées de tous », et « naturellement plus à la portée du plus grand nombre » : « Avantages et utilité… », art. cit.
  • [74]
    TREMSAL, « Rapport de la commission d’histoire et d’archéologie », Annales… Vosges, 1893, p. XXXVII.
  • [75]
    A. VIGUIÉ, « Rapport sur le concours de 1866 », Mémoires de l’Académie du Gard (désormais Mémoires… Gard), 1865-1866, p. 62-74, p. 63.
  • [76]
    À moins que ce soit l’inverse : l’insistance sur le nécessaire recours aux documents inédits justifiait l’utilité de la science locale.
  • [77]
    Le chercheur exhumant un vieux manuscrit était parfois comparé à un mineur fouillant dans les entrailles de la nation.
  • [78]
    Comme l’ont montré les travaux d’A.-M. Thiesse, notamment : Anne-Marie THIESSE, Ils apprenaient la France. L’exaltation des régions dans le discours patriotique, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1997.
  • [79]
    Ses contours étaient d’ailleurs mouvants, puisqu’enjeux de luttes. L’érudition provinciale ne contribua pas seulement à la caractérisation des identités locales. Elle fit advenir des découpages à la conscience collective. Pour le Mortainais : Alain GUILLEMIN, « Pouvoir de représentation et constitution de l’identité locale », Actes de la recherche en sciences sociales, 52/53, 1984, p. 15-18. Pour la Bresse : Annie BLETON-RUGET, « Pays et nom de pays. L’invention de la Bresse louhannaise (XIXe-XXe siècles) », Ruralia, 8, 2001, p. 37-57. Ces deux auteurs ont eu l’immense mérite de dégager les enjeux (sociaux et économiques) de la production du local.
  • [80]
    Abbé BRINCOURT, « Rapport sur le concours d’histoire », Travaux… Reims, 1898-1899, p. 37-52, p. 38. Sur l’histoire locale comme science du concret : A. VIGUIÉ, « Rapport… », Mémoires… Gard, 1865-1866, art. cit.
  • [81]
    Joachim MALÉZIEUX, « Rapport sur le deuxième concours d’histoire locale », Mémoires… Saint-Quentin, 1878-1879, p. 16-19, p. 16-17.
  • [82]
    L. CHANTRAINE, « Rapport… », Mémoires… Cambrai, 1911, art. cit., p. XXXII-XXXIII.
  • [83]
    Le discours localiste, lorsqu’il stigmatisait l’exode rural, associait volontiers la ville (dont Paris était la pire incarnation), au superficiel, à l’artificiel. On mettait en garde les jeunes paysans contre le « mirage » de la ville et de ses plaisirs factices.
  • [84]
    Abbé BRINCOURT, « Rapport… », Travaux… Reims, 1898-1899, art. cit., p. 38.
  • [85]
    Abbé HAUDECŒUR, « Rapport sur le concours d’histoire », Travaux… Reims, 1902-1903, p. 43-51, p. 47 ; ou encore L. NOGUIER, « Rapport sur le concours des mémoires historiques », Bulletin… Béziers, 1874, p. 90-98, p. 92.
  • [86]
    « Rapport de M. Joachim Malézieux sur le deuxième concours d’histoire locale », Mémoires… Saint-Quentin, 1879-1880, p. 23-26, p. 26 ; L. DEMAISON, « Rapport sur le concours d’histoire », Travaux… Reims, 1899-1900, vol. 2, p. 43-51 ; Abbé HAUDECOEUR, « Rapport… », Travaux… Reims, 1902-1903, art. cit., p. 47 ; Abbé DUFLOT, « Rapport sur le concours d’histoire », Mémoires… Arras, 1913, p. 191 ; Ad. DE CARDEVACQUE, « Rapport sur le concours d’histoire », Mémoires… Arras, 1882, p. 52.
  • [87]
    Emmanuel LEMAIRE, « Rapport sur le concours d’histoire locale de 1890 », Mémoires… Saint-Quentin, 1890, p. 9-33, p. 32.
  • [88]
    René PERROUT, « L’histoire locale », Annales… Vosges, 1899, p. 7-19, p. 13-14.
  • [89]
    Docteur MARCÉ, « Rapport de la commission des prix sur le concours de l’année 1876 », Annales… Nantes, 1876, p. 291-303, p. 293.
  • [90]
    À propos d’un mémoire sur le conventionnel Polycarpe Pottofeux. Voir encore Abel PATOUX, « Rapport sur le deuxième concours d’histoire locale », Mémoires… Saint-Quentin, 1878-1879, p. 61-75, p. 62.
  • [91]
    E. LEMAIRE, « Rapport… », Mémoires… Saint-Quentin, 1890, art. cit., p. 32.
  • [92]
    Ernest FRÉVILLE, « Rapport sur les concours d’histoire et d’archéologie », Travaux… Reims, 1909-1910, p. 51-64, p. 56.
  • [93]
    Exemple : L. DEMAISON, « Rapport… », Travaux… Reims, 1899-1900, art. cit.
  • [94]
    Abbé HAUDECŒUR, « Rapport sur le concours d’histoire », Travaux… Reims, 1904-1905, p. 35-42.
  • [95]
    Bien entendu ce travail d’inventaire des éléments constitutifs d’une tradition locale consistait moins à perpétuer, en la célébrant, une identité établie, qu’à la produire. Sur cette approche constructiviste : P.-Y. SAUNIER, L’esprit lyonnais…, op. cit. ; A. BLETON-RUGET, « Pays… », art. cit. ; A. GUILLEMIN, « Pouvoir de représentation… », art. cit.
  • [96]
    Mémoires… Gard, 1882, p. XLVI.
  • [97]
    « Ces travaux, poursuivis pendant des années, disent quel amour obstiné M. A. Carrière porte aux choses du pays natal » : Abbé DEGERT, « Rapport sur le concours de 1912 », Bulletin… Midi, 1912, p. 164.
  • [98]
    Par exemple DEVÈS, « Rapport sur le concours », Bulletin… Béziers, 1869, p. 151-169, p. 151.
  • [99]
    Dr HAXO, « Compte rendu… », Annales… Vosges, 1855, art. cit., p. 33-34 ; Charles LABOR, « Rapport sur le concours », Bulletin… Béziers, 1865, p. 76.
  • [100]
    Les sociétés d’émulation auraient été les foyers de cette renaissance provinciale : BRIGUEL, « Compte rendu… », Annales… Vosges, 1841, art. cit., p. 254 (sur « les avantages que présente aux hommes laborieux du pays un point central où ils puissent tous converger »). En 1862, un inspecteur primaire évoquait ce « centre intellectuel d’où part sans cesse une généreuse impulsion et où convergent, comme vers un point naturel, beaucoup des productions scientifiques et littéraires de nos provinces de l’Est » (GASQUIN, « Rapport sur le concours littéraire et scientifique de 1862 », Annales… Vosges, 1862, p. 95-102, p. 95).
  • [101]
    Belle illustration avec l’invention du Mortainais par l’avocat Hippolyte Sauvage (A. GUILLEMIN, « Pouvoir de représentation… », art. cit.).
  • [102]
    Édouard PRIVAT, Bulletin… Midi, 1899, vol. 1, p. 71-72. Sur la nécessité, pour les académies départementales, de donner la possibilité aux « intelligences qu’elles voient éclore dans la sphère où elles se meuvent » de s’épanouir sur place : Abbé CARRIÈRE, « Avantages et utilité… », art. cit.
  • [103]
    Deux exemples : E. LEMAIRE, « Rapport sur le premier concours d’histoire locale », Mémoires… Saint-Quentin, 1879-1880, p. 17-18 ; J. MALÉZIEUX, « Rapport sur le concours Quenescourt », Mémoires… Saint-Quentin, 1886-1887, p. 34-37.
  • [104]
    Sur la difficile délimitation du territoire de l’historien local, on pourra consulter F. PLOUX, Une mémoire…, op. cit.
  • [105]
    Félix VOULOT, « Rapport de la commission d’archéologie et d’histoire sur le concours de 1877 », Annales… Vosges, 1878, p. 94-98, p. 94-95.
  • [106]
    L. NOGUIER, « Rapport sur le concours des mémoires historiques et monographies locales », Bulletin… Béziers, 1883, p. 207-216, p. 207.
  • [107]
    E. LEMAIRE, « Rapport sur le premier concours d’histoire locale », Mémoires… Saint-Quentin, 1880-1881, p. 10-21, p. 20 ; J. MALÉZIEUX, « Rapport sur le concours d’histoire locale de 1892 », Mémoires… Saint-Quentin, 1892, p. 45 sq.
  • [108]
    L. DEMAISON, « Rapport… », Travaux… Reims, 1899-1900, art. cit., p. 43. Voir encore : Abbé BRINCOURT, « Rapport… », Travaux… Reims, 1898-1899, art. cit., p. 43. La réalisation d’une monographie était à l’occasion qualifiée d’acte « essentiellement patriotique » (A. SOUCAILLE, « Rapport sur les mémoires archéologiques, historiques et biographiques », Bulletin… Béziers, 1908, p. 313).
  • [109]
    Voir par exemple les livraisons du Bulletin… Midi : notamment les années 1883 et 1903 (p. 61-62).
  • [110]
    Il n’est pas impossible que l’augmentation du volume total de publications à caractère historique ait été un effet de la concurrence que se livraient conservateurs et républicains sur le terrain de l’interprétation du passé. Les auteurs de monographies de village, par exemple, pour la plupart membres du clergé ou instituteurs laïques, s’opposaient à distance dans les chapitres qu’ils consacraient à la féodalité ou à la Révolution. Toutefois, ce type de rivalité se trouvait neutralisé dans le cadre des concours académiques, dont les règlements rappelaient le caractère apolitique.
  • [111]
    A. SOUCAILLE, « Rapport sur les Mémoires historiques, archéologiques et biographiques », Bulletin… Béziers, 1907, p. 140-148, p. 148.
  • [112]
    CHEVREUX, « Rapport de la commission d’histoire et d’archéologie », Annales… Vosges, 1901, p. 64-68, p. 68.
  • [113]
    Ibidem.
  • [114]
    L. DEMAISON, « Rapport sur le concours d’histoire », Travaux… Reims, 1892-1893, p. 36 (et encore p. 94-95). Ce thème revient souvent dans les rapports de concours que publie l’Académie de Reims.
  • [115]
    La collecte de documents inédits était un indice d’un travail personnel : E. LEMAIRE, « Rapport… », Mémoires… Saint-Quentin, 1890, art. cit.
  • [116]
    « S’il est une qualité que demande un travail historique, si modeste qu’il soit, c’est bien la patience » : THIRION, « Rapport sur le concours d’histoire », Travaux… Reims, 1893-1894, p. 31-38, p. 32. S. RAPPAPORT, « Le temps de la vertu… », art. cit.
  • [117]
    A. SOUCAILLE, « Rapport sur le concours de mémoires historiques », Bulletin… Béziers, 1892, p. 365-371, p. 371.
  • [118]
    Charles ABEL, « Rapport sur le concours d’histoire de l’année 1887-1888 », Mémoires… Metz, 1887-1888, p. 47-53, p. 53.
  • [119]
    Abbé DUFLOT, « Rapport sur le concours d’histoire », Mémoires… Arras, 1903, p. 440. « Tel qu’il est, [l’ouvrage] mérite les éloges pour le labeur considérable qu’il a occasionné » : FLEURIEL, « Rapport fait au nom de la commission d’histoire et d’archéologie », Annales… Vosges, 1912, p. XLII-XLVIII, p. XLV.
  • [120]
    « Rapport de M. G. Lecoq sur le concours d’histoire locale », Mémoires… Saint-Quentin, 1870-1872, p. 58-67, p. 64.
  • [121]
    Bulletin… Midi, 1883, p. 34 sq. Un auteur se vit reprocher des libertés de langage, et l’usage d’épithètes à la limite de la vulgarité : PASQUIER, « Rapport sur le concours littéraire », Annales… Vosges, 1867, p. 107-115, p. 108. Voir les rapports du concours de l’Académie de Reims pour les années 1861- 1862, 1866, 1881-1882, 1901-1902, et les comptes rendus des concours organisés par la Société de Saint-Quentin en 1870-1872 et 1880-1881.
  • [122]
    G. CARRÉ, « Rapport sur le concours d’histoire », Travaux… Reims, 1884-1885, p. 34-43, p. 40-41. « Bien que la monographie de Neuville ne soit pas complète, son auteur a fait preuve de beaucoup de bonne volonté. Il a fait de nombreuses recherches ; il a cité ses sources. Il mérite d’être encouragé » : Jules PILLOY, « Rapport sur le concours d’histoire locale », Mémoires… Saint-Quentin, 1897-1898, p. 12-41, p. 19.
  • [123]
    Soit moins de 2 % du total de l’échantillon. Un chiffre comparable aux 2,1 % de lauréates des concours académiques d’Ancien Régime (J.-L. CARADONNA, The Enlightment…, op. cit., p. 107).
  • [124]
    J.-P. CHALINE, Sociabilité et érudition…, op. cit., p. 170 sq.
  • [125]
    Données extraites de l’inventaire établi par G. PICOT, Concours de l’Académie…, op. cit. Elles concernent la période 1835-1900.
  • [126]
    F. PLOUX, Une mémoire…, op. cit.
  • [127]
    Sur cette question : Francine MUEL-DREYFUS, Le métier d’éducateur. Les instituteurs de 1900, les éducateurs spécialisés de 1968, Paris, Minuit, 1983.
  • [128]
    Alexandre VINCENT, « Rapport de la commission des prix », Annales… Nantes, 1898, p. XXVIII-XLIII, p. XXXII.
  • [129]
    Albert CANS, « Rapport sur le concours d’histoire et d’archéologie », Travaux… Reims, 1910- 1911, p. 35-41, p. 35.
  • [130]
    Le bas clergé était un peu plus ambitieux, la proportion d’auteurs de monographies paroissiales n’atteignant que 41,2 %.
  • [131]
    « Circulaire du 23 juillet 1834 relative aux rapports des sociétés savantes des départements avec le ministère », in Xavier CHARMES, Le Comité des travaux historiques et scientifiques (histoire et documents), Paris, Imprimerie nationale, 1886, vol. 2, p. 10.
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