Notes
-
[1]
Respectivement Edmund K. CHAMBERS, The Elizabethan Stage, Oxford, Clarendon Press, 1923, vol. 2, p. 385-399 ; Lily CAMPBELL, Scenes and Machines on the English Stage during the Renaissance, Cambridge, Cambridge University Press, 1923 ; William INGRAM, The Business of Playing. The Beginning of the Adult Professional Theatre in Elizabethan London, Ithaca, Cornell University Press, 1992 ; Theodore LEINWAND, Theatre, Finance and Society in Early Modern England, Cambridge, Cambridge University Press, 1999.
-
[2]
James Burbage (1531-1597) a fait partie de plusieurs troupes de théâtre dont, à partir de 1559, celle que protégeait Robert Dudley, futur comte de Leicester. Au début des années 1580, il semble avoir abandonné la scène pour se consacrer exclusivement à la gestion du Theatre : Mary EDMOND, « Burbage, James (c.1531–1597) », Oxford Dictionary of National Biography, www.oxforddnb.com (désormais ODNB online).
-
[3]
Charles W. WALLACE, The First London Theatre, numéro spécial de Nebraska University Studies, 13-1/3, 1913 (désormais First London Theatre).
-
[4]
Olivier SPINA, Une ville en scènes. Pouvoirs et spectacles à Londres sous les Tudors (1525-1603), Paris, Classiques Garnier, 2013.
-
[5]
Roger FINLAY, Population and the Metropolis. The Demography of London 1580-1650, Cambridge, Cambridge University Press, 1981, p. 16. Voir également Lena C. ORLIN (éd.), Material London, ca. 1600, Pittsburgh, University of Pennsylvania Press, 2000.
-
[6]
Sur le fonctionnement des troupes d’acteurs à la fin du XVIe siècle : William STREITBERGER, « Personnel and professionalization », in John COX, David S. KASTAN (éd.), A New History of Early English Drama, New York, Columbia University Press, 1997, p. 337-355.
-
[7]
À titre d’exemple, en 1573, la municipalité fixe par règlement le salaire des apprentis charpentiers qui ont déjà servi trois ans leur maître : ils touchent chaque semaine 3s 4d (soit 40 pence) en sus du gîte et du couvert. London Metropolitan Archives (désormais LMA), JCC 20, 1, COL/ CC/01/01/20, f° 48v.
-
[8]
Des investissements importants et surtout très réguliers sont nécessaires afin de se procurer une main-d’œuvre qualifiée, un matériel de plus en plus abondant et spectaculaire ainsi que des locaux spécifiques : O. SPINA, Une ville… op. cit., p. 443 sq.
-
[9]
W. INGRAM, « The economics of playing », in D.S. KASTAN (éd.), A Companion to Shakespeare, Oxford, Blackwell, 1999, p. 313-327.
-
[10]
Craig MULDREW, The Economy of Obligation. The Culture of Credit and Social Relations in Early Modern England, Basingstoke, MacMillan, 1998, p. 109-112.
-
[11]
Ibidem, p. 112.
-
[12]
John H. BAKER, An Introduction to English Legal History [1971], Londres, Butterworths, 1990, p. 368-369.
-
[13]
L’activité théâtrale ne nécessite pas plus qu’une autre un recours au crédit, comme le pense T. LEINWAND, Theatre, Finance…, op. cit., p. 60 sq. Son financement est rigoureusement identique à celui d’autres types d’activités.
-
[14]
Sur ces procédures, voir J. H. BAKER, An Introduction…, op. cit., p. 46-50, 119-121 et 136-137.
-
[15]
First London Theatre, p. 163.
-
[16]
J. H. BAKER, An Introduction…, op. cit., p. 51 et 91-92.
-
[17]
James Burbage épouse Ellen Brayne, la sœur de John, en 1559.
-
[18]
La prolifération des procès et la multiplication des bills tiennent, en partie, aux faibles coûts de la justice dans l’Angleterre du XVIe siècle. On peut engager une procédure pour quelques shillings : Christopher W. BROOKS, Pettyfoggers and Vipers of the Commonwealth. The « Lower Branch » of the Legal Profession in Early Modern England, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, p. 101.
-
[19]
En cela, les récits construits par chacun des protagonistes doivent être rapprochés de ceux étudiés par Natalie Zemon Davis dans les lettres de rémission octroyées par le roi de France au XVIe siècle, Natalie Z. DAVIS, Fiction in the Archives. Pardon Tales and their Tellers in Sixteenth-century France, Stanford, Stanford University Press, 1987 (traduction française : Pour sauver sa vie. Les récits de pardon au XVIe siècle, Paris, Seuil, 1988).
-
[20]
Marie HOULLEMARE, Politiques de la parole. Le Parlement de Paris au XVIe siècle, Genève, Droz, 2011, p. 26-29.
-
[21]
Ce chiffre est donné par Henry Bett, notaire qui rédige une partie des documents de Brayne, et qui le tiendrait de Brayne lui-même. Bett est appelé à témoigner par Burbage.
-
[22]
Margaret Brayne précise le montant de la somme lors de sa déposition, perdue, de 1588. L’estimation de £ 600 est reprise dans un acte de la Cour de la chancellerie du 4 novembre 1590, First London Theatre, p. 47.
-
[23]
Selon John Grigges, un charpentier témoignant en faveur de Robert Myles devant la Cour de la chancellerie, le 29 juillet 1592, ibidem, p. 133.
-
[24]
Selon Ralph Myles, le fils de Robert Myles, qui le saurait par les livres de comptes de Brayne. Déposition devant la Cour de la chancellerie, le 10 février 1592, ibidem, p. 106.
-
[25]
Ce témoignage est confirmé par John Hyde le 12 février 1592. Il estime qu’avant 1576 Brayne « valait » £ 500 et pouvait lever 1 000 marks, ibidem, p. 109. Mais cela ne veut pas dire grand-chose puisque la majorité des avoirs des financiers londoniens consistent en des dettes, des sommes gagées. Il semble relativement facile de masquer ses difficultés financières.
-
[26]
Témoignage de John Grigges le 29 juillet 1592 devant la Cour de la chancellerie. Il dit connaître depuis très longtemps la famille Burbage, ibidem, p. 135.
-
[27]
Déposition devant la Cour de la chancellerie de William Nicoll, le 31 juillet 1592, ibidem, p. 152.
-
[28]
Brayne aurait vendu la maison paternelle dans Bucklersbery pour £ 146 afin d’honorer des factures. Témoignage d’Edward Collyns devant la Cour de la chancellerie, le 29 juillet 1592, ibidem, p. 137-139.
-
[29]
Témoignage d’Henry Bett le 30 septembre 1591 devant la Cour de la chancellerie, ibidem, p. 86.
-
[30]
Voir la réponse devant la Cour des requêtes de Cuthbert Burbage au bill de Gyles Allen, datée du 27 avril 1600, ibidem, p. 200.
-
[31]
Témoignage de Gyles Allen le 3 novembre 1591 devant la Cour de la chancellerie, ibidem, p. 75.
-
[32]
Ibidem, p. 74.
-
[33]
Dépositions devant la Cour de la chancellerie d’Henry Bett, de Bryan Ellam et de William Clerk le 30 septembre 1591, ibidem, p. 71, 76 et 77. Pour Robert Myles, John Brayne a avancé la moitié de cet argent, ce qui témoigne de ses droits à la moitié du bail : bill de Robert Myles devant la Cour des requêtes, mai 1597, ibidem, p. 159.
-
[34]
Bill présenté par Gyles Allen devant la Cour des requêtes, le 4 février 1600, ibidem, p. 193.
-
[35]
Cet investissement se fait au mépris des nombreuses proclamations royales qui, sous Élisabeth Ire, interdisent le lotissement de propriétés dans et autour de Londres. Cette législation vise particulièrement les locataires qui, comme Burbage, morcellent des terres prises à bail pour ensuite les sous-louer. Voir, par exemple, la proclamation royale du 7 juillet 1580 éditée dans Paul HUGHES, James LARKIN (éd.), Tudor Royal Proclamations, New Haven, Yale University Press, 1966, vol. 2, p. 466-468.
-
[36]
Herbert BERRY, « The first public playhouses, especially the Red Lion », Shakespeare Quarterly, 40-2, 1989, p. 133-148.
-
[37]
Déposition de John Hynde devant la Cour du banc du roi, session d’Hilary Term (janvier-mars) 1579, éditée dans David MATEER, « New light on the early history of the theatre in Shoreditch », English Literary Renaissance, 36-3, 2006, p. 335-375, p. 364.
-
[38]
Ibidem, p. 335-336.
-
[39]
Robert Burbage, citoyen charpentier et demi-frère de James, a participé à la construction du Theatre. À sa mort en 1584, son testament précise que son frère et Brayne n’ont toujours pas réglé les sommes qui lui sont dues : M. EDMOND, « Burbage… », art. cit.
-
[40]
Témoignage de John Grigges devant la Cour de la chancellerie, le 29 juillet 1592, First London Theatre, p. 133.
-
[41]
Déposition d’Henry Bett devant la Cour de la chancellerie, le 30 septembre 1591, ibidem, p. 82. Son parcours est très similaire à celui de Francis Langley, remarquablement étudié dans W. INGRAM, A London Life in the Brazen Age : Francis Langley, Cambridge, Harvard University Press, 1978.
-
[42]
Déposition d’Henry Bett devant la Cour de la chancellerie, le 30 septembre 1591, First London Theatre, p. 83.
-
[43]
Procès tenu devant la Cour de la chambre étoilée, cité dans W. INGRAM, « Robert Keysar, playhouse speculator », Shakespeare Quarterly, 37-4, 1986, p. 476-485, p. 477.
-
[44]
Déposition d’Henry Bett, 30 septembre 1591, First London Theatre, p. 86. Le fait de ne pas tester pourrait également être interprété comme un moyen de ne pas dévoiler l’étendue de ses biens.
-
[45]
Témoignage du notaire William Nicoll devant la Cour de la chancellerie le 31 juillet 1592. Il rapporte des faits de 1579, ibidem, p. 151.
-
[46]
En 1592, Henry Bett se porte caution pour James Burbage lorsque celui-ci est convoqué devant la session de paix du comté de Middlesex en 1592. Entrée du 6 avril 1592, John C. JEAFFRESON (éd.), Middlesex County Records, vol. 1, 1550-1603, Londres, The Middlesex County records society, 1886, p. 206.
-
[47]
Le 26 avril 1600, Henry Johnson, chargé de percevoir les recettes à l’entrée des galeries, témoigne devant la Cour des requêtes qu’il reversait l’argent à Brayne et Burbage, First London Theatre, p. 222. Sur les recettes des galeries, voir infra.
-
[48]
Lors de sa déposition devant la Cour de la chancellerie, le 24 juillet 1592, William James, ancien bailli de Stepney, où résidait alors Brayne, confirme que celui-ci était régulièrement recherché par ses créditeurs, First London Theatre, p. 91.
-
[49]
C. MULDREW, The Economy of Obligation…, op. cit., p. 115 et 275.
-
[50]
Burbage hypothèque le bail du Theatre pour une affaire qui ne relève pas de l’activité dramatique et qui ne profite qu’à Brayne. Est-ce une preuve que Brayne contrôlait en sous-main le bail de l’amphithéâtre ? C’est peut-être à cette occasion que Brayne s’est engagé verbalement à faire des enfants de Burbage les héritiers du bail du George Inn, à l’origine de tous ces procès.
-
[51]
Déposition de John Hyde du 21 février 1592 devant la Cour de la chancellerie, First London Theatre, p. 111.
-
[52]
Déposition d’Henry Bett devant la Cour de la chancellerie, le 30 septembre 1591, ibidem, p. 87.
-
[53]
Voir le témoignage de William James, ibidem, p. 91 et son rôle dans une autre affaire d’emprunt, The National Archive (Kew ; désormais TNA), SP 12/146, f° 80.
-
[54]
First London Theatre, p. 14.
-
[55]
Déposition devant la Cour de la chancellerie de Nicholas Bisshope, partenaire de Robert Myles, le 13 novembre 1591, ibidem, p. 115. Les frais de justice pour une affaire jugée devant la Cour de la chancellerie sont plus élevés que pour les autres cours royales. Pour une affaire courante, ces frais peuvent atteindre plusieurs dizaines de livres-sterlings : C. W. Brooks, Pettyfoggers…, op. cit., p. 105.
-
[56]
Soit environ £ 333. Déposition de Robert Myles devant la Cour de la chancellerie, le 30 juillet 1592, First London Theatre, p. 148.
-
[57]
Bill présenté devant la Cour des requêtes par Robert Myles en mai 1597, ibidem, p. 160.
-
[58]
H. BERRY, « Shylock, Robert Miles, and Events at the Theatre », Shakespeare Quarterly, 44-2, 1993, p. 183-201, p. 200.
-
[59]
Voir par exemple le bill de réponse présenté devant la Cour des requêtes par Cuthbert Burbage après sa mise en accusation par Gyles Allen, daté du 26 janvier 1600, First London Theatre, p. 181 sq.
-
[60]
C. MULDREW, The Economy of Obligation…, op. cit., p. 290.
-
[61]
Déposition de John Allen, le 6 février 1592, devant la Cour de la chancellerie, First London Theatre, p. 99. On peut alors se demander pourquoi Brayne n’a pas poursuivi Burbage en justice. Il détient un bond signé par Burbage qui lui garantit le remboursement de l’argent investi sous peine d’une forfaiture qui lui aurait rapporté £ 400, ibidem, p. 39 et 141.
-
[62]
Déposition de Raphe Myles, fils de Robert Myles, devant la Cour de la chancellerie, le 10 février 1592, ibidem, p. 102.
-
[63]
Réponse du 4 février 1600 de Gyles Allen à Cuthbert Burbage devant la Cour des requêtes, ibidem, p. 193.
-
[64]
C’est le cas de Henry Laneman et John Hyde, ibidem, respectivement p. 108 et 149.
-
[65]
Témoignage de William Nicoll devant la Cour de la chancellerie, le 31 juillet 1592, ibidem, p. 152.
-
[66]
Déposition de John Hyde devant la Cour de la chancellerie, le 12 février 1592, ibidem, p. 109. Hyde prétend que Cuthbert n’a pu emprunter les £ 30 nécessaires à l’achat que grâce à la caution de Walter Cope.
-
[67]
L’origine de la connexion entre le menuisier et le gentleman est difficile à expliquer : Elizabeth ALLEN, « Cope, Sir Walter (1553 – 1614) », ODNB online.
-
[68]
Voir la déposition de Nicholas Bisshope, partenaire de Robert Myles, le 6 avril 1592 devant la Cour de la chancellerie, First London Theatre, p. 114.
-
[69]
Témoignage de John Hyde devant la Cour de la chancellerie, le 28 novembre 1590, ibidem, p. 54. Tout l’enjeu de cette déposition est de savoir si Hyde n’encaisse que la part dévolue à Burbage ou s’il récupère également celle due à Brayne, ce qui semble être le cas.
-
[70]
LMA, JCC 21, COL/CC/01/01/22, f° 463 : ordre mayoral du 7 juillet 1584 régulant les salaires.
-
[71]
Si les acteurs jouaient 40 semaines par an, total rarement atteint entre 1576 et 1597, les galeries produiraient un revenu maximum de £ 400 annuels.
-
[72]
Déposition du 8 février 1592 devant la Cour de la chancellerie, First London Theatre, p. 102.
-
[73]
Dépositions du 10 février 1592 et du 30 juillet 1592, devant la Cour de la chancellerie, ibidem, p. 106 et 147.
-
[74]
Réponse de Gyles Allen devant la Cour des requêtes, 4 février 1600, ibidem, p. 198.
-
[75]
Déposition d’Henry Laneman devant la Cour de la chancellerie le 30 juillet 1592, ibidem, p. 149.
-
[76]
Aucune source directe n’a été conservée quant au mode de fonctionnement du Curtain. On peut supposer que, à l’instar du Theatre, les recettes des galeries étaient partagées entre Laneman et les acteurs, ces derniers conservant l’intégralité des recettes de la cour. Si la composition et la valeur des revenus des deux théâtres avaient été très différentes, les deux parties n’auraient sans doute pas décidé de faire une répartition égale des profits.
-
[77]
Déposition de John Alleyn devant la Cour de la chancellerie, le 6 février 1592, First London Theatre, p. 101-102. Cet accord n’est ni une vente déguisée du Curtain à Burbage, ni une délégation à ce dernier de la gestion du théâtre, comme le pense W. INGRAM, The Business…, op. cit., p. 233-236.
-
[78]
First London Theatre, p. 150.
-
[79]
Mark ECCLES, « Elizabethan Actors I : A-D », Notes & Queries, 236, 1991, p. 38-49, p. 43.
-
[80]
O. SPINA, Une ville…, op. cit., p. 636 sq.
-
[81]
Voir supra. First London theatre, p. 90. Burbage doit alors s’acquitter des £ 5 1s 1d que Brayne et lui devaient à Hyde.
-
[82]
M. ECCLES, « Elizabethan… », art. cit., p. 43. Il est de nouveau déféré en 1592 et 1593.
-
[83]
Bill produit devant la Cour de la chancellerie par James Burbage contre Margaret Brayne en 1588, First London Theatre, p. 43.
-
[84]
Ces arrestations ne sont souvent que temporaires. Soit la personne arrêtée paye une somme demandée par le plaignant dans les affaires de dettes, soit elle sort de prison en trouvant des garants certifiant qu’elle se présentera à la convocation du tribunal devant lequel elle est assignée.
-
[85]
Entrée du 11 septembre 1593, éditée dans J.-C. JEAFFRESON (éd.), Middlesex…, op. cit., p. 216.
-
[86]
Déposition de John Alleyn devant la Cour de la chancellerie, le 6 février 1592, First London Theatre, p. 101.
-
[87]
Témoignage de Nicholas Bishopp devant la Cour de la chancellerie, le 29 janvier 1592, ibidem, p. 98.
-
[88]
Bill de réponse de Cuthbert Burbage devant la Cour des requêtes daté du 27 avril 1600, ibidem, p. 201.
-
[89]
Témoignage devant la Cour des requêtes de Randulph Maye, peintre et paroissien de Saint-Leonard Shoreditch, le 15 mai 1600, ibidem, p. 240.
-
[90]
Déposition de John Alleyn devant la Cour de la chancellerie, le 6 février 1592, ibidem, p. 98-101.
-
[91]
Dès 1584, après qu’une émeute a éclaté aux portes du Theater, les « principaux acteurs de la troupe de la reine » signalent au Recorder Fleetwood que Burbage est un « type entêté » et qu’« il faut lui faire souscrire un bond » pour l’obliger à respecter les ordres du Conseil privé. Lettre du 18 juin 1584 adressée par William Fleetwood à Lord Burghley, éditée dans Thomas WRIGHT (éd.), Queen Elizabeth and her Times. A series of original Letters, Londres, Henry Colburn, 1838, vol. 2, p. 226.
-
[92]
Interrogatoire devant la Cour de la chancellerie, le 29 juillet 1592, First London Theatre, p. 129.
-
[93]
Déposition de John Alleyn devant la Cour de la chancellerie, le 6 février 1592, ibidem, p. 101.
-
[94]
Henslowe a été apprenti d’un teinturier nommé Woodward, dont il épouse la veuve au début des années 1580 : Carol CHILLINGTON RUTTER (éd.), Documents of the Rose Playhouse, Manchester, Manchester University Press, 1984, p. 5.
-
[95]
La durée du bail est, classiquement, de 21 ans et le loyer s’élève à £ 7 par an, ibidem, p. 36 et 213.
-
[96]
Le contrat est édité dans Reginald A. FOAKES (éd.), Henslowe’s Diary, Cambridge, Cambridge University Press, 2002 (désormais Henslowe’s Diary), p. 304-306.
-
[97]
La similitude avec le cas du Theatre est remarquable.
-
[98]
On mange, boit et fume durant les représentations. Les vendeurs sont des employés des propriétaires d’amphithéâtres.
-
[99]
Le testament de Cholmeley est enregistré par la cour de Cantorbéry en février 1590. TNA PCC wills, PROB 11/75. Voir également Neil CARSON, A Companion to Henslowe’s Diary, New York, Cambridge University Press, 1988, p. 14-16.
-
[100]
Henslowe’s Diary, p. 9-13.
-
[101]
C. CHILLINGTON RUTTER (éd.), Documents…, op. cit., p. XIII-XIV.
-
[102]
Certains historiens expliquent l’existence du Journal par la nécessité de rendre des comptes à Cholmeley.
-
[103]
W. INGRAM, « The economics… », art. cit., p. 325.
-
[104]
W. INGRAM, A London Life…, op. cit., p. 111-113.
-
[105]
C. CHILLINGTON RUTTER (éd.), Documents…, op. cit., p. 213.
-
[106]
Voir O. SPINA, « Disorders and inconveniences in this City. Le contrôle par les autorités laïques et religieuses des spectacles dans le Londres Tudor », in Marie-Bernadette DUFOURCET, Charles MAZOUER et Anne SURGERS (éd.), Spectacles et pouvoirs dans l’Europe de l’Ancien Régime, Tübingen, Narr, 2011, p. 95-111.
-
[107]
Lettre de Henslowe à Alleyn datée du 14 août 1593, éditée dans Henslowe’s Diary, p. 279.
-
[108]
Le copyhold est une forme de possession, qui équivaut à un bail, d’une tenure manoriale.
-
[109]
H. BERRY, The Boar’s Head Playhouse, Cranbury, Associated Universities Press, 1986, p. 15-19.
-
[110]
Ibidem, p. 24. Les conditions de bail sont très proches de celles du Theatre.
-
[111]
Ibidem, p. 35, 42 et 54.
-
[112]
Lettre de Joan Alleyn à son mari Edward Alleyn le 21 octobre 1603, éditée dans Henslowe’s Diary, p. 297.
-
[113]
James Burbage appartient à la corporation des menuisiers, Richard Hickes, investisseur au Curtain, John Brayne et John Cholmeley aux épiciers, Francis Langley est drapier ; Oliver Woodlieff est haberdasher. Voir David KATHMAN, « Citizens, innholders and playhouse builders, 1543-1622 », Research Opportunities in Renaissance Drama, 44, 2005, p. 38-64.
1 L’histoire du théâtre public élisabéthain, et plus particulièrement celle de son rapide développement à Londres dans le dernier tiers du XVIe siècle, est restée pendant longtemps l’apanage d’une vision étroitement culturelle et politique. De l’historiographie érudite de la fin du XIXe siècle aux cultural studies les plus récentes, la tradition savante fait de la construction du Theatre au nord de Londres, en 1576, l’acte de naissance du théâtre moderne anglais. D’Edmund Chambers à Lily Campbell ou William Ingram, en passant par Theodore Leinwand [1], plusieurs auteurs ont raconté l’histoire de ce premier amphithéâtre, construit hors de la juridiction de la Cité, à Holywell dans le Middlesex, par James Burbage, menuisier et acteur [2]. Ils s’appuient tous, peu ou prou, sur des documents judiciaires issus de différents procès impliquant la famille Burbage entre 1588 et 1602, qui furent édités en 1913 par Charles W. Wallace [3]. À partir de cette documentation, ils produisirent un « récit héroïque » constamment reconduit par la suite, dans lequel acteurs, dramaturges et organisateurs de spectacles étaient présentés comme des outsiders sociaux, économiques et politiques, des individus mal insérés dans le monde londonien qui auraient choisi de se tenir aux marges de la société afin d’échapper aux institutions civiques (la municipalité) et socio-économiques (les corporations de métier). Selon cette historiographie whig, la liberté des artistes serait la marque et le vecteur d’un progressisme politique et économique. James Burbage était présenté comme le porte-étendard de ce petit monde interlope du spectacle élisabéthain : le Theatre serait né non seulement d’un désir obstiné d’affranchir l’art dramatique des contraintes politico-religieuses imposées par des magistrats prétendument puritains, mais également de la volonté de libérer les gens du spectacle de leur asservissement financier vis-à-vis de leurs protecteurs aristocratiques ou des possesseurs de lieux de représentations à l’intérieur de la ville (taverniers, brasseurs ou tenanciers d’inn). La création du Theatre, sous l’impulsion du seul James Burbage, avait donc une valeur quasi prométhéenne : elle marquait l’avènement de représentations théâtrales publiques, libres de toute censure politique et de toute compromission mercantile.
2 Ce récit de la construction du Theatre est emblématique de la façon dont les historiens ont longtemps considéré le théâtre élisabéthain et, plus largement, l’activité dramatique à l’époque moderne. Le théâtre du Londres Tudor est pensé comme une activité artistique spécifique, noble, à la croisée des sphères culturelle et politique. Toutefois, ce récit ne prend pas suffisamment en compte la nature judiciaire de la documentation publiée par Charles Wallace. Celle-ci a été produite au cours de plusieurs procès qui trouvent leur origine dans des contentieux autour du financement de la construction du Theatre et de l’activité dramatique qui s’y déroule. Plus généralement, les péripéties de la construction de cet amphithéâtre permettent de saisir les conditions sociales et économiques de l’apparition du théâtre public dans le Londres élisabéthain. Le Theatre n’est pas l’œuvre d’un artiste précurseur, James Burbage, mais un des jalons de la structuration des spectacles publics en activité économique dans la ville de Londres au cours du dernier tiers du XVIe siècle. Enfin, ce dossier documentaire permet de montrer que le théâtre élisabéthain est moins un phénomène exogène qui s’est surimposé au tissu socioéconomique londonien qu’un sous-produit du développement économique et démographique de la capitale.
La construction des théâtres : un exemple du mode de financement de l’activité dramatique
Naissance du divertissement comme activité économique
3 La construction du Theatre en 1576 découle du développement dans Londres d’une offre sans précédent de spectacles de toute nature : pièces de théâtre, combats d’animaux, spectacles de marionnettes ou encore démonstrations d’escrime. L’essor des spectacles s’explique par la structuration, dans un contexte socioéconomique spécifique, d’une activité économique au service des Londoniens, qui repose sur de coûteux investissements et que nous appellerons le « divertissement » [4]. Cette structuration tient à deux mouvements de fond qui touchent alors Londres. Tout d’abord, l’économie londonienne évolue profondément durant le règne d’Élisabeth Ire (1558-1603). Jusque-là spécialisée dans la fabrication et l’exportation de draps de laine, la ville devient le principal port d’importation de marchandises en provenance du continent et un important centre de production de biens de consommation pour tout le royaume [5]. L’activité du « divertissement » se structure en raison de la présence de capitaux disponibles pour financer une activité entièrement nouvelle. En second lieu, la population londonienne augmente durant tout le XVIe siècle, essentiellement grâce à un afflux croissant de migrants. Entre 1500 et 1600, le nombre d’habitants de la métropole passe ainsi de 25000 à 200000. Cet essor démographique sans précédent alimente un réservoir, toujours en expansion, de clients potentiels, jouissant d’un niveau de vie supérieur à celui du reste de l’Angleterre et capables de s’offrir des « divertissements ».
4 De ce fait, les troupes de théâtre ne sont pas des institutions culturelles au service de l’art dramatique, mais des regroupements à but économique spécialisés dans une activité fortement concurrentielle [6]. Elles ont pour objectif de produire un spectacle destiné à un public payant, susceptible de dégager un bénéfice pour les acteurs comme pour les propriétaires de théâtre. Le droit d’entrée demandé au public est modique : un à deux pence [7]. Ce droit n’augmente pas avant le début du XVIIe siècle, y compris pendant les années de forte inflation, car cela aurait détourné des amphithéâtres une partie des spectateurs, essentiellement recrutés dans les couches médianes et inférieures de la société londonienne. Dès la fin des années 1570, tous les professionnels du spectacle (théâtre, combat d’animaux, démonstration d’escrime) adoptent un même modèle économique reposant sur un pari relativement risqué : maximiser les investissements et produire un « divertissement » assez spectaculaire pour attirer un public payant suffisamment vaste afin que les droits d’entrée couvrent non seulement les dépenses mais dégagent également un bénéfice [8].
5 Dans ce cadre, il est primordial de disposer de lieux de représentation capables d’accueillir un public nombreux. Jusqu’aux années 1570, avant la construction du Theatre, les troupes jouent en effet dans des inns situés à l’intérieur de la cité de Londres et qui ne peuvent recevoir que quelques centaines de spectateurs. Par la suite, certaines troupes s’installent dans des amphithéâtres spécialement construits à leur intention et pouvant compter, pour les plus grands, jusqu’à 5000 places. Les comédiens y donnent des représentations régulières – une à cinq représentations par jour selon les mois et les années – qui attirent, en moyenne, entre 1 000 et 3 000 spectateurs.
Le rôle du crédit dans le financement des théâtres
6 Comme nous le verrons plus loin, les sommes investies dans les lieux de représentations sont importantes. Or, la plupart des constructeurs de théâtres, souvent des spécialistes du spectacle, jouissent d’un patrimoine et d’un crédit économique limités ou, en tout cas, insuffisants pour leur permettre de financer l’édification d’un lieu de représentation. Ils doivent donc faire appel, par le biais de l’emprunt, à des investisseurs extérieurs au monde du spectacle. L’érection des amphithéâtres et, à travers elle, l’essor de l’activité économique spectaculaire, reposent donc en grande partie sur le crédit.
7 La construction des lieux de représentations est facilitée par l’évolution générale du marché londonien de l’argent dans le dernier tiers du XVIe siècle. En 1571, un acte du Parlement légalise le prêt à intérêt, dont le taux est plafonné à 10 % par an, et criminalise l’usure [9]. Cette décision accélère le développement d’un marché du crédit destiné à financer l’ensemble de l’activité économique de la capitale. L’instrument central du système de crédit londonien est le bond [10]. Il s’agit d’une obligation contractée entre plusieurs personnes, signée devant au moins deux témoins et rédigée selon des formes juridiques précises. L’ensemble des signataires, ou l’un d’eux seulement, s’engagent à faire (ou ne pas faire) quelque chose avant une date donnée sous peine de devoir verser en dédommagement une somme convenue à l’avance entre les contractants. Ce type d’obligation devient une condition sine qua non pour l’octroi d’un prêt sur le marché londonien. Le créditeur demande à son débiteur de signer un bond, en général équivalent au double de la somme prêtée, par lequel le débiteur s’engage à rembourser dans les temps la somme prêtée ainsi que l’intérêt. Si le débiteur ne rembourse pas le prêteur selon les modalités prévues, les conditions du bond sont enfreintes. Le créditeur peut alors saisir la justice pour forcer l’emprunteur à s’acquitter de sa dette et, en guise de pénalité, du montant du bond. La pénalité est, en réalité, une forme d’intérêt caché qui permet au prêteur de s’affranchir du taux légal. En outre, si le créditeur doute des capacités de remboursement de l’emprunteur, il peut exiger que deux ou trois personnes se portent garantes du remboursement des sommes prêtées en signant elles-mêmes une obligation à son profit. En cas de défaillance de l’emprunteur, ces personnes peuvent être traduites devant la justice. Pour le créditeur, l’intérêt de ces bonds réside, d’une part, en ce qu’ils sont monnayables et transmissibles à un tiers et, d’autre part, en ce qu’ils sont garantis par des individus plus solvables que l’emprunteur. Quant au débiteur, il peut, par ce moyen, emprunter des sommes d’argent beaucoup plus importantes que ce que lui permettrait son crédit propre.
8 Les bonds, comme la majorité des accords engageant de l’argent, sont généralement rédigés par des notaires ou par des hommes de loi. Au cours du dernier tiers du XVIe siècle, le nombre de notaires londoniens croît de manière très importante, la plupart devenant de véritables intermédiaires, pour ne pas dire des courtiers, en crédit. La facilité du crédit autant que son strict encadrement juridique ont pour corollaire la multiplication des contentieux. Dans la dernière moitié du règne d’Élisabeth Ire, la majorité des affaires traitées par les cours royales (Cour du banc du roi, Cour des plaids communs et Cour de la chancellerie) ont trait à des dettes et 90 % de ces affaires impliquent le recouvrement d’une obligation [11]. Cependant, les juges ne se prononcent pas sur le contenu des clauses de l’obligation, sur l’honnêteté des deux parties contractantes ou sur les rapports qu’entretiennent ces dernières. Ils tranchent uniquement d’un point de vue technique en examinant si les conditions souscrites ont été ou non respectées. Les accusés ne peuvent donc échapper au paiement d’un bond que s’ils parviennent à prouver qu’il s’agit d’un faux ou qu’il est invalide car signé sous la contrainte [12].
9 À l’instar du financement de l’ensemble des activités commerciales ou artisanales londoniennes, celui des lieux théâtraux repose sur une utilisation extensive de toutes les formes du crédit et, au premier chef, des bonds [13]. Ce recours au crédit par les hommes de spectacle, qui n’ont pas toujours une assise financière solide, explique la judiciarisation croissante de l’activité dramatique à partir des années 1580. Les procès impliquant James Burbage n’en sont qu’une des manifestations.
Un dossier d’archives complexe : la construction et la gestion du theatre
10 Trop longtemps a régné parmi les historiens l’illusion qu’une étude minutieuse des documents judiciaires édités par Charles Wallace permettait de reconstituer de manière exacte et positive la façon dont le Theatre a été financé, construit et géré à partir de 1576. Plusieurs écueils méthodologiques doivent toutefois être contournés dans l’analyse de ce dossier.
11 En premier lieu, ces documents ont été produits sur une période d’environ quinze ans, au cours de trois affaires distinctes et devant quatre cours de justice différentes : la Cour de la chancellerie (Chancery), la Cour des requêtes (Court of Requests), la Cour du banc du roi (King’s Bench) et la Chambre étoilée (Star Chamber). Ces différentes cours ne jugent ni selon les mêmes principes légaux (equity ou common law) ni selon les mêmes procédures [14]. De plus, dans le Londres du XVIe siècle, il est possible, lorsque l’on est attaqué devant une cour de justice, d’assigner en retour son accusateur devant la même cour ou devant une autre. Il est donc courant que plusieurs tribunaux traitent simultanément la même affaire. Le premier procès se déroule devant la Cour de la chancellerie de 1588 à 1593 et oppose James Burbage et ses fils, Richard et Cuthbert, d’un côté, à sa belle-sœur Margaret Brayne de l’autre. La seconde affaire s’ouvre en 1597. Elle est portée par Robert Myles, l’héritier de la défunte Margaret Brayne (?-1593), devant la Cour des requêtes, afin de relancer la procédure précédente, éteinte par la mort de la plaignante. Enfin, la troisième affaire est examinée entre 1600 et 1602 par la Cour du banc du roi, puis par la Chambre étoilée. Elle oppose Cuthbert Burbage et Gyles Allen, le propriétaire du terrain sur lequel a été construit le Theatre.
12 En second lieu, il faut tenir compte du fait que l’édition de Wallace ne contient pas l’ensemble des pièces produites au cours des différents procès ; un certain nombre d’entre elles ont été perdues. Conscient des lacunes de la documentation, Wallace, à la différence de certains de ceux qui ont utilisé ultérieurement ces sources, présente les documents sans se prononcer sur l’issue de chacun des procès. Il n’écrit pas que les Burbage les ont gagnés ni qu’ils étaient dans leur droit face à Margaret Brayne. Le contentieux entre James Burbage et Margaret Brayne ne s’éteint que parce que la veuve meurt en 1593. De même, on ignore comment se termine la seconde affaire jugée par la Cour des requêtes en 1597, puisque les registres pour cette année et les suivantes sont manquants [15]. Seul le dernier procès, intenté par Gyles Allen en 1600 contre les fils de James Burbage, se clôt par l’abandon des charges par les deux cours saisies.
13 Le caractère narratif et descriptif de ces différents documents a conduit un certain nombre d’historiens à les utiliser comme des données brutes, des points d’accès directs pour connaître le monde dramatique élisabéthain, sans s’interroger sur leur contexte et leurs enjeux de production. Les plaidoiries et les textes élaborés au cours des procès sont éminemment stéréotypés puisque rédigés par des conseillers juridiques rompus aux routines formelles indispensables à la présentation de documents devant les différentes cours de justice. En outre, l’essentiel de l’instruction dans les cours anglaises de la fin du XVIe siècle consiste en la production successive de pièces légales par les deux parties et, particulièrement, de bills. Pour lancer une procédure, le plaignant narre dans un bill les faits qu’il reproche à l’accusé. Ce dernier peut soit reconnaître les faits soit les nier. Dans le second cas, l’accusé a le choix entre quatre types de réponses judiciaires qui prennent toujours la forme d’un bill proposant un récit alternatif des faits : il peut nier les faits dans leur intégralité (general traverse) ou seulement en partie (special traverse), admettre les faits tout en affirmant qu’au regard de la loi, il n’y a rien d’illégal (demurrer) – ce qui entraîne, si le demurrer est reconnu par la cour, l’abandon de la procédure – ou, enfin, reconnaître les faits, mais en y ajoutant de nouvelles précisions (confession and avoidance). Quelle que soit la réponse de l’accusé, le plaignant doit lui répondre par le biais d’un nouveau bill en choisissant, lui aussi, l’une des quatre réponses précédemment indiquées. Cette succession de bills est ponctuée par l’audition de témoins choisis par les plaideurs. Les questions que posent les juges aux témoins sont toujours élaborées à partir de la dernière version des faits présentée par les témoins précédents ou dans les bills.
14 Ajoutons que l’accusation peut, dans un même bill, plaider sur plusieurs méfaits qui auraient été commis à son encontre, ce qui complexifie encore les procédures. Au cours de l’instruction, le plaignant peut également, d’un bill à l’autre, faire évoluer la nature des griefs qu’il reproche à l’accusé [16]. De glissements en contestations, le cas traité peut ne plus rien avoir à faire avec l’affaire originelle. Ainsi, le premier procès qui nous intéresse ne concerne au départ en rien le Theatre. En 1588, James Burbage saisit la Cour de la chancellerie car il revendique, pour ses enfants Cuthbert et Richard, la jouissance du bail d’un inn londonien, le George Inn, que John Brayne (1541-1586), son beau-frère épicier, leur aurait légué de bouche [17]. Il accuse la veuve de John, Margaret, d’avoir capté ce legs. Mais, très rapidement, le George Inn disparaît de la joute judiciaire qui tourne désormais essentiellement autour du contrôle des recettes du Theatre. Dans ce système judiciaire complexe, ce sont donc les différents bills qui définissent ce qui est en jugement ou non dans une affaire donnée [18].
15 De plus, toute affirmation d’un plaignant ou d’un accusé non démentie par l’autre partie est considérée comme vraie et elle est écartée de l’instruction menée par la cour. Il est donc primordial pour chaque plaideur de construire à chaque étape de la procédure une version de l’affaire potentiellement évolutive, mais la plus détaillée possible afin d’éviter de concéder du terrain à l’autre partie. Les bills constituent par conséquent de véritables édifices discursifs qui n’ont pas pour objectif de dégager la vérité des faits. Ils visent plutôt à proposer une fiction globale, grâce à laquelle le plaideur entend gagner le juge à sa version des faits ou, tout au moins, dégager les bases d’un consensus qui lui sera favorable et qui sera acceptable par la cour comme par la partie adverse [19]. Les arguments et les faits présentés devant les juges sont donc choisis moins pour leur consonance au réel que pour leur crédibilité dans le système de pensée juridique et dans l’imaginaire social du temps [20].
16 Les centaines de folios édités par Wallace doivent donc moins être conçues comme un support permettant d’écrire une histoire positive des années d’exploitation du Theatre que comme un moyen de cerner les différents problèmes financiers, juridiques et sociaux auxquels sont confrontés les propriétaires de théâtres, et de dresser, in fine, un portrait des financiers des spectacles élisabéthains.
L’épineuse question du financement et du coût de la construction du Theatre
17 Le Theatre est construit sur un terrain de Shoreditch dont le bail est acquis pour vingt et un ans. Les sommes qui ont été nécessaires pour ériger le bâtiment sont difficiles à estimer à partir des pièces judiciaires. D’un témoin à l’autre, l’épicier John Brayne y aurait investi £ 239 [21], £ 600 [22], voire 1 000 marks (£ 666 13s 4d) [23]. Les sommes déboursées par James Burbage varient, elles aussi, beaucoup selon les témoins. Pour ceux cités par Margaret Brayne, il ne fait aucun doute que Burbage, homme de peu de crédit, n’a pu avancer la moindre livre ; l’argent était celui de Brayne [24]. Edward Collins, un épicier ancien voisin de Brayne, affirme que ce dernier était, dans les années 1570, un homme riche qui bénéficiait d’un crédit important sur la place londonienne, valant entre £ 500 et £ 666 [25]. Il présente Burbage comme un petit menuisier vivant de la scène et incapable d’emprunter £ 100 [26]. Un autre témoin, le notaire William Nicoll, ne donne aucune estimation précise de la valeur de l’investissement, mais affirme que Brayne avait mis dans l’affaire trois fois plus d’argent que Burbage [27]. Pour certains charpentiers qui ont participé à l’édification du Theatre, comme John Grigges, l’épicier aurait fourni l’argent pour payer les artisans et acheter les matériaux de construction. Enfin, Robert Myles, en juillet 1592, affirme que les travaux ont coûté £ 600 ou £ 700 et qu’ils ont été intégralement payés par Brayne. Selon lui, James Burbage l’aurait convaincu d’investir de l’argent après lui avoir garanti que les sommes nécessaires ne dépasseraient pas £ 200. Mais une fois les £ 200 prévues entièrement dépensées sans que les travaux soient achevés, Brayne aurait été contraint de vendre ses autres biens pour solder les factures des différents artisans [28].
18 En convoquant ces témoins à charge, la veuve Brayne veut démontrer que son mari était jusqu’en 1576 un homme d’affaires relativement prospère. Il aurait été acculé à la faillite à cause de son investissement dans le Theatre et Burbage en serait responsable. Cependant, pour d’autres témoins plus favorables à l’acteur-menuisier, Brayne et Burbage auraient investi à parts égales, à hauteur de £ 239 chacun [29]. En 1600, lors du troisième procès opposant les fils Burbage à Gyles Allen, le propriétaire du terrain sur lequel est édifié le Theatre, Cuthbert Burbage présente une nouvelle version de la construction de l’amphithéâtre : James Burbage aurait payé l’ensemble des travaux ; le nom de Brayne n’est même plus cité [30]. Face à ces témoignages discordants, il est très difficile de connaître les sommes investies dans la construction du Theatre. On peut tout au plus en proposer une estimation large, comprise entre £ 550 et £ 650.
19 Au coût de la construction, il faut ajouter celui du bail. James Burbage est le détenteur nominal du bail du terrain de Holywell et il s’acquitte chaque année de £ 14 auprès de Gyles Allen, son propriétaire. Lors du second procès, Allen reconnaît que les loyers ont toujours été honorés par le seul Burbage. Il ne peut, par contre, certifier que Brayne ne versait pas à Burbage une partie de cet argent [31]. Le bail contient également des clauses financières annexes. Burbage s’engage à réaliser, pour un montant de £ 200, des travaux de réhabilitation et de construction sur les terres qu’il loue. Une nouvelle fois, les témoignages à ce propos divergent. Lors de la première affaire entre 1588 et 1592, tous les témoins s’accordent pour dire que les terrains loués par Burbage étaient « vides » ou comportaient des bâtiments « délabrés ». Gyles Allen lui-même décrit alors sa propriété comme « un terrain vague avec quelques bâtiments en ruine » [32]. Des charpentiers, commissionnés en 1590 par la Cour de la chancellerie, estiment que Burbage a investi une somme supérieure aux £ 200 promis. D’après eux, les bâtiments de la parcelle, où logent onze locataires, auraient coûté entre £ 220 et £ 230, sans prendre en compte le coût du Theatre lui-même [33]. En 1600, Allen change radicalement de version. Il accuse les Burbage d’avoir transformé les bâtiments qu’ils louent en taudis mal entretenus et d’y avoir logé des mendiants, au grand scandale de toute la paroisse [34]. En dépit de leur caractère dissonant, ces différentes déclarations montrent que la construction du Theatre s’intègre au sein d’une opération financière diversifiée, dans laquelle le lotissement de terrains, sans doute destiné à accueillir des migrants fraîchement arrivés à Londres, occupe une place primordiale [35]. En définitive, le coût global de l’opération financière autour du Theatre serait compris entre £ 750 et £ 850.
Dans les coulisses du Theatre : une association d’hommes d’affaires aux pratiques troubles
20 L’historiographie a longtemps repris tacitement la ligne de défense de Margaret Brayne : John Brayne aurait été un manieur d’argent prospère, mais peu au fait du monde du spectacle, tandis que James Burbage aurait été l’homme de théâtre de l’affaire, bien incapable de lever des fonds par lui-même. Brayne le financier aurait laissé la gestion quotidienne du théâtre à son beau-frère qui, habilement, mais sans malice, en aurait profité pour l’évincer.
21 Cependant, Brayne était loin d’être un néophyte dans l’investissement théâtral. Dès 1567, il finance et aménage un lieu de représentation, le Red Lion, à Mile end, près de Londres [36]. En 1579, Brayne et Burbage sont en procès avec un certain John Hynde, citoyen de Londres, qui affirme avoir placé ses fils John et Augustine en « apprentissage » auprès des deux hommes et leur avoir versé £ 20. En échange, Burbage et Brayne devaient employer ses enfants lors des représentations et les former aux techniques dramatiques [37]. Brayne apparaît donc comme un véritable homme de théâtre. Quant à Burbage, il semble avoir eu bien plus de responsabilités financières qu’on ne l’a longtemps cru. En juin 1577, les deux beaux-frères s’endettent communément pour acheter les matériaux nécessaires à la construction du Theatre. Au printemps 1578, ils sont condamnés par la Cour du banc du roi à s’acquitter, à parts égales, de leur dette envers un négociant en bois et à régler conjointement une pénalité [38]. Le fait même que les deux hommes soient engagés pour la même somme tendrait à montrer que Burbage a apporté un certain capital [39]. De même, lorsqu’en 1579 Brayne emprunte, pour une tout autre affaire, £ 125 à un épicier nommé John Hyde, Burbage accepte de mettre en gage le bail du Theatre, qui est pourtant à son seul nom. Enfin, bien qu’un grand nombre de témoins convoqués aux différents procès soient convaincus que Brayne a investi sur son propre argent et son propre crédit pour la construction du théâtre, d’autres témoins affirment que les fonds qui ont permis d’achever la construction de l’amphithéâtre proviennent des recettes des premières représentations données au Theatre par la troupe de Burbage [40]. Si l’on admet qu’une partie des sommes nécessaires a été empruntée collectivement et qu’une autre a été gagnée par l’activité théâtrale, les deux beaux-frères ont sans doute eu des rapports économiques beaucoup plus équilibrés qu’on ne l’a parfois écrit.
22 De la confrontation des différents documents judiciaires résulte une image de Brayne bien moins lisse que celle retenue par la tradition historiographique. À en croire Henry Bett, un juriste qui le conseille dans une partie de ses affaires, Brayne est un manieur d’argent, poursuivi par les créanciers et capable de se montrer très créatif pour éviter de payer les dettes qu’il avait contractées avant la construction du Theatre [41]. Bett révèle que l’épicier a fréquemment recours à des hommes de paille, souvent des membres de sa famille, pour dissimuler l’étendue de ses biens grâce à différents artifices juridiques. En 1579, Brayne a demandé à Bett de rédiger une fausse donation de terres en faveur de son beau-frère, William Tomson, afin d’éviter qu’elles ne soient mises sous séquestre pour le règlement d’une dette [42]. Un autre des beaux-frères de Brayne, Edward Stowers, frère de sa femme Margaret, l’accuse au cours d’un procès qu’il lui intente, dans les années 1570, d’être un « homme particulièrement dangereux, subtil et artificieux » [43]. On peut par conséquent supposer que, dans l’affaire du Theatre, Brayne a cherché à utiliser son beau-frère Burbage comme un homme de paille de plus [44]. En effet, tous les protagonistes du premier procès s’entendent sur le fait que seul Burbage a signé avec Allen l’acte de location de la terre d’Holywell. Il paraît étonnant qu’une personne aussi versée dans les affaires que Brayne ait oublié de faire porter son nom sur le bail ou qu’il ait accepté de ne pas y figurer. Une telle absence, qui rend difficile une reconnaissance légale de son droit conjoint au bail, manifeste plutôt la volonté de Brayne de ne pas apparaître ouvertement dans l’entreprise. Brayne aurait toutefois été pris à son propre piège car Burbage a repoussé le plus longtemps possible la signature de tout acte juridique reconnaissant que Brayne possédait la moitié des droits sur le bail du Theatre [45].
23 Si certains témoignages mettent en doute la probité de Brayne, d’autres invitent à se demander si sa fortune a jamais été aussi florissante que ne le prétend sa veuve. Outre Henry Bett, qui semble un témoin particulièrement favorable à Burbage [46], plusieurs personnes affirment que Brayne était très endetté à la fin des années 1570, alors même qu’il recevait la moitié des recettes perçues à l’entrée des galeries du Theatre [47]. Dès les années 1570, Brayne semble aux abois [48]. On a vu que, sur la place londonienne, la manière la plus commune pour un emprunteur de garantir qu’il remboursera ses dettes est la signature d’un bond. Il est beaucoup plus rare de recourir à une hypothèque [49]. Or, à la fin des années 1570, Burbage hypothèque le bail du Theatre au moins à deux reprises. Cette procédure inhabituelle indique certainement que Burbage comme Brayne sont confrontés à un manque de liquidités, mais également qu’ils ont de graves difficultés à lever de l’argent selon les modalités habituelles du crédit londonien. La première hypothèque de 1577 sert à financer la fin des travaux de construction. La seconde, en 1579, n’est pas directement liée à l’activité théâtrale : le bail du Theatre est mis en gage afin que Brayne puisse obtenir un crédit auprès de John Hyde pour acquérir le bail du George Inn [50]. Cette seconde hypothèque est difficilement honorée, puisqu’en 1582 John Hyde, qui n’a pas été remboursé des sommes qui lui sont dues, détient provisoirement le bail de l’amphithéâtre. Il accepte néanmoins de laisser à Burbage la gestion des affaires courantes du Theatre, jusqu’à ce que le menuisier puisse le rembourser grâce aux recettes des représentations. Si Brayne est ignoré dans cet accord, c’est qu’il est introuvable à Londres : il a fui la justice et ses créanciers [51]. Ainsi, d’après Bett, Brayne aurait accumulé à la fin de sa vie £ 900 de dettes qui n’auraient rien à voir avec son investissement dans le Theatre [52]. L’image de Brayne en financier naïf abusé par Burbage se délite ainsi un peu plus.
24 Si l’on considère à présent un autre protagoniste, Robert Myles, le farouche défenseur de la veuve Brayne lors du premier procès et principal plaignant dans le second, on s’aperçoit que c’est un personnage tout aussi ambigu que John Brayne. Orfèvre, il est dès les années 1570 le partenaire de Brayne dans plusieurs affaires [53]. En 1580, il obtient de ce dernier la moitié des droits sur le bail du George Inn que convoite plus tard James Burbage pour ses enfants. Toutefois, à l’automne 1586, Margaret Brayne l’attaque en justice pour meurtre : sur son lit de mort, John Brayne aurait accusé Myles de l’avoir mortellement frappé [54]. Néanmoins, dès 1588, Myles et Margaret Brayne se découvrent alliés objectifs contre Burbage. Dans l’espoir de récupérer la possession du bail du Theatre, Myles prête à la veuve d’importantes sommes d’argent pour financer son action en justice [55]. Même les témoins a priori défavorables à Burbage soulignent que l’orfèvre manipule Margaret. En 1592, Myles reconnaît à demi-mot que « certains de ses amis ont prêté 500 marks » à la veuve pour son procès [56]. En 1597, dans le bill qu’il fait rédiger pour relancer l’affaire devant la Cour des requêtes, Myles dévoile les raisons de son entêtement judiciaire : il avait prêté à John Brayne plus de £ 500 qui n’ont jamais été remboursées. Il entend bien les récupérer en s’emparant du bail d’Holywell [57]. Obtenir cet argent lui est indispensable, car il est lui-même très endetté et ses multiples créanciers lui intentent plusieurs procès durant les années 1590 [58].
25 Les témoignages ébauchent des portraits de Brayne et de Myles bien plus complexes et ambigus que ceux proposés par l’historiographie traditionnelle. Le James Burbage qui émerge des différentes pièces judiciaires semble, lui aussi, bien plus sombre que la figure du héros prométhéen construite par les historiens du début du XXe siècle. Or, ces derniers se sont avant tout fondés sur les récits produits par James et Cuthbert Burbage au cours des trois procès [59]. À la lecture d’autres témoignages, on peut penser que James Burbage a orchestré la chute de John Brayne. Margaret Brayne ainsi que Robert Myles affirment que ce sont les dettes du Theatre qui l’ont ruiné. Dans le monde financier de Londres, une perte de crédit, ou simplement la perte de la réputation d’être un « homme de crédit », peut enclencher un processus de déclassement social, car l’accès à l’emprunt, indispensable à toute activité économique, est alors rendu difficile, voire impossible [60]. L’altération d’une partie du crédit de Brayne dans l’affaire du Theatre aurait conduit ses créditeurs habituels à lui refuser des prêts ou à réclamer le remboursement de dettes anciennes, hâtant sa ruine. Burbage est accusé d’avoir sciemment enclenché ce mécanisme en séquestrant la majorité des recettes du Theatre, privant ainsi son beau-frère de revenus et l’empêchant de rembourser les prêts qu’il avait contractés [61]. Or, lorsqu’en 1582 Brayne n’a pu honorer la dette pour laquelle avait été hypothéqué le bail du Theatre, l’acte a échu au prêteur John Hyde, qui n’avait aucune envie de gérer les affaires de l’amphithéâtre. Entre alors en scène le fils de James Burbage, Cuthbert, qui rachète à vil prix (£ 30) le bail à Hyde.
26 Non content d’avoir intrigué pour que le bail échoie au seul Cuthbert, James aurait également, en 1591, extorqué de l’argent à Margaret Brayne afin de financer les réfections du Theatre. Pour la convaincre de lui avancer des fonds, il l’amadoue en lui reversant la moitié des recettes des galeries pendant quelques semaines. Puis, prenant prétexte de la nécessité de rembourser les frais des réparations, il ne lui aurait plus rien donné [62]. Burbage ne semble guère plus honnête avec le propriétaire du terrain d’Holywell, Gyles Allen. D’après les déclarations de ce dernier en 1601, Burbage omet régulièrement de payer son loyer dès la fin des années 1580, de sorte que le menuisier lui devrait £ 30 [63]. Plusieurs témoins, y compris les plus favorables à James Burbage, attestent enfin que ce dernier n’hésite pas à recourir à l’intimidation pour arriver à ses fins. Il a ainsi maltraité physiquement et moralement « la pauvre veuve Brayne » [64], comme il avait précédemment frappé son beau-frère lors d’une dispute [65].
27 Enfin, ces procès révèlent que James Burbage n’est en rien un marginal, un pauvre menuisier devenu comédien. Il jouit, au contraire, de solides appuis. Ainsi, si John Hyde, selon ses propres dires, a accepté de transférer à Cuthbert Burbage le bail qu’il détenait, c’est exclusivement parce que sir Walter Cope, secrétaire de Lord Burghley, principal conseiller de la reine Élisabeth Ire, est intervenu en faveur de Cuthbert, qu’il a présenté comme « son serviteur » [66]. Burbage avait donc réussi à placer son fils au service de Cope [67].
28 Au gré des témoignages, Burbage apparaît tour à tour comme un personnage violent, voleur et âpre au gain ou, à l’inverse, comme un héros persécuté du théâtre élisabéthain. Ces différentes versions ne s’excluent pas pour autant. Le procès est un lieu où s’affrontent des images de soi construites par les différents protagonistes. Il s’agit, pour chacun d’eux, de se présenter aux yeux des juges sous les traits d’un honnête homme d’affaires, socialement et économiquement responsable, victime des manigances d’une poignée d’aigrefins qui ne respectent en rien les usages du monde des marchands londoniens.
Peut-on estimer les revenus générés par le Theatre ?
29 Ces procès permettent, par ailleurs, de mieux percevoir le caractère rémunérateur de l’activité dramatique. L’ensemble des témoins présentent le Theatre comme une source de profits qui suscite l’appétit de tous [68]. En effet, comme dans les autres théâtres londoniens, les clients versent un penny, encaissé par les seuls acteurs, pour entrer dans la cour afin d’assister debout au spectacle. Pour s’installer dans les galeries qui surplombent la scène et qui sont plus confortables, les spectateurs payent un ou deux pence de plus, partagés à parts égales entre la troupe et le propriétaire du théâtre. La part de la recette touchée par le propriétaire est donc une sorte de loyer acquitté par les acteurs. Ce système de rémunération explique que le conflit judiciaire qui portait, à l’origine, sur l’héritage de John Brayne se focalise rapidement sur le contrôle de la part des recettes du Theatre qui échoit au propriétaire des murs. Il s’agit de statuer sur l’identité de ceux qui doivent légalement toucher ces revenus : Burbage ? la veuve Brayne ? ou doivent-ils se partager les recettes collectées à l’entrée des galeries ?
30 En raison de la complexité du dossier documentaire, l’estimation des revenus produits par le Theatre est malaisée. D’une part, les témoins présentent tous des versions différentes, d’autre part, il est difficile de juger de l’évolution des revenus entre le début des années 1580 et le milieu des années 1590, les conditions de représentation ayant beaucoup évolué. En 1582, lorsque John Hyde obtient de James Burbage de pouvoir collecter la moitié des recettes tirées des galeries du Theatre, il dit encaisser £ 5 par semaine [69]. L’ensemble des galeries rapportait donc £ 10 par semaine, soit l’équivalent du salaire annuel des ouvriers les plus qualifiés de Londres [70]. D’autres témoignages, plus tardifs, évoquent des revenus à peine inférieurs [71]. En 1592, l’acteur John Alleyn, qui semble avoir été le responsable financier de la troupe patronnée par le Lord amiral lorsque celle-ci se produisait au Theatre entre 1588 et 1590, estime que Burbage touche £ 100 par an de « par sa propre part » [72]. Qu’entend-il par là ? Évoque-t-il la totalité de la part de recettes des galeries qui échoit au propriétaire ou désigne-t-il la moitié de la moitié de ces recettes, instillant l’idée que Brayne aurait dû toucher l’autre moitié ? Dans la déposition qu’il fait quelques jours après celle d’Alleyn, Robert Myles estime lui aussi que Burbage encaisse, grâce au Theatre, £ 100 par an, soit £ 800 en huit ou neuf ans, somme qu’il corrige, quelques mois plus tard, en affirmant que le gain total de Burbage se chiffre à plus de 2 000 marks (soit £ 1 333 6s 8d) [73]. En 1600, Gyles Allen estime, quant à lui, que le « profit et bénéfice » de Burbage entre 1576 et 1597 s’élève à « au moins £ 2 000 », soit environ £ 166 par an [74]. À la question du crédit qu’il convient d’accorder aux chiffres avancés par les différents témoins, s’ajoute celle de savoir de quoi ils parlent exactement. Évoquent-ils le chiffre d’affaires tiré des galeries ou le bénéfice fait par Burbage après déduction des différents frais ? Sur quels fondements leurs estimations reposent-elles ?
31 L’appréciation des revenus tirés du Theatre est rendue encore plus ardue à partir de l’hiver 1585-1586, date à laquelle est passé un accord notarié entre d’un côté Brayne et Burbage et, de l’autre, Henry Laneman, propriétaire du Curtain, un amphithéâtre situé à quelques centaines de mètres du Theatre [75]. Les signataires s’engagent à partager à parts égales pendant sept ans les profits des deux théâtres : Laneman en touche la moitié et Brayne et Burbage se partagent l’autre moitié [76]. Cet accord invite à réévaluer l’idée d’une concurrence sauvage entre les différents théâtres. Le partage des recettes permet sans doute aux propriétaires de lisser leurs revenus et ainsi de diminuer le risque économique : lorsqu’une pièce était un échec commercial ou lorsqu’il était impossible de jouer dans l’un des théâtres, un revenu était garanti par l’autre. Les propriétaires établissent donc un véritable cartel visant à s’assurer face aux risques inhérents à l’activité dramatique, risques qui reposent désormais exclusivement sur les épaules des comédiens jouant dans leurs théâtres. Jusqu’à sa mort en juin 1586, Brayne touche régulièrement la part qui lui est réservée par l’accord. Pendant les deux mois qui suivent son décès, sa veuve continue à recevoir cette part avant d’en être définitivement privée par Burbage. Ensuite, à la satisfaction de Laneman comme à celle de Burbage, l’accord a été observé pendant les sept années prévues.
32 D’après le comédien John Alleyn, chaque propriétaire de théâtre encaisse ses propres recettes avant de reverser la moitié de son gain à l’autre [77]. Dès lors, il est très difficile de savoir si les sommes évoquées plus haut sont le résultat des gains produits par le seul Theatre qu’il faut ensuite partager avec Laneman ou si, au contraire, elles intègrent les fruits de l’accord passé en 1585. En juillet 1592, lorsque Laneman est interrogé sur les revenus que Burbage tire de l’exploitation des deux théâtres, il avance une somme de £ 80 par an [78]. Mais, une nouvelle fois, la « part des profits » évoquée se limite-t-elle à la part à laquelle Burbage a contractuellement droit, ou inclut-elle les sommes qui auraient dû être versées à Brayne ? Il est probable que l’expression employée par Laneman ne désigne que la demi-part des recettes des galeries prévue initialement dans l’accord. En y ajoutant les loyers des logements aménagés autour du Theatre et les gains tirés de la taverne que Burbage a fait construire, après 1581, à côté de l’amphithéâtre, on parvient aux £ 100 de revenu annuel qu’évoquent certains témoins [79]. Avec la captation de la part de Brayne, le bail d’Holywell rapporterait au moins £ 180 par an à Burbage. Si ces estimations sont correctes, la construction du Theatre a pu être amortie en six ou sept années d’exploitation. De sorte que, dès le milieu des années 1580, le Theatre apparaît comme une véritable « poule aux œufs d’or » pour qui en contrôlait les revenus, ce qui aiguise l’appétit de tous les protagonistes.
Les spectacles : une activité lucrative mais risquée
33 Ces procès au long cours révèlent un dernier aspect, capital pour la compréhension de la gestion des théâtres dans le dernier tiers du XVIe siècle : les aléas juridiques liés aux modes de financement de l’activité dramatique créent une insécurité judiciaire que tous les investisseurs dans le théâtre craignent bien plus qu’une éventuelle censure politique [80].
34 Parallèlement aux procès évoqués, James Burbage fait l’objet de plusieurs autres procédures pour dette et pour non-respect d’engagements contractuels, ce qui le conduit à être emprisonné à plusieurs reprises. En 1579, il est arrêté à la suite de l’affaire des enfants Hynde [81]. En 1581, il est mis à l’amende pour non-respect de la législation sur les tavernes et, en 1585, il est déféré devant la Cour du banc du roi pour le même motif [82]. En 1582, le shérif de Londres l’arrête à la demande de John Hyde. En 1586, il est mis sous écrous à deux reprises, une fois dans une affaire liée au George Inn et une autre dans le cadre du procès contre la veuve Brayne [83]. En 1590, Burbage est de nouveau incarcéré à la demande de Robert Myles [84]. Il a également des démêlés avec les juges de paix du Middlesex. En septembre 1593, il souscrit un bond d’un montant indéterminé auprès du juge de paix Richard Young, l’engageant à comparaître comme accusé lors de la session de justice à venir du comté, pour une affaire dont la teneur n’est pas connue [85].
35 Les différents protagonistes des affaires concernant le Theatre usent des tribunaux comme d’un instrument de contrainte au sein d’une lutte d’intérêts. L’affaire n’est portée en justice qu’en ultime recours, après que d’autres moyens, parfois illégaux, ont été employés sans succès. Ainsi, en 1578, Brayne et Burbage concluent un accord d’arbitrage que la quasi-totalité des témoins s’accordent à trouver relativement équilibré. Pourtant, aucune des deux parties ne l’a jamais appliqué. Ce n’est que lorsque Margaret Brayne se trouve privée par Burbage des recettes du Theatre qu’elle exige que les termes de l’accord de 1578 soient respectés. Or elle cherchait elle-même jusque-là à évincer Burbage des droits que lui conférait cet arbitrage. De même, en 1590, un arrêt de la Cour des requêtes, établi à la demande de la veuve, l’autorise à titre conservatoire à percevoir une partie des revenus de l’amphithéâtre. Burbage considère cet arrêt comme injuste car il rétablit l’équilibre entre les parties à son détriment. Il refuse de s’y plier et accueille avec des gourdins et des armes à feu les représentants de la veuve Brayne, venus lui apporter une copie de la décision de justice [86].
36 Ces nombreux conflits judiciaires menacent fréquemment le bon déroulement des spectacles. En 1582, John Hyde fait saisir par des officiers les recettes du Theatre pendant plusieurs semaines pour se rembourser de son prêt. Quant à Robert Myles, il se présente à plusieurs reprises au Theatre les jours de représentation afin d’exiger le respect de l’arbitrage de 1578. Aidé de serviteurs, il cherche à collecter une partie des recettes mais les Burbage les reçoivent mousquet à la main [87]. À cela s’ajoutent les intimidations d’un certain Edmund Peckham. À en croire Cuthbert Burbage, ce dernier harcèle son père James durant toute l’année 1582. En effet, Peckham conteste à Gyles Allen la propriété des terres de Holywell louées par Burbage et il entend, pour se dédommager, percevoir une partie des recettes du Theatre. Il se rend donc régulièrement à l’amphithéâtre avec des hommes de main armés pour menacer Burbage [88].
37 Selon d’anciens employés du Theatre, certaines troupes de comédiens, alarmées par l’incertitude de la situation née du procès entre Burbage et la veuve Brayne, et effrayées par les intimidations de Myles et de Peckham, ont décidé de suspendre temporairement leur activité, voire de quitter définitivement le Theatre [89]. Les déboires judiciaires de Burbage enveniment donc considérablement les relations qu’il entretient avec les comédiens qui donnent des représentations dans son amphithéâtre. Ainsi, lorsqu’en 1592 l’acteur John Alleyn, membre de la troupe de l’amiral, est appelé à témoigner, il souligne que ses camarades et lui sont très au fait de l’affaire Burbage-Brayne, car ils en sont des victimes [90]. Le portrait qu’Alleyn dresse de Burbage est particulièrement peu flatteur. En plus d’être un homme emporté [91], le menuisier serait un voleur. Burbage aurait à plusieurs reprises pioché dans la part des recettes des galeries qui revenait à Brayne comme dans celle réservée aux troupes. Burbage aurait, à cette fin, fait confectionner un double de la clef ouvrant la caisse des recettes pour pouvoir puiser discrètement à l’intérieur [92]. Alleyn raconte un esclandre qui a éclaté en 1590 entre les comédiens et Burbage à cause des recettes :
« Le témoin, huit jours après [la première visite de Robert Myles au Theatre pour demander la part des profits revenant à la veuve Brayne], se présenta à Burbage pour discuter d’une certaine somme d’argent qui provenait de la répartition entre Burbage et eux des recettes dudit Theatre, somme que ce dernier détenait alors qu’elle appartenait au témoin et à ses camarades, et le témoin déclara à Burbage qu’il ne devait pas chercher à les traiter comme il traitait la pauvre veuve, car s’il s’y aventurait, la troupe se plaindrait à leur seigneur et maître le Lord amiral. Ceci mit en rage Burbage qui, sans aucune révérence vis-à-vis du rang et de l’état de ce seigneur, dit qu’il n’en avait rien à faire, et que s’ils se plaignaient à trois des plus grands seigneurs, il n’en aurait toujours rien à faire » [93].
39 Les problèmes financiers et judiciaires de Burbage influent donc largement sur les relations qu’il entretient avec les troupes jouant au Theatre. Ils concourent sans doute au fait que la troupe de l’amiral quitte le Theatre au milieu de l’année 1590 pour gagner un autre théâtre, le Rose.
40 Une fois encore, les informations tirées des différents procès invitent à remettre en question une idée solidement ancrée dans l’historiographie. Les amphithéâtres construits dans les années 1570-1580 à la périphérie de Londres ne sont pas pour les troupes des endroits plus sûrs ou plus stables que les lieux de représentations établis dans la Cité. Les représentations sont toujours susceptibles d’être interrompues pour des raisons souvent étrangères aux activités dramatiques elles-mêmes.
Le theatre, archétype des théâtres élisabéthains ?
41 Le recours au crédit et les conflits autour de la propriété et du contrôle des recettes ne sont pas l’apanage du seul Theatre. L’ensemble de l’activité théâtrale londonienne fonctionne selon un même modèle économique et se trouve confrontée aux mêmes limites des instruments juridico-économiques du temps.
42 Dans d’autres théâtres comme le Rose, le financement de l’activité dramatique se répartit entre, d’une part, des personnes qui fournissent peu d’argent mais beaucoup de temps et de labeur et, d’autre part, un investisseur dormant, qui apporte l’essentiel du capital mais ne s’occupe pas de la gestion quotidienne du lieu. En 1585, Philip Henslowe, un teinturier londonien [94], acquiert un bail pour une terre, la Little Rose, située dans Rose Alley à Southwark, et appartenant à la paroisse londonienne de Saint-Mildred Breadstreet [95]. Henslowe souhaite y édifier un théâtre mais semble avoir quelques difficultés à financer les travaux de construction. En janvier 1587, il conclut un accord avec John Cholmeley, un épicier londonien qui possède un terrain attenant au Little Rose [96]. Cholmeley s’engage à verser £ 816 pour payer la construction des bâtiments. L’importance de la somme donne à penser qu’elle a sans doute été en partie empruntée, ce qui montre le crédit dont jouit Cholmeley. L’investissement de l’épicier est spéculatif : Cholmeley entend être remboursé relativement vite et non s’engager sur le long terme. L’accord stipule qu’il touchera pendant huit ans et trois mois la moitié des revenus produits par l’ensemble des installations sises dans Rose Alley, ce qui implique que celles-ci dégagent au minimum un revenu net de £ 200 par an [97]. En sus, Cholmeley obtient le monopole de la vente de bière et de nourriture dans l’amphithéâtre, ce qui semble constituer le taux d’intérêt de son prêt [98].
43 Pour sa part, Henslowe s’acquitte des loyers, des taxes et de tous les frais afférents au fonctionnement du théâtre. S’il n’a pas l’assise financière suffisante pour assumer un emprunt de plus de £ 800, Henslowe semble bien connecté au monde du théâtre : son neveu, Francis, est acteur dès la fin des années 1580. Dès 1587, Henslowe gère seul le fonctionnement du Rose et, une fois les huit ans passés, il doit jouir de tous les revenus du Rose. Toutefois, jamais le nom de Cholmeley n’apparaît dans les comptes des recettes générées par le théâtre. On peut supposer que, jusqu’à sa mort en avril 1589, il constitue un investisseur dormant n’ayant rien à voir avec la gestion quotidienne de l’amphithéâtre mais demandant régulièrement des comptes à Henslowe. On peut également penser qu’Henslowe a racheté la part de Cholmeley à ses héritiers vers 1590, puisque dès 1592 Henslowe décrit régulièrement le Rose comme « [s]on théâtre » [99]. La même année, il est le seul à payer les £ 108 19s engagées pour une réfection du bâtiment [100] : tout un pan du Rose est abattu pour augmenter la surface de la cour et agrandir les galeries afin d’augmenter la capacité d’accueil d’environ 400 places [101].
44 Les revenus du Rose pourraient paraître, au premier abord, plus simples à estimer. En effet, on a conservé un livre de comptes dans lequel Henslowe a consigné, entre autres, une partie de ses affaires liées au Rose [102]. Henslowe, à l’instar des autres propriétaires de théâtre, touche la moitié des droits d’entrée dans les galeries. Lors de l’année 1594-1595, la troupe de l’amiral, qui joue alors au Rose, donne près de 275 représentations, ce qui permet à Henslowe de collecter £ 450, soit en moyenne £ 2 par représentation [103]. Ce revenu quotidien est très conséquent : il équivaut à un an de loyers des maisons construites par Burbage autour de son théâtre [104]. De plus, à l’instar de Burbage, Henslowe a loti les alentours du Rose pour y installer des sous-locataires. Leur nombre est important, puisqu’à la fin du XVIe siècle, ces locations lui rapportent chaque année £ 30 [105]. Toutefois, les revenus tirés du Rose ne sont pas réguliers d’une année sur l’autre. Ainsi, entre 1592 et 1594, la peste sévit à Londres et plusieurs décisions royales interdisent tous les spectacles publics [106]. En août 1593, dans une lettre qu’il adresse à son gendre, le comédien Edward Alleyn, parti en tournée dans les comtés pour échapper à l’épidémie, Henslowe écrit qu’il s’appauvrit parce que le Rose reste fermé, faute d’acteurs [107]. Cependant, cette crise ne l’asphyxie pas financièrement, car les dettes contractées pour construire l’amphithéâtre semblent avoir été remboursées dès avant 1592.
45 La gestion du Boar’s Head, un autre théâtre aménagé à la fin de l’année 1597 à Whitechapel à l’est de Londres, donne lieu à des contentieux juridiques qui rappellent ceux du Theatre. Le bâtiment d’origine, déjà dénommé Boar’s Head, est situé sur le manoir de Stepney saisi en 1550 par Édouard VI qui en a fait don en pleine propriété à Lord Thomas Wentworth. Depuis 1530, le terrain est détenu en copyhold [108] par John Transfeild, un artilleur qui meurt en 1561. Ses droits échoient à sa veuve, Jane [109]. Cette dernière se remarie à un écuyer, Edmund Poley, mais conserve un droit exclusif sur la gestion des biens que lui a légués son premier mari. En 1595, elle conclut un bail de location de vingt et un ans avec Oliver Woodliffe. Ce bail prévoit le règlement d’un loyer annuel de £ 40, Woodliffe s’engageant, en sus, à bâtir ou à restaurer les bâtiments pour un montant de £ 100 au cours des sept premières années [110]. Rapidement, Woodliffe transforme le bâtiment en théâtre. Mais il n’entend pas suivre au jour le jour l’avancée des travaux ni gérer quotidiennement le lieu. Il sous-loue donc une partie des bâtiments à Richard Samwell et s’entend avec lui pour accueillir au Boar’s Head la troupe du comte de Worcester. En 1599, en manque d’argent, Richard Samwell transmet sa sous-location à John Browne, un acteur-actionnaire de la troupe de Worcester. Lui-même confronté à des difficultés financières, Woodliffe sous-loue la partie qu’il contrôle encore directement à Francis Langley, le propriétaire d’un autre amphithéâtre, le Swan. Langley transmet immédiatement son bail à divers hommes de paille. En 1600, ce montage complexe conduit les acteurs à cesser de payer leur loyer sous prétexte qu’ils ne savent plus à qui le verser. Plusieurs procès commencent alors devant divers tribunaux pour déterminer qui détient les droits sur les recettes du Boar’s Head [111]. La majorité des affaires s’éteignent avec la peste de 1603-1604 qui cause la mort des principaux protagonistes : Woodliffe, Langley et l’acteur Brown, devenu « très pauvre » [112].
46 Si le réexamen des différentes pièces des procès menés pour le contrôle du Theatre ne permet pas de mesurer précisément la rentabilité économique des différents théâtres, il éclaire le mode de financement et de gestion de l’activité dramatique. L’affaire du Theatre révèle la cristallisation progressive dans le dernier tiers du XVIe siècle d’une nouvelle activité économique potentiellement rentable et au service du divertissement des Londoniens : les spectacles publics. Cette cristallisation résulte d’un mouvement symbiotique d’expansion de la demande sociale en divertissements et de structuration d’une offre en spectacles, qui, par la suite, façonne et fait croître la demande. Cette activité requiert la construction de lieux de représentations spécifiques, comme le Theatre, capables d’accueillir plusieurs milliers de spectateurs, ainsi qu’un matériel très onéreux et un personnel de plus en plus professionnalisé. Elle s’intègre à un vaste réseau d’affaires, où se mêlent investissements immobiliers, prêts à intérêts et prises de participation. Elle nécessite donc des outils de financement, d’estimation d’un marché, de prédiction des coûts et de planification de bénéfices.
47 L’inscription du théâtre dans le substrat économique londonien conduit à réinterroger l’idée selon laquelle le théâtre public élisabéthain serait né du combat mené par des marginaux socio-économiques ou des personnes mal insérées dans la société urbaine pour s’affranchir des cadres économiques traditionnels corporatistes. Certains ont fait des hommes de spectacle les pionniers d’une économie libérale capitaliste. Or, les procès du Theatre révèlent que les financiers des théâtres, comme les comédiens, ne sont pas des marginaux. Sans pour autant être issus de l’élite urbaine, ils sont parfaitement intégrés au tissu socioéconomique et font tout pour s’y agréger, à l’image d’un Philip Henslowe [113]. Burbage, Henslowe et les autres investisseurs n’ont mobilisé aucune idée ou aucun instrument économique nouveau. Sans survaloriser la rationalité économique de leurs comportements, ils ont recours à l’ensemble des moyens de financement alors disponibles à Londres, moyens qui ne cessent de se raffiner au cours du dernier tiers du XVIe siècle. À côté de raisons culturelles et politiques, l’âge d’or du théâtre élisabéthain à partir des années 1570 s’explique donc aussi par des logiques économiques et financières.
Mots-clés éditeurs : siècle, e, procès, Angleterre, XVI, Londres, théâtre élisabéthain, histoire socioéconomique
Mise en ligne 14/01/2016
https://doi.org/10.3917/rhmc.624.0089Notes
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[1]
Respectivement Edmund K. CHAMBERS, The Elizabethan Stage, Oxford, Clarendon Press, 1923, vol. 2, p. 385-399 ; Lily CAMPBELL, Scenes and Machines on the English Stage during the Renaissance, Cambridge, Cambridge University Press, 1923 ; William INGRAM, The Business of Playing. The Beginning of the Adult Professional Theatre in Elizabethan London, Ithaca, Cornell University Press, 1992 ; Theodore LEINWAND, Theatre, Finance and Society in Early Modern England, Cambridge, Cambridge University Press, 1999.
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[2]
James Burbage (1531-1597) a fait partie de plusieurs troupes de théâtre dont, à partir de 1559, celle que protégeait Robert Dudley, futur comte de Leicester. Au début des années 1580, il semble avoir abandonné la scène pour se consacrer exclusivement à la gestion du Theatre : Mary EDMOND, « Burbage, James (c.1531–1597) », Oxford Dictionary of National Biography, www.oxforddnb.com (désormais ODNB online).
-
[3]
Charles W. WALLACE, The First London Theatre, numéro spécial de Nebraska University Studies, 13-1/3, 1913 (désormais First London Theatre).
-
[4]
Olivier SPINA, Une ville en scènes. Pouvoirs et spectacles à Londres sous les Tudors (1525-1603), Paris, Classiques Garnier, 2013.
-
[5]
Roger FINLAY, Population and the Metropolis. The Demography of London 1580-1650, Cambridge, Cambridge University Press, 1981, p. 16. Voir également Lena C. ORLIN (éd.), Material London, ca. 1600, Pittsburgh, University of Pennsylvania Press, 2000.
-
[6]
Sur le fonctionnement des troupes d’acteurs à la fin du XVIe siècle : William STREITBERGER, « Personnel and professionalization », in John COX, David S. KASTAN (éd.), A New History of Early English Drama, New York, Columbia University Press, 1997, p. 337-355.
-
[7]
À titre d’exemple, en 1573, la municipalité fixe par règlement le salaire des apprentis charpentiers qui ont déjà servi trois ans leur maître : ils touchent chaque semaine 3s 4d (soit 40 pence) en sus du gîte et du couvert. London Metropolitan Archives (désormais LMA), JCC 20, 1, COL/ CC/01/01/20, f° 48v.
-
[8]
Des investissements importants et surtout très réguliers sont nécessaires afin de se procurer une main-d’œuvre qualifiée, un matériel de plus en plus abondant et spectaculaire ainsi que des locaux spécifiques : O. SPINA, Une ville… op. cit., p. 443 sq.
-
[9]
W. INGRAM, « The economics of playing », in D.S. KASTAN (éd.), A Companion to Shakespeare, Oxford, Blackwell, 1999, p. 313-327.
-
[10]
Craig MULDREW, The Economy of Obligation. The Culture of Credit and Social Relations in Early Modern England, Basingstoke, MacMillan, 1998, p. 109-112.
-
[11]
Ibidem, p. 112.
-
[12]
John H. BAKER, An Introduction to English Legal History [1971], Londres, Butterworths, 1990, p. 368-369.
-
[13]
L’activité théâtrale ne nécessite pas plus qu’une autre un recours au crédit, comme le pense T. LEINWAND, Theatre, Finance…, op. cit., p. 60 sq. Son financement est rigoureusement identique à celui d’autres types d’activités.
-
[14]
Sur ces procédures, voir J. H. BAKER, An Introduction…, op. cit., p. 46-50, 119-121 et 136-137.
-
[15]
First London Theatre, p. 163.
-
[16]
J. H. BAKER, An Introduction…, op. cit., p. 51 et 91-92.
-
[17]
James Burbage épouse Ellen Brayne, la sœur de John, en 1559.
-
[18]
La prolifération des procès et la multiplication des bills tiennent, en partie, aux faibles coûts de la justice dans l’Angleterre du XVIe siècle. On peut engager une procédure pour quelques shillings : Christopher W. BROOKS, Pettyfoggers and Vipers of the Commonwealth. The « Lower Branch » of the Legal Profession in Early Modern England, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, p. 101.
-
[19]
En cela, les récits construits par chacun des protagonistes doivent être rapprochés de ceux étudiés par Natalie Zemon Davis dans les lettres de rémission octroyées par le roi de France au XVIe siècle, Natalie Z. DAVIS, Fiction in the Archives. Pardon Tales and their Tellers in Sixteenth-century France, Stanford, Stanford University Press, 1987 (traduction française : Pour sauver sa vie. Les récits de pardon au XVIe siècle, Paris, Seuil, 1988).
-
[20]
Marie HOULLEMARE, Politiques de la parole. Le Parlement de Paris au XVIe siècle, Genève, Droz, 2011, p. 26-29.
-
[21]
Ce chiffre est donné par Henry Bett, notaire qui rédige une partie des documents de Brayne, et qui le tiendrait de Brayne lui-même. Bett est appelé à témoigner par Burbage.
-
[22]
Margaret Brayne précise le montant de la somme lors de sa déposition, perdue, de 1588. L’estimation de £ 600 est reprise dans un acte de la Cour de la chancellerie du 4 novembre 1590, First London Theatre, p. 47.
-
[23]
Selon John Grigges, un charpentier témoignant en faveur de Robert Myles devant la Cour de la chancellerie, le 29 juillet 1592, ibidem, p. 133.
-
[24]
Selon Ralph Myles, le fils de Robert Myles, qui le saurait par les livres de comptes de Brayne. Déposition devant la Cour de la chancellerie, le 10 février 1592, ibidem, p. 106.
-
[25]
Ce témoignage est confirmé par John Hyde le 12 février 1592. Il estime qu’avant 1576 Brayne « valait » £ 500 et pouvait lever 1 000 marks, ibidem, p. 109. Mais cela ne veut pas dire grand-chose puisque la majorité des avoirs des financiers londoniens consistent en des dettes, des sommes gagées. Il semble relativement facile de masquer ses difficultés financières.
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[26]
Témoignage de John Grigges le 29 juillet 1592 devant la Cour de la chancellerie. Il dit connaître depuis très longtemps la famille Burbage, ibidem, p. 135.
-
[27]
Déposition devant la Cour de la chancellerie de William Nicoll, le 31 juillet 1592, ibidem, p. 152.
-
[28]
Brayne aurait vendu la maison paternelle dans Bucklersbery pour £ 146 afin d’honorer des factures. Témoignage d’Edward Collyns devant la Cour de la chancellerie, le 29 juillet 1592, ibidem, p. 137-139.
-
[29]
Témoignage d’Henry Bett le 30 septembre 1591 devant la Cour de la chancellerie, ibidem, p. 86.
-
[30]
Voir la réponse devant la Cour des requêtes de Cuthbert Burbage au bill de Gyles Allen, datée du 27 avril 1600, ibidem, p. 200.
-
[31]
Témoignage de Gyles Allen le 3 novembre 1591 devant la Cour de la chancellerie, ibidem, p. 75.
-
[32]
Ibidem, p. 74.
-
[33]
Dépositions devant la Cour de la chancellerie d’Henry Bett, de Bryan Ellam et de William Clerk le 30 septembre 1591, ibidem, p. 71, 76 et 77. Pour Robert Myles, John Brayne a avancé la moitié de cet argent, ce qui témoigne de ses droits à la moitié du bail : bill de Robert Myles devant la Cour des requêtes, mai 1597, ibidem, p. 159.
-
[34]
Bill présenté par Gyles Allen devant la Cour des requêtes, le 4 février 1600, ibidem, p. 193.
-
[35]
Cet investissement se fait au mépris des nombreuses proclamations royales qui, sous Élisabeth Ire, interdisent le lotissement de propriétés dans et autour de Londres. Cette législation vise particulièrement les locataires qui, comme Burbage, morcellent des terres prises à bail pour ensuite les sous-louer. Voir, par exemple, la proclamation royale du 7 juillet 1580 éditée dans Paul HUGHES, James LARKIN (éd.), Tudor Royal Proclamations, New Haven, Yale University Press, 1966, vol. 2, p. 466-468.
-
[36]
Herbert BERRY, « The first public playhouses, especially the Red Lion », Shakespeare Quarterly, 40-2, 1989, p. 133-148.
-
[37]
Déposition de John Hynde devant la Cour du banc du roi, session d’Hilary Term (janvier-mars) 1579, éditée dans David MATEER, « New light on the early history of the theatre in Shoreditch », English Literary Renaissance, 36-3, 2006, p. 335-375, p. 364.
-
[38]
Ibidem, p. 335-336.
-
[39]
Robert Burbage, citoyen charpentier et demi-frère de James, a participé à la construction du Theatre. À sa mort en 1584, son testament précise que son frère et Brayne n’ont toujours pas réglé les sommes qui lui sont dues : M. EDMOND, « Burbage… », art. cit.
-
[40]
Témoignage de John Grigges devant la Cour de la chancellerie, le 29 juillet 1592, First London Theatre, p. 133.
-
[41]
Déposition d’Henry Bett devant la Cour de la chancellerie, le 30 septembre 1591, ibidem, p. 82. Son parcours est très similaire à celui de Francis Langley, remarquablement étudié dans W. INGRAM, A London Life in the Brazen Age : Francis Langley, Cambridge, Harvard University Press, 1978.
-
[42]
Déposition d’Henry Bett devant la Cour de la chancellerie, le 30 septembre 1591, First London Theatre, p. 83.
-
[43]
Procès tenu devant la Cour de la chambre étoilée, cité dans W. INGRAM, « Robert Keysar, playhouse speculator », Shakespeare Quarterly, 37-4, 1986, p. 476-485, p. 477.
-
[44]
Déposition d’Henry Bett, 30 septembre 1591, First London Theatre, p. 86. Le fait de ne pas tester pourrait également être interprété comme un moyen de ne pas dévoiler l’étendue de ses biens.
-
[45]
Témoignage du notaire William Nicoll devant la Cour de la chancellerie le 31 juillet 1592. Il rapporte des faits de 1579, ibidem, p. 151.
-
[46]
En 1592, Henry Bett se porte caution pour James Burbage lorsque celui-ci est convoqué devant la session de paix du comté de Middlesex en 1592. Entrée du 6 avril 1592, John C. JEAFFRESON (éd.), Middlesex County Records, vol. 1, 1550-1603, Londres, The Middlesex County records society, 1886, p. 206.
-
[47]
Le 26 avril 1600, Henry Johnson, chargé de percevoir les recettes à l’entrée des galeries, témoigne devant la Cour des requêtes qu’il reversait l’argent à Brayne et Burbage, First London Theatre, p. 222. Sur les recettes des galeries, voir infra.
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[48]
Lors de sa déposition devant la Cour de la chancellerie, le 24 juillet 1592, William James, ancien bailli de Stepney, où résidait alors Brayne, confirme que celui-ci était régulièrement recherché par ses créditeurs, First London Theatre, p. 91.
-
[49]
C. MULDREW, The Economy of Obligation…, op. cit., p. 115 et 275.
-
[50]
Burbage hypothèque le bail du Theatre pour une affaire qui ne relève pas de l’activité dramatique et qui ne profite qu’à Brayne. Est-ce une preuve que Brayne contrôlait en sous-main le bail de l’amphithéâtre ? C’est peut-être à cette occasion que Brayne s’est engagé verbalement à faire des enfants de Burbage les héritiers du bail du George Inn, à l’origine de tous ces procès.
-
[51]
Déposition de John Hyde du 21 février 1592 devant la Cour de la chancellerie, First London Theatre, p. 111.
-
[52]
Déposition d’Henry Bett devant la Cour de la chancellerie, le 30 septembre 1591, ibidem, p. 87.
-
[53]
Voir le témoignage de William James, ibidem, p. 91 et son rôle dans une autre affaire d’emprunt, The National Archive (Kew ; désormais TNA), SP 12/146, f° 80.
-
[54]
First London Theatre, p. 14.
-
[55]
Déposition devant la Cour de la chancellerie de Nicholas Bisshope, partenaire de Robert Myles, le 13 novembre 1591, ibidem, p. 115. Les frais de justice pour une affaire jugée devant la Cour de la chancellerie sont plus élevés que pour les autres cours royales. Pour une affaire courante, ces frais peuvent atteindre plusieurs dizaines de livres-sterlings : C. W. Brooks, Pettyfoggers…, op. cit., p. 105.
-
[56]
Soit environ £ 333. Déposition de Robert Myles devant la Cour de la chancellerie, le 30 juillet 1592, First London Theatre, p. 148.
-
[57]
Bill présenté devant la Cour des requêtes par Robert Myles en mai 1597, ibidem, p. 160.
-
[58]
H. BERRY, « Shylock, Robert Miles, and Events at the Theatre », Shakespeare Quarterly, 44-2, 1993, p. 183-201, p. 200.
-
[59]
Voir par exemple le bill de réponse présenté devant la Cour des requêtes par Cuthbert Burbage après sa mise en accusation par Gyles Allen, daté du 26 janvier 1600, First London Theatre, p. 181 sq.
-
[60]
C. MULDREW, The Economy of Obligation…, op. cit., p. 290.
-
[61]
Déposition de John Allen, le 6 février 1592, devant la Cour de la chancellerie, First London Theatre, p. 99. On peut alors se demander pourquoi Brayne n’a pas poursuivi Burbage en justice. Il détient un bond signé par Burbage qui lui garantit le remboursement de l’argent investi sous peine d’une forfaiture qui lui aurait rapporté £ 400, ibidem, p. 39 et 141.
-
[62]
Déposition de Raphe Myles, fils de Robert Myles, devant la Cour de la chancellerie, le 10 février 1592, ibidem, p. 102.
-
[63]
Réponse du 4 février 1600 de Gyles Allen à Cuthbert Burbage devant la Cour des requêtes, ibidem, p. 193.
-
[64]
C’est le cas de Henry Laneman et John Hyde, ibidem, respectivement p. 108 et 149.
-
[65]
Témoignage de William Nicoll devant la Cour de la chancellerie, le 31 juillet 1592, ibidem, p. 152.
-
[66]
Déposition de John Hyde devant la Cour de la chancellerie, le 12 février 1592, ibidem, p. 109. Hyde prétend que Cuthbert n’a pu emprunter les £ 30 nécessaires à l’achat que grâce à la caution de Walter Cope.
-
[67]
L’origine de la connexion entre le menuisier et le gentleman est difficile à expliquer : Elizabeth ALLEN, « Cope, Sir Walter (1553 – 1614) », ODNB online.
-
[68]
Voir la déposition de Nicholas Bisshope, partenaire de Robert Myles, le 6 avril 1592 devant la Cour de la chancellerie, First London Theatre, p. 114.
-
[69]
Témoignage de John Hyde devant la Cour de la chancellerie, le 28 novembre 1590, ibidem, p. 54. Tout l’enjeu de cette déposition est de savoir si Hyde n’encaisse que la part dévolue à Burbage ou s’il récupère également celle due à Brayne, ce qui semble être le cas.
-
[70]
LMA, JCC 21, COL/CC/01/01/22, f° 463 : ordre mayoral du 7 juillet 1584 régulant les salaires.
-
[71]
Si les acteurs jouaient 40 semaines par an, total rarement atteint entre 1576 et 1597, les galeries produiraient un revenu maximum de £ 400 annuels.
-
[72]
Déposition du 8 février 1592 devant la Cour de la chancellerie, First London Theatre, p. 102.
-
[73]
Dépositions du 10 février 1592 et du 30 juillet 1592, devant la Cour de la chancellerie, ibidem, p. 106 et 147.
-
[74]
Réponse de Gyles Allen devant la Cour des requêtes, 4 février 1600, ibidem, p. 198.
-
[75]
Déposition d’Henry Laneman devant la Cour de la chancellerie le 30 juillet 1592, ibidem, p. 149.
-
[76]
Aucune source directe n’a été conservée quant au mode de fonctionnement du Curtain. On peut supposer que, à l’instar du Theatre, les recettes des galeries étaient partagées entre Laneman et les acteurs, ces derniers conservant l’intégralité des recettes de la cour. Si la composition et la valeur des revenus des deux théâtres avaient été très différentes, les deux parties n’auraient sans doute pas décidé de faire une répartition égale des profits.
-
[77]
Déposition de John Alleyn devant la Cour de la chancellerie, le 6 février 1592, First London Theatre, p. 101-102. Cet accord n’est ni une vente déguisée du Curtain à Burbage, ni une délégation à ce dernier de la gestion du théâtre, comme le pense W. INGRAM, The Business…, op. cit., p. 233-236.
-
[78]
First London Theatre, p. 150.
-
[79]
Mark ECCLES, « Elizabethan Actors I : A-D », Notes & Queries, 236, 1991, p. 38-49, p. 43.
-
[80]
O. SPINA, Une ville…, op. cit., p. 636 sq.
-
[81]
Voir supra. First London theatre, p. 90. Burbage doit alors s’acquitter des £ 5 1s 1d que Brayne et lui devaient à Hyde.
-
[82]
M. ECCLES, « Elizabethan… », art. cit., p. 43. Il est de nouveau déféré en 1592 et 1593.
-
[83]
Bill produit devant la Cour de la chancellerie par James Burbage contre Margaret Brayne en 1588, First London Theatre, p. 43.
-
[84]
Ces arrestations ne sont souvent que temporaires. Soit la personne arrêtée paye une somme demandée par le plaignant dans les affaires de dettes, soit elle sort de prison en trouvant des garants certifiant qu’elle se présentera à la convocation du tribunal devant lequel elle est assignée.
-
[85]
Entrée du 11 septembre 1593, éditée dans J.-C. JEAFFRESON (éd.), Middlesex…, op. cit., p. 216.
-
[86]
Déposition de John Alleyn devant la Cour de la chancellerie, le 6 février 1592, First London Theatre, p. 101.
-
[87]
Témoignage de Nicholas Bishopp devant la Cour de la chancellerie, le 29 janvier 1592, ibidem, p. 98.
-
[88]
Bill de réponse de Cuthbert Burbage devant la Cour des requêtes daté du 27 avril 1600, ibidem, p. 201.
-
[89]
Témoignage devant la Cour des requêtes de Randulph Maye, peintre et paroissien de Saint-Leonard Shoreditch, le 15 mai 1600, ibidem, p. 240.
-
[90]
Déposition de John Alleyn devant la Cour de la chancellerie, le 6 février 1592, ibidem, p. 98-101.
-
[91]
Dès 1584, après qu’une émeute a éclaté aux portes du Theater, les « principaux acteurs de la troupe de la reine » signalent au Recorder Fleetwood que Burbage est un « type entêté » et qu’« il faut lui faire souscrire un bond » pour l’obliger à respecter les ordres du Conseil privé. Lettre du 18 juin 1584 adressée par William Fleetwood à Lord Burghley, éditée dans Thomas WRIGHT (éd.), Queen Elizabeth and her Times. A series of original Letters, Londres, Henry Colburn, 1838, vol. 2, p. 226.
-
[92]
Interrogatoire devant la Cour de la chancellerie, le 29 juillet 1592, First London Theatre, p. 129.
-
[93]
Déposition de John Alleyn devant la Cour de la chancellerie, le 6 février 1592, ibidem, p. 101.
-
[94]
Henslowe a été apprenti d’un teinturier nommé Woodward, dont il épouse la veuve au début des années 1580 : Carol CHILLINGTON RUTTER (éd.), Documents of the Rose Playhouse, Manchester, Manchester University Press, 1984, p. 5.
-
[95]
La durée du bail est, classiquement, de 21 ans et le loyer s’élève à £ 7 par an, ibidem, p. 36 et 213.
-
[96]
Le contrat est édité dans Reginald A. FOAKES (éd.), Henslowe’s Diary, Cambridge, Cambridge University Press, 2002 (désormais Henslowe’s Diary), p. 304-306.
-
[97]
La similitude avec le cas du Theatre est remarquable.
-
[98]
On mange, boit et fume durant les représentations. Les vendeurs sont des employés des propriétaires d’amphithéâtres.
-
[99]
Le testament de Cholmeley est enregistré par la cour de Cantorbéry en février 1590. TNA PCC wills, PROB 11/75. Voir également Neil CARSON, A Companion to Henslowe’s Diary, New York, Cambridge University Press, 1988, p. 14-16.
-
[100]
Henslowe’s Diary, p. 9-13.
-
[101]
C. CHILLINGTON RUTTER (éd.), Documents…, op. cit., p. XIII-XIV.
-
[102]
Certains historiens expliquent l’existence du Journal par la nécessité de rendre des comptes à Cholmeley.
-
[103]
W. INGRAM, « The economics… », art. cit., p. 325.
-
[104]
W. INGRAM, A London Life…, op. cit., p. 111-113.
-
[105]
C. CHILLINGTON RUTTER (éd.), Documents…, op. cit., p. 213.
-
[106]
Voir O. SPINA, « Disorders and inconveniences in this City. Le contrôle par les autorités laïques et religieuses des spectacles dans le Londres Tudor », in Marie-Bernadette DUFOURCET, Charles MAZOUER et Anne SURGERS (éd.), Spectacles et pouvoirs dans l’Europe de l’Ancien Régime, Tübingen, Narr, 2011, p. 95-111.
-
[107]
Lettre de Henslowe à Alleyn datée du 14 août 1593, éditée dans Henslowe’s Diary, p. 279.
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[108]
Le copyhold est une forme de possession, qui équivaut à un bail, d’une tenure manoriale.
-
[109]
H. BERRY, The Boar’s Head Playhouse, Cranbury, Associated Universities Press, 1986, p. 15-19.
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[110]
Ibidem, p. 24. Les conditions de bail sont très proches de celles du Theatre.
-
[111]
Ibidem, p. 35, 42 et 54.
-
[112]
Lettre de Joan Alleyn à son mari Edward Alleyn le 21 octobre 1603, éditée dans Henslowe’s Diary, p. 297.
-
[113]
James Burbage appartient à la corporation des menuisiers, Richard Hickes, investisseur au Curtain, John Brayne et John Cholmeley aux épiciers, Francis Langley est drapier ; Oliver Woodlieff est haberdasher. Voir David KATHMAN, « Citizens, innholders and playhouse builders, 1543-1622 », Research Opportunities in Renaissance Drama, 44, 2005, p. 38-64.