Notes
-
[1]
Michel WIEVIORKA, Le racisme, une introduction, Paris, La Découverte, 1998, p. 87.
-
[2]
Ibidem, p. 89.
-
[3]
La division en séquences du conflit israélo-palestinien fait l’objet, comme tout découpage historique, d’analyses différentes et évolutives. Cependant, un consensus existe pour considérer que la première Intifada (« soulèvement » en arabe) débute en décembre 1987 et prend fi n avec la signature de la reconnaissance mutuelle entre l’Organisation de libération de la Palestine et Israël, à la fin de l’été 1993 (symbolisée par la poignée de main entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat en septembre 1993 à Washington). La seconde Intifada débute fin septembre 2000. Ce conflit étant asymétrique, sans déclaration de guerre entre deux États, établir scientifiquement sa fin est difficile. Nombre d’observateurs s’accordent cependant pour estimer que l’année 2004 a marqué un tournant – avec la mort de Yasser Arafat en novembre – expliquant que, depuis lors, les discours sur le confl it israélo-palestinien évoquent régulièrement l’hypothèse d’une troisième Intifada.
-
[4]
« Jacques Chirac n’a jamais compris Israël, ni les Israéliens », Le Monde, 17 octobre 2000, propos recueillis par Henri Tincq.
-
[5]
« Les juifs de France visés par l’Intifada ? », Observatoire du monde juif, 1, novembre 2001.
-
[6]
« La communauté juive s’inquiète d’une recrudescence des agressions antisémites », Le Monde, 2 décembre 2001.
-
[7]
Discours du président du CRIF Roger Cukierman au dîner du CRIF du 1er décembre 2001 en l’honneur du Premier ministre de la République Lionel Jospin. Texte disponible dans son intégralité sur le site internet du CRIF : www.crif.org.
-
[8]
« Le ministère de l’Intérieur note une baisse des violences antisémites en 2001 », Le Monde, 6 décembre 2001 ; « L’Intérieur oppose des chiffres à l’émotion », Libération, 14 décembre 2001.
-
[9]
Brigitte BEAUZAMY, Marie-Cécile NAVES, « Usages politiques des récits d’agressions antisémites et de violences policières. De la rumeur à la mobilisation », Mots. Les langages du politique, 92, 2010, p. 41-56, p. 41.
-
[10]
« La communauté juive tire la sonnette d’alarme. Ce ne sont pas tant les actes antisémites que l’indifférence et le climat qui inquiètent », Libération, 14 décembre 2001.
-
[11]
Les antifeujs. Le Livre blanc des violences antisémites en France depuis septembre 2000, Paris, Calmann-Lévy, 2002, p. 7.
-
[12]
Ibidem, p. 35-110.
-
[13]
« Les chiffres noirs de l’antisémitisme », L’Express, 6 décembre 2001.
-
[14]
Pierre-André TAGUIEFF, La nouvelle judéophobie, Paris, Mille et une nuits, 2002, p. 11.
-
[15]
Daniel CEFAÏ, Cédric TERZI (éd.), L’expérience des problèmes publics, Paris, Éditions de l’EHESS, 2012, p. 16-17.
-
[16]
Voir le chapitre 4 « Silences sur la nouvelle judéophobie : aveuglement, complaisance ou connivence ? », in P-A. TAGUIEFF, La nouvelle judéophobie, op. cit., p. 173-234 ; Alain FINKIELKRAUT, L’imparfait du présent, Paris, Gallimard, 2002, p. 247.
-
[17]
En 1947, la « Commission consultative pour la codification du droit international et la défi nition des droits et devoirs des États et des droits de l’homme » est créée. Elle prend le nom de Commission nationale consultative des droits de l’homme en 1984.
-
[18]
Ces divisions en catégories d’actes entre violences (actions) et menaces (intimidations) sont systématiquement présentées dans le premier chapitre, intitulé « État des actions racistes, xénophobes ou antisémites en [année étudiée] ». Ainsi, pour le rapport de l’année 2001 publié en 2002, ces chiffres se trouvent aux pages 28 à 45.
-
[19]
Commission nationale consultative des droits de l’homme (désormais CNCDH), La lutte contre le racisme et la xénophobie 2000, Paris, La Documentation française, 2001, p. 35.
-
[20]
CNCDH, La lutte contre le racisme et la xénophobie 2001, Paris, La Documentation française, 2002, p. 40.
-
[21]
Entretien avec Haïm Musicant, juillet 2008, Samuel GHILES-MEILHAC, Le CRIF : de la résistance juive à la tentation du lobby. 1943 à nos jours, Paris, Robert Laffont, 2011.
-
[22]
Le Service de protection de la communauté juive est qualifié « d’interlocuteur de qualité » par le ministère de l’Intérieur (entretien avec Philippe Bertrand, 6 janvier 2015). Très peu d’informations sont disponibles au sujet de cette structure qui diffuse ses rapports annuels à partir de son site : www. antisemitisme.org. Le CRIF et le Fonds social juif unifié l’ont créée en 1980 mais aucune déclaration officielle d’association loi 1901 portant ce nom n’existe dans les registres du bureau des associations de la préfecture de Police de Paris (message électronique adressé à l’auteur le 30 octobre 2014). La Fondation pour la Mémoire de la Shoah (FMS) indique être « l’un des principaux contributeurs du service de protection de la communauté juive (SPCJ) qui veille, en étroite coopération avec les pouvoirs publics, à la sécurité des écoles juives, des lieux de culte et des institutions communautaires » (rapport d’activités 2011 de la FMS, page 26), sans plus de précision.
-
[23]
Entretien avec Philippe Bertrand, 6 janvier 2015, Paris.
-
[24]
Élisabeth Cohen-Tannoudji a été, jusqu’à son décès en 2009, chargée de mission au CRIF, notamment en charge de la veille sur l’antisémitisme en France.
-
[25]
Il est aussi l’auteur d’un ouvrage sur l’antisémitisme contemporain en France : Marc KNOBEL, Haine et violences antisémites. Une rétrospective : 2000-2013, Paris, Berg International, 2013.
-
[26]
Cependant, la mobilisation associative sur la recension et la diffusion d’actes antisémites ainsi que sur l’interpellation publique de l’État ne se déroule pas uniquement dans le cadre du partenariat mentionné et peut constituer un champ de concurrence au sein du monde juif organisé, comme l’illustre l’existence depuis la seconde Intifada du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA), structure non-membre du CRIF et dirigée par Sammy Ghozlan, ancien commissaire de police.
-
[27]
Sur cette question, voir la sous-partie intitulée « Un travail partenarial en construction » du rapport 2013 : CNCDH, La lutte contre le racisme et la xénophobie 2013, Paris, La Documentation française, 2014, p. 91-93.
-
[28]
Voir le décret n° 2003-1164 du 8 décembre 2003 au Journal officiel, portant création du comité interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
-
[29]
Emmanuel BRENNER (éd.), Les territoires perdus de la République. Antisémitisme, racisme et sexisme en milieu scolaire, Paris, Mille et une nuits, 2002, p. 13. La publication de cet ouvrage a suscité de vifs débats et l’objet de cet article n’est pas de traiter de ce thème qui constitue un sujet de recherche à part entière.
-
[30]
Pour une description de la méthodologie utilisée dans ces enquêtes ainsi qu’une analyse de leurs limites en ce qui concerne l’antisémitisme, voir le texte de Nonna MAYER et Guy MICHELAT, in CNCDH, La lutte… 2000, op. cit., p. 97-102.
-
[31]
Voici les limites soulignées : « Les sondages ont leurs limites. Il faudrait poser des questions plus précises pour distinguer ce qui relève […] de l’antisionisme au sens de refus du droit d’Israël à l’existence, de l’antijudaïsme dans sa dimension religieuse, du négationnisme et de la banalisation de la Shoah, et de l’antisémitisme au sens ordinaire de racisme contre des personnes identifiées comme juives » : N. MAYER, « Nouvelle judéophobie ou vieil antisémitisme ? », Raisons politiques, 16, 2004, p. 91-103, p. 100.
-
[32]
N. MAYER, « Les opinions antisémites en France après la seconde Intifada », Revue internationale et stratégique, 58, 2005, p. 143-150.
-
[33]
N. MAYER, L’opinion publique française n’est pas antisémite, note 10, Fondation Jean-Jaurès/ Observatoire des radicalités politiques, 2014.
-
[34]
M. WIEVIORKA, Le racisme…, op. cit., p. 111.
-
[35]
M. WIEVIORKA, La tentation antisémite. Haine des juifs dans la France d’aujourd’hui, Paris, Robert Laffont, 2005, p. 436.
-
[36]
Denis CHARBIT, Nadine KUPERTY-TSUR (éd.), Les intellectuels français et Israël, Paris, Éditions de l’Éclat, 2009, p. 5.
-
[37]
S. GHILES-MEILHAC, « Naissance et institutionnalisation de la soirée annuelle du Conseil représentatif des institutions juives de France », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 122, 2014, p. 109-119.
-
[38]
Sur la guerre du Golfe et ses appropriations en France à partir d’une étude locale : Maud MANDEL, « The war comes home : Muslim/Jewish relations in Marseille during the 1991 Gulf War », in Nathalie DEBRAUWERE-MILLER (éd.), Israeli-Palestinian Conflict in the Francophone World, New York, Routledge, 2010, p. 163-179.
-
[39]
CNCDH, La lutte contre le racisme et la xénophobie 2012, Paris, La Documentation française, 2013, p. 117.
-
[40]
Sur ce thème : « Le Moyen-Orient, une passion française ? De la guerre des Six Jours à Septembre noir (1967-1970) », dossier de Matériaux pour l’histoire de notre temps, 96, 2009.
-
[41]
Le « retour de l’antisémitisme » : discours rituel au dîner annuel du CRIF, texte mis en ligne le 5 mars 2009 sur le site de Laurent MUCCHIELLI : www.laurent-mucchielli.org.
-
[42]
Étienne BALIBAR et alii, Antisémitisme : l’intolérable chantage. Israël-Palestine : une affaire française ?, Paris, La Découverte, 2003, p. 7.
-
[43]
Alain BADIOU, Éric HAZAN, L’antisémitisme partout. Aujourd’hui en France, Paris, La Fabrique, 2011, p. 21.
-
[44]
Ibidem, p. 8-9. La thèse de l’usage du terme « antisémitisme » comme ressort rhétorique visant à diffuser un discours raciste et à criminaliser la critique de la politique gouvernementale israélienne avait aussi été développée dans un ouvrage cité à plusieurs reprises par A. Badiou et É. Hazan : Ivan SEGRÉ, La réaction philosémite. La trahison des clercs, Paris, Lignes, 2009. Ces deux ouvrages ne font aucune référence aux rapports annuels de la CNCDH.
-
[45]
Discours de Roger Cukierman, président du CRIF, au dîner annuel du CRIF samedi 12 février 2005, texte disponible en ligne sur le site www.crif.org.
-
[46]
« Le journaliste Daniel Mermet assigné pour incitation à la haine raciale. Des associations juives accusent le producteur de France-Inter d’avoir diffusé des propos d’auditeurs à caractère antisémite », Le Monde, 1er juin 2002 ; « Là-bas si j’y suis, de Gaza au tribunal. L’Union des étudiants juifs s’en prend à Daniel Mermet, accusé de haine raciale », Libération, 3 juin 2002.
-
[47]
Théo KLEIN, « Pour un renouveau du judaïsme. Entretien », Le Débat, 133, 2005, p. 3-10.
-
[48]
Sur ces exportations en Europe des conflits israélo-arabes, à travers des attentats et des assassinats, dans les années 1970 et 1980 : Marc HECKER, Intifada française ? De l’importation du conflit israélo-palestinien, Paris, Ellipses, 2012, p. 340-343.
-
[49]
CNCDH, La lutte contre le racisme et la xénophobie : rapport d’activité 2003, Paris, La Documentation française, 2004, p. 10.
-
[50]
CNCDH, La lutte contre le racisme et la xénophobie : rapport d’activité 2005, Paris, La Documentation française, 2006, p. 12.
-
[51]
Sur le thème sensible et souvent polémique de l’antisémitisme et du négationnisme dans le monde arabe et musulman, je me permets de renvoyer à deux lectures divergentes et complémentaires : « Antisémitisme et négationnisme dans le monde arabo-musulman : la dérive », dossier de la Revue d’Histoire de la Shoah. Le monde juif, 180, 2004 ; Gilbert ACHCAR, Les arabes et la Shoah. La guerre israélo-arabe des récits, Arles, Actes Sud, 2009. Voir également l’article de Günther Jikeli dans la présente livraison de la RHMC.
-
[52]
Sylvain BROUARD, Vincent TIBERJ, Français comme les autres ? Enquête sur les citoyens d’origine maghrébine, africaine et turque, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2005, p. 99-108.
-
[53]
Fondation pour l’innovation politique, « L’antisémitisme dans l’opinion publique française. Nouveaux éclairages », document publié le 14 novembre 2014 et disponible en ligne sur le site www. fondapol.org/debats. Les citations sont aux pages 6 et 10.
-
[54]
N. MAYER, « Il faut parler d’antisémitisme avec rigueur », Le Monde, 5 décembre 2014 ; la réponse de Dominique REYNIÉ, « Parlons d’antisémitisme sans cécité volontaire », Le Monde, 12 décembre 2014.
-
[55]
Maxime RODINSON, Peuple juif ou problèmes juifs ? Paris, Maspero, 1981.
-
[56]
Au sujet de la rédaction sous pseudonyme de ce livre : Pierre ASSOULINE, « Les mondes perdus de Georges Bensoussan », L’Histoire, 382, 2012, p. 22.
-
[57]
Georges BENSOUSSAN, Juifs en pays arabe. Le grand déracinement 1850-1975, Paris, Tallandier, 2012.
-
[58]
G. BENSOUSSAN, « Juifs de l’Orient arabe. L’effort pour ne pas voir », Le Débat, 182, 2014, p. 112-124, p. 117.
-
[59]
M. MANDEL, Muslims and Jews in France. History of a Conflict, Princeton, Princeton University Press, 2014.
-
[60]
Enzo TRAVERSO, La fin de la modernité juive. Essai sur un tournant conservateur, Paris, La Découverte, 2013, p. 116.
-
[61]
Ibidem, p. 122-125.
-
[62]
Sur ce thème, voir les chapitres « Chiffrer l’islamophobie » (p. 37-49) et « Des opinions négatives aux actes discriminatoires » (p. 51-68), in Abdellali HAJJAT, Marwan MOHAMMED, Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman », Paris, La Découverte, 2013. Voir aussi comment la CNCDH explique l’usage partiel qu’elle fait du terme dans ses publications : CNCDH, La lutte… 2013, op. cit., p. 6-13.
-
[63]
A. HAJJAT, M. MOHAMMED, Islamophobie…, op. cit., p. 215.
-
[64]
Raphaël LIOGIER, Le mythe de l’islamisation. Essai sur une obsession collective, Paris, Seuil, 2012, p. 136.
-
[65]
Cependant, si l’antisémitisme est aujourd’hui rejeté publiquement par les dirigeants du Front national, les enquêtes d’opinion, aussi bien celles analysées par Nonna Mayer que par Dominique Reynié, indiquent que les électeurs et sympathisants de ce parti répondent plus favorablement que l’ensemble de la société aux discours négatifs et hostiles aux juifs.
-
[66]
Joëlle MARELLI, « Usages et maléfices du thème de l’antisémitisme », in Nacira GUÉNIF-SOUILAMAS (éd.) La République mise à nu par son immigration, Paris, La Fabrique, 2006, p. 133-159, p. 157.
-
[67]
Ibidem, p. 139.
-
[68]
Expression utilisée par Nonna Mayer, Guy Michelat, Vincent Tiberj et Tommaso Vitale dans CNCDH, La lutte… 2013, op. cit., p. 182.
-
[69]
Pour une première approche sur l’hostilité meurtrière des groupes armés islamistes à l’encontre des juifs : Jean-Pierre FILIU, « L’obsession antisémite d’Al-Qaïda », in Abdelwahab MEDDEB, Benjamin STORA (éd.), Histoire des relations entre juifs et musulmans des origines à nos jours, Paris, Albin Michel, 2013, p. 554-558.
-
[70]
En 2010, une étude évalue la population juive en France à 484000 personnes : Sergio DELLAPERGOLA, Jewish Demographic Policies. Population Trends and Options in Israel and in the Diaspora, Jérusalem, The Jewish People Policy Institute, 2011.
-
[71]
Norbert ELIAS, « Notes sur les juifs en tant que participant à une relation établis-marginaux », in Norbert Elias par lui-même, Paris, Fayard, 2013, p. 150-160.
-
[72]
Comme le souligne Joëlle Marelli, « jusque dans les années 1980 et même après, nous fûmes donc voués à épier régulièrement l’augure de la répétition du pire » : J. MARELLI, « Usages et maléfices… », art. cit., p. 133.
-
[73]
CNCDH, La lutte… 2013, op. cit., p. 53. La rédaction du présent article a été terminée alors que les événements des 7, 8 et 9 janvier 2015 illustraient violemment les enjeux étudiés ici. Seuls de futurs travaux permettront d’évaluer l’impact de ces violences sur la perception de l’antisémitisme par la société française.
1 Depuis l’automne 2000, la presse rend régulièrement compte d’actes hostiles commis en France contre des lieux (synagogues, écoles, commerces et carrés de cimetières) et des personnes identifiés comme juifs. La question de l’antisémitisme dans la société française fait, depuis lors, l’objet de centaines de publications, sous la forme d’articles de presse, de livres et d’articles, notamment scientifiques.
2 La quantification des actes, la mesure des opinions, l’identification des individus et groupes porteurs de ces manifestations d’hostilités ainsi que le lien entre ces phénomènes et le conflit israélo-palestinien sont au cœur de vives controverses ayant impliqué une multiplicité d’acteurs : l’État, des organisations juives, les services de police et de justice ainsi que de nombreux journalistes et chercheurs.
3 Sur le temps long, les formes d’hostilité contre les juifs (antijudaïsme et antisémitisme) ont été étudiées à partir de l’analyse d’actes hostiles, de représentations négatives et d’actions tolérées voire diffusées et mises en place par l’État dans le but de convertir, d’exclure, d’expulser, ou d’assassiner des personnes identifiées comme juives. La situation de la France au XXIe siècle est profondément différente. Non seulement l’État combat les processus d’hostilité à l’égard des juifs mais, comme s’attache à le montrer le présent article, la puissance publique joue un rôle décisif visant à juguler l’antisémitisme contemporain, qu’il s’agisse de la recension puis de la quantification du phénomène et de sa répression par les moyens de police et de justice.
4 Quels sont les éléments de mesure des manifestations d’antisémitisme en France ? Qui sont les acteurs de production des chiffres et des discours évaluant les formes d’hostilité contemporaine contre des juifs ? Quels débats et controverses se déploient autour de la pesée de l’antisémitisme, son « retour » comme sa « nouveauté » ? La question de l’évaluation chiffrée et de la catégorisation des actes qualifiés d’antisémites, la production et l’interprétation de ces statistiques comme leur mise en relation avec les enquêtes d’opinion, par les services de l’État, des associations, des intellectuels, militants et journalistes, n’ont cessé de former des nœuds de controverses. Les différends sont multiples : sur les chiffres, leur évolution et les outils de recension, sur la qualification des actes comme antisémites, sur les origines perçues ou revendiquées de leurs auteurs, leurs motivation ainsi que sur les correspondances entre ces phénomènes français et les conflits israélo-arabes. L’appréciation de l’intensité et le dénombrement des formes d’hostilité à l’égard des juifs forment, au XXIe siècle en France, un enjeu de politique et un point de clivage partisan.
5 Ce défi de la mesure des opinions et actes hostiles à l’égard d’un groupe a notamment été étudié par Michel Wieviorka, pour qui « il n’est pas toujours aisé de faire la part des choses, et d’apprécier sans excès ni défaut l’importance du racisme dans telle ou telle société à un moment donné de son existence historique », notamment en raison du fait que
« la capacité de mobilisation des groupes victimes du racisme est extrêmement variable : les plus actifs sont susceptibles de contribuer à l’image d’une forte réalité du phénomène lorsqu’il les affecte, tandis que les plus démunis, moins à même d’accéder à l’espace public et aux médias, ne contribueront guère par eux-mêmes à donner une image informée et démonstrative de la haine ou des préjugés dont ils souffrent » [1].
7 Il ajoute que « les chiffres ne nous informent pas nécessairement ou directement sur la réalité des phénomènes dont ils sont supposés rendre compte » et leur usage performatif doit aussi être l’objet d’interprétations tout à fait opposées, notamment parce que les « données nous renseignent aussi sur la volonté de lutter contre le racisme, ce qui passe en premier lieu par des consignes de collecte et d’enregistrement plus ou moins systématique des informations » [2].
8 Ce thème suscite tensions et positionnements partisans dans la France contemporaine. L’évaluation de l’intensité, du chiffrage et de l’interprétation des manifestations d’hostilité à l’égard de biens ou d’individus identifiés ou perçus comme juifs, est un point de clivage qui n’épargne pas, loin de là, la littérature scientifique, recoupant bien souvent des lignes de fracture ayant pour origines le regard porté sur la question du racisme en France et de l’islam, ainsi que l’appréciation sur les responsabilités des Israéliens et des Palestiniens dans les violences au Proche-Orient.
9 On tentera ici d’établir un état des lieux des débats et controverses s’étant déployés dans l’espace public depuis 2000. Il serait vain de prétendre pouvoir couvrir toutes les polémiques, déclarations et prises de position émanant d’associations, de membres du gouvernement (français mais aussi israélien), de journalistes et d’universitaires sur le sujet tant les occurrences sont nombreuses. Il s’agit plutôt d’inventorier les données chiffrées, émanant de sources associatives, universitaires et gouvernementales tendant à mesurer « l’antisémitisme en France aujourd’hui », d’analyser les grandes orientations discursives et de dégager de ces vastes ensembles les nouvelles problématiques de conceptualisation des phénomènes antisémites contemporains.
Évaluer les actes, mesurer les opinions, analyser un climat
Production et diffusion des chiffres : enjeu de concurrence puis de partenariat entre les associations juives et l’État
10 À la suite de l’échec du sommet de Camp David, à l’été 2000, et de l’effondrement du processus de paix israélo-palestinien initié avec les accords dits d’Oslo de 1993, des violences se multiplient dans les territoires palestiniens occupés et autonomes (bande de Gaza et Cisjordanie) ainsi qu’en Israël. Les cycles d’attentats et de répression entre Israéliens et Palestiniens font plusieurs centaines de morts lors de ce que les observateurs et acteurs du conflit nomment, à partir de la fin de l’année 2000, la seconde Intifada [3].
11 C’est à partir de la fin du mois de septembre 2000 que certains incidents, parmi lesquels des incendies de synagogues, se déroulent en France, notamment en banlieue parisienne. Dans un entretien au Monde mi-octobre 2000, Henri Hajdenberg, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) déclare :
« Ce sont des actes criminels […] des violences à caractère antisémite dont il faudra attendre le résultat des enquêtes policières pour établir précisément l’origine. On ne peut pas exclure qu’il s’agisse de provocations d’individus qui voudraient voir les communautés juive et musulmane s’affronter. Mais je voudrais dire que je ne crois pas à une nouvelle vague d’antisémitisme […]. Je ne crois pas à la propagation d’un antisémitisme d’extrême-droite, mais peut-être à des actes commis par des individus, arabes ou d’origine arabe, originaires de zones sinistrées de banlieue et solidaires des Palestiniens, dont l’antisionisme déraperait en antisémitisme » [4].
13 L’actualité est alors dominée par les violences dans les territoires palestiniens et les tentatives internationales, notamment françaises, de médiation entre Yasser Arafat et Ehoud Barak afin d’obtenir un cessez-le-feu et une reprise des négociations. Le 4 novembre 2000, lors du dîner du CRIF, son président lance un premier appel en direction des pouvoirs publics en faveur d’une accentuation des moyens de protection pour lutter contre l’antisémitisme. À notre connaissance, c’est un an après, dans les derniers mois de 2001, qu’émerge une polémique publique sur les chiffres de l’antisémitisme en France et leur interprétation. Plusieurs organisations juives prennent l’initiative de rendre publiques des listes d’actes qualifiés d’antisémites.
14 En novembre 2001, le premier numéro de l’Observatoire du monde juif paraît et titre : « Les juifs de France visés par l’Intifada ? » [5]. Le premier article, en Une, signé du sociologue Shmuel Trigano, directeur de la publication, s’intitule « Questions sur un black-out ». Cette publication diffuse une liste de faits sur le développement de l’antisémitisme et insiste sur ce qui est présenté comme leur non-réception dans l’espace public : « Le phénomène le plus étonnant est alors le black-out généralisé qui occulte systématiquement l’insécurité spécifique dans laquelle le judaïsme français se voit plongé ». C’est face à ce « silence » que les auteurs souhaitent publier certains documents. Un dossier « Les faits » s’étale sur sept pages et énumère une liste d’actes hostiles contre des institutions juives ou des personnes identifiées comme juives, entre le 9 septembre 2000 et le 26 septembre 2001. Cette volonté de dévoiler une réalité présentée comme occultée ou minimisée par les pouvoirs publics et les médias est explicite à l’occasion du dîner du CRIF du 1er décembre 2001. Ce jour-là, le Conseil représentatif des institutions juives de France distribue aux invités, dont le premier ministre Lionel Jospin et plusieurs membres de son gouvernement, une liste reprenant notamment celle diffusée par l’Observatoire du monde juif [6]. Roger Cukierman, président du CRIF depuis le mois de mai, déclare :
« Notre communauté a été traumatisée par les attaques de l’automne 2000 contre nos synagogues. Or, depuis un an la tension s’aggrave. Chaque jour apporte son lot d’insultes, et d’agressions. Il est périlleux pour un religieux juif de se promener seul dans certains quartiers. Des synagogues, des écoles, et même une école maternelle, ont été l’objet d’attentats » [7].
16 Il ajoute, à l’attention des autorités de l’État, une demande : « Aussi nous attendons de la police et de la justice, une rigueur beaucoup plus grande que par le passé, et dans la recherche des responsables et dans les sanctions qui doivent les frapper. Seule une grande sévérité réduira le risque des explosions de violence ». Le climat de défiance est renforcé par des articles se faisant l’écho de la volonté du ministère de l’Intérieur de souligner la baisse, sur l’année 2001 par rapport à 2000, du nombre d’actes antisémites, remettant en cause les discours tenus par les institutions juives [8]. Cette « dénonciation du silence indifférent ou complice des médias et des élites fait partie intégrante de la mise en récit politique des récits d’agressions » selon les analyses des sociologues Brigitte Beauzamy et Marie-Cécile Naves [9]. La production et la diffusion de statistiques visent à inscrire sur l’agenda la question de l’antisémitisme et à en faire un enjeu de politique publique. Le mois de décembre 2001 voit de nombreux titres de presse reprendre les chiffres diffusés par les organisations juives et se faire l’écho de ces discours [10].
17 Quelques semaines après la soirée du CRIF, une démarche similaire est menée par l’Union des étudiants juifs de France, association membre du CRIF, et SOS-Racisme, avec la parution au début de l’année 2002 de Les Antifeujs. Le Livre blanc des violences antisémites en France depuis septembre 2000. Les auteurs affichent le même objectif que le CRIF et l’Observatoire du monde juif, comme l’indiquent les premières lignes : « Ce livre est un constat. Celui qui s’impose après que notre pays a connu le nombre le plus élevé d’actes antisémites depuis la Seconde Guerre mondiale » [11]. Cette introduction est suivie d’une liste de plusieurs dizaines de pages des faits commis entre le 7 septembre 2000 et le 31 janvier 2002 [12].
18 Le discours sur l’augmentation des violences antisémites et la dénonciation de leur occultation se retrouvent au cours des semaines suivantes dans la presse généraliste. Quelques exemples non exhaustifs illustrent la diffusion de ce thème. Dans L’Express, sous la plume d’Éric Conan, un article intitulé « les chiffres noirs de l’antisémitisme » commence ainsi : « À force de durer, certains silences finissent par prendre l’épaisseur de véritables événements. Celui qui pèse en France, depuis un an, sur la recrudescence d’actes antisémites pousse beaucoup de juifs à s’interroger avec inquiétude sur les raisons de ce mutisme » [13]. Dans le même numéro, Denis Jeambar, rédacteur en chef, signe un éditorial où l’on retrouve le champ lexical de l’indignation : « Pourquoi les actes antisémites qui, jour après jour, se multiplient dans notre pays laissent-ils les gouvernants et les médias sans voix ? Les faits sont pourtant accablants ». Pareille dénonciation prend une nouvelle dimension en janvier 2002 lors de la publication par Pierre-André Taguieff de La nouvelle judéophobie. Pour ce directeur de recherche au CNRS, spécialiste reconnu du racisme et de l’antisémitisme, auteur de plus d’une dizaine d’ouvrages,
« Jamais dans la France d’après-guerre, les amalgames antijuifs n’ont circulé dans autant de milieux sociaux, en rencontrant aussi peu de résistance intellectuelle et politique, que depuis l’automne 2000. Jamais, dans la même période, ne se sont à ce point multipliés les incidents antijuifs […] sans provoquer de fermes et publiques condamnations de la part des élites politiques et médiatiques ».
20 Soulignant à son tour le processus d’occultation qui est à l’œuvre, il avance l’explication suivante : « ce qui est sûr, c’est que les juifs ne faisaient plus du tout partie du tableau des victimes attitrées » [14].
21 Ces différentes productions de statistiques, listes et discours de scandalisation peuvent être interprétées comme une dénonciation des carences de l’État, dont une des prérogatives est de diffuser les statistiques, fournies par les services de police et de justice, relatives aux violences, ici à caractère antisémite. Pour les auteurs de ces discours, il s’agit d’une triple interpellation formulée à l’endroit des autorités, des médias et de l’opinion publique. Cette dynamique de publication et de production de preuves s’inscrit dans une démarche de sensibilisation et d’indignation caractéristique de la volonté de faire émerger un problème public [15].
22 Le vocabulaire de l’occultation se retrouve aussi, quelques mois plus tard, sous la plume d’Alain Finkielkraut qui y ajoute une référence aux persécutions nazies. Pour l’auteur du Juif imaginaire, la « France vient de connaître une “année de Cristal” à bas bruit » [16]. L’émergence de cette question comme problème public s’illustre aussi dans ce dessin de Plantu en une du Monde du 19 février 2002 (document 1)
Les publications officielles et le récit des chiffres
23 Cette stratégie de divulgation de chiffres et de dénonciation de ce qui serait leur occultation est à étudier en relation avec les documents diffusés annuellement par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) [17]. C’est depuis la loi 90-165 du 13 juillet 1990 (« tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe ») que la Commission publie chaque année un rapport sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie en France. Ce document comporte plusieurs centaines de pages. Chaque rapport comporte en préambule ce rappel :
« Article 2 : le 21 mars de chaque année, date retenue par l’organisation des Nations unies pour la Journée internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Commission nationale consultative des droits de l’homme remet un rapport sur la lutte contre le racisme. Ce rapport est immédiatement rendu public ».
25 Les rapports offrent une présentation de la somme des actes recensés par les services du ministère de l’Intérieur. Ces statistiques commentées différencient les actes racistes et ceux à caractère antisémite. Les chiffres sont ensuite distingués en deux catégories : les actions et les menaces. Les « actions », aussi présentées sous la rubrique « violences », recensent les agressions physiques contre des individus ainsi que les dégradations et destructions contre des biens : jets de pierres et cocktails Molotov contre des bâtiments (écoles confessionnelles, synagogues, centres culturels, communautaires) et vandalisme contre des tombes identifiables comme juives. Le second ensemble, les « menaces », aussi présentées sous le vocable d’« intimidations », englobe les « dégradations légères et graffitis », les « diffusions de tracts » et les « apostrophes verbales ou écrites » [18].
26 Le rapport couvrant l’année 2000, publié au printemps 2001, souligne une « explosion » des actes et des intimidations tandis que l’antisémitisme observé était devenu « résiduel » à la fin des années 1990, avec un nombre d’actions antisémites recensées oscillant entre 1 et 24 par an alors que, pour la seule année 2000, ces actions s’élèvent au nombre de 116 (document 2) [19].
27 L’année suivante, la Commission affirme qu’« avec vingt-neuf actions violentes recensées, le niveau de l’année 2001 dépasse celui atteint en 1991, après la guerre du Golfe ». Tout en constatant une baisse par rapport à l’année 2000, la CNCDH s’alarme d’un nombre toujours exceptionnellement élevé d’actes hostiles à l’égard des juifs en comparaison avec la décennie précédente [20].
Recensement partagé et légitimation réciproque
28 Dans la chronologie de l’évaluation chiffrée des actes antisémites et des controverses qui entourent ces enjeux, les désaccords affichés entre les institutions juives et l’État se situent sur une période relativement courte de quelques mois, entre la fin de l’année 2001 et la première moitié de 2002. Car la stratégie des organisations juives visant à faire pression par la production de preuves prend bientôt fin après le changement de majorité politique du printemps 2002. Selon le CRIF, c’est à partir de cette période qu’un partenariat régulier se met en place dans la production des statistiques, le traitement des actes antisémites et la sécurisation des bâtiments juifs susceptibles d’être des cibles. L’évaluation de l’antisémitisme ne constitue alors plus un objet de clivage mais plutôt le terrain d’une coopération entre l’État et un corps intermédiaire.
29 Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin associe le CRIF à la lutte contre l’antisémitisme en mettant en place des commissions de travail avec les ministères de la Justice, de l’Éducation nationale et l’Intérieur [21]. Les préoccupations des institutions juives prennent alors place dans l’agenda politique national. En complément de ces partenariats, les organisations juives se voient associées aux différents dispositifs d’enregistrement statistique des actes antisémites. Le Service de protection de la communauté juive (SPCJ), structure créée en 1980 après l’attentat de la rue Copernic, a mis en place, depuis 2001, une ligne téléphonique gratuite chargée de recueillir les témoignages de victimes [22]. Si le caractère antisémite est avéré, cette association recense l’acte et apporte une aide au dépôt de plainte. Ces informations sont ensuite transmises à la Direction générale de la Police nationale qui vérifie si cette information correspond à ses propres données. Depuis courant 2002, la production des statistiques sur le nombre d’actes antisémites est le fruit d’un processus systématisé et croisé entre le ministère de l’Intérieur et le SPCJ. Philippe Bertrand, directeur de cabinet du directeur général de la Police nationale, confirme que c’est à cette période que les services du ministère de l’Intérieur et le SPCJ ont commencé à travailler à une rationalisation mutuelle de la recension des actes antisémites. Les services de police et de gendarmerie ont affiné leur outil d’enregistrement des actes qualifiés d’antisémites tandis que le SPCJ veillait à ne comptabiliser que des actes ayant fait l’objet d’un dépôt de plainte [23].
30 De 2002 à 2008, c’est Élisabeth Cohen-Tannoudji [24], chargée de mission au CRIF et membre du SPCJ, qui effectue ce travail en liaison avec les services de police et de gendarmerie. Cette coopération se retrouve aussi depuis la même date avec la CNCDH, Mme Cohen-Tannoudji rédigeant le chapitre relatif à la recension des actes antisémites et à l’étude de leur nature et de l’évolution générale du phénomène dans le rapport annuel. Marc Knobel, lui aussi chercheur auprès du CRIF, rédige pour sa part chaque année un article sur le racisme et l’antisémitisme sur Internet [25].
31 Dès lors, la mise en statistiques et la diffusion de ces informations ne constituent plus un objet de conflit ni de défiance entre la communauté juive organisée et l’État mais, au contraire, un élément illustrant une confiance réciproque [26]. Cette institutionnalisation partagée des moyens d’évaluer un problème public a d’ailleurs été progressivement reproduite avec d’autres acteurs associatifs, comme le Conseil français du culte musulman, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme ainsi que le Collectif contre l’islamophobie [27]. Notons que d’autres dispositifs publics de partenariat et de consultation ont été mis en place au fil des années 2000, comme le Comité interministériel destiné à lutter contre toute forme de racisme et d’antisémitisme (CILRA) [28].
32 Le débat sur l’augmentation globale des actes antisémites en France s’est aussi régulièrement focalisé sur le développement du phénomène au sein des établissements scolaires de l’Éducation nationale. La publication du livre Les territoires perdus de la République, dans lequel des enseignants témoignent de violences spécifiques à l’égard d’élèves juifs dans l’enseignement public et des difficultés à enseigner l’histoire de la Shoah, a joué un rôle significatif dans la mise en visibilité de cette question [29].
33 La remise en cause de la véracité de certains actes qualifiés d’antisémites ayant fait la Une de l’actualité a aussi marqué les débats sur l’évaluation du phénomène. Si l’enlèvement puis l’assassinat d’Ilan Halimi, en février 2006, ainsi que les meurtres commis par Mohammed Merah à l’école Ozar Hatorah de Toulouse en mars 2012 ont été qualifiés par les pouvoirs publics d’actes antisémites et ont été recensés comme tels dans les publications de la CNCDH, d’autres épisodes, ayant aussi engendré de considérables couvertures médiatiques, ce sont révélés inexistants. Le cas le plus emblématique reste l’affaire dite « Marie L. » lorsqu’à l’été 2004 une jeune femme déclare avoir été agressée dans le RER D par « des Arabes et des noirs » parce que « juive ». L’affaire fit long feu – l’agression, comme les agresseurs et l’identité de l’agressée se révélant rapidement totalement imaginaires, jetant un profond doute sur les processus de couverture médiatique et les réactions politiques dans certains cas d’actes antisémites.
Hausse des actes antisémites dans une société qui ne l’est pas ?
34 Les rapports annuels de la CNCDH comportent, en plus de l’analyse de la quantification des actes, des chapitres consacrés à l’étude de l’opinion française afin de mesurer notamment le racisme et l’antisémitisme. Ces parties présentent les résultats d’enquêtes d’opinion. Dans le domaine de la mesure de l’antisémitisme, plusieurs questions sont posées aux personnes interrogées, sur leur adhésion à l’idée selon laquelle il y a trop de juifs en France, sur le lien entre juifs et pouvoirs (« Voici des opinions que nous avons recueillies. Dites-moi pour chacune si vous êtes plutôt d’accord ou plutôt pas d’accord : Les juifs ont trop de pouvoir en France »), ainsi que sur leur similarité au reste de la population (« les juifs sont des Français comme les autres »). C’est notamment à partir de ces questions que les chercheurs sollicités par la Commission évaluent l’antisémitisme dans l’opinion française et en analysent l’évolution [30]. Ces enquêtes d’opinion et les analyses critiques sont signées par Nonna Mayer, avec parfois certains universitaires travaillant sur les études d’opinions et ayant rédigé des articles et livres collectifs avec elle (Guy Michelat, Vincent Tiberj et Tommaso Vitale). Ces écrits constituent un élément essentiel du corpus d’analyse des opinions antisémites et de l’argumentation, dans le débat public, sur l’hypothèse d’un nouvel antisémitisme et de la poussée ou non des formes d’hostilité contre les juifs.
35 Nonna Mayer défend la thèse d’une non-répercussion dans l’opinion de la hausse des actes antisémites. Ainsi, en 2004, en conclusion d’un article, elle souligne que, malgré certaines limites méthodologiques rendant difficile l’appréciation de nouvelles formes d’antisémitisme, « au sein de la population française dans son ensemble, l’antisémitisme au sens classique de préjugé contre les juifs ne progresse pas, au contraire. Il ne semble pas pour l’instant avoir fondamentalement changé de nature » [31]. Pour Nonna Mayer, ce hiatus entre augmentation des actes et stabilité des opinions hostiles aux juifs telles que mesurées par les sondages s’explique par le fait que « ces agissements sont toutefois le fait d’une minorité d’individus » [32]. Dix ans après, alors que la violence antisémite s’est notamment illustrée par l’enlèvement et l’assassinat d’Ilan Halimi en février 2006, ainsi que les meurtres commis dans une école juive par Mohammed Merah en mars 2012, pour ne citer que les actes antisémites ayant eu des conséquences mortelles, Nonna Mayer, toujours sur la base des sondages effectués chaque année, maintient que si « les sondages ont leurs limites » et « ne permettent pas faute d’effectifs d’explorer plus avant l’antisémitisme au sein de petits groupes extrémistes », ces chiffres « livrent l’image que la majorité a de ses minorités, des limites entre le permis et l’interdit, l’admissible et l’inadmissible », confirmant son analyse depuis 2000 selon laquelle « l’opinion publique française n’est pas antisémite » [33].
36 Les conclusions de Nonna Mayer pourraient être le phénomène inversé d’un paradoxe souligné par Michel Wieviorka à la fin des années 1990 lorsqu’il constatait que « la violence raciste, toutes proportions gardées, est faible en France, où un puissant parti d’extrême-droite, raciste et antisémite, le Front national, a pourtant bénéficié de 15 % des voix au premier tour des élections législatives de 1997 » [34]. Depuis 2000, les violences antisémites sont fortes, beaucoup plus élevées qu’elles ne l’étaient dans les années 1980 et 1990, alors même que tous les partis politiques, Front national inclus, rejettent publiquement l’antisémitisme et n’en font pas un argument électoral. Cet abandon de l’antisémitisme politique pourrait expliquer la stagnation des opinions recensées comme hostiles aux juifs dans les enquêtes d’opinion.
37 D’autres travaux universitaires sur les formes contemporaines d’antisémitisme en France ont vu le jour depuis 2000. Une équipe de chercheurs, menée par Michel Wieviorka, a effectué des entretiens dans différents milieux (des jeunes de Roubaix, des détenus musulmans en prison, en Alsace, à Sarcelles, dans plusieurs universités d’Île-de-France, auprès de pieds-noirs à Marseille et dans certains établissements scolaires) afin d’apprécier le développement du phénomène et son renouvellement. Cette enquête conclut, en 2005, sur la nécessité de « reconnaître l’existence d’un antisémitisme en expansion, taraudant la société française en divers lieux, dans divers milieux, mais sans verser dans l’excès qui y voit un phénomène massif, généralisé, ou porté par de puissants groupes sociaux ou politiques » [35].
Imbrication avec le conflit israélo-palestinien
38 Analyser les enjeux autour de l’antisémitisme en France au XXIe siècle tout en laissant la question israélienne dans un angle mort serait vain, tant les clivages qui s’y forment affectent, recoupent et aiguisent ceux qui se cristallisent autour de la mesure des hostilités à l’égard des juifs. Pour Denis Charbit et Nadine Kuperty-Tsur, de l’université de Tel-Aviv, à la « question juive » puis « sioniste », a succédé, depuis 1948, la « question d’Israël » qui « s’est progressivement imposée [en France] au point d’apparaître parfois comme un problème intérieur » [36]. Les lignes de fracture dans les débats français sur l’antisémitisme depuis 2000 épousent souvent celles, préexistantes, liées au conflit israélo-palestinien.
39 C’est d’ailleurs au dîner du CRIF, lieu investi depuis sa création en 1985 de la volonté des organisations juives d’en faire notamment une tribune de soutien à Israël et de débat sur la diplomatie française au Moyen-Orient, que la polémique sur le traitement des actes antisémites a pris la dimension d’une controverse nationale à partir de l’automne 2001 [37]. Tous les discours prononcés par le président du CRIF et l’invité d’honneur, Premier ministre ou, comme c’est souvent le cas depuis 2008, président de la République, abordent des enjeux intérieurs (politique de mémoire et lutte contre l’antisémitisme) et internationaux. La difficulté à apprécier les manifestations et l’ampleur de l’antisémitisme contemporain se trouve aussi prise dans ces entrelacements partisans et discursifs.
Interprétations du lien de causalité
40 L’« explosion » du nombre d’actes antisémites, pour reprendre le terme de la CNCDH, débute fin septembre 2000, lors du nouveau cycle de violence entre Israéliens et Palestiniens, ensuite désigné sous le nom de seconde Intifada. L’analyse des statistiques, diffusées par la CNCDH, indique d’ailleurs que de nombreux pics dans la recension des actes antisémites se déroulent pendant des événements politiques violents et très médiatisés, au Moyen-Orient ou en lien avec cette région et l’État d’Israël : le déclenchement de la seconde Intifada en septembre-octobre 2000, les attentats aux États-Unis en septembre 2001, l’invasion des territoires autonomes palestiniens et une série d’attentats suicides en Israël au printemps 2002, la guerre à Gaza entre le Hamas et Israël en décembre 2008-janvier 2009 et en juillet 2014. Ce lien est d’ailleurs explicité dans les rapports de la commission. Celui portant sur l’année 2000 indique « une véritable explosion du nombre d’actions (111) en raison de la situation au Proche-Orient ». Si une telle corrélation avait déjà été en partie observée lors d’un affrontement militaire de grande ampleur au Moyen-Orient, à savoir la guerre du Golfe en janvier 1991, rien de tel ne s’était produit lors d’épisodes de violence impliquant directement Israéliens et Palestiniens, comme le massacre de 29 Palestiniens à Hébron, en février 1994, ou lors des trois jours d’affrontements entre l’armée israélienne d’une part et des civils et policiers palestiniens d’autre part, en septembre 1996, faisant 75 victimes [38].
41 Pour autant, si l’analyse des chiffres diffusés par la CNCDH confirme la corrélation entre violence israélo-palestinienne et hausse des actes antisémites, elle permet de dégager un autre phénomène à l’œuvre : la multiplication des actes suite à une action hostile aux juifs fortement médiatisée. Ainsi, après les meurtres commis par Mohammed Merah, les mois de mars et avril 2012 ont été marqués par 53 actions antisémites violentes, près d’un tiers de la totalité de ces actions enregistrées sur l’année (177) [39]. La médiatisation comme levier de passages à l’acte avait déjà été observée dans les années 1990, au cours des semaines ayant suivi la profanation de tombes juives au cimetière de Carpentras.
42 L’interprétation de cette concordance des temps constitue un autre aspect des controverses sur la quantification de l’antisémitisme en France, où le conflit israélo-palestinien a souvent pris les traits d’une passion politique et intellectuelle [40]. Pour le sociologue Laurent Mucchielli, cette augmentation statistique est à comprendre dans une relation causale unique avec ces affrontements internationaux et tendrait à remettre en question l’usage même de l’expression « retour de l’antisémitisme » telle que portée notamment par les organisations juives :
« La forte augmentation du nombre d’actes antisémites recensés au mois de janvier 2009 est un fait, mais qui ne traduit pas un quelconque “retour de l’antisémitisme”. Elle a une explication conjoncturelle bien précise : la guerre de Gaza. Et ceci n’est pas nouveau du tout, le même phénomène ayant déjà été observé au cours de la deuxième Intifada en 2000 » [41].
44 Ainsi contextualisée, l’augmentation numérique du nombre d’actes hostiles contre les juifs, conséquence automatique d’un conflit proche-oriental, n’indiquerait pas une augmentation de l’antisémitisme.
Usage du terme antisémitisme
45 L’enjeu est ici l’usage du terme antisémitisme. La controverse sur le terme constitue alors un second terrain, un dédoublement de l’affrontement entre plusieurs courants idéologiques autour du conflit moyen-oriental.
46 Cet entrelacement se retrouve dans diverses publications traitant à la fois du conflit, de la judiciarisation du débat français attenant, et des controverses sur l’antisémitisme. L’usage du vocable « antisémitisme » est parfois présenté comme un moyen de réduire au silence des critiques de la politique d’Israël à l’égard des Palestiniens. Ainsi, le livre collectif Antisémitisme : l’intolérable chantage, publié en 2003, se présente comme une réaction à
« l’utilisation de plus en plus systématique par les mêmes [les défenseurs de la politique gouvernementale israélienne] du thème de la “montée de l’antisémitisme” ou de la “nouvelle judéophobie” pour disqualifier toute critique de la politique militaire et coloniale menée depuis la fin 2000 par le gouvernement d’Ariel Sharon » [42].
48 Dans un court ouvrage publié en 2011, le philosophe Alain Badiou et l’éditeur Éric Hazan abondent dans ce sens et estiment que l’usage même du terme antisémitisme constitue une « opération », « un fusil à deux coups » qui « vise d’une part la jeunesse noire et arabe et de l’autre ceux qui la soutiennent – et se trouvent presque tous hostiles à la politique des gouvernements israéliens successifs » [43]. « Dénoncer la “poussée d’antisémitisme” est un bon moyen pour détourner l’attention de la sanglante opération Rempart ou mieux encore, pour la présenter comme une mesure défensive, dans le contexte d’une “montée générale de l’antisémitisme” » [44]. Les auteurs concèdent néanmoins que parler d’une « vague d’antisémitisme n’était pas entièrement dénué de fondements », tout en assurant qu’« il ne se passait cependant rien qui puisse paraître d’une gravité exceptionnelle, rien d’irréparable ».
49 Ces prises de position témoignent de l’usage partisan du terme, notamment pour le récuser s’il est perçu et présenté comme une arme politique utilisée par les défenseurs politiques d’Israël pour disqualifier leurs adversaires et non pour dénoncer une manifestation d’hostilité à l’égard des juifs. Cette interdépendance entre les termes brouille la terminologie. Ainsi le soutien politique à Israël et la lutte contre l’antisémitisme ne forment parfois qu’un dans le discours porté par le CRIF. En février 2005, Roger Cukierman avait fait part de son malaise devant l’« incompatibilité entre la politique étrangère de la France [qu’il jugeait hostile à Israël] et la politique intérieure de lutte contre l’antisémitisme » [45].
50 Un grand nombre des producteurs de discours sur le nouvel antisémitisme, comme Shmuel Trigano, l’avocat et essayiste Gilles-William Goldnadel ainsi que Pierre-André Taguieff, dépeignent les nouvelles manifestations d’antisémitisme en France comme les déclinaisons nationales d’un phénomène mondial où fusionnent l’antisémitisme de l’islam radical et la délégitimation de l’État d’Israël. La controverse française mêlant représentations du conflit israélo-palestinien et appréciation des formes contemporaines d’antisémitisme a aussi pris place, à plusieurs reprises, dans les prétoires, lorsque des plaintes pour « incitation à la haine raciale » ont été déposées en 2002 contre le journaliste Daniel Mermet, pour des propos tenus dans son émission sur la bande de Gaza, ainsi que contre Edgar Morin, Danielle Sallenave et Samï Naïr pour leur article « Israël-Palestine : le cancer » dans Le Monde [46].
51 Ces mobilisations militantes s’opposent sur l’usage du mot antisémitisme et construisent des discours cherchant à faire système. Pour les uns, les juifs sont en position de victimes assiégées de façon équivalente en France et en Israël, faisant fi de la réalité étatique israélienne et de ce qu’elle implique comme nouveauté dans l’analyse d’un rapport de force qui ne peut pas se penser sans dialectique. La même simplification se retrouve chez ceux qui récusent l’emploi du terme antisémitisme dans une logique où la dénonciation de l’usage de la force par un État se réclamant de l’identité juive rend impossible de concevoir les nouvelles formes d’hostilité se manifestant contre les juifs en France.
52 Théo Klein, président du CRIF de 1983 à 1989, est régulièrement intervenu sur ce thème depuis 2000. Critiquant la position politique de l’organisation qu’il dirigea, il récuse l’usage du terme pour en formuler une définition restrictive et historiquement située :
« On ne peut pas parler inconsidérément d’antisémitisme après la Shoah compte tenu de son poids historique. Il vaut mieux réserver l’emploi du mot à la volonté d’éliminer les juifs, volonté pouvant aller jusqu’à l’extermination […]. C’est bien cette volonté d’éliminer, de mettre à part, qui caractérise l’antisémitisme et lui donne son caractère politique puisqu’il tend à porter atteinte au statut civique de l’individu juif. D’autre part, l’antisémitisme implique une organisation, le cas échéant politique et, ultimement, gouvernementale, comme ce fut le cas avec le gouvernement de Vichy et le nazisme. Lorsque ces deux traits ne sont pas réunis, on devrait éviter de parler d’antisémitisme. Il faut analyser le phénomène des violences contre les juifs aujourd’hui en France sans y projeter un passé qui n’a rien à voir avec ce qui se produit aujourd’hui. […] Cette remémoration de la Shoah a conduit à mal interpréter ces événements, à leur donner un sens qu’ils n’ont pas. […] Lorsqu’on insulte un rabbin dans la rue, qu’on persécute un enfant juif à l’école, qu’on attaque une synagogue, c’est l’ordre public qui est en cause, au-delà de la communauté juive » [47].
Une nouvelle catégorie d’acteurs de l’antisémitisme contemporain
54 Si la controverse a pour objets principaux le chiffrage des actes et leurs interprétations ainsi que la pertinence du terme antisémitisme et les liens de causalité avec le conflit au Moyen-Orient, la vigueur des désaccords trouve aussi sa source dans la difficulté à appréhender un autre aspect des phénomènes antijuifs contemporains : les auteurs de ces actes. Depuis 1945, la grande majorité des discours et actes hostiles prenant des juifs pour cibles émanaient de groupes d’extrême-droite. Les quelques exceptions, particulièrement meurtrières, étaient des attaques commises par des structures terroristes en provenance du Moyen-Orient [48]. Le débat des années 2000 a gagné en complexité et en âpreté notamment du fait que, dès les premières publications de listes d’actes, en 2000-2001, les origines ethniques des agresseurs ont été explicitement mentionnées : « jeunes de type nord-africain » et « jeunes d’origines maghrébines », sans définition plus précise. Cette catégorisation de nouveaux acteurs de la violence antisémite se retrouve aussi dans les documents de la CNCDH, qui précise, en 2003, que « les services de police estiment à 26,8 % (260), la part prise par les milieux d’origine arabo-musulmane dans cette violence antisémite » [49]. En 2005, le rapport indique que cette catégorie constitue 41 % « des auteurs d’actions violentes antisémites » [50].
55 Ce phénomène est-il une importation de l’antisémitisme qui a pris des proportions très importantes dans les pays arabes et musulmans ces dernières décennies ? Une abondante littérature antisémite est diffusée au Moyen-Orient, reprenant notamment des classiques de l’antijudaïsme chrétien et de l’antisémitisme nazi, ainsi que des thèses négationnistes [51].
56 Dès lors, mesurer l’hypothèse du développement d’un antisémitisme dans une partie de la population française musulmane est devenu un objet de recherche et de controverse. Une enquête fondée sur deux sondages effectués auprès d’un échantillon de 1003 personnes, en avril 2005, a porté notamment sur l’antisémitisme des citoyens français d’origine maghrébine, africaine et turque. Les auteurs observent, au sein de leur échantillon, un antisémitisme « minoritaire » mais « plus fréquent » que celui quantifié dans l’ensemble de l’opinion française [52].
57 Une décennie plus tard, évaluer l’antisémitisme au sein d’une partie de la population française définie sur la base d’origines géographiques avérées ou de croyances religieuses revendiquées continue d’être un sujet de discorde entre chercheurs. En novembre 2014, la Fondation pour l’innovation politique, dirigée par Dominique Reynié, publie les résultats d’une enquête réalisée sur deux échantillons. L’un se compose de 1005 personnes interrogées sur Internet et est « représentatif des Français âgés de 16 ans et plus ». L’autre rassemble 575 personnes rencontrées en face-à-face et « déclarant être nées dans une famille de religion musulmane, françaises ou non, vivant en France, âgées de 16 ans et plus ». L’un des objectifs annoncés de cette étude consiste à « savoir si les musulmans vivant en France sont plus ou moins susceptibles que la moyenne de la population nationale à partager des préjugés contre les juifs, voire à développer une vision antisémite » [53]. L’étude des réponses du premier échantillon indique que les sympathisants du Front national restent les plus sensibles aux thèses antisémites. À partir du second échantillon, les chercheurs de la Fondation pour l’innovation politique écrivent que « les musulmans répondants sont deux à trois fois plus nombreux que la moyenne à partager des préjugés contre les juifs. La proportion est d’autant plus grande que la personne interrogée déclare un engagement plus grand dans la religion ». La publication de ces résultats suscite une critique publique de la part de Nonna Mayer. Elle dénonce particulièrement les biais d’une enquête fondée sur des entretiens effectués dans la rue ainsi que la constitution de l’échantillon dit musulman. Elle considère aussi que cette enquête n’est pas en mesure de scientifiquement prouver l’existence d’un « nouvel antisémitisme » au sein d’une partie des Français musulmans. Dominique Reynié lui répond en soulignant la nécessité d’utiliser de nouveaux outils pour étudier un phénomène en progression (« Il est impossible de ne pas voir qu’il se passe quelque chose », écrit-il après avoir rappelé un certain nombre de violences antisémites) ; il indique que l’échantillon analysé est comparable à ceux régulièrement utilisés par la CNCDH à laquelle collabore Nonna Mayer [54].
58 L’historiographie des relations judéo-musulmanes et de la condition des juifs en terre d’islam témoigne aussi de lignes de fractures similaires. Plusieurs décennies avant l’apparition de ces violences en France, Maxime Rodinson avançait la thèse d’un « racisme de guerre », conjoncturel et politique. Selon lui, l’hostilité à l’égard des juifs dans le monde arabe musulman ne constitue pas un antisémitisme structuré ni une logique d’exclusion racialisée mais plutôt une réaction causée principalement par la politique d’Israël, en particulier l’occupation des territoires palestiniens [55].
59 Depuis 2000, les publications autour des conditions des juifs dans le monde arabe et musulman et les enquêtes sur le départ de la quasi totalité de ces communautés dans les années 1950 et 1960 se multiplient. Les débats historiographiques portent sur le statut des juifs dans ces sociétés, avant, pendant et après la présence coloniale européenne ainsi que sur la primauté à accorder aux développements politiques internationaux (décolonisation, nationalisme arabe, création d’Israël et premiers conflits israélo-arabes), comme facteurs explicatifs de ces départs. Georges Benssoussan, qui avait dirigé sous le pseudonyme d’Emmanuel Brenner l’ouvrage Les territoires perdus de la République, considère que l’antisémitisme, au sens de l’exclusion et du mépris à l’égard des juifs, constitue une réalité bien antérieure à l’apparition du sionisme et aux conflits en Palestine [56]. Cette hostilité est aussi, selon lui, la manifestation de l’ébranlement de l’« économie psychique » d’un monde arabo-musulman refusant d’accepter l’égalité des juifs sortis de leur statut de soumission en terre d’islam [57]. Pour l’historien, directeur de la Revue d’histoire de la Shoah, l’historiographie a jusqu’à présent « refusé de voir » cette réalité qui permettrait de replacer la forte proportion de jeunes d’origine maghrébine parmi les auteurs d’actes antisémites interpellés depuis 2000 dans une perspective de longue durée [58].
60 Pour Maud Mandel, historienne américaine, ces violences s’inscrivent plutôt dans le long héritage des traitements différenciés entre juifs et musulmans sous la domination coloniale française en Afrique du Nord. Ces inégalités de traitement et d’inclusion sociale et politique se sont poursuivies sur le territoire métropolitain, entretenant une polarisation entre ces deux groupes perçus comme des blocs antagonistes, malgré des proximités culturelles et sociales [59].
Conceptualiser l’inédit
61 Selon Enzo Traverso, la fin du XXe siècle a vu un retournement du processus d’altérisation négative en Europe. Les juifs, anciens parias, ont acquis une « nouvelle respectabilité » et sont devenus les symboles valorisés de l’identité occidentale [60]. La figure de l’ennemi intérieur d’une Europe en proie à la crise est aujourd’hui musulmane, incarnant une altérité irréductible et inassimilable. E. Traverso avance que l’islamophobie actuelle serait en partie analogue à l’antisémitisme européen ayant précédé la Seconde Guerre mondiale [61]. Cette thèse de la substitution présente l’antisémitisme comme une forme marginale d’hostilité car il ne formerait plus le cœur de la définition excluante de l’identité occidentale. L’analyse croisée des actes antisémites recensés depuis 2000 et des enquêtes d’opinion illustre les paradoxes de la condition juive contemporaine en France, entre inclusion et violences. Son appréciation, et en creux celle des phénomènes antisémites contemporains, sont impossibles en dehors d’une dialectique forcément délicate.
62 Le débat gagne encore en complexité avec la nécessaire prise en compte du développement des recherches sur l’islamophobie. Le terme même est l’objet de controverses – ce que nous avons aussi observé pour l’usage du mot antisémitisme – tout comme sa quantification. La recension des actes visant des personnes ou des biens perçus comme musulmans est effectuée par des organisations musulmanes (principalement l’Observatoire national contre l’islamophobie, rattaché au Conseil français du culte musulman, et le Collectif contre l’islamophobie en France) et, depuis 2013, par la CNCDH [62]. Les enjeux sont en partie similaires à ceux concernant l’antisémitisme. La difficulté s’accroît notamment en raison des oppositions qui se font jour de la part de chercheurs et de militants considérant que la quantification et la reconnaissance de l’islamophobie et de l’antisémitisme s’affronteraient dans une polarisation automatique. Ainsi, selon Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed, certaines organisations juives ont eu « du mal à reconnaître » ce phénomène quand elles n’ont pas lutté « farouchement contre sa reconnaissance » [63].
63 La dénonciation de discours islamophobes en France, et d’une non prise en compte de l’islamophobie par les pouvoirs publics, s’accompagne parfois d’une remise en cause de l’existence de dynamiques antisémites observées depuis 2000. Ainsi, pour le sociologue Raphaël Liogier, les inquiétudes sur l’augmentation des hostilités contre des personnes identifiées comme juives seraient en réalité un élément du discours islamophobe. Son argumentation l’amène à affirmer qu’en 2012, « d’après la Commission consultative des droits de l’homme, les actes antisémites sont en constante baisse depuis ces dix dernières années […] alors que les actes anti-musulmans sont en hausse » [64].
64 Les juifs, à la différence d’autres groupes minoritaires, ne souffrent d’aucune discrimination dans l’accès aux principaux domaines de la vie sociale que sont le travail, le logement, la santé et les loisirs. Les discours politiques antisémites classiques, comme l’appel à l’exclusion des juifs de la société, les références aux Protocoles des Sages de Sion ou des propos négationnistes, font l’objet d’une réprobation unanime dans l’espace public, y compris aujourd’hui de la part des instances dirigeantes du Front national [65]. De plus, la communauté juive organisée bénéficie d’un partenariat et d’une relation privilégiée avec l’État, le dîner annuel du CRIF en constituant une illustration éloquente. Pour Joëlle Marelli, c’est même cette situation qui expliquerait les violences se déployant contre des juifs car ces derniers « bénéficient aujourd’hui d’un statut non écrit de protection qui les expose parce qu’il ne bénéficie pas au même degré aux autres minorités de ce pays » [66]. Les juifs formeraient donc la minorité « la mieux protégée » ce qui ne signifierait pas qu’elle soit « la moins exposée » [67].
65 Face aux indications confirmant que les juifs constituent la « minorité la mieux acceptée » [68], se trouvent les manifestations multiformes d’hostilités observées depuis 2000. À la persistance de discours émanant de mouvements ultra-nationalistes et néo-nazis, s’ajoutent les violences à caractère antisémite, les crimes crapuleux motivés à différents degrés par l’actualisation de clichés associant les juifs à la richesse financière, la jonction de plusieurs types d’antisémitisme dans les représentations portées par Dieudonné et Alain Soral, ainsi que des violences meurtrières, comme les assassinats de Toulouse en 2012 et de Bruxelles en 2014, commises par des citoyens français de retour de pays (Afghanistan, Irak, Syrie) où des forces se définissant comme islamistes participent à des insurrections ou des guerres civiles [69]. Cette diversité des antisémitismes observés dans l’hexagone depuis la fin de l’année 2000 est à rapporter à une population cible totale estimée à 500000 personnes. Un peu moins d’1 % de la population française concentre depuis une quinzaine d’années plus du quart du total des actes visant des minorités [70]. Cette surexposition à la violence des individus identifiés comme juifs représente un défi à l’analyse statistique de l’antisémitisme.
66 La recherche scientifique sur l’antisémitisme contemporain en France fait face à une configuration politique et sociale nouvelle où les paradigmes marginaux-établis [71], minoritaires-majoritaires, comme les références aux violences antisémites conduites ou tolérées par des États aux XIXe et XXe siècles (les pogroms, la Nuit de Cristal, la destruction des juifs d’Europe par les nazis et leurs collaborateurs) ne sont plus opérants pour conceptualiser une situation dans laquelle le groupe dit juif est à la fois épargné, privilégié et cible de formes multiples d’hostilité, provenant notamment d’individus issus de groupes en situation minoritaire et eux-mêmes victimes de discrimination [72].
67 Penser la mesure de l’antisémitisme à travers la répétition d’événements historiquement situés, ou à l’inverse récuser l’hypothèse de son intensité par comparaison avec l’Allemagne nazie ou le régime de Vichy, revient à s’interdire de comprendre le neuf. Cette résistance face à la complexité du phénomène semble se retrouver au sein de l’opinion publique. Se basant sur des séries d’entretiens effectués auprès de la population française, le rapport 2013 de la CNCDH souligne la forte réticence de nombreux interviewés à l’idée que des dynamiques antisémites soient à l’œuvre dans la France contemporaine. Pour les personnes interrogées, l’antisémitisme constituerait un « concept qui renvoie à un passé révolu ». « Le sentiment que l’antisémitisme n’est plus d’actualité en France est en effet très largement partagé », précise le rapport qui souligne que « la plupart d’entre eux ne se souviennent pas spontanément des affaires d’antisémitisme qui ont marqué l’actualité au cours des dernières années ou des derniers mois, comme s’ils refusaient d’y penser, avec des mécanismes de mémoire sélective et de défense très présents » [73].
68 Aux biais politiques qu’induisent les représentations et mobilisations en lien avec les conflits au Moyen-Orient, s’ajoutent les limites des outils de recension. Pour rendre compte de la multitude de facteurs, parfois paradoxaux et contradictoires, qui composent l’antisémitisme, la recherche scientifique fait face à une complexité perturbante qu’il est impossible de résumer simplement avec des jugements absolus ou des analogies historiques définitives.
Actes antisémites recensés en France de 1998 à 2014
Actes antisémites recensés en France de 1998 à 2014
Mots-clés éditeurs : antisémitisme, statistiques, politiques publiques, minorités, France, politiques
Date de mise en ligne : 09/10/2015.
https://doi.org/10.3917/rhmc.622.0201Notes
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[1]
Michel WIEVIORKA, Le racisme, une introduction, Paris, La Découverte, 1998, p. 87.
-
[2]
Ibidem, p. 89.
-
[3]
La division en séquences du conflit israélo-palestinien fait l’objet, comme tout découpage historique, d’analyses différentes et évolutives. Cependant, un consensus existe pour considérer que la première Intifada (« soulèvement » en arabe) débute en décembre 1987 et prend fi n avec la signature de la reconnaissance mutuelle entre l’Organisation de libération de la Palestine et Israël, à la fin de l’été 1993 (symbolisée par la poignée de main entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat en septembre 1993 à Washington). La seconde Intifada débute fin septembre 2000. Ce conflit étant asymétrique, sans déclaration de guerre entre deux États, établir scientifiquement sa fin est difficile. Nombre d’observateurs s’accordent cependant pour estimer que l’année 2004 a marqué un tournant – avec la mort de Yasser Arafat en novembre – expliquant que, depuis lors, les discours sur le confl it israélo-palestinien évoquent régulièrement l’hypothèse d’une troisième Intifada.
-
[4]
« Jacques Chirac n’a jamais compris Israël, ni les Israéliens », Le Monde, 17 octobre 2000, propos recueillis par Henri Tincq.
-
[5]
« Les juifs de France visés par l’Intifada ? », Observatoire du monde juif, 1, novembre 2001.
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[6]
« La communauté juive s’inquiète d’une recrudescence des agressions antisémites », Le Monde, 2 décembre 2001.
-
[7]
Discours du président du CRIF Roger Cukierman au dîner du CRIF du 1er décembre 2001 en l’honneur du Premier ministre de la République Lionel Jospin. Texte disponible dans son intégralité sur le site internet du CRIF : www.crif.org.
-
[8]
« Le ministère de l’Intérieur note une baisse des violences antisémites en 2001 », Le Monde, 6 décembre 2001 ; « L’Intérieur oppose des chiffres à l’émotion », Libération, 14 décembre 2001.
-
[9]
Brigitte BEAUZAMY, Marie-Cécile NAVES, « Usages politiques des récits d’agressions antisémites et de violences policières. De la rumeur à la mobilisation », Mots. Les langages du politique, 92, 2010, p. 41-56, p. 41.
-
[10]
« La communauté juive tire la sonnette d’alarme. Ce ne sont pas tant les actes antisémites que l’indifférence et le climat qui inquiètent », Libération, 14 décembre 2001.
-
[11]
Les antifeujs. Le Livre blanc des violences antisémites en France depuis septembre 2000, Paris, Calmann-Lévy, 2002, p. 7.
-
[12]
Ibidem, p. 35-110.
-
[13]
« Les chiffres noirs de l’antisémitisme », L’Express, 6 décembre 2001.
-
[14]
Pierre-André TAGUIEFF, La nouvelle judéophobie, Paris, Mille et une nuits, 2002, p. 11.
-
[15]
Daniel CEFAÏ, Cédric TERZI (éd.), L’expérience des problèmes publics, Paris, Éditions de l’EHESS, 2012, p. 16-17.
-
[16]
Voir le chapitre 4 « Silences sur la nouvelle judéophobie : aveuglement, complaisance ou connivence ? », in P-A. TAGUIEFF, La nouvelle judéophobie, op. cit., p. 173-234 ; Alain FINKIELKRAUT, L’imparfait du présent, Paris, Gallimard, 2002, p. 247.
-
[17]
En 1947, la « Commission consultative pour la codification du droit international et la défi nition des droits et devoirs des États et des droits de l’homme » est créée. Elle prend le nom de Commission nationale consultative des droits de l’homme en 1984.
-
[18]
Ces divisions en catégories d’actes entre violences (actions) et menaces (intimidations) sont systématiquement présentées dans le premier chapitre, intitulé « État des actions racistes, xénophobes ou antisémites en [année étudiée] ». Ainsi, pour le rapport de l’année 2001 publié en 2002, ces chiffres se trouvent aux pages 28 à 45.
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[19]
Commission nationale consultative des droits de l’homme (désormais CNCDH), La lutte contre le racisme et la xénophobie 2000, Paris, La Documentation française, 2001, p. 35.
-
[20]
CNCDH, La lutte contre le racisme et la xénophobie 2001, Paris, La Documentation française, 2002, p. 40.
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[21]
Entretien avec Haïm Musicant, juillet 2008, Samuel GHILES-MEILHAC, Le CRIF : de la résistance juive à la tentation du lobby. 1943 à nos jours, Paris, Robert Laffont, 2011.
-
[22]
Le Service de protection de la communauté juive est qualifié « d’interlocuteur de qualité » par le ministère de l’Intérieur (entretien avec Philippe Bertrand, 6 janvier 2015). Très peu d’informations sont disponibles au sujet de cette structure qui diffuse ses rapports annuels à partir de son site : www. antisemitisme.org. Le CRIF et le Fonds social juif unifié l’ont créée en 1980 mais aucune déclaration officielle d’association loi 1901 portant ce nom n’existe dans les registres du bureau des associations de la préfecture de Police de Paris (message électronique adressé à l’auteur le 30 octobre 2014). La Fondation pour la Mémoire de la Shoah (FMS) indique être « l’un des principaux contributeurs du service de protection de la communauté juive (SPCJ) qui veille, en étroite coopération avec les pouvoirs publics, à la sécurité des écoles juives, des lieux de culte et des institutions communautaires » (rapport d’activités 2011 de la FMS, page 26), sans plus de précision.
-
[23]
Entretien avec Philippe Bertrand, 6 janvier 2015, Paris.
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[24]
Élisabeth Cohen-Tannoudji a été, jusqu’à son décès en 2009, chargée de mission au CRIF, notamment en charge de la veille sur l’antisémitisme en France.
-
[25]
Il est aussi l’auteur d’un ouvrage sur l’antisémitisme contemporain en France : Marc KNOBEL, Haine et violences antisémites. Une rétrospective : 2000-2013, Paris, Berg International, 2013.
-
[26]
Cependant, la mobilisation associative sur la recension et la diffusion d’actes antisémites ainsi que sur l’interpellation publique de l’État ne se déroule pas uniquement dans le cadre du partenariat mentionné et peut constituer un champ de concurrence au sein du monde juif organisé, comme l’illustre l’existence depuis la seconde Intifada du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA), structure non-membre du CRIF et dirigée par Sammy Ghozlan, ancien commissaire de police.
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[27]
Sur cette question, voir la sous-partie intitulée « Un travail partenarial en construction » du rapport 2013 : CNCDH, La lutte contre le racisme et la xénophobie 2013, Paris, La Documentation française, 2014, p. 91-93.
-
[28]
Voir le décret n° 2003-1164 du 8 décembre 2003 au Journal officiel, portant création du comité interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
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[29]
Emmanuel BRENNER (éd.), Les territoires perdus de la République. Antisémitisme, racisme et sexisme en milieu scolaire, Paris, Mille et une nuits, 2002, p. 13. La publication de cet ouvrage a suscité de vifs débats et l’objet de cet article n’est pas de traiter de ce thème qui constitue un sujet de recherche à part entière.
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[30]
Pour une description de la méthodologie utilisée dans ces enquêtes ainsi qu’une analyse de leurs limites en ce qui concerne l’antisémitisme, voir le texte de Nonna MAYER et Guy MICHELAT, in CNCDH, La lutte… 2000, op. cit., p. 97-102.
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[31]
Voici les limites soulignées : « Les sondages ont leurs limites. Il faudrait poser des questions plus précises pour distinguer ce qui relève […] de l’antisionisme au sens de refus du droit d’Israël à l’existence, de l’antijudaïsme dans sa dimension religieuse, du négationnisme et de la banalisation de la Shoah, et de l’antisémitisme au sens ordinaire de racisme contre des personnes identifiées comme juives » : N. MAYER, « Nouvelle judéophobie ou vieil antisémitisme ? », Raisons politiques, 16, 2004, p. 91-103, p. 100.
-
[32]
N. MAYER, « Les opinions antisémites en France après la seconde Intifada », Revue internationale et stratégique, 58, 2005, p. 143-150.
-
[33]
N. MAYER, L’opinion publique française n’est pas antisémite, note 10, Fondation Jean-Jaurès/ Observatoire des radicalités politiques, 2014.
-
[34]
M. WIEVIORKA, Le racisme…, op. cit., p. 111.
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[35]
M. WIEVIORKA, La tentation antisémite. Haine des juifs dans la France d’aujourd’hui, Paris, Robert Laffont, 2005, p. 436.
-
[36]
Denis CHARBIT, Nadine KUPERTY-TSUR (éd.), Les intellectuels français et Israël, Paris, Éditions de l’Éclat, 2009, p. 5.
-
[37]
S. GHILES-MEILHAC, « Naissance et institutionnalisation de la soirée annuelle du Conseil représentatif des institutions juives de France », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 122, 2014, p. 109-119.
-
[38]
Sur la guerre du Golfe et ses appropriations en France à partir d’une étude locale : Maud MANDEL, « The war comes home : Muslim/Jewish relations in Marseille during the 1991 Gulf War », in Nathalie DEBRAUWERE-MILLER (éd.), Israeli-Palestinian Conflict in the Francophone World, New York, Routledge, 2010, p. 163-179.
-
[39]
CNCDH, La lutte contre le racisme et la xénophobie 2012, Paris, La Documentation française, 2013, p. 117.
-
[40]
Sur ce thème : « Le Moyen-Orient, une passion française ? De la guerre des Six Jours à Septembre noir (1967-1970) », dossier de Matériaux pour l’histoire de notre temps, 96, 2009.
-
[41]
Le « retour de l’antisémitisme » : discours rituel au dîner annuel du CRIF, texte mis en ligne le 5 mars 2009 sur le site de Laurent MUCCHIELLI : www.laurent-mucchielli.org.
-
[42]
Étienne BALIBAR et alii, Antisémitisme : l’intolérable chantage. Israël-Palestine : une affaire française ?, Paris, La Découverte, 2003, p. 7.
-
[43]
Alain BADIOU, Éric HAZAN, L’antisémitisme partout. Aujourd’hui en France, Paris, La Fabrique, 2011, p. 21.
-
[44]
Ibidem, p. 8-9. La thèse de l’usage du terme « antisémitisme » comme ressort rhétorique visant à diffuser un discours raciste et à criminaliser la critique de la politique gouvernementale israélienne avait aussi été développée dans un ouvrage cité à plusieurs reprises par A. Badiou et É. Hazan : Ivan SEGRÉ, La réaction philosémite. La trahison des clercs, Paris, Lignes, 2009. Ces deux ouvrages ne font aucune référence aux rapports annuels de la CNCDH.
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[45]
Discours de Roger Cukierman, président du CRIF, au dîner annuel du CRIF samedi 12 février 2005, texte disponible en ligne sur le site www.crif.org.
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[46]
« Le journaliste Daniel Mermet assigné pour incitation à la haine raciale. Des associations juives accusent le producteur de France-Inter d’avoir diffusé des propos d’auditeurs à caractère antisémite », Le Monde, 1er juin 2002 ; « Là-bas si j’y suis, de Gaza au tribunal. L’Union des étudiants juifs s’en prend à Daniel Mermet, accusé de haine raciale », Libération, 3 juin 2002.
-
[47]
Théo KLEIN, « Pour un renouveau du judaïsme. Entretien », Le Débat, 133, 2005, p. 3-10.
-
[48]
Sur ces exportations en Europe des conflits israélo-arabes, à travers des attentats et des assassinats, dans les années 1970 et 1980 : Marc HECKER, Intifada française ? De l’importation du conflit israélo-palestinien, Paris, Ellipses, 2012, p. 340-343.
-
[49]
CNCDH, La lutte contre le racisme et la xénophobie : rapport d’activité 2003, Paris, La Documentation française, 2004, p. 10.
-
[50]
CNCDH, La lutte contre le racisme et la xénophobie : rapport d’activité 2005, Paris, La Documentation française, 2006, p. 12.
-
[51]
Sur le thème sensible et souvent polémique de l’antisémitisme et du négationnisme dans le monde arabe et musulman, je me permets de renvoyer à deux lectures divergentes et complémentaires : « Antisémitisme et négationnisme dans le monde arabo-musulman : la dérive », dossier de la Revue d’Histoire de la Shoah. Le monde juif, 180, 2004 ; Gilbert ACHCAR, Les arabes et la Shoah. La guerre israélo-arabe des récits, Arles, Actes Sud, 2009. Voir également l’article de Günther Jikeli dans la présente livraison de la RHMC.
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[52]
Sylvain BROUARD, Vincent TIBERJ, Français comme les autres ? Enquête sur les citoyens d’origine maghrébine, africaine et turque, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2005, p. 99-108.
-
[53]
Fondation pour l’innovation politique, « L’antisémitisme dans l’opinion publique française. Nouveaux éclairages », document publié le 14 novembre 2014 et disponible en ligne sur le site www. fondapol.org/debats. Les citations sont aux pages 6 et 10.
-
[54]
N. MAYER, « Il faut parler d’antisémitisme avec rigueur », Le Monde, 5 décembre 2014 ; la réponse de Dominique REYNIÉ, « Parlons d’antisémitisme sans cécité volontaire », Le Monde, 12 décembre 2014.
-
[55]
Maxime RODINSON, Peuple juif ou problèmes juifs ? Paris, Maspero, 1981.
-
[56]
Au sujet de la rédaction sous pseudonyme de ce livre : Pierre ASSOULINE, « Les mondes perdus de Georges Bensoussan », L’Histoire, 382, 2012, p. 22.
-
[57]
Georges BENSOUSSAN, Juifs en pays arabe. Le grand déracinement 1850-1975, Paris, Tallandier, 2012.
-
[58]
G. BENSOUSSAN, « Juifs de l’Orient arabe. L’effort pour ne pas voir », Le Débat, 182, 2014, p. 112-124, p. 117.
-
[59]
M. MANDEL, Muslims and Jews in France. History of a Conflict, Princeton, Princeton University Press, 2014.
-
[60]
Enzo TRAVERSO, La fin de la modernité juive. Essai sur un tournant conservateur, Paris, La Découverte, 2013, p. 116.
-
[61]
Ibidem, p. 122-125.
-
[62]
Sur ce thème, voir les chapitres « Chiffrer l’islamophobie » (p. 37-49) et « Des opinions négatives aux actes discriminatoires » (p. 51-68), in Abdellali HAJJAT, Marwan MOHAMMED, Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman », Paris, La Découverte, 2013. Voir aussi comment la CNCDH explique l’usage partiel qu’elle fait du terme dans ses publications : CNCDH, La lutte… 2013, op. cit., p. 6-13.
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[63]
A. HAJJAT, M. MOHAMMED, Islamophobie…, op. cit., p. 215.
-
[64]
Raphaël LIOGIER, Le mythe de l’islamisation. Essai sur une obsession collective, Paris, Seuil, 2012, p. 136.
-
[65]
Cependant, si l’antisémitisme est aujourd’hui rejeté publiquement par les dirigeants du Front national, les enquêtes d’opinion, aussi bien celles analysées par Nonna Mayer que par Dominique Reynié, indiquent que les électeurs et sympathisants de ce parti répondent plus favorablement que l’ensemble de la société aux discours négatifs et hostiles aux juifs.
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[66]
Joëlle MARELLI, « Usages et maléfices du thème de l’antisémitisme », in Nacira GUÉNIF-SOUILAMAS (éd.) La République mise à nu par son immigration, Paris, La Fabrique, 2006, p. 133-159, p. 157.
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[67]
Ibidem, p. 139.
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[68]
Expression utilisée par Nonna Mayer, Guy Michelat, Vincent Tiberj et Tommaso Vitale dans CNCDH, La lutte… 2013, op. cit., p. 182.
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[69]
Pour une première approche sur l’hostilité meurtrière des groupes armés islamistes à l’encontre des juifs : Jean-Pierre FILIU, « L’obsession antisémite d’Al-Qaïda », in Abdelwahab MEDDEB, Benjamin STORA (éd.), Histoire des relations entre juifs et musulmans des origines à nos jours, Paris, Albin Michel, 2013, p. 554-558.
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[70]
En 2010, une étude évalue la population juive en France à 484000 personnes : Sergio DELLAPERGOLA, Jewish Demographic Policies. Population Trends and Options in Israel and in the Diaspora, Jérusalem, The Jewish People Policy Institute, 2011.
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[71]
Norbert ELIAS, « Notes sur les juifs en tant que participant à une relation établis-marginaux », in Norbert Elias par lui-même, Paris, Fayard, 2013, p. 150-160.
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[72]
Comme le souligne Joëlle Marelli, « jusque dans les années 1980 et même après, nous fûmes donc voués à épier régulièrement l’augure de la répétition du pire » : J. MARELLI, « Usages et maléfices… », art. cit., p. 133.
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[73]
CNCDH, La lutte… 2013, op. cit., p. 53. La rédaction du présent article a été terminée alors que les événements des 7, 8 et 9 janvier 2015 illustraient violemment les enjeux étudiés ici. Seuls de futurs travaux permettront d’évaluer l’impact de ces violences sur la perception de l’antisémitisme par la société française.