Notes
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[1]
BRANTÔME, Œuvres complètes, éditées par Ludovic Lalanne, Paris, Société de l’histoire de France, 1864-1882, tome 7, p. 301. Cet article doit beaucoup aux encouragements et remarques de Daniel Roche, que je remercie.
-
[2]
Olivier de SERRES, Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs, Paris, Jamet-Métayer, 1600, p. 299.
-
[3]
Ephrem-Gabriel HOUËL, Le cheval en France depuis l’époque gauloise jusqu’à nos jours. Géographie et institutions hippiques, Paris, Auguste Goin, 1869, p. 93.
-
[4]
Dans son ouvrage de 1869, Ephrem-Gabriel Houël se faisait le héraut de cette interprétation : « C’est au milieu de toute cette prospérité que les réformes politiques de Richelieu, en anéantissant les privilèges de l’aristocratie et préparant la centralisation que devait plus tard imposer Louis XIV, portèrent un coup mortel à la production chevaline, telle qu’elle était organisée en France. (…) Peu d’années suffirent pour anéantir les ressources du pays (…) » (Ibidem, p. 97).
-
[5]
Jacques MULLIEZ, Les chevaux du royaume. Aux origines des haras nationaux (1983), Paris, Belin, 2004, p. 82.
-
[6]
Niccolo TOMMASEO (éd.), Relations des ambassadeurs vénitiens sur les affaires de France au XVIe siècle, Paris, Imprimerie nationale, 1838, tome 1, p. 257.
-
[7]
Ibidem, p. 493.
-
[8]
O. de SERRES, Le théâtre d’agriculture…, op. cit. p. 299.
-
[9]
Isaac de LAFFEMAS, Histoire du commerce de la France, Paris, T. Du Bray, 1606, cité par M. L. CIMBER et F. DANJOU, Archives curieuses de l’histoire de France depuis Louis XI jusqu’à Louis XVIII, Paris, Beauvais, 1837, 1re série, tome 14, p. 421.
-
[10]
Gérard GUILLOTEL, Les haras nationaux, Paris-Limoges, Lavauzelle, 1985, p. 53-72 ; Marie-Noëlle BAUDOUIN-MATUSZEK et Anne MERLIN-CHAZELAS, Catalogue des actes de Henri II, Paris, Éditions du CNRS, 1990, tome 3, p. 85.
-
[11]
BRANTÔME, Œuvres complètes, op. cit., tome 3, p. 274.
-
[12]
Sur la création de l’administration des haras royaux par Colbert, voir J. MULLIEZ, Les chevaux du royaume…, op. cit., p. 81-111 et Daniel ROCHE, La culture équestre de l’Occident, XVIe-XIXe siècle. L’ombre du cheval, Paris, Fayard, 2008, tome 1, p. 175-183.
-
[13]
Daniel ROCHE, « Le cheval et ses élevages : perspectives de recherche », Cahiers d’histoire, n° 3-4, 1997 (numéro spécial « L’animal domestique », sous la direction d’Éric Baratay et Jean-Luc Mayaud), p. 518.
-
[14]
D’après le Thresor de la langue française de Jean Nicot (1606), le terme « haras » désignait au XVIe siècle « un troupeau et harde de juments avec leurs estallons pour faire race, qu’on tient aux champs communément pres des forests, ou en lieux herbus et foisonnants en pasturages ». Ce n’est qu’à partir de l’édition de 1762 du Dictionnaire de l’Académie française que le terme est défini prioritairement comme le lieu de l’élevage. Dans le présent article, « haras » est utilisé dans son acception actuelle de lieu d’élevage, car les sources vont clairement dans le sens d’un espace organisé pour abriter les chevaux et en faciliter la reproduction, comme on le verra.
-
[15]
Sur la carte de localisation, les forêts du Der et du Val ne sont situées qu’à titre indicatif à partir de leur aspect actuel.
-
[16]
Bibliothèque nationale de France, Paris (désormais BnF), manuscrit français (désormais fr.) 20536, fol. 109 ; BnF, fr. 20552, fol. 152-153. La mention de la rivière est donnée par le terrier de Joinville de 1604, où il est question d’une « maison cis proche de la rivière de Blaise où anciennement étoit l’écurie de mondit seigneur » (Patrick WADEL, « La guerre à cheval et l’héroïsation équestre en Champagne méridionale au XVIe siècle », in Daniel ROCHE (éd.), Le cheval et la guerre. Du XVe au XXe siècle, Paris, Association pour l’académie d’art équestre de Versailles, Paris, 2002, p. 206).
-
[17]
Brigitte PRÉVOT et Bernard RIBÉMONT, Le cheval en France au Moyen Âge. Sa place dans le monde médiéval ; sa médecine : l’exemple d’un traité vétérinaire du XIVe siècle, la « Cirurgie des chevaux », Orléans, Paradigme, 1994, p. 117-119 ; Jean-Marc MORICEAU, Histoire et géographie de l’élevage français (XVe- XVIIIe siècle), Paris, Fayard, 2005, p. 222. Le choix des zones forestières et marécageuses pour l’élevage des chevaux s’explique par le souci d’utiliser malgré tout des terres peu fertiles ; on peut remarquer à ce sujet que le terroir d’Éclaron n’était pas propice à l’agriculture : « Le territoire d’Éclaron, nous l’avons dit, est excellent ; mais il est difficile à cultiver, parce que son sol est humide et compact. Pour cette raison, l’agriculture n’y a jamais été très-prospère » (Charles DE HÉDOUVILLE, Notice sur le village d’Éclaron, Saint-Dizier, Henriot et Goudard, 1882, p. 9). La littérature de l’époque moderne témoigne de la permanence de ce mode de production forestier sous la plume de Rabelais qui raconte que les « citoyens de ceste ville [de Paris] s’offrirent de nourrir et entretenir la jument de Gargantua et l’envoyèrent vivre en la forêt de Bierre ». Ce n’était d’ailleurs pas sans conséquence sur la santé des massifs forestiers, ainsi que le déplorait Louis de Saint-Yon en 1610 : « ceux qui mettent leurs bestes chevalines ès forests m’ont voulu faire croire autrefois qu’elles ne font dommage aux taillis, ne faisant que paistre l’herbe : neanmoins j’ay recognu le contraire, et ay veu le reject des jeunes ventes de la forest de Laigue près Compiègne grandement endommagé du haras qui y estoit, et la plupart des forests du Poictou en dégast, à cause des grandes nourritures qui s’y font de bestes chevalines et mulets » (Louis de SAINT-YON, Les Edicts et ordonnances des roys, coutumes des provinces, réglemens, arrests et jugemens notables des eaues et forests, Paris, 1610). Les deux dernières références sont tirées de Michel DEVÈZE, La vie de la forêt française au XVIe siècle, Paris, SEVPEN, 1961, tome 1, p. 94-96.
-
[18]
Céline LÉPINIÈRE, « L’élevage des chevaux à la Renaissance », mémoire de maîtrise sous la direction de Pascal Brioist, université de Tours, 2005, p. 23 ; G. GUILLOTEL, Les haras…, op. cit., tome 1, p. 62. La lettre d’Henri III à Marc-Antoine de Bassi datée du 25 juin 1586 est conservée aux Archives départementales d’Eure-et-Loir, collection Jarry, série 2 J 2461 (C. LÉPINIÈRE, art. cit., p. 32).
-
[19]
J. MULLIEZ, Les chevaux du royaume…, op. cit., p. 86-87.
-
[20]
J.-M. MORICEAU, Histoire et géographie…, op. cit., p. 222-223.
-
[21]
BnF, fr. 20552, fol. 152-153.
-
[22]
B. PRÉVOT et B. RIBÉMONT, Le cheval en France au Moyen Âge…, op. cit., p. 119 ; Archives du château de Chantilly (désormais ACC), 1-A-14, Recherches de Le Congneux sur les comptes de la maison de Guise.
-
[23]
« ledict conterolleur debvoit avoir les granches desdites escuries du Der et Esclaron et estables pour mettres lesdits chevaulx et provisions d’iceulx » (BnF, fr. 20536, fol. 109). En 1665 encore, selon l’intendant de Champagne Louis de Machault, il y avait là des écuries pour les juments, des granges pour le fourrage et des petits logements pour les employés du haras (P. WADEL, art. cit., p. 197). Notons que, dans la langue du XVIe siècle, le terme « estable » pouvait être employé indifféremment pour un logis destiné aux chevaux ou à d’autres animaux domestiques ; Nicot s’insurgeait en revanche dans son Thresor de la langue française (1606) contre l’utilisation du terme « escuyrie » pour toutes sortes d’étables car, désignant à l’origine la dignité de l’écuyer, ce mot désignait « usitéement (…) l’estable ou sont les chevaux d’un Roy, Prince, ou autre grand Seigneur, qui a droit de tenir Escuyer d’escuyrie ».
-
[24]
BnF, fr. 22433, fol. 50 v°, 75 v°-76 r°, 96 r° et 148 v°. 144 livres furent payées pour cette écurie, sans que l’on puisse savoir s’il s’agissait là du montant total des travaux ou d’un règlement partiel.
-
[25]
En juin 1550, le maître maçon d’Éclaron revint d’Écouen et de Chantilly avec le « pourtraict » du maître maçon du connétable Anne de Montmorency ; les travaux furent alors suspendus le temps que le nouveau duc de Guise décidât si l’on devait continuer à suivre l’ancien plan ou bien suivre le nouveau, dont l’exemple avait été puisé aux meilleures sources architecturales du temps (BnF, fr. 20543, fol. 137). En 1560 encore, le duc de Guise envoya un maître maçon de Saint-Denis visiter ses bâtiments d’Éclaron (ACC, 1-A-14).
-
[26]
BnF, fr. 20536, fol. 93 et 109.
-
[27]
BnF, fr. 20550, fol. 41-42.
-
[28]
BnF, fr. 20536, fol. 109.
-
[29]
« Est ledit Francisque de present à Esclaron pour faire couvrir les jumens » (BnF, fr. 20550, fol. 41-42) ; « les jumentz de monseigneur estant en son haratz dudit Esclaron au lieu du Der » (BnF, fr. 20536, fol. 109). Voir aussi BnF, fr. 20552, fol. 152-153.
-
[30]
« Il vous avoit pleu ordonner ou mois de juing dernier que lesdits estallons et jeunes chevaulx y [i.e. à Eclaron] sejourneroient sans aller audit Roches », « lesdits poullains à Encerville durant les herbaiges seulement lesquelz passez on amenera audit Esclaron pour y estre yvernez » (BnF, fr. 20536, fol. 109).
-
[31]
« Les poulains qui sont à Ancherville » (BnF, fr. 20550, fol. 41-42) ; « lesdits jeunes chevaulx à Ancerville au temps des herbes » et « lesdits poullains à Encerville durant les herbaiges seulement » (BnF, fr. 20536, fol. 109) ; « J’ay veu vos estalons et poulains qui sont à Roche » (BnF, fr. 20522, fol. 59) ; « les grandz chevaulx estallons estant lors au lieu de Roches » (BnF, fr. 20536, fol. 109) ; voir également la note n° 30.
-
[32]
Pour les pratiques d’élevage « sauvage », voir J. MULLIEZ, Les chevaux du royaume…, op. cit., p. 24-25.
-
[33]
C. LÉPINIÈRE, art. cit., p. 46.
-
[34]
BnF, fr. 20550, fol. 41-42.
-
[35]
Jean TACQUET, Philippica ou haras des chevaux, Anvers, chez Robert Bruneau, 1614, chapitre XVII « Quelles doibvent estre les estables pour les juments, pour les poulains, et pour les chevaux d’aage ». Bien que tardive par rapport à l’époque qui nous occupe, l’œuvre de Jean Tacquet est considérée comme une source précieuse, car rare, sur l’organisation des écuries à la Renaissance. Le chapitre de Tacquet sur le logement des chevaux, par exemple, est très proche d’un dessin bien antérieur de Léonard de Vinci pour un projet d’écurie des années 1480 qui témoigne de la réalité des écuries italiennes de l’époque (Pascal LIÉVAUX, Les écuries des châteaux français, Paris, Éditions du Patrimoine, 2005, p. 70).
-
[36]
Il n’est donc pas certain que le traité anonyme de 1639 proposant la création de haras garnis « de juments, chevaux et grands ânes, venus de Turquie, Barbarie, Espagne et Suisse » dans toutes les forêts royales ait visé à « rétablir l’élevage pratiqué au Moyen Àge, élevage sauvage procédant plus de l’économie de cueillette que d’un haras réglé au sens moderne » (J. MULLIEZ, Les chevaux du royaume…, op. cit., p. 87). Outre que la pratique de l’élevage forestier resta vivace durant tout le XVIe siècle et le début du XVIIe siècle, celle-ci n’était pas nécessairement une technique rudimentaire de production de chevaux.
-
[37]
BnF, fr. 20536, fol. 109.
-
[38]
BnF, fr. 20540, fol. 55.
-
[39]
« à Esloy Collet hostellain demourant à Esclaron la somme de huict vingtz quinze [175] livres pour la despoulle de cinquante faulchées de pré qu’il a vendu à Sainte-Lyviere pour ledit harat à lxx sous la faulchée » (BnF, fr. 22433, fol. 149 r°). Sainte-Livière est un village directement voisin d’Éclaron.
-
[40]
« Pierre George controlleur d’Esclairon doibt compter [rendre compte] de IICXXIX livres à luy baillez pour l’entretenement du haras au quartier d’octobre [1556]. En faire compter ses heritiers, toutefoys ladite somme luy a esté fournye sur le marché qu’il avoit fait pour la noriture des jumens du haras et gaiges des palfreniers » (ACC, 1-A-14) ; « je n’ay failly en sa presence faire entendre surce votre voulloir et intention à votre controoleur d’Esclaron de mener les estallons et jeunes chevaulx de votre dit harat à Roches pour y sejourner d’oresnavant, avec des vivres pour les nourrir suyvant son marché et que s’il y avoit interest vous l’en feries recompencer. (…) » (BnF, fr. 20536, fol. 93) ; « Remonstrer vous faict en toutes humillitez Pierre George votre conterolleur d’Esclaron que environ ung an et demy il fit marchesz de norir les jumentz de Monseigneur estant en son haratz dudit Esclaron au lieu du Der… » (BnF, fr. 20536, fol. 109) ; « à Jacques de Rapillars sieur de la Mothe la somme de trois cens soixante huict livres quatorze solz quatre deniers tournois pour la despence dudit harat durant lesdits mois de janvier, febvrier et mars mil vc soixante ung [1562 n. st.] suyvant le marché faict avec luy par les sieurs du Mesnil et de Fontaines, certification du contrerolleur d’Esclairon et quictance » (BnF, fr. 22433, fol. 148 v°).
-
[41]
C. LÉPINIÈRE, art. cit., p. 35.
-
[42]
BnF, fr. 22433, fol. 75 v°-76 r°.
-
[43]
BnF, collection Clairambault (désormais Clair.) 347, fol. 295.
-
[44]
G. GUILLOTEL, Les haras…, op. cit., tome 1, p. 58 et 61.
-
[45]
BnF, fr. 20459, fol. 57.
-
[46]
BnF, fr. 8181, fol. 100 v°, 180 v°, 190 r°, 222 r°, 271 r° et 355 r° ; fr. 20468, fol. 177. D’après Emond du Boullay, le héraut d’armes du duc de Lorraine qui donna une relation des funérailles du premier duc de Guise en 1550, ce fut Francisque qui, en tant qu’écuyer de la grande écurie, mena le cheval d’honneur lors du cortège funèbre (P. WADEL, art. cit., p. 197).
-
[47]
BnF, fr. 22433, fol. 75 r°.
-
[48]
BnF, fr. 20536, fol. 93 ; fr. 20540, fol. 55 ; fr. 20545, fol. 149 ; fr. 20550, fol. 41-42 et 138 ; fr. 20552, fol. 152-153 ; ACC, 1-A-14.
-
[49]
BnF, fr. 22433, fol. 75 r° et 149 r°. Pour les gages des maîtres d’hôtel en 1562 et 1563, voir BnF, fr. 22433, fol. 109 et 165.
-
[50]
BnF, fr. 22433, fol. 76 r°. Dans l’une de ses lettres au duc de Guise datée du 12 octobre 1551, Ramassin de Bologne informait d’ailleurs son maître de son retour à Éclaron où il comptait bien se remettre à « exerciter [les] poullains » (BnF, fr. 20513, fol. 61).
-
[51]
J. TACQUET, Philippica…, op. cit., p. 228.
-
[52]
Jean-François DUBOST, La France italienne, XVIe-XVIIe siècle, Paris, Aubier, 1997, p. 108 et 403 ; BnF, fr. 22437, fol. 65 v° ; fr. 20517, fol. 21.
-
[53]
BnF, fr. 20552, fol. 152-153.
-
[54]
BnF, fr. 22433, fol. 75 v°.
-
[55]
G. GUILLOTEL, Les haras…, op. cit., tome 1, p. 61 ; Hector de LA FERRIÈRE et Gustave BAGUENAULT de PUCHESSE (éd.), Lettres de Catherine de Médicis, Paris, Imprimerie nationale, 1880-1943, tome 1, p. 544 : lettre de Catherine de Médicis au marquis de Boisy, 26 mars 1563.
-
[56]
BnF, fr. 22433, fol. 75 v°-76 r°.
-
[57]
G. GUILLOTEL, Les haras…, op. cit., tome 1, p. 58.
-
[58]
BnF, fr. 22433, fol. 75 et 148 v°.
-
[59]
ACC, 1-A-14, Recherches de Le Congneux sur les comptes de la maison de Guise ; BnF, fr. 20536, fol. 93 et 109 ; fr. 22433, fol. 75.
-
[60]
Sur la polyvalence des grands officiers de finance royaux (notamment comme commissaires aux vivres des armées royales), voir Philippe HAMON, « Messieurs des finances ». Les grands officiers de finance dans la France de la Renaissance, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1999, p. 102-114.
-
[61]
« Ce considerens, plaise à mondit seigneur voulloir quicter ledit suppliant de ladite cherges attendu sa viellesse quy est de soisante douze ans ou du moins ordonner que les chevaulx etallons et poullains soient menez en escuries de mondict seigneur audict Esclaron et il en fera son debvoir » (BnF, fr. 20536, fol. 109). Un domestique du duc confirmait la lassitude du vieil homme : « Toutesfois il est prest de remectre et se depporter de son marché es mains de celluy qu’il vous plaira ordonner et fournyra les provisions qu’il a icy à pris raisonnable et selon qu’il sera advisé par voz officiers d’icy et moy attendant que celluy qui en prendra la charge en ait trouver » (BnF, fr. 20536, fol. 93).
-
[62]
BnF, fr. 22433, fol. 148 v°.
-
[63]
BnF, fr. 22433, fol. 96 r° et 164 v°.
-
[64]
BnF, fr. 20470, fol. 117 ; BnF, fr. 20541, fol. 39 ; BnF, fr. 20544, fol. 15 ; BnF, fr. 20513, fol. 23 ; BnF, fr. 20550, fol. 41-42 ; BnF, Clair. 346, fol. 255 ; BnF, Clair. 347, fol. 256 et 295.
-
[65]
BnF, fr. 20552, fol.152-153.
-
[66]
BnF, fr. 22433, fol. 50 r° et 148 v°.
-
[67]
BnF, fr. 20468, fol. 85-87 ; BnF, fr. 20515, fol. 87 ; BnF, fr. 20522, fol. 59 ; BnF, fr. 20529, fol. 118 ; BnF, fr. 20536, fol. 93 et 109 ; BnF, Clair. 348, fol. 30-31 et 32.
-
[68]
BnF, fr. 22433, fol. 61 r° et 148 v°.
-
[69]
J. TACQUET, Philippica…, op. cit., p. 227.
-
[70]
BnF, fr. 22433, fol. 75 r°-76 r° et 148 v°-149 r°.
-
[71]
Le montant des appointements des palefreniers pour l’année 1562 est donné dans BnF, fr. 22433, fol. 96 r°. La somme payée pour l’approvisionnement du haras sur le marché de pourvoirie en 1562 ne concerne que le premier semestre : des réserves furent faites par d’autres moyens pour le second semestre (« la norriture dudit harastz pour le reste de l’année a esté faict sur les provisions de IIIC mesures sur la despoulle de IXXXIX fauchée de pré reservez à Eclaron et avoines dudit lieu » BnF, fr. 22433, fol. 148 v°, en marge).
-
[72]
Les rubriques « Grande écurie » des comptes annuels indiquent un montant de 5091 livres en 1562 et de 1093 livres en 1563, année de l’assassinat de François de Lorraine (BnF, fr. 22433, fol. 73 et 146 v° - 148 v°). La chute des dépenses entre les deux dates s’explique sans doute par cette brusque disparition puisque la famille ducale décapitée se vit contrainte de mettre le jeune héritier à l’abri en attendant qu’il soit en âge d’aller lui-même au combat : les grands chevaux, qui, avec ce retrait politique et militaire, n’avaient plus le même rôle, durent être mis au repos sur les terres familiales, et peut-être même à Éclaron et Roches. Si tel fut bien le cas, leur entretien dut en être facilité et les frais en être diminués (cela pourrait d’ailleurs expliquer pourquoi il avait fallu continuer à acheter avoine et fourrage au pourvoyeur au second semestre 1563, alors que cela n’avait pas été nécessaire l’année précédente). Une rupture est en tout cas sensible dans la tenue des comptes : alors qu’un compte précis des dépenses de la grande écurie est tenu et rapporté au compte annuel pour les mois de janvier et février 1563, pour un montant d’environ 916 livres, le compte se fait moins détaillé après la mort du duc de Guise, ne mentionnant plus que des dépenses extraordinaires pour un total de 177 livres. Si les dépenses de la grande écurie avaient continué toute l’année au rythme des mois de janvier et février, le total de l’année s’élèverait à un montant d’environ 5500 livres, soit une somme similaire à celle de l’année précédente. Deux autres documents comptables concernant la grande écurie datés de 1555 et 1571 indiquent des dépenses mensuelles comprises entre 350 et 400 livres en moyenne, ce qui ferait un total annuel oscillant entre 4200 et 4800 livres (ACC, 1-A-14).
-
[73]
Le mode d’enregistrement des dépenses de la petite écurie obscurcit beaucoup le décompte des dépenses de ce service. Les comptes annuels ne donnent en effet sous la rubrique « petite écurie » que les dépenses extraordinaires de ce service, c’est-à-dire des achats irréguliers et imprévus. Les dépenses courantes de la soixantaine de chevaux de la petite écurie (approvisionnement, soins quotidiens) apparaissent en fait dans la dépense ordinaire de la maison, désignées par le terme « écurie » sans plus de précision, à côté de la paneterie, de l’échansonnerie, de la cuisine, etc. Le problème vient du fait que les documents détaillant les dépenses ordinaires au jour le jour ne signalent pour la plupart que les quantités d’avoine, de foin et de paille distribuées aux chevaux, sans indiquer le moyen utilisé pour constituer les stocks dans lesquels étaient prélevées ces rations – et encore moins le prix qui fut alors payé. Les seuls documents chiffrant de manière à peu près fiable la dépense de la petite écurie dans les dépenses ordinaires mensuelles ont montré qu’elle représentait alors entre 5 et 15 % du total (ACC, 1-A-14 ; BnF, fr. 8181). De ce constat, nous avons décidé de fixer arbitrairement à 10% de la dépense ordinaire totale la part de la petite écurie. Pour arriver à une évaluation globale du coût de la petite écurie, nous avons donc additionné trois chiffres : 10 % de la dépense ordinaire annuelle de la maison ducale, le montant des gages des officiers travaillant dans ce service, la dépense extraordinaire de la petite écurie. Les montants ainsi obtenus s’élèvent à 6500 livres pour 1562 et environ 5500 en 1563. Ces chiffres sont à prendre avec beaucoup de prudence, mais ils donnent une idée qui ne semble pas invraisemblable des dépenses annuelles de la petite écurie.
-
[74]
BnF, Clair. 347, fol. 295.
-
[75]
BnF, fr. 20545, fol. 119.
-
[76]
BnF, fr. 22433, fol. 61 r°.
-
[77]
BnF, fr. 20552, fol. 152-153. La bardelle est une selle faite de grosse toile et de bourre.
-
[78]
BnF, fr. 20550, fol. 141.
-
[79]
BnF, fr. 20467, fol. 55 ; fr. 20469, fol. 163 ; fr. 20517, fol. 21, 26, 27, 55, 70 ; fr. 20519, fol. 85 ; fr. 20530, fol. 1-3 ; fr. 20534, fol. 29, 32, 53 ; fr. 20545, fol. 17, 119 ; fr. 20551, fol. 118, 130 ; fr. 22433, fol. 79r ; Clair. 342, fol. 56 et 86 ; Clair. 347, fol. 124 ; Clair. 348, fol. 147 ; ACC, 1-A-14 ; Louis PARIS, Négociations, lettres et pièces diverses relatives au règne de François II tirées du portefeuille de Sébastien de l’Aubespine, évêque de Limoges, Paris, Imprimerie royale, 1841, p. 300.
-
[80]
G. Malacarne, I Gonzaga di Mantova. Una stirpa per una capitale europea, vol. 2 : I Gonzaga marchesi. Il sogno del potere, da Gianfrancesco a Francesco II (1432-1519), Modène, Il Bulino, 2005, p. 366 ; ID., Il mito dei cavalli gonzagheschi. Alle origini del purosangue, Vérone, Primoprint, 1995.
-
[81]
Lors du deuxième quartier de 1562, Ramassin de Boulogne reçut ainsi 30 livres « pour mener trois pièces de grandz chevaulx dud. Esclaron jusques au camp » (BnF, fr. 22433, fol. 148 v°-149 r°). En juillet 1581, Jean Picart, « pallefrenier de la grande escuirye » fut payé trois écus « pour aller expres de Paris à Esclaron par commandement [du duc] faire venir les grans chevaulx » (ACC, 1-A-14). Fait intéressant, une partie du harnachement des grands chevaux était gardée à Éclaron : « pour avoir faict amener six selles d’armes et ung caparesson de mond. seigneur depuis Esclaron jusques à Paris » (BnF, fr. 22433, fol. 81 r°). Un document, enfi n, détaille avec précision les allées et venues de la grande écurie entre Joinville, Éclaron et Nanteuil sous Henri de Lorraine, entre mai et décembre 1571 : elle séjourna les dix-neuf derniers jours de mai à Éclaron et y resta durant tout le mois de juin et vingt-deux jours de juillet, puis elle fut transférée à Joinville où, entre le 25 juillet et le 27 septembre, l’écuyer et les pages passèrent leurs journées à « picquer et dresser les chevaulx ». Le 27 septembre, la grande écurie repartit pour Éclaron où elle demeura jusqu’au 19 novembre, jour de son départ pour Nanteuil (ACC, 1-A-14).
-
[82]
« il cavalo che arabiato et a modo che e non e da pover se ne servire credo che seria bene a castrarlo per che in ogni modo non e bon da raza » (BnF, fr.20517, fol. 65).
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[83]
BnF, fr. 20467, fol. 55.
-
[84]
BnF, fr. 20513, fol. 61.
-
[85]
BnF, fr. 20519, fol. 85.
-
[86]
Arlette JOUANNA, L’idée de race en France au XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, Lille, Service de reproduction des thèses de l’université, 1976, tome 1, p. 44.
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[87]
BnF, fr. 20550, fol. 93 et 138. Les résultats n’étaient cependant pas toujours à la hauteur des espérances si l’on en juge d’après une lettre écrite au duc de Guise par un écuyer du roi en 1553 : « Je regrette infiniment qu’en telle quantité de chevaux que vous nourrissez, il ne vienne rien qui ait cette force que l’on voit en quelque autre cheval » (« mi dol infi nitamente che intanta quantita di cavali ch’ella norrisse non vene sia niuno che habia quella forza che si vede in qualche altro cavalo » BnF, fr. 20517, fol. 65).
-
[88]
J. TACQUET, Philippica…, op. cit., p. 177.
-
[89]
BnF, fr. 22433, fol. 148 v°.
-
[90]
P. Wadel, art. cit., p. 206.
-
[91]
Ch. de HÉDOUVILLE, Notice…, op. cit., p. 30.
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[92]
Archives nationales (Paris), R 4915, première liasse, fol. 162.
Les chevaux des Guise. Le haras d’Éclaron au milieu du XVIe siècle
1 Lors de la bataille de Dreux, en décembre 1562, le duc de Guise « prit le bai Samson, grand coursier fort, qui avait servi plus de trois ans d’estallon à Esclairon, où il tenoit son haras » [1]. Le beau et grand cheval que François de Lorraine monta lors de la première grande bataille des guerres de religion menait ainsi en période de paix une heureuse vie de reproducteur au haras d’Éclaron, au cœur du domaine champenois de la famille de Guise.
2 Aussi passionné de chevaux que la plupart des aristocrates européens de la Renaissance, le second duc de Guise (1550-1563) prenait grand soin de son élevage et recevait semble-t-il avec plaisir de longues missives l’entretenant de la santé de ses chevaux ou des événements relatifs au haras. Le vif intérêt de François de Lorraine pour la bonne marche du haras d’Éclaron explique en bonne part la densité de lettres concernant l’élevage équin dans les archives de la maison de Guise. Cette correspondance, associée à des documents comptables émanant du haras et à quelques autres sources, donne à l’historien une occasion inespérée de saisir l’organisation et le fonctionnement quotidien d’un haras seigneurial du milieu du XVIe siècle. L’occasion est d’autant plus appréciable que l’élevage équin dans sa globalité est encore très mal connu pour cette période : un examen détaillé du haras des Guise peut donc offrir un premier éclairage sur le sujet et ouvrir la voie à des comparaisons et des approfondissements. Les haras seigneuriaux étaient en effet un élément capital de l’élevage équin de la Renaissance car, ainsi que le remarquait Olivier de Serres, c’étaient alors « les princes et grands seigneurs qui [avaient] domestiqué dans le royaume l’élève et la nourriture des chevaux » [2]. Les besoins militaires des grands seigneurs et les exigences de la représentation courtisane se combinaient pour pousser les Grands du royaume à se faire éleveurs, et beaucoup, à la fin du XVIe siècle, « se faisaient gloire de ne paraître en public qu’entourés de chevaux de guerre, de chasse, de promenade, tous provenant de leurs haras » [3]. Le poids des aristocrates dans la production équine française de la première modernité eut d’ailleurs une conséquence historiographique de longue durée puisque, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, se forma l’opinion selon laquelle le cardinal de Richelieu, en s’attaquant à la féodalité, avait ruiné les haras seigneuriaux et avait ainsi suscité la dramatique pénurie de chevaux à laquelle Colbert tenta de répondre en créant l’administration des haras royaux en 1665 [4].
3 Cette dernière affirmation ne résiste cependant pas à l’examen des sources. Le discours sur la pénurie chronique de bons chevaux nés dans le royaume de France fut en effet bien antérieur à l’offensive du cardinal de Richelieu contre « l’orgueil des Grands », puisque de nombreux témoignages s’en firent l’écho dès les années 1540 [5]. Au milieu du XVIe siècle, c’était surtout la piètre qualité des chevaux élevés en France qui était au centre des préoccupations. En 1546, l’ambassadeur vénitien Marino Cavalli écrivait ainsi dans sa relation sur le royaume de France : « L’Allemagne et les Pays-Bas fournissent à la France les chevaux de guerre et les chevaux d’attelage ; la Bretagne seulement lui donne quelques haquenées : partout ailleurs ce sont des bidets sans valeur » [6]. Quinze ans plus tard, un successeur de Cavalli, Michel Suriano, constatait encore la dépendance du royaume de France à l’égard de l’étranger en la matière : « Si la France ne donne pas une bonne race de chevaux de guerre, on n’épargne rien pour s’en procurer du dehors » [7]. Après les guerres civiles de la seconde moitié du siècle, le discours de la pénurie reprit de plus belle, avec cependant une inflexion : l’accent n’était plus mis sur l’absence de bons chevaux de guerre en France, mais sur un déficit global de la production équine française. Olivier de Serres reconnaissait pour sa part l’existence de zones de production dans le royaume (« en Bourgongne, Bretaigne, Auvergne, & ailleurs »), mais déplorait la faiblesse de la production en comparaison de celle des grands pays d’élevage. Cela n’était pas de son point de vue une fatalité, mais bien une insuffisance à corriger au plus vite : « l’abondance de chevaux [étrangers] vient en ce Roiaume, presqu’à nostre honte, & à la preuve de nostre nonchalance, veu que chés nous en pourrions estre mieux accommodés que ne sommes » [8]. L’idée que les terres françaises ne nourrissaient pas autant de chevaux qu’elles le pouvaient était alors répandue, puisqu’en 1606 Isaac de Laffemas suppliait Henri IV d’inciter « la noblesse et tous ceux qui ont des pastis » à « nourrir grande quantité de chevaux et regarder s’il est possible de n’en mettre de point trop mauvais aux haras » [9]. Ainsi, à en croire les contemporains, la France du XVIe siècle avait raté le coche de l’élevage équin.
4 Les rois de France n’avaient pourtant pas manqué de rechercher des solutions. Un haras royal situé à Meung-sur-Loire apparaît pour la première fois dans les comptes royaux à la date de 1507, et l’existence de haras royaux à Montfort-l’Amaury et à Saint-Léger est largement attestée pour le XVIe siècle ; en janvier 1549, Henri II avait en outre renforcé les capacités productives de la monarchie en fondant en Bourgogne un nouveau haras royal destiné à mettre fin à la situation de dépendance du royaume de France par rapport aux grandes aires de production européennes et extra-européennes [10]. Brantôme vantait d’ailleurs le roi pour le soin qu’il portait à ses établissements d’élevage :
« De son jeune age il [Henri II] avoit tousjours fort aymé cet exercice de chevaux : aussi l’a-t-il continué et en a eu tousjours en une très-grande quantité en sa grand’escurie, fût aux Tournelles, où estoit la principale, à Muns, à Sainct-Léger, à Oyron, chez M. le grand escuyer de Boissy, et la pluspart quasy, voire des meilleurs, estoient de ses haras, qui se plaisoit à les bien faire entretenir » [11].
6 Ces établissements abritaient un grand nombre de juments poulinières et quelques étalons reproducteurs appartenant au roi : ils étaient donc très différents des dépôts d’étalons créés lors de la grande réforme colbertienne de 1665, dans lesquels des étalons achetés par le roi étaient confiés à des gardes volontaires répartis dans le royaume (à raison d’un étalon pour une trentaine de paroisses) et mis à disposition des particuliers afin de féconder leurs juments [12]. Cette différence de structure constitue peut-être une raison de l’échec de la monarchie du XVIe siècle à régler le problème du manque de bons chevaux français : plus fermés sur eux-mêmes que les dépôts d’étalons colbertiens, les haras royaux de la Renaissance ne participèrent probablement pas à la dissémination du patrimoine génétique des meilleurs reproducteurs dans les élevages plus populaires.
7 Si les haras royaux ne suffirent pas à sortir l’élevage français de l’ornière où il était tombé, les haras aristocratiques ne firent guère mieux. L’existence d’un haras renommé comme celui des Guise à Éclaron n’empêchait pas les contemporains, on l’a vu, de déplorer l’état de l’élevage du cheval en France. Le dossier de sources disponible sur Éclaron apporte des éléments de réflexion sur cet échec collectif en permettant de mieux comprendre ce qu’était concrètement un haras seigneurial ; il contribue ainsi à dissiper quelque peu l’ombre dans laquelle la focalisation des chercheurs sur les haras royaux issus de la réforme de 1665 laisse la plupart des structures de l’élevage équin de l’époque moderne [13]. Dans son fonctionnement, le haras d’Éclaron apparaît alors comme un établissement complexe, bien loin de l’image volontiers archaïque de l’élevage équin « pré-colbertien ». Cependant, les archives relatives à la structure champenoise incitent plus encore à replacer l’élevage aristocratique dans le contexte spécifique du paraître nobiliaire et des moyens déployés par les Grands pour tenir leur rang dans un domaine essentiel de la représentation courtisane : si les haras aristocratiques ont échoué à répondre à la pénurie nationale en matière de bons chevaux, c’est peut-être bien parce que leur vocation première était de servir les intérêts d’une maisonnée, et non ceux du royaume [14].
LE FONCTIONNEMENT DU HARAS DES GUISE
8 Le village d’Éclaron se situait au cœur des possessions champenoises des Guise, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest du vénérable château familial de Joinville, mais il était plus proche de la ville fortifiée de Saint-Dizier, distante de huit kilomètres environ (voir la carte) ; Éclaron était environné de forêts, forêt du Der au sud et forêt du Val à l’est [15]. Les sources relatives au haras ne mentionnent cependant pas uniquement Éclaron : elles font en effet constamment référence à deux autres sites, Ancerville et Roches, deux localités distantes d’Éclaron d’un peu moins de 15 kilomètres, au-delà de la forêt du Val.
9 Éclaron était le centre, le cœur de cet ensemble dédié au cheval. Le haras proprement dit se situait à proximité de la rivière appelée la Blaise et au moins en partie dans la forêt du Der, puisqu’il est question dans un document de 1558 du « haratz de la forest du Der » et qu’il était déjà fait mention en 1551 de juments malencontreusement laissées « seulles au bois » [16]. Cela n’a rien de surprenant si l’on se souvient que l’élevage équin se pratiquait au Moyen Âge avant tout dans les forêts et les zones marécageuses et que l’élevage forestier était encore un mode courant de production du bétail au XVIe siècle : chevaux et bêtes à cornes paissaient alors plus ou moins librement dans les forêts de France [17]. Les Guise n’étaient d’ailleurs pas les seuls nobles à élever des chevaux en forêt : en 1558, les Rohan entretenaient ainsi des haras dans les forêts de Quintin et Houallan ; on sait également qu’en 1586 Henri III fit part à son écuyer Marc-Antoine de Bassi de sa volonté de transférer le haras royal de Meung-sur-Loire à quelques lieues en aval de Beaugency, dans les bois de Briou [18]. En 1639 encore, l’auteur anonyme d’un texte exposant un plan de création d’une administration des haras royaux proposait de créer des haras dans toutes les forêts royales [19]. Que le haras des Guise ait été situé en forêt ne signifie cependant pas que les chevaux y étaient laissés en liberté, comme les chevaux que Gilles de Gouberville peina tant à récupérer dans ses bois en 1557 ou les bêtes égarées que les paysans bretons recherchaient des journées durant dans la lande vers 1640 [20]. Les sources mentionnent en effet la présence de deux gardes des juments en 1551 : le fait que l’écuyer responsable du haras leur ait vivement reproché d’avoir abandonné leur poste pour aller s’enivrer à la taverne d’Éclaron prouve bien que les poulinières n’étaient pas censées divaguer à leur gré dans la forêt du Der [21]. Il n’est pas impossible en outre que le parc pour la construction duquel l’écuyer reçut 300 livres en 1553 soit à mettre en rapport avec la technique de l’élevage forestier parqué qui permet « d’isoler les juments, tout en utilisant la source de nourriture offerte par la forêt » [22].
Localisation des trois sites du haras d’Éclaron
Localisation des trois sites du haras d’Éclaron
10 Il est difficile de se faire une idée précise des bâtiments existant alors à Éclaron, bien que les sources mentionnent une grange et des étables permettant de stocker le fourrage et d’abriter les animaux [23]. Une écurie neuve fut construite en 1562 sur des prés laissés au duc de Guise par le receveur de la baronnie d’Éclaron, et probablement endommagée dès l’année suivante lors du passage de reîtres qui s’en prirent violemment au haras [24]. Aucune mention ne permet de saisir l’organisation interne des bâtiments, leur décoration ou même leur taille. Cette lacune des sources est d’autant plus regrettable que le soin apporté par François de Lorraine à la réalisation de travaux au château d’Éclaron entre 1550 et 1562 – et à cette dernière date des travaux eurent lieu en même temps au château et au haras – laisse transparaître une certaine affection pour ce lieu et le souci de le mettre au goût du jour : il y a fort à parier que le duc ne se montra pas mesquin au moment d’offrir à ses chevaux un écrin digne d’eux [25]. À l’inverse, aucune écurie ni aucune grange n’est jamais signalée pour le site d’Ancerville, mais il est question à deux reprises des herbages de ce lieu : « à Ancerville au temps des herbes », « à Encerville durant les herbaiges seulement » ; il s’agirait alors d’un site idéal pour le pâturage des chevaux [26]. À Roches-sur-Marne, enfin, l’existence d’un bâtiment pouvant abriter des chevaux est attestée, puisqu’il est question en 1551 des « reparations de la grange de la haracherie et chasteau de Roches » [27]. Le contrôleur du haras se plaignit néanmoins en 1558 de l’absence de « logis audict Roches pour mettres lesdites provisions » de foin et de paille nécessaires pour l’entretien des chevaux [28]. Les installations y étaient ainsi à tout le moins plus rudimentaires qu’à Éclaron. Il n’est pas fait mention cette fois d’herbages.
11 Trois sites différents composaient donc ce que l’on appelle le haras d’Éclaron, et chacun de ces sites possédait dans les faits une vocation spécifique.
Les trois sites du haras : une utilisation différenciée
12 L’éclatement du haras en différents sites n’était pas en effet le fruit du hasard : la répartition des activités était au contraire très réfléchie. Au cœur du haras d’Éclaron, dans le site forestier du Der, vivaient à l’année les juments du duc. C’est là qu’elles étaient saillies et qu’elles mettaient bas leurs poulains [29]. Les autres animaux, étalons et jeunes chevaux, pouvaient y séjourner ponctuellement dans l’année, et ils y passaient l’hiver [30]. La présence permanente d’animaux nombreux et pour certains fragiles, comme les poulinières, explique de fait la plus grande ampleur des équipements en ce lieu. Ancerville était pour sa part un site de pâturage réservé aux poulains et aux jeunes chevaux, alors que Roches était le lieu de résidence habituel des étalons faits et des jeunes adultes [31].
13 Le haras des Guise respectait donc le principe de base de l’élevage équin : la séparation des chevaux en fonction de leur âge et de leur sexe. Cette recommandation, qui va à l’exact opposé des pratiques d’élevage « sauvage » où les étalons sont mêlés aux juments et aux poulains pour les protéger de prédateurs, est le fondement de l’organisation des haras et la garantie du respect des besoins spécifiques de chaque catégorie de chevaux [32]. Traités d’agronomie et d’hippiatrie insistaient sur cet aspect de l’élevage équin : Jean Liébault et Charles Estienne, dans leur ouvrage L’agriculture et le ménage des champs (1564), rappelaient ainsi la nécessité de séparer étalons, poulinières et poulains sevrés. Dans son Théâtre d’agriculture (1600), Olivier de Serres préconisait quant à lui de diviser les écuries en quatre bâtiments distincts, consacrés respectivement aux étalons, aux poulinières, aux poulains juste sevrés et aux poulains de deux ans. Jean Tacquet enfin, dans son Philippica ou haras de chevaux (1614), reprenait la classification d’Olivier de Serres en intégrant néanmoins les poulains de deux ans à l’écurie des chevaux adultes et en séparant les poulains juste sevrés des poulains d’un an et demi [33]. Les buts de cette pratique étaient d’éviter aux poulinières d’être bousculées, de prévenir les combats entre étalons et poulains mâles et de contrôler le processus de reproduction. Les Guise faisaient scrupuleusement appliquer à leurs employés des pratiques similaires à celles exposées dans les différents traités de référence, comme l’indique une lettre datée de juin 1551. L’auteur de la lettre évoquait en effet « les poulains qui sont à Ancherville qui seront prest à mettre en l’estable cette année », puis, un peu plus loin, « les poulains qui sont aux estables dès l’année passée » et à qui il allait falloir « donner les herbes » à Éclaron [34]. Il est probable que les premiers poulains mentionnés étaient âgés de deux ans et prêts à être mis avec les chevaux adultes après un été passé au pâturage ; les autres devaient être des poulains de trois ans ayant déjà passé un hiver dans l’écurie des chevaux adultes mais encore nourris l’été à l’herbage contrairement aux mâles de plus de trois ans exclusivement nourris à l’écurie. Une telle organisation reprenait des principes énoncés dans le Philippica de Jean Tacquet [35]. Le fonctionnement du haras d’Éclaron n’avait donc rien de rudimentaire : c’était une machinerie complexe, bien organisée, à travers laquelle on cherchait à offrir à chaque catégorie de chevaux les meilleures conditions de vie. L’élevage forestier tel qu’il était pratiqué par les Guise – et probablement par les autres aristocrates – n’était par conséquent pas un moyen d’élever à faible coût des chevaux rendus résistants par leurs conditions de vie rustiques [36].
14 L’éclatement du haras en trois lieux distincts n’était cependant pas sans poser un problème, comme en témoigne la lettre de protestation du fournisseur de nourriture du haras datée de décembre 1558. Pierre George, conformément à un ordre donné par le duc en juin 1558, avait fait provision de paille et de foin à Éclaron même afin d’y nourrir les juments, les poulains, les étalons et les jeunes chevaux, mais le duc ordonna en décembre de mener les étalons et les jeunes chevaux à Roches et d’y transporter également le fourrage nécessaire, ce que Pierre George se refusa à faire, de peur de perdre beaucoup trop de paille et de foin sur le chemin menant d’Éclaron à Roches. L’écuyer du duc avait de son côté obéi à son maître, au grand dam du fournisseur qui craignait la ruine [37]. Au-delà des dysfonctionnements toujours possibles dans un complexe de cette ampleur, cette lettre illustre la souplesse avec laquelle les principes de l’élevage équin étaient appliqués au quotidien : le schéma dégagé ci-dessus était une trame sur laquelle les responsables du haras improvisaient en fonction des besoins.
Une préoccupation majeure : l’approvisionnement
15 Si les chevaux du duc de Guise (à l’exception des mâles adultes) paissaient sur les terres du haras durant les beaux jours, il n’en demeurait pas moins nécessaire de constituer d’importants stocks de nourriture et de paille pour affronter l’hiver. Les richesses agricoles des domaines ducaux étaient les premières à être mises à contribution, ce qui n’était pas sans créer quelquefois des tensions avec les officiers en charge des domaines, comme en témoigne une lettre écrite au duc par son argentier, le 1er juin 1556 :
« Monseigneur, l’escuyer Francisque m’a dict que le receveur d’Esclaron ne luy veult laisser les prez que vous avez ordonné et que sans cela il n’a aulcune commodité de recouvrer foing pour norrir votre harat. Il est temps d’y donner ordre, aultrement il en fauldra achepter au double à cause que l’on espere la venue du Roy par deça » [38].
17 Si cela ne suffisait pas, l’écuyer achetait les denrées nécessaires dans les environs immédiats du haras, à Éclaron, à Sainte-Livière, se fournissant alors directement auprès des habitants vendeurs [39]. Néanmoins, l’achat de denrées se faisait pour l’essentiel par le recours au système des fournisseurs passant un marché avec le duc ou ses représentants, sur le modèle des marchands pourvoyeurs pour la fourniture de denrées alimentaires destinées à la suite ducale [40]. Le prix des denrées était ainsi négocié pour une année au moins et restait stable quelles que soient les fluctuations du marché local durant le temps du contrat.
Les chevaux du haras : quels effectifs ?
18 Une telle organisation disqualifie l’idée d’un haras limité à quelques juments et un ou deux étalons. Il est difficile néanmoins d’établir avec précision le nombre de chevaux composant le haras : aucun décompte précis n’est jamais fait dans les sources disponibles, aussi faut-il se contenter d’estimations. Le nombre de palefreniers employés sur place constitue un premier indicateur, car les auteurs de traités estiment qu’un palefrenier peut s’occuper quotidiennement de trois à cinq chevaux [41]. Sept étaient employés dans le haras des Guise en 1563, ce qui révélerait à cette date la présence de vingt à trente-cinq chevaux à Éclaron, Roches et Ancerville [42]. Cette première estimation n’est cependant pas complètement satisfaisante car les auteurs de traités évoquent le personnel nécessaire aux soins de chevaux adultes et passant l’essentiel de leur temps à l’écurie. Or les besoins des chevaux d’un haras ne sont pas tous identiques : les mâles adultes prennent beaucoup de temps aux palefreniers, ce qui n’est pas vrai des poulains de l’année, laissés avec leur mère et peu manipulés par les hommes. De la même façon, les poulinières et les jeunes chevaux passent une bonne partie de l’année au pâturage et ont donc moins besoin de soins.
19 Une autre indication nous est fournie par une lettre adressée au duc de Guise en juillet 1554. L’auteur de la lettre rendait compte au duc de sa visite au haras où il avait vu les poulains de l’année, dont trois présentaient des tares plus ou moins gênantes ; fort heureusement, « tous les autres [étaient] fort biaulx » [43]. Le ton de la lettre n’est en rien alarmiste, ce qui suppose que les trois poulains ne constituaient qu’une minorité d’individus ne remettant pas en cause la qualité générale des animaux nés au haras. Il ne pouvait donc guère y avoir moins de dix poulains et par conséquent autant de juments. Les juments étaient même sans doute plus nombreuses que les poulains car il était fréquent alors de ne faire pouliner les femelles que tous les deux ans ; il faut en outre ajouter à ces animaux les poulains des années précédentes et les chevaux adultes.
20 De ces remarques, il ressort que le haras d’Éclaron abritait une population chevaline assez nombreuse – pas moins de quarante chevaux en tout cas. À titre de comparaison, rappelons qu’un fragment de compte daté de 1531 mentionne la présence au haras royal de Meung-sur-Loire de huit étalons et dix-neuf jeunes chevaux, sans spécifier le nombre de poulinières et de poulains ; trente ans plus tard, le prince de Condé put s’emparer à Meung de « vingt-deux chevaux qui servoyent là d’estallons » [44]. Plus intéressant encore, Catherine de Médicis fit part au Grand Écuyer, Claude Gouffier, en octobre 1561, de la décision du jeune roi Charles IX « de n’entretenir plus que ung seul haras et de l’avoir audit Meun pour estre le lieu le plus propre et commode » ; le Grand Écuyer fut alors chargé de s’assurer que le lieu « sera [it] suffisant pour porter jusques à deux cens jumens portières qui [était] le nombre à quoy [le roi] entend [ait] ledit haraz estre reduict » [45]. Le haras ducal, en dépit de son ampleur, restait donc modeste face à ses homologues royaux et reflétait la distance qui séparait un aristocrate, aussi puissant fût-il, de son souverain.
Le personnel technique
21 Dépourvu du caractère rudimentaire que son implantation forestière pouvait suggérer, le haras d’Éclaron nécessitait pour fonctionner un personnel nombreux et compétent, placé sous l’autorité et la responsabilité d’un écuyer. À l’époque de François de Lorraine, c’était un dénommé Jean Francisque qui remplissait cette charge stratégique. Cet homme était déjà au service de Claude de Lorraine, premier duc de Guise, puisque la première trace de sa présence auprès de la famille ducale remonte à novembre 1527 ; par la suite, diverses mentions échelonnées entre 1532 et 1550 attestent la continuité de son service sous Claude de Lorraine [46]. Devenu duc de Guise, François de Lorraine le maintint à son poste et, en 1563, c’était encore Jean Francisque qui commandait le haras d’Éclaron [47]. Interlocuteur privilégié du duc, l’écuyer était en contact épistolaire régulier avec son maître pour prendre ses ordres et pour l’informer des grands et menus faits de la vie du haras. Ses lettres signalaient au duc les dysfonctionnements qui se faisaient jour et soumettaient des propositions de remèdes à l’approbation de François de Lorraine ; elles lui transmettaient aussi ses observations d’expert capable de repérer chez les poulains les aptitudes et les tares de chaque animal. Jean Francisque avait la haute main sur l’ensemble du fonctionnement du haras : marquage des chevaux, saillie des juments, transfert des chevaux d’un site à un autre, entretien des équipements, gestion du personnel, approvisionnement du haras [48]… L’extraordinaire fidélité de l’écuyer et ses compétences furent libéralement récompensées par François de Lorraine qui fit doubler le montant de ses gages : le second duc de Guise éleva en effet à une date inconnue le montant des gages annuels de Jean Francisque à 400 livres tournois, alors que les maîtres d’hôtel du duc ne gagnaient pas plus de 300 livres par an [49]. La générosité du duc à son égard manifeste l’importance à ses yeux de la bonne marche du haras.
22 Le dressage des jeunes chevaux nés au haras constituait une autre charge d’importance. Sous François de Lorraine, c’était un certain Ramassin de Bologne qui occupait ce poste de « cavalcador » [50]. Les Guise n’avaient pas attendu Jean Tacquet pour constater l’intérêt de s’attacher un « cavalerisse très expert (…), tellement qu’il ne faut regarder à nuls fraiz pour recouvrer un tel personnage » [51] : Ramassin recevait en conséquence 240 livres de gages annuels. Nous aurons l’occasion de voir plus loin qu’il jouait également un rôle déterminant dans la sélection des chevaux du haras.
23 Ces deux hommes étaient probablement d’origine italienne. Cela ne fait quasiment pas de doute pour Ramassin de Bologne dont le nom atteste l’origine et qui était parfois appelé « Messere Ramassin » ; le fait est plus incertain pour Jean Francisque, bien que son patronyme suggère son italianité. La présence d’Italiens à la direction du haras ne serait cependant pas une réelle surprise, tant les Guise, à l’instar des autres aristocrates français de la Renaissance, se plaisaient à mettre leurs chevaux entre des mains italiennes : Anne d’Este, épouse ferraraise de François de Lorraine, employait comme écuyer d’écurie un dénommé Jean Baptiste, Italien naturalisé français ; l’écuyer italien Spagny ou Hespany, tué lors de la bataille de Dreux, fut remplacé par un compatriote, le page Ercole Trinchetta ; le Milanais Jean-Antoine Ferrier, dit Mulet, caval-cadeur de la grande écurie du roi, naturalisé en 1551, apparaît à de multiples reprises dans les archives de la maison de Guise en tant qu’écuyer du duc ; en 1586, César Dalbert, originaire d’Urbin, écuyer d’écurie du duc de Guise, fut lui aussi naturalisé [52]. À n’en pas douter, les transformations de l’art équestre alors à l’œuvre dans l’Italie de Fiaschi et Grisone trouvèrent dans ces hommes de parfaits relais pour pénétrer le royaume de France et s’y enraciner : l’élevage équin français de la Renaissance était très certainement redevable à son homologue transalpin de bon nombre de ses pratiques.
24 Sous les ordres de Jean Francisque et de Ramassin travaillaient les palefreniers, chargés des soins quotidiens à prodiguer aux chevaux. Ils étaient, on l’a vu, au nombre de sept en 1563. Les tâches de surveillance et de protection étaient confiées quant à elles aux gardes des chevaux : en 1551, ils étaient deux à veiller sur les juments. L’écuyer, échaudé par l’inconduite de ce duo de piliers de taverne, suggéra cependant à cette date de les remplacer par un unique garde car, selon Francisque, « on trouveroit bien qui garderoit lesdites jumans à meilleur marché et qui feroit mieur debvoir qu’ilz ne faisoient eux deux » [53]. Ces deux gardes recevaient chacun 48 livres de gages annuels. En 1563, il n’était plus question que de « Thomas de Boulongne garde des jumens dudit haras » et de « Pierre Jensson garde des poulains d’icelluy », ce qui peut laisser penser que la formule proposée par Francisque pour la surveillance des juments l’avait emporté. Cependant, les deux gardes mentionnés à cette date avaient été contraints d’embaucher des hommes « oultre ceulx qu’ilz ont d’ordynaire pour la garde dudit harat durant le temps que les reistres ont esté à Monstier en Der et lieux circonvoisins » [54]. Cette remarque fait penser que les hommes désignés comme les gardes du haras étaient en réalité à la tête d’une petite équipe de surveillance, d’où le montant élevé des rémunérations des gardes « en chef » à qui il incombait sans doute de rétribuer les hommes de leur équipe. Le haras était un lieu de production sensible et les efforts faits par le duc pour le protéger témoignent de l’importance de ce complexe. Le déclenchement de la guerre civile n’avait fait que rendre plus aiguë la question de la sécurité du haras puisque le pillage du haras royal de Meung-sur-Loire par les troupes du prince de Condé à l’automne 1562 avait démontré dès le début des troubles que les bons chevaux étaient une donnée importante dans le rapport de force [55]. En Champagne, l’approche des reîtres avait été suffisamment menaçante pour justifier, outre le recours à des gardes supplémentaires, le transfert des chevaux du haras ducal dans la ville fortifiée de Saint-Dizier [56].
25 Bien que les sources ne signalent ni la présence d’un maréchal-ferrant ni celle de valets d’écurie chargés de l’entretien des bâtiments, il est manifeste que le haras d’Éclaron présentait, du point de vue du personnel, un visage tout à fait classique pour cette époque. Il ne s’écartait pas en effet de la norme prescrite par les traités d’économie domestique ou par les traités d’élevage et ne différait guère du haras royal de Meung-sur-Loire, où travaillaient en 1528 un écuyer-garde responsable du haras, trois écuyers-dompteurs, quinze palefreniers et aides ainsi qu’un maréchal [57].
L’équipe administrative
26 Nous l’avons vu, l’écuyer Francisque prenait en charge presque tous les aspects du fonctionnement technique du haras. Sa fonction comportait aussi une dimension administrative, puisqu’il devait être capable de surveiller la tenue des comptes de l’établissement. Il n’était cependant pas seul dans cette charge car, à ses côtés, un contrôleur vérifiait les dépenses et les recettes, en tenait le compte exact et en certifiait les cahiers [58]. Cette tâche fut assumée entre 1556 et 1563 par Pierre George, qui fut aussi le titulaire du marché de pourvoirie du haras jusqu’en 1558 au moins [59]. Le statut ambigu de cet homme, à la fois officier ducal et intermédiaire pour l’approvisionnement du haras, illustre bien la polyvalence qui était alors de mise dans les fonctions administratives, qu’elles soient royales ou seigneuriales : la bonne marche des institutions du XVIe siècle reposait sur un petit nombre d’hommes, liés à leur maître par des relations interpersonnelles fortes et engagés financièrement sur leurs fonds propres [60]. Une telle situation présentait l’avantage de procurer une certaine souplesse dans la gestion quotidienne des affaires, mais elle pesait lourdement sur les épaules des officiers cumulant les responsabilités. Les doléances envoyées par Pierre George en décembre 1558 le montrent bien, puisque le contrôleur arguait de son âge pour demander au duc de Guise de le décharger de son marché [61]. Il dut être entendu puisque, en 1562, le titulaire du marché d’approvisionnement était un certain Jacques de Rapillars, tandis que Pierre George n’était plus que contrôleur du haras [62].
27 L’écuyer et le contrôleur avaient la main sur les comptes de l’établissement mais ils ne tenaient pas les clés du coffre. Le receveur de la baronnie d’Éclaron servait en effet de trésorier pour le haras : en 1562 et 1563, Nicolas Martinet reçut ainsi des mains du trésorier et receveur général du duc de Guise la somme totale de 5613 livres, dont 1122 livres pour « les appointemens des palfreniers de ladite année MVCLXII », et 144 livres « pour la despence de l’escurye neufve dudit harat faicte en ladite année MVCLXII » [63].
28 D’autres personnages participaient, de façon plus distante, à la gestion du haras : il s’agissait de gentilshommes de la suite ducale, fréquemment consultés par l’écuyer ou d’autres employés du haras. Trois noms en particulier émergent : François de La Chaussée, un sieur de Fontaines et François des Boves, sieur du Mesnil. Si François de La Chaussée n’était pas inscrit sur l’état des gages et pensions de la maison ducale, les deux autres étaient en revanche respectivement gentilhomme servant et conseiller puis chambellan du duc. Ces hommes étaient en contact régulier avec le duc, la plupart du temps de façon épistolaire : François de La Chaussée rendait par exemple compte à son maître, sur un ton assez amical, des événements survenus dans la région de Joinville, avec une prédilection marquée pour les questions de chasse [64]. On sait par la lettre de l’écuyer Francisque qu’il fut consulté lors de l’affaire des gardes des juments [65]. Le sieur de Fontaines, dont on ne connaît pas le nom exact, est quant à lui plus rare dans les sources, mais il est mentionné dans les années 1562-1563 aux côtés de François des Boves dans diverses négociations concernant le haras [66].
29 François des Boves, sieur du Mesnil, était le personnage ayant le plus de responsabilités. Son titre de chambellan indiquait sa place dans la hiérarchie des serviteurs du duc puisqu’il le plaçait au sommet des gentilshommes servants. La correspondance qu’il entretenait avec le duc le montre occupé par la gestion des domaines champenois du duc : ventes de bois, surveillance de l’insinuation du contrat de vente de la terre d’Arzillières, arrêt des comptes des receveurs et gruyers d’Ancerville, reconduction des baux sur la terre d’Éclaron, etc. [67] Il était l’homme de confiance du duc en Champagne, aussi des tâches essentielles lui revenaient-elles : en plus d’arrêter le compte de certaines dépenses avec l’écuyer et le contrôleur, il négocia le marché d’approvisionnement pour l’année 1562 et vendit des poulains et étalons du haras en 1563 [68]. Son implication dans les affaires du haras n’était qu’une partie de ses activités, mais elle prouve que le duc entendait suivre le fonctionnement complexe du haras de près.
LE HARAS D’ÉCLARON : PLAISIR OU INVESTISSEMENT ?
30 La correspondance de François de Lorraine avec les responsables d’Éclaron atteste le bon fonctionnement du haras : en dépit de désagréments ponctuels, le haras ducal parvenait à fournir chaque année son lot de chevaux en bonne santé. Cela ne se faisait cependant pas sans investissement – financier comme humain –, car l’élevage équin est une activité exigeante. Les Guise auraient-ils pu pour autant affirmer avec Jean Tacquet : « qui aura les moyens, (…) doit entretenir et salarier richement [son haras] ; car ayant les bonnes parties mentionnées, le proufit luy en reviendra au double » [69] ? Pour saisir si l’entretien d’un tel complexe relevait plus du plaisir d’un aristocrate féru de culture équestre ou d’un intérêt bien compris, il est indispensable de s’interroger sur les aspects économiques de cet élevage et sur ses finalités.
Estimation du coût annuel du haras
31 Les comptes annuels des recettes et dépenses du duc de Guise conservés pour les années 1562 et 1563 permettent d’établir le montant des dépenses effectuées pour faire fonctionner le haras [70].
Dépenses du haras pour les années 1562 et 1563
Poste de dépense | Somme (en livres tournois) | |
1562 | 1563 | |
Appointements des palefreniers | 1122 | ? |
Gages de l’écuyer | 400 | 400 |
Gages du « cavalcador » | 240 | 240 |
Extras (protection du haras lors du passage des reîtres) | 43 | |
Total gages | 1762 | 683 |
Approvisionnement du haras sur le marché de pourvoirie | 789 | 1433 |
Achat de foin | 175 | 132 |
Total dépense courante | 964 | 1565 |
Divers | 373 | 30 |
TOTAL GENERAL | 3099 | 2278 |
Dépenses du haras pour les années 1562 et 1563
32 L’absence de chiffrage précis des appointements des palefreniers pour l’année 1563 explique l’écart entre les deux montants. Il y a peu de raisons cependant de penser que les dépenses salariales aient été très différentes en 1563 de ce qu’elles étaient l’année précédente, aussi peut-on estimer la dépense annuelle du haras des Guise au début des années 1560 à un montant avoisinant les 3000 livres tournois. Les gages constituent un peu plus de la moitié du total et, en leur sein, les gages très élevés de Jean Francisque et de Ramassin de Bologne pèsent lourd : le duc de Guise consentait donc à un véritable effort financier pour s’attacher ces professionnels du cheval. L’autre poste de dépense important est bien entendu celui de l’approvisionnement, qui varie néanmoins beaucoup en fonction des prélèvements qui pouvaient être faits sur les domaines ducaux.
33 La comparaison des dépenses du haras avec les autres services de la maison ducale consacrés aux chevaux – grande écurie des chevaux de parade et de guerre, petite écurie des chevaux de transport – s’avère intéressante. Les sources disponibles pour les quinze à vingt chevaux de la grande écurie permettent ainsi d’évaluer le coût annuel de l’entretien de ces chevaux de prestige à 4000 ou 5000 livres tournois [72]. Le coût de la petite écurie, bien que difficile à calculer précisément, devait être encore supérieur et atteindre les 6000 livres [73]. L’entretien du haras ne constituait donc pas une petite folie que s’offrait le duc de Guise : cet établissement lui revenait au bout du compte moins cher que ses écuries et ne représentait que 1,1 à 1,6% de ses dépenses annuelles totales pour les années 1562 et 1563. Il n’y avait pas là de quoi déséquilibrer les finances de la puissante maison de Guise, d’autant que les chevaux nés au haras apportaient une valeur ajoutée à l’ensemble.
Le destin des chevaux du haras
34 Un haras est en effet un lieu de production : on y sélectionne et nourrit des reproducteurs dans l’espoir de donner naissance à des animaux cumulant les qualités de leurs géniteurs. Aussi les employés du duc de Guise étaient-ils très attentifs aux qualités et tares éventuelles des poulains et chevaux adultes dont ils avaient la charge. Dans une lettre de juillet 1554, François de La Chaussée donnait au duc un premier jugement sur les poulains de l’année :
« J’ai aussi veu des jeunes poulains de votre haras et m’a semblé que ung desdis poulains sous poil gris sale a mauvaise veue, l’on dit qui vient du sieur de Pequillion. Les autres ce porte bien. Il y en a ung qui demeure petit sous poil rouge et ung autre sous poil fauveau brun qui est fort estroit derriere et faible. Tous les autres sont fort biaulx » [74].
36 L’année suivante, l’écuyer Francisque informait à son tour le duc des espoirs qu’il pouvait placer en deux poulains à naître : « Quant ausdites jumens [achetées récemment] elles se portent fort bien et pense qu’il en y a deux de pleine. J’ay veu l’estallon que on dit qu’il les a monté n’est pas laict » [75].
37 Le duc de Guise n’était cependant pas un homme d’affaires et le haras d’Éclaron n’était pas une unité de production qu’il lui fallait rentabiliser par la vente à bon prix des poulains qui y étaient nés. Il n’est fait en effet mention qu’une seule fois dans les sources d’une vente de chevaux du haras, réalisée en 1563 pour la somme de 385 livres [76]. La rareté d’une telle mention et le montant relativement modeste de la vente au regard des sommes versées par le duc lorsque lui-même achetait des chevaux incitent à penser que cette vente n’avait comme unique but que d’éliminer du haras ducal des bêtes jugées médiocres. La contribution du haras ducal d’Éclaron à l’amélioration de la production équine française ne pouvait donc guère être décisive, puisque les individus qui en sortaient n’étaient pas les meilleurs.
38 Le haras était en réalité voué à approvisionner directement les écuries de la maison ducale. En septembre 1551, l’écuyer Francisque signalait ainsi une jument à l’attention de François de Lorraine :
« Il y avoit au harratz une belle jeune jumans qui estoit bien petite pour harratz mais elle est fort et belle taille pour la scelle et l’ay mise avec voz jeunes chevaulx à la bardel et pansse que vous la trouveres à votre plaisir pour courir les lievres ou possible le cerf mais quel recongnoisse la bride. Je vous la menere à la cort enssemble le courtaut de harrat. Monsieur de Grenmont l’a veue, je suis seure qu’il vous en dira du bien » [77].
40 La même année, en juillet, l’écuyer Tomaso di Cardi entretenait en ces termes le duc des qualités et aptitudes des grands chevaux que François de Lorraine lui avait envoyés à Saint-Léger – donc au haras royal – pour avis :
« Monseigneur, voz grans chevaulx ce portent bien graces à Dieu. Le grison d’astre commense à aller fort bien et sera cheval de service. Ung coursier boyart du Realme de Naples il n’est pas du tout sy grant que le grison d’astre mays il est plus fort et sera bien gentil coursier pour la guerre. Le grison courtays qui est de votre rasse il sera gentil cheval par sa forse et tel cheval que le demandes. Le grison belle face qui est de vostre rasse sera meilleur que beau. Les deulx jeunes chevaulx que le seigneur Ville vous a donnés, ilx seront deulx gentilx chevaulx mais ilx leur fault plus de temps parce qu’ils sont plus jeunes » [78].
42 On voit bien dans la lettre de Tomaso di Cardi que des chevaux nés au haras d’Éclaron côtoyaient des chevaux importés ou offerts au duc par des fidèles et que tous étaient destinés au duc lui-même, ainsi que l’indique une formule comme « il sera (…) tel cheval que le demandes ». De même, dans la lettre précédente, Francisque disait très clairement qu’il pensait que la jument plairait au duc pour aller à la chasse. Il n’était question dans aucun de ces deux cas de vendre les chevaux, il s’agissait plutôt de définir pour quel usage ils seraient les meilleurs.
43 La naissance de bons chevaux à Éclaron n’empêchait cependant pas le duc de Guise de continuer à acheter en grand nombre des chevaux venus d’Espagne, d’Italie, d’Afrique du Nord ou de Turquie : entre 1548 et 1563, François de Lorraine acheta ainsi une centaine de chevaux issus de ces grandes zones de production [79]. L’entretien du haras coûtait d’ailleurs au duc de Guise un prix très raisonnable en comparaison de certains achats massifs, comme celui, en 1553, de douze chevaux espagnols qui lui coûtèrent près de 1000 écus… En réalité, la pratique de l’élevage à Éclaron n’entrait pas en contradiction avec cette onéreuse politique d’achat de chevaux, bien au contraire : à l’instar de Frédéric Gonzague qui parvint à créer à Mantoue une race de chevaux admirée dans toute l’Europe en enrichissant le sang de ses animaux par des croisements avec des chevaux turcs, arabes et barbes, François de Lorraine se positionnait en véritable éleveur soucieux de faire naître chez lui des chevaux de qualité, au besoin en faisant appel aux meilleurs représentants des races étrangères réputées [80].
44 La vocation du haras est confirmée par les circulations de chevaux constatées entre le haras d’Éclaron et la grande écurie ducale. Les grands chevaux de guerre et de parade séjournaient fréquemment à Éclaron au cours de leur vie au service de la maison de Guise [81]. Il s’agissait alors pour eux d’une période de repos, éventuellement de dressage et, si l’on se souvient du bai Samson qui, selon Brantôme, « servi [t] plus de trois ans d’estallon à Esclairon », de reproduction. Certains chevaux se voyaient cependant refuser une carrière d’étalon, comme ce cheval ombrageux que l’écuyer du roi appelé à donner son avis conseillait de faire castrer pour pouvoir le monter plus aisément : le duc ne perdrait rien à l’opération, puisque le cheval n’était pas de bonne race [82]. À Éclaron comme à Mantoue, les chevaux achetés à grands frais en Afrique du Nord, en Espagne ou en Turquie permettaient au duc de faire bonne figure à la cour ou à la guerre, mais ils étaient également destinés à enrichir de leur sang la race de chevaux que le duc tentait de créer chez lui.
45 Ceci explique que Ramassin de Bologne, le cavalcador du haras, soit mentionné de façon récurrente dans la correspondance ducale relative à l’arrivée et à la sélection de chevaux exotiques. En octobre 1548, ce fut lui, accompagné du sieur de Bellot, qui mena au duc « quelques chevaulx d’Espaigne » via Toulouse et Bordeaux [83]. Trois ans plus tard, il déploya toute sa science pour dissuader le duc d’accepter les chevaux qu’avait rapportés pour lui d’Aramont, l’ambassadeur de France auprès de la Sublime Porte, et qu’il estimait indignes de son maître. À cette occasion, ses lettres dévoilaient clairement que la sélection qu’il était chargé de faire avait pour but de choisir des chevaux destinés non seulement à servir de prestigieuse monture pour le duc de Guise, mais aussi à faire de bons reproducteurs pour le haras. Ramassin écrivait ainsi à François de Lorraine : « j’ay encores visité et faict visiter l’escuyrie et vous assure monseigneur qu’il n’y a chouse que j’en puisse emmener car pour estallon ne aultrement il n’y a chouse que puisse servir » [84]. En 1553, le sieur de Bellot, qui venait d’acheter douze chevaux d’Espagne et qui en avait repéré d’autres, demanda au duc de Guise de lui envoyer Ramassin pour l’aider à conduire la première douzaine, mais aussi pour examiner les autres et emporter la décision du duc [85]. L’intégration « institutionnelle » de Ramassin dans le haras témoigne bien de sa fonction et du rapport direct fait entre achat de chevaux et sélection reproductive.
46 Le haras d’Éclaron était ainsi un laboratoire destiné à créer une race de chevaux digne des Guise et capable, à terme, de satisfaire aux besoins de la maison. La recherche d’un bénéfice économique était ici indissociable d’une quête de prestige et d’une revendication identitaire. Au XVIe siècle émergea en effet l’idée d’une différence radicale entre nobles et roturiers, les premiers étant une race susceptible d’améliorations alors que les seconds étaient condamnés à stagner dans la médiocrité ; l’analogie était poussée dans le monde animal puisqu’une différence similaire était faite entre les animaux nobles (chevaux et chiens), bien nés et encore perfectibles par le dressage, et les bêtes ignobles (le bétail). Florentin Thierriat formulait clairement en 1606 cette conception largement répandue dans les milieux aristocratiques depuis plusieurs décennies :
« Nous recherchons la Race aux juments et aux chiens pour avoir des poulains et des lévriers de bonne nature et propre au service, et quand nous ajoutons un peu de nourriture et de soin à dresser cette portée, elle ensuit facilement la bonté et l’adresse de la Race dont elle est venue (…). Ainsi, le Gentilhomme né d’une bonne et ancienne Race, et bien nourri et enseigné, fait paraître ses vertus avec beaucoup plus d’éclat que les anoblis de nouveau » [86].
48 L’engouement aristocratique pour l’élevage équin était donc de même nature que l’exaltation de la maison et la fierté lignagère : marqués d’« une f en grec ? qui signiffie [François], ung D qui fait duc et ung G de Guise », les chevaux du haras d’Éclaron matérialisaient la progression de la maisonnée sur le chemin de la perfection aristocratique [87]. La logique qui présidait aux tentatives d’amélioration des chevaux au sein d’une grande maison aristocratique n’avait par conséquent rien à voir avec un souci de remédier à la pénurie maintes fois dénoncée de bons chevaux de guerre dans l’ensemble du royaume de France : les bons chevaux qui pouvaient naître au haras d’Éclaron n’avaient pas pour destin de contribuer au redressement de l’élevage français, mais bien de participer au rayonnement de la maison de Guise. Des haras comme celui d’Éclaron permirent cependant d’expérimenter des techniques sélectives que les traités agronomiques ultérieurs (en particulier les traités anglais des XVIIe et XVIIIe siècles) rationalisèrent et diffusèrent dans toutes les couches de la société.
49 Le haras d’Éclaron apparaît ainsi comme un établissement modèle de l’élevage équin de la Renaissance : conforme dans son organisation aux recommandations des auteurs de traités d’hippiatrie ou d’économie domestique ultérieurs, similaire dans sa structure aux haras royaux, il atteste les ambitions de la maison ducale dans un domaine fondamental du paraître nobiliaire. L’investissement en temps, en travail et en argent était important, néanmoins le jeu en valait la chandelle car, ainsi que le rappelait Jean Tacquet, « les pierreries Orientales et pretieuses ont un pris d’estime, non pas un haras de chevaux nobles de qui estant l’estallon et les juments nobles, le haras est de valeur inestimable » [88].
50 Ce complexe bien géré révèle ainsi par son fonctionnement les ressorts de la culture matérielle aristocratique, mélange d’achat et d’autoproduction destiné à la manifestation ostentatoire de puissance. Le hasard de la conservation des documents, en favorisant la période de François de Lorraine, empêche cependant d’observer l’établissement aux prises avec les difficultés des guerres de Religion : « rompu » à la fin de l’année 1563, le haras des ducs de Guise est-il parvenu à se maintenir et à prospérer durant cette période de troubles [89] ? La présence sur le terrier de la principauté de Joinville, en 1604, de César Dalbert, l’écuyer d’Henri de Lorraine, pour une « maison cis proche de la rivière de Blaise où anciennement étoit l’écurie de mondit seigneur », témoigne à la fois de la persistance d’un site dédié à l’élevage équin à Éclaron à l’époque du troisième duc de Guise et de transformations sur lesquelles nous restons malheureusement ignorants [90]. Les bâtiments érigés par les Guise survécurent en tout cas durant plus de deux siècles, puisqu’ils servirent à loger les chevaux des troupes qui tenaient de temps en temps garnison à Éclaron [91]. Philippe-Égalité finit par vendre, en 1792, les biens des « ci-devants baronnies d’Éclaron et Roche », dont la « grande écurie avec les places attenantes & en dépendantes, située à Éclaron » devait encore retentir des lointains hennissements des chevaux des Guise [92].
Mots-clés éditeurs : XVIe siècle, élevage, duc de Guise, haras seigneurial, chevaux, France
Date de mise en ligne : 31/01/2011
https://doi.org/10.3917/rhmc.574.0007Notes
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[1]
BRANTÔME, Œuvres complètes, éditées par Ludovic Lalanne, Paris, Société de l’histoire de France, 1864-1882, tome 7, p. 301. Cet article doit beaucoup aux encouragements et remarques de Daniel Roche, que je remercie.
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[2]
Olivier de SERRES, Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs, Paris, Jamet-Métayer, 1600, p. 299.
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[3]
Ephrem-Gabriel HOUËL, Le cheval en France depuis l’époque gauloise jusqu’à nos jours. Géographie et institutions hippiques, Paris, Auguste Goin, 1869, p. 93.
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[4]
Dans son ouvrage de 1869, Ephrem-Gabriel Houël se faisait le héraut de cette interprétation : « C’est au milieu de toute cette prospérité que les réformes politiques de Richelieu, en anéantissant les privilèges de l’aristocratie et préparant la centralisation que devait plus tard imposer Louis XIV, portèrent un coup mortel à la production chevaline, telle qu’elle était organisée en France. (…) Peu d’années suffirent pour anéantir les ressources du pays (…) » (Ibidem, p. 97).
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[5]
Jacques MULLIEZ, Les chevaux du royaume. Aux origines des haras nationaux (1983), Paris, Belin, 2004, p. 82.
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[6]
Niccolo TOMMASEO (éd.), Relations des ambassadeurs vénitiens sur les affaires de France au XVIe siècle, Paris, Imprimerie nationale, 1838, tome 1, p. 257.
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[7]
Ibidem, p. 493.
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[8]
O. de SERRES, Le théâtre d’agriculture…, op. cit. p. 299.
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[9]
Isaac de LAFFEMAS, Histoire du commerce de la France, Paris, T. Du Bray, 1606, cité par M. L. CIMBER et F. DANJOU, Archives curieuses de l’histoire de France depuis Louis XI jusqu’à Louis XVIII, Paris, Beauvais, 1837, 1re série, tome 14, p. 421.
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[10]
Gérard GUILLOTEL, Les haras nationaux, Paris-Limoges, Lavauzelle, 1985, p. 53-72 ; Marie-Noëlle BAUDOUIN-MATUSZEK et Anne MERLIN-CHAZELAS, Catalogue des actes de Henri II, Paris, Éditions du CNRS, 1990, tome 3, p. 85.
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[11]
BRANTÔME, Œuvres complètes, op. cit., tome 3, p. 274.
-
[12]
Sur la création de l’administration des haras royaux par Colbert, voir J. MULLIEZ, Les chevaux du royaume…, op. cit., p. 81-111 et Daniel ROCHE, La culture équestre de l’Occident, XVIe-XIXe siècle. L’ombre du cheval, Paris, Fayard, 2008, tome 1, p. 175-183.
-
[13]
Daniel ROCHE, « Le cheval et ses élevages : perspectives de recherche », Cahiers d’histoire, n° 3-4, 1997 (numéro spécial « L’animal domestique », sous la direction d’Éric Baratay et Jean-Luc Mayaud), p. 518.
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[14]
D’après le Thresor de la langue française de Jean Nicot (1606), le terme « haras » désignait au XVIe siècle « un troupeau et harde de juments avec leurs estallons pour faire race, qu’on tient aux champs communément pres des forests, ou en lieux herbus et foisonnants en pasturages ». Ce n’est qu’à partir de l’édition de 1762 du Dictionnaire de l’Académie française que le terme est défini prioritairement comme le lieu de l’élevage. Dans le présent article, « haras » est utilisé dans son acception actuelle de lieu d’élevage, car les sources vont clairement dans le sens d’un espace organisé pour abriter les chevaux et en faciliter la reproduction, comme on le verra.
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[15]
Sur la carte de localisation, les forêts du Der et du Val ne sont situées qu’à titre indicatif à partir de leur aspect actuel.
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[16]
Bibliothèque nationale de France, Paris (désormais BnF), manuscrit français (désormais fr.) 20536, fol. 109 ; BnF, fr. 20552, fol. 152-153. La mention de la rivière est donnée par le terrier de Joinville de 1604, où il est question d’une « maison cis proche de la rivière de Blaise où anciennement étoit l’écurie de mondit seigneur » (Patrick WADEL, « La guerre à cheval et l’héroïsation équestre en Champagne méridionale au XVIe siècle », in Daniel ROCHE (éd.), Le cheval et la guerre. Du XVe au XXe siècle, Paris, Association pour l’académie d’art équestre de Versailles, Paris, 2002, p. 206).
-
[17]
Brigitte PRÉVOT et Bernard RIBÉMONT, Le cheval en France au Moyen Âge. Sa place dans le monde médiéval ; sa médecine : l’exemple d’un traité vétérinaire du XIVe siècle, la « Cirurgie des chevaux », Orléans, Paradigme, 1994, p. 117-119 ; Jean-Marc MORICEAU, Histoire et géographie de l’élevage français (XVe- XVIIIe siècle), Paris, Fayard, 2005, p. 222. Le choix des zones forestières et marécageuses pour l’élevage des chevaux s’explique par le souci d’utiliser malgré tout des terres peu fertiles ; on peut remarquer à ce sujet que le terroir d’Éclaron n’était pas propice à l’agriculture : « Le territoire d’Éclaron, nous l’avons dit, est excellent ; mais il est difficile à cultiver, parce que son sol est humide et compact. Pour cette raison, l’agriculture n’y a jamais été très-prospère » (Charles DE HÉDOUVILLE, Notice sur le village d’Éclaron, Saint-Dizier, Henriot et Goudard, 1882, p. 9). La littérature de l’époque moderne témoigne de la permanence de ce mode de production forestier sous la plume de Rabelais qui raconte que les « citoyens de ceste ville [de Paris] s’offrirent de nourrir et entretenir la jument de Gargantua et l’envoyèrent vivre en la forêt de Bierre ». Ce n’était d’ailleurs pas sans conséquence sur la santé des massifs forestiers, ainsi que le déplorait Louis de Saint-Yon en 1610 : « ceux qui mettent leurs bestes chevalines ès forests m’ont voulu faire croire autrefois qu’elles ne font dommage aux taillis, ne faisant que paistre l’herbe : neanmoins j’ay recognu le contraire, et ay veu le reject des jeunes ventes de la forest de Laigue près Compiègne grandement endommagé du haras qui y estoit, et la plupart des forests du Poictou en dégast, à cause des grandes nourritures qui s’y font de bestes chevalines et mulets » (Louis de SAINT-YON, Les Edicts et ordonnances des roys, coutumes des provinces, réglemens, arrests et jugemens notables des eaues et forests, Paris, 1610). Les deux dernières références sont tirées de Michel DEVÈZE, La vie de la forêt française au XVIe siècle, Paris, SEVPEN, 1961, tome 1, p. 94-96.
-
[18]
Céline LÉPINIÈRE, « L’élevage des chevaux à la Renaissance », mémoire de maîtrise sous la direction de Pascal Brioist, université de Tours, 2005, p. 23 ; G. GUILLOTEL, Les haras…, op. cit., tome 1, p. 62. La lettre d’Henri III à Marc-Antoine de Bassi datée du 25 juin 1586 est conservée aux Archives départementales d’Eure-et-Loir, collection Jarry, série 2 J 2461 (C. LÉPINIÈRE, art. cit., p. 32).
-
[19]
J. MULLIEZ, Les chevaux du royaume…, op. cit., p. 86-87.
-
[20]
J.-M. MORICEAU, Histoire et géographie…, op. cit., p. 222-223.
-
[21]
BnF, fr. 20552, fol. 152-153.
-
[22]
B. PRÉVOT et B. RIBÉMONT, Le cheval en France au Moyen Âge…, op. cit., p. 119 ; Archives du château de Chantilly (désormais ACC), 1-A-14, Recherches de Le Congneux sur les comptes de la maison de Guise.
-
[23]
« ledict conterolleur debvoit avoir les granches desdites escuries du Der et Esclaron et estables pour mettres lesdits chevaulx et provisions d’iceulx » (BnF, fr. 20536, fol. 109). En 1665 encore, selon l’intendant de Champagne Louis de Machault, il y avait là des écuries pour les juments, des granges pour le fourrage et des petits logements pour les employés du haras (P. WADEL, art. cit., p. 197). Notons que, dans la langue du XVIe siècle, le terme « estable » pouvait être employé indifféremment pour un logis destiné aux chevaux ou à d’autres animaux domestiques ; Nicot s’insurgeait en revanche dans son Thresor de la langue française (1606) contre l’utilisation du terme « escuyrie » pour toutes sortes d’étables car, désignant à l’origine la dignité de l’écuyer, ce mot désignait « usitéement (…) l’estable ou sont les chevaux d’un Roy, Prince, ou autre grand Seigneur, qui a droit de tenir Escuyer d’escuyrie ».
-
[24]
BnF, fr. 22433, fol. 50 v°, 75 v°-76 r°, 96 r° et 148 v°. 144 livres furent payées pour cette écurie, sans que l’on puisse savoir s’il s’agissait là du montant total des travaux ou d’un règlement partiel.
-
[25]
En juin 1550, le maître maçon d’Éclaron revint d’Écouen et de Chantilly avec le « pourtraict » du maître maçon du connétable Anne de Montmorency ; les travaux furent alors suspendus le temps que le nouveau duc de Guise décidât si l’on devait continuer à suivre l’ancien plan ou bien suivre le nouveau, dont l’exemple avait été puisé aux meilleures sources architecturales du temps (BnF, fr. 20543, fol. 137). En 1560 encore, le duc de Guise envoya un maître maçon de Saint-Denis visiter ses bâtiments d’Éclaron (ACC, 1-A-14).
-
[26]
BnF, fr. 20536, fol. 93 et 109.
-
[27]
BnF, fr. 20550, fol. 41-42.
-
[28]
BnF, fr. 20536, fol. 109.
-
[29]
« Est ledit Francisque de present à Esclaron pour faire couvrir les jumens » (BnF, fr. 20550, fol. 41-42) ; « les jumentz de monseigneur estant en son haratz dudit Esclaron au lieu du Der » (BnF, fr. 20536, fol. 109). Voir aussi BnF, fr. 20552, fol. 152-153.
-
[30]
« Il vous avoit pleu ordonner ou mois de juing dernier que lesdits estallons et jeunes chevaulx y [i.e. à Eclaron] sejourneroient sans aller audit Roches », « lesdits poullains à Encerville durant les herbaiges seulement lesquelz passez on amenera audit Esclaron pour y estre yvernez » (BnF, fr. 20536, fol. 109).
-
[31]
« Les poulains qui sont à Ancherville » (BnF, fr. 20550, fol. 41-42) ; « lesdits jeunes chevaulx à Ancerville au temps des herbes » et « lesdits poullains à Encerville durant les herbaiges seulement » (BnF, fr. 20536, fol. 109) ; « J’ay veu vos estalons et poulains qui sont à Roche » (BnF, fr. 20522, fol. 59) ; « les grandz chevaulx estallons estant lors au lieu de Roches » (BnF, fr. 20536, fol. 109) ; voir également la note n° 30.
-
[32]
Pour les pratiques d’élevage « sauvage », voir J. MULLIEZ, Les chevaux du royaume…, op. cit., p. 24-25.
-
[33]
C. LÉPINIÈRE, art. cit., p. 46.
-
[34]
BnF, fr. 20550, fol. 41-42.
-
[35]
Jean TACQUET, Philippica ou haras des chevaux, Anvers, chez Robert Bruneau, 1614, chapitre XVII « Quelles doibvent estre les estables pour les juments, pour les poulains, et pour les chevaux d’aage ». Bien que tardive par rapport à l’époque qui nous occupe, l’œuvre de Jean Tacquet est considérée comme une source précieuse, car rare, sur l’organisation des écuries à la Renaissance. Le chapitre de Tacquet sur le logement des chevaux, par exemple, est très proche d’un dessin bien antérieur de Léonard de Vinci pour un projet d’écurie des années 1480 qui témoigne de la réalité des écuries italiennes de l’époque (Pascal LIÉVAUX, Les écuries des châteaux français, Paris, Éditions du Patrimoine, 2005, p. 70).
-
[36]
Il n’est donc pas certain que le traité anonyme de 1639 proposant la création de haras garnis « de juments, chevaux et grands ânes, venus de Turquie, Barbarie, Espagne et Suisse » dans toutes les forêts royales ait visé à « rétablir l’élevage pratiqué au Moyen Àge, élevage sauvage procédant plus de l’économie de cueillette que d’un haras réglé au sens moderne » (J. MULLIEZ, Les chevaux du royaume…, op. cit., p. 87). Outre que la pratique de l’élevage forestier resta vivace durant tout le XVIe siècle et le début du XVIIe siècle, celle-ci n’était pas nécessairement une technique rudimentaire de production de chevaux.
-
[37]
BnF, fr. 20536, fol. 109.
-
[38]
BnF, fr. 20540, fol. 55.
-
[39]
« à Esloy Collet hostellain demourant à Esclaron la somme de huict vingtz quinze [175] livres pour la despoulle de cinquante faulchées de pré qu’il a vendu à Sainte-Lyviere pour ledit harat à lxx sous la faulchée » (BnF, fr. 22433, fol. 149 r°). Sainte-Livière est un village directement voisin d’Éclaron.
-
[40]
« Pierre George controlleur d’Esclairon doibt compter [rendre compte] de IICXXIX livres à luy baillez pour l’entretenement du haras au quartier d’octobre [1556]. En faire compter ses heritiers, toutefoys ladite somme luy a esté fournye sur le marché qu’il avoit fait pour la noriture des jumens du haras et gaiges des palfreniers » (ACC, 1-A-14) ; « je n’ay failly en sa presence faire entendre surce votre voulloir et intention à votre controoleur d’Esclaron de mener les estallons et jeunes chevaulx de votre dit harat à Roches pour y sejourner d’oresnavant, avec des vivres pour les nourrir suyvant son marché et que s’il y avoit interest vous l’en feries recompencer. (…) » (BnF, fr. 20536, fol. 93) ; « Remonstrer vous faict en toutes humillitez Pierre George votre conterolleur d’Esclaron que environ ung an et demy il fit marchesz de norir les jumentz de Monseigneur estant en son haratz dudit Esclaron au lieu du Der… » (BnF, fr. 20536, fol. 109) ; « à Jacques de Rapillars sieur de la Mothe la somme de trois cens soixante huict livres quatorze solz quatre deniers tournois pour la despence dudit harat durant lesdits mois de janvier, febvrier et mars mil vc soixante ung [1562 n. st.] suyvant le marché faict avec luy par les sieurs du Mesnil et de Fontaines, certification du contrerolleur d’Esclairon et quictance » (BnF, fr. 22433, fol. 148 v°).
-
[41]
C. LÉPINIÈRE, art. cit., p. 35.
-
[42]
BnF, fr. 22433, fol. 75 v°-76 r°.
-
[43]
BnF, collection Clairambault (désormais Clair.) 347, fol. 295.
-
[44]
G. GUILLOTEL, Les haras…, op. cit., tome 1, p. 58 et 61.
-
[45]
BnF, fr. 20459, fol. 57.
-
[46]
BnF, fr. 8181, fol. 100 v°, 180 v°, 190 r°, 222 r°, 271 r° et 355 r° ; fr. 20468, fol. 177. D’après Emond du Boullay, le héraut d’armes du duc de Lorraine qui donna une relation des funérailles du premier duc de Guise en 1550, ce fut Francisque qui, en tant qu’écuyer de la grande écurie, mena le cheval d’honneur lors du cortège funèbre (P. WADEL, art. cit., p. 197).
-
[47]
BnF, fr. 22433, fol. 75 r°.
-
[48]
BnF, fr. 20536, fol. 93 ; fr. 20540, fol. 55 ; fr. 20545, fol. 149 ; fr. 20550, fol. 41-42 et 138 ; fr. 20552, fol. 152-153 ; ACC, 1-A-14.
-
[49]
BnF, fr. 22433, fol. 75 r° et 149 r°. Pour les gages des maîtres d’hôtel en 1562 et 1563, voir BnF, fr. 22433, fol. 109 et 165.
-
[50]
BnF, fr. 22433, fol. 76 r°. Dans l’une de ses lettres au duc de Guise datée du 12 octobre 1551, Ramassin de Bologne informait d’ailleurs son maître de son retour à Éclaron où il comptait bien se remettre à « exerciter [les] poullains » (BnF, fr. 20513, fol. 61).
-
[51]
J. TACQUET, Philippica…, op. cit., p. 228.
-
[52]
Jean-François DUBOST, La France italienne, XVIe-XVIIe siècle, Paris, Aubier, 1997, p. 108 et 403 ; BnF, fr. 22437, fol. 65 v° ; fr. 20517, fol. 21.
-
[53]
BnF, fr. 20552, fol. 152-153.
-
[54]
BnF, fr. 22433, fol. 75 v°.
-
[55]
G. GUILLOTEL, Les haras…, op. cit., tome 1, p. 61 ; Hector de LA FERRIÈRE et Gustave BAGUENAULT de PUCHESSE (éd.), Lettres de Catherine de Médicis, Paris, Imprimerie nationale, 1880-1943, tome 1, p. 544 : lettre de Catherine de Médicis au marquis de Boisy, 26 mars 1563.
-
[56]
BnF, fr. 22433, fol. 75 v°-76 r°.
-
[57]
G. GUILLOTEL, Les haras…, op. cit., tome 1, p. 58.
-
[58]
BnF, fr. 22433, fol. 75 et 148 v°.
-
[59]
ACC, 1-A-14, Recherches de Le Congneux sur les comptes de la maison de Guise ; BnF, fr. 20536, fol. 93 et 109 ; fr. 22433, fol. 75.
-
[60]
Sur la polyvalence des grands officiers de finance royaux (notamment comme commissaires aux vivres des armées royales), voir Philippe HAMON, « Messieurs des finances ». Les grands officiers de finance dans la France de la Renaissance, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1999, p. 102-114.
-
[61]
« Ce considerens, plaise à mondit seigneur voulloir quicter ledit suppliant de ladite cherges attendu sa viellesse quy est de soisante douze ans ou du moins ordonner que les chevaulx etallons et poullains soient menez en escuries de mondict seigneur audict Esclaron et il en fera son debvoir » (BnF, fr. 20536, fol. 109). Un domestique du duc confirmait la lassitude du vieil homme : « Toutesfois il est prest de remectre et se depporter de son marché es mains de celluy qu’il vous plaira ordonner et fournyra les provisions qu’il a icy à pris raisonnable et selon qu’il sera advisé par voz officiers d’icy et moy attendant que celluy qui en prendra la charge en ait trouver » (BnF, fr. 20536, fol. 93).
-
[62]
BnF, fr. 22433, fol. 148 v°.
-
[63]
BnF, fr. 22433, fol. 96 r° et 164 v°.
-
[64]
BnF, fr. 20470, fol. 117 ; BnF, fr. 20541, fol. 39 ; BnF, fr. 20544, fol. 15 ; BnF, fr. 20513, fol. 23 ; BnF, fr. 20550, fol. 41-42 ; BnF, Clair. 346, fol. 255 ; BnF, Clair. 347, fol. 256 et 295.
-
[65]
BnF, fr. 20552, fol.152-153.
-
[66]
BnF, fr. 22433, fol. 50 r° et 148 v°.
-
[67]
BnF, fr. 20468, fol. 85-87 ; BnF, fr. 20515, fol. 87 ; BnF, fr. 20522, fol. 59 ; BnF, fr. 20529, fol. 118 ; BnF, fr. 20536, fol. 93 et 109 ; BnF, Clair. 348, fol. 30-31 et 32.
-
[68]
BnF, fr. 22433, fol. 61 r° et 148 v°.
-
[69]
J. TACQUET, Philippica…, op. cit., p. 227.
-
[70]
BnF, fr. 22433, fol. 75 r°-76 r° et 148 v°-149 r°.
-
[71]
Le montant des appointements des palefreniers pour l’année 1562 est donné dans BnF, fr. 22433, fol. 96 r°. La somme payée pour l’approvisionnement du haras sur le marché de pourvoirie en 1562 ne concerne que le premier semestre : des réserves furent faites par d’autres moyens pour le second semestre (« la norriture dudit harastz pour le reste de l’année a esté faict sur les provisions de IIIC mesures sur la despoulle de IXXXIX fauchée de pré reservez à Eclaron et avoines dudit lieu » BnF, fr. 22433, fol. 148 v°, en marge).
-
[72]
Les rubriques « Grande écurie » des comptes annuels indiquent un montant de 5091 livres en 1562 et de 1093 livres en 1563, année de l’assassinat de François de Lorraine (BnF, fr. 22433, fol. 73 et 146 v° - 148 v°). La chute des dépenses entre les deux dates s’explique sans doute par cette brusque disparition puisque la famille ducale décapitée se vit contrainte de mettre le jeune héritier à l’abri en attendant qu’il soit en âge d’aller lui-même au combat : les grands chevaux, qui, avec ce retrait politique et militaire, n’avaient plus le même rôle, durent être mis au repos sur les terres familiales, et peut-être même à Éclaron et Roches. Si tel fut bien le cas, leur entretien dut en être facilité et les frais en être diminués (cela pourrait d’ailleurs expliquer pourquoi il avait fallu continuer à acheter avoine et fourrage au pourvoyeur au second semestre 1563, alors que cela n’avait pas été nécessaire l’année précédente). Une rupture est en tout cas sensible dans la tenue des comptes : alors qu’un compte précis des dépenses de la grande écurie est tenu et rapporté au compte annuel pour les mois de janvier et février 1563, pour un montant d’environ 916 livres, le compte se fait moins détaillé après la mort du duc de Guise, ne mentionnant plus que des dépenses extraordinaires pour un total de 177 livres. Si les dépenses de la grande écurie avaient continué toute l’année au rythme des mois de janvier et février, le total de l’année s’élèverait à un montant d’environ 5500 livres, soit une somme similaire à celle de l’année précédente. Deux autres documents comptables concernant la grande écurie datés de 1555 et 1571 indiquent des dépenses mensuelles comprises entre 350 et 400 livres en moyenne, ce qui ferait un total annuel oscillant entre 4200 et 4800 livres (ACC, 1-A-14).
-
[73]
Le mode d’enregistrement des dépenses de la petite écurie obscurcit beaucoup le décompte des dépenses de ce service. Les comptes annuels ne donnent en effet sous la rubrique « petite écurie » que les dépenses extraordinaires de ce service, c’est-à-dire des achats irréguliers et imprévus. Les dépenses courantes de la soixantaine de chevaux de la petite écurie (approvisionnement, soins quotidiens) apparaissent en fait dans la dépense ordinaire de la maison, désignées par le terme « écurie » sans plus de précision, à côté de la paneterie, de l’échansonnerie, de la cuisine, etc. Le problème vient du fait que les documents détaillant les dépenses ordinaires au jour le jour ne signalent pour la plupart que les quantités d’avoine, de foin et de paille distribuées aux chevaux, sans indiquer le moyen utilisé pour constituer les stocks dans lesquels étaient prélevées ces rations – et encore moins le prix qui fut alors payé. Les seuls documents chiffrant de manière à peu près fiable la dépense de la petite écurie dans les dépenses ordinaires mensuelles ont montré qu’elle représentait alors entre 5 et 15 % du total (ACC, 1-A-14 ; BnF, fr. 8181). De ce constat, nous avons décidé de fixer arbitrairement à 10% de la dépense ordinaire totale la part de la petite écurie. Pour arriver à une évaluation globale du coût de la petite écurie, nous avons donc additionné trois chiffres : 10 % de la dépense ordinaire annuelle de la maison ducale, le montant des gages des officiers travaillant dans ce service, la dépense extraordinaire de la petite écurie. Les montants ainsi obtenus s’élèvent à 6500 livres pour 1562 et environ 5500 en 1563. Ces chiffres sont à prendre avec beaucoup de prudence, mais ils donnent une idée qui ne semble pas invraisemblable des dépenses annuelles de la petite écurie.
-
[74]
BnF, Clair. 347, fol. 295.
-
[75]
BnF, fr. 20545, fol. 119.
-
[76]
BnF, fr. 22433, fol. 61 r°.
-
[77]
BnF, fr. 20552, fol. 152-153. La bardelle est une selle faite de grosse toile et de bourre.
-
[78]
BnF, fr. 20550, fol. 141.
-
[79]
BnF, fr. 20467, fol. 55 ; fr. 20469, fol. 163 ; fr. 20517, fol. 21, 26, 27, 55, 70 ; fr. 20519, fol. 85 ; fr. 20530, fol. 1-3 ; fr. 20534, fol. 29, 32, 53 ; fr. 20545, fol. 17, 119 ; fr. 20551, fol. 118, 130 ; fr. 22433, fol. 79r ; Clair. 342, fol. 56 et 86 ; Clair. 347, fol. 124 ; Clair. 348, fol. 147 ; ACC, 1-A-14 ; Louis PARIS, Négociations, lettres et pièces diverses relatives au règne de François II tirées du portefeuille de Sébastien de l’Aubespine, évêque de Limoges, Paris, Imprimerie royale, 1841, p. 300.
-
[80]
G. Malacarne, I Gonzaga di Mantova. Una stirpa per una capitale europea, vol. 2 : I Gonzaga marchesi. Il sogno del potere, da Gianfrancesco a Francesco II (1432-1519), Modène, Il Bulino, 2005, p. 366 ; ID., Il mito dei cavalli gonzagheschi. Alle origini del purosangue, Vérone, Primoprint, 1995.
-
[81]
Lors du deuxième quartier de 1562, Ramassin de Boulogne reçut ainsi 30 livres « pour mener trois pièces de grandz chevaulx dud. Esclaron jusques au camp » (BnF, fr. 22433, fol. 148 v°-149 r°). En juillet 1581, Jean Picart, « pallefrenier de la grande escuirye » fut payé trois écus « pour aller expres de Paris à Esclaron par commandement [du duc] faire venir les grans chevaulx » (ACC, 1-A-14). Fait intéressant, une partie du harnachement des grands chevaux était gardée à Éclaron : « pour avoir faict amener six selles d’armes et ung caparesson de mond. seigneur depuis Esclaron jusques à Paris » (BnF, fr. 22433, fol. 81 r°). Un document, enfi n, détaille avec précision les allées et venues de la grande écurie entre Joinville, Éclaron et Nanteuil sous Henri de Lorraine, entre mai et décembre 1571 : elle séjourna les dix-neuf derniers jours de mai à Éclaron et y resta durant tout le mois de juin et vingt-deux jours de juillet, puis elle fut transférée à Joinville où, entre le 25 juillet et le 27 septembre, l’écuyer et les pages passèrent leurs journées à « picquer et dresser les chevaulx ». Le 27 septembre, la grande écurie repartit pour Éclaron où elle demeura jusqu’au 19 novembre, jour de son départ pour Nanteuil (ACC, 1-A-14).
-
[82]
« il cavalo che arabiato et a modo che e non e da pover se ne servire credo che seria bene a castrarlo per che in ogni modo non e bon da raza » (BnF, fr.20517, fol. 65).
-
[83]
BnF, fr. 20467, fol. 55.
-
[84]
BnF, fr. 20513, fol. 61.
-
[85]
BnF, fr. 20519, fol. 85.
-
[86]
Arlette JOUANNA, L’idée de race en France au XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, Lille, Service de reproduction des thèses de l’université, 1976, tome 1, p. 44.
-
[87]
BnF, fr. 20550, fol. 93 et 138. Les résultats n’étaient cependant pas toujours à la hauteur des espérances si l’on en juge d’après une lettre écrite au duc de Guise par un écuyer du roi en 1553 : « Je regrette infiniment qu’en telle quantité de chevaux que vous nourrissez, il ne vienne rien qui ait cette force que l’on voit en quelque autre cheval » (« mi dol infi nitamente che intanta quantita di cavali ch’ella norrisse non vene sia niuno che habia quella forza che si vede in qualche altro cavalo » BnF, fr. 20517, fol. 65).
-
[88]
J. TACQUET, Philippica…, op. cit., p. 177.
-
[89]
BnF, fr. 22433, fol. 148 v°.
-
[90]
P. Wadel, art. cit., p. 206.
-
[91]
Ch. de HÉDOUVILLE, Notice…, op. cit., p. 30.
-
[92]
Archives nationales (Paris), R 4915, première liasse, fol. 162.