Notes
-
[1]
Martine SONNET, Atelier 62, Cognac, Le temps qu’il fait, 2008, p. 127. La « vie de château » est l’expression utilisée par André ROUGEOT dans « Les grandes vacances à Chamonix », Tourisme & Travail, n° 209, octobre-novembre 1970. Mes remerciements pour leurs relectures et leurs conseils vont à Caroline Douki, Florence Johsua, Philippe Minard, Julien Rochedy, Bertrand Réau, Danielle Tartakowsky, Mathieu Bonzom et Frédéric Falzon.
-
[2]
Catherine BERTHO LAVENIR,La roue et le stylo, comment nous sommes devenus touristes, Paris, Odile Jacob,1999; Marc BOYER, L’invention du tourisme, Paris,« Découvertes » Gallimard,1986; Alain CORBIN (éd.), L’avènement des loisirs 1850-1960, Paris, Aubier,1995; André RAUCH, Vacances en France de 1830 à nos jours, Paris, Hachette,1996.
-
[3]
Francis MEYER, Corinne SACHS-DURAND, Pierre STRASSER, « Les congés payés depuis la Deuxième Guerre mondiale :négociation collective et action législative »,Le mouvement social,150, janviermars 1990, p.107-117. Outre-atlantique, le dossier de French Historical Studies sur « French tourism and tourists in France » ne comprend qu’un article sur l’après-guerre, consacré au tourisme rural d’un point de vue ethnographique :Susan C.ROGERS,« Which heritage ? Nature, culture and identity in French rural tourism »,French Historical Studies,25-3,2002, p.475-503.
-
[4]
Marc BOYER,Histoire du tourisme de masse, Paris, PUF,1999; C.BERTHO LAVENIR,La roue et le stylo, op.cit., p. 337-428; Ellen FURLOUGH, « Le tourisme, le mouvement ouvrier, et la critique de la consommation d’après-guerre en France :Tourisme & Travail, 1945-1985 », in Alain CHATRIOT, Marie-Emmanuelle CHESSEL, Matthew HILTON (éd.),Au nom du consommateur. Consommation et politique en France et aux Etats-Unis au XX e siècle, Paris, La Découverte,2005, p.391-404 ; Antoine PROST,« Frontières et espaces du privé », in Philippe ARIÈS, Georges DUBY (éd.),Histoire de la vie privée, tome 5, Paris, Seuil,1987, p.100-101 et 136-138 ; A.RAUCH,Vacances en France de 1830 à nos jours, op.cit. Pour la Grande-Bretagne, les travaux sont plus nombreux : Susan BARTON, Working-Class Organisations and Popular Tourism, 1840-1970, Manchester, Manchester University Press, 2005; John K. WALTON, The British Seaside : Holidays and Resorts in the Twentieth Century (Studies in Popular Culture), Manchester, Manchester University Press,2000; Gary CROSS, John K.WALTON,The Playful Crowd, Pleasure Places in the Twentieth Century, New York, Columbia University Press, 2005. Sur la période antérieure voir aussi Brad BEAVEN, Leisure, Citizenship and Working-Class in Britain,1850-1940, Manchester, Manchester University Press,2005.
-
[5]
Les vacances des Français en 1973, Paris, INSEE,1975.
-
[6]
A. PROST, « Frontières et espaces du privé », in P. ARIÈS, G. DUBY (éd.), Histoire de la vie privée, op.cit., p.100. L’auteur donne comme exemple de cette révolution le nombre de campeurs, qui passe de 1 million en 1956 à 3 M.en 1959,5 M.en 1962, et plus de 7 M.en 1964.
-
[7]
Robert CASTEL, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard, 1995, p.519-601.
-
[8]
Ibidem, p.522.
-
[9]
Jean-Louis ROBERT, Friedhelm BOLL, Antoine PROST (éd.),L’invention des syndicalismes en Europe, Paris, Publications de la Sorbonne,1997.
-
[10]
Sylvain PATTIEU,« Mouvement syndical et tourisme populaire en France,1945-années 1980. Le cas de Tourisme & Travail », thèse d’histoire sous la direction de Danielle Tartakowsky, Université Paris 8, 2007.
-
[11]
Tourisme & Travail compte une trentaine d’antennes locales dans les années 1950, soixante-dix dans les années 1960 et plus de deux cents dans les années 1980. Elle revendique sur la même période de 100000 à plus de trois millions d’adhérents, ce chiffre élevé s’expliquant par la part importante des adhérents collectifs engagés par le biais de leur comité d’entreprise. Le nombre de collectivités adhérentes passe de près de 1000 à la fin des années 1960 à plus de 4000 une décennie plus tard. Le nombre de 3000 collectivités adhérentes est dépassé en 1975. Les plus gros comités d’entreprise contrôlés par la CGT disposent cependant de leurs propres associations de tourisme et de loisirs, indépendantes de Tourisme & Travail, comme EDF-GDF avec la CCAS (Caisse centrale des activités sociales) et Renault avec Loisirs et Culture, objet de la citation placée en exergue de cet article.
-
[12]
Le syndicalisme enseignant ne se situe pas dans ce cadre, car il dispose d’une antériorité en matière de loisirs et d’éducation populaire et s’appuie sur son propre réseau associatif, avec la Ligue de l’Enseignement :Jean-Paul MARTIN,« La Ligue de l’Enseignement et la République, des origines à 1914 », thèse de doctorat, IEP Paris,1992.
-
[13]
Bernard PUDAL,« Les communistes », in Jean-Jacques BECKER, Gilles CANDAR (éd.),Histoire des gauches en France, Paris, La Découverte,2004, vol.2, p.73.
-
[14]
Sur la manière dont l’investissement militant offre à des dirigeants du PCF issus des milieux populaires des possibilités de reclassement social et un rapport particulier à la culture légitime, voir B. PUDAL, Prendre parti, pour une sociologie historique du PCF, Presses de la FNSP, 1989. Des mécanismes similaires affectent les trajectoires et les orientations des dirigeants de Tourisme & Travail. Sur les rapports entre PCF, intellectuels et artistes communistes, voir Frédérique MATONTI,Intellectuels communistes. Essai sur l’obéissance politique. La Nouvelle Critique (1967-1980), Paris, La Découverte,2005. Voir également : B. PUDAL,« Les communistes »,op.cit. et Noëlle GÉRÔME, D.TARTAKOWSKY,La Fête de l’Humanité, culture communiste, culture populaire, Paris, La Dispute,1988.
-
[15]
Claude GRIGNON, Jean-Claude PASSERON,Le savant et le populaire, Misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature, Paris, EHESS/Gallimard/Seuil,1989.
-
[16]
Sur les effets d’imposition des pratiques touristiques sur des vacanciers populaires, de milieu rural en l’occurrence, voir Patrick CHAMPAGNE,« Les paysans à la plage »,Actes de la recherche en sciences sociales, 2, mars 1975, p.21-24.
-
[17]
Tourisme & Travail, n° 94, juin 1958.
-
[18]
Tourisme & Travail, nouvelle formule n° 11 (n° 123), mai 1961.
-
[19]
Cf. Sociétés et représentations,8, février 2000 : « Le peuple en tous ses états ». Sur l’opposition du « eux » et « nous »:Richard HOGGART, La culture du pauvre (1957), Paris, Minuit,1970.
-
[20]
Michel VERRET, La culture ouvrière, Saint-Sébastien, ACL éditions,1988, p.267.
-
[21]
Edward P. THOMPSON, La formation de la classe ouvrière anglaise (1963), Paris, EHESS-Gallimard-Seuil, 1988, p. 13. Voir aussi Michelle PERROT, « La cause du peuple », Vingtième siècle. Revue d’histoire,60, octobre-décembre 1998, p.4-13.
-
[22]
Archives départementales de Seine-Saint-Denis (désormais AD 93), 53 J 1, « Rapport moral », 16e congrès national de Tourisme & Travail,27 et 28 avril 1963, p.4.
-
[23]
Tourisme & Travail, n° 48 (n° 160), février 1965.
-
[24]
Archives nationales, Centre des archives contemporaines (désormais CAC),1984 0523, article1, synthèse des rapports préfectoraux au ministère de l’Équipement et du Logement, commission générale au Tourisme, 1975.
-
[25]
Tourisme & Travail, n° 217, janvier 1972.
-
[26]
« Pour un tourisme en faveur du plus grand nombre »,22e congrès de Tourisme & Travail,6-8mai 1977.
-
[27]
AD 93,53J 5, document préparatoire,23e congrès de Tourisme & Travail,12-14 décembre 1980.
-
[28]
AD 93,53J 210,« analyse des fiches d’appréciation PAT 75 (1000 fiches par destination)», catégories fournies par Tourisme & Travail.
-
[29]
Michel BOZON, « Mariage et mobilité sociale en France », Revue européenne de démographie, 7-2, juin 1991, p.171-190.
-
[30]
AD 93,53 J 1, André LUNET, « Rapport oral », 19e congrès national de Tourisme & Travail,10-12 avril 1970, p.37.
-
[31]
Ibid.
-
[32]
Pour la réception, voir S.PATTIEU,«« Nous n’avons rien à Katmandou ». Production militante et usages populaires du tourisme », Actes de la recherche en sciences sociales, 170, décembre 2007, p. 88-101.
-
[33]
Henri AISNER,Les copains du dimanche, production Coopérative générale du cinéma français, noir et blanc,35mm,1956. Cf. Tangui PERRON,«Les copains du dimanche, ou l’âge d’or des métallos »,Vingtième siècle. Revue d’histoire,46, juin 1995, p.125-132.
-
[34]
Tourisme & Travail, n° 110, novembre-décembre 1959.
-
[35]
Tourisme & Travail, n° 216, octobre 1971.
-
[36]
Tourisme & Travail, n° 17, octobre 1949; n° 221, juin 1972 ; n° 222, septembre 1972.
-
[37]
Tourisme & Travail, n° 50 (n° 162), avril 1965 (Audierne) et n° 05 (nouvelle série), juinjuilletaoût 1974 (Le Havre).
-
[38]
Tourisme & Travail, n° 10, avril 1975.
-
[39]
Tourisme & Travail, n° 47, mai 1979.
-
[40]
Tourisme & Travail, n° 05 (nouvelle série), juin-juillet-août 1974.
-
[41]
Tourisme & Travail, n° 10, avril 1975.
-
[42]
Tourisme & Travail, n° 225, février 1973.
-
[43]
Ibid.
-
[44]
Tourisme & Travail, n° 225, février 1973.
-
[45]
« Le ski », Tourisme & Travail, n° 72, novembre 1954; « Bonjour la neige », Tourisme & Travail, n° 79, juillet-août 1955;« Ski populaire en Dauphiné »,Tourisme & Travail, n° 87, novembre1956;Tourisme & Travail, n° 110, novembre-décembre 1959; « Le ski populaire près de Grenoble », Tourisme & Travail, n° 112, février 1960;« La neige pour tous »,Tourisme & Travail, n° 27 (n° 139), janvier 1963; « Venez faire du ski », Tourisme & Travail, n° 55 (n° 167), novembre 1965; Tourisme & Travail, n° 65 (n° 176), novembre 1966.
-
[46]
Jean-Benoît LÉVY,Vive la vie, film commandé par le secrétariat d’État aux Loisirs et aux Sports, noir et blanc,38 minutes,35 mm,1937.
-
[47]
« Des vacances en hiver », Tourisme & Travail, n° 5 (n° 117), novembre 1960.
-
[48]
Les vacances des Français en 1973, Paris, INSEE,1975, p.12, tableau 4.
-
[49]
Jacques DEFRANCE, Sociologie du sport, Paris, La Découverte,1995, p.24-26.
-
[50]
Les vacances des Français en 1973, op.cit., p.31.
-
[51]
Tourisme & Travail, n° 110, novembre-décembre 1959.
-
[52]
C.BERTHO LAVENIR,La roue et le stylo, op.cit., p.388.
-
[53]
Tourisme & Travail, n° 42, décembre 1978.
-
[54]
Jo VAIRELLE, « Les financiers aiment la neige surtout quand elle rapporte », Tourisme & Travail, n° 35 (n° 147), novembre 1963.
-
[55]
Tourisme & Travail, n° 201, septembre-octobre 1969.
-
[56]
« Dix autour d’une table ou l’art d’ouvrir les pistes blanches aux travailleurs lyonnais », Tourisme & Travail, n° 111, janvier 1960.
-
[57]
Tourisme & Travail, n° 35 (n° 147), novembre 1963.
-
[58]
« Dix autour d’une table ou l’art d’ouvrir les pistes blanches aux travailleurs lyonnais », Tourisme & Travail, n° 111, janvier 1960.
-
[59]
L. DONNADIEU, « Les travailleurs parisiens et la neige », Tourisme & Travail, n° 35 (n° 147), novembre 1963, et Tourisme & Travail, n° 181, avril 1967.
-
[60]
Jean BRUNEAU,« L’équipement de ski populaire »,Tourisme & Travail, n° 5 nouvelle série (n° 117), novembre 1960.
-
[61]
Entretien avec Pierre-Yves L.le 21 octobre 2004. Ouvrier à l’arsenal de Lorient, syndiqué CGT, il est usager de Tourisme & Travail à partir de 1976, puis permanent à partir de 1982. Après la faillite de Tourisme & Travail, il travaille en tant que détaché syndical au sein de l’association Loisir et Tourisme, qui a pris la suite de Tourisme & Travail à Lorient.
-
[62]
« La neige pour tous »,Tourisme & Travail, n° 27 (n° 139), janvier 1963.
-
[63]
Tourisme & Travail, n° 101, juin1958. Il en est de même à Grenoble :Tourisme & Travail, n° 102, juillet 1958.
-
[64]
Tourisme & Travail, n° 107, juin 1959.
-
[65]
Tourisme & Travail, nouvelle formule n° 2 (n° 114), juin 1960.
-
[66]
Voir les actes à paraître du colloque « Les châteaux du social », organisé les 25 et 26 novembre 2004 à Vaucresson (Yvelines) par l’Université Paris 8, en partenariat avec le Centre d’histoire sociale du XX e siècle et le Centre d’histoire des régulations et des politiques sociales (HIRES) d’Angers.
-
[67]
Jo VAIRELLE, « Les financiers aiment la neige surtout quand elle rapporte », Tourisme & Travail, n° 35 (n° 147), novembre 1963.
-
[68]
M.VERRET,La culture ouvrière, op.cit., p.185-186.
-
[69]
Bertrand RÉAU, « S’inventer un autre monde. Le Club Méditerranée et la genèse des clubs de vacances en France (1930-1950)», Actes de la recherche en sciences sociales,170, décembre 2007, p.66-85.
-
[70]
AD 93,53 J 1, résolutions adoptées lors du 15e congrès,1961.
-
[71]
Tourisme & Travail, n° 104, novembre 1958 et n° 8 (n° 120), février 1961.
-
[72]
AD 93,53 J 1, projet de rapport oral,17e congrès de Tourisme & Travail,7-8 mai 1966.
-
[73]
Henri KRASUCKI, « Intervention au 18e congrès national de Tourisme & Travail », Le Peuple, n° 804,1er -31 août 1968, p.23-25.
-
[74]
AD 93,53 J 1,« Résolutions »,16e congrès de Tourisme & Travail,27-28 avril 1963.
-
[75]
A.ROUGEOT,« Portraits d’adhérents », Tourisme & Travail, n° 211, février-mars 1971.
-
[76]
S.PATTIEU,« Nous n’avons rien à Katmandou… », art.cit.
-
[77]
Tourisme & Travail, n° 5 (n° 117), novembre 1960.
-
[78]
Ibidem, et n° 96, novembre 1957.
-
[79]
Tourisme & Travail, n° 45 (n° 157), novembre 1964.
-
[80]
A. ASTRIEUD, « À Juan-les-Pins les travailleurs sont maintenant chez eux », Tourisme & Travail, n° 34 (n° 146), septembre-octobre 1963.
-
[81]
A.ROUGEOT,« Les grandes vacances à Chamonix », Tourisme & Travail, n°209, octobre-novembre 1970.
-
[82]
R.HOGGART,La culture du pauvre, op.cit., p.200.
-
[83]
Tourisme & Travail, n° 104, novembre 1958.
-
[84]
Lucien DONNADIEU, « Voici Ré 1961 », Tourisme & Travail, n° 13 (n° 125), juillet-août 1961; Tourisme & Travail, n° 28 (n° 140), février 1963.
-
[85]
Alex FOURRIER, « Bonjour Carnon… et à bientôt !», Tourisme & Travail, n° 44 (n° 156), septembreoctobre 1964, et A.ROUGEOT,« Carnon-plage et l’arrière-pays languedocien »,Tourisme & Travail, n° 208, septembre 1970.
-
[86]
Tourisme & Travail, n° 205, mars 1970.
-
[87]
Anne-Marie THIESSE, Ils apprenaient la France, l’exaltation des régions dans le discours patriotique, Paris, Éditions de la MSH,1997; C.BERTHO LAVENIR, La roue et le stylo, op.cit., p.325-332.
-
[88]
AD 93,53 J 210, rapport de Claude P., commission nationale des activités vacances à l’étranger, octobre 1978.
-
[89]
Entretien du 21 octobre 2004.
-
[90]
Pierre BOURDIEU (éd.), Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Minuit, 1965, p.24.
-
[91]
Tourisme & Travail, n° 11, mai 1961.
-
[92]
Tourisme & Travail, n° 33, juillet-août 1963.
-
[93]
P.BOURDIEU (éd.),Un art moyen, op.cit.,p.160.
-
[94]
L’encadrement du tourisme sous des régimes autoritaires a fait l’objet de plusieurs ouvrages : Victoria DE GRAZIA, The Culture of Consent. Mass Organization of Leisure in Fascist Italy, Cambridge, Cambridge University Press, 1981; Shelley BARANOWSKI, Strength through Joy. Consumerism and Mass Tourism in the Third Reich, Cambridge, Cambridge University Press, 2004; Kristin SEMMENS, Seeing Hitler’s Germany. Tourism in the Third Reich, New York, Palgrave Macmillan,2005. En ce qui concerne les pays communistes :Anne E.GORSUCH, Diane P.KOENKER,Turizm.The Russian and East European Tourist under Capitalism and Socialism, Ithaca, Cornell University Press,2006.
-
[95]
P.BOURDIEU, Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action, Paris, Seuil,1994, p.189.
-
[96]
cf. C.GRIGNON, J.-C.PASSERON, Le savant et le populaire, op.cit.
-
[97]
Jean-François SIRINELLI, « L’avènement de la culture-monde », in J.-P. RIOUX, J.-F. SIRINELLI (éd.), La culture de masse en France de la Belle Epoque à aujourd’hui, Paris, Fayard,2002, p.11-12.
-
[98]
P.BOURDIEU, J.-C.PASSERON,« Sociologues des mythologies et mythologies de sociologues »,Les Temps Modernes,211, décembre 1963, p.1002.
-
[99]
J.-F.SIRINELLI,« L’avènement de la culture-monde », art.cit., p.9.
-
[100]
La perspective de l’histoire culturelle n’est d’ailleurs pas toujours sourde à ce type de préoccupations :« Bref, différences et inégalités jettent la confusion sur le concept de loisirs de masse. Les pratiques paraissent marquer des différences, mais, à l’analyse, elles reflètent le plus souvent des inégalités entre les origines sociales et l’évolution des goûts » (A. RAUCH, « Les usages du temps libre », in J.-P. RIOUX, J.-F. SIRINELLI (éd.), La culture de masse…, op.cit., p.378).
-
[101]
La démarche de Daniel ROCHE concernant la mobilité à l’époque moderne a été pour nous éclairante : Humeurs vagabondes, De la circulation des hommes et de l’utilité des voyages, Paris, Fayard, 2003 (p.44 pour la citation).
-
[102]
Sur la constitution d’un marché des biens symboliques, voir Pierre BOURDIEU,« L’économie des biens symboliques », chapitre 6 de Raisons pratiques, op.cit.
« Grâce au travail du père, on peut partir en excursion le dimanche avec Loisirs et Culture. Mais jamais moi :pas de taille, à ce qu’il paraît, à visiter des châteaux comme Chantilly, Fontainebleau ou même, se lever encore plus tôt, ceux des bords de Loire. C’est là que le Comité d’établissement de Renault emmène gentiment les ouvriers en autocar aux beaux jours, avec leurs familles.[…] Alors ces dimanches, toute la journée à les imaginer, dans leur car avec de l’ambiance et dans leur château, magnifique » [1].
1Les origines aristocratiques des pratiques touristiques, leur diffusion au sein des classes bourgeoises au cours du XIX e siècle et la fonction de distinction de ce tourisme des élites ont fait l’objet de nombreux travaux historiques [2]. En matière de tourisme populaire, les recherches sont plus limitées et souvent centrées sur la date mythique et inaugurale de 1936. Le dossier spécial du Mouvement social consacré aux congés payés publié en 1990 ne comprend qu’un seul article consacré à l’après-guerre (sur neuf), et sous l’angle des négociations collectives et de l’action législative plus que des pratiques [3]. Les ouvrages historiques apportant des éléments sur le tourisme populaire en France dans la deuxième moitié du XX e siècle sont rares et ne constituent pas des études portant spécifiquement sur la question [4]. Pourtant tous les travaux reconnaissent que les départs en vacances d’ouvriers furent très limités en 1936 et dans les années postérieures, même s’il n’existe de statistiques nationales précises relatives au tourisme qu’à partir de 1964 [5]. La « révolution estivale » évoquée par Antoine Prost, marquée par un développement large du tourisme dans toutes les couches de la population, ne s’accomplit donc qu’après-guerre, et elle est rendue possible par la forte croissance économique [6].
2Ce développement d’un tourisme populaire représente un des éléments de l’instauration d’une « société salariale » qui a connu son apogée au cours des Trente Glorieuses [7]. Selon R.Castel, cette société salariale, fruit d’un long processus, caractérisée par des protections nouvelles assurées ou garanties par un État social, correspond à un « irrésistible mouvement de promotion :accumulation de biens et de richesses, création de positions nouvelles et d’opportunités inédites, accroissement des droits et des garanties, multiplication des sécurités et des protections » [8]. L’accès au tourisme participe de cette « promotion », de ces « positions nouvelles » et « opportunités inédites »:la législation sur les congés payés et l’augmentation du pouvoir d’achat (grâce à la prospérité économique) se conjuguent pour entraîner un développement des vacances au sein des milieux populaires, même si les taux de départ des ouvriers et employés restent inférieurs à ceux des cadres et professions libérales. L’histoire du tourisme populaire après 1945, à la fois dans ses pratiques et dans ses organisations, est donc encore un chantier auquel il s’agit de participer ici, en centrant l’analyse sur les gains et les représentations symboliques qui lui sont attachés.
« TOURISME & TRAVAIL » OU LE TOURISME AU PRISME SYNDICAL
3De façon inattendue, compte tenu d’une tradition syndicale française davantage tournée vers les revendications que vers les services, les confédérations syndicales ont été un acteur important de cette histoire [9]. Envisager l’étude du tourisme populaire à travers le prisme syndical se révèle dès lors heuristique. Durant les Trente Glorieuses, en effet, les confédérations syndicales souhaitent répondre à l’essor d’un besoin nouveau pour les salariés, en mettant en place un dispositif vacancier appuyé sur des associations conçues pour s’adresser aux comités d’entreprise institués par l’ordonnance du 22 février 1945 [10]. Elles envisagent le tourisme dans une optique d’éducation populaire, et tentent de lui donner un sens dépassant la simple activité de loisir. L’association Tourisme & Travail, née en 1944, très proche de la CGT depuis la Guerre Froide, est parmi ces dispositifs syndicaux celui qui a le plus d’influence, du fait de l’hégémonie cégétiste dans de nombreux comités d’entreprise. Elle connaît un essor important à partir des années 1960 et dans les années 1970, avant de disparaître en 1985 à la suite de difficultés financières [11]. La CFTC, puis la CFDT après la scission de 1964, et la CGT-FO se réfèrent à cette association pour constituer leurs propres associations de tourisme [12]. La manière dont Tourisme & Travail envisage les vacances a donc eu une influence sur l’ensemble du mouvement syndical français.
4Les dirigeants de Tourisme & Travail sont issus de la CGT et nombre d’entre eux sont membres du Parti communiste français, malgré l’absence de liens directs avec ce parti. L’insertion de Tourisme & Travail au sein du « système d’action communiste », fût-elle spécifique et indirecte, a une influence sur son projet vacancier [13]. L’affirmation de la capacité des « travailleurs » à organiser leurs propres vacances, à travers les comités d’entreprise, constitue un élément d’un dispositif visant à affirmer la souveraineté du monde du travail et, partant, celle des organisations qui s’en font les porte-parole. L’accès aux vacances participe de la dignité ouvrière. Le tourisme d’éducation populaire préconisé par Tourisme & Travail est un moyen pour conduire les vacanciers, par les visites, ou par les articles de la revue éponyme, à la culture légitime, celle des œuvres d’art, des monuments, de la littérature ou des spectacles. Le rapport des dirigeants de Tourisme & Travail à cette culture est marqué par une forte ambiguïté, qui correspond à la conception développée au sein du PCF depuis les années 1930 [14]. Son accès limité pour les ouvriers est critiqué. En même temps, cette culture est dénoncée pour son caractère élitiste, au détriment d’une culture populaire qui serait plus authentique. Le rapport à la culture légitime, fait de révérence et de contestation, se situe ainsi dans une tension entre le légitimisme, soit la reconnaissance et la déférence vis-à-vis de la culture dominante traditionnelle, et le populisme, c’est-à-dire l’exaltation de l’autonomie d’une culture populaire et des capacités culturelles populaires [15].
5Le projet de Tourisme & Travail correspond donc à une déclinaison dans le secteur du tourisme de phénomènes plus larges : l’accès, dans le cadre de l’apogée de la société salariale, à de nouvelles positions et opportunités pour les classes populaires, et l’affirmation publique, portée notamment par des organisations politiques et syndicales, d’une fierté populaire centrée sur la figure de l’ouvrier d’industrie. L’association est un objet privilégié pour observer comment le tourisme, à travers la production d’un discours touristique par des élites militantes issues du syndicalisme, porteuses d’une représentation mythifiée du peuple, peut s’intégrer plus largement dans un projet social et politique. Ce discours se reflète dans la revue de l’association, tirée à plusieurs milliers d’exemplaires, présente sur les lieux de vacances et envoyée aux adhérents individuels de Tourisme & Travail ainsi qu’aux adhérents collectifs. Il transparaît aussi dans les documents internes de l’association, et dans le matériel public qu’elle utilise pour faire connaître son action et ses initiatives (brochures, catalogues, tracts, cartes postales).
6Tout au long des quarante années de son existence, la question de la légitimation du tourisme populaire a été au cœur de l’activité de Tourisme & Travail. Les couches populaires, tard venues au tourisme, souffrent d’un manque de légitimité par rapport aux vacanciers bourgeois, premiers à en définir les normes, accusés d’accaparer le tourisme et ses espaces privilégiés [16]. Tourisme & Travail tente d’y remédier en affirmant le droit des milieux populaires à accéder aux vacances légitimes, ces pratiques vacancières ayant elles-mêmes en retour une fonction légitimante. En tenant compte de la composition réelle du public de Tourisme & Travail, il s’agit d’observer ici comment ce discours se matérialise dans des activités, des pratiques et dans des lieux qui visent à constituer le tourisme en élément de distinction pour les milieux populaires. L’analyse des objectifs vacanciers d’une association de tourisme liée au mouvement syndical permet de comprendre comment elle participe à la fabrication du populaire et à la construction d’identités sociales.
LE PEUPLE SELON TOURISME & TRAVAIL, UNE DIMENSION PERFORMATIVE
L’unité populaire réalisée par les vacances
7Le peuple selon Tourisme & Travail s’ancre dans l’idée d’un futur messianique, dans lequel « il n’y aura plus d’exploitation de l’homme par l’homme » grâce au progrès technique [17]. Tourisme & Travail souhaite préparer ce futur en donnant « à la classe ouvrière la culture nécessaire à son rôle de demain » [18]. Une certaine vision du peuple en découle, celle qui structure la société selon les catégories populaires du « eux » et du « nous » [19].« Eux », ce sont les élites, les riches, ceux qui bénéficient des vacances depuis longtemps, et sont présentés comme voulant se réserver ce privilège. Le « nous » de Tourisme & Travail est celui des travailleurs, notion dont le flou permet d’englober diverses catégories sociales, même si sa coloration ouvrière est nette. Il est celui d’un peuple victime des manœuvres des puissants, peuple à la fois pauvre et digne, fondamentalement bon, aux solides vertus basées sur la mesure, le bon sens et le courage. Ses qualités rendent le projet d’un tourisme populaire non seulement possible mais nécessaire.
8Les vacances populaires prônées par Tourisme & Travail ont une vertu performative :l’objectif est de faire advenir ce qui est nommé, en donnant une définition du public auquel l’association s’adresse. En définissant ce public souhaité, les dirigeants de Tourisme & Travail délimitent une « combinaison populaire » large à travers l’usage du terme « travailleurs » [20]. L’union et la rencontre dans les vacances et dans la revendication des vacances sont censées célébrer une communauté d’intérêts entre des fractions larges de la population. On retrouve les mécanismes décrits par Edward Thompson à propos de la notion d’expérience de classe :« La conscience de classe est la manière dont ces expériences se traduisent en termes culturels et s’incarnent dans des traditions, des systèmes de valeurs, des idées et des formes institutionnelles » [21]. Tourisme & Travail est une de ces formes culturelles, de ces institutions, à travers lesquelles les dirigeants syndicaux et les dirigeants communistes tentent d’incorporer une « conscience de classe ». Le public vacancier idéal que les dirigeants de Tourisme & Travail souhaitent faire advenir en le nommant, en le décrivant, en le définissant, correspond à la classe et à la conscience de classe qu’ils veulent construire. Le système de représentations des dirigeants de Tourisme & Travail recouvre un enjeu social et politique où se rencontrent représentation imaginée et public réel de l’association. Les productions symboliques visant à définir ce public apparaissent comme la déclinaison vacancière d’une représentation du peuple forgée au sein du mouvement syndical et communiste, notamment dans les années 1930 à la suite des grandes grèves qui ont marqué les débuts du Front populaire. Des années 1950 à 1980, le « peuple de Tourisme & Travail » correspond donc à un modèle qui préexiste à l’association et ne s’y réduit pas.
9Les vacances selon Tourisme & Travail ont pour objectif de réaliser « la fraternité du monde des travailleurs » en « créant les contacts entre travailleurs de tous milieux, venus de la ville ou venus de la campagne » [22]. Jean Faucher, président de l’association à partir de 1972, précise que « les loisirs portent en eux les bases de l’unité des travailleurs. Tourisme & Travail se doit d’en être le reflet et l’expression » [23]. Ce sont donc des objectifs directement politiques ou syndicaux qui sont assignés aux vacances.
L’indéniable mobilisation vacancière d’un public populaire
10Les données statistiques dont nous disposons attestent un certain succès de Tourisme & Travail dans son entreprise de mobilisation vacancière d’un public populaire. Les premiers chiffres précis sont issus de rapports des préfets, suite à une directive ministérielle de 1969 visant à établir la population des centres de vacances [24]. Les chiffres ne concernent pas seulement Tourisme & Travail mais également d’autres associations de tourisme social. Collectés à partir des données fournies dans une petite quarantaine de villages par les directeurs ou les dirigeants des associations, ils se caractérisent par un déséquilibre selon les organisations :dix-huit centres de Tourisme & Travail, cinq de l’OCCAJ (Organisation centrale des camps et des activités de jeunesse) et trois de Renouveau, associations liées à la CFDT, dix-sept pour VVF (Villages vacances famille). L’échantillon est limité mais semble représentatif, de l’ordre de 10 %, puisqu’en 1973, selon les rapports des préfets,318 villages couvrent le territoire. La catégorie « ouvriers » n’est cependant pas détaillée, ce qui ne permet pas une analyse fine entre ouvriers qualifiés et spécialisés, et les vacanciers sont répartis dans des catégories larges.
Répartition par CSP des usagers des centres de quatre associations de tourisme social en 1973
Répartition par CSP des usagers des centres de quatre associations de tourisme social en 1973
11Les résultats de l’enquête, synthétisés dans le document 1, font apparaître une nette spécificité de Tourisme & Travail. Les catégories des ouvriers et des employés y sont largement plus représentées que dans les centres des autres associations.À l’inverse, les catégories moyennes et surtout supérieures sont absentes. Des disparités statistiques existent entre les centres de l’association, preuve d’une certaine spécialisation en fonction du type de public accueilli, sans doute selon les tarifs pratiqués ou les entreprises concernées. Ces précisions nuancent mais ne remettent pas en cause la composition populaire du public des centres de Tourisme & Travail, notamment la forte représentation des ouvriers.
12Au cours des années 1970, les statistiques, plus nombreuses, confirment les enseignements des rapports préfectoraux. Dès 1972,Tourisme & Travail publie des chiffres tirés des fiches remplies par les vacanciers. Le dépouillement de 2043 fiches remplies dans quinze villages-vacances donne le résultat suivant : 29 % d’employés, 22 % d’ouvriers professionnels, 6 % d’ouvriers spécialisés, 5 % d’enseignants,4,5 % d’agents de maîtrise [25]. La proportion d’OS par rapport aux ouvriers qualifiés, dans une des seules séries statistiques qui apporte cette précision, laisse apparaître une nette surreprésentation des franges supérieures du monde ouvrier.
13Les textes de congrès se félicitent de la proportion très importante de membres des catégories populaires parmi les vacanciers. En 1976, dans onze villages de vacances « pouvant être considérés comme le haut de gamme », la répartition des catégories socioprofessionnelles est la suivante : 58,6 % d’ouvriers et employés, 26,3 % de techniciens, cadres et professions libérales, 6,3 % d’enseignants et étudiants,1,8 % d’artisans et commerçants,7 % sans profession [26]. Les catégories utilisées ne correspondent pas à celles de l’INSEE mais plutôt aux représentations du monde social de Tourisme & Travail. Les employés et les ouvriers y sont mêlés, et l’objectif principal est d’attester la présence massive des catégories populaires, confondues, dans des villages « haut de gamme ». Les 7 % sans profession sont sans doute en partie des femmes. Enfin, les enseignants et les étudiants sont classés dans la même catégorie, considérés comme des travailleurs intellectuels dans les représentations de l’association, alors que les enseignants devraient être rangés parmi les cadres. Le congrès de 1980 fournit des statistiques plus détaillées et plus précises, permettant d’établir la répartition par CSP dans les centres de vacances en France (document 2).
Les CSP des vacanciers de Tourisme & Travail,1977-1978
Les CSP des vacanciers de Tourisme & Travail,1977-1978
14Au milieu et à la fin des années 1970, si l’on se fie à ces statistiques, le public de Tourisme & Travail reste populaire par rapport à celui de la fin des années 1960. La proportion d’employés semble toutefois avoir dépassé celle des ouvriers, peut-être du fait de la croissance du secteur tertiaire et d’une certaine désindustrialisation. Des disparités restent clairement visibles selon les centres et les périodes de l’année. L’hiver, la proportion d’ouvriers dans les centres de Tourisme & Travail ne dépasse pas les 20 % et parfois même pas 10 %, alors que celle des employés reste élevée, entre 30 et 45% [27]. Tourisme & Travail n’échappe donc pas aux déterminismes sociaux qui affectent le tourisme dans son ensemble, même si elle parvient à en limiter les effets. La composition populaire du public à l’étranger est aussi attestée [28].
15Composé majoritairement d’ouvriers et d’employés de la fin des années 1960 aux années 1980 (même si la répartition entre ces deux catégories varie), le public de Tourisme & Travail correspond à l’idéal d’encadrement populaire de l’association et à la constitution d’un entre-soi vacancier. Le caractère ouvrier de sa clientèle, établi par l’analyse des CSP individuelles, serait apparu sans doute écrasant si les individus avaient été classés suivant la CSP du chef de ménage, compte tenu du caractère familial des vacances de Tourisme & Travail, et de la fréquence des couples ouvrier-employée en milieu populaire [29]. L’imprécision des sources ne permet cependant pas un décompte précis des différentes strates populaires présentes dans les centres, même si les ouvriers qualifiés, groupe central de la classe ouvrière des Trente Glorieuses, public privilégié de la CGT et du PCF, semblent davantage représentés que les ouvriers spécialisés. Si Tourisme & Travail touche les catégories populaires, il est difficile de savoir exactement si certaines catégories, parmi lesquelles les plus fragiles économiquement, ne sont pas privées du bénéfice de ses vacances et des mécanismes de promotion de la société salariale (nous sommes ici dans l’ordre de l’hypothèse et des indices). En somme, plus que les vacances du secteur marchand ou d’autres organisations, celles de Tourisme & Travail sont véritablement des vacances populaires, mais elles ne touchent pas forcément les fractions les plus démunies des couches populaires. Cette surreprésentation des ouvriers qualifiés est masquée, dans le discours et dans les activités de Tourisme & Travail, par la mise en avant d’une combinaison populaire réunissant « travailleurs manuels et intellectuels ». Jusqu’aux années 1980, elle est présentée comme « victime » des politiques économiques et de tourisme des pouvoirs publics [30]. Tourisme & Travail, « grande et belle association de tourisme social » [31], est dès lors la porte-parole des vacanciers populaires et même de ceux qui ne partent pas en vacances mais souhaiteraient le faire. Dans la mise en scène de son opposition aux pouvoirs publics nationaux, Tourisme & Travail adopte à la fois une posture de victime et celle de garant des intérêts des Français, tendant à identifier la position de l’organisation avec celle des vacanciers populaires qu’elle est censée représenter. Dès lors, les gains symboliques des vacances proposées doivent pallier cette position dominée. Les gratifications offertes par le tourisme correspondent à l’idéal d’un accès égal aux ressources touristiques des élites, dans un effort de réappropriation des thèmes et des lieux caractéristiques du tourisme des dominants.
LES VACANCES DES ÉLITES À LA PORTÉE DE TOUS
16À travers la mise à disposition pour les touristes de lieux de prestige et de lieux de l’entre-soi, Tourisme & Travail vise à faire du tourisme un moyen pour doter les vacanciers populaires de représentations valorisantes de leur catégorie sociale. Ces différents objectifs sont remplis avec un succès inégal. Il ne s’agit pas ici d’en évaluer la portée en termes de réception des pratiques mais de mesurer les ambitions de l’association et les dispositifs, discursifs et matériels, mis en œuvre pour garantir leur réussite [32].
Développer des activités de prestige
17En 1956, dans Les Copains du dimanche, un film d’Henri Aisner, commandé au réalisateur par la CGT, de jeunes ouvriers métallurgistes ont le désir de « voler de leurs propres ailes »en fondant un aéro-club, « un truc chouette qui ferait passer vite les six jours de boulot », selon les termes du fraiseur Trébois, joué par Jean-Paul Belmondo [33]. Grâce au soutien du comité d’entreprise et des syndicats, ils mènent à bien ce projet et conquièrent le droit de voler, au même titre que les jeunes bourgeois d’un aéro-club commercial entrevus au début du film. Cette appropriation populaire d’un loisir bourgeois entre en résonance avec les objectifs de Tourisme & Travail. Le dénigrement du tourisme des plus aisés, du « privilège des snobs », n’est pas incompatible pour l’association avec l’idée d’une démocratisation de certaines pratiques [34]. Offrir prestige et confort permet à une organisation liée au mouvement syndical de faire la preuve de la capacité du monde ouvrier à accéder par ses propres moyens, sans paternalisme patronal, à des avantages matériels.
18Une partie du travail de propagande de l’association consiste à affirmer la légitimité populaire à pratiquer certaines activités, en passant outre l’obstacle financier. Il s’agit de permettre « la pratique de sports considérés autrefois comme des sports “réservés”» [35]. L’adjectif populaire est accolé à des sports qui traditionnellement ne le sont pas : « Le ski, un sport populaire », titre ainsi en 1949 la revue Tourisme & Travail.Équitation, croisières, voile :par ses réalisations, Tourisme & Travail se flatte de faire accéder à ces activités un public inhabituel. En se mettant « à l’heure du grand galop », l’association permet au cheval de ne pas être seulement un « instrument de parade et de luxe », l’équitation étant auparavant réservée à une élite. Elle cherche à « démontrer que l’équitation peut être un sport populaire » [36]. En matière de voile, certains centres de vacances, comme celui d’Audierne, offrent la possibilité d’une initiation. Au Havre, le CNPH, Club Nautique Populaire Havrais, est créé par Tourisme & Travail et trois comités d’entreprise. L’association et les CE achètent six bateaux, et « des copains passent le CAEV (certificat d’aptitude à l’enseignement de la voile)», avec une volonté claire de se démarquer de la SRH (Société des régates havraises) et de la SNH (Société nautique havraise), autres associations de voile de la ville qualifiées de « clubs d’élite » [37]. Claude Petit, responsable local de Tourisme & Travail, inscrit la création de ce club nautique populaire dans l’effervescence de l’après-68. L’initiative semble couronnée de succès, puisque sept nouveaux comités d’entreprise se joignent à l’initiative et que le nombre de bateaux passe à vingt-quatre. L’accès à des activités de prestige reste associé à une certaine simplicité puisque les réparations des bateaux sont assurées par des adhérents. Même les six cents « croisiéristes inhabituels » qui s’offrent, grâce à Tourisme & Travail, la croisière Marseille-Casablanca sur le Massalia, sont vus par le commandant comme des « gens différents » qui, au contraire des abonnés habituels luxueux, s’intéressent à «[leur] travail, à [leur] vie de marin » [38]. Les délégués CGT du personnel hôtelier et les hommes de la machine sont d’ailleurs également invités à s’exprimer par Tourisme & Travail. En 1975, soixante-seize comités d’entreprise participent à l’opération, semblant démontrer que « tout est possible ». Les croisières populaires sont vues comme une preuve qu’en matière de tourisme social,« le vieux rêve a pris corps » [39].
19Dans la plupart des cas, ces pratiques prestigieuses sont pourtant limitées : la voile ou l’équitation restent des exemples très localisés dans quelques centres ou associations locales, pour un nombre réduit de participants. Tourisme & Travail se félicite que des ouvriers de l’usine BSN-Gervais-Danone, située près de Saint-Étienne, découvrent l’équitation : mais ils ne sont que quatre, accompagnés par un étudiant [40]. Ces pratiques ont avant tout une fonction symbolique, il s’agit de prouver la possibilité pour des vacanciers populaires d’y accéder, en valorisant des exemples pourtant rares. Pendant la croisière Marseille-Casablanca, la présence à bord d’une dizaine de journalistes confirme cette fonction d’affichage, même si elle n’est pas exclusive [41]. Ils appartiennent surtout à la presse syndicale, avec La Vie ouvrière, ou communiste, avec L’Humanité et L’Humanité dimanche, ou à l’AFP. Les reportages éventuels dans la presse syndicale ou communiste contribuent à la construction de la dignité du groupe tout entier à partir de l’exemple de quelques vacanciers. Le ski doit cependant être distingué d’autres activités, même s’il participe des mêmes fonctions symboliques. En effet, sa pratique a connu avec Tourisme & Travail une diffusion sans commune mesure avec celle de l’équitation ou de la voile.
L’exemple du ski populaire
20Le 11 décembre 1971, trois cents skieurs lyonnais, issus des comités d’entreprise de la ville, partent avec Tourisme & Travail à La Plagne dans un « train charter » [42]. Cette opération est un succès pour une association qui souhaite ne pas « abandonner les stades de neige aux promoteurs et aux privilégiés de la fortune », « leur disputer chaque perche, chaque télécabine […] au nom des droits du peuple tout entier à disposer d’espace, de soleil, d’air pur régénérateur » [43]. Cet exemple n’est pas isolé : en 1973, les associations locales ou unions départementales de Tourisme & Travail (à Saint-Étienne, Grenoble, Chambéry, Lyon, et dans le Rhône) organisent des séjours semblables, même si le nombre de travailleurs qui partent chaque week-end varie [44]. Dans ce domaine, Tourisme & Travail est parvenue à développer cette conception d’activités de prestige mises au service de tous.À partir de la fin des années 1950, les thèmes de la « neige pour tous » ou du « ski pour tous » font florès dans le vocabulaire et les activités de l’association [45]. Cette idée n’est pas nouvelle : un film de 1937, consacré aux Auberges de jeunesse, commandé par le secrétariat d’État aux Loisirs et aux Sports de Léo Lagrange, vantait déjà les attraits du ski populaire [46]. Par l’accès aux vacances de neige, Tourisme & Travail souhaite permettre à ses vacanciers d’accomplir un acte pionnier, dans un domaine où l’accent a été « mis depuis trop longtemps sur le fait que la montagne et le ski sont réservés à une “élite” d’argent » [47].
Entre jeu de mot et oxymore, l’affichage d’une «équitation équitable» en une de Tourisme & Travail joue sur la volonté d’une diffusion de cette activité dans les milieux populaires alors qu’elle est une pratique distinctive des élites sociales.
Entre jeu de mot et oxymore, l’affichage d’une «équitation équitable» en une de Tourisme & Travail joue sur la volonté d’une diffusion de cette activité dans les milieux populaires alors qu’elle est une pratique distinctive des élites sociales.
21De fait, au début des années 1970, le ski alpin est encore une pratique sportive où les cadres supérieurs, patrons et professions libérales sont largement surreprésentés [48]. Cette situation perdure d’ailleurs encore au milieu des années 1980 [49]. Les inégalités socioprofessionnelles de départ en vacances d’hiver sont encore plus fortes que pour les vacances d’été [50]. Entre le 1er octobre 1972 et le 30 septembre 1973,11,3 % des professions libérales et cadres supérieurs sont allés aux sports d’hiver contre 3,6% des employés et 1,9% des ouvriers et personnels de service. Les vacances à la neige apparaissent comme des vacances complémentaires, d’appoint, par rapport à celles d’été, et concernent moins de ménages populaires. Même chez ceux qui partent, les vacances sont loin d’être synonymes de sports d’hiver. Dans une publicité de Tourisme & Travail parue en 1969, le « premier pas sur la neige inconnue » des vacanciers populaires est comparé sans hésitation au « premier pas sur la lune » comme symbole d’une « vie nouvelle », celle des « vacances d’hiver ». L’image du premier pas sur le sol lunaire mise en parallèle avec celle du premier pas sur la neige n’obéit pas seulement à une logique de ressemblance entre les deux empreintes :l’entreprise de conquête de la lune a constitué l’enjeu d’une lutte de prestige, dans le cadre de la conquête spatiale, entre les États-Unis et l’URSS. De la même manière, la conquête des vacances d’hiver par les classes populaires, si elle n’est pas à proprement parler une lutte sociale, est « une bataille à gagner » [51]. Les bénéfices symboliques qui en sont retirés, l’accès à des expériences nouvelles qui « permettent à ceux qui n’ont pas les revenus nécessaires de faire “comme si” et d’aligner leurs plaisirs sur ceux des couches supérieures de la classe moyenne » [52], sont disponibles à moindre frais pour l’association. Organiser des vacances au ski ne requiert pas d’aller à l’étranger, et la formule des vacances à la neige autorise des week-ends de découverte, notamment pour les villes situées non loin des pistes de neige, comme dans la région lyonnaise. La courte durée permet de proposer des tarifs moins élevés. Pour ces week-ends, il est possible d’organiser des départs en car, avec l’économie potentielle d’une ou deux nuits passées dans le car pendant le voyage. Rien d’étonnant dès lors à ce que la pratique du ski soit une des premières activités de ce type proposée aux vacanciers de Tourisme & Travail.
22Dans sa défense du ski populaire, Tourisme & Travail s’oppose à ses deux adversaires favoris, les pouvoirs publics et le secteur marchand, accusés de négliger, voire mépriser le tourisme social, en défendant les privilèges d’une minorité aisée. L’association adopte une posture déjà éprouvée en d’autres occasions. Elle dénonce les discriminations, la « ségrégation » [53], dont seraient victimes les catégories populaires, et se fait en même temps la représentante des intérêts de l’ensemble de la population contre une minorité. Les principales stations françaises sont passées en revue afin de démontrer la mainmise financière qui règne sur elles [54]. À Megève, c’est le « fastueux Edmond de Rothschild », « acheteur de montagnes, bâtisseur de palaces, organisateurs de “nuits” mirobolantes » en présence de « M. Pompidou, la princesse Rispoli, la princesse de Croy (Son Altesse Sérénissime), Mazotto, roi du textile italien », et à Courchevel le « groupe pieds-noirs Jansol », qui s’intéressent aux pentes neigeuses. La présentation ironique et faussement révérencieuse des intéressés, en insistant sur leurs titres, est l’occasion de souligner leur étrangeté sociale et pour certains nationale, par rapport au public de Tourisme & Travail. Contre la cible d’une « clientèle riche ou très aisée », composée notamment de « skieurs nordiques », Tourisme & Travail défend des « équipements moyens souvent réclamés par les communes et par les skieurs eux-mêmes » [55].
23Outre ses adversaires traditionnels, Tourisme & Travail doit aussi convaincre ses partenaires habituels, les comités d’entreprise, de l’intérêt du ski populaire. L’association est en effet confrontée à une contradiction, relative à la diversité du public auquel elle s’adresse. Pour une frange du public ouvrier, le ski et les vacances à la neige correspondent à de nouvelles aspirations, de nouveaux désirs liés notamment au fait que le ski est « un sport à la mode » [56]. En même temps, une partie des comités d’entreprise ne considère pas les vacances d’hiver comme une priorité, préférant concentrer leurs revendications sur une quatrième semaine de vacances l’été. Tourisme & Travail doit à la fois convaincre les réfractaires que les vacances à la neige constituent un besoin, pas un luxe, et proposer aux convaincus des formules propres à les satisfaire.
24En direction des premiers, l’association défend les vacances d’hiver populaires. L’alpiniste Guido Magnone, membre de l’UNCM (Union nationale des centres de montagne), et auteur de plusieurs ascensions spectaculaires, affirme du haut de sa position de professionnel de la montagne que le ski n’est pas réservé aux classes aisées [57]. Les avantages supposés en matière de santé constituent un argument car « les fins de semaine en montagne permettent d’échapper au brouillard des villes » [58]. Tourisme & Travail évoque « l’action sédative sur le système nerveux du travailleur astreint aux dures lois de la production, fournie par deux jours passés dans un univers reconstituant ». Ce type d’argument médical sur « l’air sain des sommets » correspond aux justifications hygiénistes des premiers amateurs de montagne, bourgeois et aristocrates du XIX e siècle, mais dans une version remaniée, puisqu’elles ont été vulgarisées, intégrées au bon sens populaire et en même temps modernisées par l’emploi d’un nouveau vocabulaire médical [59]. La mise en œuvre d’une pédagogie des sports d’hiver va de pair avec cette volonté de diffusion des vacances au ski, alors qu’elles ne constituent pas une habitude populaire. Les conseils prodigués, notamment par un « montagnard de grande classe », alpiniste et skieur, Jean Bruneau, visent à instruire les vacanciers sur le savoir-vivre et le matériel du skieur [60].
25Les séjours à la neige proposés par Tourisme & Travail ont été capables de séduire des vacanciers populaires qui ne seraient sans doute pas partis sans l’association. Pierre-Yves L., ouvrier à l’Arsenal de Lorient, raconte avec émotion :
« On partait le vendredi soir dans la nuit, on arrivait très tôt le matin là-bas, on chaussait les skis, on essayait d’en faire quand on était débutant […]. Le samedi soir il y avait une sortie, une soirée dansante, le lendemain re-ski, on reprenait le car le soir pour rentrer aux aurores sur Lorient. C’était des week-ends très éprouvants surtout quand il fallait reprendre le travail le lundi matin. Mais c’était des week-ends très à la mode. Sur un week-end, avec les amis de Tourisme & Travail, on avait dénombré soixante et onze cars en même temps » [61].
27Cette description révèle les ambiguïtés de la politique de Tourisme & Travail en ce qui concerne les sports d’hiver. Leur caractère « très à la mode » permet à l’association d’être en pointe des désirs de certains adhérents, et les séjours connaissent un indéniable succès auprès d’une partie de son public vacancier; leurs conditions éprouvantes limitent néanmoins ce type d’activités essentiellement aux plus jeunes, comme Pierre-Yves L., âgé d’une trentaine d’années à l’époque. Une partie des ouvriers reste indubitablement exclue des loisirs à la neige proposés par l’association. En 1963, un délégué du comité d’entreprise Chausson l’avoue :
« Nous ne touchons absolument pas les ouvriers travaillant sur les chaînes; à cause des prix d’une part et, d’autre part, parce que notre organisation de sports et loisirs n’est pas très connue de ces gars-là : ils sont constamment pris par leur travail et n’ont pas la possibilité, comme ceux de certains ateliers de fabrication par exemple, de parler entre eux; ils sont donc très difficiles à contacter » [62].
29Ce constat confirme l’hypothèse émise au regard des données statistiques, celle d’une association centrée sur l’élite ouvrière des ouvriers qualifiés.
30À la fin des années 1950 et au début des années 1960, être en mesure d’organiser des vacances à la neige et de proposer la pratique de sports d’hiver revêt, pour Tourisme & Travail, une signification particulière. Ces activités permettent de satisfaire les aspirations des franges plus jeunes, plus sportives, ou plus avides de sensations, du monde ouvrier, en essayant d’attirer de cette manière une nouvelle génération ouvrière vers l’association.À Lyon, les jeunes souhaitent le développement des activités de ski car « leurs goûts et leurs besoins diffèrent de ceux des adultes » [63]. Ce sont eux qui participent à la commission ski de Tourisme & Travail. Le ski permet d’apparaître comme une association « dans le coup », sachant s’adapter à de nouveaux désirs et besoins au même titre que ses concurrents marchands. Les vacances à la neige jouent un rôle important pour l’image de marque de l’association, que ce soit en direction des comités d’entreprise ou des usagers, même si tous n’en bénéficient pas. En 1959, dans la délégation de Lyon,68 adhérents sur 1141 s’intéressent spécifiquement aux activités de ski, mais malgré son aspect minoritaire, cette activité est mise en valeur par les responsables de l’association [64]. Comme pour les autres activités de prestige, la dimension symbolique est prépondérante, mais elle s’amenuise au cours des années 1970, à mesure que les séjours au ski deviennent une pratique moins exceptionnelle en milieu populaire.
ACCÉDER À DES ESPACES D’HONNEUR
31En juin 1960, à l’occasion de la date anniversaire du Front populaire, Tourisme & Travail publie une photo du député communiste Virgile Barel en 1936, le poing levé, avec en guise de légende : « Le Front populaire abolit ce privilège :la Côte d’Azur réservée aux riches » [65]. Cette idée d’abolition des privilèges vacanciers se décline par la prise de possession de lieux symboliques, comme les châteaux, symboles même de la domination sociale et du prestige [66]. Tourisme & Travail récuse toute forme de ségrégation spatiale, toute « répartition géographique des clientèles » visant à « développer le tourisme social là où il existe et améliorer le tourisme traditionnel dans les stations dignes de ce nom […]:les riches dans les Alpes […] et sur la Côte d’Azur; les travailleurs dans le Massif Central et sur les rivages à moustiques » [67]. La volonté d’appropriation de lieux symboliques pour y organiser les vacances des travailleurs relève de la constitution de ce que Michel Verret appelle des « espaces d’honneur » de la classe ouvrière, qui permettent d’annuler « les images dont [les classes populaires] étaient d’abord affectées par la réprobation ou l’inattention publiques » [68]. Les espaces d’honneur de Tourisme & Travail jouent sur le détournement des lieux pour un usage populaire ou sur la mise en place de lieux autonomes reposant sur la volonté des comités d’entreprise. Dans les deux cas, il s’agit de démontrer la force des catégories populaires, de signifier leur capacité à affirmer leur souveraineté dans des lieux et des fonctions auparavant réservés aux élites. La création de centres de vacances propres à Tourisme & Travail et aux comités d’entreprise est une manière de constituer de tels espaces d’honneur, fondés ici sur la capacité des militants ouvriers à posséder leurs propres lieux de vacances collectives.
32En matière de constitution de centres, l’association n’est pas en retard sur le tourisme marchand, notamment par rapport au Club Méditerranée, créé au milieu des années 1950 [69]. En 1961, le congrès de Tourisme & Travail proclame la nécessité absolue d’un « développement quantitatif et qualitatif des centres populaires de vacances », qui existent déjà parmi les réalisations de l’association [70]. De tels centres présentent plusieurs avantages par rapport à un hébergement en hôtel. Le premier est celui du prix, faible à long terme même si un investissement immédiat est nécessaire. D’autre part, la possession d’un centre de vacances permet à Tourisme & Travail et aux comités d’entreprise d’en choisir la clientèle et d’y développer leur propre animation, sans se limiter à offrir le gîte et le couvert. Enfin, les centres sont une preuve matérielle de la force des comités d’entreprise, de leur capacité à se doter de leurs propres infrastructures de vacances. Pour Tourisme & Travail, de tels villages de vacances doivent être indépendants de toute ingérence de l’État, car « la classe ouvrière doit en assumer seule la conception, la direction et la gestion » [71]. Pour ce faire, l’association constitue, avec les comités d’entreprise investisseurs, des Sociétés civiles immobilières (SCI), dont elle possède la majorité des parts; sans se priver toutefois de demander, et d’obtenir parfois, des subventions publiques. Le nombre de villages de vacances de l’association passe d’une vingtaine au milieu des années 1960 à plus de soixante-dix au début des années 1980, répartis dans toute la France mais surtout sur les zones littorales. En 1965, le nombre de journées passées dans des centres de vacances par les usagers de Tourisme & Travail s’élève à plus de 300000 et il augmente sans doute dans la décennie suivante, même s’il n’est plus comptabilisé de manière spécifique [72].
33Les centres de vacances sont créés « par des travailleurs », « pour des travailleurs », et à ce titre ils constituent bien des « espaces d’honneur ». Tourisme & Travail se conçoit comme un « foyer de coordination de ce réseau important de réalisations touristiques, organisateur d’activités bien conçues et de qualité » [73]. Le caractère collectif de ces vacances est un élément « prédisposant naturellement à l’unité des travailleurs » [74]. Les prétentions culturelles et d’animation de Tourisme & Travail font des centres, selon ses dirigeants, l’antithèse des centres du Club Méditerranée, beaucoup plus sélectifs socialement et voués à la distraction. Les villages, à travers des vacances destinées en priorité aux « travailleurs », prouvent que les milieux populaires sont capables, à l’instar des élites, de se doter de lieux de l’entre-soi. Dans ses colonnes,Tourisme & Travail assure que les adhérents partent « pour le besoin de connaître et de se reconnaître plus profondément que par un collier de fleurs ». Le magazine s’appuie sur le témoignage d’un adhérent, attaché à Tourisme & Travail « pour l’ambiance, pour l’amitié » et parce qu’il y « retrouve des gens de [s]on milieu » [75]. L’analyse des pratiques en cours dans les centres montre que cet entre-soi correspondant à un ethos populaire et les objectifs de distraction ont bel et bien primé sur la volonté d’éducation populaire prônée par l’association [76].
34À travers la constitution d’« espaces d’honneur », Tourisme & Travail s’efforce également de démontrer que grâce à elle, ses usagers accèdent à des vacances exceptionnelles qu’ils ne seraient pas en mesure de se payer autrement. Le séjour dans le centre de l’Ile de Ré constitue selon Raymond Derat, responsable de Loisirs et Culture aux usines Renault, une « forme idéale de vacances pour les travailleurs », parce qu’en trois semaines de séjour les adhérents de Tourisme & Travail « ont acquis ce qu’ils ne peuvent demander à la vie courante ». Pierre Le Hegarrat, de la SNECMA, parle d’une « chance inespérée, un mode de vacances inespéré » pour la plupart des ouvriers [77]. Cette « chance » repose en partie sur l’accès à des sites prestigieux traditionnellement dévolus, dans les représentations de Tourisme & Travail, aux vacances des élites sociales.
La publication de plans des centres et des logements constitue un gage de sérieux pour Tourisme & Travail.Il atteste une prise de possession symbolique de l’espace touristique par l’association et, partant,par les comités d’entreprise
La publication de plans des centres et des logements constitue un gage de sérieux pour Tourisme & Travail.Il atteste une prise de possession symbolique de l’espace touristique par l’association et, partant,par les comités d’entreprise
Durant la décennie 1970,Tourisme & Travail mène une bataille,en lien avec la municipalité locale
Durant la décennie 1970,Tourisme & Travail mène une bataille,en lien avec la municipalité locale
35Tourisme & Travail revendique ainsi l’usage des sites balnéaires et de sports d’hiver les plus reconnus. Pour le ski, l’association met un point d’honneur à permettre aux travailleurs d’accéder aux « stations dignes de ce nom », à faire en sorte que la Savoie ne soit pas réservée aux « palaces » [78]. Les courriers d’adhérents publiés se félicitent qu’avec deux hôtels loués par Tourisme & Travail à Courchevel, l’association mette une « station d’élite » à la portée de tous [79]. Cette appropriation de lieux touristiques prestigieux par une association au public populaire comporte une dimension de revanche sociale. La célèbre station balnéaire de Juan-les-Pins est ainsi un lieu de villégiature où « les travailleurs sont maintenant chez eux », alors que ce nom évoque plutôt aux adhérents de l’association « le rendez-vous des riches multimillionnaires lézardant sur le sable des plages, s’ébattant dans la “grande bleue”, se dorant au soleil de la Côte d’Azur ou se promenant le soir, grisés par la brise marine et éblouis par les lumières multicolores de la ville se reflétant dans l’eau » [80]. Ce portrait grandiloquent du site permet de mieux souligner comment, grâce à Tourisme & Travail, les travailleurs peuvent désormais « goûter à tous ces plaisirs jusque-là réservés aux riches » et « profiter de ce coin de France ». En accédant aux sites prestigieux, les adhérents s’approprient la majesté des lieux. L’hôtel de l’association à Chamonix ne peut être que « du grand style »,« imposant, majestueux, solide comme le granit dont ses murs sont faits » et « tout, à l’intérieur, a été pensé pour mener la vie de château » [81]. On insiste ici sur le « style solennel et grandiose de décoration » [82], propre à susciter l’admiration de vacanciers populaires. Le bar y est « moderne, accueillant, orné avec goût » [83]. Solidité et modernité sont une garantie de conditions matérielles vraiment satisfaisantes, sans tomber dans un luxe associé par Tourisme & Travail au vice supposé des classes supérieures.
36Les paysages de vacances relèvent aussi de l’exceptionnel. Il y a bien sûr une part de clichés et de publicité touristique, mais s’y ajoute la volonté de démontrer que les « travailleurs » ont désormais droit aux plus beaux sites. Le « cadre naturel extraordinaire » de l’Ile de Ré « offre tout son corps lascif à la houle et au vent de l’Atlantique » [84]; ses « étranges parfums de terre et d’eau font comparer Carnon à une “Floride française”» [85]; l’hôtel de Cogolin est niché dans le « cadre enchanteur du golfe » de Saint-Tropez [86]. Derrière ces accents lyriques, les rédacteurs de Tourisme & Travailproposent à leurs lecteurs une manière de lire le paysage et d’en exprimer la beauté, empruntant aux formes classiques du récit de voyage et à ses poncifs, vulgarisés notamment depuis les années 1930 par le biais de l’institution scolaire [87]. Le style des descriptions emprunte aux formes les plus légitimes de rédaction des voyageurs bourgeois, le sublime des paysages étant un moyen de persuader les usagers que leurs vacances ne sont pas au rabais. Enfin, le mode de transport utilisé constitue également un élément de valorisation des espaces :les voyages permettent ainsi à « de très nombreux travailleurs de prendre l’avion pour la première fois » [88]. C’est le cas pour Pierre-Yves L. :
Sur cette photographie apparaissent plusieurs éléments qui constituent l’identité de Tourisme & Travail. Le groupe au premier plan,assis sans façons dans l’herbe,représente la camaraderie qui a cours dans les centres de vacances.Derrière eux,un autre type de sociabilité populaire,avec les joueurs de boules,torses nus,en marcel ou en short,dans une attitude relâchée et décontractée.À l’arrière-plan, enfin,se détache la silhouette forcément majestueuse de l’hôtel
Sur cette photographie apparaissent plusieurs éléments qui constituent l’identité de Tourisme & Travail. Le groupe au premier plan,assis sans façons dans l’herbe,représente la camaraderie qui a cours dans les centres de vacances.Derrière eux,un autre type de sociabilité populaire,avec les joueurs de boules,torses nus,en marcel ou en short,dans une attitude relâchée et décontractée.À l’arrière-plan, enfin,se détache la silhouette forcément majestueuse de l’hôtel
Le village de toile de Juan-les-Pins,avec son ordonnancement bien agencé de tentes, et quelques bâtiments en dur.Si le site est prestigieux,le mode d’hébergement reste modeste
Le village de toile de Juan-les-Pins,avec son ordonnancement bien agencé de tentes, et quelques bâtiments en dur.Si le site est prestigieux,le mode d’hébergement reste modeste
« Je suis parti en vacances en avion en 1980, j’avais donc trente ans et c’était mon baptême de l’air. Maintenant les jeunes connaissent ça, prennent l’avion beaucoup plus tôt qu’on ne le prenait à l’époque. […] À l’étranger, j’y suis allé en 1980, moi ça me faisait rêver, et ça m’a fait prendre l’avion. Grâce à Tourisme & Travail. Sinon, j’y serais allé peut-être beaucoup plus tard » [89].
38La photographie, enfin, est convoquée pour donner une solennité aux vacances de Tourisme & Travail, entraînant la « promotion ontologique d’un objet digne d’être photographié, c’est-à-dire fixé, conservé, communiqué, montré et admiré » [90]. Les accents prométhéens des thèmes choisis pour les nombreux concours de photographies organisés par le magazine Tourisme & Travail en témoignent :en 1961, le thème A concerne « L’homme dans son travail », le thème B « L’homme dans ses loisirs ou dans la nature » [91]. Tourisme & Travail sait mettre le légitime au service du trivial, avec par exemple les conseils de Robert Doisneau pour les photographies de vacances [92]. En adéquation avec une esthétique populaire qui module les jugements en matière de photographie en fonction de l’attribution d’une fonction morale, les photographies deviennent une preuve de la valeur culturelle des vacances et de la capacité des touristes populaires à se l’approprier [93].
IMITATION DÉMOCRATIQUE OU VACANCES EN SIMILI ?
39Les gains symboliques des vacances proposées par Tourisme & Travail peuvent se résumer par la possibilité offerte aux travailleurs de vivre des vacances semblables à celles des élites en se regroupant et en s’unissant, via leurs comités d’entreprise et par l’entremise de l’association. Bien entendu, l’association ne prétend pas organiser des vacances de luxe, d’autant qu’elle critique cette conception des loisirs. Mais à travers les vacances, les travailleurs doivent pouvoir accéder à la même culture, aux mêmes sites, au même entre-soi, aux mêmes lieux, que les élites. Il s’agit de prouver la capacité des milieux populaires non seulement à accéder à l’universel des œuvres humaines ou des sites naturels, mais aussi à construire leurs propres espaces de symbolisation et à s’approprier les lieux les plus chargés d’histoire. La question de l’encadrement des loisirs et du tourisme, souvent envisagée pour les milieux populaires sous l’angle d’un embrigadement dans le cadre de régimes autoritaires, participe ici d’un processus de production d’une identité sociale [94]. Le prestige de la culture, des monuments, des activités, même proposées à une minorité des vacanciers populaires, est censé rejaillir sur le groupe tout entier à travers la publicité faite par Tourisme & Travail et la presse périodique de la CGT.
40Sans même se poser la question, cruciale, de la réception, il est d’ores et déjà possible de dire que ces objectifs n’ont pas été totalement remplis. En matière de confort notamment, les vacances de Tourisme & Travail ont été d’une qualité inégale. La volonté d’imitation démocratique, de constitution du groupe des vacanciers populaires dépositaire de la culture vacancière universelle, tend à se réduire à des vacances en simili, dans lesquelles l’apparence et l’affichage priment sur la qualité.
41Les gains symboliques et pratiques offerts par l’association ne sont pourtant pas à négliger.À travers les activités touristiques, Tourisme & Travail vise à faire profiter les membres des catégories populaires d’un capital symbolique et d’un capital d’expériences. Le capital symbolique, tel que défini par Pierre Bourdieu, est
« une propriété quelconque […] qui, perçue par des agents sociaux dotés des catégories de perception et d’appréciation permettant de la percevoir, de la connaître et de la reconnaître, devient efficiente symboliquement […]:une propriété qui, parce qu’elle répond à des “attentes collectives”, socialement constituées, à des croyances, exerce une sorte d’action à distance, sans contact physique » [95].
43Dans la France de la deuxième moitié du XX e siècle, le fait de partir ou non en vacances constitue une « propriété » qui exerce « une sorte d’action à distance », marque de distinction et preuve d’intégration à la société, car la valeur et l’importance des vacances sont largement reconnues. Le fait de disposer d’un capital d’expériences vacancières permet aux catégories populaires de se considérer à l’égal des autres catégories sociales et d’amoindrir, sans les annuler, les effets de la domination économique et culturelle, par l’exercice d’activités longtemps réservées aux catégories supérieures. Les vacances de Tourisme & Travail permettent de contrebalancer les représentations de la culture populaire en termes de manque, de dévoiement, de domination par rapport à la culture légitime [96]. L’idée d’un tourisme collectif, d’éducation populaire, authentique, est opposée à l’indigence supposée du tourisme marchand dans ces domaines. Un tourisme utile est opposé à un tourisme d’évasion, d’oisiveté et de distraction, assimilé au tourisme bourgeois. Pourtant, les vertus du tourisme prôné par Tourisme & Travail sont paradoxalement proches de celles des premiers touristes, qui voyaient dans cette activité une fonction propédeutique.
44En France, si on excepte le moment 1936, l’histoire du tourisme a été principalement envisagée sous l’angle d’une histoire culturelle ou des mentalités. Elle est le plus souvent associée à la notion de « culture de masse », comprise comme un « processus de circulation des faits non matériels dans une société », structuré autour de « représentations collectives » [97]. Dans cette perspective, le tourisme est placé du côté de l’immatériel, des représentations et d’une culture commune aux différentes catégories sociales. Cette appréhension du tourisme en termes de « culture de masse » présente également le risque de condamner « sans appel les individus massifiés à la réception massive, passive, docile et crédule » [98]. Il ne saurait être question ici de dénier la légitimité de l’histoire culturelle à traiter de l’histoire du tourisme, qui relève bien, en partie, d’un imaginaire et de représentations. Elle a le mérite de réfuter le « manque de dignité » attaché, selon les canons de la discipline historique, à l’objet loisir en général, et au tourisme en particulier [99]. Nous avons tenté toutefois ici de mettre davantage l’accent sur les usages sociaux du tourisme et les pratiques différenciées organisées autour de cette activité [100]. Si cet article est centré sur la production du tourisme, sa démarche va de pair avec une étude de la réception, que nous souhaitons considérer dans l’optique d’une « histoire sociale des appropriations » et des « consommations culturelles » [101]. S’interroger sur les interactions entre individus, organisations et institutions, par le biais d’une pratique et d’un milieu spécifiques, permet, tout en reconnaissant sa dimension culturelle, d’ancrer l’histoire du tourisme dans un substrat social, en l’occurrence en analysant la production de projets touristiques par des élites militantes liées au mouvement syndical. Il s’agit d’inscrire ainsi le tourisme, même si ses produits sont immatériels, dans la constitution d’un marché des biens symboliques, c’est-à-dire dans le social, l’économique et le politique [102].
Mots-clés éditeurs : XX e siècle, tourisme, culture populaire, syndicalisme, France, associations
Date de mise en ligne : 10/07/2009
https://doi.org/10.3917/rhmc.562.0052Notes
-
[1]
Martine SONNET, Atelier 62, Cognac, Le temps qu’il fait, 2008, p. 127. La « vie de château » est l’expression utilisée par André ROUGEOT dans « Les grandes vacances à Chamonix », Tourisme & Travail, n° 209, octobre-novembre 1970. Mes remerciements pour leurs relectures et leurs conseils vont à Caroline Douki, Florence Johsua, Philippe Minard, Julien Rochedy, Bertrand Réau, Danielle Tartakowsky, Mathieu Bonzom et Frédéric Falzon.
-
[2]
Catherine BERTHO LAVENIR,La roue et le stylo, comment nous sommes devenus touristes, Paris, Odile Jacob,1999; Marc BOYER, L’invention du tourisme, Paris,« Découvertes » Gallimard,1986; Alain CORBIN (éd.), L’avènement des loisirs 1850-1960, Paris, Aubier,1995; André RAUCH, Vacances en France de 1830 à nos jours, Paris, Hachette,1996.
-
[3]
Francis MEYER, Corinne SACHS-DURAND, Pierre STRASSER, « Les congés payés depuis la Deuxième Guerre mondiale :négociation collective et action législative »,Le mouvement social,150, janviermars 1990, p.107-117. Outre-atlantique, le dossier de French Historical Studies sur « French tourism and tourists in France » ne comprend qu’un article sur l’après-guerre, consacré au tourisme rural d’un point de vue ethnographique :Susan C.ROGERS,« Which heritage ? Nature, culture and identity in French rural tourism »,French Historical Studies,25-3,2002, p.475-503.
-
[4]
Marc BOYER,Histoire du tourisme de masse, Paris, PUF,1999; C.BERTHO LAVENIR,La roue et le stylo, op.cit., p. 337-428; Ellen FURLOUGH, « Le tourisme, le mouvement ouvrier, et la critique de la consommation d’après-guerre en France :Tourisme & Travail, 1945-1985 », in Alain CHATRIOT, Marie-Emmanuelle CHESSEL, Matthew HILTON (éd.),Au nom du consommateur. Consommation et politique en France et aux Etats-Unis au XX e siècle, Paris, La Découverte,2005, p.391-404 ; Antoine PROST,« Frontières et espaces du privé », in Philippe ARIÈS, Georges DUBY (éd.),Histoire de la vie privée, tome 5, Paris, Seuil,1987, p.100-101 et 136-138 ; A.RAUCH,Vacances en France de 1830 à nos jours, op.cit. Pour la Grande-Bretagne, les travaux sont plus nombreux : Susan BARTON, Working-Class Organisations and Popular Tourism, 1840-1970, Manchester, Manchester University Press, 2005; John K. WALTON, The British Seaside : Holidays and Resorts in the Twentieth Century (Studies in Popular Culture), Manchester, Manchester University Press,2000; Gary CROSS, John K.WALTON,The Playful Crowd, Pleasure Places in the Twentieth Century, New York, Columbia University Press, 2005. Sur la période antérieure voir aussi Brad BEAVEN, Leisure, Citizenship and Working-Class in Britain,1850-1940, Manchester, Manchester University Press,2005.
-
[5]
Les vacances des Français en 1973, Paris, INSEE,1975.
-
[6]
A. PROST, « Frontières et espaces du privé », in P. ARIÈS, G. DUBY (éd.), Histoire de la vie privée, op.cit., p.100. L’auteur donne comme exemple de cette révolution le nombre de campeurs, qui passe de 1 million en 1956 à 3 M.en 1959,5 M.en 1962, et plus de 7 M.en 1964.
-
[7]
Robert CASTEL, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard, 1995, p.519-601.
-
[8]
Ibidem, p.522.
-
[9]
Jean-Louis ROBERT, Friedhelm BOLL, Antoine PROST (éd.),L’invention des syndicalismes en Europe, Paris, Publications de la Sorbonne,1997.
-
[10]
Sylvain PATTIEU,« Mouvement syndical et tourisme populaire en France,1945-années 1980. Le cas de Tourisme & Travail », thèse d’histoire sous la direction de Danielle Tartakowsky, Université Paris 8, 2007.
-
[11]
Tourisme & Travail compte une trentaine d’antennes locales dans les années 1950, soixante-dix dans les années 1960 et plus de deux cents dans les années 1980. Elle revendique sur la même période de 100000 à plus de trois millions d’adhérents, ce chiffre élevé s’expliquant par la part importante des adhérents collectifs engagés par le biais de leur comité d’entreprise. Le nombre de collectivités adhérentes passe de près de 1000 à la fin des années 1960 à plus de 4000 une décennie plus tard. Le nombre de 3000 collectivités adhérentes est dépassé en 1975. Les plus gros comités d’entreprise contrôlés par la CGT disposent cependant de leurs propres associations de tourisme et de loisirs, indépendantes de Tourisme & Travail, comme EDF-GDF avec la CCAS (Caisse centrale des activités sociales) et Renault avec Loisirs et Culture, objet de la citation placée en exergue de cet article.
-
[12]
Le syndicalisme enseignant ne se situe pas dans ce cadre, car il dispose d’une antériorité en matière de loisirs et d’éducation populaire et s’appuie sur son propre réseau associatif, avec la Ligue de l’Enseignement :Jean-Paul MARTIN,« La Ligue de l’Enseignement et la République, des origines à 1914 », thèse de doctorat, IEP Paris,1992.
-
[13]
Bernard PUDAL,« Les communistes », in Jean-Jacques BECKER, Gilles CANDAR (éd.),Histoire des gauches en France, Paris, La Découverte,2004, vol.2, p.73.
-
[14]
Sur la manière dont l’investissement militant offre à des dirigeants du PCF issus des milieux populaires des possibilités de reclassement social et un rapport particulier à la culture légitime, voir B. PUDAL, Prendre parti, pour une sociologie historique du PCF, Presses de la FNSP, 1989. Des mécanismes similaires affectent les trajectoires et les orientations des dirigeants de Tourisme & Travail. Sur les rapports entre PCF, intellectuels et artistes communistes, voir Frédérique MATONTI,Intellectuels communistes. Essai sur l’obéissance politique. La Nouvelle Critique (1967-1980), Paris, La Découverte,2005. Voir également : B. PUDAL,« Les communistes »,op.cit. et Noëlle GÉRÔME, D.TARTAKOWSKY,La Fête de l’Humanité, culture communiste, culture populaire, Paris, La Dispute,1988.
-
[15]
Claude GRIGNON, Jean-Claude PASSERON,Le savant et le populaire, Misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature, Paris, EHESS/Gallimard/Seuil,1989.
-
[16]
Sur les effets d’imposition des pratiques touristiques sur des vacanciers populaires, de milieu rural en l’occurrence, voir Patrick CHAMPAGNE,« Les paysans à la plage »,Actes de la recherche en sciences sociales, 2, mars 1975, p.21-24.
-
[17]
Tourisme & Travail, n° 94, juin 1958.
-
[18]
Tourisme & Travail, nouvelle formule n° 11 (n° 123), mai 1961.
-
[19]
Cf. Sociétés et représentations,8, février 2000 : « Le peuple en tous ses états ». Sur l’opposition du « eux » et « nous »:Richard HOGGART, La culture du pauvre (1957), Paris, Minuit,1970.
-
[20]
Michel VERRET, La culture ouvrière, Saint-Sébastien, ACL éditions,1988, p.267.
-
[21]
Edward P. THOMPSON, La formation de la classe ouvrière anglaise (1963), Paris, EHESS-Gallimard-Seuil, 1988, p. 13. Voir aussi Michelle PERROT, « La cause du peuple », Vingtième siècle. Revue d’histoire,60, octobre-décembre 1998, p.4-13.
-
[22]
Archives départementales de Seine-Saint-Denis (désormais AD 93), 53 J 1, « Rapport moral », 16e congrès national de Tourisme & Travail,27 et 28 avril 1963, p.4.
-
[23]
Tourisme & Travail, n° 48 (n° 160), février 1965.
-
[24]
Archives nationales, Centre des archives contemporaines (désormais CAC),1984 0523, article1, synthèse des rapports préfectoraux au ministère de l’Équipement et du Logement, commission générale au Tourisme, 1975.
-
[25]
Tourisme & Travail, n° 217, janvier 1972.
-
[26]
« Pour un tourisme en faveur du plus grand nombre »,22e congrès de Tourisme & Travail,6-8mai 1977.
-
[27]
AD 93,53J 5, document préparatoire,23e congrès de Tourisme & Travail,12-14 décembre 1980.
-
[28]
AD 93,53J 210,« analyse des fiches d’appréciation PAT 75 (1000 fiches par destination)», catégories fournies par Tourisme & Travail.
-
[29]
Michel BOZON, « Mariage et mobilité sociale en France », Revue européenne de démographie, 7-2, juin 1991, p.171-190.
-
[30]
AD 93,53 J 1, André LUNET, « Rapport oral », 19e congrès national de Tourisme & Travail,10-12 avril 1970, p.37.
-
[31]
Ibid.
-
[32]
Pour la réception, voir S.PATTIEU,«« Nous n’avons rien à Katmandou ». Production militante et usages populaires du tourisme », Actes de la recherche en sciences sociales, 170, décembre 2007, p. 88-101.
-
[33]
Henri AISNER,Les copains du dimanche, production Coopérative générale du cinéma français, noir et blanc,35mm,1956. Cf. Tangui PERRON,«Les copains du dimanche, ou l’âge d’or des métallos »,Vingtième siècle. Revue d’histoire,46, juin 1995, p.125-132.
-
[34]
Tourisme & Travail, n° 110, novembre-décembre 1959.
-
[35]
Tourisme & Travail, n° 216, octobre 1971.
-
[36]
Tourisme & Travail, n° 17, octobre 1949; n° 221, juin 1972 ; n° 222, septembre 1972.
-
[37]
Tourisme & Travail, n° 50 (n° 162), avril 1965 (Audierne) et n° 05 (nouvelle série), juinjuilletaoût 1974 (Le Havre).
-
[38]
Tourisme & Travail, n° 10, avril 1975.
-
[39]
Tourisme & Travail, n° 47, mai 1979.
-
[40]
Tourisme & Travail, n° 05 (nouvelle série), juin-juillet-août 1974.
-
[41]
Tourisme & Travail, n° 10, avril 1975.
-
[42]
Tourisme & Travail, n° 225, février 1973.
-
[43]
Ibid.
-
[44]
Tourisme & Travail, n° 225, février 1973.
-
[45]
« Le ski », Tourisme & Travail, n° 72, novembre 1954; « Bonjour la neige », Tourisme & Travail, n° 79, juillet-août 1955;« Ski populaire en Dauphiné »,Tourisme & Travail, n° 87, novembre1956;Tourisme & Travail, n° 110, novembre-décembre 1959; « Le ski populaire près de Grenoble », Tourisme & Travail, n° 112, février 1960;« La neige pour tous »,Tourisme & Travail, n° 27 (n° 139), janvier 1963; « Venez faire du ski », Tourisme & Travail, n° 55 (n° 167), novembre 1965; Tourisme & Travail, n° 65 (n° 176), novembre 1966.
-
[46]
Jean-Benoît LÉVY,Vive la vie, film commandé par le secrétariat d’État aux Loisirs et aux Sports, noir et blanc,38 minutes,35 mm,1937.
-
[47]
« Des vacances en hiver », Tourisme & Travail, n° 5 (n° 117), novembre 1960.
-
[48]
Les vacances des Français en 1973, Paris, INSEE,1975, p.12, tableau 4.
-
[49]
Jacques DEFRANCE, Sociologie du sport, Paris, La Découverte,1995, p.24-26.
-
[50]
Les vacances des Français en 1973, op.cit., p.31.
-
[51]
Tourisme & Travail, n° 110, novembre-décembre 1959.
-
[52]
C.BERTHO LAVENIR,La roue et le stylo, op.cit., p.388.
-
[53]
Tourisme & Travail, n° 42, décembre 1978.
-
[54]
Jo VAIRELLE, « Les financiers aiment la neige surtout quand elle rapporte », Tourisme & Travail, n° 35 (n° 147), novembre 1963.
-
[55]
Tourisme & Travail, n° 201, septembre-octobre 1969.
-
[56]
« Dix autour d’une table ou l’art d’ouvrir les pistes blanches aux travailleurs lyonnais », Tourisme & Travail, n° 111, janvier 1960.
-
[57]
Tourisme & Travail, n° 35 (n° 147), novembre 1963.
-
[58]
« Dix autour d’une table ou l’art d’ouvrir les pistes blanches aux travailleurs lyonnais », Tourisme & Travail, n° 111, janvier 1960.
-
[59]
L. DONNADIEU, « Les travailleurs parisiens et la neige », Tourisme & Travail, n° 35 (n° 147), novembre 1963, et Tourisme & Travail, n° 181, avril 1967.
-
[60]
Jean BRUNEAU,« L’équipement de ski populaire »,Tourisme & Travail, n° 5 nouvelle série (n° 117), novembre 1960.
-
[61]
Entretien avec Pierre-Yves L.le 21 octobre 2004. Ouvrier à l’arsenal de Lorient, syndiqué CGT, il est usager de Tourisme & Travail à partir de 1976, puis permanent à partir de 1982. Après la faillite de Tourisme & Travail, il travaille en tant que détaché syndical au sein de l’association Loisir et Tourisme, qui a pris la suite de Tourisme & Travail à Lorient.
-
[62]
« La neige pour tous »,Tourisme & Travail, n° 27 (n° 139), janvier 1963.
-
[63]
Tourisme & Travail, n° 101, juin1958. Il en est de même à Grenoble :Tourisme & Travail, n° 102, juillet 1958.
-
[64]
Tourisme & Travail, n° 107, juin 1959.
-
[65]
Tourisme & Travail, nouvelle formule n° 2 (n° 114), juin 1960.
-
[66]
Voir les actes à paraître du colloque « Les châteaux du social », organisé les 25 et 26 novembre 2004 à Vaucresson (Yvelines) par l’Université Paris 8, en partenariat avec le Centre d’histoire sociale du XX e siècle et le Centre d’histoire des régulations et des politiques sociales (HIRES) d’Angers.
-
[67]
Jo VAIRELLE, « Les financiers aiment la neige surtout quand elle rapporte », Tourisme & Travail, n° 35 (n° 147), novembre 1963.
-
[68]
M.VERRET,La culture ouvrière, op.cit., p.185-186.
-
[69]
Bertrand RÉAU, « S’inventer un autre monde. Le Club Méditerranée et la genèse des clubs de vacances en France (1930-1950)», Actes de la recherche en sciences sociales,170, décembre 2007, p.66-85.
-
[70]
AD 93,53 J 1, résolutions adoptées lors du 15e congrès,1961.
-
[71]
Tourisme & Travail, n° 104, novembre 1958 et n° 8 (n° 120), février 1961.
-
[72]
AD 93,53 J 1, projet de rapport oral,17e congrès de Tourisme & Travail,7-8 mai 1966.
-
[73]
Henri KRASUCKI, « Intervention au 18e congrès national de Tourisme & Travail », Le Peuple, n° 804,1er -31 août 1968, p.23-25.
-
[74]
AD 93,53 J 1,« Résolutions »,16e congrès de Tourisme & Travail,27-28 avril 1963.
-
[75]
A.ROUGEOT,« Portraits d’adhérents », Tourisme & Travail, n° 211, février-mars 1971.
-
[76]
S.PATTIEU,« Nous n’avons rien à Katmandou… », art.cit.
-
[77]
Tourisme & Travail, n° 5 (n° 117), novembre 1960.
-
[78]
Ibidem, et n° 96, novembre 1957.
-
[79]
Tourisme & Travail, n° 45 (n° 157), novembre 1964.
-
[80]
A. ASTRIEUD, « À Juan-les-Pins les travailleurs sont maintenant chez eux », Tourisme & Travail, n° 34 (n° 146), septembre-octobre 1963.
-
[81]
A.ROUGEOT,« Les grandes vacances à Chamonix », Tourisme & Travail, n°209, octobre-novembre 1970.
-
[82]
R.HOGGART,La culture du pauvre, op.cit., p.200.
-
[83]
Tourisme & Travail, n° 104, novembre 1958.
-
[84]
Lucien DONNADIEU, « Voici Ré 1961 », Tourisme & Travail, n° 13 (n° 125), juillet-août 1961; Tourisme & Travail, n° 28 (n° 140), février 1963.
-
[85]
Alex FOURRIER, « Bonjour Carnon… et à bientôt !», Tourisme & Travail, n° 44 (n° 156), septembreoctobre 1964, et A.ROUGEOT,« Carnon-plage et l’arrière-pays languedocien »,Tourisme & Travail, n° 208, septembre 1970.
-
[86]
Tourisme & Travail, n° 205, mars 1970.
-
[87]
Anne-Marie THIESSE, Ils apprenaient la France, l’exaltation des régions dans le discours patriotique, Paris, Éditions de la MSH,1997; C.BERTHO LAVENIR, La roue et le stylo, op.cit., p.325-332.
-
[88]
AD 93,53 J 210, rapport de Claude P., commission nationale des activités vacances à l’étranger, octobre 1978.
-
[89]
Entretien du 21 octobre 2004.
-
[90]
Pierre BOURDIEU (éd.), Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Minuit, 1965, p.24.
-
[91]
Tourisme & Travail, n° 11, mai 1961.
-
[92]
Tourisme & Travail, n° 33, juillet-août 1963.
-
[93]
P.BOURDIEU (éd.),Un art moyen, op.cit.,p.160.
-
[94]
L’encadrement du tourisme sous des régimes autoritaires a fait l’objet de plusieurs ouvrages : Victoria DE GRAZIA, The Culture of Consent. Mass Organization of Leisure in Fascist Italy, Cambridge, Cambridge University Press, 1981; Shelley BARANOWSKI, Strength through Joy. Consumerism and Mass Tourism in the Third Reich, Cambridge, Cambridge University Press, 2004; Kristin SEMMENS, Seeing Hitler’s Germany. Tourism in the Third Reich, New York, Palgrave Macmillan,2005. En ce qui concerne les pays communistes :Anne E.GORSUCH, Diane P.KOENKER,Turizm.The Russian and East European Tourist under Capitalism and Socialism, Ithaca, Cornell University Press,2006.
-
[95]
P.BOURDIEU, Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action, Paris, Seuil,1994, p.189.
-
[96]
cf. C.GRIGNON, J.-C.PASSERON, Le savant et le populaire, op.cit.
-
[97]
Jean-François SIRINELLI, « L’avènement de la culture-monde », in J.-P. RIOUX, J.-F. SIRINELLI (éd.), La culture de masse en France de la Belle Epoque à aujourd’hui, Paris, Fayard,2002, p.11-12.
-
[98]
P.BOURDIEU, J.-C.PASSERON,« Sociologues des mythologies et mythologies de sociologues »,Les Temps Modernes,211, décembre 1963, p.1002.
-
[99]
J.-F.SIRINELLI,« L’avènement de la culture-monde », art.cit., p.9.
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[100]
La perspective de l’histoire culturelle n’est d’ailleurs pas toujours sourde à ce type de préoccupations :« Bref, différences et inégalités jettent la confusion sur le concept de loisirs de masse. Les pratiques paraissent marquer des différences, mais, à l’analyse, elles reflètent le plus souvent des inégalités entre les origines sociales et l’évolution des goûts » (A. RAUCH, « Les usages du temps libre », in J.-P. RIOUX, J.-F. SIRINELLI (éd.), La culture de masse…, op.cit., p.378).
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[101]
La démarche de Daniel ROCHE concernant la mobilité à l’époque moderne a été pour nous éclairante : Humeurs vagabondes, De la circulation des hommes et de l’utilité des voyages, Paris, Fayard, 2003 (p.44 pour la citation).
-
[102]
Sur la constitution d’un marché des biens symboliques, voir Pierre BOURDIEU,« L’économie des biens symboliques », chapitre 6 de Raisons pratiques, op.cit.