Couverture de RHMC_552

Article de revue

Sciences et villes-mondes, XVIe - XVIIIe siècles

Penser les savoirs au large ( XVIe - XVIIIe siècles)

Pages 7 à 18

Notes

  • [1]
    Les éditeurs de ce dossier tiennent à remercier pour leurs soutiens financiers :le département d’histoire et civilisation de l’Institut Universitaire Européen de Florence, la Ville de Paris et le programme d’ANR Jeunes chercheurs :« Sciences et capitales européennes : revisiter l’espace public des savoirs ».
  • [2]
    Il s’agit ici d’insister sur deux questions : en premier lieu, l’historicité même de la perception du monde comme global, à ce sujet, voir le stimulant et original travail de Jean-Marc BESSE, Les grandeurs de la terre. Aspects du savoir géographique au seizième siècle, Lyon, ENS Éditions,2003. En second lieu, il s’agit de prendre historiquement la mesure de cette échelle planétaire, en fonction de paramètres clairs et eux aussi historiquement construits. Voir le n°spécial « Histoire globale, histoires connectées » de la Revue d’histoire moderne & contemporaine,54-4 bis, supplément 2007.
  • [3]
    Éric BRIAN, « Le livre des sciences est-il écrit dans la langue des historiens ?», in Bernard LEPETIT (éd.),Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel,1995, p.85-98. Depuis cette date, d’autres formes de suspicion se sont manifestées, vis-à-vis de la sociologie des sciences qui s’est développée récemment en France, invitant aussi les historiens à repenser leur agenda de recherche sur l’objet science. REVUE D’HISTOIRE MODERNE & CONTEMPORAINE 55-2, avril-juin 2008.
  • [4]
    Sven DIERIG, Jens LACHMUND, Andrew MENDELSOHN (éd.),« Science and the city »,Osiris,18,2003.
  • [5]
    Il ne s’agit du reste pas uniquement ici de plaider pour une époque moderne définie comme phase émergente du processus, ce qui reléguerait les autres périodes dans les limbes de la science moderne. Il nous semble au contraire qu’en se saisissant des propositions évoquées ci-dessus et en les transposant à l’époque moderne, on ouvre la voie à une approche plus large dans laquelle les grandes capitales de l’Antiquité ou celles de l’époque médiévale constitueraient des laboratoires eux aussi stimulants pour la recherche. C’est en partie dans cette perspective que se situe le volume dirigé par Christian JACOB,Les lieux de savoir, Paris, Albin Michel,2007.
  • [6]
    David HARVEY, The Urbanization of Capital. Studies in the History and Theory of Capitalist Urbanization, Baltimore, The John Hopkins University Press,1990. Plus récemment, ID., Paris, Capital of Modernity, Londres, Routledge,2003.
  • [7]
    DanielROCHE, Christophe CHARLE (éd.),Capitales culturelles, capitales symboliques. Paris et les expériences européennes, XVIIIe - XXe siècles, Paris, Publications de la Sorbonne,2002; C. CHARLE (éd.), Capitales européennes et attraction culturelle XVIIIe - XXe siècle, Paris, Éditions rue d’Ulm,2004.
  • [8]
    Jean BOUTIER, Brigitte MARIN, Antonella ROMANO (éd.), Naples, Rome, Florence. Une histoire comparée des milieux intellectuels italiens ( XVIIe - XVIIIe siècles), Rome, École Française de Rome,2005. Voir en outre toute la bibliographie attenante à ce thème, dans la dernière section du volume.
  • [9]
    Dans l’abondante bibliographie disponible sur ce thème, on retiendra notamment Paul WOOD, « Science, the universities and the public sphere in eighteenth-century Scotland »,History of Universities,14, 1994, p.99-135. C’est aussi l’objectif du volume édité par William CLARK, Jan GOLINSKI et Simon SCHAFFER (éd.),The Sciences in Enlightened Europe,Chicago, The University of Chicago Press,1999. On indique aussi plus loin comment l’histoire de la médecine s’est particulièrement prêtée à ce type d’approche.
  • [10]
    La bibliographie anglophone est particulièrement riche, en liaison avec les études sur les Lumières :Michael R.LYNN,« Enlightenment in the public sphere :The Musée de Monsieur and scientific culture in late-eighteenth century Paris »,Eighteenth-Century Studies,32-4 :« Sites and margins of public sphere »,1999, p.463-476; Susan C.LAWRENCE,Charitable Knowledge. Hospital Pupils and Practitioners in Eighteenth-Century London, Cambridge, Cambridge University Press,1996; Brian COWAN,The Social Life of Coffee :Curiosity, Commerce and Civil Society in Early Modern Britain, New Haven, Yale University Press, 2005. Pour l’espace français, cf.le dossier thématique du Bulletin de la Société d’histoire moderne & contem-poraine,1997/3-4, consacré aux sociabilités savantes; plus récemment, Antoine LILTI,Le monde des salons. La sociabilité mondaine à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Fayard,2005.
  • [11]
    Sur cette réflexion sur les pratiques de localisation, voir Adir OPHIR, Steven SHAPIN,« The place of knowledge. A methodological survey », Science in Context, 4-1,1991, p. 3-21; Steven SHAPIN, « Placing the view from nowhere :historical and sociological problems in the location of science »,Transactions of the Institute of British Geographers, 23,1998, p. 5-12; Jean-Marc BESSE, « Le lieu en histoire des sciences. Hypothèses pour une approche spatiale du savoir géographique au XVIe siècle », Mélanges de l’École Française de Rome-Italie et Méditerranée, (désormais MEFRIM), 116-2,2004, p. 401-422; David N.LIVINGSTON, Putting Science in its Place. Geographies of Scientific Knowledge, Chicago, The University of Chicago Press,2003.
  • [12]
    Pour une histoire sociale et culturelle de cette figure au XVIIIe siècle qui dépasse le simple terrain de l’art, voir Charlotte GUICHARD, « Les amateurs d’art à Paris dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », thèse, université de Paris-1,2005.
  • [13]
    Thomas BROMAN, « The habermasian public sphere and science in the Enlightenment », History of Science,36,1998, p.124-147.
  • [14]
    Colin JONES, « The great chain of buying : medical advertisement, the bourgeois public sphere, and the origins of the French Revolution », American Historical Review, 101-1,1996, p. 13-40; Roy S.PORTER,« Science, provincial culture and public opinion in Enlightenment England »,British Journal for Eighteenth-Century Studies,3,1980, p.20-46.
  • [15]
    Liliane HILAIRE-PÉREZ, Marie THÉBAUD-SORGER,« Les techniques dans l’espace public. Publicité des inventions et littérature d’usage au XVIIIe siècle (France, Angleterre)», Revue de Synthèse,127-2,2006, p.393-428.
  • [16]
    Christian LICOPPE,La formation de la pratique scientifique. Le discours de l’expérience en France et en Angleterre (1630-1820), Paris, La Découverte,1996.
  • [17]
    Voir ici les travaux de Gilles CHABAUD, « La physique amusante et les jeux expérimentaux en France au XVIIIe siècle », Ludica, annali di storia e civiltà del gioco, 2,1996, p.61-73; ID.,« Sciences, magie, illusion :les romans de la physique amusante (1784-1789)», Tapis-franc.Revue du roman populaire,8,1997, p. 18-37. Voir aussi la thèse de Marie THÉBAUD-SORGER, « L’air du temps. L’aérostation : savoirs et pratiques à la fin du XVIIIe siècle (1783-1785)», EHESS,2004; ainsi que Christine BLONDEL,« Haüy et l’électricité : de la démonstration-spectacle à la diffusion d’une science newtonnienne », Revue d’histoire des sciences,50-3,1997, p.265-282.
  • [18]
    Margaret PELLING, « Public and private dilemma : the College of Physicians in early modern London », in Steve STURDY (éd.), Medecine, Health and the Public Sphere in Britain,1600-2000, Londres, Routledge, 2002, p. 27-42. Sur les conflits, voir aussi M. PELLING, Medical Conflicts in Early Modern London :Patronage, Physicians and Irregular Practionners,1550-1640, Oxford, Oxford University Press, 2003. Pour la Rome pontificale de la fin de la Renaissance, voir la thèse d’Elisa ANDRETTA, « Médecines et médecins à Rome à la Renaissance », EHESS et Università degli studi di Roma-La Sapienza,2007.
  • [19]
    Giovanna CURCIO,« Ingegneri e architetti stranieri in Roma tra XVII e XVIII secolo », in Donatella CALABI, Paola LANARO (éd.),La città italiana e i luoghi degli stranieri, XIV - XVIII secolo, Rome-Bari, Laterza, 1998, p.222-254; Klaas VAN BERKEL,«“Cornelius Meijer Invetor fecit”. On the representation of science in late seventeenth-century Rome », in Pamela H. SMITH, Paula FINDLEN (éd.) Merchants and Marvels, Londres, Routledge,2002, p. 277-295; Sabine BARLE, La ville délétère. Médecins et ingénieurs dans l’espace urbain, XVIIIe - XIXe siècles, Seyssel, Champ Vallon, 1999.
  • [20]
    À titre d’exemple, pour les débats sur les pharmacopées, voir Andreas-Holger MAEHLE,Drugs on Trial : Experimental Pharmacology and Therapeutic Innovation in the Eighteenth-Century, Amsterdam, Atlanta, The Wellcome Series in the History of Medicine,1999.
  • [21]
    Sur l’expertise dans les capitales, voir le dossier « Expertise » dans Genèses,65,2006, et Christelle RABIER (éd), Fields of Expertise :Expert and Powers in Paris and London since 1600, Londres, Cambridge Scholar Press,2007.
  • [22]
    BernardLEPETIT, Jochen HOOCK (éd.),La ville et l’innovation, Paris, Éditions de l’EHESS,1987.
  • [23]
    Sur Paris :Jean BOUTIER, avec la collaboration de Jean-Yves SARAZIN et Marion SIBILLE,Les plans de Paris des origines (1493) à la fin du XVIIIe siècle, Paris, BnF, 2002. Sur Rome : Jean-Marc BESSE, Pascal DUBOURG GLATIGNY, « Cartographier Rome au XVIe siècle (1544-1599). Décrire et reconstituer », in Antonella ROMANO (éd.), Rome et la science moderne entre Renaissance et Lumières, Rome, École française de Rome, à paraître en 2008.
  • [24]
    Joseph PITTON DE TOURNEFORT, Histoire des plantes qui naissent aux environs de Paris, avec leur usage pour la médecine, Paris, Imprimerie royale,1698,2 vol.
  • [25]
    Voir Jean-Baptiste VAQUIN (éd.),Atlas de la Nature à Paris, Paris, Le Passage,2006. Sur l’exemple de Rome, conservatoire naturaliste : Gilles MONTÈGRE, « François de Paule Latapie. Un savant voyageur français au cœur de la Rome des Lumières », MEFRIM,117-1,2005, p.371-422; sur les collections naturalistes dans les capitales européennes à la fin de l’Ancien Régime, voir la thèse en cours de Pierre-Yves LACOUR, « La constitution des collections françaises d’Histoire naturelle sous la Révolution et l’Empire (1791-1815)», sous la direction d’A.Romano, Institut Universitaire Européen, Florence.
  • [26]
    Sur l’inventaire de ces jardins et pépinières, voir Emma C.SPARY,« The nature of Enlightenment », in W. CLARK, J. GOLINSKI et S. SCHAFFER (éd.), The Sciences in Enlightened Europe, op.cit., p. 272-304; A. OPHIR et S.SHAPIN, art.cit.
  • [27]
    Sur l’histoire de la géologie, cf. le livre monumental de Martin S.J. RUDWICK, Bursting the Limits of Time. The Reconstruction of Geohistory in the Age of Revolution, Chicago, The University of Chicago Press, 2005; sur les promenades des observateurs de l’homme : Jean-Luc CHAPPEY, La société des observateurs de l’homme (1799-1804). Des anthropologues au temps de Bonaparte, Paris, Société d’études robespierristes,2002.
  • [28]
    Pour Paris, voir Éric BRIAN, La mesure de l’État. Administrateurs et géomètres au XVIIIe siècle, Paris, Albin Michel,1994; sur Londres :Andrea RUSNOCK,Vital Accounts :Quantifying Health and Population in Eighteenth-Century England and France,Cambridge, Cambridge University Press,2002.
  • [29]
    À titre d’exemple, sur les milieux des antiquaires londoniens, Rosemary SWEET, Antiquaries :the Discovery of the Past in Eighteenth-Century Britain, Londres, Hambledon,2004; Robin MYERS et Michael HARRIS (éd.), Antiquaries, Book Collectors and the Circles of Learning, Londres, Oak Knoll Press, 1996; David BOYD HAYCOCK, William Stukeley, Science, Religion and Archaeology in Eighteenth-Century England, Oxford, Boydell Press, 2002.
  • [30]
    Patrick PETITJEAN, Anne-Marie MOULIN, Catherine JAMI (éd.), Science and Empires. Historical Studies about Scientific Development and European Expansion, Dordrecht, Kluver Academic Publishers, 1992; Londa SCHIEBINGER (éd.),« Focus :colonial science »,Isis,96-1,2005, p.52-87; Benedikt STUCHTEY (éd.), Science across the European Empires, Oxford, Oxford University Press,2005.
  • [31]
    La référence emblématique (et problématique) est George BASALLA, « The spread of Western science », Science, 156,1967, p. 611-622. Voir une mise au point critique : Antonio LAFUENTE, Alberto ELENA, Maria Luisa ORTEGA (éd.),Mundializacion de la ciencia y cultura nacional, Madrid-Aranjuez, Doce Calles,1993.
  • [32]
    François REGOURD, James E. MC CLELLAN III,« French Science and Colonization in the Ancien Régime : the “Machine coloniale” », Osiris,15,2000, p.31-50.
  • [33]
    James DELBOURGO, A Most Amazing Scene of Wonders : Electricity and Enlightenment in Early America, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2006; plus récemment, mais sans attention particulière au phénomène urbain, J. DELBOURGO, Nicholas DEW (éd.), Science and Empire in the Atlantic World, Londres, Routledge,2007.
  • [34]
    Sur cette réévaluation des savants « indigènes », voir Kapil RAJ,« Colonial encounters and the forging of the new knowledge and national identities :Great Britain and India,1760-1850 »,Osiris,15,2000, p.119-134; ID.,Relocating Modern Science. Circulation and the Construction of Scientific Knowledge in South Asia and Europe, Seventeenth to Nineteenth Centuries, Basingstoke, Palgrave, 2006; Philip B. WAGONER, « Precolonial intellectuals and the production of colonial knowledge », Comparative Studies in Society and History, 45,2003, p.783-814.
  • [35]
    Henrika KUKLICK, Robert E.KOHLER (éd.),« Science in the field », Osiris,11,1996.
  • [36]
    Pour une approche plus détaillée, on renverra à son livre : Harold COOK, Matters of Exchange : Commerce, Medicine, and Science in the Dutch Golden Age, New Haven, Yale University Press,2007.
  • [37]
    James E. MC CLELLAN III, Harold DORN, Science and Technology in World History. An Introduction, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1999. Il faut cependant noter la tendance forte à assortir actuellement les problématiques de la « science coloniale » au cadre atlantique, dans une perspective de réévaluation post-moderne de l’apport scientifique hispanique à la construction des savoirs sur le monde. Voir par exemple Jorge CANIZARES-ESGUERRA, Puritan Conquistadors :Iberianizing the Atlantic 1550-1700, Stanford, Stanford University Press, 2006; ID., Nature, Empire, and Nation :Explorations of the History of Science in the Iberian World, Stanford, Stanford University Press, 2006, où l’ancien conflit colonial entre puissance espagnole et puissance britannique constitue la grille d’une lecture renouvelée d’une proposition qui vise à libérer définitivement les Hispaniques du complexe produit par la «leyenda negra». On mesure ici combien le choix de l’échelle d’analyse – en l’occurrence l’espace atlantique – en définit d’ores et déjà les héros.
  • [38]
    L’ouvrage de Randall COLLINS est symptomatique de cet usage : The Sociology of Philosophies. A Global Theory of Intellectual Change, Cambridge (Mass.), Harvard University Press,1998.
  • [39]
    La multiplication des articles dans l’une des plus importantes revues des «sciences studies», Social Studies of Science, est emblématique de cette prise en compte de l’agenda des postcolonial studies le plus souvent incarnées par la référence à l’ouvrage de Dipesh CHAKRABARTY, Provincializing Europe :Postcolonial Thought and Historical Difference, Princeton, Princeton University Press, 2000. À titre d’exemples : Anderson WARWICK, « Introduction : postcolonial technoscience », Social Studies of Science, 32-5/6,2002, p.643-658 et le numéro spécial,« Is science multicultural ?», Configurations, 2-2,1994.
  • [40]
    On évoque ici les travaux de Gyan PRAKASH, Another Reason, Princeton, Princeton University Press, 1998; Ashis NANDI, « Introduction : science as a Reason of State », in Ashis NANDY (éd.), Science, Hegemony, and Violence :A Requiem for Modernity, Tokyo et Delhi, The United Nations University and Oxford University Press,2002, p.1-23.
  • [41]
    Arun AGARWAL, « Dismantling the divide between indigenous and scientific knowledge », Development and Change,26,1995, p.413-439.
  • [42]
    On connaît les termes du débat tels que Marcel DÉTIENNE les a énoncés :« On l’a dit, aucun comparatisme ne peut naître de la comparaison “directe et familière” qui révèle aussitôt la ténacité des jugements de valeur portés sur des pays voisins, à condition qu’ils aient une histoire dominée par la “nôtre” qui restera implicitement incomparable », in « L’art de construire des comparables. Entre historiens et anthropologues »,Critique internationale,14, janvier 2002, p.68-78, citation p.73. On renverra à la réponse de Lucette VALENSI, « L’exercice de la comparaison au plus proche, à distance : le cas des sociétés plurielles », Annales HSS,57-1,2002, p.27-30.
  • [43]
    On vise ici des propositions historiographiques fort variées : C. CHARLE, « L’histoire comparée des intellectuels en Europe. Quelques points de méthode et proposition de recherche », in Michel TREBITSCH, Marie-Christine GRANJON (éd.), Pour une histoire comparée des intellectuels, Bruxelles, Complexe, 1998, p. 39-59; Sanjay SUBRAHMANYAM, Explorations in Connected History. From the Tagus to the Ganges, 2 vol., Delhi, Oxford University Press, 2005; Serge GRUZINSKI, « Les mondes mêlés de la monarchie catholique et autres connected histories», Annales HSS,56-1,2001, p. 85-117, généralisée dans ID.,Les quatre parties du monde.Histoire d’une mondialisation, Paris, La Martinière,2004; ou encore Michael WERNER, Bénédicte ZIMMERMAN (éd.), De la comparaison à l’histoire croisée, Paris, Seuil,2004.
  • [44]
    Saskia SASSEN, The Global City, New York, London, Tokyo, Princeton, Princeton University Press, 1991; Olivier MONGIN, La condition urbaine, Paris, Seuil,2006.

1Le dossier thématique que l’on présente ici est né de l’hypothèse – à présent partagée par différents secteurs des sciences sociales – que les grandes métropoles offrent un site privilégié d’observation des relations entre sciences et sociétés, c’est-à-dire des modalités sociales et intellectuelles de la production des sciences et des savoirs, ainsi que de leurs enjeux culturels, politiques et économiques [1]. Si cette hypothèse vaut pour l’époque contemporaine, dont l’étude s’inscrit à présent presque systématiquement dans une perspective globale, alors elle mérite d’être soumise à l’épreuve du temps. C’est le premier objectif de ce dossier. En outre, on souhaiterait proposer une réflexion décalée par rapport à certains grands récits proposés par la World ou la Global History. Décalée à un double titre. D’abord, parce que le changement d’échelle produit par l’addition des espaces et des histoires continentales ou impériales n’est pas une posture satisfaisante sur le plan méthodologique : l’échelle « globale », dont l’historicité doit sans cesse être construite et définie [2], s’accorde mal avec l’analyse qualitative des phénomènes, mieux saisie, selon nous, à travers des approches micro-processuelles. Ensuite, parce que nous souhaitons ici contribuer à un double décloisonnement : celui d’une histoire des sciences souvent jugée spécialisée et toujours suspecte d’être écrite dans une autre langue que celle des historiens [3], mais aussi celui de l’histoire urbaine qui s’en tient trop souvent à une vision limitée des productions de savoir, dès lors que ces productions sont situées dans le registre plus symbolique, moins matériel, des savoirs, dont la spatialisation n’est plus évidemment perceptible.

2Depuis une décennie, la recherche en histoire urbaine des sciences a pourtant suggéré de nouvelles pistes de recherche, dont ce dossier voudrait rendre compte. En premier lieu, le monde anglophone a clairement affiché sa volonté de reprendre une réflexion sur les rapports entre « sciences, technologies et cité » [4], selon des modalités qui malheureusement excluent, pour l’heure, les périodes plus anciennes. La phase d’émergence de ces espaces métropolitains des sciences est devenue de ce fait un point aveugle de la problématique [5]. En second lieu, en France, en Grande-Bretagne, en Italie, en Allemagne comme aux Pays-Bas, la question des capitales trouve en histoire urbaine des formulations innovantes qui abordent à nouveaux frais le rapport de l’organisation scientifique à la centralité, en le reliant aux formes de sociabilité ou plus généralement à de nouvelles pratiques culturelles ou professionnelles. Le choix des sites d’observation proposés dans ce numéro obéit à une volonté de balayer et de tester ces différentes perspectives historiographiques sans souci d’exhaustivité, mais sans partir d’une définition a priori de ces villes-mondes, et sans les situer a priori exclusivement en Europe. On souhaiterait comprendre comment s’articulent dans des lieux donnés une nouvelle économie des savoirs et une nouvelle économie des grandeurs urbaines.

CAPITALES CULTURELLES ET SCIENCES

3La recherche sur les relations entre sciences et grandes villes a d’abord voulu s’interroger sur les effets de seuil produits par la concentration des savants, des institutions et des équipements dans les principales villes européennes. Un premier ensemble de travaux s’est attaché à comprendre les processus d’accumulation des capitaux symboliques au sein des capitales européennes, processus dans lesquels la production scientifique a pu jouer un rôle central. Cette analyse inspirée par la sociologie de Pierre Bourdieu rejoint une lecture marxiste de « l’urbanisation occidentale du capital » qui a été fortement présente dans les années 1970-1980, en particulier dans le renouveau des Urban studies, avec David Harvey par exemple [6]. En France, elle a eu les faveurs de l’histoire sociale et culturelle. Le programme de recherche sur les capitales culturelles développé par Christophe Charle et Daniel Roche s’est ainsi proposé de poser les jalons d’une « histoire culturelle et symbolique des capitales européennes » [7]. Dans cette recherche d’envergure européenne, l’accent a été mis sur la dimension emblématique des savoirs, en s’attachant à étudier le rôle qu’ils ont joué dans l’émergence d’une nouvelle fonctionnalité culturelle des capitales au cours de la période moderne. Plusieurs réponses ont ainsi été apportées, qui ont permis d’approfondir notre connaissance des mondes scientifiques européens.

4En premier lieu, la réflexion s’est portée sur l’étude des institutions et des lieux de savoirs. La constitution d’un espace de la science dans les principales capitales européennes exige d’ouvrir une réflexion sur la présence physique des activités scientifiques, leur emprise sur l’espace urbain : en bref, on s’est attaché à décrire les territoires de la science, conçus comme facteurs non négligeables de la promotion des équipements culturels depuis le XIXe siècle. Audelà de l’inventaire des institutions et des équipements, de la prosopographie en cours des principaux groupes savants ou professionnels identifiés (médecins, professeurs, ingénieurs…) [8], il s’agit de comprendre les dynamiques de socialisation de la science à travers ces lieux, ces espaces et ces formes de sociabilité. Si l’histoire sociale des milieux intellectuels s’est avant tout concentrée sur les institutions de savoir, progressivement le questionnaire s’est élargi aux autres espaces contaminés et visités par les savoirs dans les capitales : un tel élargissement a aussi permis de mettre en lumière d’autres enjeux. En effet, dans les grandes capitales européennes, au siècle des Lumières et selon des chronologies qui doivent être saisies avec toujours plus de précision, la science circule largement dans des espaces qui ne lui sont plus exclusivement réservés. Mieux encore, elle tire parti de nouvelles alliances sociales pour fonder sa nouvelle légitimité. Loin d’être anecdotique ou périphérique, cette dimension publique et mondaine révèle d’autres enjeux de la socialisation et de la politisation des savoirs. Au plan historiographique, il s’agit en outre de sortir d’une vision normative et institutionnelle du travail scientifique, uniquement attachée à l’étude des grandes institutions, pour retrouver ces multiples dispositifs sociaux qui font exister la philosophie naturelle dans la ville [9]. Ainsi, les savoirs scientifiques ne se constituent plus comme des savoirs « réservés »: ils tiennent aussi leur légitimité de la multiplication des ancrages sociaux, des associations avec les élites locales; d’où leur présence dans des lieux sociaux très contrastés au sein de la ville, musées, lycées, jardins, hôpitaux, conférences publiques,coffee-houses, etc. [10]. L’historiographie s’est par conséquent attachée à cartographier précisément ces « dynamiques de localisation » [11] des savoirs dans les espaces métropolitains, à décrire le monde des astronomes, le Paris ou la Londres des botanistes, la mobilité des savants étrangers à Rome.

5En second lieu, on s’est interrogé, dans le sillage des propositions de Jürgen Habermas et de leur discussion, sur la formation d’un « espace public des savoirs » au sein de ces capitales. Depuis la « révolution scientifique », une nouvelle organisation de l’espace européen des sciences, marquée par la création des institutions académiques, s’est accompagnée d’une volonté diffuse d’intéresser des publics larges, des acteurs plus divers. Aux côtés des « professionnels », la figure des amateurs de science s’est progressivement imposée [12]. Ce phénomène a souvent été décrit comme l’avènement d’une « science publique » qui caractériserait notre modernité, où les savoirs doivent obtenir nécessairement le suffrage du plus grand nombre : il mérite, à notre sens, un examen et une discussion plus attentifs. Cette thèse présente trois visages. En premier lieu, elle s’appuie sur l’idée qu’émerge au sein des grandes métropoles un nouvel espace de la communication des savoirs qui n’est plus entièrement dominé par les institutions savantes ou par le mécénat scientifique. Elle renvoie ensuite à la thèse de la genèse du capitalisme et du développement des sociétés bourgeoises, où la consommation des savoirs participe au double avènement de la commercialisation et des loisirs. Enfin, cette ligne d’analyse postule que la formulation d’un espace public de la science passe par la création d’instances autonomes de discussion où se déploie l’élaboration de la critique entendue comme « usage libre de la raison » selon la définition kantienne. Si la question de l’espace public et de sa constitution à l’époque moderne apparaît aujourd’hui comme l’une des questions-clés de l’historiographie depuis une vingtaine d’années et la diffusion des travaux pionniers de Jürgen Habermas à partir de 1962, on doit cependant s’interroger sur la pertinence et la réception de ce concept dans une perspective d’histoire culturelle et sociale des sciences [13]. En effet, pour beaucoup d’historiens des sciences, la philosophie naturelle n’occupe qu’une faible part des études sur l’espace public, en dépit du rôle que les savants des Lumières lui ont accordé. Tout un courant historiographique a tenté une approche pragmatique des espaces de circulation et de consommation des savoirs propres aux sociétés d’Ancien Régime, qu’il s’agisse des travaux de Colin Jones et de Roy Porter sur la médecine populaire et les marchés thérapeutiques [14], de Jan Golinski sur la constitution d’une chimie comme « science publique » en Angleterre autour de Priestley, des recherches de Simon Schaffer sur les spectacles de la science à Paris et à Londres ou de Liliane Hilaire-Pérez et Marie Thébaud-Sorger sur les publics des nouvelles techniques, pour ne citer que quelques travaux [15]. Ces recherches ont discuté et déplacé la thèse d’Habermas, en insistant notamment sur les dispositifs matériels de la science en train de se faire. L’inventaire de ces lieux de savoirs ne visait plus alors simplement une spatialisation de la notion, mais entendait saisir la mise en forme opérée par ces espaces eux-mêmes sur les savoirs [16]. L’étude de ces formes de sociabilité qui se tissent en dehors des académies et des universités autour des nouvelles entreprises scientifiques et techniques a précisé les contours de l’économie cognitive et sociale de ces savoirs. De telles approches montrent ainsi que les capitales européennes ont développé à la fois des institutions culturelles, des pratiques de commercialisation des savoirs, et une circulation large de la culture scientifique dans les sociétés urbaines (théâtre, spectacles de foire, conférences publiques, etc.) [17].

LES ESPACES URBAINS : UN HORIZON POUR UNE HISTOIRE RENOUVELÉE DES SCIENCES

6Plus encore, ces recherches sur les relations entre centralité scientifique et capitales européennes ont ouvert un vaste et ambitieux chantier de réflexion sur la mise en place d’un ordre politique des savoirs propre aux grandes métropoles, qui se décline dans deux directions. D’abord, comment se traduit l’emprise des pouvoirs sur les savoirs dans l’espace métropolitain ? Dans ce cadre, il s’agit avant tout de reformuler la question classique de la censure et de la police des savoirs qui s’exercent dans ces grandes villes, pour mieux comprendre la frontière entre le licite et l’illicite, principalement entendue ici comme un partage territorial entre les différentes institutions. L’organisation des savoirs dépend en effet avant le XIXe siècle d’une concurrence aiguë entre différents types de pouvoirs présents dans la ville. Ici, on procédera à l’analyse des contentieux, polémiques voire procès sur les conflits de juridiction entre les différentes institutions ou praticiens des sciences dans les métropoles :c’est dans ce sens que les travaux consacrés à Londres éclairent le collège des médecins et ses procès contre ceux qui exercent illégalement la médecine [18]. Par là, les historiens des sciences espèrent mieux saisir l’articulation entre espace de circulation des savoirs et espace politique – articulation qui pose la question de la souveraineté territoriale des savoirs, alors même que l’espace politique des capitales est souvent en partage entre différents pouvoirs (royal, clérical, local…). Elle se prolonge aujourd’hui par les recherches variées sur l’expertise scientifique en milieu urbain ou sur la ville, thème de recherche s’enracinant particulièrement dans les problèmes d’urbanisme et de santé publique, qui émergent dans le sillage de la croissance urbaine saisie dans la longue durée de la première modernité et des dossiers techniques qu’elle fait surgir, tels que celui de l’aménagement, en particulier hydraulique, des espaces urbains [19]. Il s’agit par conséquent pour les savants de la capitale sollicités par les pouvoirs urbains de délimiter un nouveau champ d’intervention (création des hôpitaux, régulation des cours d’eau, voiries, déplacement de cimetières, problème de sécurité alimentaire, etc.). Mais les institutions scientifiques des capitales n’ont que rarement une fonction d’expertise uniquement locale, elles servent aussi de lieu de référence dans l’espace européen des sciences, de tribunal où les savoirs sont jugés, validés [20]. Le cadre métropolitain permet ainsi de saisir l’imbrication des échelles mobilisées dans l’émergence d’une sphère professionnelle de l’expertise [21].

7L’interrogation sur l’ordre politique des savoirs ouvre la voie à des recherches sur l’émergence des savoirs métropolitains entendus comme savoirs sur la ville. La grande ville en effet devient à partir du XVIIe siècle un objet de spéculation scientifique [22]. La philosophie naturelle s’y intéresse d’abord comme cadre naturel, en cherchant à quadriller son espace, à le mesurer, à en fixer les coordonnées géodésiques, à en cartographier le territoire [23]. Elle scrute aussi sa topographie, sa faune et sa flore [24]. On ne peut qu’être surpris par l’investissement des spécialistes d’histoire naturelle dans l’inventaire des espèces et des pierres des grandes villes en Europe [25].

8L’ouverture de boutiques ou de jardins à la périphérie de Paris dans la seconde moitié du XVIIIe siècle met en jeu les frontières naturelles de l’urbain [26], tandis que l’on vient admirer de toute l’Europe la géologie d’Édimbourg et que s’organisent des promenades scientifiques dans les capitales [27].

9Enfin, le monde social devient un sujet d’analyse. La métropole avec sa croissance exceptionnelle fascine les observateurs sociaux. À Londres et à Paris, on s’interroge sur la meilleure manière de mesurer cette démographie [28]. De même, l’histoire et les savoirs antiquaires se tournent vers l’ancienneté des grandes capitales [29]. On pourrait ainsi poursuivre la liste des différents savoirs qui ont progressivement transformé les métropoles en objets d’étude scientifique ou de spéculation philosophique à la fin de l’Ancien Régime. Il nous suffit ici de remettre l’horizon de l’histoire des sciences au cœur des problématiques urbaines, pour rappeler la fécondité non seulement thématique mais bien aussi épistémologique des carrefours ainsi esquissés. Un horizon dont on mesure, au fil des renvois de bas de pages, combien il reste borné à l’Europe.

SCIENCES, MÉTROPOLES ET EMPIRES

10Il s’agit moins pour nous de faire une remarque qui voudrait s’inscrire dans le bon ton d’une attitude « politiquement correcte » face à un européocentrisme dont l’historiographie européenne a peine à se démarquer, que d’indiquer la valeur non seulement heuristique, mais aussi réflexive de la recherche des points de croisement historiographiques. En effet, c’est en faisant le détour par un certain type d’histoire coloniale qu’on rencontre la problématique « sciences et empires » qui a largement revigoré, depuis une quinzaine d’années, l’interprétation du phénomène des capitales scientifiques [30].

11Alors que, pendant longtemps, l’étude de cette thématique s’est opérée à partir de critères diffusionnistes interrogeant l’essaimage des sciences occidentales dans les espaces périphériques des colonies [31], de nouvelles perspectives de recherche ont cherché à mettre cette représentation en discussion et à lui substituer des grilles d’analyse plus complexes, largement héritées des questionnaires de l’anthropologie. En explicitant les limites de l’ancien agenda axé sur le rapport « centre/périphéries », les historiens ont cherché, plus récemment, à placer la construction des savoirs dans le cadre d’une histoire croisée, même si asymétrique, et à mettre en évidence des processus coloniaux marqués du sceau de l’interaction et de la réciprocité, au gré de réseaux et de circuits au sein desquels se produit l’échange. Ainsi, la coordination par Roy Mc Leod, dans la revue états-unienne Osiris, d’un numéro thématique consacré à «Nature and empire :science and the colonial entreprise», en 2000, a permis non seulement d’aborder sur d’autres bases le débat ouvert une dizaine d’années auparavant, dans une chronologie plus familière aux historiens contemporanéistes, sur le rôle de la science dans la constitution du phénomène colonial, mais aussi de reprendre à nouveaux frais l’étude des villes et des capitales, notamment coloniales. On a ainsi pu proposer un modèle de « machine coloniale » qui vise, via l’activité scientifique, à intégrer, contrôler, domestiquer ces espaces périphériques [32], voire à mettre en lumière d’autres espaces de circulation privilégiant de nouvelles villes dont l’essor est parfois lié à leur capacité à produire de nouveaux savoirs. C’est ainsi que Philadelphie devient, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, une véritable plate-forme d’échange et de publication pour l’espace atlantique [33]. Un autre exemple est celui de Calcutta dont l’article de Kapil Raj, publié dans ce dossier, analyse l’engendrement comme ville-monde et comme laboratoire pour la production de nouveaux savoirs et de nouvelles sciences au contact des mondes asiatiques. D’autres chercheurs se sont à l’inverse intéressés aux lieux d’interaction locale entre les savoirs « indigènes » et les savants européens. Dans le cadre de cette problématique, la capitale apparaît plus en retrait au profit d’une décentralisation de l’action scientifique, de la mise en valeur d’une pluralité de centres et d’intermédiaires locaux [34]. La production des savoirs est le résultat d’interactions locales entre des pratiques coloniales et des savoirs indigènes. Ici, le modèle du terrain de l’anthropologue constitue sans doute la référence, implicite le plus souvent [35].

12Au sein de ce champ de recherche, encore en pleine constitution, les métropoles européennes apparaissent alors sous les traits de cités impériales, dominant l’économie mondiale et les systèmes d’échanges coloniaux, mais aussi, et de plus en plus, comme des carrefours au cœur d’espaces polycentriques qu’elles ne parviennent pas totalement à polariser. Ces travaux nous invitent ainsi à reconsidérer la fonction et le fonctionnement des capitales européennes comme le produit de dynamiques impériales complexes, résultant d’un processus historique de longue durée, où se joue la mise en place des écarts et des hiérarchies au sein de l’espace européen, et au-delà. L’analyse, par Harold Cook, d’Amsterdam et de ses réseaux marchands, va dans ce sens :une longue tradition commerciale, qui prend appui sur une non moins longue et concomitante tradition urbaine, fait émerger les milieux marchands et leurs réseaux comme acteurs principaux d’une forme originale de capitalisation des savoirs, à l’échelle planétaire et dans un brassage inédit, au XVIIe siècle, des cultures et des lieux [36]. François Regourd, regardant Paris, propose en revanche un autre modèle d’imbrication de la fonction capitale et de l’activité coloniale, entre XVIIe et XVIIIe siècle.

13Le déplacement des problématiques scientifiques sur le terrain colonial permet un déploiement net de perspectives comparatistes, qui contribuent activement à la disqualification d’une vision finaliste et téléologique des capitales, ainsi qu’à la mise en exergue des jeux de miroirs et de la compétition entre les différentes grandes cités pour conquérir un statut universel. C’est aussi dans cette direction qu’il faut chercher les bases d’une nouvelle histoire de l’Europe, où la centralité comme processus historique, l’européocentrisme comme discours et pratique d’accompagnement de ce processus, deviennent l’objet même de l’interrogation. Ce faisant, il s’agit bien de redonner au terme de capitale et aux processus de capitalisation – qui peuvent d’ailleurs être déconnectés – une dimension problématique et hypothétique. En ce sens, la « capitale philosophique » serait l’aboutissement de l’histoire d’une convergence réussie entre pratiques et représentations, entre développement institutionnel et circuits de reconnaissance.

14Cette approche a au moins deux mérites :elle souligne à la fois l’importance des concurrences entre les différentes constructions coloniales et celle du lien entre savoirs et administration territoriale des colonies. Le déplacement de perspective qu’autorisent les empires n’est donc pas une manière de fétichiser les aires culturelles, mais de plaider pour un usage large du comparatisme.

VILLES GLOBALES, SAVOIRS GLOBAUX ? LES ÉCHELLES DE L’OBSERVATION

15Les nouvelles propositions de réécriture de l’histoire à partir d’un cadre mondial n’épargnent pas, comme on l’a vu, l’histoire des sciences [37], selon deux modalités différentes et contradictoires. En premier lieu, elles donnent lieu à la multiplication de grands récits pédagogiques où la science occidentale vient à la chaîne après la contribution des Égyptiens, des Indiens, des Arabes ou des Chinois. Ici la « vectorisation » du récit est évidemment problématique, tant on y décèle les avatars à peine déguisés d’une pensée de type évolutionniste. Si elle ne prend pas cette voie, cette histoire globale peut aisément tourner à la simple juxtaposition de réseaux savants [38] et de configurations intellectuelles sur un temps très long, de l’Antiquité à nos jours, sans véritablement s’interroger sur la construction de ces cadres d’analyse et sur leur pertinence à partir du moment où le « monde » est un objet élaboré par les savants eux-mêmes. La globalisation des savoirs est une donnée implicite de la démonstration. Le changement d’échelle produit par l’irruption des villes-mondes n’est pas abordé.

16Un second horizon se dessine sous l’impulsion et la montée en puissance des post-colonial studies qui trouvent, dans l’histoire des sciences, de nouveaux terrains d’investigation : la proposition générale vise à en finir avec une vision occidentalisée et dominante de l’histoire des sciences en recherchant et analysant une « autre raison », d’autres savoirs pris dans d’autres rationalités. Dans ce cadre, il s’agit de donner toute leur place aux savoirs locaux, aux lieux de production d’avant la conquête ou la domination. Cette position épistémologique sur la nature des savoirs étudiés prend appui sur l’entreprise de révision radicale des rapports de savoir et de pouvoir entre l’Occident et les autres, engagée, dès les années 80, par les « subalternistes »:elle trouve ses objets dans des directions aussi diverses que celle du multiculturalisme des sciences [39], des relations entre sciences et raison d’État coloniale [40], de la remise en cause du grand partage entre savoir local et sciences [41], ou des rapports entre race, modernité et science.

17En présentant un dossier dont certaines contributions s’intéressent à d’autres espaces et à d’autres villes que l’Europe, nous ne souhaitons pas prendre pied dans cette historiographie davantage que dans une autre. Plutôt que de chercher à trancher les différents débats ouverts par la multiplication des travaux qui engagent les relations entre villes et sciences, le présent dossier souhaiterait proposer une perspective différente qui n’opposerait pas terme à terme comparaison au proche et comparaison au lointain [42],« sciences européennes » et savoirs « indigènes », mais qui chercherait à penser les villes-mondes (métropoles, capitales) de l’époque moderne comme un des points de passage privilégiés de la « mondialisation des savoirs » ou d’une « histoire comparée des milieux intellectuels ou scientifiques » menée à grande échelle. Le caractère localisé de cette approche s’écarte donc d’autres propositions historiographiques parfaitement légitimes, mais qui utilisent le cadre urbain comme un cadre « naturel » de l’analyse [43]. En choisissant de travailler à partir de la notion de « ville-monde » qui est une catégorie historiographique, il ne s’agit pas de s’aligner sur les études des villes globales, qui prolifèrent un peu partout aujourd’hui, pour penser les changements de la condition urbaine et conclure à la mort de la « ville classique européenne » [44], mais de saisir la production conjointe de ces deux processus d’internationalisation du fait urbain et de la « science moderne », et de réfléchir à la manière dont ces processus interagissent à l’échelle mondiale.

18Afin de souligner le jeu des échelles, le poids des tensions et de la concurrence, l’historicité des modèles urbains qui se réclament des sciences, nous avons ainsi privilégié un spectre large de sites d’observation de manière à multiplier les angles d’analyse et à confronter les différentes parties du monde, à contraster aussi les expériences urbaines en variant les contextes culturels et politiques. Ensuite, les articles souhaitent montrer à l’œuvre des dynamiques de production, de circulation et de reconnaissance. L’usage des savoirs est toujours pris dans un espace de circulation qui lui est propre et qui engage souvent la comparaison avec d’autres villes de même taille.


Date de mise en ligne : 20/06/2008

https://doi.org/10.3917/rhmc.552.0007

Notes

  • [1]
    Les éditeurs de ce dossier tiennent à remercier pour leurs soutiens financiers :le département d’histoire et civilisation de l’Institut Universitaire Européen de Florence, la Ville de Paris et le programme d’ANR Jeunes chercheurs :« Sciences et capitales européennes : revisiter l’espace public des savoirs ».
  • [2]
    Il s’agit ici d’insister sur deux questions : en premier lieu, l’historicité même de la perception du monde comme global, à ce sujet, voir le stimulant et original travail de Jean-Marc BESSE, Les grandeurs de la terre. Aspects du savoir géographique au seizième siècle, Lyon, ENS Éditions,2003. En second lieu, il s’agit de prendre historiquement la mesure de cette échelle planétaire, en fonction de paramètres clairs et eux aussi historiquement construits. Voir le n°spécial « Histoire globale, histoires connectées » de la Revue d’histoire moderne & contemporaine,54-4 bis, supplément 2007.
  • [3]
    Éric BRIAN, « Le livre des sciences est-il écrit dans la langue des historiens ?», in Bernard LEPETIT (éd.),Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel,1995, p.85-98. Depuis cette date, d’autres formes de suspicion se sont manifestées, vis-à-vis de la sociologie des sciences qui s’est développée récemment en France, invitant aussi les historiens à repenser leur agenda de recherche sur l’objet science. REVUE D’HISTOIRE MODERNE & CONTEMPORAINE 55-2, avril-juin 2008.
  • [4]
    Sven DIERIG, Jens LACHMUND, Andrew MENDELSOHN (éd.),« Science and the city »,Osiris,18,2003.
  • [5]
    Il ne s’agit du reste pas uniquement ici de plaider pour une époque moderne définie comme phase émergente du processus, ce qui reléguerait les autres périodes dans les limbes de la science moderne. Il nous semble au contraire qu’en se saisissant des propositions évoquées ci-dessus et en les transposant à l’époque moderne, on ouvre la voie à une approche plus large dans laquelle les grandes capitales de l’Antiquité ou celles de l’époque médiévale constitueraient des laboratoires eux aussi stimulants pour la recherche. C’est en partie dans cette perspective que se situe le volume dirigé par Christian JACOB,Les lieux de savoir, Paris, Albin Michel,2007.
  • [6]
    David HARVEY, The Urbanization of Capital. Studies in the History and Theory of Capitalist Urbanization, Baltimore, The John Hopkins University Press,1990. Plus récemment, ID., Paris, Capital of Modernity, Londres, Routledge,2003.
  • [7]
    DanielROCHE, Christophe CHARLE (éd.),Capitales culturelles, capitales symboliques. Paris et les expériences européennes, XVIIIe - XXe siècles, Paris, Publications de la Sorbonne,2002; C. CHARLE (éd.), Capitales européennes et attraction culturelle XVIIIe - XXe siècle, Paris, Éditions rue d’Ulm,2004.
  • [8]
    Jean BOUTIER, Brigitte MARIN, Antonella ROMANO (éd.), Naples, Rome, Florence. Une histoire comparée des milieux intellectuels italiens ( XVIIe - XVIIIe siècles), Rome, École Française de Rome,2005. Voir en outre toute la bibliographie attenante à ce thème, dans la dernière section du volume.
  • [9]
    Dans l’abondante bibliographie disponible sur ce thème, on retiendra notamment Paul WOOD, « Science, the universities and the public sphere in eighteenth-century Scotland »,History of Universities,14, 1994, p.99-135. C’est aussi l’objectif du volume édité par William CLARK, Jan GOLINSKI et Simon SCHAFFER (éd.),The Sciences in Enlightened Europe,Chicago, The University of Chicago Press,1999. On indique aussi plus loin comment l’histoire de la médecine s’est particulièrement prêtée à ce type d’approche.
  • [10]
    La bibliographie anglophone est particulièrement riche, en liaison avec les études sur les Lumières :Michael R.LYNN,« Enlightenment in the public sphere :The Musée de Monsieur and scientific culture in late-eighteenth century Paris »,Eighteenth-Century Studies,32-4 :« Sites and margins of public sphere »,1999, p.463-476; Susan C.LAWRENCE,Charitable Knowledge. Hospital Pupils and Practitioners in Eighteenth-Century London, Cambridge, Cambridge University Press,1996; Brian COWAN,The Social Life of Coffee :Curiosity, Commerce and Civil Society in Early Modern Britain, New Haven, Yale University Press, 2005. Pour l’espace français, cf.le dossier thématique du Bulletin de la Société d’histoire moderne & contem-poraine,1997/3-4, consacré aux sociabilités savantes; plus récemment, Antoine LILTI,Le monde des salons. La sociabilité mondaine à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Fayard,2005.
  • [11]
    Sur cette réflexion sur les pratiques de localisation, voir Adir OPHIR, Steven SHAPIN,« The place of knowledge. A methodological survey », Science in Context, 4-1,1991, p. 3-21; Steven SHAPIN, « Placing the view from nowhere :historical and sociological problems in the location of science »,Transactions of the Institute of British Geographers, 23,1998, p. 5-12; Jean-Marc BESSE, « Le lieu en histoire des sciences. Hypothèses pour une approche spatiale du savoir géographique au XVIe siècle », Mélanges de l’École Française de Rome-Italie et Méditerranée, (désormais MEFRIM), 116-2,2004, p. 401-422; David N.LIVINGSTON, Putting Science in its Place. Geographies of Scientific Knowledge, Chicago, The University of Chicago Press,2003.
  • [12]
    Pour une histoire sociale et culturelle de cette figure au XVIIIe siècle qui dépasse le simple terrain de l’art, voir Charlotte GUICHARD, « Les amateurs d’art à Paris dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », thèse, université de Paris-1,2005.
  • [13]
    Thomas BROMAN, « The habermasian public sphere and science in the Enlightenment », History of Science,36,1998, p.124-147.
  • [14]
    Colin JONES, « The great chain of buying : medical advertisement, the bourgeois public sphere, and the origins of the French Revolution », American Historical Review, 101-1,1996, p. 13-40; Roy S.PORTER,« Science, provincial culture and public opinion in Enlightenment England »,British Journal for Eighteenth-Century Studies,3,1980, p.20-46.
  • [15]
    Liliane HILAIRE-PÉREZ, Marie THÉBAUD-SORGER,« Les techniques dans l’espace public. Publicité des inventions et littérature d’usage au XVIIIe siècle (France, Angleterre)», Revue de Synthèse,127-2,2006, p.393-428.
  • [16]
    Christian LICOPPE,La formation de la pratique scientifique. Le discours de l’expérience en France et en Angleterre (1630-1820), Paris, La Découverte,1996.
  • [17]
    Voir ici les travaux de Gilles CHABAUD, « La physique amusante et les jeux expérimentaux en France au XVIIIe siècle », Ludica, annali di storia e civiltà del gioco, 2,1996, p.61-73; ID.,« Sciences, magie, illusion :les romans de la physique amusante (1784-1789)», Tapis-franc.Revue du roman populaire,8,1997, p. 18-37. Voir aussi la thèse de Marie THÉBAUD-SORGER, « L’air du temps. L’aérostation : savoirs et pratiques à la fin du XVIIIe siècle (1783-1785)», EHESS,2004; ainsi que Christine BLONDEL,« Haüy et l’électricité : de la démonstration-spectacle à la diffusion d’une science newtonnienne », Revue d’histoire des sciences,50-3,1997, p.265-282.
  • [18]
    Margaret PELLING, « Public and private dilemma : the College of Physicians in early modern London », in Steve STURDY (éd.), Medecine, Health and the Public Sphere in Britain,1600-2000, Londres, Routledge, 2002, p. 27-42. Sur les conflits, voir aussi M. PELLING, Medical Conflicts in Early Modern London :Patronage, Physicians and Irregular Practionners,1550-1640, Oxford, Oxford University Press, 2003. Pour la Rome pontificale de la fin de la Renaissance, voir la thèse d’Elisa ANDRETTA, « Médecines et médecins à Rome à la Renaissance », EHESS et Università degli studi di Roma-La Sapienza,2007.
  • [19]
    Giovanna CURCIO,« Ingegneri e architetti stranieri in Roma tra XVII e XVIII secolo », in Donatella CALABI, Paola LANARO (éd.),La città italiana e i luoghi degli stranieri, XIV - XVIII secolo, Rome-Bari, Laterza, 1998, p.222-254; Klaas VAN BERKEL,«“Cornelius Meijer Invetor fecit”. On the representation of science in late seventeenth-century Rome », in Pamela H. SMITH, Paula FINDLEN (éd.) Merchants and Marvels, Londres, Routledge,2002, p. 277-295; Sabine BARLE, La ville délétère. Médecins et ingénieurs dans l’espace urbain, XVIIIe - XIXe siècles, Seyssel, Champ Vallon, 1999.
  • [20]
    À titre d’exemple, pour les débats sur les pharmacopées, voir Andreas-Holger MAEHLE,Drugs on Trial : Experimental Pharmacology and Therapeutic Innovation in the Eighteenth-Century, Amsterdam, Atlanta, The Wellcome Series in the History of Medicine,1999.
  • [21]
    Sur l’expertise dans les capitales, voir le dossier « Expertise » dans Genèses,65,2006, et Christelle RABIER (éd), Fields of Expertise :Expert and Powers in Paris and London since 1600, Londres, Cambridge Scholar Press,2007.
  • [22]
    BernardLEPETIT, Jochen HOOCK (éd.),La ville et l’innovation, Paris, Éditions de l’EHESS,1987.
  • [23]
    Sur Paris :Jean BOUTIER, avec la collaboration de Jean-Yves SARAZIN et Marion SIBILLE,Les plans de Paris des origines (1493) à la fin du XVIIIe siècle, Paris, BnF, 2002. Sur Rome : Jean-Marc BESSE, Pascal DUBOURG GLATIGNY, « Cartographier Rome au XVIe siècle (1544-1599). Décrire et reconstituer », in Antonella ROMANO (éd.), Rome et la science moderne entre Renaissance et Lumières, Rome, École française de Rome, à paraître en 2008.
  • [24]
    Joseph PITTON DE TOURNEFORT, Histoire des plantes qui naissent aux environs de Paris, avec leur usage pour la médecine, Paris, Imprimerie royale,1698,2 vol.
  • [25]
    Voir Jean-Baptiste VAQUIN (éd.),Atlas de la Nature à Paris, Paris, Le Passage,2006. Sur l’exemple de Rome, conservatoire naturaliste : Gilles MONTÈGRE, « François de Paule Latapie. Un savant voyageur français au cœur de la Rome des Lumières », MEFRIM,117-1,2005, p.371-422; sur les collections naturalistes dans les capitales européennes à la fin de l’Ancien Régime, voir la thèse en cours de Pierre-Yves LACOUR, « La constitution des collections françaises d’Histoire naturelle sous la Révolution et l’Empire (1791-1815)», sous la direction d’A.Romano, Institut Universitaire Européen, Florence.
  • [26]
    Sur l’inventaire de ces jardins et pépinières, voir Emma C.SPARY,« The nature of Enlightenment », in W. CLARK, J. GOLINSKI et S. SCHAFFER (éd.), The Sciences in Enlightened Europe, op.cit., p. 272-304; A. OPHIR et S.SHAPIN, art.cit.
  • [27]
    Sur l’histoire de la géologie, cf. le livre monumental de Martin S.J. RUDWICK, Bursting the Limits of Time. The Reconstruction of Geohistory in the Age of Revolution, Chicago, The University of Chicago Press, 2005; sur les promenades des observateurs de l’homme : Jean-Luc CHAPPEY, La société des observateurs de l’homme (1799-1804). Des anthropologues au temps de Bonaparte, Paris, Société d’études robespierristes,2002.
  • [28]
    Pour Paris, voir Éric BRIAN, La mesure de l’État. Administrateurs et géomètres au XVIIIe siècle, Paris, Albin Michel,1994; sur Londres :Andrea RUSNOCK,Vital Accounts :Quantifying Health and Population in Eighteenth-Century England and France,Cambridge, Cambridge University Press,2002.
  • [29]
    À titre d’exemple, sur les milieux des antiquaires londoniens, Rosemary SWEET, Antiquaries :the Discovery of the Past in Eighteenth-Century Britain, Londres, Hambledon,2004; Robin MYERS et Michael HARRIS (éd.), Antiquaries, Book Collectors and the Circles of Learning, Londres, Oak Knoll Press, 1996; David BOYD HAYCOCK, William Stukeley, Science, Religion and Archaeology in Eighteenth-Century England, Oxford, Boydell Press, 2002.
  • [30]
    Patrick PETITJEAN, Anne-Marie MOULIN, Catherine JAMI (éd.), Science and Empires. Historical Studies about Scientific Development and European Expansion, Dordrecht, Kluver Academic Publishers, 1992; Londa SCHIEBINGER (éd.),« Focus :colonial science »,Isis,96-1,2005, p.52-87; Benedikt STUCHTEY (éd.), Science across the European Empires, Oxford, Oxford University Press,2005.
  • [31]
    La référence emblématique (et problématique) est George BASALLA, « The spread of Western science », Science, 156,1967, p. 611-622. Voir une mise au point critique : Antonio LAFUENTE, Alberto ELENA, Maria Luisa ORTEGA (éd.),Mundializacion de la ciencia y cultura nacional, Madrid-Aranjuez, Doce Calles,1993.
  • [32]
    François REGOURD, James E. MC CLELLAN III,« French Science and Colonization in the Ancien Régime : the “Machine coloniale” », Osiris,15,2000, p.31-50.
  • [33]
    James DELBOURGO, A Most Amazing Scene of Wonders : Electricity and Enlightenment in Early America, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2006; plus récemment, mais sans attention particulière au phénomène urbain, J. DELBOURGO, Nicholas DEW (éd.), Science and Empire in the Atlantic World, Londres, Routledge,2007.
  • [34]
    Sur cette réévaluation des savants « indigènes », voir Kapil RAJ,« Colonial encounters and the forging of the new knowledge and national identities :Great Britain and India,1760-1850 »,Osiris,15,2000, p.119-134; ID.,Relocating Modern Science. Circulation and the Construction of Scientific Knowledge in South Asia and Europe, Seventeenth to Nineteenth Centuries, Basingstoke, Palgrave, 2006; Philip B. WAGONER, « Precolonial intellectuals and the production of colonial knowledge », Comparative Studies in Society and History, 45,2003, p.783-814.
  • [35]
    Henrika KUKLICK, Robert E.KOHLER (éd.),« Science in the field », Osiris,11,1996.
  • [36]
    Pour une approche plus détaillée, on renverra à son livre : Harold COOK, Matters of Exchange : Commerce, Medicine, and Science in the Dutch Golden Age, New Haven, Yale University Press,2007.
  • [37]
    James E. MC CLELLAN III, Harold DORN, Science and Technology in World History. An Introduction, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1999. Il faut cependant noter la tendance forte à assortir actuellement les problématiques de la « science coloniale » au cadre atlantique, dans une perspective de réévaluation post-moderne de l’apport scientifique hispanique à la construction des savoirs sur le monde. Voir par exemple Jorge CANIZARES-ESGUERRA, Puritan Conquistadors :Iberianizing the Atlantic 1550-1700, Stanford, Stanford University Press, 2006; ID., Nature, Empire, and Nation :Explorations of the History of Science in the Iberian World, Stanford, Stanford University Press, 2006, où l’ancien conflit colonial entre puissance espagnole et puissance britannique constitue la grille d’une lecture renouvelée d’une proposition qui vise à libérer définitivement les Hispaniques du complexe produit par la «leyenda negra». On mesure ici combien le choix de l’échelle d’analyse – en l’occurrence l’espace atlantique – en définit d’ores et déjà les héros.
  • [38]
    L’ouvrage de Randall COLLINS est symptomatique de cet usage : The Sociology of Philosophies. A Global Theory of Intellectual Change, Cambridge (Mass.), Harvard University Press,1998.
  • [39]
    La multiplication des articles dans l’une des plus importantes revues des «sciences studies», Social Studies of Science, est emblématique de cette prise en compte de l’agenda des postcolonial studies le plus souvent incarnées par la référence à l’ouvrage de Dipesh CHAKRABARTY, Provincializing Europe :Postcolonial Thought and Historical Difference, Princeton, Princeton University Press, 2000. À titre d’exemples : Anderson WARWICK, « Introduction : postcolonial technoscience », Social Studies of Science, 32-5/6,2002, p.643-658 et le numéro spécial,« Is science multicultural ?», Configurations, 2-2,1994.
  • [40]
    On évoque ici les travaux de Gyan PRAKASH, Another Reason, Princeton, Princeton University Press, 1998; Ashis NANDI, « Introduction : science as a Reason of State », in Ashis NANDY (éd.), Science, Hegemony, and Violence :A Requiem for Modernity, Tokyo et Delhi, The United Nations University and Oxford University Press,2002, p.1-23.
  • [41]
    Arun AGARWAL, « Dismantling the divide between indigenous and scientific knowledge », Development and Change,26,1995, p.413-439.
  • [42]
    On connaît les termes du débat tels que Marcel DÉTIENNE les a énoncés :« On l’a dit, aucun comparatisme ne peut naître de la comparaison “directe et familière” qui révèle aussitôt la ténacité des jugements de valeur portés sur des pays voisins, à condition qu’ils aient une histoire dominée par la “nôtre” qui restera implicitement incomparable », in « L’art de construire des comparables. Entre historiens et anthropologues »,Critique internationale,14, janvier 2002, p.68-78, citation p.73. On renverra à la réponse de Lucette VALENSI, « L’exercice de la comparaison au plus proche, à distance : le cas des sociétés plurielles », Annales HSS,57-1,2002, p.27-30.
  • [43]
    On vise ici des propositions historiographiques fort variées : C. CHARLE, « L’histoire comparée des intellectuels en Europe. Quelques points de méthode et proposition de recherche », in Michel TREBITSCH, Marie-Christine GRANJON (éd.), Pour une histoire comparée des intellectuels, Bruxelles, Complexe, 1998, p. 39-59; Sanjay SUBRAHMANYAM, Explorations in Connected History. From the Tagus to the Ganges, 2 vol., Delhi, Oxford University Press, 2005; Serge GRUZINSKI, « Les mondes mêlés de la monarchie catholique et autres connected histories», Annales HSS,56-1,2001, p. 85-117, généralisée dans ID.,Les quatre parties du monde.Histoire d’une mondialisation, Paris, La Martinière,2004; ou encore Michael WERNER, Bénédicte ZIMMERMAN (éd.), De la comparaison à l’histoire croisée, Paris, Seuil,2004.
  • [44]
    Saskia SASSEN, The Global City, New York, London, Tokyo, Princeton, Princeton University Press, 1991; Olivier MONGIN, La condition urbaine, Paris, Seuil,2006.

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