Notes
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[1]
Je remercie Nadine Besse, directrice du Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Étienne, pour la confiance dont elle m’a témoigné, en me confiant la responsabilité du département des armes, en 2001-2002. Mes remerciements vont ensuite à Philippe Minard, pour ses conseils éditoriaux.
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[2]
Entre 1717 et 1764, le nombre des entrepreneurs à Saint-Étienne varie de un à treize. Les entrepreneurs sont choisis parmi les plus gros commerçants. Ceux-ci passent ensuite des marchés avec les artisans locaux. Voir François BONNEFOY, Les armes de guerre portatives en France du début du règne de Louis XIV à la veille de la Révolution (1660-1789):De l’indépendance à la primauté,Paris,Librairie de l’Inde,1991, p.182-193 et p.216.
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[3]
Charleville (1688) et Maubeuge (1701) sont des manufactures réunies, sous la direction d’un seul entrepreneur. Il s’agit de manufactures très concentrées, tandis que Saint-Étienne est beaucoup moins centralisée et dispose de peu d’infrastructures. Cependant, en 1717, Saint-Étienne produit deux fois plus d’armes que Charleville, et six fois plus que Maubeuge.
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[4]
Il s’agit d’un contrôleur-arquebusier, d’un contrôleur-éprouveur des canons, d’un contrôleur des platines et d’un contrôleur des montures et garnitures.
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[5]
On peut comparer cet effectif aux 800 ouvriers de Charleville, vers 1725, et aux 300 ouvriers de Maubeuge en 1773. Mais dans toutes ces manufactures, les effectifs varient fortement.
-
[6]
Philippe LEFEBVRE, L’invention de la grande entreprise. Travail, hiérarchie, marché (France, fin XVIIIe - début XXe siècle),Paris, PUF,2003, p.45.
-
[7]
Le modèle 1717 a été, le premier, soumis à un règlement définissant certaines grandes caractéristiques et le mode de fabrication. Il s’agit du Règlement du 25 janvier 1717. F. BONNEFOY, Les armes…, op.cit.,p.52.
-
[8]
Patrice BRET, L’État, l’armée, la science. L’invention de la recherche publique en France (1763-1830), Rennes, Presses Universitaires de Rennes,2002, p.181-184.
-
[9]
Cf. StephenMARGLIN,« Origines et fonction de la parcellisation des tâches », in André GORZ (dir.), Critique de la division du travail, Paris, Seuil,1974, p.41-91 (et version plus complète dans Bruno TINEL, « À quoi servent les patrons ?»:Marglin et les radicaux américains, Lyon, ENS Éditions,2004).
-
[10]
Antoine PICON,« Towards a history of technological thought », in Robert FOX (ed.),Technological Change. Methods and Themes in the History of Technology, Londres, Harwood Academic Publishers, 1996, p.37-49.
-
[11]
Ken ALDER,Engineering the Revolution. Arms and Enlightenment in France,(1763-1815), Princeton, Princeton University Press, 1997, chapitre 5 (compte rendu dans RHMC,46-4,1999, p.826).
-
[12]
Jean CHAGNIOT, optimiste, considère l’uniformité presque réalisée :« L’art de la guerre », in Jean DELMAS (dir.), Histoire militaire de la France, tome 2, De 1715 à 1871, Paris, PUF,1992, p.62.
-
[13]
La noix est une pièce déterminante pour le bon fonctionnement de la platine. C’est une pièce solidaire du chien auquel elle transmet la poussée d’un grand ressort.
-
[14]
Un mémoire résume ces difficultés. Service Historique de l’Armée de Terre, Vincennes (désormais SHAT), 4 W 482. « Mémoire sur la platine et sa fabrication à la manufacture impériale d’armes de guerre à Liège en 1810 », par M.Quémizet, capitaine de 2e classe au 5e régiment à pied du corps impérial de l’Artillerie, fol.13.
-
[15]
SHAT,4 W 451,« Fourniture de fusils », 7 juillet 1730, Saint-Étienne, fol.8.
-
[16]
SHAT, MR 1741, « Mémoire historique sur les progrès de la fabrication des armes pour les troupes du roy », 27 avril 1777, fol.4
-
[17]
Montbeillard, ancien inspecteur à Charleville, est nommé à Saint-Étienne par Choiseul en février 1764. Il retourne à Charleville en août 1765. L’arquebusier Honoré Blanc est nommé contrôleur à Saint-Étienne en 1763, puis contrôleur principal des trois manufactures, sur proposition de Gribeauval, en mars 1778. Il reste à Saint-Étienne jusqu’en 1781, fait une tournée en 1782, et revient à Saint-Étienne en novembre 1784.
-
[18]
SHAT, 4 W 482, « Rapport sur la fabrication des platines de fusil, Montbeillard », 16 mai 1764.
-
[19]
SHAT,4 W 485,« Règlement de 1773 pour les manufactures d’armes à feu du royaume, Fusil », art II.
-
[20]
Ibid., « Platine », art.4.
-
[21]
L’allégement du modèle 1763 est directement à l’origine du modèle 1766. Ce dernier s’avérant fragile, le canon est à nouveau renforcé en 1773. Les proportions du canon sont toutefois établies de manière à en réduire le poids. Peu après, on reproche au modèle 1774 d’être trop lourd sur la partie avant du canon. SHAT 4 w 485,« Règlement de 1773 pour les manufactures d’armes à feu du royaume, Canon », art IV et F.BONNEFOY, Les armes…, op.cit.,p.828.
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[22]
SHAT,4 W 465,« Mémoire sur la manufacture des armes de Saint-Étienne »,1762 ou 1763, fol. 11.
-
[23]
Lire sur cette question les pages consacrées au commerce des fers dans Denis WORONOFF, L’industrie sidérurgique en France pendant la Révolution et l’Empire, Paris, Éditions de l’EHESS,1984, p.449-451.
-
[24]
SHAT,4 W 465,« Mémoire sur la manufacture des armes de Saint-Étienne »,1762 ou 1763, fol. 11. Ces évènements ne sont pas datés, mais à lire ce rapport, ils semblent assez récents.
-
[25]
SHAT, 4 W 458, « Mémoire adressé à M. de Gribeauval par M. d’Agoult en réponse à des demandes faites par les entrepreneurs de Saint-Étienne »,16 août 1779. Pierre-André-Nicolas d’Agoult a été nommé inspecteur à Saint-Étienne en 1777. Les forgeurs de baguettes étaient également furieux de l’acier qu’on leur vendait et demandaient la liberté de faire leurs achats où ils l’entendaient.
-
[26]
SHAT, 4 W 465, « Mémoire pour les maires, échevins, négociants marchands et armuriers de la ville de Saint-Étienne en Foretz »,1780, fol.9.
-
[27]
SHAT,4 W 485,« Règlement pour les manufactures d’armes à feu du royaume »,21juillet1773, fol.1.
-
[28]
SHAT, 4 W 465, « Règlement provisoire pour la manufacture d’armes de Saint-Étienne. De la police et instruction des ouvriers »,26 février 1777.
-
[29]
Philippe MINARD, La fortune du colbertisme. État et industrie dans la France des Lumières, Paris, Fayard,1998, p.153.
-
[30]
Mais, excepté entre 1755 et 1763, ils n’ont jamais cessé de faire des bénéfices : F. BONNEFOY,Les armes…, op.cit.,p.482.
-
[31]
SHAT,4 W 465,« Mémoire sur la manufacture des armes de Saint-Étienne »,1762 ou 1763, fol.5.
-
[32]
Ibid., fol 15-16.
-
[33]
Montbeillard avait proposé, l’année précédente, de faire une manufacture réunie dans les mains d’un seul entrepreneur. Il n’obtint pas satisfaction, et la société fut donc confiée à 5 entrepreneurs.
-
[34]
F.BONNEFOY, Les armes…, op.cit.,p.576. Ce privilège est inséré dans les différents marchés, puis inscrit dans les lettres patentes de 1769.
-
[35]
SHAT,4 W 458, « État de situation des entrepreneurs et des maîtres canonniers employés pour le service du Roi a la manufacture d’armes de Saint-Étienne », 1er avril 1784, et « Mémoire adressé le 16 août 1779 à M.de Gribeauval par M.d’Agoult », fol.16. D’agoult détaille les pertes de l’entrepreneur. Lire sur ce point, KEN ALDER, Engineering the Revolution…, op.cit., p.208.
-
[36]
Les capitaux investis par les entrepreneurs s’élèvent à 563310 livres et le total des avances à 167012 livres en 1783.
-
[37]
KEN ALDER, Engineering the Revolution…, op.cit., p.194.
-
[38]
SHAT,4 W 458,« Mémoire des marchands stéphanois », février 1785, fol.1.
-
[39]
Ibid., fol.1.
-
[40]
SHAT, 4 W 485, « Mémoire », Gribeauval, article 27,27 mai 1783.
-
[41]
Art.2 des lettres patentes du 5 août 1769. La manufacture était alors confiée à un seul entrepreneur, Carrier de Monthieu.
-
[42]
SHAT, 4 W 462, « Ordonnance du Roi concernant les privilèges des ouvriers attachés aux manufactures d’armes », art.2, mai1768. Ces privilèges sont confirmés ensuite à plusieurs reprises, par les lettres patentes du 5 août 1769 (art.4) ou par l’ordonnance de juin1783 portant règlement dans la manufacture (art.14).
-
[43]
SHAT, 4 W 485, « Règlement de 1773 pour les manufactures d’armes à feu du Royaume », ouvriers, art. I.
-
[44]
Les officiers peuvent enfermer 24 heures tout artisan qui insulte ou menace un officier ou un contrôleur, ou qui incite à la révolte. Mais les punitions doivent ensuite être approuvées par le ministre de la Guerre, et les travailleurs remis aux juges dans un délai de 24 heures.
-
[45]
André-Charles-Emmanuel Danzel de Rouvroy remplace d’Agoult, devenu directeur général des manufactures, pour la fonction d’inspecteur à Saint-Étienne en 1781.
-
[46]
SHAT,4 W 465,« Mémoire sur les causes de la décadence de la manufacture d’armes de SaintÉtienne et sur les moyens qu’on croit les seuls propres à la relever », Danzel de Rouvroy, 19 septembre 1784, article 2, fol.5-6.
-
[47]
Ibid., fol.19.
-
[48]
Serge CHASSAGNE, Le coton et ses patrons. France,1760-1840,Paris, Éditions de l’EHESS,1991. ChristineVELUT, « Décors de papier. Production, commercialisation et usages des papiers peints à Paris, 1750-1820 », thèse de l’université Paris I, 2001, sous la direction de Daniel Roche, p.288-289.
-
[49]
SHAT,4 W 458,« Mémoire des marchands stéphanois », février 1785, fol 8 et 9.
-
[50]
Ce nouveau régime, favorable aux entrepreneurs, est mis sur pied sur la base de l’estimation faite le 24 juin 1785, soit 357152 livres pour les immeubles et approvisionnements de Saint-Étienne. On doit noter que les outils comptent pour très peu de chose (8067 livres). Voir F. BONNEFOY, Les armes…, op.cit.,p. 482 et574. Cf.aussi Henri MANCEAU,La manufacture de Charleville, Charleville, L’automobilisme ardennais,1962.
-
[51]
SHAT, 4 w 458, « Mémoire », 1790. Ce mémoire relate en détail un avis envoyé par le premier inspecteur à M.de Ségur, et la réponse qui lui est parvenue, le 24juin 1785. Un gain de 15% était attendu sur les canons par le procédé de Javelle.
-
[52]
SHAT,6 W 127, lettre d’Honoré Blanc du 12 avril 1782.
-
[53]
SHAT,6 W 127, lettre de Gribeauval à D’Agoult, en réponse à un mémoire de d’Agoult,31juillet1785.
-
[54]
SHAT,6 W 127, copie de lettre écrite par le maréchal de Ségur à M.de Gribeauval, le 25 mai 1787.
-
[55]
F. BONNEFOY, Les armes… op.cit., p. 688 et Patrice BRET, L’État…, op.cit.,p. 185. Le « Mémoire important sur la fabrication des armes de guerre », adressé par Blanc à l’Assemblée Nationale en août1790, date l’installation à Vincennes de mai 1786. Patrice Bret retient cette date pour l’installation à Vincennes. Mais la décision semble bien avoir été prise l’année précédente. SHAT,6 W 127.
-
[56]
SHAT,6W 127,« Précis des motifs qui ont fait autoriser le sieur Blanc à exécuter les matrices, types et autres instruments dans la vue de perfectionner la fabrication des pièces de la platine »,12 janvier 1792.
-
[57]
K.ALDER, Engineering…, op.cit., p.202.
-
[58]
Ibid., p.203.
-
[59]
Ibid., p.201. Une usine pour la fabrication de fourchettes est également détruite par des ouvriers en septembre 1789. Gérard THERMEAU, A l’aube de la révolution industrielle. Saint-Étienne et son agglomération, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne,2002, p.286. Sur les bris de machines, cf.les travaux en cours de François Jarrige, et l’article qui suit dans le présent numéro.
-
[60]
F.BONNEFOY,Les armes… op.cit., p.126 et135. Bécot, contrôleur à Saint-Étienne, décéda en 1727 et fut remplacé par Reynier qui poursuivit l’étude.
-
[61]
SHAT,4 W 482, « État des outils et matrices nécessaires pour parvenir à faire fabriquer 24 platines uniformes par jour dans la fabrique de Saint-Étienne »,28 septembre 1725.
-
[62]
SHAT, 4 W 482, « Rapport fait à l’Académie Royale des Sciences », Le Roy, Laplace, Coulomb, Borda,19 mars 1791.
-
[63]
SHAT,6W 127,« Mémoire adressé au ministre par le 1er inspecteur général »,19 messidor an IX, fol 3.
-
[64]
Les comptes sont arrêtés le 18 octobre 1790.
-
[65]
SHAT,4 W 482,« Rapport fait à l’Académie Royale des sciences »,19 mars 1791.
-
[66]
SHAT,6W 127,« Procès verbal de l’examen du 16 juillet 1791 », fol.3.
-
[67]
SHAT,4 W 482,« Rapport fait à l’Académie Royale des sciences »,19 mars 1791, fol.11.
-
[68]
SHAT, 6 W 127, « Mémoire important sur la fabrication des armes de guerre, à l’Assemblée Nationale », 1790, fol.1.
-
[69]
SHAT, 6W 127, « Précis des motifs qui ont fait autoriser le sieur Blanc à exécuter les matrices, types et autres instruments dans la vue de perfectionner la fabrication des pièces de la platine », 12 janvier 1792.
-
[70]
SHAT,6W 127,« Procès verbal de l’examen du 16 juillet 1791 », fol.1.
-
[71]
SHAT,6W 127,« Procès verbal de l’examen du 16 juillet 1791 », fol.4. L’expression « indigence » est employée par les auteurs du procès-verbal.
-
[72]
SHAT,6W 127,« Procès verbal de l’examen du 16 juillet 1791 », fol.5.
-
[73]
K.ALDER, Engineering…, op.cit.,p.247.
-
[74]
Sur cet Atelier, voir P.BRET, L’État.op.cit.,2002, p.188.
-
[75]
Les platines de Roanne, de même que les platines étampées produites autour de Saint-Valéry, dans la Somme, sont expédiées à la manufacture de Versailles. P.BRET,L’état… op.cit., 2002, p.188 et 196. En 1800, Blanc évalue sa production totale à seulement 41500 platines.
-
[76]
Ce principe semble avoir été inauguré dans la manufacture d’épingles de Laigle, décrite par Smith dans La Richesse des nations. P. LEFEBVRE, L’invention de la grande entreprise… op.cit., p. 48.
-
[77]
K.ALDER, Engineering…, op.cit.,p.323.
-
[78]
SHAT,6W 127,« Rapport », 26 prairial anVIII.
-
[79]
SHAT,6W 127,« Rapport sur la manufacture de Roanne »,16 vendémiaire an XII.
-
[80]
SHAT,6W 127, lettre de d’Aboville à son fils,13 ventôse an X (4 mars 1802).
-
[81]
SHAT,6W 127,« Expérience faite sur 100 platines identiques fabriquées à Roanne et montées sur un nombre égal de fusils de la manufacture d’armes de Liège »,21 pluviôse an XII (11 février 1804). Le nombre de platines fonctionnant correctement une fois remontées s’élève à 60.
-
[82]
SHAT,6W 127,« Traité »,15 ventôse an XIII (6 mars 1805). La platinerie a fonctionné à partir de juin 1805. P.BRET, L’État.op.cit., 2002, p.194.
-
[83]
SHAT, 6W 127, « Réponse du premier contrôleur de Liège au directeur général du service de l’Artillerie », Jean-Claude Delahaye,10 prairial an XIII (30 mai 1805).
-
[84]
Voir K. ALDER, Engineering…, op.cit.,p. 326. SHAT, 6W 127, Boucher et al., « Manufacture de platines de Liège »,12 fructidor an XIII (30 août 1805). SHAT, 6W 127, Lettre de Gassendi au ministre de la Guerre,27 novembre 1806.
-
[85]
K.ALDER, Engineering…, op.cit.,p.326.
-
[86]
SHAT, 6W 127, Jean-Claude Delahaye…, op.cit., 10 prairial an XIII (30 mai 1805).
-
[87]
SHAT,6W 127,« Mémoire adressé au ministre par le 1er inspecteur général »,19 messidor an IX (8 juillet 1801), fol 1.
-
[88]
SHAT,6W 127, lettre de d’Aboville au premier inspecteur général de l’Artillerie,5 germinal anX.
-
[89]
SHAT,6W 127, lettre de d’Aboville à son fils,13 ventôse an X (4 mars 1802).
-
[90]
SHAT, 6W 127, « Compte rendu d’une séance du Conseil extraordinaire du matériel de l’artillerie »,24 floréal an X.
-
[91]
K.ALDER, Engineering…, op.cit.,p.327.
-
[92]
Le ministère de la Guerre ordonne l’abandon de l’étampage le 29 septembre 1808, à la même époque, à peu près, où l’étampage prend son essor dans l’industrie horlogère. Cf. Jean-Marc OLIVIER, Des clous, des horloges et des lunettes. Les campagnards moréziens en industrie (1780-1914), Paris, Éditions du CTHS,2004, p.251.
-
[93]
Après le rachat du couvent des Ursulines, en 1809,6 grands ateliers sont édifiés pour les platines. Gérard THERMEAU, A l’aube de la révolution industrielle… op cit., p.274.
-
[94]
L’inspecteur général Drouot visite la manufacture de Saint-Étienne en 1806. Le major Préau succède à l’inspecteur Colomb, à Saint-Étienne, en 1811.
-
[95]
SHAT,4 W 465,« Inspection de la manufacture d’armes de Versailles, compte rendu de l’inspection », faite en mars 1811 par l’inspecteur général Devaux.
-
[96]
SHAT,4 W 465,« Inspection de la manufacture d’armes établie à Tulle », faite en 1808 par l’inspecteur général Leroux.
-
[97]
SHAT, 4 W 482,« Précis de la fabrication de la platine à Saint-Étienne suivi de quelques observations sur la division du travail et sur l’emploi des moyens accélérants », Préau,25 avril 1812. K.ALDER, Engineering the Revolution… op cit., p.337.
-
[98]
SHAT,4 W 482,« Détails sur les procédés de la fabrication de la platine à Charleville par le capitaine Bureau, opinion sur la fabrication de la platine dite identique comparée à celle ordinaire ou de lime », 1808, fol 33.
-
[99]
C’était déjà le cas sous l’Ancien Régime :PhilippeMINARD,La fortune du colbertisme.op cit.,p.249.
-
[100]
Denis WORONOFF, L’industrie sidérurgique, op.cit.,p.419.
-
[101]
SHAT,4 W 465,« Inspection de la manufacture d’armes établie à Tulle », par l’inspecteur Leroux, 1808.
-
[102]
Gérard THERMEAU, À l’aube de la révolution industrielle… op.cit., p.274.
1À la fin du XVIIIe siècle, la production d’armes à feu portatives à SaintÉtienne fonctionne, pour l’essentiel, selon le modèle du Verlagssystem [1]. Sauf accident conjoncturel, le marchand-fabricant procure la matière première aux artisans de la Manufacture royale d’armes de guerre ou du secteur civil (le « commerce »). Les marchands-fabricants armuriers qui travaillent pour la couronne, et reçoivent les commandes du ministère de la Guerre, sont appelés « entrepreneurs ». Le ministre leur passe commande sous forme de marchés au début de chaque année. En 1783, on comptabilise à Saint-Étienne 269 marchandsfabricants, mais seulement une poignée d’entrepreneurs [2]. Pour les fournitures du roi, Saint-Étienne est concurrencée par Charleville et Maubeuge, mais conserve la première place [3].À la tête de la Manufacture d’armes de guerre se trouve un inspecteur, issu du corps royal de l’Artillerie. Il surveille de près la fabrication, aidé dans cette tâche par quatre contrôleurs recrutés dans le corps des ouvriers [4]. Les ouvriers de la « Manufacture », maîtres et compagnons, travailleurs à domicile, au nombre d’un millier en 1727, sont spécialisés dans la fabrication de l’une ou l’autre partie de l’arme [5]. Cette division du travail repose sur des métiers, et correspond à ce que Philippe Lefebvre appelle « la manufacture non innovante hétérogène » [6]. Un certain nombre d’ouvriers, essentiellement monteurs, sont réunis dans les bâtiments de la Manufacture, place Chavanelle. Mais les plus nombreux, et en particulier les ouvriers platineurs (fabricants de platines), sont dispersés dans des ateliers à la campagne. Point capital pour la suite, les ouvriers de Saint-Étienne sont libres de travailler pour qui ils veulent, et passent facilement d’un marchand ou d’un entrepreneur à l’autre. Ils peuvent facilement quitter la Manufacture pour le secteur civil. Les personnels de Maubeuge et Charleville n’ont pas la même liberté, faute d’un secteur civil.
Denis Diderot,Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences et arts,Planche Arquebuserie n° 6.Vue de la platine d’un fusil en dedans et en dehors.
Denis Diderot,Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences et arts,Planche Arquebuserie n° 6.Vue de la platine d’un fusil en dedans et en dehors.
Denis Diderot,Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences et arts, Planche Arquebuserie n° 6.Développement de la platine d’un fusil.
Denis Diderot,Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences et arts, Planche Arquebuserie n° 6.Développement de la platine d’un fusil.
2Cette fabrication dispersée dans des ateliers familiaux avait, à l’orée du siècle, un inconvénient majeur :l’irrégularité du calibre et de presque toutes les pièces composant l’arme [7]. Le respect de standards de fabrication rigoureux, et l’avènement de la précision, selon l’expression de Patrice Bret, réclamaient-ils une manufacture réunie, avec de vastes ateliers, pour mieux contrôler la fabrication ? [8] Fallait-il imposer de nouveaux outils et une plus grande division du travail ? [9] À la fin du siècle, sous la pression des exigences financières de l’État, des essais de production uniforme esquissent un « proto-taylorisme » [10].
3L’historien Ken Alder, fin connaisseur de la Manufacture de Saint-Étienne, a attiré l’attention sur le rôle du corps des ingénieurs, et montré que l’ingénierie est un art controversé, un art politique, incluant la gestion de modes nouveaux d’emploi des hommes, des travailleurs, des soldats et des armes [11]. Il a mentionné diverses querelles de clans au sein du service de l’Artillerie, opposant les partisans d’une plus forte maîtrise étatique à ceux du maintien de l’équilibre traditionnel entre l’État et les entrepreneurs. Mais on peut s’interroger sur le caractère véritablement inéluctable de la mécanisation. Si parmi les ingénieurs, un doute a pu exister, c’est sur la forme que cette mécanisation allait prendre, sur le plan technique, mais aussi sur le plan de la maîtrise économique. C’est principalement cet aspect de la question que nous voulons éclairer, en suivant les principales étapes qui ont conduit à l’adoption des procédés accélérants.
LA SATISFACTION DES BESOINS DE L’ARMÉE
4Depuis le règlement de 1717, la réalisation d’armes portatives uniformes est un objectif poursuivi avec constance [12]. C’est que le défaut d’uniformité entraîne de nombreux inconvénients. Par exemple, dans le mécanisme de mise à feu, appelé platine, il faut que l’extrémité des crans de bandé et de repos, qui sont des encoches situées sur une pièce appelée noix, soient exactement positionnées sur une même circonférence [13]. Autrement, soit le coup de feu risque de partir au moindre choc, soit il ne part pas du tout [14]. Quand certaines pièces sont mal disposées, d’autres pièces s’usent plus vite. Dans un dessein de précision et d’uniformité, le règlement de 1730 impose aux ouvriers l’emploi de seulement quatre tarauds servant à réaliser différents écrous, ainsi que de calibres pour aider au percement des trous de vis [15]. En dépit de ces premiers efforts, le fusil modèle 1754 est encore, selon un rapport de 1777, un « composé de plusieurs pièces informes, sans précision ni proportion relatives les unes aux autres » [16]. La finition de la noix de la platine à la lime laisse particulièrement à désirer. On perfectionne donc la réalisation de la noix grâce à l’emploi d’un tour, pour le modèle 1763. L’inspecteur Montbeillard s’enthousiasme pour les premiers résultats obtenus à Saint-Étienne à l’aide des outils introduits par Honoré Blanc, ancien arquebusier devenu contrôleur [17] : « Les ouvriers travaillent sur des calibres et des proportions déterminées… on ne peut, je pense, rien ajouter à ce qui se fait actuellement dans ce genre » [18]. Ces calibres établissant la grandeur des pièces et leur épaisseur sont utilisés également à Charleville. Pour la fabrication du modèle 1773, les ouvriers sont contraints d’employer des mesures, calibres, matrices et proportions de toutes les pièces du fusil [19]. Une attention particulière est portée à la noix, qui doit être rodée sur un calibre double [20]. L’emploi de nouveaux outils est déjà bien avancé, lorsqu’est introduit le fameux modèle 1777.
5Ces perfectionnements concernent surtout la platine. Mais on veut également des armes résistantes et légères; qualités difficiles à concilier, car si l’on fait le canon moins épais et moins pesant, il devient aussi moins résistant. Aussi, les modèles se succèdent, sans que l’on parvienne de manière satisfaisante à joindre la solidité à la légèreté [21]. Le service de l’Artillerie comprend qu’il doit veiller attentivement à la qualité du fer, et accorde de plus en plus d’attention à cette question. « Le choix des fers est sans contredit l’objet le plus essentiel auquel on doit s’attacher pour rendre la fabrique utile au service du roi » [22].À partir de 1749, la préférence est donnée à la forge de Lœuilley (Haute-Saône), puis en 1763 à celle de Pesmes (Haute-Marne). Lorsque la « Manufacture royale de Saint-Étienne » est créée, en 1765, les associés reçoivent encore l’autorisation d’employer d’autres fers. Il est vrai que de graves inconvénients peuvent résulter d’une provenance exclusive. La forge de Lœuilley ne peut fournir seule une quantité suffisante de fer. En outre, la qualité de la production d’une forge n’est pas toujours constante [23]. L’approvisionnement peut aussi être interrompu pour des raisons conjoncturelles, climatiques par exemple, comme pendant l’hiver 1789, en raison du gel des rivières.
6La qualité du fer est un enjeu majeur, en raison des défauts qui apparaissent sur les canons lorsqu’on les soumet aux essais réglementaires, et qui les font refuser pour le service du roi. L’« épreuve » des canons veille, en effet, à ce que les canons ne présentent aucune faiblesse, en les soumettant à un, puis deux tirs d’essai. Pendant longtemps, l’épreuve n’a pas été réglementée. Elle est laissée au soin des fabricants. En 1741, l’épreuve des canons devient obligatoire. Après 1763, l’épreuve des armes civiles et militaires a lieu sur le même site, avec le même personnel, sous la direction du contrôleur-éprouveur du roi. Le règlement paraît alors équitable, qui dispose que les canons éventés à la première épreuve sont à la charge des ouvriers et ceux refusés à la seconde, à la charge des entrepreneurs.
7L’explosion du canon ou l’apparition de fissures peut en effet aussi bien procéder du mauvais travail de l’artisan que des faiblesses du métal. Cependant, les critiques des marchands entraînent un retour à l’épreuve simple en 1773, et théoriquement, à un partage des pertes, faute de pouvoir identifier clairement un coupable. Ces difficultés s’accroissent dans certaines circonstances. Si la matière première est souvent livrée par les entrepreneurs à leurs ouvriers, elle est aussi, parfois, acquise directement par les canonniers. Ces derniers doivent s’adresser directement à des marchands de Lyon, lorsque les entrepreneurs, fâchés de n’être plus payés par le service de l’Artillerie, cessent de passer commande pour eux.
8Les canonniers achètent alors un fer médiocre qui provoque de nombreux éclatements de canons [24]. L’interruption des livraisons par la forge de Pesmes, en 1789, entraînera également des difficultés.
9Le règlement du 26 février 1777 apporte un changement majeur, avec l’abandon de la liberté d’approvisionnement. Il impose aux entrepreneurs la constitution d’importants stocks de fer. Tout fer reconnu bon pour la fabrication des armes doit dorénavant être marqué du poinçon d’acceptation, puis distribué aux ouvriers en présence d’un contrôleur. Le fer étant contrôlé, l’inspecteur peut désigner un responsable pour les canons éventés ou crevés :
« On ne [peut] guère [les] imputer qu’à l’ouvrier qui aura ou brûlé sa lame en la surchauffant ou qui l’aura mal soudée en ne la chauffant pas après; alors on le fera venir pour lui démontrer sa faute et l’engager à s’en corriger sous peine de punition par la diminution de l’ouvrage, même la privation entière s’il persistoit à mal travailler ».
11Ce nouveau règlement enchaîne les ouvriers canonniers à un fournisseur exclusif pour la matière première. Il est de ce fait mal accepté, en raison des fraudes traditionnelles auxquelles les entrepreneurs se livrent sur le poids et le prix du fer qui leur est fourni. Prévenant ces abus, le règlement de 1777 dispose « qu’à l’avenir, la vente de toutes les matières premières aux ouvriers ne sera plus abandonnée à la volonté des entrepreneurs. Il sera arrêté par la cour un prix fixe et proportionné pour toutes les matières dont les entrepreneurs ne pourront s’écarter ». Le règlement de 1777 doit, en somme, contraindre les entrepreneurs à fournir des fers d’une qualité déterminée à un prix fixe. Malgré cette réglementation, il ne semble pas qu’il y ait eu de grands progrès.
12L’inspecteur d’Agoult, en 1779, affirme que les entrepreneurs respectent mal leurs engagements en matière d’approvisionnement en fer [25]. Les canonniers présentent leurs doléances : « L’ouvrier désirait d’être libre pour acheter le fer ou il voudrait parce qu’il le choisirait mieux. On ne le verrait s’en plaindre comme il s’en plaint journellement » [26].
13Si la qualité de l’arme passe par la fixation de standards plus stricts, elle réclame aussi la formation et la surveillance de la main-d’œuvre. Le règlement de discipline du 21 juillet 1773 revêt ici une certaine importance. Les inspecteurs et contrôleurs, qui n’étaient chargés jusqu’alors que de la réception des armes, doivent maintenant surveiller et diriger la fabrication dans le moindre détail :« Chaque contrôleur sera tenu d’avoir une liste de tous les ouvriers de sa partie, de les classer selon leur habileté, de les visiter et surtout très souvent les plus faibles pour les instruire, corriger leurs défauts et travailler devant eux pour les conduire » [27].
14Les contrôleurs ont l’obligation de rédiger un rapport sur la fabrication tous les mois. Le contrôle de la main-d’œuvre est encore l’un des principaux enjeux du règlement du 26 février 1777, remplaçant celui de 1773 [28]. Les ouvriers sont placés sous les ordres immédiats de l’inspecteur :
« Les ouvriers seront obligés de se conformer à tout ce qui leur sera ordonné par les contrôleurs et réviseurs sur tous les objets de leur instruction et ils seraient punis sévèrement s’ils manquaient aux attentions et aux égards qu’ils doivent avoir pour les préposés de la cour ».
16Cette intervention active des inspecteurs dans l’organisation de la production, procède, dans l’armurerie comme dans les autres branches industrielles, d’une économie politique de la qualité [29]. Toutefois, cela n’affecte pas, fondamentalement, l’organisation de la production. Les contrôleurs visitent des ouvriers qui travaillent toujours à domicile. Le progrès dans la fabrication n’empêche pas la Manufacture d’entrer dans une crise profonde, puisque la production chute de 20000 à 12000 armes par an entre 1776 et 1781.
LE MAINTIEN DU PROFIT DES ENTREPRENEURS
17Les entrepreneurs ont souvent des difficultés pour se faire payer leurs livraisons [30]. Les armes sont normalement payées après réception et livraison dans les magasins, mais les versements prennent souvent du retard. Des difficultés naissent également de la concurrence encouragée par l’État. Ainsi, en 1743, l’État a pensé accroître les livraisons en augmentant le nombre des entrepreneurs. Mais cela a profité surtout aux ouvriers, que les entrepreneurs s’enlevèrent les uns aux autres :« L’ouvrier profitant de cette mésintelligence maîtrisait l’entrepreneur, lui faisait payer chèrement son ouvrage en faisait peu et le faisait mal » [31]. Encore en 1762, il arrive que des négociants obtiennent des marchés pour des fournitures d’armes, et débauchent les ouvriers des concurrents en offrant de meilleurs salaires. Par ce débauchage, ils détournent à leur profit l’ouvrier, mais aussi le travail déjà réalisé par celui-ci avec la matière première avancée par des rivaux [32].
18C’est pour faire cesser ce désordre que l’on a fini par adopter, en 1765, le principe de la réunion des entrepreneurs en société [33]. C’est ainsi qu’est née la Manufacture royale. Fait nouveau, le monopole a été étendu aux armes du calibre de guerre destinées aux colonies [34]. Ceci n’a pas, dans l’immédiat, déclenché de réaction, car aussi longtemps que leurs affaires ont prospéré, les entrepreneurs n’ont pas fait obstacle à ce que les autres marchands, ceux du secteur civil ou « commerce », vendent aussi des armes du calibre de guerre dans les colonies. Ces armes sont pourvues des canons rejetés à l’épreuve et refusés pour le service du roi, mais encore assez bons pour faire des armes civiles. Un équilibre est donc trouvé entre la Manufacture royale et le « commerce ».
19Cet équilibre est rompu en 1777. En effet, avec le nouveau règlement, et l’abaissement des tolérances de fabrication, le nombre de canons refusés à l’épreuve s’accroît fortement. Les entrepreneurs protestent, expliquant que la situation des canonniers devient intolérable. Ils démontrent alors que certains de leurs ouvriers ont jusqu’à 28% de canons refusés, et que pour certains, les pertes excèdent les gains [35]. Mais ils ne précisent pas que les canons refusés pour le service du roi sont laissés aux ouvriers, puis vendus dans les colonies par d’autres marchands. Au 1er janvier 1783, les avances faites aux ouvriers et le total des rejets approvisionnant le « commerce » s’élèvent à 22,9% du total des fonds investis et des avances [36]. Au 1er avril 1784, ce pourcentage s’élève même à 31,2%. Ces avances ne produisent aucun intérêt. Dans le même temps, le cours de la fabrication est si ralenti que le bénéfice se trouve réduit à 6,5% de l’intérêt des capitaux investis et des fonds avancés. Là se trouve le principal, sinon l’unique motif d’insatisfaction des entrepreneurs [37].
20Un remède simple pour les entrepreneurs est trouvé. Il consiste à se saisir du commerce des armes à destination des colonies et des cours étrangères, c’est-à-dire du monopole qui leur avait été accordé en 1765. L’inspecteur d’Agoult se met en peine de le faire respecter. Il obtient une ordonnance, en février 1780, autorisant des visites par les cavaliers de la maréchaussée, des saisies et amendes, et même l’emprisonnement des marchands et des ouvriers qui se livrent à ce commerce illicite. La mainmise de l’inspecteur sur l’épreuve « bourgeoise » (épreuve des armes civiles), lui donne le moyen de contrôler la commercialisation des armes civiles. Il ne faut plus que les canons rejetés alimentent le « commerce ». En pratique, l’ordonnance contraint les canonniers à ne plus pouvoir vendre leurs canons rejetés à l’épreuve qu’aux seuls entrepreneurs. Ces mesures cherchent à satisfaire les entrepreneurs, mais heurtent les marchands du secteur civil, qui protestent dans un mémoire : « On distingue à Saint-Étienne deux fabriques d’armes, l’une des armes purement de commerce, c’est-à-dire pour l’approvisionnement des particuliers, pour les colonies, la Judée et la côte d’Afrique, et l’autre pour le service du Roi » [38]. Les entrepreneurs ont franchi une limite, qui fait crier les marchands du « commerce » à l’oppression :« Les négociants et armuriers de cette ville ne sollicitent pas une grâce nouvelle, ni un accroissement à leur commerce, ils ne demandent qu’à conserver leur état, à prévenir leur ruine » [39]. Le contrôle de l’épreuve civile par l’armée, difficile à défendre en justice, finit par être aboli. En août 1781, le ministre de la Guerre demande à l’inspecteur d’Agoult de cesser son contrôle sur l’épreuve des armes civiles. Le 17 janvier 1782, un arrêt du Conseil sépare définitivement les deux épreuves, et place les armuriers du « commerce » en dehors de la surveillance de l’autorité militaire. En 1783, Gribeauval examine et corrige un nouveau projet de règlement. Il supprime alors un article prévoyant trois jours de prison pour les ouvriers convaincus d’avoir négligé volontairement leur travail, de manière à pouvoir ensuite vendre les canons rejetés au secteur civil [40]. Le nombre croissant de canons rejetés, du fait de l’élévation des exigences de l’État, rend probablement ce stratagème inutile. Ce qui paraît clair, c’est que les canons refusés embarrassent davantage les entrepreneurs que les ouvriers.
21Les difficultés des entrepreneurs ne viennent pas uniquement des exigences nouvelles de l’État, et du durcissement des standards, mais également, et depuis longtemps, de la liberté conservée par les ouvriers de quitter la Manufacture pour aller dans le « commerce », quand ils le souhaitent. C’est pour obtenir une baisse des prix payés aux ouvriers que l’on a créé une société réunissant les entrepreneurs, en mars 1765. Les entrepreneurs s’efforcent de limiter le débauchage des ouvriers immatriculés de la Manufacture par les marchands-fabricants du « commerce ». Le règlement de la Manufacture de 1769 prévoit une amende de 3000 livres pour les marchands qui donnent du travail aux ouvriers de la Manufacture [41]. Les ouvriers ne doivent pas travailler simultanément pour la Manufacture et pour le « commerce ». Cette interdiction est renouvelée en juin 1783. Ces prohibitions peuvent freiner les mouvements d’ouvriers; elles ne peuvent pas les empêcher, car les ouvriers demeurent libres de quitter le service du roi. C’est la raison pour laquelle, depuis 1768, la Manufacture leur accorde un certain nombre de privilèges. Ils sont par exemple exempts de nombreuses charges publiques et municipales, et taxés d’office à la taille et à la capitation par l’intendant de la province [42]. Les intendants et officiers municipaux se voient remettre des listes d’ouvriers bénéficiaires de ces exemptions. En pratique, les ouvriers sont bien sûr tentés de bénéficier de ces privilèges, tout en continuant de travailler pour le « commerce ». Le règlement de 1773 ajoute donc que les ouvriers de la Manufacture n’ont plus le droit de travailler pour le « commerce »,« sous peine de déchoir de tous [leurs] avantages et même de punition » [43]. Lorsque l’inspecteur d’Agoult surprend des armuriers travaillant à la fois pour la Manufacture et pour le « commerce », il ordonne plusieurs emprisonnements. Les armuriers protestent qu’ils ne doivent pas être traités comme des criminels. L’un d’eux, Jean Luillier, est même jeté en prison pour un mot d’esprit contre un officier. La municipalité de Saint-Étienne proteste vigoureusement. Les militaires n’ont pas le droit d’emprisonner des travailleurs sans audition judiciaire. L’ordonnance royale de juin 1783 affaiblit alors les pouvoirs de l’inspecteur [44].
22De cet affrontement et de cette tentative de sortie de crise, une conclusion se dégage clairement :l’État ne peut pas détruire la liberté des artisans pour les contraindre à travailler à un moindre prix. Les manufacturiers n’acceptent pas non plus une diminution de leur profit. Le ministère est donc dans une impasse.
23C’est peu après que l’inspecteur Danzel de Rouvroy rédige son mémoire sur
les causes de la décadence de la Manufacture, en septembre 1784 [45]. S’agissant
des canons rejetés à l’épreuve, il propose que l’on remette à l’entrepreneur,
« tous les rebuts quelconques pour les faire valoir à son profit ». Mais le mal principal dont, à ses yeux, souffre la Manufacture de Saint-Étienne, est la concurrence du « commerce ». L’inspecteur est impuissant, puisqu’il ne peut plus
frapper d’amendes les marchands-fabricants civils qui débauchent ses ouvriers,
et qu’il ne peut plus se saisir des pièces d’armes du « commerce » qui se trouvent
dans les ateliers de ses ouvriers. Danzel souhaite, bien évidemment, que l’on
rétablisse l’autorité de l’inspecteur. Mais, l’échec des années précédentes
montre que cette voie est impraticable. Que faire ? Son analyse est la suivante :
si les ouvriers quittent la Manufacture, c’est qu’ils ne réalisent pas des gains suffisants. N’utilisant que de mauvais outils, mal instruits par les contrôleurs du
fait de leur isolement dans les campagnes autour de Saint-Étienne, ils font du
médiocre ouvrage, qui est refusé à l’épreuve. Ils attribuent alors leur misère à
la rigidité des contrôleurs. Il faut, selon lui, remédier aux désertions en réunissant les ouvriers,« pour pouvoir les instruire et les mettre en état de bien gagner
leur vie » [46]. Il ne sert à rien de vouloir remplacer les déserteurs par des ouvriers
du « commerce », car ces derniers n’ont pas le savoir-faire requis. La conclusion
tient alors en quelques mots. « Je n’entrevois de moyen sûr pour [prévenir la
décadence] que celui de rassembler tout le travail dans un corps de bâtiment et
de confier aux inspecteurs qui en sont chargés l’autorité suffisante pour le faire
aller » [47]. Le remède, c’est la réunion dans un corps de bâtiment unique de toutes
les étapes de la fabrication, et le rassemblement de toutes les classes d’ouvriers.
24Le projet est ambitieux. Pour écarter l’objection du coût, Danzel de Rouvroy suggère de ne construire dans un premier temps que des baraques, et non de somptueux édifices. L’objectif est d’accroître simultanément la qualité des armes et la qualification des ouvriers. Cette forme de concentration, sans mécanisation, diffère peu de celle mise en œuvre à la même époque à Saint-Sever pour les velours de coton, par exemple ou dans le papier peint [48]. La solution préconisée s’inscrit aussi dans une conception toute militaire de la manufacture. Elle suppose une discipline très stricte, et prend acte de l’impossibilité qu’il y a de retenir les ouvriers sans leur proposer des salaires au moins équivalents à ceux du « commerce ». Il mise surtout sur la qualification des ouvriers, qui fera diminuer les rebuts.
25Les entrepreneurs, défaits par les négociants civils au sujet de leur monopole pour les colonies, obtiennent une augmentation des tarifs en 1784, insuffisante toutefois pour les dédommager. Ils adressent différents mémoires, suggèrent d’autoriser la Manufacture à produire aussi des armes civiles, et finalement demandent un nouveau statut pour leur établissement. Ils réclament, et obtiennent, que les avances faites aux canonniers soient garanties par le roi et produisent un intérêt de 15%.« Tous les ouvriers canonniers auront un livre de compte ou carnet côté et paraphé par l’inspecteur où sera porté le fer qui aura été délivré, l’argent qu’ils auront eu et les canons qu’ils auront fourni » [49].
26Incapables d’obtenir le remboursement de leurs avances, ils demandent à l’État de leur payer les intérêts de ces sommes. Grâce au nouveau régime, adopté en juin1785, ils obtiennent l’intérêt de 15% qu’ils réclament pour la valeur des immeubles, outils et approvisionnements, et 10% du prix coûtant de la fabrication. Ce régime est également appliqué à Maubeuge et à Charleville [50]. Il procure aux entrepreneurs l’assurance d’un bon revenu, même si les commandes fléchissent. Le pourcentage sur le prix coûtant présente un avantage décisif par rapport au forfait jusqu’alors en vigueur. Avec le forfait,
« S.M.ne pourrait plus profiter d’autres économies qui s’opéraient et devaient s’opérer, petit à petit, sur le travail, par les nouveaux moyens employés pour rendre le travail plus facile et moins coûteux, tels que par exemple l’invention d’un nommé Javelle… enfin S.M.ne pourrait plus non plus profiter des grands avantages que devait procurer le travail important dont le sieur Blanc était occupé à Vincennes » [51].
28Le contrôleur Blanc réclame depuis plusieurs années une aide financière pour poursuivre ses travaux à l’écart de Saint-Étienne. On le voit demander une pension en avril1782, et un logement à Paris pour installer un petit laboratoire.
29« Je le garnirai d’outils pour y travailler lorsque vous me l’ordonnerez » [52]. Des sommes sont dégagées en 1783. Mais c’est en juin 1785 que le service de l’Artillerie s’engage résolument dans la voie d’une diminution du coût de fabrication des armes. Le 31juillet1785, Gribeauval décide que Danzel lui délivrera des fonds « à mesure qu’il sera reconnu en avoir besoin », mais qu’il doit encore, dans l’immédiat, rester à Saint-Étienne [53]. On craint encore que son absence ne cause du retard dans le travail à Saint-Étienne. Une lettre écrite par le maréchal de Ségur indique que les travaux ont enfin commencé à Vincennes, en octobre 1785 [54]. C’est un choix stratégique du ministère, qui éclaire les recherches engagées sur l’uniformité [55].
30Le contrôleur Blanc,« inventeur de types, matrices et autres instruments », obtient d’importants financements en vue de développer des moyens mécaniques nouveaux, permettant d’établir l’uniformité dans la fabrication des platines. A-t-on beaucoup médité les conséquences d’un tel choix, et compris quelle sorte d’ouvriers ces outils allaient réclamer ? La répétition par les ouvriers de gestes simples doit théoriquement permettre une accélération du travail. Un travail décomposé en gestes simples doit aussi permettre l’emploi d’une maind’œuvre moins qualifiée, plus jeune, et moins coûteuse. Pourquoi donc un tel déplacement à Paris, alors que l’on a tant besoin de lui à Saint-Étienne ?
31Gribeauval fait certes état de la facilité que Blanc aura à trouver des ouvriers très instruits à Paris, qui font défaut à Saint-Étienne. Mais on a bien de la peine à croire qu’il ne se trouve pas d’artisans assez qualifiés dans la plus grande manufacture d’armes du Royaume. Au demeurant, le contrôleur Blanc part avec quelques ouvriers à Saint-Étienne, et ne songe pas à en faire venir de Paris.
32Pourquoi alors ne pas croire Honoré Blanc, qui réclame un lieu pour poursuivre ses travaux ailleurs,« afin de ne plus être en butte à des contradicteurs » [56] ? Si la recherche d’une main-d’œuvre exceptionnellement qualifiée ajoute à l’intérêt du déplacement, il est plus probable que la crainte des émeutes en soit la véritable cause. Le danger est bien réel, comme le montre la résistance à d’autres machines, introduites à la même époque, ou peu après, à Saint-Étienne. Jean-Baptiste Javelle, contrôleur à Saint-Étienne, et proche collaborateur de Blanc, invente ainsi plusieurs machines destinées à la finition extérieure du canon. Une première machine incise le canon aux endroits à retoucher, tandis qu’une seconde retire le fer en excédent. Dans son rapport, l’ingénieur des Ponts et Chaussées Griffet de la Beaume note que le monopole détenu par les émouleurs, ouvriers très qualifiés et peu nombreux, va bientôt pouvoir être brisé [57].
33L’inspecteur d’Agoult attend de ces tours une diminution de 5% du prix des canons. Mais les machines de Javelle ne sont adoptées que peu à peu, car elles sont encore imparfaites et suscitent une forte résistance [58]. Charles Pierrotin, forgeron de Liège, venu à Saint-Étienne pour introduire le marteau mécanique, plus économe en main-d’œuvre, voit son atelier pillé en juillet 1789 [59].
ÉCONOMIES ET INTERCHANGEABILITÉ
34La fabrication de platines uniformes par étampage a été expérimentée une première fois, vers 1722, sous la direction du contrôleur Bécot [60]. Un état du 28 septembre 1725 donne une évaluation précise du coût de chaque pièce composant les platines selon le nouveau procédé, et constate que 432 ouvriers emplatineurs doivent suffire à faire le même nombre de platines qu’autrefois, alors qu’ils étaient plus de 600 [61]. Mais les matrices s’usent rapidement, et les platines obtenues par ce procédé s’enrayent au bout d’un petit nombre d’essais. Le procédé est donc abandonné. Mais l’espoir revient, grâce au travail du contrôleur Blanc, de pouvoir fabriquer des platines identiques à l’aide de moules et de matrices. Le procédé d’Honoré Blanc doit permettre une fabrication accélérée, à moindre coût. L’uniformité promet aussi des réparations facilitées. La plupart des régiments s’approvisionnent alors en pièces de rechange brutes ou ébauchées dans les manufactures. Ces pièces ne peuvent pas se substituer aux pièces manquantes sans le travail d’un armurier. Or ce dernier, en ajustant les pièces, les dégrade et il faut souvent envoyer les armes à la réforme. La situation est encore pire dans le cas des armées en campagne ou stationnées dans les places pendant les sièges.
35Des pièces parfaitement uniformes, identiques, doivent en principe être substituables par les soldats eux-mêmes, sans le secours d’un armurier. Un rapport fait à l’Académie Royale des Sciences, en mars 1791, s’étend sur tous les avantages que l’armée trouvera à employer de telles platines [62]. Pour mieux convaincre le ministre de la Guerre, le premier inspecteur général de l’Artillerie, d’Aboville, estime le coût des réparations des armes d’épaule, « des armes [qui] faisaient la navette d’ateliers en ateliers et y retenaient des milliers de réquisitionnaires et de conscrits… De la nullité de ces ateliers résulte bientôt le défaut d’armes dans les armées, que les manufactures sont insuffisantes pour remplacer » [63]. Chaque atelier de réparation, dit-il, est dirigé par un entrepreneur, nécessairement avide de gain. Même si par miracle, ajoute-t-il, on rencontre un entrepreneur soucieux de bien faire, il s’agit toujours d’ateliers très dispendieux. D’Aboville, lorsqu’il tient ce raisonnement, en juillet 1802, n’entretient plus l’espoir de voir le soldat réparer lui-même son arme. Mais de simples ateliers de remplacement, deux ou trois armuriers par bataillon, doivent succéder aux ateliers de réparation.
36Avant que la production ne soit lancée à vaste échelle, et que le principe ne soit mis à l’épreuve, le bénéfice semble devoir être double, dans la fabrication, et dans les réparations. Mais l’investissement est lourd, et le ministère hésite. Si Gribeauval soutient ce projet jusqu’à sa mort, en mai 1789, le ministre de la Guerre, De la Tour du Pin, fait renvoyer les ouvriers d’Honoré Blanc à SaintÉtienne, et demande que l’on fasse les comptes de tout ce qui a été dépensé [64].
37Le contrôleur Blanc adresse en août 1790 un mémoire imprimé à l’Assemblée Nationale. Un examen public de ses platines a lieu aux Invalides le 20 novembre 1790, et une commission rend un rapport à l’Académie des Sciences [65]. Un nouvel examen des platines est réalisé à Vincennes en juillet 1791. De l’examen de 37 platines, il est fait un procès-verbal qui conclut à l’infaillibilité de la méthode du sieur Blanc, « quant à l’uniformité, au moins pour une fabrication bien surveillée » [66]. Ce procès-verbal confirme la valeur du travail accompli, déjà soulignée dans le rapport du mois de mars :« Il est fort à désirer qu’on fasse toutes nos armes d’après ces moyens » [67].
38Dans le mémoire présenté à l’Assemblée Nationale en août 1790, Honoré Blanc affirme que la dépense pour la fabrication des platines sera bien moindre et que la dépense des réparations sera réduite de moitié [68]. Il espère diminuer le temps de fabrication du chien d’un tiers, celui de la batterie d’un tiers également, et celui du corps de platine d’un quart. On mesure alors soigneusement le temps de réalisation de chacune des parties de la platine, en distinguant le travail fait à la lime, aux machines et à la trempe [69]. Le procès-verbal de l’expérience de juillet 1791 explique que « la totalité des 37 platines a exigé plus que le temps habituellement employé dans les manufactures » [70]. Il faut en effet presque le double du temps ordinaire. Mais les rapporteurs observent que les apprentis ont été obligés de faire beaucoup d’opérations différentes. Ils s’accordent à penser que dans la manufacture montée suivant le procédé de Blanc, chaque ouvrier travaillera constamment au même objet, et que le travail sera nécessairement plus expéditif. Les commissaires examinateurs paraissent se rallier à l’opinion du contrôleur Blanc, mais ils pointent le risque de réduire à l’indigence nombre d’ouvriers, presque tous pères de famille [71]. Ils s’opposent aussi à Honoré Blanc, lorsque celui-ci réclame la création d’une nouvelle manufacture pour la fabrication de ses platines, au motif qu’envoyer les outils nécessaires dans les quatre manufactures serait trop onéreux, et que les donner à une seule exciterait la jalousie des autres. Les commissaires estiment en définitive qu’il serait « impolitique, même dangereux, de n’avoir dans un État comme la France qu’un seul établissement de ce genre », et qu’en outre, on risquait une grande fermentation dans les manufactures d’armes,« lors qu’elles verraient des préparatifs tendant à ravir l’existence à un grand nombre d’ouvriers » [72]. La méthode est donc jugée infaillible, mais le projet d’une manufacture unique de platines travaillant selon les nouveaux procédés est écarté pour des raisons politiques. Il est finalement décidé de récompenser le sieur Blanc pour son travail, mais sans donner suite à ses demandes. Le procédé paraît bel et bien enterré.
39C’est la guerre, déclarée le 20avril 1792, qui ressuscite le projet de Blanc. En effet, le 3 avril, Honoré Blanc reçoit l’ordre d’édifier une nouvelle manufacture à Roanne [73]. Il lui est accordé pour cela une avance de 30000 francs. Les retards accumulés par Blanc, qui ne part à Roanne qu’en mars 1794, incitent la Convention à créer un atelier de perfectionnement des armes portatives, en mai1794, dont l’objet est de réfléchir à l’emploi des machines, et aux procédés de main-d’œuvre, susceptibles d’améliorer la fabrication des armes [74]. Les tentatives d’assignation de tâches élémentaires répétitives aux ouvriers tournent court, et l’expérience est bientôt interrompue, en janvier 1795. Le gouvernement fait de nouvelles avances à Honoré Blanc, qui s’élèvent bientôt à plus de 500000 Fs. Ce n’est toutefois qu’à partir de 1797 que la production de platines devient à peu près régulière, à un niveau modeste [75]. La division du travail entre ouvriers, poussée à l’extrême, n’y fait rien [76]. Honoré Blanc déclare n’avoir besoin que de travailleurs dépourvus de compétences particulières et n’ayant même pas deux années d’expérience dans la métallurgie. En réalité, il emploie toujours des ouvriers qualifiés, et ceux de Saint-Étienne ne sont pas tentés de venir, car il n’existe pas à Roanne de manufacture civile susceptible de procurer du travail quand l’État interrompt ses commandes [77]. C’est avec peine qu’il rassemble quelques dizaines d’ouvriers platineurs. En juin 1800, Honoré Blanc s’efforce encore de prouver que ses platines ne valent pas plus cher que celles fabriquées à Saint-Étienne, où les entrepreneurs prennent un bénéfice qu’il estime, sans exagération, à 30% [78]. En octobre 1803, l’inspecteur de la manufacture de Roanne, Tugny, calcule que les platines y coûtent environ 15% de plus que celles fabriquées à Charleville [79].
40L’espoir de parvenir à des économies dans la fabrication reste déçu.
41Si le ministère poursuit la fabrication, c’est qu’en réalité, malgré les sommes engagées, il estime qu’on n’a jamais quitté une logique d’expérimentation. C’est ce que démontrent les essais, jamais interrompus, sur l’identité des platines. Le premier inspecteur général d’Aboville soutient le projet contre le directeur de l’Artillerie Gassendi, qui œuvre à la ruine de la manufacture de Roanne. Un test de vendémiaire anX (septembre1801) montre que sur 492 platines, seulement 152 sont bonnes pour le service. Les résultats très contradictoires obtenus à l’occasion des essais réalisés les années suivantes font douter de l’objectivité des uns et des autres. Un courrier du 13 ventôse an X (4 mars 1802), du premier inspecteur d’Aboville à son fils, rapporte cet échange vigoureux :
« C’est une maladresse d’en avoir rejeté un si grand nombre [de platines], et c’est laisser
apercevoir un bout d’oreille.
– Si on les avoit rebutées toutes ? répliqua-t-il [Gassendi] avec humeur.
– Alors la maladresse auroit été plus grande :c’eut été tout à fait lever le masque » [80].
43À rejeter un nombre de platines excédant le vraisemblable, le général Gassendi se serait démasqué. L’inspecteur d’Aboville laisse donc clairement entendre que l’examen a été truqué. Le propos est naturellement invérifiable.
44Un examen, conduit trois années plus tard, en avril 1804, sur une centaine de platines « dites identiques » s’avère également très négatif [81]. Les platines données pour déficientes peuvent bien évidemment être réajustées, comme peuvent l’être les pièces de n’importe quelle platine ordinaire. Le coût de ce travail de réajustage est d’ailleurs donné par les auteurs du dernier rapport, sans doute dans l’intention d’ôter aux partisans des platines uniformes leur principal argument, à savoir l’économie de ce travail. Cet échec est expliqué par le défaut du trempage des platines, expédiées de Roanne à Liège. Le successeur de d’Aboville à l’inspection générale, Marmont, saisit ce prétexte pour déplacer la production des platines identiques à Liège [82]. De nouvelles visites de platines ont encore lieu, conduisant à un satisfecit du premier contrôleur de Liège :
« Les six cents platines qui en résultent surpassent de beaucoup celles fabriquées antérieurement, tant pour l’ajustement que pour les dimensions. Elles peuvent être regardées comme d’un bien bon service et comparée à celles des manufactures où elles se font le mieux » [83].
46Ces résultats sont immédiatement contredits par un nouveau contrôleur, patronné par Gassendi, qui demande la suppression de la platinerie, dans un rapport adressé au ministre de la Guerre le 27 novembre 1806 [84]. Il y explique que les moyens accélérateurs ne produisent rien de bon, et que les platines dites identiques ne valent pas les platines ordinaires. L’identité « est une chimère à laquelle il faut décidément renoncer ». La platinerie de Liège est fermée peu après [85]. Gassendi s’est acharné à discréditer les platines dites identiques, mais il faut bien admettre que l’identité parfaite des pièces n’a jamais été atteinte, puisque même le premier contrôleur de Liège, Delahaye, favorable aux nouvelles platines, déclare que
« sans s’écarter de l’identité, perfection dont nous nous approchons toujours que difficilement, ce qui fait qu’il y a du plus et du moins en ce mot relativement à notre travail, et pour en juger la dose qui existe, je dirai que c’est ce qui s’est pu faire de mieux jusqu’à présent et que le mieux suffit déjà comme devant rendre de grands services aux armées » [86].
48De tout cela, il ressort que ces platines sont d’une bonne facture, égale à celle des autres platines, mais qu’elles ne sont pas « identiques ». Si l’on excepte les démonstrations faites du vivant d’Honoré Blanc, et auxquelles celui-ci a su apporter beaucoup de soin, les examens réalisés à plusieurs reprises ont montré que seule une partie des platines pouvaient être dites identiques. Les autres platines, sans être médiocres, réclamaient un travail d’ajustage, et donc des frais supplémentaires. De fait, il y a toujours eu des ajusteurs à Roanne. L’étonnant demeure qu’il ait fallu tant d’années pour décider de la politique à suivre.
49Vers 1800, et peut-être même un peu avant, il n’est plus question d’économies sur la fabrication. Mais il est toujours permis d’espérer des économies sur les réparations. C’est la raison pour laquelle d’Aboville soutient le projet de fabriquer à Roanne, non plus seulement des platines, mais l’arme complète, l’arme dite « assimilée », identique dans toutes ses parties.« Les armes assimilées présentent des avantages qui méritent quelques sacrifices… [et offriront] une économie qui payera au centuple l’excédent de leur prix de fabrication » [87].
50D’Aboville souhaite livrer ces armes assimilées à des corps particuliers, de manière à ce que les ateliers de réparation ne mêlent pas les pièces des armes dites assimilées à celles des autres. Roanne n’est qu’une étape, et « ne doit encore être considéré que comme le germe précieux d’une seul, ou d’un très petit nombre de grandes manufactures où se feront toutes les parties de l’arme » [88]. D’aboville ne voit à Roanne « qu’un noyau de fabrication assimilée » qu’il faut chercher à accroître progressivement [89]. C’est aussi, en 1802, l’avis du ministère, par la voix de son conseil du matériel [90]. À terme, il ne voit de salut que dans la mise en place d’une régie, pour contourner l’hostilité des entrepreneurs et des ouvriers [91]. Les appels répétés de d’Aboville à faire preuve de patience finirent peut-être par lasser. Coupant court à ces projets, Gassendi obtint la fermeture de Roanne.À Saint-Étienne, l’étampage est abandonné en septembre 1808, sans que cela signifie la disgrâce des moyens dits accélérants, ni l’abandon de la surveillance dans la fabrication des platines [92].
L ’INÉVITABLE MÉCANISATION
51Après 1808, les procédés mécaniques connaissent un regain de faveur, et des bâtiments sont édifiés pour la fabrication des platines [93]. L’option d’un travail mécanisé et peu qualifié est conservée. En 1810, à Versailles, le nombre de platines faites par les moyens mécaniques approche celui des platines faites par les moyens ordinaires.À Saint-Étienne, les machines accélératrices conservées sont des tours à canons, des tours à fraiser, des matrices et poinçons pour les platines, toutes machines inventées par Javelle ou par Blanc. Nous possédons deux avis sur les moyens accélérants mis en œuvre à Saint-Étienne, suffisamment rapprochés pour que nous puissions les comparer et en tirer quelques conclusions relatives à l’emploi des ouvriers.
52Le rapport de l’inspecteur général des manufactures Drouot date de 1808, et celui de l’inspecteur Préau de 1812 [94]. D’autres rapports, datés de 1805 à 1810, émanent des inspecteurs généraux Devaux et Leroux, ainsi que de l’inspecteur Sirodot, pour les manufactures de Versailles et de Tulle. Ces rapports exposent les avantages et les inconvénients des procédés mis en œuvre à SaintÉtienne. Préau fait l’éloge de la nouvelle organisation :« Les hommes font bien et promptement ce qu’ils font tous les jours… ainsi en divisant le travail, chaque pièce doit s’exécuter mieux ». Pour conserver la main-d’œuvre, ajoute-t-il, il peut être utile de les rendre inhabiles à travailler pour le « commerce ». Or, « la grande division du travail et l’emploi des moyens accélérants conduisent une partie des ouvriers à cette inaptitude ». L’inspecteur général Drouot s’en explique plus clairement :
« Les avantages de cette double innovation [division du travail et adoption des machines] sont de former rapidement des ouvriers; de pouvoir même employer des femmes et des enfants; de les fixer à la manufacture par l’ignorance d’un métier indépendant et de maintenir plus longtemps la main-d’œuvre à un bas prix ».
54Cet intérêt est également souligné par Devaux à Versailles : « La manufacture de Versailles dans son état actuel peut difficilement se passer de ces moyens mécaniques pour la platine qui lui permettent d’employer dans cette partie quelques ouvriers moins adroits, moins intelligents, faibles, vieux et infirmes » [95]. L’opinion de Leroux à Tulle n’est guère différente [96]. Enfin, Préau, en écho à des préoccupations anciennes, rappelle que de la sorte, les matières premières distribuées aux ouvriers ne sont plus détournées de la fabrication des armes de guerre.
55Mais l’inspecteur Préau, attentif au sort des ouvriers, ajoute que « la majorité [d’entre eux] se compose d’automates, et [que] si quelqu’un d’eux devenait habile, c’est que la nature l’aurait particulièrement favorisé ». Dans ce système «[l’ouvrier] ne peut devenir, et on ne veut pas qu’il devienne habile; on comprime à dessein le développement de son intelligence ». Préau plaide pour un ouvrier ayant la connaissance, l’intelligence de l’ensemble du travail. Sa conclusion est finalement assez réservée :« La grande division du travail et les moyens accélérants ne devraient jamais être employés à la confection de la platine que pour dégrossir les pièces… » [97].À cette époque, les moyens mécaniques ont été largement introduits, entraînant une importante division des opérations, bien supérieure à celle connue dans les autres manufactures. Préau suggère donc une moindre décomposition du travail, un usage plus modéré des moyens accélérants. Mais les entrepreneurs, intéressés à un abaissement des coûts, sont maintenant très favorables à la mécanisation. Il constate que « MM. les entrepreneurs tiennent au système qu’ils ont introduit et [qu’ils] le défendront jusqu’à la dernière extrémité ».
56Drouot, inversement, reste un chaud partisan de la mécanisation. Il suggère de remettre la Légion d’honneur au contrôleur et inventeur de machines Javelle. L’intérêt des nouveaux procédés est de pouvoir former rapidement des ouvriers et d’augmenter la production, au moment où les besoins de l’État s’accroissent fortement. Ce raisonnement est aussi tenu par le capitaine Bureau, de Charleville. Il insiste sur l’avantage de la célérité, procuré par les machines de Blanc.« Il faut un long temps pour former un bon ouvrier platineur », alors qu’il est facile de former des ouvriers aux moyens mécaniques [98]. L’inspecteur Leroux fait également l’éloge des nouveaux procédés mécaniques, qui diminuent le nombre de bras nécessaires, et donnent des platines plus justes et uniformes. Dans l’ensemble, les inspecteurs sont favorables à la mécanisation [99].
57On ne voit pas que ces agents de l’État soient conservateurs face aux industriels [100]. Ils regrettent plutôt les hésitations du ministère. D’ailleurs, les résistances rencontrées dans les manufactures ne sauraient être, selon eux, que temporaires, comme à Tulle, où « les nouveaux procédés ayant porté le découragement parmi les ouvriers qui ont déserté, l’entrepreneur a été forcé d’y renoncer momentanément » [101].
58À la fin du XVIIIe siècle, le service de l’Artillerie, chargé de l’équipement, réclame des armes plus sûres et plus précises. La qualité de l’armement, l’augmentation consécutive de la puissance de feu, est un objectif toujours prioritaire. D’où le renforcement des standards de fabrication. Les procédés inventés par Honoré Blanc tombent alors à point nommé pour résoudre une grave crise financière, née précisément du renforcement des contrôles et du refus des entrepreneurs de voir leur profit diminué. Les types et matrices de Blanc paraissent pouvoir hausser la qualité de la fabrication à un moindre coût. En effet, dans la fabrication des pièces étampées, la précision des pièces est moins due à l’adresse des ouvriers qu’aux matrices. Par conséquent, elle permet l’emploi d’une main-d’œuvre peu qualifiée. La déqualification des ouvriers n’est alors qu’un effet collatéral, l’essentiel restant la qualité du produit. Mais c’est un effet dont les avantages sont d’emblée parfaitement perçus. Le service de l’Artillerie s’engage résolument dans cette voie, et modifie en conséquence le statut de la Manufacture. Les innovations doivent tourner au profit de l’État.
59Après 1792, l’installation à Roanne, à l’écart de toute armurerie et de toute main-d’œuvre spécialisée, se justifie, dès lors que l’on parie sur l’utilisation d’une main-d’œuvre déqualifiée. Mais Honoré Blanc continue d’employer des ouvriers qualifiés, et ne parvient pas à faire baisser le coût de fabrication. Il n’est bientôt plus question que d’éventuelles économies dans l’entretien des armes.
60Ce sont en définitive les entrepreneurs qui vont imposer les machines aux ouvriers, en profitant de l’extinction presque totale du secteur civil. Depuis 1792, les interdictions de fabriquer ou d’exporter des armes de commerce se succèdent. En 1810, les 4/5e des ouvriers travaillent pour la Manufacture [102].
61La main-d’œuvre devient peu à peu captive. Ne pouvant plus travailler pour le secteur civil, elle se soumet aux nouvelles conditions de travail dans la Manufacture. L’État parvient donc à faire accepter les nouveaux standards de fabrication aux entrepreneurs et aux ouvriers. Avec les moyens accélérants, les entrepreneurs conservent leur profit, et l’État obtient les armes qu’il souhaite.
62Une fois écartée l’hypothèse d’une mise en régie, la mécanisation était la seule manière de satisfaire les besoins de l’armée tout en préservant les intérêts des entrepreneurs. En ce sens, sans être inéluctable, la mécanisation était un choix politique qui s’imposait de lui-même.
Notes
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[1]
Je remercie Nadine Besse, directrice du Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Étienne, pour la confiance dont elle m’a témoigné, en me confiant la responsabilité du département des armes, en 2001-2002. Mes remerciements vont ensuite à Philippe Minard, pour ses conseils éditoriaux.
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[2]
Entre 1717 et 1764, le nombre des entrepreneurs à Saint-Étienne varie de un à treize. Les entrepreneurs sont choisis parmi les plus gros commerçants. Ceux-ci passent ensuite des marchés avec les artisans locaux. Voir François BONNEFOY, Les armes de guerre portatives en France du début du règne de Louis XIV à la veille de la Révolution (1660-1789):De l’indépendance à la primauté,Paris,Librairie de l’Inde,1991, p.182-193 et p.216.
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[3]
Charleville (1688) et Maubeuge (1701) sont des manufactures réunies, sous la direction d’un seul entrepreneur. Il s’agit de manufactures très concentrées, tandis que Saint-Étienne est beaucoup moins centralisée et dispose de peu d’infrastructures. Cependant, en 1717, Saint-Étienne produit deux fois plus d’armes que Charleville, et six fois plus que Maubeuge.
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[4]
Il s’agit d’un contrôleur-arquebusier, d’un contrôleur-éprouveur des canons, d’un contrôleur des platines et d’un contrôleur des montures et garnitures.
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[5]
On peut comparer cet effectif aux 800 ouvriers de Charleville, vers 1725, et aux 300 ouvriers de Maubeuge en 1773. Mais dans toutes ces manufactures, les effectifs varient fortement.
-
[6]
Philippe LEFEBVRE, L’invention de la grande entreprise. Travail, hiérarchie, marché (France, fin XVIIIe - début XXe siècle),Paris, PUF,2003, p.45.
-
[7]
Le modèle 1717 a été, le premier, soumis à un règlement définissant certaines grandes caractéristiques et le mode de fabrication. Il s’agit du Règlement du 25 janvier 1717. F. BONNEFOY, Les armes…, op.cit.,p.52.
-
[8]
Patrice BRET, L’État, l’armée, la science. L’invention de la recherche publique en France (1763-1830), Rennes, Presses Universitaires de Rennes,2002, p.181-184.
-
[9]
Cf. StephenMARGLIN,« Origines et fonction de la parcellisation des tâches », in André GORZ (dir.), Critique de la division du travail, Paris, Seuil,1974, p.41-91 (et version plus complète dans Bruno TINEL, « À quoi servent les patrons ?»:Marglin et les radicaux américains, Lyon, ENS Éditions,2004).
-
[10]
Antoine PICON,« Towards a history of technological thought », in Robert FOX (ed.),Technological Change. Methods and Themes in the History of Technology, Londres, Harwood Academic Publishers, 1996, p.37-49.
-
[11]
Ken ALDER,Engineering the Revolution. Arms and Enlightenment in France,(1763-1815), Princeton, Princeton University Press, 1997, chapitre 5 (compte rendu dans RHMC,46-4,1999, p.826).
-
[12]
Jean CHAGNIOT, optimiste, considère l’uniformité presque réalisée :« L’art de la guerre », in Jean DELMAS (dir.), Histoire militaire de la France, tome 2, De 1715 à 1871, Paris, PUF,1992, p.62.
-
[13]
La noix est une pièce déterminante pour le bon fonctionnement de la platine. C’est une pièce solidaire du chien auquel elle transmet la poussée d’un grand ressort.
-
[14]
Un mémoire résume ces difficultés. Service Historique de l’Armée de Terre, Vincennes (désormais SHAT), 4 W 482. « Mémoire sur la platine et sa fabrication à la manufacture impériale d’armes de guerre à Liège en 1810 », par M.Quémizet, capitaine de 2e classe au 5e régiment à pied du corps impérial de l’Artillerie, fol.13.
-
[15]
SHAT,4 W 451,« Fourniture de fusils », 7 juillet 1730, Saint-Étienne, fol.8.
-
[16]
SHAT, MR 1741, « Mémoire historique sur les progrès de la fabrication des armes pour les troupes du roy », 27 avril 1777, fol.4
-
[17]
Montbeillard, ancien inspecteur à Charleville, est nommé à Saint-Étienne par Choiseul en février 1764. Il retourne à Charleville en août 1765. L’arquebusier Honoré Blanc est nommé contrôleur à Saint-Étienne en 1763, puis contrôleur principal des trois manufactures, sur proposition de Gribeauval, en mars 1778. Il reste à Saint-Étienne jusqu’en 1781, fait une tournée en 1782, et revient à Saint-Étienne en novembre 1784.
-
[18]
SHAT, 4 W 482, « Rapport sur la fabrication des platines de fusil, Montbeillard », 16 mai 1764.
-
[19]
SHAT,4 W 485,« Règlement de 1773 pour les manufactures d’armes à feu du royaume, Fusil », art II.
-
[20]
Ibid., « Platine », art.4.
-
[21]
L’allégement du modèle 1763 est directement à l’origine du modèle 1766. Ce dernier s’avérant fragile, le canon est à nouveau renforcé en 1773. Les proportions du canon sont toutefois établies de manière à en réduire le poids. Peu après, on reproche au modèle 1774 d’être trop lourd sur la partie avant du canon. SHAT 4 w 485,« Règlement de 1773 pour les manufactures d’armes à feu du royaume, Canon », art IV et F.BONNEFOY, Les armes…, op.cit.,p.828.
-
[22]
SHAT,4 W 465,« Mémoire sur la manufacture des armes de Saint-Étienne »,1762 ou 1763, fol. 11.
-
[23]
Lire sur cette question les pages consacrées au commerce des fers dans Denis WORONOFF, L’industrie sidérurgique en France pendant la Révolution et l’Empire, Paris, Éditions de l’EHESS,1984, p.449-451.
-
[24]
SHAT,4 W 465,« Mémoire sur la manufacture des armes de Saint-Étienne »,1762 ou 1763, fol. 11. Ces évènements ne sont pas datés, mais à lire ce rapport, ils semblent assez récents.
-
[25]
SHAT, 4 W 458, « Mémoire adressé à M. de Gribeauval par M. d’Agoult en réponse à des demandes faites par les entrepreneurs de Saint-Étienne »,16 août 1779. Pierre-André-Nicolas d’Agoult a été nommé inspecteur à Saint-Étienne en 1777. Les forgeurs de baguettes étaient également furieux de l’acier qu’on leur vendait et demandaient la liberté de faire leurs achats où ils l’entendaient.
-
[26]
SHAT, 4 W 465, « Mémoire pour les maires, échevins, négociants marchands et armuriers de la ville de Saint-Étienne en Foretz »,1780, fol.9.
-
[27]
SHAT,4 W 485,« Règlement pour les manufactures d’armes à feu du royaume »,21juillet1773, fol.1.
-
[28]
SHAT, 4 W 465, « Règlement provisoire pour la manufacture d’armes de Saint-Étienne. De la police et instruction des ouvriers »,26 février 1777.
-
[29]
Philippe MINARD, La fortune du colbertisme. État et industrie dans la France des Lumières, Paris, Fayard,1998, p.153.
-
[30]
Mais, excepté entre 1755 et 1763, ils n’ont jamais cessé de faire des bénéfices : F. BONNEFOY,Les armes…, op.cit.,p.482.
-
[31]
SHAT,4 W 465,« Mémoire sur la manufacture des armes de Saint-Étienne »,1762 ou 1763, fol.5.
-
[32]
Ibid., fol 15-16.
-
[33]
Montbeillard avait proposé, l’année précédente, de faire une manufacture réunie dans les mains d’un seul entrepreneur. Il n’obtint pas satisfaction, et la société fut donc confiée à 5 entrepreneurs.
-
[34]
F.BONNEFOY, Les armes…, op.cit.,p.576. Ce privilège est inséré dans les différents marchés, puis inscrit dans les lettres patentes de 1769.
-
[35]
SHAT,4 W 458, « État de situation des entrepreneurs et des maîtres canonniers employés pour le service du Roi a la manufacture d’armes de Saint-Étienne », 1er avril 1784, et « Mémoire adressé le 16 août 1779 à M.de Gribeauval par M.d’Agoult », fol.16. D’agoult détaille les pertes de l’entrepreneur. Lire sur ce point, KEN ALDER, Engineering the Revolution…, op.cit., p.208.
-
[36]
Les capitaux investis par les entrepreneurs s’élèvent à 563310 livres et le total des avances à 167012 livres en 1783.
-
[37]
KEN ALDER, Engineering the Revolution…, op.cit., p.194.
-
[38]
SHAT,4 W 458,« Mémoire des marchands stéphanois », février 1785, fol.1.
-
[39]
Ibid., fol.1.
-
[40]
SHAT, 4 W 485, « Mémoire », Gribeauval, article 27,27 mai 1783.
-
[41]
Art.2 des lettres patentes du 5 août 1769. La manufacture était alors confiée à un seul entrepreneur, Carrier de Monthieu.
-
[42]
SHAT, 4 W 462, « Ordonnance du Roi concernant les privilèges des ouvriers attachés aux manufactures d’armes », art.2, mai1768. Ces privilèges sont confirmés ensuite à plusieurs reprises, par les lettres patentes du 5 août 1769 (art.4) ou par l’ordonnance de juin1783 portant règlement dans la manufacture (art.14).
-
[43]
SHAT, 4 W 485, « Règlement de 1773 pour les manufactures d’armes à feu du Royaume », ouvriers, art. I.
-
[44]
Les officiers peuvent enfermer 24 heures tout artisan qui insulte ou menace un officier ou un contrôleur, ou qui incite à la révolte. Mais les punitions doivent ensuite être approuvées par le ministre de la Guerre, et les travailleurs remis aux juges dans un délai de 24 heures.
-
[45]
André-Charles-Emmanuel Danzel de Rouvroy remplace d’Agoult, devenu directeur général des manufactures, pour la fonction d’inspecteur à Saint-Étienne en 1781.
-
[46]
SHAT,4 W 465,« Mémoire sur les causes de la décadence de la manufacture d’armes de SaintÉtienne et sur les moyens qu’on croit les seuls propres à la relever », Danzel de Rouvroy, 19 septembre 1784, article 2, fol.5-6.
-
[47]
Ibid., fol.19.
-
[48]
Serge CHASSAGNE, Le coton et ses patrons. France,1760-1840,Paris, Éditions de l’EHESS,1991. ChristineVELUT, « Décors de papier. Production, commercialisation et usages des papiers peints à Paris, 1750-1820 », thèse de l’université Paris I, 2001, sous la direction de Daniel Roche, p.288-289.
-
[49]
SHAT,4 W 458,« Mémoire des marchands stéphanois », février 1785, fol 8 et 9.
-
[50]
Ce nouveau régime, favorable aux entrepreneurs, est mis sur pied sur la base de l’estimation faite le 24 juin 1785, soit 357152 livres pour les immeubles et approvisionnements de Saint-Étienne. On doit noter que les outils comptent pour très peu de chose (8067 livres). Voir F. BONNEFOY, Les armes…, op.cit.,p. 482 et574. Cf.aussi Henri MANCEAU,La manufacture de Charleville, Charleville, L’automobilisme ardennais,1962.
-
[51]
SHAT, 4 w 458, « Mémoire », 1790. Ce mémoire relate en détail un avis envoyé par le premier inspecteur à M.de Ségur, et la réponse qui lui est parvenue, le 24juin 1785. Un gain de 15% était attendu sur les canons par le procédé de Javelle.
-
[52]
SHAT,6 W 127, lettre d’Honoré Blanc du 12 avril 1782.
-
[53]
SHAT,6 W 127, lettre de Gribeauval à D’Agoult, en réponse à un mémoire de d’Agoult,31juillet1785.
-
[54]
SHAT,6 W 127, copie de lettre écrite par le maréchal de Ségur à M.de Gribeauval, le 25 mai 1787.
-
[55]
F. BONNEFOY, Les armes… op.cit., p. 688 et Patrice BRET, L’État…, op.cit.,p. 185. Le « Mémoire important sur la fabrication des armes de guerre », adressé par Blanc à l’Assemblée Nationale en août1790, date l’installation à Vincennes de mai 1786. Patrice Bret retient cette date pour l’installation à Vincennes. Mais la décision semble bien avoir été prise l’année précédente. SHAT,6 W 127.
-
[56]
SHAT,6W 127,« Précis des motifs qui ont fait autoriser le sieur Blanc à exécuter les matrices, types et autres instruments dans la vue de perfectionner la fabrication des pièces de la platine »,12 janvier 1792.
-
[57]
K.ALDER, Engineering…, op.cit., p.202.
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[58]
Ibid., p.203.
-
[59]
Ibid., p.201. Une usine pour la fabrication de fourchettes est également détruite par des ouvriers en septembre 1789. Gérard THERMEAU, A l’aube de la révolution industrielle. Saint-Étienne et son agglomération, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne,2002, p.286. Sur les bris de machines, cf.les travaux en cours de François Jarrige, et l’article qui suit dans le présent numéro.
-
[60]
F.BONNEFOY,Les armes… op.cit., p.126 et135. Bécot, contrôleur à Saint-Étienne, décéda en 1727 et fut remplacé par Reynier qui poursuivit l’étude.
-
[61]
SHAT,4 W 482, « État des outils et matrices nécessaires pour parvenir à faire fabriquer 24 platines uniformes par jour dans la fabrique de Saint-Étienne »,28 septembre 1725.
-
[62]
SHAT, 4 W 482, « Rapport fait à l’Académie Royale des Sciences », Le Roy, Laplace, Coulomb, Borda,19 mars 1791.
-
[63]
SHAT,6W 127,« Mémoire adressé au ministre par le 1er inspecteur général »,19 messidor an IX, fol 3.
-
[64]
Les comptes sont arrêtés le 18 octobre 1790.
-
[65]
SHAT,4 W 482,« Rapport fait à l’Académie Royale des sciences »,19 mars 1791.
-
[66]
SHAT,6W 127,« Procès verbal de l’examen du 16 juillet 1791 », fol.3.
-
[67]
SHAT,4 W 482,« Rapport fait à l’Académie Royale des sciences »,19 mars 1791, fol.11.
-
[68]
SHAT, 6 W 127, « Mémoire important sur la fabrication des armes de guerre, à l’Assemblée Nationale », 1790, fol.1.
-
[69]
SHAT, 6W 127, « Précis des motifs qui ont fait autoriser le sieur Blanc à exécuter les matrices, types et autres instruments dans la vue de perfectionner la fabrication des pièces de la platine », 12 janvier 1792.
-
[70]
SHAT,6W 127,« Procès verbal de l’examen du 16 juillet 1791 », fol.1.
-
[71]
SHAT,6W 127,« Procès verbal de l’examen du 16 juillet 1791 », fol.4. L’expression « indigence » est employée par les auteurs du procès-verbal.
-
[72]
SHAT,6W 127,« Procès verbal de l’examen du 16 juillet 1791 », fol.5.
-
[73]
K.ALDER, Engineering…, op.cit.,p.247.
-
[74]
Sur cet Atelier, voir P.BRET, L’État.op.cit.,2002, p.188.
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[75]
Les platines de Roanne, de même que les platines étampées produites autour de Saint-Valéry, dans la Somme, sont expédiées à la manufacture de Versailles. P.BRET,L’état… op.cit., 2002, p.188 et 196. En 1800, Blanc évalue sa production totale à seulement 41500 platines.
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[76]
Ce principe semble avoir été inauguré dans la manufacture d’épingles de Laigle, décrite par Smith dans La Richesse des nations. P. LEFEBVRE, L’invention de la grande entreprise… op.cit., p. 48.
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[77]
K.ALDER, Engineering…, op.cit.,p.323.
-
[78]
SHAT,6W 127,« Rapport », 26 prairial anVIII.
-
[79]
SHAT,6W 127,« Rapport sur la manufacture de Roanne »,16 vendémiaire an XII.
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[80]
SHAT,6W 127, lettre de d’Aboville à son fils,13 ventôse an X (4 mars 1802).
-
[81]
SHAT,6W 127,« Expérience faite sur 100 platines identiques fabriquées à Roanne et montées sur un nombre égal de fusils de la manufacture d’armes de Liège »,21 pluviôse an XII (11 février 1804). Le nombre de platines fonctionnant correctement une fois remontées s’élève à 60.
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[82]
SHAT,6W 127,« Traité »,15 ventôse an XIII (6 mars 1805). La platinerie a fonctionné à partir de juin 1805. P.BRET, L’État.op.cit., 2002, p.194.
-
[83]
SHAT, 6W 127, « Réponse du premier contrôleur de Liège au directeur général du service de l’Artillerie », Jean-Claude Delahaye,10 prairial an XIII (30 mai 1805).
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[84]
Voir K. ALDER, Engineering…, op.cit.,p. 326. SHAT, 6W 127, Boucher et al., « Manufacture de platines de Liège »,12 fructidor an XIII (30 août 1805). SHAT, 6W 127, Lettre de Gassendi au ministre de la Guerre,27 novembre 1806.
-
[85]
K.ALDER, Engineering…, op.cit.,p.326.
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[86]
SHAT, 6W 127, Jean-Claude Delahaye…, op.cit., 10 prairial an XIII (30 mai 1805).
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[87]
SHAT,6W 127,« Mémoire adressé au ministre par le 1er inspecteur général »,19 messidor an IX (8 juillet 1801), fol 1.
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[88]
SHAT,6W 127, lettre de d’Aboville au premier inspecteur général de l’Artillerie,5 germinal anX.
-
[89]
SHAT,6W 127, lettre de d’Aboville à son fils,13 ventôse an X (4 mars 1802).
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[90]
SHAT, 6W 127, « Compte rendu d’une séance du Conseil extraordinaire du matériel de l’artillerie »,24 floréal an X.
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[91]
K.ALDER, Engineering…, op.cit.,p.327.
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[92]
Le ministère de la Guerre ordonne l’abandon de l’étampage le 29 septembre 1808, à la même époque, à peu près, où l’étampage prend son essor dans l’industrie horlogère. Cf. Jean-Marc OLIVIER, Des clous, des horloges et des lunettes. Les campagnards moréziens en industrie (1780-1914), Paris, Éditions du CTHS,2004, p.251.
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[93]
Après le rachat du couvent des Ursulines, en 1809,6 grands ateliers sont édifiés pour les platines. Gérard THERMEAU, A l’aube de la révolution industrielle… op cit., p.274.
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[94]
L’inspecteur général Drouot visite la manufacture de Saint-Étienne en 1806. Le major Préau succède à l’inspecteur Colomb, à Saint-Étienne, en 1811.
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[95]
SHAT,4 W 465,« Inspection de la manufacture d’armes de Versailles, compte rendu de l’inspection », faite en mars 1811 par l’inspecteur général Devaux.
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[96]
SHAT,4 W 465,« Inspection de la manufacture d’armes établie à Tulle », faite en 1808 par l’inspecteur général Leroux.
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[97]
SHAT, 4 W 482,« Précis de la fabrication de la platine à Saint-Étienne suivi de quelques observations sur la division du travail et sur l’emploi des moyens accélérants », Préau,25 avril 1812. K.ALDER, Engineering the Revolution… op cit., p.337.
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[98]
SHAT,4 W 482,« Détails sur les procédés de la fabrication de la platine à Charleville par le capitaine Bureau, opinion sur la fabrication de la platine dite identique comparée à celle ordinaire ou de lime », 1808, fol 33.
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[99]
C’était déjà le cas sous l’Ancien Régime :PhilippeMINARD,La fortune du colbertisme.op cit.,p.249.
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[100]
Denis WORONOFF, L’industrie sidérurgique, op.cit.,p.419.
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[101]
SHAT,4 W 465,« Inspection de la manufacture d’armes établie à Tulle », par l’inspecteur Leroux, 1808.
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[102]
Gérard THERMEAU, À l’aube de la révolution industrielle… op.cit., p.274.