Notes
-
[1]
Archives départementales de la Haute-Vienne, 1 Mi 33 [correspond à Archives Nationales, Paris, G7 347]: « Memoire servant d’esclaircissement sur le placet presenté au Roy par le lieutenant general de Limoges » de l’intendant Jubert de Bouville au contrôle général [1693].
-
[2]
Jean NAGLE, « L’officier “moyen” dans l’espace français de 1568 à 1665 », in Jean-Philippe GENET (dir.), État moderne : Genèse, bilan et perspectives, Paris, Éditions du CNRS, 1990, p. 163-174; Id., « Les officiers « moyens » français dans les enquêtes sur les offices ( XVIe - XVIIIe siècles)», in Michel CASSAN (dir.), Les officiers « moyens » à l’époque moderne : pouvoir, culture, identité, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 1998, p. 25-41; Id., « Officiers « moyens » dans les enquêtes de 1573 et 1665 », Cahiers du Centre de Recherches Historiques-EHESS, octobre 1999, n° 23 : « Officiers « moyens » (I). Actes de la table ronde organisée les 28 et 29 mai 1999 à Paris », Christophe BLANQUIE, Michel CASSAN, Robert DESCIMON (éd.), p. 13-26; M. CASSAN, « Pour une enquête sur les officiers « moyens » de la France moderne », Annales du Midi, t. 108, janvier-mars 1996, p. 89-112 et « De l’État “moderne” à ses administrateurs “moyens” », Histoire, Économie et Société, 2004/4, p. 467-472.
-
[3]
Jacques REVEL, « L’institution et le social », in Bernard LEPETIT (éd.), Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995, p. 63-64; Robert DESCIMON, Jean-Frédéric SCHAUB, Bernard VINCENT (éd.), Les figures de l’administrateur. Institutions, réseaux et pouvoirs en Espagne, en France et au Portugal, XVIe - XIXe siècle, Paris, Éditions de l’EHESS, 1997, p. 7-16; Philippe MINARD, « Faire l’histoire sociale des institutions : démarches et enjeux », Bulletin de la Société d’Histoire Moderne et Contemporaine, 2000/3-4, p. 119-123.
-
[4]
Giovanni LEVI, Le pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du XVIIe siècle, Paris, Gallimard, 1996, p. 139-167 et 193-215; Jaime CONTRERAS, Pouvoir et Inquisition en Espagne au XVIe siècle, Paris, Aubier, 1997.
-
[5]
Michel CASSAN, Noël LANDOU (éd.), Écrits de Jean-Baptiste Alexis Chorllon, Président au Présidial de la Haute-Marche au XVIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 2002; M. CASSAN, « Le Président au Présidial de la Haute-Marche, Jean-Baptiste Alexis Chorllon. Une illustration problématique de l’élite provinciale au XVIIe siècle », Mémoires de la Société des Sciences Naturelles, Archéologiques et Historiques de la Creuse, t. 48,2002, p. 119-126.
-
[6]
« Entre pouvoirs locaux et pouvoirs centraux : figures d’intermédiaires », Bulletin de la Société d’Histoire Moderne et Contemporaine, 1998/3-4, p. 1-93.
-
[7]
Guy SAUPIN, « Les corps de ville dans la France moderne. Tendances historiographiques récentes », Le Bulletin de la Société d’Histoire Moderne et Contemporaine, 2000/3-4, p. 123-135 et « Fonctionnalisme urbain et sociologie des corps de ville français ( XVIe - XVIIIe siècles)», p. 235-258 in Id. (éd.), Le pouvoir urbain dans l’Europe atlantique du XVIe au XVIIIe siècle. Colloque international de Nantes 21 et 22 janvier 2000, Nantes, Ouest Éditions, 2002.
-
[8]
Joël CORNETTE (éd.), La monarchie entre Renaissance et Révolution 1515-1792, Paris, Seuil, 2000, p. 253-266; Fanny COSANDEY, Robert DESCIMON, L’absolutisme en France. Histoire et historiographie, Paris, Points-Seuil,2002, p.128-136 et 154-168; J.CORNETTE,« La tente de Darius », in Henri MECHOU - LAN et Joël CORNETTE (éd.), L’État classique. Regards sur la pensée politique de la France dans le second XVIIe siècle, Paris, Vrin, 1996, p. 9-41 en particulier p. 37-41 pour une présentation de la diversité des relations entre l’État royal et les élites provinciales.
-
[9]
Pour de suggestives réflexions sur les usages historiens de la notion de réseaux sociaux, Jean-Pierre DEDIEU, Zacharias MOUTOUKIAS, « Introduction. Approche de la théorie des réseaux sociaux », et J.-P. DEDIEU, « L’historien de l’administration et la notion de réseau », in Juan Luis CASTELLANO, Jean-Pierre DEDIEU (éd.), Réseaux, familles et pouvoirs dans le monde ibérique à la fin de l’Ancien Régime, Paris, CNRS-Éditions, 1998, p. 7-30 et p. 247-263; Vincent GOURDON, « Approcher les « réseaux familiaux » urbains : réflexions à partir des actes de tutelle de l’Ancien Régime », in Philippe CASTAGNETTI (éd.), Images et pratiques de la ville (vers 1500-vers 1840), Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne (Cahiers de l’IERP, n° 1), 2003, p. 11-34; François-Joseph RUGGIU, Scarlett BEAUVALET, Vincent GOURDON (éd.), Liens sociaux et actes notariés dans le monde urbain en France et en Europe ( XVIe - XVIIIe siècles), Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2004; Claire LEMERCIER, « Analyse de réseaux et histoire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 52-2, avril-juin 2005, p. 88-112. Pour des applications aux cas d’officiers royaux du XVIIe siècle, Philippe JARNOUX, « Autour d’Yves Morice de Coetquelfen. Réflexion sur la notion de réseau dans le monde des officiers au XVIIe siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 2001,108/4, p. 195-225 ; M. CASSAN, « L’espace relationnel d’officiers « moyens » dans la Marche au XVIIe siècle », in Pierre-Yves BEAUREPAIRE, Dominique TAURISSON (éd.), Les Ego-documents à l’heure de l’électronique. Nouvelles approches des espaces et réseaux relationnels, Montpellier, Université de Montpellier-3,2004, p. 23-31.
-
[10]
Pour des présentations pertinentes de la mise en contextes des parcours biographiques, G.LEVI, « Les usages de la biographie », Annales E.S.C., 44/6, novembre-décembre 1989, p. 1325-1336; Simona CERUTTI, La ville et les métiers : naissance d’un langage corporatif Turin 17e-18e siècles, Paris, Éditions de l’EHESS, 1990, p. 45-49, et F.-J. RUGGIU, « Autres sources, autre histoire ? Faire l’histoire des individus des XVIIe et XVIIIe siècle S en Angleterre et en France », Revue de synthèse, t. 125,2004, p. 111-152, p. 138-142 pour une « histoire nominative »; à confronter à la présentation fort réductrice de l’articulation entre contextes et biographies sociales dans François DOSSE, Le pari biographique. Ecrire une vie, Paris, La Découverte, 2005, p. 235-243. Pour des approches biographiques de serviteurs du roi porteurs d’identités sociales plurielles, M. CASSAN, « Isaac Chorllon, un officier « moyen » de finance au XVIIe siècle », p. 95-126, p. 96-97 et 104-105 in Id. (éd.), Offices et officiers « moyens », op.cit.; Nicolas SCHAPIRA, Un professionnel des lettres au XVIIe siècle. Valentin Conrart :une histoire sociale, Seyssel, Champ Vallon, 2003, p. 7-25 et 366-412 et Id., « Occuper l’office. Les secrétaires du roi comme secrétaires au XVIIe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 51-1, janvier-mars 2004, p. 36-61.
-
[11]
Deux dossiers documentaires majeurs permettent la reconstitution de l’affaire : les lettres et mémoires envoyés au contrôle général des finances par les intendants de la généralité de Limoges, Archives Nationales, Paris (désormais AN), G7 346 (1688-1694) et G7 347 (1695-1699); quatre factums destinés au Conseil du roi ou au parlement de Paris, Bibliothèque Nationale de France (désormais BnF), Morel de Thoisy, ms 176, fol. 356; BnF, Fm 17132; BnF, Fm 17133; BnF, Fm 17134. Pour une mise en perspective plus ample de l’affaire, Vincent MEYZIE, Les illusions perdues de la magistrature seconde. Les officiers « moyens », de justice en Limousin et en Périgord (vers 1665-vers 1810), Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2006.
-
[12]
Sarah MAZA, Vies privées, affaires publiques. Les causes célèbres de la France prérévolutionnaire, Paris, Fayard, 1997, p. 29-33 et 55-63 sur la rhétorique judiciaire et le statut narratif des mémoires; Maurice DAUMAS, L’affaire d’Esclans. Les conflits familiaux au XVIIIe siècle, Paris, Seuil, 1988, p. 19 pour la citation et son « éloge du factum », notamment la distinction entre la partie concernant les faits, qui permet « une interprétation du conflit » et la partie concernant les moyens, qui porte sur « une interprétation de la loi », ibid., p. 11-14.
-
[13]
Claude GRIMMER, Vivre à Aurillac au XVIIIe siècle, Aurillac, Gerbert, 1983, p. 75-79 sur la lecture, grâce à une chronique urbaine anonyme et partisane, de la rivalité de différentes factions dans la décennie 1690 pour le contrôle de la ville.
-
[14]
Andréas SUTER, « Histoire sociale et événements historiques. Pour une nouvelle approche », Annales H.S.S., 52/3, mai-juin 1997, p. 543-567, p. 554-561.
-
[15]
Archives départementales de la Haute-Vienne (désormais AD 87), B 751 : protestations du lieutenant particulier Jean Vidaud du 14 mars 1690, du procureur du roi du 3 mai 1690 et des conseillers du 18 août 1691.
-
[16]
AN, V1 584, fol. 13 : lettre du chancelier Boucherat à l’intendant de Bouville du 2 avril 1690; AN, V1 585, fol. 286 : lettre du chancelier à l’évêque de Limoges du 30 juillet 1691; AD 87, B 627 : Arrest du Conseil d’Etat portant reglement entre lesdits Officiers du Présidial et Sénéchal de Limoges du 16 mai 1691.
-
[17]
Daniel JOUSSE, Traité de l’administration de la justice, Paris, Debure Père, 1771, t. 1, p. 551 définit la concussion comme « toute taxe injuste, et tous droits illégitimes, que le Juge peut percevoir dans les fonctions de son office ».
-
[18]
AD 87,1 Mi 32 [correspond à AN, G7 346]: lettre de l’intendant du 23 décembre 1692; BnF, Fm 17132 : Persécution insigne. Au roi et à nosseigneurs de son Conseil. Sire, Jean-Baptiste de Vincens, conseiller de votre majesté, lieutenant général, civil et de la police de la sénéchaussée de Limosin, au siège présidial de Limoges, opposant au titre des provisions dudit office, contre Me Jean Rogier des Essarts, se disant adjudicataire d’icelui, et les sieurs et dame d’Hautefort, parties intervenantes, 1699,25 p.
-
[19]
AD 87, B 769 : audiences des 15 et 16 novembre 1694 (lecture et enregistrement de la sentence, enregistrement d’un arrêt favorable du Conseil privé du roi condamnant le président Périère).
-
[20]
Emile RUBEN, Louis GUIBERT (éd.), Registres consulaires de la ville de Limoges, 1884-1897,6 tomes, t. 4, p. 92-93; AD 87,1 Mi 33 : procès-verbal du 9 juin 1695 et lettre du 17 juin 1695 de François Moulinier, conseiller au présidial et consul.
-
[21]
AD 87,1 Mi 33 : lettre de l’intendant du 2 mars 1697. L’auteur des insolences est le fils d’un procureur ce qui laisse supposer de probables liens, par l’intermédiaire de son père basochien, avec les magistrats.
-
[22]
E. RUBEN, L. GUIBERT (éd.), Registres consulaires, op. cit., p. 122-124 : plainte du lieutenant général du 10 décembre 1698.
-
[23]
BnF, Fm 17132 : mention de l’incident du 12 janvier 1699; AD 87, B 773.
-
[24]
AD 87,1 Mi 33 : requête et placet pour la famille Hautefort du 10 avril 1699.
-
[25]
Nicole DYONET, « Gestes et paroles de la vie quotidienne au XVIIIe siècle. Les ressources des archives judiciaires », in Yves-Marie BERCE, Yves CASTAN (éd.), Les archives du délit :empreintes de société, Toulouse, Éditions Universitaires du Sud, 1990, p. 29-45; F. COSANDEY, « L’insoutenable légèreté du rang », in Id. (éd.), Dire et vivre l’ordre social en France sous l’Ancien Régime, Paris, Éditions de l’EHESS, 2005, p. 169-189.
-
[26]
AD 87,1 Mi 33 : lettre de Jean-Baptiste de Vincent du 14 août 1699; AD 87,4 E II 234, not. Cusson : versement de la dot de 12000 livres par son beau-père Jean Lombardie du 10 janvier 1699; AD 87,1 Mi 34 [correspond à AN, G7 348]: placet de Jean-Baptiste de Vincent à Pontchartrain du 20 août 1700 qualifiant Rogier des Essarts comme « son compétiteur dès 1689 ».
-
[27]
AD 87,4 E II 234, not. Cusson : donation à Isabeau Lombardie du 12 mars 1702.
-
[28]
Jean-Claude PASSERON, « Le scénario et le corpus. Biographies, flux, itinéraires, trajectoires », in Le raisonnement sociologique : un espace non poppérien de l’argumentation, Paris, Albin Michel, 2006 (1re éd. Nathan, 1991), p. 301-330.
-
[29]
BnF, Thoisy 176, fol. 356 : Mémoire pour Me Jean-Michel Periere, ancien président au présidial, défendeur, contre Me Jean-Baptiste Vincent, lieutenant général au mesme siège, demandeur, Paris, Cramoisy, 1697,15 p.; BnF, Fm 17133 : Mémoire contre le sieur Vincent, lieutenant général de Limoges [1693]; AD 87,1 Mi 33 : contrat de vente de l’office du lieutenant général du 20 octobre 1689 pour lequel son père Mathurin de Vincent, qualifié de « bourgeois de Clermont », donne une procuration à un conseiller du présidial auvergnat, indicatrice d’un rang de notable dans la ville.
-
[30]
Louis DE BERNAGE, « Mémoire sur la généralité de Limoges (1698)», publié par Alfred LEROUX in Bulletin de la Société Historique et Archéologique du Limousin, XXXII, 1885, p. 149-258, p. 203; AD 87,1 Mi 33 : contrat de mariage du 17 septembre 1680 avec Isabeau Lombardie.
-
[31]
J. CONTRERAS, op. cit., p. 36-40 sur l’instrumentalisation d’un discours religieux tenu par des « vieux chrétiens » de deux villes moyennes de Murcie à l’encontre des conversos et fondé sur la figure de l’hérétique dans une finalité d’exclusion sociale et politique.
-
[32]
Christophe BLANQUIE, Justice et finance sous l’Ancien Régime. La vénalité présidiale, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 284-290 sur l’inhérence et la dimension sociale de la dignité.
-
[33]
André BURGUIERE, « La mémoire familiale du bourgeois gentilhomme : généalogies domestiques en France aux XVIIe et XVIIIe siècle S », Annales ESC, 46/4, juillet-août 1991, p. 771-788, p. 780. L’auteur fonde notamment ses démonstrations sur plusieurs livres de raison du Limousin.
-
[34]
AD 87,4 E II 155, not. Chambinaud : testament de Martial Moulinier du 7 août 1686; AD 87, B 641 : lettres de provision de Jean-Baptiste de Vincent du 7 octobre 1688.
-
[35]
V. MEYZIE, «“Réduction à l’obéissance” ou régulation de la désobéissance ? Le pouvoir monarchique et les magistrats présidiaux du Limousin et du Périgord à la fin du XVIIe siècle », Temporalités, n° 2,2005, p. 71-92.
-
[36]
AD 87,1 Mi 33 : contrat de vente de l’office pour 62000 livres du 20 octobre 1689.
-
[37]
BnF, Fm 17132 : le lieutenant général propose en 1699 une estimation du coût total des procédures estimé à 150000 livres.
-
[38]
AD 87,4 E II 234, not. Cusson : actes de vente du mobilier de sa maison de Limoges pour 2000 livres du 7 novembre 1697 et de biens fonciers pour 800 livres du 17 janvier 1699; AD 87,1 Mi 33 : lettre de la veuve du marquis d’Hautefort du 14 juin 1699 indiquant que le montant des intérêts sur la charge de lieutenant général s’élève à plus de 20000 livres et copie de la séparation de biens du 15 janvier 1699.
-
[39]
Colette BROSSAULT, Les intendants de Franche-Comté 1674-1790, Paris, La Boutique de l’Histoire, 1999, p. 215; René GREVET, « Être subdélégué d’intendant dans les provinces septentrionales à la fin du XVIIIe siècle », Bulletin de la Société d’Histoire Moderne et Contemporaine, 1998/3-4, p. 14-24.
-
[40]
Sharon KETTERING, Patrons, Brokers, and Clients in Seventeenth-Century France, Oxford, Oxford University Press, 1986, p. 224-231 sur la permanence des relations clientélaires au sein de la bureaucratie avec le clientélisme des intendants; Eberhard ISENMANN, « Normes et valeurs de la ville européenne (1300-1800)», in Peter BLICKLE (éd.), Résistance, représentation et communauté, Paris, PUF, 1998, p. 255-288 notamment p. 280-286 sur la prégnance des valeurs corporatives dans la culture des élites urbaines.
-
[41]
AD 87,1 Mi 32 : lettre de l’intendant Jubert de Bouville du 2 août 1691.
-
[42]
B. LEPETIT, « La ville : cadre, objet, sujet. Vingt ans de recherches françaises en histoire urbaine », Enquête, n° 4,1996, p. 11-34, p. 33.
-
[43]
BnF, Fm 17132 : destitution de la direction de la Monnaie pour le conseiller Martin.
-
[44]
Paolo PIASENZA, « Opinion publique, identité des institutions, « absolutisme ». Le problème de la légalité à Paris entre le XVIIe et le XVIIIe siècle », Revue historique, n° 587, juillet-septembre 1993, p. 97-142, p. 119-121 sur le conflit similaire à Paris durant la même période entre le parlement et les inspecteurs de police.
-
[45]
J. REVEL, « Micro-analyse et construction du social », in Id., (éd.), Jeux d’échelles. La microanalyse à l’expérience, Paris, Gallimard-Seuil, 1996, p. 15-36 (ici p. 26) sur l’approche microhistorique du contexte; B. LEPETIT, Carnets de croquis. Sur la connaissance historique, Paris, Albin Michel, 1999, p. 88-119, pour une définition stimulante de l’objectif propre à la micro-histoire sociale ayant « pour fonction d’identifier les systèmes de contextes dans lesquels s’inscrivent les jeux sociaux », ibid., p. 101; Bernard LAHIRE, « La variation des contextes en sciences sociales. Remarques épistémologiques », Annales HSS, 51/2, mars-avril 1996, p. 381-407.
-
[46]
David D. BIEN, « Les offices, les corps et le crédit d’État : l’utilisation des privilèges sous l’Ancien Régime », Annales ESC, 43/2, mars-avril 1988, p. 379-404; R. DESCIMON, « Les élites du pouvoir et le prince : l’État comme entreprise », in Wolfgang REINHARD (éd.), Les élites du pouvoir et la construction de l’État en Europe, Paris, PUF, 1996, p. 133-162; Mark POTTER, « War finance and absolutist state. Developpement in early modern Europe : an examination of French venality in the seventeenth century », Journal of Early Modern History, 7/1-2,2003, p. 120-147 ; C. BLANQUIE, « Fiscalité et vénalité des offices présidiaux », Histoire, Économie et Société, 2004/4, p. 473-487.
-
[47]
Roger CHARTIER in Emmanuel LE ROY LADURIE (éd.), La ville des temps modernes de la Renaissance aux Révolutions, Paris, Points-Seuil, 1998 (1re éd. 1980), p. 162-167.
-
[48]
AD 87,1 Mi 33 : mémoire détaillé de Jean-Baptiste de Vincent [1699].
-
[49]
AN, P 3374, fol. 104-110 : quittances de l’augmentation de gages du 20 juillet 1690 du présidial de Limoges; A. M. DE BOISLISLE (éd.), Correspondance des contrôleurs généraux des finances avec les intendants des provinces, Paris, Imprimerie Nationale, 1874-1897, t. 1, p. 198-199 : lettre circulaire aux intendants du 27 octobre 1689 indiquant que « vous devez aussi avoir quelque officier de confiance dont vous vous servirez pour exciter les autres » et « échauffer le zèle des compagnies ».
-
[50]
BnF, Thoisy 176, fol. 356; Joseph BOULAUD (éd.), « Offre par les conseillers du roy aux sièges présidial et sénéchal de Limoges, de payer à M. du Chaussy, commis à la recette des finances, ce qu’ils doivent pour « attribution et augmentation de gaiges » (29 mars 1690)», Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Limousin, LXII, 1915, p. 439-441.
-
[51]
J. CORNETTE, La mélancolie du pouvoir. Omer Talon et le procès de la raison d’État, Paris, Fayard, 1998, p. 333-361 sur la perception critique par un parlementaire des mutations des pratiques de gouvernement dans les décennies 1630-1640.
-
[52]
AD 87,1 Mi 32 : lettre de l’intendant Jubert de Bouville du 27 décembre 1692.
-
[53]
Ibidem: « mémoire des officiers qui exercent la police dans les principales villes de la généralité de Limoges » et lettre de l’intendant Jubert de Bouville du 9 février 1690.
-
[54]
Confirmation exemplaire de D. D. BIEN, art. cit., p. 385 notant « une connaissance empirique et détaillée du marché et des éventuels acheteurs, de leurs désirs et de leurs besoins changeants ».
-
[55]
AD 87,1 Mi 33 : mémoire détaillé de Vincent [1699]; AD 87, B 751 : lettre de l’intendant Jubert de Bouville du 1er mars 1690.
-
[56]
Cf. John J. HURT, Louis XIV and the Parlements. The Assertion of Royal Authority, Manchester, Manchester University Press, 2002, p. IX-XI et 67-68, pour un regard critique sur les lectures dites « révisionnistes » de l’absolutisme comme compromis social entre le pouvoir royal et les élites dirigeantes, en particulier sur les conclusions de William BEIK, Absolutism and Society in Seventeenth-Century France. State Power and Provincial Aristocracy in Languedoc, Cambridge, Cambridge University Press, 1985 et « A social interpretation of the reign of Louis XIV », in Neithard BULST, Robert DESCIMON et Alain GUERREAU (éd.), L’État ou le roi. Les fondations de la modernité monarchique en France ( XIVe - XVIIe siècles), Paris, Éditions de la MSH, 1996, p. 145-160. En réponse aux critiques, W. BEIK propose l’approfondissement de son interprétation grâce à un double déplacement chronologique (sur la période 1690-1715) et géographique (en direction des pays d’élection): « The absolutism of Louis XIV as social collaboration », Past & Present, n° 188, August 2005, p. 195-224, p. 221-224.
-
[57]
M. CASSAN, « Pour une enquête… », art. cit., p. 101-102; G. SAUPIN, « Fonctionnalisme urbain… », in Le pouvoir urbain dans l’Europe atlantique, op. cit., p. 240-242.
-
[58]
BnF, Fm 17132 [1699]; AD 87,1 Mi 33 : mémoire détaillé de Vincent [1699].
-
[59]
E. RUBEN, L. GUIBERT (éd.), Registres consulaires, op. cit., t. 4, p. 64-65 : arrêt du Conseil du 13 septembre 1689; Roger DROUAULT, « Le régiment de Limoges offert par la ville à Louis XIV (1689-1699)», Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Limousin, LIX, 1909, p. 488-539, p. 491-500.
-
[60]
AD 87,1 Mi 32 : placet de Vincent au contrôleur général Pontchartrain [janvier 1693]; E. RUBEN, L. GUIBERT (éd.), Registres consulaires, op.cit., p. 80-81 : arrêt du conseil d’État 29 décembre 1692 cassant l’élection des consuls du 7 décembre 1692.
-
[61]
AD 87,1 Mi 32 : lettre de Vincent à Pontchartrain du 16 décembre 1694; E. RUBEN, L. GUIBERT (éd.), ibid., p. 89-90 : élection du 7 décembre 1694.
-
[62]
Philippe GUIGNET, Le pouvoir dans la ville au XVIIIe siècle. Pratiques politiques, notabilité et éthique sociale de part et d’autre de la frontière franco-belge, Paris, Éditions de l’EHESS, 1990, p. 345-350 sur les significations socialement nuancées de l’accession aux municipalités : « pour les bourgeois, elle est reflet, signe et facteur de distinction et de notoriété, elle consolide le crédit moral d’une famille en ascension », ibid., p. 350.
-
[63]
E. RUBEN, L. GUIBERT, (éd.), Registres consulaires, op. cit., p. 110 (lettre au lieutenant général de Vincent du 1er décembre 1696) et 112-113 (assemblée électorale du 7 décembre 1697).
-
[64]
Ibid., p. 120-121 et 124-155 : dénonciation de l’élection par de Vincent du 7 décembre 1698 et arrêt du Conseil d’État du 3 février 1699.
-
[65]
Christian JOUHAUD, « Révoltes et contestations d’Ancien Régime », p. 17-108 in A. BURGUIERE et J. REVEL (éd.), Histoire de la France. Les conflits, Paris, Points Seuil, 2000 (1re éd. 1990), p. 71-75 sur « la société des notables et les logiques étatiques : du bon usage des conflits sociaux », p. 73 pour la citation.
-
[66]
AD 87,1 Mi 32 : lettre de l’intendant Jubert de Bouville au contrôleur général du 28 mai 1692 : « quand même il se trouverait innocent, il est important pour rétablir la tranquillité dans cette ville qu’il en sorte; mais il est encore plus nécessaire de punir ceux qui s’en veulent rendre les maîtres ».
-
[67]
V. MEYZIE, op. cit., p. 432-434 sur le comportement exemplaire des magistrats présidiaux lors d’une émeute anti-fiscale en 1705.
-
[68]
C. GRIMMER, op. cit., p. 71 et passim. À Aurillac, le lieutenant général du présidial Amable Delort adopte avec succès une attitude similaire, en cumulant en 1704 sa charge de justice avec l’office vénal de maire et l’office de lieutenant général de police, afin d’asseoir son autorité et celle de sa mouvance dans la cité.
-
[69]
Alain DEGENNE, Michel FORSE, Les réseaux sociaux. Une analyse structurale en sociologie, Paris, Armand Colin, rééd. 1994; Vincent LEMIEUX, Les réseaux d’acteurs sociaux, Paris, PUF, 1999; Pierre MERCKLE, Sociologie des réseaux sociaux, Paris, La Découverte, 2004; J.-P. DEDIEU, « L’historien de l’administration… », in J. L. CASTELLANO, J.-P. DEDIEU (éd.), Réseaux, familles et pouvoirs, op. cit., p. 250 souligne à la fois la fécondité heuristique de la notion et sa limite pratique, en raison des contraintes documentaires, pour l’historien apte à reconstituer pour quelques individus seulement tous les types de relations, c’est-à-dire « un segment du réseau total » ou un type uniquement de relations pour tous les individus, c’est-à-dire « une couche du réseau total ». Pour l’affaire de Vincent, la reconstitution partielle du groupe des opposants s’inscrit dans la première démarche.
-
[70]
AD 87,1 Mi 33 : « Mémoire… » de l’intendant Jubert de Bouville [1693]; BnF, Fm 17134 : Factum pour Jean-Baptiste de Vincens… contre Me Michel Perrière de Vignaud, second présidant au présidial de Limoges et autres liguez, qui agissent sous le nom de M.le procureur général au Parlement de Bordeaux, accusateur, 29 p. [1693], p. 6-8; BnF, Fm 17132 [1699].
-
[71]
AD 87,1 Mi 32 : lettre de Vincent à Pontchartrain [janvier 1693].
-
[72]
AD 87,1 Mi 33 : placet au roi de Jean-Baptiste de Vincent [1693].
-
[73]
BnF, Fm 17132. Le factum mentionne même l’existence d’un « traité secret de la Ligue ».
-
[74]
AD 87,1 Mi 33 : annotation de l’intendant Jubert de Bouville sur le placet au roi des « habitants de la ville de Limoges » [1693].
-
[75]
En 1688, Jean-Michel Périère reçoit à l’occasion de son mariage 7000 livres comptant faisant partie d’une dot de 27000 livres. En 1686, Jean-François Martin a perçu 16400 livres d’une constitution dotale fixée à 30000 livres. En 1689, Jean-Mathias Rogier bénéficie de l’apport d’une dot de 27000 livres.
-
[76]
AD 87,1 Mi 33 :procès-verbal du 9 juin 1695 et lettre du 17 juin 1695 de François Moulinier; AD 87,4 E II 182, not. Chavepeyre : contrat de vente de l’office du 20 septembre 1691.
-
[77]
J.-P. DEDIEU, « L’historien de l’administration… », op. cit., p. 257.
-
[78]
AD 87,4 E II 180, not. Chavepeyre : acte de Nicolas Hémart, commis à la recette de l’annuel du 30 décembre 1690.
-
[79]
AD 87,1 Mi 32 : placet de Vincent à Pontchartrain [janvier 1693]. Il identifie cinq parents de Sabourin dans le parlement : son fils et son gendre Du Val conseillers, ses beaux-frères le président de Grimard et le doyen du Sault, son neveu l’avocat général du Sault.
-
[80]
Emmanuel LAZEGA, Réseaux sociaux et structures relationnelles, Paris, PUF, 1998, p. 42-47.
-
[81]
AD 87,4 E II 187, not. Chavepeyre : déclaration de Renaud des Flandres commis à la recette des francs-fiefs dans la généralité de Limoges du 6 avril 1696, protestations de Vidaud et de Dupin du 2 mai 1696.
-
[82]
AD 87,4 E II 156, not. Chambinaud, p. 108 : procès-verbal du notaire royal Jean Cusson du 23 juillet 1693. De Vincent demande à ce notaire de Limoges d’effectuer un déplacement pour obtenir, avec succès, une preuve de son honnêteté dans l’exercice de son métier de juge
-
[83]
AD 87,1 Mi 33 : « Mémoire… » de l’intendant Jubert de Bouville [1693].
-
[84]
Jean-Baptiste CHAMPEVAL, Jean du TEILHET DE LAMOTHE (éd.), Correspondance de François Marie d’Hautefort et de Marie Françoise de Pompadour, marquis et marquise de Pompadour avec Messieurs maîtres Pierre et François de Bigorie, leurs agents d’affaires en Limousin 1684 à 1695-1716 à 1747, Bruxelles, Lamertin, 1905, p. 137 : lettre du marquis de Hautefort du 2 juillet 1695.
-
[85]
AD 87,1 Mi 33 : ordonnance de Saint-Aulaire du 10 novembre 1697, procès-verbaux des consuls Arbonneau et de Maleden du 15 février 1697.
-
[86]
AD 87,4 E II 234, not. Cusson : acte de vente de Vincent à Jean de Maleden, bourgeois et marchand de Limoges, du 7 novembre 1697.
-
[87]
Sur le rôle du tiers lors de la formation de coalitions durant un conflit, A.DEGENNE, M.FORSE, op. cit., p. 140-144. Le rôle de l’intendant dans le conflit limougeaud s’apparente au modèle du tertius gaudens, c’est-à-dire à un allié indispensable afin de former une coalition gagnante. Sur la notion de capital social augmentant avec la diversité des liens d’un individu, ibid., p. 135-137; V. LEMIEUX, op. cit., p. 123-133; P. MERCKLE, op. cit., p. 53-69.
1Dans un mémoire de la fin du XVIIe siècle, l’intendant de la généralité de Limoges présente sa version personnelle des démêlés de Jean-Baptiste de Vincent, lieutenant général du présidial limougeaud, avec les notables de la ville :
« Avant d’estre pourvuëu de la charge de lieutenant general et n’estant que simple conseiller, il eüt de fortes parolles dans la compagnie sur ce que quelques officiers n’estoient pas d’advis de prendre des augmentations de gages que j’avois ordre de leur insinüer. Il me vint trouver a Angoulesme pour m’en advertir et me prier de le distinguer offrant d’en prendre pour 3000 livres. Il soutint peü apres en ma presence a sa compagnie tout ce qu’il m’avoit avancé et il en receut de si facheuses parolles dans la suitte que M. le controlleur general en ayant este averty fut obligé de marquer que le Roy luy accorderoit sa protection. […] La charge de lieutenant general estant vacante, et estant desirée par quelques personnes […] led. de Vincent l’achepta, ce quy fut une confirmation de l’aversion qu’il s’estoit desja attirée pour les augmentations de gages. […] La subdélégation que j’avois donnée au lieutenant general luy a aussy attiré beaucoup d’affaires dans l’execution des ordres que je luy ay donné. Et l’arrest du conseil quy l’avoit commis pour procureur du Roy dans la redition des comptes des consuls de lad. ville, dont quelques uns ont desja restitué quelques deniers, n’a pas peü servy a augmenter l’aversion, estant regardé comme un homme quy, n’ayant pas de parent dans la ville, ny ménageoit rien. Voila les raisons de haine, lesquelles sont communes a tous les ligués contre led. Vincent et dont ils se servent pour tacher de luy attirer l’aversion de tous les gens qui n’ont pas pris party » [1].
3Par cette présentation, l’intendant esquisse les enjeux essentiels d’un conflit complexe, durable et protéiforme, entre le principal magistrat du tribunal royal et les élites officières et urbaines de la capitale du Limousin. En narrant cette contestation, qualifiée désormais d’affaire de Vincent, en indiquant les divers motifs de l’« aversion » persistante envers le nouveau juge et en évoquant les différents « ligués » à l’origine de la confrontation, la description du commissaire du roi montre tout d’abord un double affrontement, entre le lieutenant général et les autres officiers « moyens » du présidial d’une part, entre le magistrat et les principaux notables de la ville d’autre part [2]. Elle révèle ensuite une profonde contestation de la position sociale et institutionnelle de Jean-Baptiste de Vincent, porteur à la fois d’une identité robine comme membre éminent d’une compagnie judiciaire, mais aussi atypique et plurielle comme étranger à la cité et intégré à la monarchie administrative. Elle s’inscrit enfin dans le contexte du renforcement de la pression financière et politique du pouvoir royal sur les élites officières, municipales et urbaines lors de la guerre de la Ligue d’Augsbourg de 1689 à 1697.
4Dans la perspective d’une histoire sociale des institutions, ce conflit d’aspect local offre l’opportunité de dévoiler des tensions propres à la seconde moitié du règne de Louis XIV, entre la monarchie absolue et un corps d’officiers de justice, mais aussi entre l’autorité royale et les notables d’une ville de second rang [3]. En effet, sans être ni la simple traduction ni la pure reproduction de contestations globales, il pose un questionnement plus large sur le fonctionnement pratique de la monarchie administrative en province, les modalités d’agrégation à la notabilité officière et citadine, la formation d’une coalition d’opposants dans une cité de rang moyen. En suscitant une abondante documentation relevant de la polémique judiciaire, l’affaire de Vincent se prête à un traitement minutieux, dans la filiation d’une micro-histoire sociale apte à déchiffrer la conflictualité localisée et les procès comme des révélateurs de la répartition du pouvoir, de ses dynamiques et de ses enjeux à l’échelle villageoise ou urbaine [4]. Porteuse d’une triple dimension sociale, politique et relationnelle, elle permet de prendre en charge les interrogations historiographiques récentes concernant la place spécifique des officiers royaux dans la ville, les modalités inédites des relations entre pouvoir central et pouvoirs locaux dans le cadre d’un État royal à prétentions absolutistes, et la validité heuristique de la notion de réseau social appliquée à la radiographie d’un conflit urbain.
5Dans sa dimension sociale, l’affaire Jean-Baptiste de Vincent pose d’abord la question de l’intégration du juge dans la compagnie judiciaire et dans la communauté urbaine. Le conflit dure de 1688 à 1700, avec l’opposition virulente, variée et victorieuse de magistrats présidiaux et d’officiers municipaux vis-à-vis du lieutenant général, afin d’empêcher son installation durable dans le tribunal et la ville. Affectant un nouveau venu dans le siège et la cité, il peut ainsi servir de révélateur pertinent des modalités d’intégration à la notabilité officière et municipale à la fin du XVIIe siècle [5]. En focalisant l’attention sur le détenteur d’une double appartenance, comme robin provincial et administrateur royal, il permet ensuite d’aborder les comportements des officiers « moyens » de judicature comme « figures d’intermédiaires » [6] emblématiques, notamment grâce à leur position privilégiée à l’intersection de l’État royal et de l’institution consulaire. Dans son ambiguïté, elle suggère en effet d’éventuelles conciliations, de probables tensions, voire de possibles contradictions entre leur fonction de relais de l’autorité monarchique et leur situation fréquente de représentants de la communauté urbaine comme membres des corps de ville [7].
6Dans sa dimension politique, le conflit à Limoges dévoile les mutations dans les relations de pouvoir entre la monarchie absolue et les autorités locales et municipales dans la dernière décennie du XVIIe siècle. La rivalité entre l’État et les notables pour le contrôle du pouvoir dans la cité constitue l’enjeu fondamental de la longue confrontation entre le lieutenant général du présidial Jean-Baptiste de Vincent et une opposition composée de membres des élites judiciaires et urbaines. Concernant un magistrat royal, serviteur temporaire de la monarchie administrative comme subdélégué officiel ou officieux et édile occasionnel de la cité, elle ouvre sur le thème du contrôle politique dans et sur la ville. L’affaire se place ainsi dans une plus ample interrogation historiographique portant sur les relations entre pouvoir central et autorités locales pendant la seconde partie du règne de Louis XIV et posant plus particulièrement la question de la nature socio-politique de l’absolutisme [8]. Elle repose sur deux lectures différentes du phénomène absolutiste, entre une coopération imposée aux élites du pouvoir et une collaboration négociée avec les groupes dirigeants.
7Cette interrogation mérite d’être testée à l’aune des réactions d’une compagnie présidiale confrontée à une politique vénale intensive, du rôle des officiers dans les relations entre la monarchie administrative et la cité ou du renforcement de l’absolutisme fiscal et municipal. En adoptant le prisme de la conflictualité locale et une perspective provinciale, elle permet ainsi d’éclairer un moment crucial de l’absolutisme louis-quatorzien, marqué par l’accroissement de la pression financière sur les corps d’officiers royaux, la mise en place d’une contribution fiscale sur les privilégiés et la participation des oligarchies urbaines à l’effort de guerre par la vénalité des offices municipaux.
8Dans sa dimension relationnelle, le conflit révèle les multiples opposants du lieutenant général de Vincent et sollicite l’emploi de la notion de réseau afin de l’appliquer éventuellement à l’ensemble de ses adversaires. Présenté comme l’œuvre concertée d’une véritable « cabale » par le principal protagoniste, il favorise une approche des liens sociaux des officiers royaux dans le monde provincial et offre plus particulièrement l’occasion d’aborder un aspect souvent peu perceptible des antagonismes citadins :les motivations et les modalités des luttes de factions pour la maîtrise du pouvoir urbain. Toutefois, à la différence des travaux plaçant la thématique des réseaux ou des liens sociaux au centre de leurs préoccupations, la démarche envisagée conduit à recourir à cette catégorie heuristique comme possible élément complémentaire d’explication et non comme postulat initial selon une lecture exclusive [9]. Elle vise essentiellement à tester la pertinence de son usage en termes de plus-value interprétative pour l’affaire de Vincent.
9À l’issue de la présentation des phases majeures d’une affaire échelonnée sur plus de dix ans, la compréhension du conflit nécessite trois niveaux de lecture. L’approche sociale cerne la carrière présidiale de Jean-Baptiste de Vincent, nouveau venu dans la juridiction et la ville, membre d’une compagnie officière de rang moyen et subdélégué de l’intendant. Une approche de type biographique, à la fois attentive à la variété des contextes et soucieuse de prendre en compte l’identité plurielle du principal protagoniste, paraît la plus fructueuse, afin de replacer la trajectoire individuelle dans les logiques englobantes de l’institution judiciaire, du pouvoir monarchique et de la société urbaine à la fin du XVIIe siècle [10]. Dans quelle mesure cet itinéraire professionnel et social atypique contribue-t-il à la contestation et in fine à l’échec de son intégration aux élites judiciaires et urbaines ? L’appréhension contextuelle dans sa dimension politique rend dans un second temps plus compréhensible la biographie de l’officier de judicature. Le rejet du magistrat n’est-il pas le révélateur d’une opposition des élites robines et municipales envers les innovations de l’État royal ? Dans une décennie 1690 marquée par le renforcement de la tutelle royale sur les compagnies présidiales et les corps de ville, elle suggère l’ambiguïté du rôle du lieutenant général de Vincent, à la fois membre du corps présidial et serviteur de la monarchie administrative. L’identification des principaux adversaires permet dans un troisième temps d’évaluer la composante relationnelle de l’affaire et de mesurer la cohérence d’un éventuel réseau, la place tenue par les magistrats. Premiers protagonistes du conflit, sont-ils aussi les principaux meneurs de l’opposition élitaire à l’égard du lieutenant général ?
LA DIMENSION SOCIALE DU CONFLIT : L’ÉCHEC DE L’INTÉGRATION D’UN OFFICIER « MOYEN » AUX ÉLITES JUDICIAIRES ET URBAINES DE LIMOGES
10L’ensemble documentaire constitué à l’occasion des procédures et des procès entre le lieutenant général et ses adversaires permet de connaître le déroulement, les péripéties et les ramifications de ce conflit confus et complexe de 1688 à 1700 [11]. Cette documentation judiciaire, factums, plaidoyers pro domo et mémoires ou para-judiciaire, lettres de récrimination, de dénonciation ou d’information, pose un problème majeur de lecture par l’association consubstantielle d’une rhétorique partisane et d’une « représentation sociale du conflit » [12] à une narration détaillée des tensions. Relevant de la polémique et reflétant la partialité des différents protagonistes, cette source confond dans un même texte un discours révélateur des représentations culturelles des acteurs et une description indicatrice de leurs motivations et de leurs intérêts sociaux. Cependant, en raison même de son aspect orienté et de sa nature polyphonique, elle présente deux atouts fondamentaux. En premier lieu, les points de vue divergents constituent un avantage pour saisir les motivations des différents acteurs de la confrontation et offrent l’opportunité de dépasser la perspective imposée par une source unique [13]. En second lieu, elle incite à dissocier, par la confrontation des différentes versions, les représentations des protagonistes de leurs motivations, les enjeux apparents du conflit des enjeux sous-jacents. Elle invite ainsi à distinguer dans le conflit les aspects liés au profil atypique du magistrat et les dimensions propres aux relations entre l’État et les élites urbaines durant la seconde moitié du règne de Louis XIV.
La reconstitution des étapes majeures du conflit de 1688 à 1700
11Quatre étapes majeures rythment la confrontation entre de Vincent et ses opposants :le glissement rapide d’une contestation interne à la compagnie présidiale à l’opposition avec les élites municipales d’octobre 1688 à octobre 1691, le déplacement du conflit sur la scène judiciaire bordelaise et son durcissement à Limoges d’octobre 1691 à août 1693, l’atténuation partielle de la conflictualité dans la ville d’août 1693 à décembre 1697, l’exacerbation finale des oppositions de décembre 1697 à octobre 1700. Fondé sur la reconstitution des principaux événements, le récit de l’affaire de Vincent a pour objectif de montrer les figures successives du conflit et les multiples stratégies mises en œuvre par les différents protagonistes. Dans la filiation d’une approche sociale de l’événement, cette présentation chronologique recourt selon l’intérêt variable du récit à la « méthode du ralenti » [14] ou à l’ellipse temporelle.
12Dans une première phase, le conflit oppose principalement le lieutenant général Jean-Baptiste de Vincent aux magistrats du présidial, de fin 1688 à fin 1691. Mécontents de l’entrée dans la compagnie d’un officier imposé par la monarchie en 1688 et acquéreur de la principale charge du siège l’année suivante, ils multiplient les critiques sur sa compétence professionnelle :dénonciation de distributions illégales de procès, plaintes à l’égard de procédures irrégulières [15]. Cette stratégie chicanière de harcèlement menée par plusieurs magistrats vise à l’empêcher d’exercer son métier de juge dans des conditions normales. Elle cherche aussi à promouvoir l’image d’un mauvais juge auprès des autorités de tutelle. Toutefois, celles-ci se montrent avant tout soucieuses d’accommoder les adversaires et de réguler les tensions dans le tribunal, notamment avec la fabrication en 1691 d’un nouveau règlement [16]. L’échec de la conciliation entre le lieutenant général et les officiers de judicature coïncide avec l’émergence d’une seconde catégorie d’opposants. En effet, la vérification des comptes des consuls en 1689 et la demande du financement d’un régiment de la ville en faveur du roi en 1690, exécutées par de Vincent devenu entre-temps subdélégué, entraînent le mécontentement des édiles de Limoges. Le conflit glisse du palais à l’hôtel de ville, provoquant un élargissement du cercle de ses adversaires avec la formation d’une coalition d’élites judiciaires et municipales.
13Dans une deuxième phase, d’octobre 1691 à août 1693, une double évolution caractérise l’affaire de Vincent avec le déclenchement d’une procédure
devant le parlement de Bordeaux et la radicalisation du conflit à Limoges. Les
magistrats remplacent leur tactique initiale de harcèlement régulier du lieutenant général dans le tribunal par une nouvelle stratégie de déconsidération
misant sur la figure du juge malhonnête. Ils l’accusent de concussion devant la
cour bordelaise [17]. Le déplacement du conflit sur cette scène judiciaire comporte un enjeu social majeur : obtenir l’appui de parlementaires de Bordeaux,
parents ou alliés des magistrats présidiaux de Limoges pour une partie d’entre
eux. Mais le transfert de l’affaire devant le parlement de Paris en août 1693
marque un nouvel échec pour les opposants du lieutenant général. Dans le
même temps, le recours à la violence matérielle et à la critique virulente
indique un durcissement du conflit à Limoges. En l’absence du lieutenant
général, sa maison est pillée. Surtout, en décembre 1692 des critiques visent de
manière directe et publique l’intendant Jubert de Bouville :
« J’ai méprisé jusqu’ici les mauvais contes que quelques gens ont fait courir dans
Limoges et je n’ai pas fait plus d’état de ce qu’ils avaient fait mettre dans la Gazette de
Hollande, mais ils poussent les choses dans un excès que je ne puis plus les dissimuler sans
être accusé de les craindre. Le sieur Périère, second président au présidial de Limoges tient
des discours à Bordeaux d’une insolence extraordinaire » [18].
14Suggérant une tentative de manipulation de l’opinion publique, cette campagne de dénigrement du commissaire royal, orchestrée par les adversaires du lieutenant général, a pour but de rejeter sa neutralité dans l’affaire. En effet, ses opposants réfutent la position de médiateur proposée par l’intendant du Limousin, perçu comme le protecteur officieux de son ancien subdélégué.
15Une atténuation du conflit a lieu entre août 1693 et décembre 1697.
16L’amortissement des tensions correspond à une période faste pour le lieutenant général, accumulant les victoires. Il obtient un succès judiciaire majeur avec l’arrêt d’absolution du 30 août 1694 du parlement de Paris, invalidant les accusations de concussion à son encontre. Il assure en novembre 1694 la diffusion publique de sa réhabilitation officielle dans la cité lors de l’audience solennelle de rentrée du présidial [19]. L’auto-célébration de sa victoire constitue une humiliation de ses adversaires du siège. De Vincent obtient ensuite des succès politiques importants en intégrant à deux reprises l’hôtel de ville en 1694 et en 1696.
17Toutefois, ses triomphes ressemblent à des victoires à la Pyrrhus. Fruits de la protection monarchique, ils ont comme coût politique local l’exaspération de l’hostilité des élites urbaines. Ces victoires visibles constituent un désaveu pour les notables et elles renforcent leur lecture négative de l’association du lieutenant général au pouvoir royal. Cependant, elles répliquent de façon ponctuelle à ces succès avec l’opposition manifestée en 1694 par le Bureau des finances de Limoges et en 1695 par le consulat [20]. Surtout, l’hostilité à l’égard de Jean-Baptiste de Vincent dépasse le monde des élites officières et municipales et semble gagner une partie de la population urbaine. En mars 1697, l’intendant rapporte les « mauvais propos » d’un nommé Pigné projetant d’« aller l’attendre sur le chemin d’Angoulême pour le tuer » [21]. Ce surprenant projet d’assassinat du lieutenant général, d’une crédibilité bien incertaine, suggère une impopularité croissante. Celle-ci apparaît néanmoins davantage le fruit des élites citadines que créée par une improbable opinion publique spontanée.
18Dans une quatrième phase, de décembre 1697 à octobre 1700, le conflit atteint son paroxysme et oblige Jean-Baptiste de Vincent à quitter Limoges. En décembre 1698 et janvier 1699, plusieurs événements signent sa mise au ban de la société urbaine. Le 7 décembre 1698, lors d’une réunion du corps de ville, un incident l’oppose au consul Michel Arbonneau, contrôleur en la maréchaussée :
« Le sieur Arbonneau l’ayné, l’un des consuls qui devait sortir de charge s’estant [levé] de sa place, aurait, avec beaucoup de gesticulations indecentes et menaçantes [proféré] hautement plusieurs injures contre nous qui présidions à ladite assemblée et mesme nous aurait coupé la parolle plusieurs fois ».
20Le lendemain, une altercation dans l’église de l’abbaye Saint-Martial met aux prises de Vincent, assis sur le banc de la maison de ville, et les consuls Simon Descoutures, avocat du roi au présidial, et Blaise Varacheau, bourgeois, qui lui dénient ce droit. Une narration détaillée précise les gestes et les paroles des protagonistes :
« Il était surprenant qu’ils ignorassent nos qualités et le rang que nous tenions. A quoy le dit sieur Descoutures auroit reparty avec plus de chaleur qu’il ne nous souffrirait pas, et, a mesme temps, nous aurait pris les manches de notre robe et se seroit assis sur nos genoux :ce qui a donné lieu a beaucoup de scandalle; lequel pour eviter et les menaces de plusieurs personnes qui estoient de concert avec eux pour nous insulter, quelques-uns s’approchant de nous avec des espées, les autres battant des mains et criant :Dehors ! dehors ! Quoy voyant et ayant été adverty plusieurs fois dans la ville et la campagne qu’on ne cherchoit l’occasion que de nous assassiner et que d’ailleurs il estoit de notre prudence non seulement de l’éviter […] nous nous serions sur le champ retiré et mis au dessous desdits sieurs Descoutures et Varacheau; et quoy que nous eussions fait cette demarche, ces mesmes mutins n’auroient pas laissé de continuer à battre des mains et à crier tousjours : Dehors ! dehors ! ce qui nous auroit convaincü de leur mauvaise intention et fait prendre la resolution de sortir tout a fait de l’auditoire et de nous retirer pour mettre notre vie en seurté » [22].
22En janvier 1699, le lieutenant général est roué de coups dans le vestibule du palais par une troupe de jeunes gens comprenant notamment trois fils du lieutenant particulier Jean Vidaud. Une dizaine de jours après, il cesse d’exercer son activité de magistrat, contraint par la saisie légale de son office et forcé par les événements [23].
23Les trois incidents très proches dans le temps marquent l’exacerbation du conflit et la victoire définitive des adversaires du lieutenant général. La saisie de son office en septembre 1698, obtenue par ses créanciers devant le parlement de Paris, constitue une rupture fondamentale dans l’affaire de Vincent [24]. En le privant de sa charge, elle entraîne la disparition de la dignité inhérente à l’office de judicature et l’arrêt de la protection accordée par la monarchie à son serviteur.
24Cette double perte de statut et de position ouvre la voie à des comportements vindicatifs à l’égard du juge démis. Elle permet en effet la radicalisation du conflit, avec le recours à la violence verbale et physique, à l’encontre de Jean-Baptiste de Vincent désormais privé de rang privilégié dans la cité. Elle rend davantage compréhensibles les trois événements de décembre 1698 et janvier 1699 traduisant son expulsion réelle et symbolique de l’hôtel de ville, d’une église dédiée au saint patron de la cité et du palais de justice. Les incidents correspondent à une campagne orchestrée visant à l’exclusion de l’ex-magistrat de la sphère des élites municipales, du monde des officiers de justice et de la communauté urbaine. Elle prend presque la forme médiévale et humiliante d’un véritable bannissement. La querelle de préséance dans l’église Saint-Martial révèle le déclenchement délibéré d’un incident par ses adversaires, leur manipulation habile des spectateurs et des pratiques conflictuelles riches de significations sociales. En s’asseyant sur les genoux de Jean-Baptiste de Vincent, le consul Descoutures effectue un geste d’une forte portée symbolique [25]. Il nie à la fois le droit, revendiqué par l’ancien lieutenant général mais perdu avec la saisie de sa charge, de siéger avec le corps de ville et son existence physique comme membre de la communauté citadine. Le leitmotiv « Dehors ! dehors !», révélateur probable d’un mot d’ordre lancé par les opposants et repris par l’assistance, revêt un sens similaire : exclure de Vincent non seulement de toute appartenance aux élites urbaines mais de toute place au sein de la cité de Limoges.
25Le lieutenant général déchu mène d’ultimes et vaines tentatives de résistance en 1699-1700. Il échoue dans sa négociation avec ses créanciers afin d’obtenir un nouveau délai de paiement pour l’office. Il ne parvient pas à rassembler le financement manquant et exigé, en dépit du versement tardif mais insuffisant de la dot de sa femme. Il s’oppose sans succès à l’acquisition de la charge de lieutenant général par l’un de ses principaux adversaires, le conseiller Jean-Pierre Rogier des Essarts [26]. Sa défaite, avec la dépossession de son office vendu en mars 1700, constitue la victoire de ses détracteurs de 1689, alors en situation de concurrence pour l’acquisition de cet office majeur.
26Toutefois, son insuccès dans son parcours d’officier royal à Limoges n’est pas pour autant synonyme de l’échec total de sa carrière dans l’État de justice. Il bénéficie en effet d’une promotion sociale en 1701-1702, en devenant procureur général du conseil souverain de la colonie américaine de Saint-Domingue [27]. Cet exil doré et exotique suggère la confiance préservée de l’administration monarchique et une nomination en forme de compensation à sa malheureuse expérience limougeaude.
Les raisons d’une intégration avortée aux élites judiciaires et urbaines de Limoges
27La reconstitution chronologique de l’affaire de Vincent offre le récit d’une intégration professionnelle et sociale ratée. Les quatre périodes identifiées correspondent aux différents moments de cette trajectoire avortée : l’ascension sociale rapide mais contestée d’octobre 1688 à octobre 1691, l’intégration en suspens d’octobre 1691 à août 1693, sa réussite apparente d’août 1693 à décembre 1697, l’échec définitif de l’appartenance à la compagnie judiciaire et à la communauté urbaine de décembre 1697 à octobre 1700. L’approche biographique, en prenant en compte les contraintes initiales pesant sur la carrière du lieutenant général et ses choix successifs la favorisant ou la pénalisant, permet d’appréhender les multiples raisons de son intégration avortée aux élites officières et citadines [28]. Elle en dévoile deux aspects essentiels, d’importance décroissante :la promotion d’un homme neuf; critiquée et entravée par les notables locaux, la compatibilité problématique entre l’office et la commission de subdélégué.
28Ses détracteurs insistent à dessein sur sa condition médiocre et son absence
d’appartenance à la ville. Le croisement des sources partisanes et notariales
permet néanmoins de nuancer la médiocrité prétendue de son origine sociale et
d’infirmer l’image façonnée par ses adversaires, d’un juge de modeste condition :
il serait le fils d’un apothicaire du Bas-Limousinalors qu’il est en fait le rejeton
d’une famille notable d’Auvergne [29]. L’étude valide en revanche l’appréciation de
l’intendant Louis de Bernage indiquant en 1698 qu’« il manque de bien » [30], à la
différence de la majorité de ses confrères du siège. La reconstitution largement
factice de ses opposants indique toutefois les motivations fondamentales de l’hostilité des notables à l’égard d’un homme perçu à travers la double figure rejetée du
parvenu et de l’étranger. Le dévoilement de l’instrumentalisation de leurs argumentations par les protagonistes permet d’ailleurs d’appréhender les enjeux profonds du conflit derrière les motifs avoués [31]. En effet, la construction de l’image
de l’ambitieux inconnu vise à prouver l’illégitimité de la détention de sa charge de
lieutenant général en raison de son indignité sociale. Sa faible fortune est perçue
comme inadéquate avec la possession d’un office majeur du présidial.
29L’insistance sur son ascendance modeste constitue une critique implicite envers une ascension individuelle jugée trop rapide de la part d’élites officières attachées à la reproduction des dynasties robines selon une conception fixiste de la société [32]. Elles lui reprochent en somme d’être à la fois un horsain et un individu d’extraction modeste.
30L’importance accordée à l’origine géographique de Jean-Baptiste de Vincent, issu d’une famille étrangère à la ville de Limoges, est symptomatique de l’attachement à un idéal urbain patriotique et de la valorisation de l’autochtonie.
31En soulignant le statut de horsain de l’officier, elle met en évidence son absence de légitimité personnelle car il est privé d’un ancêtre « enracineur » [33] limougeaud, garantie majeure de son acceptation par les élites urbaines. Dans son cas, l’enracinement tardif dans la cité, grâce à son mariage en 1680 avec la fille d’un bourgeois de Limoges, ne constitue pas une compensation suffisante à son handicap initial. Cette figure du parvenu indigne, instrumentalisée mais aussi intégrée par ses opposants, permet la construction d’une lecture morale et individuelle du conflit, dissimulant l’enjeu politique et social du contrôle sur et dans la ville.
32Les modalités particulières de son entrée puis de sa promotion dans le tribunal renforcent par ailleurs les griefs des officiers « moyens » de justice. Son acquisition d’une charge de conseiller et les conditions de son installation en 1688 provoquent le mécontentement de la compagnie présidiale. En effet, elles révèlent l’échec du corps à contrôler son recrutement et l’intervention déterminante de l’État. De Vincent bénéficie pourtant d’une cession consentie selon la volonté du défunt par Pierre Duverdier, chanoine de Saint-Martial, frère utérin et héritier du conseiller Martial Moulinier, décédé sans descendance.
33Toutefois, les magistrats du siège contestent ce choix au nom de la préférence accordée à l’héritier du juge défunt [34]. Leur attitude critique à l’égard d’une transaction entre particuliers témoigne du droit de regard que s’arroge la compagnie judiciaire sur son propre recrutement. Elle montre aussi la primauté attribuée aux intérêts corporatifs sur les préoccupations privées des héritiers ou des familles robines afin de favoriser la cohésion sociale du groupe. De Vincent souffre d’un handicap supplémentaire : l’acquisition contestée de sa charge entraîne en décembre 1688 une installation imposée par la Chambre Souveraine de la réformation de la justice siégeant alors à Limoges [35]. En achetant en 1689 l’office de lieutenant général, il profite d’une seconde opportunité mais sa promotion dans la hiérarchie robine aggrave l’hostilité des élites judiciaires [36]. Elles perçoivent sans doute avec d’autant plus d’amertume ce nouvel échec qu’il semble résulter d’une stratégie de l’administration monarchique, de l’initiative en sous-main de l’intendant Jubert de Bouville, souhaitant placer son subdélégué à la tête de la première compagnie de la généralité. Cette acquisition de l’office le plus cher et le plus important du présidial, signe et moyen d’une promotion sociale importante pour de Vincent, suscite aussi le mécontentement des candidats malheureux, en particulier du conseiller Jean-Mathias Rogier des Essarts. Pour les magistrats limousins, l’entrée de ce nouvel officier dans le tribunal marque à la fois l’irruption dégradante d’un parvenu étranger à la ville et à la province, et l’imposition humiliante, grâce à l’autorité royale représentée par ces émissaires extraordinaires et le commissaire, d’un individu refusé par la compagnie. Elle dévoile un enjeu essentiel et un motif de conflit entre l’autorité royale et les élites urbaines pour le contrôle du pouvoir judiciaire dans la cité. Elle constitue dans le même temps une perturbation inacceptable du contrôle corporatif et social établi dans la seconde moitié du XVIIe siècle sur le « marché » de l’office « moyen » de judicature, grâce à une transmission quasi-exclusive par l’héritage.
34Les adversaires du lieutenant général misent sur une efficace stratégie de chicane en profitant de sa fortune médiocre et de son acquisition à crédit d’une charge onéreuse. Ils ont pour objectif de provoquer son épuisement financier grâce à un enlisement procédurier. Le coût économique du conflit le place ainsi rapidement dans une situation financière difficile puisqu’il est en cessation de paiement dès 1693 pour le remboursement de l’office. Les dépenses liées aux frais de justice et à ses déplacements à Bordeaux puis à Paris, à l’occasion des procès successifs intentés, constituent l’explication essentielle de son incapacité à achever le financement [37]. Cette approche du conflit en termes de coût financier révèle le véritable but des procès engagés et perdus par ses adversaires en 1694 et 1697 :par rapport à cet officier à la fortune modeste, ils privilégient la recherche d’un succès sur le terrain économique à moyen terme plutôt qu’une aléatoire victoire à court terme sur la scène judiciaire. Leur stratégie de harcèlement chicanier apparaît pertinente car elle entraîne la profonde dégradation de sa situation matérielle.
35Pour payer ses dettes et rembourser sa charge, de Vincent doit liquider ses biens. Toutefois, la vente forcée de son modeste patrimoine procure des sommes trop insuffisantes pour satisfaire ses créanciers. Privé très probablement de l’accès au crédit privé dans la cité, contrôlé par des élites locales hostiles, acculé à la banqueroute, le magistrat procède à une ultime mesure de sauvegarde des biens propres de son épouse en consentant à la séparation de biens [38]. En provoquant son inexorable endettement, les opposants de l’officier ont aggravé de façon irréversible sa faiblesse économique initiale. Grâce à la chicane, ils ont finalement obtenu sa perte en exploitant son déficit en termes de ressources matérielles et financières. L’appréciation de sa fortune livre un enseignement certain :l’endettement massif du magistrat à l’issue de son expérience limougeaude. Le service du roi a été de facto pour le lieutenant général un facteur d’appauvrissement continu. La stratégie victorieuse de ses adversaires sur le terrain économique a ainsi avantageusement suppléé leurs critiques infructueuses vis-à-vis de ses capacités juridiques, avec la figure du mauvais juge ou de sa réputation sociale, avec l’entreprise de déconsidération auprès des autorités de tutelle.
36Dans le cas de l’affaire de Vincent, le cumul de l’office et de la commission pose la question de deux fidélités d’essence différente. Dans la généralité, le subdélégué se définit d’abord comme un « agent d’information de l’intendant » et « un agent d’exécution permanent » [39]. Cette nouvelle modalité d’insertion dans l’État monarchique, recherchée par des robins en quête d’ascension sociale, peut entraîner pour les magistrats une ambiguïté inhérente à leur double appartenance. En effet, par leur intégration individuelle à la monarchie administrative, ils sont pris entre les obligations liées au service du roi, qui impliquent notamment une surveillance des officiers, et la cohésion exigée par le corps, qui repose sur une nécessaire solidarité entre ses membres [40].
37Pour les magistrats du siège limougeaud, le statut de subdélégué du lieutenant général de Vincent de 1689 à 1691 marque son intégration à la clientèle
d’un grand commis de l’État en contradiction avec son appartenance corporative. Avec l’instauration de relations directes et personnelles entre le chef de la
sénéchaussée et l’intendant du Limousin Jubert de Bouville, il entraîne en
quelque sorte la relégation des liens initiaux entre l’officier et sa compagnie
judiciaire, au profit d’un rapport privilégié entre le juge et l’État royal en la
personne de son représentant dans la province. Celui-ci justifie dans cette
perspective la pertinence de son choix en 1689 :
« Je ne l’avais choisi comme subdélégué que parce que celui que j’avais auparavant me
remit la subdélégation dans la crainte de s’attirer la haine de ses compatriotes, et celui-ci me fit
paraître tant de zèle pour le service lorsque le présidial refusa de prendre des augmentations
de gages que je ne cru pouvoir [sic] mieux faire que de le subdéléguer ne le connaissant par
aucun autre endroit. Il a fort bien servi pendant qu’il a fait la subdélégation mais ses airs
brusques, les contestations du présidial et la haine quasi-générale m’ont engagé à la lui ôter » [41].
38Deux raisons majeures déterminent sa nomination à la fonction de subdélégué dans l’élection de Limoges à la fin de l’année 1689 : sa fidélité à l’égard des intérêts de la monarchie administrative, son statut d’homme extérieur à la cité. Si le critère de la loyauté politique semble logique et évident, le second motif de choix implique une profonde ambivalence. L’absence d’appartenance de Jean-Baptiste de Vincent à la notabilité urbaine comporte un avantage en limitant la confusion possible entre service du roi et défense des élites urbaines, mais aussi un désagrément en risquant de susciter l’hostilité de la population à l’égard d’un étranger suspecté de mépriser les intérêts de la cité. Dans les faits, le pari de l’intendant est un échec car le préjugé virulent à l’égard du horsain prime sur la perception positive d’un administrateur empreint de neutralité, souhaitée par le commissaire royal. Durant l’été 1691, celui-ci choisit alors d’enlever la subdélégation au magistrat afin d’apaiser, mais sans succès, la conflictualité.
39Pour le lieutenant général de Vincent, sa brève expérience de la subdélégation conduit à un résultat contraire à son objectif initial. Devenir subdélégué constitue en effet pour ce juge un signe et un moyen majeurs de promotion sociale d’une part et une opportunité de protection politique d’autre part.
40L’exercice de cette commission doit aussi lui permettre de renforcer son autorité déficiente de lieutenant général en enrichissant sa « palette identitaire » [42] au sein de la ville. Cependant, au lieu de faciliter l’instauration de son influence dans le tribunal, son activité de commissaire en second contribue à l’affaiblir davantage. Responsable d’une enquête sur les abus d’officiers royaux en 1690, il met ainsi au jour les infractions du directeur de la Monnaie, Jean-François Martin de la Bastide, aussi conseiller du présidial [43]. Ses méthodes, perçues comme brutales et autoritaires, traduisent sans doute une évolution du rôle du subdélégué, informateur traditionnel de l’autorité monarchique mais aussi désormais agent d’exécution de ses directives, avec un élargissement de ses compétences et de ses missions. Cette modification des pratiques de l’administration royale, caractérisées par la surveillance rigoureuse et la sanction rapide, heurte la culture juridique et procédurière des compagnies d’officiers [44]. Ainsi, la subdélégation s’avère au bout du compte contre-productive pour le lieutenant général. Le cumul des fonctions et l’accumulation de l’autorité publique affaiblissent sa position dans la compagnie judiciaire en accroissant l’hostilité des autres magistrats. En se surimposant à son statut d’étranger à la cité, l’ambiguïté inhérente à l’appartenance simultanée à l’État de justice et à la monarchie administrative associe durablement et négativement, aux yeux des notables de Limoges, l’action de Jean-Baptiste de Vincent dans la ville à l’intervention extérieure du pouvoir central.
LA DIMENSION POLITIQUE DU CONFLIT : NOUVEAUX VISAGES DE L’ABSOLUTISME ET RÉTICENCES DES ÉLITES URBAINES
41L’intégration avortée de Jean-Baptiste de Vincent aux élites officières et urbaines s’inscrit dans une période d’accentuation de la tutelle monarchique sur les corps et les communautés. Elle est compréhensible dans une « pluralité des contextes » [45]. Cette insertion contextuelle de l’officier de judicature dans l’évolution propre à l’institution présidiale d’une part, et à la politique étatique envers les villes d’autre part, renforce l’épaisseur sociale de sa trajectoire biographique. L’administration royale mobilise tout d’abord les compagnies judiciaires au service du crédit d’État grâce à sa politique vénale : augmentations successives de gages en 1689 et 1693 pour les présidiaux, création d’offices échelonnée de 1689 à 1706 [46]. Avec la mise en place d’une Chambre Souveraine de la réformation de la justice, siégeant à Limoges d’octobre à décembre 1688, elle accroît sa surveillance sur les officiers de la province. Elle renforce aussi sa tutelle financière et politique sur les corps de ville, grâce au contrôle de leur budget par l’intendant depuis l’édit de 1683, à la vénalisation des offices municipaux à partir de 1692 et à l’instauration d’une charge de lieutenant général de police en 1699 [47].
42Par la pluralité de ses appartenances, le lieutenant général de Vincent est au cœur des modifications imposées à la compagnie judiciaire et à l’institution consulaire. Perçu comme un représentant de la monarchie administrative dans la cité, il personnalise le renforcement de l’absolutisme fiscal et municipal à Limoges.
Les réticences de la compagnie présidiale envers la politique vénale du roi
43Jean-Baptiste de Vincent, alors simple conseiller du présidial, joue un rôle déterminant dans l’acquittement de l’augmentation de gages de 1689 par la compagnie de Limoges. Il présente en 1699 sa version rétrospective de l’affaire :
« En 1689, M. de Bouville le chargea comme son subdélégué d’insinuer à sa compagnie de prendre volontairement des augmentations de gages, comme avaient fait pour lors presque toutes les compagnies supérieures et subalternes du royaume. Il y trouva beaucoup de résistance de la part de ses confrères. Pour les mieux déterminer, il offrit d’en prendre et en prit effectivement en son particulier pour 3000 livres. La compagnie persista néanmoins dans le refus d’en prendre et cela avec des circonstances si contraires au bien du service du roi, et si injurieuses au sieur de Vincent, que sur le compte que M.de Bouville en rendit, il eut des ordres très exprès d’en faire de fortes réprimandes à cette compagnie et d’assurer le suppliant de la protection de sa Majesté » [48].
45Le contexte de la réception de l’augmentation de gages de 1689 par le présidial de Limoges montre une collaboration active entre le conseiller de Vincent et l’intendant du Limousin. En situation de crise financière, la monarchie engagée dans la guerre de la Ligue d’Augsbourg a un besoin pressant de liquidités :elle sollicite alors le crédit de ses officiers et des compagnies, afin de financer l’effort de guerre. De Vincent se révèle partisan de l’innovation fiscale de l’État car il se distingue de ses confrères par son offre initiale élevée et sa participation effective à hauteur de 2380 livres, alors que tous les autres officiers contribuent pour une part fixée à 1179 livres. Cette tactique de l’intendant, employant un homme de confiance, vise à obtenir une décision positive et rapide de la compagnie limougeaude; elle constitue l’application stricte des directives du Contrôleur général [49]. À Limoges, l’adhésion préalable de Jean-Baptiste de Vincent à la mesure monarchique, motivée par son besoin de promotion sociale et de protection politique, favorise de manière opportune les desseins de l’administration de la province.
46Pour les magistrats du présidial limougeaud, sa position lors de l’augmentation de gages de 1689 comme serviteur de la monarchie administrative est évidente. Leur version de l’événement, présentée par le président Jean-Michel Périère, s’oppose à la description du lieutenant général en affirmant que leur contestation présumée est une résistance inventée et en notant au contraire l’attitude positive de la compagnie prête à s’acquitter de l’emprunt forcé.
47Cependant, en mars 1690, la tentative avortée d’une majorité de magistrats de le négocier dément leur présentation d’officiers « moyens » adoptant une posture de partisans zélés de la décision royale [50]. Elle indique sinon une résistance, peut-être amplifiée et exagérée par de Vincent et l’intendant, du moins des réticences patentes. Celles-ci suggèrent le heurt entre des pratiques administratives et financières autoritaires et une culture robine attachée au formalisme juridique et aux règles anciennes du fonctionnement de l’État royal [51].
48Elles montrent aussi le mécontentement d’une compagnie lourdement imposée, avec une finance globale de 30600 livres. Associé à la fiscalisation des offices de ses confrères, de Vincent subit leur « haine de ce qu’en 1689 il obligea le présidial à prendre des augmentations » [52].
49Les positions adoptées par le lieutenant général lors de la création envisagée ou réalisée de nouveaux offices en 1690-1691 confirment son adhésion à la politique vénale de la monarchie. En 1690, à la demande du Contrôle général, l’intendant de la généralité de Limoges étudie l’existence d’un marché possible pour la création d’un office de lieutenant général de police. À l’issue de son enquête, il estime que les conditions sociales et économiques sont favorables à l’implantation de la nouvelle charge à Limoges; il mentionne que « le lieutenant général est en état et en volonté d’acheter la charge si elle est créée » [53]. Cette analyse prospective, sorte d’étude de marché, montre le rôle prééminent des considérations financières, la capacité d’anticipation et la précision des informations de l’administration monarchique [54]. Les préoccupations politiques ne sont toutefois pas absentes de l’avis de l’intendant, qui met en avant un homme de confiance, zélé serviteur des intérêts du roi. L’opinion du commissaire Jubert de Bouville paraît optimiste, au regard des ressources limitées de Jean-Baptiste de Vincent. Elle suggère toutefois la détermination du magistrat, prêt à investir son modeste capital et son avenir social dans la nouvelle forme d’autorité publique proposée. Son attitude lors de l’installation contestée du conseiller d’honneur Léonard Constant en 1690-1691 renforce l’assimilation négative du magistrat à la monarchie administrative. Confronté à une forte opposition de la compagnie à l’égard d’un juge pourvu d’un office de création récente, il applique les ordres de l’intendant et du pouvoir central imposant l’entrée de l’officier dans le siège [55]. En contribuant à l’élargissement contesté de la compagnie, il marque de nouveau son absence de solidarité avec les autres magistrats du tribunal, partisans d’une limitation numérique des membres de leur corps et du contrôle interne du recrutement, afin de préserver leurs revenus professionnels reposant sur un effectif stable de juges.
50Les deux épisodes de l’augmentation de gages et de la création de nouveaux offices entre 1689 et 1691 illustrent l’utilisation de la vénalité des offices comme instrument du renforcement de l’absolutisme louis-quatorzien. Ils posent aussi le problème plus large du glissement d’une « joyeuse collaboration » entre les élites sociales et l’État à un ordre plus autoritaire et moins avantageux dans la seconde moitié du règne du Roi-Soleil. Ils s’inscrivent ainsi parfaitement dans le débat historiographique entre deux lectures différentes du phénomène absolutiste, entre une coopération imposée aux corps d’officiers royaux, selon l’interprétation de John Hurt étudiant le milieu parlementaire essentiellement dans la seconde moitié du règne de Louis XIV, et une collaboration négociée avec les classes dirigeantes, selon l’analyse de William Beik à partir du cas languedocien durant les années 1660-1670. En effet, ils suggèrent l’éventuelle complémentarité de ces interprétations, correspondant chacune à deux moments successifs de l’absolutisme louis-quatorzien et par ailleurs susceptibles de modulations selon le mode d’administration des provinces [56].
La contestation de la tutelle financière et politique de l’État sur la Ville
51L’affaire de Vincent permet d’envisager dans un contexte précis la question essentielle du pouvoir urbain au prisme des relations entre autorités locales et pouvoir central. Dans le cadre du renforcement d’un État royal à prétentions absolutistes, la position historiographique ancienne et dominante insiste sur la mise sous tutelle monarchique des municipalités par l’intermédiaire des officiers royaux au cours du XVIIe siècle. Cette interprétation commune, mais nuancée et critiquée, mérite un réexamen solide [57]. En effet, ce conflit montre, non une opposition frontale entre une compagnie présidiale, fourrier des intérêts étatiques, et le corps de ville, incarnation des valeurs de la communauté urbaine, mais un clivage interne à l’institution royale, entre une majorité de magistrats hostiles à la mise sous tutelle monarchique de la cité, et un juge isolé, porteur de la nouvelle politique de l’État.
52Le rôle éminent du lieutenant général dans le renforcement de la tutelle financière de la monarchie sur la ville contribue à accroître l’hostilité des élites judiciaires à son égard et entraîne le mécontentement des notables urbains.
53Commis en 1689 au contrôle des comptes du consulat sur une vingtaine d’années, il relève de nombreuses irrégularités et fait procéder à la restitution des sommes détournées au profit des pauvres de la cité. En révélant les malversations locales, il mise sur son statut d’acteur extérieur à Limoges pour s’ériger, notamment aux yeux de l’intendant, en défenseur exemplaire de l’intégrité dans l’exercice des charges publiques. Cette enquête administrative et les sanctions postérieures élargissent « considérablement le nombre des ennemis » pour de Vincent qui a désormais « toute la ville à dos » [58]. Une seconde affaire – les discussions du financement d’un régiment offert par la ville au roi – favorise notamment l’animosité des édiles à son encontre. L’administration royale obtient en septembre 1689 la décision municipale de lever un régiment formé de vingt compagnies pour un montant global de 30000 livres, renforcé en novembre 1689 par l’acquittement d’un ustensile de 33000 livres [59]. Ces sommes constituent une charge financière lourde pour Limoges. De Vincent est alors chargé de défendre l’imposition inédite à l’occasion des délibérations de la ville. Représentant de la monarchie administrative, il est partisan de l’utilisation des finances urbaines au service de l’État royal engagé dans la guerre de la Ligue d’Augsbourg. L’emprunt forcé engendre le mécontentement des élites municipales, mais aussi de magistrats présidiaux, et provoque des menaces à l’encontre du subdélégué. En l’absence de l’intendant, il incarne l’autorité royale dans la ville et subit à ce titre l’hostilité des édiles envers la mesure fiscale.
54Jean-Baptiste de Vincent apparaît aussi comme un partisan de la vénalité des offices municipaux contestée par les notables de Limoges. Lors des discussions en 1692-1693 sur la mise en place éventuelle d’un nouvel office de maire en titre, il plaide pour la réunion de la charge à son office de lieutenant général, afin de préserver l’intégralité de ses compétences, en particulier le contrôle de l’élection des consuls. Son argumentation contraste avec la position défendue par des élites municipales, majoritairement favorables à la suppression de la charge. De manière significative, il est d’ailleurs écarté des réunions tenues par « les consuls avec les principaux et notables habitants » de la cité lors de la mise en place avortée des offices vénaux d’assesseurs [60]. Dans ces deux affaires en 1692-1693, les élites urbaines mettent à profit les absences forcées du lieutenant général, obligé de se déplacer devant le parlement de Bordeaux pour la défense de ses intérêts privés, afin de manifester leurs réticences à l’égard de la vénalisation en cours des fonctions municipales. Elles cherchent à préserver la discrétion sur leurs délibérations en tenant à l’écart un officier perçu comme un informateur officieux de l’administration royale.
55Elles visent aussi à la marginalisation politique du lieutenant général, acquéreur virtuel de l’office de maire. Leur double stratégie d’opposition à la vénalité des charges municipales et d’exclusion préventive de Jean-Baptiste de Vincent du jeu politique local est une réussite. Durant la seconde moitié du règne, l’administration royale renonce à créer un office de maire en titre à Limoges.
56L’élection de Jean-Baptiste de Vincent comme premier consul au corps de ville de Limoges en 1694 marque en apparence l’échec de ses adversaires et la réussite de son intégration aux élites urbaines. Toutefois, son refus initial d’accepter sa nomination et la persistance unanime des prud’hommes électeurs dans leur choix suggèrent à la fois le caractère exceptionnel et l’aspect ambivalent de son élection. En effet, elle est à la fois atypique, avec l’exemple unique de suffrages se portant sur le lieutenant général bénéficiant déjà par sa fonction d’un droit de regard sur l’activité des édiles, et ambiguë, avec le choix surprenant d’un homme pénalisé par son statut de horsain et suspecté de préférer les intérêts de l’État au bien de la cité. Dans une lettre adressée au Contrôleur général Pontchartrain, le magistrat justifie son refus initial et explique les raisons de son acceptation ultérieure :
« Mes raisons pour le refuser sont très justes puisque je serai obligé de quitter encore Limoges pour aller à Paris pour suivre au parlement la liquidation de mes dépens, dommages et intérêts, la restitution des émoluments de ma charge et les réparations auxquelles mes parties ont été condamnées […]. Cependant, monsieur l’intendant n’a pas cru que celà dut me dispenser d’accepter le consulat. Au contraire, il m’a fait connaître que je devais écouter la voix publique et donner par là à ses peuples une marque de réconciliation » [61].
58L’élection du lieutenant général au consulat revêt une signification politique primordiale en révélant le choix des élites urbaines de collaborer avec la monarchie administrative. En nommant au bureau de ville un officier contesté et bénéficiant de la protection de l’État, elles indiquent leur souci d’apaiser le conflit et leur acceptation d’une cogestion de la cité avec l’homme du roi. Partisan logique d’une vie municipale pacifiée, l’intendant Louis de Bernage prend acte de cette « marque de réconciliation », en intimant au lieutenant général d’exercer l’office municipal. Cependant, celui-ci le perçoit plus comme une charge que comme un honneur et signe de réconciliation avec les notables limougeauds. Il les suspecte de mener une stratégie cachée avec une élection jugée comme un piège, visant à l’éloigner de la défense de ses intérêts privés en l’obligeant à se préoccuper exclusivement des affaires de la cité. Par obéissance politique, de Vincent privilégie le rétablissement de l’ordre dans la ville et accepte son élection. Elle semble à la fois la manifestation et le fondement du crédit émergent du magistrat auprès des élites urbaines [62]. Toutefois, son intégration apparemment favorisée et souhaitée par les élites urbaines à la notabilité limougeaude dissimule l’influence de l’administration monarchique faisant pression dans le sens de la réconciliation.
59Les conditions de la seconde accession du lieutenant général au consulat en 1696 mettent fin aux apparences de son intégration réussie aux élites urbaines et confirment la réalité du renforcement de la tutelle monarchique sur la ville. Sa prorogation dans la charge de premier consul relève de l’intervention directe du gouverneur du Limousin, le comte d’Auvergne imposant son choix aux élites municipales au détriment des procédures électives habituelles. Cette ingérence extraordinaire dans la désignation du corps de ville se réalise sans doute en accord avec un intendant volontairement discret durant cet épisode, afin de préserver sa capacité d’arbitrage. Cette élection imposée renforce l’hostilité des élites municipales qui expriment en 1697 de manière décalée mais explicite leur mécontentement à l’égard d’une « innovation étant préjudiciable aux intérêts du public ». Elles soulignent en outre l’altération portée au fonctionnement normal de l’institution consulaire, fondé sur « un libre choix de personnes capables de soutenir cet emploi » [63]. Leur défense du principe électif, justifié au nom du bien public et de la compétence nécessaire des candidats, reproduit de façon cohérente leur opposition à la vénalité des offices municipaux. Elle traduit non pas un programme structuré d’opposition à l’intégration de la ville dans l’administration monarchique, mais leur attachement au respect, du moins dans sa forme et ses procédures, des règles anciennes de l’institution consulaire.
60Les discussions et les contestations par rapport à la présence de Jean-Baptiste de Vincent dans le consulat durant la décennie 1690 révèlent l’enjeu sous-jacent du contrôle du pouvoir urbain disputé entre les élites urbaines et la monarchie. Agissant comme membre du corps de ville ou représentant du roi, le lieutenant général incarne la présence de l’État dans le consulat ou au-dessus de lui. Exerçant avec rigueur sa mission officielle de surveillance des élections consulaires en vertu des compétences attachées à son office, il dénonce en 1698 la désignation du consul Maurice Arbonneau, grâce à la brigue de son frère Michel, médecin et contrôleur en la maréchaussée, consul sortant. Son intervention porte ses fruits puisque le pouvoir central annule l’élection contestée. De Vincent utilise l’argument du bien public, compris alors comme la défense des intérêts étatiques, afin de s’opposer à cette cooptation déguisée, qui a pour objectif d’« éterniser le consulat dans une même famille ce qui est contre l’intention du roi et le bien public » [64]. Il met en cause l’inféodation de l’assemblée électorale au consul sortant, mobilisant ses parents et alliés, sa clientèle professionnelle de médecin et ses obligés afin d’obtenir la désignation de son frère comme édile. Ce contrôle efficace marque un nouvel échec des élites municipales à contrôler le recrutement du corps de ville, car il constitue la troisième intervention royale directe dans la désignation des édiles pendant la décennie 1690. Il contribue aussi à exacerber leur hostilité à l’égard du lieutenant général, traduite par la violence verbale du consul Arbonneau lors de la séance consulaire de décembre 1698.
61Cependant, le départ définitif de Jean-Baptiste de Vincent de Limoges en 1699 marque l’échec de la tentative monarchique d’installer un contrôle autoritaire sur la cité. En créant des tensions majeures et durables dans la ville, elle a suscité une conflictualité locale devenue contraire aux intérêts de l’État. À Limoges, les intendants, en particulier Jubert de Bouville au début des années 1690, sont des « fauteursobjectifs de désordre » [65], par leur usage aventureux des conflits entre notables urbains. Ils paraissent miser dans un premier temps sur les clivages entre notables dans la cité afin de renforcer l’autorité royale, en vertu du principe de diviser pour gouverner, en favorisant la promotion du lieutenant général. Ils espèrent apparaître alors comme les arbitres indispensables des tensions qu’ils ont contribué à aggraver. Toutefois, les contestations produisent un effet inverse en empêchant la médiation des intendants, perçus comme parties prenantes du conflit et en affaiblissant le pouvoir central à Limoges. L’abandon de la scène politique locale par le lieutenant général permet l’instauration d’un compromis entre la monarchie et les élites urbaines.
62En sacrifiant son serviteur zélé sur l’autel de la réconciliation avec les notables limougeauds, l’administration royale accorde la priorité à la pacification et à la remise en ordre de la vie municipale. Elle adopte ainsi de manière tardive et incomplète la solution prônée dès 1692 par l’intendant [66]. Fondé sur le principe du réalisme politique, l’arrêt du soutien local apporté par l’État à de Vincent à la fin de la décennie 1690 apparaît fructueux car les relations entre le pouvoir central et les notables sont marquées par la confiance retrouvée à la fin du règne de Louis XIV [67]. Par son déroulement révélateur de la diversité des pratiques de gouvernement, cette affaire permet de concilier les deux lectures évoquées de l’absolutisme, l’interprétation de John Hurt correspondant au projet initial mais avorté d’une coopération imposée, et l’approche de William Beik s’accordant au résultat final mais non souhaité d’une collaboration négociée.
63L’opposition des élites judiciaires et municipales à l’égard du lieutenant général de Vincent est une personnalisation de leurs réticences envers le renforcement de la tutelle étatique sur la compagnie présidiale et la communauté urbaine à la fin du XVIIe siècle. Aux yeux des notables de Limoges, le magistrat est le principal partisan, acteur et bénéficiaire des innovations fiscales et politiques mises en œuvre par la monarchie administrative. Officier majeur du siège et représentant de l’État au sein du consulat, il défend aussi bien la vénalité intensive de la seconde moitié du règne de Louis XIV, avec les augmentations successives de gages et la création de nouvelles charges, que la vénalisation des offices municipaux. Détenteur de l’autorité publique, il applique avec zèle les directives étatiques imposant un contrôle autoritaire et extérieur sur le recrutement des magistrats présidiaux et municipaux. Protégé des intendants successifs, il bénéficie de leur appui pour intégrer le consulat, et de leur confiance comme candidat aux nouvelles charges de maire en titre et de lieutenant général de police. Sa stratégie constante de fidélité à l’État royal est rationnelle, car elle constitue la voie logique et privilégiée, voire unique, d’accession au pouvoir urbain dans de nombreuses villes à l’orée du XVIIIe siècle [68]. Cependant, étranger à la cité, Jean-Baptiste de Vincent personnalise l’irruption perturbatrice du pouvoir central dans la ville. Emblème de la politique autoritaire de Louis XIV, il en est aussi la victime lors du revirement de l’administration monarchique, abandonnant le conflit pour la réconciliation.
LA DIMENSION RELATIONNELLE DE LA « CABALE »: LA FORMATION ET LE FONCTIONNEMENT D’UN VÉRITABLE « RÉSEAU » OU D’UNE COALITION DE CIRCONSTANCES ?
64Le profil atypique et handicapant du lieutenant général d’une part, et les tensions inédites entre la monarchie et les élites urbaines durant la décennie 1690 d’autre part, rendent compte seulement en partie de son intégration avortée et du succès final de ses adversaires. Ni la biographie du magistrat ni le contexte des relations entre l’État et la Ville n’épuisent le sens de l’échec limougeaud du juge présidial. La mobilisation réussie de leurs relations sociales par ses opposants et l’isolement de l’officier de Vincent au sein de la société locale constituent des explications complémentaires de la saisie biographique et de l’approche contextuelle, des lectures sociales et politiques de l’affaire. Le recours à la notion de réseau, importée des travaux sociologiques [69], permet d’affiner l’appréhension de la nature, de la formation et du fonctionnement des liens existant entre les acteurs de la « cabale ». Toutefois, à la différence de l’approche sociologique, son utilisation heuristique constitue le point d’aboutissement de la démarche et non son postulat initial. Ce renversement méthodologique appliqué à l’affaire de Vincent permet d’interroger la nature de l’opposition envers le lieutenant général, exprimée par le terme récurrent de « cabale ». Constitue-t-elle un véritable réseau homogène et durable ou corres-pond-elle à une simple coalition hétéroclite et provisoire ? Il conduit ensuite à approfondir le contexte social envisagé dans une acception différente. Il est désormais compris comme l’ensemble des ressources relationnelles à la disposition des protagonistes du conflit. Il favorise enfin une explication affinée des comportements des adversaires du magistrat. Il évite ainsi le risque d’une lecture simplificatrice les réduisant à – ou les déduisant de – leurs seules positions dans un éventuel réseau.
65La constitution de listes par Jean-Baptiste de Vincent et l’intendant Jubert de Bouville facilitel’identification des adversaires du magistrat, entrevus dans la présentation du déroulement du conflit entre 1688 et 1700 [70]. Elles montrent la formation dès 1692 d’une coalition d’opposants au lieutenant général, qualifiée par ce dernier de « parti » de « douze ou quinze officiers ou habitants de la même ville » [71] à la solde du président Périère. Divergentes sur l’effectif exact de la « cabale » regroupant de onze à vingt personnes, souvent imprécises leur identification, elles permettent toutefois de cerner le profil social et les motivations particulières des adversaires du juge. Un classement par groupes sociaux, fondé sur l’estimation maximale, montre l’existence de quatre catégories d’opposants. La « cabale » rassemble six magistrats du présidial, quatre officiers de finance, cinq notables de Limoges et cinq individus extérieurs à la ville. On repère le poids des élites officières de Limoges qui bénéficient d’une forte présence, avec un effectif de dix individus. Des chevauchements possibles existent entre le troisième et le quatrième groupe comprenant des créanciers puissants du juge comme André Sabourin, conseiller au parlement de Bordeaux ou le marquis Gilles de Hautefort, représentant éminent de la noblesse immémoriale du Périgord. Composée de membres en conflit avec le lieutenant général pour des raisons d’ordre professionnel ou privé, la « cabale » s’apparente au premier abord à une coalition hétérogène d’adversaires.
66Toutefois, au-delà des motifs personnels, un objectif commun permet leur unification, en particulier pour les officiers royaux et les élites urbaines : « perdre le suppliant, et en même temps se rendre les maîtres absolus de la ville » [72]. Ce projet politique de contrôle du pouvoir urbain par les notables de Limoges constitue un thème à la fois mobilisateur et fédérateur pour la grande majorité des adversaires du magistrat.
67Une seconde classification permet de les répartir selon le type de leur opposition envers le lieutenant général. Trois groupes majeurs émergent : les serviteurs de l’État en concurrence professionnelle avec le chef de la séné-chaussée, les officiers royaux condamnés pour malhonnêteté par le subdélégué, les ambitieux frustrés dans leur projet d’ascension sociale. Le lieutenant particulier Jean Vidaud et le lieutenant général du Limousin François-Joseph de Saint-Aulaire font partie de cette première catégorie :Vidaud est en conflit de compétences avec de Vincent dans le présidial, et de Saint-Aulaire affronte le lieutenant général à propos de contestations sur leurs prérogatives respectives à l’égard du ban. Le deuxième groupe comprend des officiers de justice, tels le président Périère et le conseiller Martin de la Bastide, et de finance, comme Martial de Maledan, trésorier de France et Nicolas Hémart, receveur des tailles, sanctionnés en 1690 pour des irrégularités commises dans l’exercice de leurs fonctions. La troisième catégorie rassemble des candidats privés d’accession à un office de juge présidial comme le conseiller Jean-Mathias Rogier des Essarts en 1689 pour la charge de lieutenant général, ou de désignation au corps de ville comme le marchand Jean Peyroche.
68Ces opposants nombreux et de poids mettent en place une organisation précoce et collective afin de structurer et de fédérer les divers mécontentements. Dès 1692, ils se réunissent lors de « plusieurs assemblées » et décident de créer « une bourse commune » [73]. La concertation et le financement communs visent à élaborer une stratégie unique contre de Vincent et surtout à organiser son harcèlement judiciaire durant la seconde phase du conflit d’octobre 1691 à août 1693, avec le déclenchement de procédures devant le parlement bordelais et les juridictions parisiennes. Ils permettent l’envoi d’émissaires comme le trésorier de France Martial de Maledan et l’avocat Barthélemy Lagrange-Garat à Bordeaux ou dans la capitale, afin de défendre auprès des différents tribunaux et du Conseil du roi les intérêts de la coalition.
69À Limoges, les membres de la « cabale » usent de leur influence auprès de la population urbaine afin de discréditer Jean-Baptiste de Vincent : « ses accusateurs étant des plus riches et des plus accrédités de la ville, entraînent dans leurs sentiments la plupart des plus considérables habitants » [74]. Les opposants du lieutenant général possèdent-ils la richesse et le crédit, c’est-à-dire à la fois une réputation et une capacité de pression auprès des élites citadines, supposés par l’intendant ?
70Un aperçu sur la mobilisation des ressources matérielles et sociales de ses
principaux adversaires permet d’approcher le fonctionnement interne de la coalition. Leur identification repose sur deux critères : leur mention récurrente dans
les différentes phases de l’affaire, la multiplicité de leurs griefs à l’encontre du
juge. Trois magistrats du présidial occupent une place essentielle dans la « cabale »:
le président Jean-Michel Périère, les conseillers Jean-François Martin de la
Bastide et Jean-Mathias Rogier des Essarts. Tous trois bénéficient d’une fortune
importante, au-dessus de la moyenne de leurs confrères du siège [75]. Grâce à leur
richesse, ils possèdent la capacité d’assurer le financement des procès successifs
contre le lieutenant général. En raison de leur position dans le tribunal ou de liens
de parenté avec des juges, ils peuvent influencer les autres magistrats afin de
former un noyau majoritaire d’opposants au sein du présidial. Détenteur d’un
office majeur, le président Périère bénéficie d’un rôle d’arbitre transformable en
pouvoir discret d’influence. Le conseiller Rogier des Essarts est allié avec deux
officiers, l’assesseur Jacques de Petiot, son beau-frère et l’avocat du roi Simon
Descoutures, son beau-père, acteur majeur de l’expulsion du lieutenant général
déchu de l’église Saint-Martial en 1698. L’opposition ponctuelle du conseiller
François Moulinier traduit sans doute la pression de ses confrères du siège engagés dans la « cabale »: il dénonce en 1695 un abus de préséance commis par le
lieutenant général au détriment des membres du consulat. Bénéficiaire quelques
années auparavant de la vente de l’office de conseiller par de Vincent, il privilégie
dans cet épisode mineur du conflit, sa double appartenance à la compagnie judiciaire et au corps de ville, sur la reconnaissance d’ordre privé envers son vendeur [76]. Grâce à leur crédit auprès des élites judiciaires, les principaux adversaires
possèdent bien les ressources financières et sociales nécessaires à la formation
d’une opposition structurée au sein de la compagnie présidiale.
71En raison de leurs positions d’intermédiaires entre deux institutions, une partie d’entre eux joue en outre un rôle essentiel d’« articuleurs » [77] entre les divers groupes d’opposants au lieutenant général. Président présidial et consul en 1689-1690, Jean-Michel Périère assure le lien entre élites judiciaires et municipales hostiles à de Vincent. Par la mobilisation de sa parenté, il élargit le cercle des membres de la coalition. Grâce à ses relations professionnelles avec d’autres administrateurs royaux comme Nicolas Hémart, alors commis à la recette de l’annuel, il peut recruter d’autres notables mécontents du lieutenant général [78].
72Grâce à sa position charnière entre le présidial et le Bureau des finances comme officier cumulant, le conseiller et trésorier de France Jean-François Martin de la Bastide peut unir les officiers de judicature et de finance dans une opposition commune. Un lien avec son gendre et trésorier de France Antoine Regnaudin, membre actif de la coalition, assure aussi la redondance avec l’appartenance à un même corps. En raison de ses relations personnelles avec la cité limousine, le conseiller du parlement de Bordeaux André Sabourin établit le lien entre les magistrats présidiaux de Limoges et la noblesse de robe bordelaise. Toutefois, l’évocation de l’affaire de Vincent en 1693 devant le parlement de Paris rend caduque la mobilisation de ses parents dans la cour souveraine [79].
73La position de ces trois adversaires majeurs du lieutenant général dans la « cabale » révèle sa nature de coalition provisoire et de circonstances plutôt que de véritable réseau durable et cohérent. En mettant en évidence leur fonction d’« articuleurs », elle indique le rôle premier et fédérateur du conflit dans la formation de la « cabale ». Leur situation correspond en fait à deux figures différentes d’intermédiaires :grâce à la multiplicité de ses relations professionnelles, parentales et municipales, le président Jean-Michel Périère s’inscrit dans « une centralité de degré » tandis que le conseiller Jean-François Martin de la Bastide et le parlementaire André Sabourin se situent dans « une centralité d’intermédiarité » [80] par leur positionnement à l’intersection de deux institutions pour le premier ou de deux groupes sociaux pour le second. Leur place centrale au sein de l’opposition permet la mobilisation de relations professionnelles et de parenté, préexistantes au déclenchement du conflit et leur connexion temporaire dans un but commun :exclure le lieutenant général de son office, du présidial et de la cité.
74Afin d’élargir ses soutiens d’une part, et de réduire les appuis éventuels en faveur du magistrat d’autre part, la « cabale » recourt à deux pratiques en conformité avec le rang social de ses membres : la corruption et la pression sur des habitants de Limoges. En 1692, elle rallie à sa cause, en lui versant 2000 écus, le commissaire envoyé par le parlement de Bordeaux, chargé d’une enquête sur les irrégularités présumées du lieutenant général. Si la corruption de protagonistes vénaux lors des différentes procédures - proclamée par de Vincent - demeure invérifiable, en revanche, la subornation de témoins - relevée par l’intendant - semble avérée. En 1696, un auxiliaire de l’État de finance mentionne les pressions exercées sur l’huissier limougeaud Pierre Dupin par Jean-Michel Périère et Jean Vidaud, président et lieutenant particulier du tribunal, afin d’obtenir son témoignage contre le lieutenant général à l’occasion du procès à Bordeaux en 1692-1693 [81]. Cette version présentée par un individu extérieur au conflit urbain est très vraisemblable, car elle confirme l’influence sociale des officiers « moyens » de judicature qui sont parties prenantes de la coalition et en particulier leurs relations privilégiées avec les officiers subalternes de leur siège. La rétractation de l’huissier en 1696, conséquence probable de pressions exercées par les juges, traduit la subordination de ces auxiliaires de justice à l’égard des magistrats présidiaux. La recherche de témoignages favorables par de Vincent vise à équilibrer la fabrication de témoins à charge par ses adversaires [82]. Offensives ou défensives, les démarches des protagonistes indiquent l’intensité du conflit judiciaire et de leurs engagements respectifs.
75Les adversaires du lieutenant général mobilisent aussi leur influence afin d’accentuer sa marginalisation sociale. Ils cherchent en particulier à obtenir l’appui de membres importants de la noblesse provinciale du Limousin, mais leurs démarches demeurent infructueuses. Les « principaux de la noblesse » apparaissent plutôt favorables au maintien du juge dans son office, car « n’étant pas de Limoges, ils prétendent y trouver plus de justice qu’ils n’en espéreraient d’un homme de la ville, qui aurait des liaisons avec leurs parties, la plupart de leurs affaires n’étant qu’avec des officiers ou des bourgeois de ladite ville » [83]. En 1695, les magistrats présidiaux engagés dans la « cabale » doivent faire face à l’échec de leur stratégie judiciaire et à la réussite apparente de l’intégration du juge dans la cité. Ils essaient alors vainement de rallier à leur cause la famille de Hautefort, principale créancière du lieutenant général, afin de le déposséder de son office [84]. Le refus du lignage périgourdin, reflet de la position attentiste de la noblesse limousine, confirme deux faits majeurs :l’enjeu proprement urbain de l’affaire, la collusion quasi-fortuite et tardive à partir de 1698 entre les intérêts privés de la famille de Hautefort et les buts socio-politiques des élites citadines.
76Les membres de la coalition cherchent aussi à priver le juge objet de leur vindicte de ses appuis rares, fragiles et ambivalents dans la ville de Limoges.
77L’arrestation en 1697 de deux consuls sortant de charge, ordonnée par le lieutenant du roi et membre de la coalition de Saint-Aulaire, relève de cette stratégie d’isolement. Cassée par l’administration monarchique, elle traduit une mesure de représailles vis-à-vis des deux seuls édiles ayant soutenu le lieutenant général quelques mois auparavant en confirmant la réalité des rumeurs d’un projet criminel à son encontre [85]. Imposé à l’hôtel de ville l’année précédente par le gouverneur du Limousin, le premier édile Michel Arbonneau s’est solidarisé avec son confrère du consulat installé dans des conditions similaires.
78Pourtant, allié du magistrat en 1697, ce consul rallie en 1698 l’opposition des élites municipales. Le second officier municipal Jean de Maleden a apporté son appui intéressé en raison des liens financiers avec le lieutenant général qui est à la fois son locataire et son débiteur [86]. De Vincent bénéficie bien de soutiens de poids mais extérieurs à la sphère des élites urbaines, avec la protection ambivalente des intendants. Elle limite d’une part l’efficacité des accusations à l’égard d’un serviteur reconnu de l’État, défendu pour sa probité et sa loyauté par ces grands commis de la monarchie. Elle favorise d’autre part l’hostilité des élites citadines à l’encontre d’un magistrat bénéficiant de l’appui de tiers, qui sont perçus non comme d’éventuels médiateurs mais comme ses protecteurs partiaux, perception empêchant une résolution à l’amiable du conflit. Quasi-privé de soutiens dans le monde élitaire limougeaud, le magistrat ne dispose pas par conséquent du capital social nécessaire à l’exercice efficace de son autorité judiciaire ni a fortiori des ressources indispensables à l’affrontement durable avec une coalition nombreuse et influente [87]. Cette absence de pouvoir à l’échelle locale, renforcée par son manque de revenus et de prestige, le rend inapte à résister à des notables nombreux et influents. Elle explique in fine son éviction définitive du tribunal, du consulat et de la cité.
79L’affaire de Vincent montre l’intégration avortée d’un magistrat présidial dans la compagnie judiciaire et dans la communauté urbaine d’une part, et l’instauration inaboutie d’un contrôle monarchique autoritaire sur le tribunal et la ville, d’autre part. Le profil atypique du lieutenant général, son image négative auprès des élites urbaines et officières de Limoges, son choix d’être un serviteur zélé de la monarchie administrative s’inscrivent aux antipodes des fondements et des représentations de la notabilité citadine à la fin du XVIIe siècle. Issu d’une famille étrangère à la province, disposant d’une fortune médiocre, Jean-Baptiste de Vincent souffre d’une absence irrémédiable d’honorabilité. Perçu comme un horsain et un magistrat parvenu, il suscite l’animosité des élites judiciaires et urbaines de Limoges. Associé à la tutelle étatique sur la compagnie présidiale et le corps de ville, il focalise sur sa personne l’hostilité politique d’officiers présidiaux et municipaux réticents envers un contrôle imposé et autoritaire sur leur tribunal et leur consulat. Son intégration élitaire demeure imparfaite et affaiblie par l’opposition récurrente de ses confrères. En tentant d’occuper la première place dans la cité, le lieutenant général exacerbe les contestations et élargit le cercle des mécontents.
80Dans le contexte du renforcement de l’absolutisme dans sa version fiscale et municipale, Jean-Baptiste de Vincent personnifie les innovations politiques et financières de l’État louis-quatorzien. L’opposition des élites judiciaires et urbaines à l’encontre de leur principal partisan, promoteur et bénéficiaire permet l’expression détournée de leur hostilité politique à l’égard de l’extension de la vénalité dans la compagnie présidiale et de son apparition dans le corps de ville, mais aussi envers le contrôle accru de la monarchie administrative sur le recrutement du tribunal et de la municipalité. Le lieutenant général, subdélégué éphémère de l’intendant et édile imposé par le pouvoir royal, incarne ce visage autoritaire et ce virage absolutiste de l’État. Par leurs stratégies de déconsidération et de harcèlement judiciaire, ses adversaires recherchent la marginalisation sociale et politique du magistrat devenu l’emblème de la tutelle étatique sur la ville.
81En mettant au premier plan de l’analyse les liens sociaux des protagonistes, la notion de réseau rend les stratégies des acteurs majeurs du conflit mieux compréhensibles. La différence fondamentale dans la structure respective de leurs « réseaux » constitue une explication complémentaire de leurs comportements. Privé de soutiens au sein des élites urbaines de Limoges, le lieutenant général de Vincent recherche des appuis et en bénéficie en dehors de la ville, notamment grâce à la protection officielle ou officieuse des intendants du Limousin. Toutefois, ses relations privilégiées avec de grands serviteurs de la monarchie administrative produisent des effets contradictoires :par leur autorité, ses protecteurs offrent une compensation étatique à son déficit personnel de notabilité; par leur extériorité à la cité, ils renforcent son discrédit lié à son statut d’étranger. En revanche, ses principaux adversaires, en particulier des magistrats présidiaux, mobilisent la diversité et la multiplicité de leurs liens professionnels et familiaux avec les élites officières et urbaines afin de former une coalition provisoire. Cet agrégat hétérogène de différents groupes de mécontents liés entre eux par quelques individus à la fois meneurs et « articuleurs », ne possède ni la cohérence ni la pérennité suffisantes pour être qualifié de véritable réseau. Il constitue la mobilisation organisée, temporaire et réussie de relations sociales préexistantes à l’affrontement de la décennie 1690. Dans cette affaire, le conflit local n’est ni le révélateur ni l’œuvre d’un réseau antérieur et dissimulé mais seulement le producteur d’un pseudo-réseau éphémère et de circonstances.
82En obtenant, à l’issue d’un conflit prolongé, l’exclusion définitive de Vincent de son office, du tribunal et de la cité, les élites judiciaires et citadines marquent leur rejet victorieux d’un contrôle de la ville reposant uniquement sur des modalités autoritaires et imposées. La fin de la conflictualité à Limoges à l’orée du XVIIIe siècle ouvre la voie à un nouveau compromis entre les élites urbaines et l’État, afin d’établir une gestion partagée du pouvoir urbain.
Notes
-
[1]
Archives départementales de la Haute-Vienne, 1 Mi 33 [correspond à Archives Nationales, Paris, G7 347]: « Memoire servant d’esclaircissement sur le placet presenté au Roy par le lieutenant general de Limoges » de l’intendant Jubert de Bouville au contrôle général [1693].
-
[2]
Jean NAGLE, « L’officier “moyen” dans l’espace français de 1568 à 1665 », in Jean-Philippe GENET (dir.), État moderne : Genèse, bilan et perspectives, Paris, Éditions du CNRS, 1990, p. 163-174; Id., « Les officiers « moyens » français dans les enquêtes sur les offices ( XVIe - XVIIIe siècles)», in Michel CASSAN (dir.), Les officiers « moyens » à l’époque moderne : pouvoir, culture, identité, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 1998, p. 25-41; Id., « Officiers « moyens » dans les enquêtes de 1573 et 1665 », Cahiers du Centre de Recherches Historiques-EHESS, octobre 1999, n° 23 : « Officiers « moyens » (I). Actes de la table ronde organisée les 28 et 29 mai 1999 à Paris », Christophe BLANQUIE, Michel CASSAN, Robert DESCIMON (éd.), p. 13-26; M. CASSAN, « Pour une enquête sur les officiers « moyens » de la France moderne », Annales du Midi, t. 108, janvier-mars 1996, p. 89-112 et « De l’État “moderne” à ses administrateurs “moyens” », Histoire, Économie et Société, 2004/4, p. 467-472.
-
[3]
Jacques REVEL, « L’institution et le social », in Bernard LEPETIT (éd.), Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995, p. 63-64; Robert DESCIMON, Jean-Frédéric SCHAUB, Bernard VINCENT (éd.), Les figures de l’administrateur. Institutions, réseaux et pouvoirs en Espagne, en France et au Portugal, XVIe - XIXe siècle, Paris, Éditions de l’EHESS, 1997, p. 7-16; Philippe MINARD, « Faire l’histoire sociale des institutions : démarches et enjeux », Bulletin de la Société d’Histoire Moderne et Contemporaine, 2000/3-4, p. 119-123.
-
[4]
Giovanni LEVI, Le pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du XVIIe siècle, Paris, Gallimard, 1996, p. 139-167 et 193-215; Jaime CONTRERAS, Pouvoir et Inquisition en Espagne au XVIe siècle, Paris, Aubier, 1997.
-
[5]
Michel CASSAN, Noël LANDOU (éd.), Écrits de Jean-Baptiste Alexis Chorllon, Président au Présidial de la Haute-Marche au XVIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 2002; M. CASSAN, « Le Président au Présidial de la Haute-Marche, Jean-Baptiste Alexis Chorllon. Une illustration problématique de l’élite provinciale au XVIIe siècle », Mémoires de la Société des Sciences Naturelles, Archéologiques et Historiques de la Creuse, t. 48,2002, p. 119-126.
-
[6]
« Entre pouvoirs locaux et pouvoirs centraux : figures d’intermédiaires », Bulletin de la Société d’Histoire Moderne et Contemporaine, 1998/3-4, p. 1-93.
-
[7]
Guy SAUPIN, « Les corps de ville dans la France moderne. Tendances historiographiques récentes », Le Bulletin de la Société d’Histoire Moderne et Contemporaine, 2000/3-4, p. 123-135 et « Fonctionnalisme urbain et sociologie des corps de ville français ( XVIe - XVIIIe siècles)», p. 235-258 in Id. (éd.), Le pouvoir urbain dans l’Europe atlantique du XVIe au XVIIIe siècle. Colloque international de Nantes 21 et 22 janvier 2000, Nantes, Ouest Éditions, 2002.
-
[8]
Joël CORNETTE (éd.), La monarchie entre Renaissance et Révolution 1515-1792, Paris, Seuil, 2000, p. 253-266; Fanny COSANDEY, Robert DESCIMON, L’absolutisme en France. Histoire et historiographie, Paris, Points-Seuil,2002, p.128-136 et 154-168; J.CORNETTE,« La tente de Darius », in Henri MECHOU - LAN et Joël CORNETTE (éd.), L’État classique. Regards sur la pensée politique de la France dans le second XVIIe siècle, Paris, Vrin, 1996, p. 9-41 en particulier p. 37-41 pour une présentation de la diversité des relations entre l’État royal et les élites provinciales.
-
[9]
Pour de suggestives réflexions sur les usages historiens de la notion de réseaux sociaux, Jean-Pierre DEDIEU, Zacharias MOUTOUKIAS, « Introduction. Approche de la théorie des réseaux sociaux », et J.-P. DEDIEU, « L’historien de l’administration et la notion de réseau », in Juan Luis CASTELLANO, Jean-Pierre DEDIEU (éd.), Réseaux, familles et pouvoirs dans le monde ibérique à la fin de l’Ancien Régime, Paris, CNRS-Éditions, 1998, p. 7-30 et p. 247-263; Vincent GOURDON, « Approcher les « réseaux familiaux » urbains : réflexions à partir des actes de tutelle de l’Ancien Régime », in Philippe CASTAGNETTI (éd.), Images et pratiques de la ville (vers 1500-vers 1840), Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne (Cahiers de l’IERP, n° 1), 2003, p. 11-34; François-Joseph RUGGIU, Scarlett BEAUVALET, Vincent GOURDON (éd.), Liens sociaux et actes notariés dans le monde urbain en France et en Europe ( XVIe - XVIIIe siècles), Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2004; Claire LEMERCIER, « Analyse de réseaux et histoire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 52-2, avril-juin 2005, p. 88-112. Pour des applications aux cas d’officiers royaux du XVIIe siècle, Philippe JARNOUX, « Autour d’Yves Morice de Coetquelfen. Réflexion sur la notion de réseau dans le monde des officiers au XVIIe siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 2001,108/4, p. 195-225 ; M. CASSAN, « L’espace relationnel d’officiers « moyens » dans la Marche au XVIIe siècle », in Pierre-Yves BEAUREPAIRE, Dominique TAURISSON (éd.), Les Ego-documents à l’heure de l’électronique. Nouvelles approches des espaces et réseaux relationnels, Montpellier, Université de Montpellier-3,2004, p. 23-31.
-
[10]
Pour des présentations pertinentes de la mise en contextes des parcours biographiques, G.LEVI, « Les usages de la biographie », Annales E.S.C., 44/6, novembre-décembre 1989, p. 1325-1336; Simona CERUTTI, La ville et les métiers : naissance d’un langage corporatif Turin 17e-18e siècles, Paris, Éditions de l’EHESS, 1990, p. 45-49, et F.-J. RUGGIU, « Autres sources, autre histoire ? Faire l’histoire des individus des XVIIe et XVIIIe siècle S en Angleterre et en France », Revue de synthèse, t. 125,2004, p. 111-152, p. 138-142 pour une « histoire nominative »; à confronter à la présentation fort réductrice de l’articulation entre contextes et biographies sociales dans François DOSSE, Le pari biographique. Ecrire une vie, Paris, La Découverte, 2005, p. 235-243. Pour des approches biographiques de serviteurs du roi porteurs d’identités sociales plurielles, M. CASSAN, « Isaac Chorllon, un officier « moyen » de finance au XVIIe siècle », p. 95-126, p. 96-97 et 104-105 in Id. (éd.), Offices et officiers « moyens », op.cit.; Nicolas SCHAPIRA, Un professionnel des lettres au XVIIe siècle. Valentin Conrart :une histoire sociale, Seyssel, Champ Vallon, 2003, p. 7-25 et 366-412 et Id., « Occuper l’office. Les secrétaires du roi comme secrétaires au XVIIe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 51-1, janvier-mars 2004, p. 36-61.
-
[11]
Deux dossiers documentaires majeurs permettent la reconstitution de l’affaire : les lettres et mémoires envoyés au contrôle général des finances par les intendants de la généralité de Limoges, Archives Nationales, Paris (désormais AN), G7 346 (1688-1694) et G7 347 (1695-1699); quatre factums destinés au Conseil du roi ou au parlement de Paris, Bibliothèque Nationale de France (désormais BnF), Morel de Thoisy, ms 176, fol. 356; BnF, Fm 17132; BnF, Fm 17133; BnF, Fm 17134. Pour une mise en perspective plus ample de l’affaire, Vincent MEYZIE, Les illusions perdues de la magistrature seconde. Les officiers « moyens », de justice en Limousin et en Périgord (vers 1665-vers 1810), Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2006.
-
[12]
Sarah MAZA, Vies privées, affaires publiques. Les causes célèbres de la France prérévolutionnaire, Paris, Fayard, 1997, p. 29-33 et 55-63 sur la rhétorique judiciaire et le statut narratif des mémoires; Maurice DAUMAS, L’affaire d’Esclans. Les conflits familiaux au XVIIIe siècle, Paris, Seuil, 1988, p. 19 pour la citation et son « éloge du factum », notamment la distinction entre la partie concernant les faits, qui permet « une interprétation du conflit » et la partie concernant les moyens, qui porte sur « une interprétation de la loi », ibid., p. 11-14.
-
[13]
Claude GRIMMER, Vivre à Aurillac au XVIIIe siècle, Aurillac, Gerbert, 1983, p. 75-79 sur la lecture, grâce à une chronique urbaine anonyme et partisane, de la rivalité de différentes factions dans la décennie 1690 pour le contrôle de la ville.
-
[14]
Andréas SUTER, « Histoire sociale et événements historiques. Pour une nouvelle approche », Annales H.S.S., 52/3, mai-juin 1997, p. 543-567, p. 554-561.
-
[15]
Archives départementales de la Haute-Vienne (désormais AD 87), B 751 : protestations du lieutenant particulier Jean Vidaud du 14 mars 1690, du procureur du roi du 3 mai 1690 et des conseillers du 18 août 1691.
-
[16]
AN, V1 584, fol. 13 : lettre du chancelier Boucherat à l’intendant de Bouville du 2 avril 1690; AN, V1 585, fol. 286 : lettre du chancelier à l’évêque de Limoges du 30 juillet 1691; AD 87, B 627 : Arrest du Conseil d’Etat portant reglement entre lesdits Officiers du Présidial et Sénéchal de Limoges du 16 mai 1691.
-
[17]
Daniel JOUSSE, Traité de l’administration de la justice, Paris, Debure Père, 1771, t. 1, p. 551 définit la concussion comme « toute taxe injuste, et tous droits illégitimes, que le Juge peut percevoir dans les fonctions de son office ».
-
[18]
AD 87,1 Mi 32 [correspond à AN, G7 346]: lettre de l’intendant du 23 décembre 1692; BnF, Fm 17132 : Persécution insigne. Au roi et à nosseigneurs de son Conseil. Sire, Jean-Baptiste de Vincens, conseiller de votre majesté, lieutenant général, civil et de la police de la sénéchaussée de Limosin, au siège présidial de Limoges, opposant au titre des provisions dudit office, contre Me Jean Rogier des Essarts, se disant adjudicataire d’icelui, et les sieurs et dame d’Hautefort, parties intervenantes, 1699,25 p.
-
[19]
AD 87, B 769 : audiences des 15 et 16 novembre 1694 (lecture et enregistrement de la sentence, enregistrement d’un arrêt favorable du Conseil privé du roi condamnant le président Périère).
-
[20]
Emile RUBEN, Louis GUIBERT (éd.), Registres consulaires de la ville de Limoges, 1884-1897,6 tomes, t. 4, p. 92-93; AD 87,1 Mi 33 : procès-verbal du 9 juin 1695 et lettre du 17 juin 1695 de François Moulinier, conseiller au présidial et consul.
-
[21]
AD 87,1 Mi 33 : lettre de l’intendant du 2 mars 1697. L’auteur des insolences est le fils d’un procureur ce qui laisse supposer de probables liens, par l’intermédiaire de son père basochien, avec les magistrats.
-
[22]
E. RUBEN, L. GUIBERT (éd.), Registres consulaires, op. cit., p. 122-124 : plainte du lieutenant général du 10 décembre 1698.
-
[23]
BnF, Fm 17132 : mention de l’incident du 12 janvier 1699; AD 87, B 773.
-
[24]
AD 87,1 Mi 33 : requête et placet pour la famille Hautefort du 10 avril 1699.
-
[25]
Nicole DYONET, « Gestes et paroles de la vie quotidienne au XVIIIe siècle. Les ressources des archives judiciaires », in Yves-Marie BERCE, Yves CASTAN (éd.), Les archives du délit :empreintes de société, Toulouse, Éditions Universitaires du Sud, 1990, p. 29-45; F. COSANDEY, « L’insoutenable légèreté du rang », in Id. (éd.), Dire et vivre l’ordre social en France sous l’Ancien Régime, Paris, Éditions de l’EHESS, 2005, p. 169-189.
-
[26]
AD 87,1 Mi 33 : lettre de Jean-Baptiste de Vincent du 14 août 1699; AD 87,4 E II 234, not. Cusson : versement de la dot de 12000 livres par son beau-père Jean Lombardie du 10 janvier 1699; AD 87,1 Mi 34 [correspond à AN, G7 348]: placet de Jean-Baptiste de Vincent à Pontchartrain du 20 août 1700 qualifiant Rogier des Essarts comme « son compétiteur dès 1689 ».
-
[27]
AD 87,4 E II 234, not. Cusson : donation à Isabeau Lombardie du 12 mars 1702.
-
[28]
Jean-Claude PASSERON, « Le scénario et le corpus. Biographies, flux, itinéraires, trajectoires », in Le raisonnement sociologique : un espace non poppérien de l’argumentation, Paris, Albin Michel, 2006 (1re éd. Nathan, 1991), p. 301-330.
-
[29]
BnF, Thoisy 176, fol. 356 : Mémoire pour Me Jean-Michel Periere, ancien président au présidial, défendeur, contre Me Jean-Baptiste Vincent, lieutenant général au mesme siège, demandeur, Paris, Cramoisy, 1697,15 p.; BnF, Fm 17133 : Mémoire contre le sieur Vincent, lieutenant général de Limoges [1693]; AD 87,1 Mi 33 : contrat de vente de l’office du lieutenant général du 20 octobre 1689 pour lequel son père Mathurin de Vincent, qualifié de « bourgeois de Clermont », donne une procuration à un conseiller du présidial auvergnat, indicatrice d’un rang de notable dans la ville.
-
[30]
Louis DE BERNAGE, « Mémoire sur la généralité de Limoges (1698)», publié par Alfred LEROUX in Bulletin de la Société Historique et Archéologique du Limousin, XXXII, 1885, p. 149-258, p. 203; AD 87,1 Mi 33 : contrat de mariage du 17 septembre 1680 avec Isabeau Lombardie.
-
[31]
J. CONTRERAS, op. cit., p. 36-40 sur l’instrumentalisation d’un discours religieux tenu par des « vieux chrétiens » de deux villes moyennes de Murcie à l’encontre des conversos et fondé sur la figure de l’hérétique dans une finalité d’exclusion sociale et politique.
-
[32]
Christophe BLANQUIE, Justice et finance sous l’Ancien Régime. La vénalité présidiale, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 284-290 sur l’inhérence et la dimension sociale de la dignité.
-
[33]
André BURGUIERE, « La mémoire familiale du bourgeois gentilhomme : généalogies domestiques en France aux XVIIe et XVIIIe siècle S », Annales ESC, 46/4, juillet-août 1991, p. 771-788, p. 780. L’auteur fonde notamment ses démonstrations sur plusieurs livres de raison du Limousin.
-
[34]
AD 87,4 E II 155, not. Chambinaud : testament de Martial Moulinier du 7 août 1686; AD 87, B 641 : lettres de provision de Jean-Baptiste de Vincent du 7 octobre 1688.
-
[35]
V. MEYZIE, «“Réduction à l’obéissance” ou régulation de la désobéissance ? Le pouvoir monarchique et les magistrats présidiaux du Limousin et du Périgord à la fin du XVIIe siècle », Temporalités, n° 2,2005, p. 71-92.
-
[36]
AD 87,1 Mi 33 : contrat de vente de l’office pour 62000 livres du 20 octobre 1689.
-
[37]
BnF, Fm 17132 : le lieutenant général propose en 1699 une estimation du coût total des procédures estimé à 150000 livres.
-
[38]
AD 87,4 E II 234, not. Cusson : actes de vente du mobilier de sa maison de Limoges pour 2000 livres du 7 novembre 1697 et de biens fonciers pour 800 livres du 17 janvier 1699; AD 87,1 Mi 33 : lettre de la veuve du marquis d’Hautefort du 14 juin 1699 indiquant que le montant des intérêts sur la charge de lieutenant général s’élève à plus de 20000 livres et copie de la séparation de biens du 15 janvier 1699.
-
[39]
Colette BROSSAULT, Les intendants de Franche-Comté 1674-1790, Paris, La Boutique de l’Histoire, 1999, p. 215; René GREVET, « Être subdélégué d’intendant dans les provinces septentrionales à la fin du XVIIIe siècle », Bulletin de la Société d’Histoire Moderne et Contemporaine, 1998/3-4, p. 14-24.
-
[40]
Sharon KETTERING, Patrons, Brokers, and Clients in Seventeenth-Century France, Oxford, Oxford University Press, 1986, p. 224-231 sur la permanence des relations clientélaires au sein de la bureaucratie avec le clientélisme des intendants; Eberhard ISENMANN, « Normes et valeurs de la ville européenne (1300-1800)», in Peter BLICKLE (éd.), Résistance, représentation et communauté, Paris, PUF, 1998, p. 255-288 notamment p. 280-286 sur la prégnance des valeurs corporatives dans la culture des élites urbaines.
-
[41]
AD 87,1 Mi 32 : lettre de l’intendant Jubert de Bouville du 2 août 1691.
-
[42]
B. LEPETIT, « La ville : cadre, objet, sujet. Vingt ans de recherches françaises en histoire urbaine », Enquête, n° 4,1996, p. 11-34, p. 33.
-
[43]
BnF, Fm 17132 : destitution de la direction de la Monnaie pour le conseiller Martin.
-
[44]
Paolo PIASENZA, « Opinion publique, identité des institutions, « absolutisme ». Le problème de la légalité à Paris entre le XVIIe et le XVIIIe siècle », Revue historique, n° 587, juillet-septembre 1993, p. 97-142, p. 119-121 sur le conflit similaire à Paris durant la même période entre le parlement et les inspecteurs de police.
-
[45]
J. REVEL, « Micro-analyse et construction du social », in Id., (éd.), Jeux d’échelles. La microanalyse à l’expérience, Paris, Gallimard-Seuil, 1996, p. 15-36 (ici p. 26) sur l’approche microhistorique du contexte; B. LEPETIT, Carnets de croquis. Sur la connaissance historique, Paris, Albin Michel, 1999, p. 88-119, pour une définition stimulante de l’objectif propre à la micro-histoire sociale ayant « pour fonction d’identifier les systèmes de contextes dans lesquels s’inscrivent les jeux sociaux », ibid., p. 101; Bernard LAHIRE, « La variation des contextes en sciences sociales. Remarques épistémologiques », Annales HSS, 51/2, mars-avril 1996, p. 381-407.
-
[46]
David D. BIEN, « Les offices, les corps et le crédit d’État : l’utilisation des privilèges sous l’Ancien Régime », Annales ESC, 43/2, mars-avril 1988, p. 379-404; R. DESCIMON, « Les élites du pouvoir et le prince : l’État comme entreprise », in Wolfgang REINHARD (éd.), Les élites du pouvoir et la construction de l’État en Europe, Paris, PUF, 1996, p. 133-162; Mark POTTER, « War finance and absolutist state. Developpement in early modern Europe : an examination of French venality in the seventeenth century », Journal of Early Modern History, 7/1-2,2003, p. 120-147 ; C. BLANQUIE, « Fiscalité et vénalité des offices présidiaux », Histoire, Économie et Société, 2004/4, p. 473-487.
-
[47]
Roger CHARTIER in Emmanuel LE ROY LADURIE (éd.), La ville des temps modernes de la Renaissance aux Révolutions, Paris, Points-Seuil, 1998 (1re éd. 1980), p. 162-167.
-
[48]
AD 87,1 Mi 33 : mémoire détaillé de Jean-Baptiste de Vincent [1699].
-
[49]
AN, P 3374, fol. 104-110 : quittances de l’augmentation de gages du 20 juillet 1690 du présidial de Limoges; A. M. DE BOISLISLE (éd.), Correspondance des contrôleurs généraux des finances avec les intendants des provinces, Paris, Imprimerie Nationale, 1874-1897, t. 1, p. 198-199 : lettre circulaire aux intendants du 27 octobre 1689 indiquant que « vous devez aussi avoir quelque officier de confiance dont vous vous servirez pour exciter les autres » et « échauffer le zèle des compagnies ».
-
[50]
BnF, Thoisy 176, fol. 356; Joseph BOULAUD (éd.), « Offre par les conseillers du roy aux sièges présidial et sénéchal de Limoges, de payer à M. du Chaussy, commis à la recette des finances, ce qu’ils doivent pour « attribution et augmentation de gaiges » (29 mars 1690)», Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Limousin, LXII, 1915, p. 439-441.
-
[51]
J. CORNETTE, La mélancolie du pouvoir. Omer Talon et le procès de la raison d’État, Paris, Fayard, 1998, p. 333-361 sur la perception critique par un parlementaire des mutations des pratiques de gouvernement dans les décennies 1630-1640.
-
[52]
AD 87,1 Mi 32 : lettre de l’intendant Jubert de Bouville du 27 décembre 1692.
-
[53]
Ibidem: « mémoire des officiers qui exercent la police dans les principales villes de la généralité de Limoges » et lettre de l’intendant Jubert de Bouville du 9 février 1690.
-
[54]
Confirmation exemplaire de D. D. BIEN, art. cit., p. 385 notant « une connaissance empirique et détaillée du marché et des éventuels acheteurs, de leurs désirs et de leurs besoins changeants ».
-
[55]
AD 87,1 Mi 33 : mémoire détaillé de Vincent [1699]; AD 87, B 751 : lettre de l’intendant Jubert de Bouville du 1er mars 1690.
-
[56]
Cf. John J. HURT, Louis XIV and the Parlements. The Assertion of Royal Authority, Manchester, Manchester University Press, 2002, p. IX-XI et 67-68, pour un regard critique sur les lectures dites « révisionnistes » de l’absolutisme comme compromis social entre le pouvoir royal et les élites dirigeantes, en particulier sur les conclusions de William BEIK, Absolutism and Society in Seventeenth-Century France. State Power and Provincial Aristocracy in Languedoc, Cambridge, Cambridge University Press, 1985 et « A social interpretation of the reign of Louis XIV », in Neithard BULST, Robert DESCIMON et Alain GUERREAU (éd.), L’État ou le roi. Les fondations de la modernité monarchique en France ( XIVe - XVIIe siècles), Paris, Éditions de la MSH, 1996, p. 145-160. En réponse aux critiques, W. BEIK propose l’approfondissement de son interprétation grâce à un double déplacement chronologique (sur la période 1690-1715) et géographique (en direction des pays d’élection): « The absolutism of Louis XIV as social collaboration », Past & Present, n° 188, August 2005, p. 195-224, p. 221-224.
-
[57]
M. CASSAN, « Pour une enquête… », art. cit., p. 101-102; G. SAUPIN, « Fonctionnalisme urbain… », in Le pouvoir urbain dans l’Europe atlantique, op. cit., p. 240-242.
-
[58]
BnF, Fm 17132 [1699]; AD 87,1 Mi 33 : mémoire détaillé de Vincent [1699].
-
[59]
E. RUBEN, L. GUIBERT (éd.), Registres consulaires, op. cit., t. 4, p. 64-65 : arrêt du Conseil du 13 septembre 1689; Roger DROUAULT, « Le régiment de Limoges offert par la ville à Louis XIV (1689-1699)», Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Limousin, LIX, 1909, p. 488-539, p. 491-500.
-
[60]
AD 87,1 Mi 32 : placet de Vincent au contrôleur général Pontchartrain [janvier 1693]; E. RUBEN, L. GUIBERT (éd.), Registres consulaires, op.cit., p. 80-81 : arrêt du conseil d’État 29 décembre 1692 cassant l’élection des consuls du 7 décembre 1692.
-
[61]
AD 87,1 Mi 32 : lettre de Vincent à Pontchartrain du 16 décembre 1694; E. RUBEN, L. GUIBERT (éd.), ibid., p. 89-90 : élection du 7 décembre 1694.
-
[62]
Philippe GUIGNET, Le pouvoir dans la ville au XVIIIe siècle. Pratiques politiques, notabilité et éthique sociale de part et d’autre de la frontière franco-belge, Paris, Éditions de l’EHESS, 1990, p. 345-350 sur les significations socialement nuancées de l’accession aux municipalités : « pour les bourgeois, elle est reflet, signe et facteur de distinction et de notoriété, elle consolide le crédit moral d’une famille en ascension », ibid., p. 350.
-
[63]
E. RUBEN, L. GUIBERT, (éd.), Registres consulaires, op. cit., p. 110 (lettre au lieutenant général de Vincent du 1er décembre 1696) et 112-113 (assemblée électorale du 7 décembre 1697).
-
[64]
Ibid., p. 120-121 et 124-155 : dénonciation de l’élection par de Vincent du 7 décembre 1698 et arrêt du Conseil d’État du 3 février 1699.
-
[65]
Christian JOUHAUD, « Révoltes et contestations d’Ancien Régime », p. 17-108 in A. BURGUIERE et J. REVEL (éd.), Histoire de la France. Les conflits, Paris, Points Seuil, 2000 (1re éd. 1990), p. 71-75 sur « la société des notables et les logiques étatiques : du bon usage des conflits sociaux », p. 73 pour la citation.
-
[66]
AD 87,1 Mi 32 : lettre de l’intendant Jubert de Bouville au contrôleur général du 28 mai 1692 : « quand même il se trouverait innocent, il est important pour rétablir la tranquillité dans cette ville qu’il en sorte; mais il est encore plus nécessaire de punir ceux qui s’en veulent rendre les maîtres ».
-
[67]
V. MEYZIE, op. cit., p. 432-434 sur le comportement exemplaire des magistrats présidiaux lors d’une émeute anti-fiscale en 1705.
-
[68]
C. GRIMMER, op. cit., p. 71 et passim. À Aurillac, le lieutenant général du présidial Amable Delort adopte avec succès une attitude similaire, en cumulant en 1704 sa charge de justice avec l’office vénal de maire et l’office de lieutenant général de police, afin d’asseoir son autorité et celle de sa mouvance dans la cité.
-
[69]
Alain DEGENNE, Michel FORSE, Les réseaux sociaux. Une analyse structurale en sociologie, Paris, Armand Colin, rééd. 1994; Vincent LEMIEUX, Les réseaux d’acteurs sociaux, Paris, PUF, 1999; Pierre MERCKLE, Sociologie des réseaux sociaux, Paris, La Découverte, 2004; J.-P. DEDIEU, « L’historien de l’administration… », in J. L. CASTELLANO, J.-P. DEDIEU (éd.), Réseaux, familles et pouvoirs, op. cit., p. 250 souligne à la fois la fécondité heuristique de la notion et sa limite pratique, en raison des contraintes documentaires, pour l’historien apte à reconstituer pour quelques individus seulement tous les types de relations, c’est-à-dire « un segment du réseau total » ou un type uniquement de relations pour tous les individus, c’est-à-dire « une couche du réseau total ». Pour l’affaire de Vincent, la reconstitution partielle du groupe des opposants s’inscrit dans la première démarche.
-
[70]
AD 87,1 Mi 33 : « Mémoire… » de l’intendant Jubert de Bouville [1693]; BnF, Fm 17134 : Factum pour Jean-Baptiste de Vincens… contre Me Michel Perrière de Vignaud, second présidant au présidial de Limoges et autres liguez, qui agissent sous le nom de M.le procureur général au Parlement de Bordeaux, accusateur, 29 p. [1693], p. 6-8; BnF, Fm 17132 [1699].
-
[71]
AD 87,1 Mi 32 : lettre de Vincent à Pontchartrain [janvier 1693].
-
[72]
AD 87,1 Mi 33 : placet au roi de Jean-Baptiste de Vincent [1693].
-
[73]
BnF, Fm 17132. Le factum mentionne même l’existence d’un « traité secret de la Ligue ».
-
[74]
AD 87,1 Mi 33 : annotation de l’intendant Jubert de Bouville sur le placet au roi des « habitants de la ville de Limoges » [1693].
-
[75]
En 1688, Jean-Michel Périère reçoit à l’occasion de son mariage 7000 livres comptant faisant partie d’une dot de 27000 livres. En 1686, Jean-François Martin a perçu 16400 livres d’une constitution dotale fixée à 30000 livres. En 1689, Jean-Mathias Rogier bénéficie de l’apport d’une dot de 27000 livres.
-
[76]
AD 87,1 Mi 33 :procès-verbal du 9 juin 1695 et lettre du 17 juin 1695 de François Moulinier; AD 87,4 E II 182, not. Chavepeyre : contrat de vente de l’office du 20 septembre 1691.
-
[77]
J.-P. DEDIEU, « L’historien de l’administration… », op. cit., p. 257.
-
[78]
AD 87,4 E II 180, not. Chavepeyre : acte de Nicolas Hémart, commis à la recette de l’annuel du 30 décembre 1690.
-
[79]
AD 87,1 Mi 32 : placet de Vincent à Pontchartrain [janvier 1693]. Il identifie cinq parents de Sabourin dans le parlement : son fils et son gendre Du Val conseillers, ses beaux-frères le président de Grimard et le doyen du Sault, son neveu l’avocat général du Sault.
-
[80]
Emmanuel LAZEGA, Réseaux sociaux et structures relationnelles, Paris, PUF, 1998, p. 42-47.
-
[81]
AD 87,4 E II 187, not. Chavepeyre : déclaration de Renaud des Flandres commis à la recette des francs-fiefs dans la généralité de Limoges du 6 avril 1696, protestations de Vidaud et de Dupin du 2 mai 1696.
-
[82]
AD 87,4 E II 156, not. Chambinaud, p. 108 : procès-verbal du notaire royal Jean Cusson du 23 juillet 1693. De Vincent demande à ce notaire de Limoges d’effectuer un déplacement pour obtenir, avec succès, une preuve de son honnêteté dans l’exercice de son métier de juge
-
[83]
AD 87,1 Mi 33 : « Mémoire… » de l’intendant Jubert de Bouville [1693].
-
[84]
Jean-Baptiste CHAMPEVAL, Jean du TEILHET DE LAMOTHE (éd.), Correspondance de François Marie d’Hautefort et de Marie Françoise de Pompadour, marquis et marquise de Pompadour avec Messieurs maîtres Pierre et François de Bigorie, leurs agents d’affaires en Limousin 1684 à 1695-1716 à 1747, Bruxelles, Lamertin, 1905, p. 137 : lettre du marquis de Hautefort du 2 juillet 1695.
-
[85]
AD 87,1 Mi 33 : ordonnance de Saint-Aulaire du 10 novembre 1697, procès-verbaux des consuls Arbonneau et de Maleden du 15 février 1697.
-
[86]
AD 87,4 E II 234, not. Cusson : acte de vente de Vincent à Jean de Maleden, bourgeois et marchand de Limoges, du 7 novembre 1697.
-
[87]
Sur le rôle du tiers lors de la formation de coalitions durant un conflit, A.DEGENNE, M.FORSE, op. cit., p. 140-144. Le rôle de l’intendant dans le conflit limougeaud s’apparente au modèle du tertius gaudens, c’est-à-dire à un allié indispensable afin de former une coalition gagnante. Sur la notion de capital social augmentant avec la diversité des liens d’un individu, ibid., p. 135-137; V. LEMIEUX, op. cit., p. 123-133; P. MERCKLE, op. cit., p. 53-69.