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Article de revue

Les « mélanges »: honneur et gratitude dans l'Université contemporaine

Pages 100 à 121

Notes

  • [1]
    Je remercie vivement ceux qui m’ont aidée dans l’élaboration de cet article, tout particulièrement, Perry Anderson, Kathleen et Michael Conzen, Françoise Jouffroy, Gilles Pécout, Alain Supiot.
  • [2]
    Je mentionne ici les articles les plus substantiels. R. PICK, « Some Thoughts on Festchriften and a Projected Subject Index », German Life and Letters, t. 12,1959, p. 204-210 (cit. p. 204); Dorothy ROUNDS, « The Past and the Future of the Festschrift », in Articles on Antiquity in Festschriften, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1962, p. 551-560; Lilly Melchior ROBERTS, « The Importance of Legal Festschriften for Work in International and Comparative Law », American Journal of Comparative Law, t. 11,1962, p. 403-411; EAD., « Legal Festschriften », Law Library Journal, t. 56, 1963, p. 47-60; J. PERIAM DANTON et Jane F. PULIS, Index to Festschriften in Librarianship, 1867-1975, Munich, Bowker, 1979, p. XII-XIX. J’ai tiré d’utiles informations de S. G. MORLEY, « The Development of the Homage-Volume », Philological Quartlerly, t. VIII, 1929, p. 61-68 (cit., p. 67), d’Alfred GUDEMAN, « The Homage-Volume Once More », ibid., p. 335-338, d’Alessandro OLSCHKI, « Le « Miscellanee in onore »: considerazioni di un editore », La Bibliofilia, LXXXIII/3,1981, p. 263-266, de Frédéric ROLIN, « Les principes généraux gouvernant l’élaboration des volumes de Mélanges. Contribution à l’étude de la littérature mélangiale juridique », in Les mutations contemporaines du droit public. Mélanges en l’honneur de Benoît Jeanneau, Paris, Dalloz, 2002, p. 221-234. Les références des mélanges, données complètes à la première occurrence, sont ensuite abrégées en Mélanges suivi du nom du dédicataire.
  • [3]
    S. G. MORLEY, art. cit., p. 67.
  • [4]
    Antoine PROST, Douze leçons sur l’histoire, Paris, Points-Seuil, 1996, p. 51 et 52.
  • [5]
    Au besoin, en regardant comment d’autres avant eux avaient procédé; pour un exemple, « L’échantillon de Festchriften que nous avons pris… » Lewis A. COSER (« Preface », in The Idea of Social Structure. Papers in honor of Robert K. Merton, New York, H. B. Jovanovich, 1975, non pag.).
  • [6]
    Le premier ouvrage se compose de deux fascicules de quelque 860 pages comprenant 44 contributions; le second compte dans ses 828 pages 68 contributions de savants allemands, mais aussi français (1), anglais (1) et italiens (12).
  • [7]
    À l’occasion d’un compte-rendu publié dans Romania, t. 37,1908, p. 626.
  • [8]
    J. PERIAM DANTON et J. F. PULIS, Index…, op.cit., p. XII, XIII, XVII; Frédéric ROLIN, « Préface », in Xavier DUPRÉ DE BOULOIS, Bibliographie des mélanges, droit français, Paris, La Mémoire du droit, 2001, p. 11.
  • [9]
    Sans grandes preuves, on a fait remonter les mélanges aux « raccolte » italiennes des XVIIe et XVIIIe siècle S, voire aux Miscellanea de Politien.
  • [10]
    Christophe CHARLE, « Les universités germaniques. Du mythe fondateur à l’histoire sociale », Histoire de l’éducation, 62, mai 1994, p. 10-11.
  • [11]
    F. ROLIN, « Les principes… », art. cit., p. 223; D. ROUNDS, art. cit., p. 555.
  • [12]
    F. ROLIN, « Les principes… », art. cit., p. 223-224.
  • [13]
    Anne RASMUSSEN, « L’Internationale scientifique (1890-1914)», thèse de doctorat d’histoire, Paris, EHESS, 1995.
  • [14]
    D. ROUNDS, art. cit., p. 555; J. PERIAM DANTON et J. F. PULIS, Index…, op.cit., p. XII et XVII; L. M. ROBERTS, « Legal Festschriften », art. cit., p. 51 et 59.
  • [15]
    Mélanges Graux. Recueil de travaux d’érudition classique dédié à la mémoire de Charles Graux…, Paris, Ernest Thorin, 1884, LVI-823 p. Cet ouvrage permet de repousser de plus de dix ans la datation donnée par le TLF qui voit dans les Mélanges Julien Havet (1895) la première occurrence du genre.
  • [16]
    Jacques MAURY, doyen de la Faculté de droit de Toulouse, « Préface » aux Mélanges dédiés à M. le professeur Joseph Magnol, doyen honoraire de la Faculté de droit de Toulouse, Paris, Recueil Sirey, 1948, p. I (je souligne).
  • [17]
    G. VEDEL, « Préface », Droit et politique à la croisée des cultures. Mélanges Philippe Ardant, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1999, p. VI.
  • [18]
    Philippe HAMON, Jean-Pierre LEDUC-ADINE, « Avant-propos », in Mimesis et Simiosis. Littérature et représentation. Miscellanées offertes à Henri Mitterand, Paris, Nathan, 1992, p. 13.
  • [19]
    Fort rarement le terme de mélanges est jugé « excellemment choisi » (Moussylanea. Mélanges de linguistique et de littératures anciennes offerts à Claude Moussy, Paris, Louvain, Peeters, 1998, p. V).
  • [20]
    C’est ce qu’expose le recteur de l’université de Vérone (fondée en 1982) dans sa préface (p. VII) aux Studi di storia per Luigi Ambrosoli, Vérone, Cierre, 1993.
  • [21]
    Voir, successivement, Studi sul medioevo per Girolamo Arnaldi, Rome, Viella, 2000, introd. non pag.; Collectio Juris romani.Études dédiées à Hans Ankun à l’occasion de son 65e anniversaire, Amsterdam, J. C. Gieben, 1995, t. I, p. III; Mélanges Gérald-A.Beaudouin :les défis du constitutionnalisme, Cowansville, Québec, Éditions Y. Blais, 2002, p. IX; Per Marino Berengo. Studi degli allievi, Milan, Franco Angeli, 2000, p. 9.
  • [22]
    G. VEDEL, « Préface » aux Mélanges Ardant, p. V.
  • [23]
    Les analyses qui suivent ressortissent à la problématique fonctionnelle posée par Gérard GENETTE dans Seuils, Paris, Seuil, 1987. Alors que les réalités que j’évoque dans cet article sont familières au lecteur, je m’en tiendrai à quelques exemples.
  • [24]
    Je pense à des titres vagues qui indiquent une discipline (Mélanges géographiques offerts à Philippe Arbos, 1953) ou une sous-discipline (Mélanges René Chapus. Droit administratif, 1992), qui pourraient sans peine s’appliquer à d’autres contenus (Échanges et communications. Mélanges offerts à Claude Lévi-Strauss, 1970), ou qui, trop détaillés, sont difficilement mémorisables, du moins, dans leur exactitude (Invention of Physical Science. Intersection of Mathematics, Theology and Natural Philosophy since the Seventeenth Century. Essays in Honor of Erwin N. Hiebert, 1992).
  • [25]
    Dans l’introduction au pastiche du genre que sont les Studies out in Left Field. Defamatory Essays Presented to James D.McCawley on the Occasion of his 33rd or 34th Birthday, Edmonton, Linguistic Research, 1971, p. VII.
  • [26]
    Voir par exemple Harvard Legal Essays. Written in Honor of Joseph Henry Beale and Samuel Williston, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1934; Studi in onore di Aristide Calderini e Roberto Parribeni, Milan, Ceschina, 1956; Veritatis amicitiae causa. Essays in honor of Anna Lydia Motto and John R. Clark,Wauconda, Il., Bolchazy-Carducci Publishers, 1999; Mémoire pour demain. Mélanges en l’honneur de Albert Ronsin, Gérard Thirion, Guy Vaucel, Laxou, Groupe lorrain de l’Association française des bibliothécaires français, 1995.
  • [27]
    Dans les Mélanges linguistiques, Paris, G. Geuthner, 1985.
  • [28]
    Sodalitas Florhofiana. Festgabe für Professor Heinz Haffter zum fünfundsechzigsten Geburstag am 1 Juni 1970, Zurich, Juris-Verlag, 1970 (photo du bâtiment du séminaire de philologie classique de l’université de Zurich); Hommage à Lucien Febvre. Éventail de l’histoire vivante offert par l’amitié d’historiens, linguistes, géographes, économistes, sociologues, ethnologues, Paris, A. Colin, 1953, t. I (deux portraits de Febvre à sa table de travail dans son appartement parisien de la rue du Val-de-Grâce et deux photos de sa demeure provinciale, donnant à voir les deux lieux, le Val et le Souget, où, comme l’explicite Braudel dans la préface, Febvre a conçu ses travaux).
  • [29]
    Ainsi, les camarades de Benvéniste demandèrent à l’illustre Meillet de présenter les Étrennes de linguistique qu’ils lui offraient (Paris, Librairie orientaliste P. Geuthner, 1928, p. VII).
  • [30]
    Pour des exemples : Recueil de mémoires philologiques présentés à Monsieur Gaston Paris… par ses élèves suédois…, Stochkolm, Imprimerie centrale, 1889, non pag.; Hommage à Martial Guéroult…, Paris, Fischbacher, 1964, non pag.; Campagnes médiévales :l’homme et son espace. Études offertes à Robert Fossier, Paris, Publications de la Sorbonne, 1995, p. 13-14. J’ai relevé un exemple de formule d’appel familière – « Caro Nino » – pour une préface qui est aussi le témoignage d’un ami (Miscellanea Augusto Campana, Padova, Antenore, 1981, t. I, non pag.).
  • [31]
    Ce sont le plus souvent des textes autonomes. Ils sont parfois inclus dans l’introduction, illustrant des affirmations qui y sont contenues (voir, par exemple, l’introduction de Katia DE QUEIROS MATTOSO à l’Hommage à François Crouzet. L’Angleterre et le monde, XVIIIe - XXe siècle. L’histoire entre l’économique et l’imaginaire, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 19-20).
  • [32]
    « Que Michel Fromont mérite ces Mélanges, cela ne peut être sérieusement discuté » (Les droits individuels et le juge en Europe. Mélanges en l’honneur de Michel Fromont, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2001, non pag.).
  • [33]
    Pour deux exemples : «[La réponse de] cinquante-et-un collègues appartenant à douze nations démontre […] l’estime dont Felice Ramorino jouit partout et la justesse qu’il y avait à lui rendre honneur » (Raccolta di scritti in onore di Felice Ramorino, Milan, Vita e Pensiero, 1927, p. XV); E. MORNET, après avoir rappelé que R. Fossier a participé à « tous les grands questionnements actuels » de l’histoire médiévale, poursuit : « le prouve à loisir la riche bibliographie qui ouvre ces mélanges… » (Mélanges Fossier, p. 14).
  • [34]
    Marcel DETIENNE, Nicole LORRAUX, Claude MOSSÉ, Pierre VIDAL-NAQUET,« En guise de salut », in Poikilia. Études offertes à Jean-Pierre Vernant, Paris, Éditions de l’EHESS, 1987, p. 10 (je souligne).
  • [35]
    Giovanni POLARA, « Introduzione », in Munusculum. Studi in onore di Fabio Cupaiuolo, Naples, Dipartimento di filologia classica dell’Università, 1993, p. 6 (je souligne).
  • [36]
    Voir mon article « Acknowledgments : Instructions for Use », Modern Intellectual History, II/3, novembre 2005, p. 361-385. Pour un exemple, voir les mélanges Hiebert, p. XII.
  • [37]
    Mélanges Jeanneau, p. XXI.
  • [38]
    Le Cuisinier et le philosophe. Hommage à Maxime Rodinson. Études d’ethnologie historique du Proche-Orient, Paris, Maisonneuve et Larose, 1982, p. 17-25; Mélanges offerts à Marcel Durry, Paris, Les Belles Lettres, 1970; L’économie française du XVIIIe au XXe siècle : perspectives nationales et internationales. Mélanges offerts à François Crouzet, Paris, Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 2000 (cit. p. 9).
  • [39]
    Pour un exemple : Album gratulatorium in honorem Henrici van Herwerden propter septuagenariam aetatem munere professoris… se abdicantis, Trajecti ad Rhenum, apud Keminck et filium, 1902, passim (cit. : p. 72).
  • [40]
    Le poème en espagnol qui se trouve dans les mélanges Bataillon (Les cultures ibériques en devenir. Essais publiés en hommage à la mémoire de Marcel Bataillon, Paris, Fondation Singer-Polignac, s. d., p. 784) est, à la hauteur des années 1970, un exemple rare.
  • [41]
    Mélanges Merton, introduction non pag.
  • [42]
    Marc-R. SAUTER, « Préface », in L’Homme, hier et aujourd’hui. Recueil d’études en hommage à André Leroi-Gourhan, Paris, Cujas, 1973, p. 4.
  • [43]
    Mélanges Arnaldi, introd. non pag.
  • [44]
    Claude EMERI, « Introduction », in Droit, institutions et systèmes politiques. Mélanges en hommage à Maurice Duverger, Paris, PUF, 1987, p. XVI.
  • [45]
    Jean POUILLON, « Pour un bon usage du totémisme », in Mélanges Lévi-Strauss, t. I, p. VI-VII.
  • [46]
    Pour des exemples de ces trois cas de figure : Mélanges Robert Aubenas…, Montpellier, Faculté de droit et des sciences économiques, 1974; Estudios dedicados a Menendez Pidal, Madrid, Consejo superior de investigaciones cientificas, t. I, 1950, p. VIII; Mélanges Berengo, p. 9.
  • [47]
    Harvard Legal Essays…, op. cit., p. 1457.
  • [48]
    Jacques REVEL et Jean-Claude SCHMITT, « Présentation », in L’ogre historien. Autour de Jacques Le Goff, Paris, Gallimard, 1998, p. 9-12 (cit. : p. 10); pour deux intéressants exemples : Aux origines de l’hellénisme. La Crète et la Grèce. Hommage à Henri van Effenterre présenté par le Centre G. Glotz, Paris, Publications de la Sorbonne, 1984, p. IX-X; Mélanges Mitterand, p. 10-12.
  • [49]
    John L. HELLER, « Foreword », in Serta Turyniana. Studies in Greek and Latin Palaeography in Honor of Alexander Turyn, Urbana, University of Illinois Press, 1974, p. V.
  • [50]
    Adolf SCHÜLE, « Eine Festschrift », Juristenzeitung, t. 14,1959, p. 729-731 (cit. : p. 729).
  • [51]
    Henri ZEHNACKER, « Préface », in Mélanges Moussy, p. IV (majuscule et capitales dans le texte).
  • [52]
    Mélanges Duverger, p. IX; Barbara B. DIEFENDORF, « Preface », in Culture and Identity in Early Modern Europe (1500-1800). Essays in Honor of Natalie Zemon Davis, Ann Arbor, University of Michigan, 1993, p. VI; Mélanges Leroi-Gourhan, p. 4.
  • [53]
    Voir, par exemple, Mélanges en l’honneur de Fernand Braudel, Toulouse, Privat, 1973, t. I, p. 30, 75,495,661.
  • [54]
    Pierre CHAUNU, « Géographie et Politique. Le Sacré entre l’Espace et le Temps. Des savanes de l’Afrique à la bataille de Verdun », in Apologie pour la géographie. Mélanges offerts à Alice Saunier-Seïté, s. l., Paris, Société de géographie, 1997, p. 65.
  • [55]
    Alfred ERNOUT, « Présentation », in Mélanges de linguistique et de philologie grecques offerts à Pierre Chantraine, Paris, Klincksieck, 1972, p. VIII.
  • [56]
    Mélanges Duverger, p. XIV.
  • [57]
    Il est des cas, exceptionnels, de mélanges en plus de deux volumes. Ainsi, la Miscellanea offerte en 1924 au cardinal Ehrle, qui comprenait cinq volumes, fut qualifiée par le pape lui-même de « géante » et de « record ». Record qui fut battu en 1946 par les six volumes offerts au cardinal Mercati, lui aussi ancien préfet de la Vaticane. Le professeur-ministre Amintore Fanfani reçut également six volumes (1962). Le record serait détenu par Menéndez Pidal : les quatre volumes initialement prévus en devinrent sept plus un index – la publication s’étirant sur plus de dix ans (1950-1962).
  • [58]
    Pour des exemples : Mélanges Magnol, p. I-II; Étrennes de septantaine. Travaux de linguistique et de grammaire comparée offerts à Michel Lejeune par un groupe de ses élèves, Paris, Klincksieck, 1978, préf. non pag.; Studies in Honor of Ulman…, Saint-Louis, The Classical Bulletin, 1960, p. III.
  • [59]
    Le « champion » serait Paul Oskar Kristeller avec cinq recueils de mélanges : 1975,1976 (2), 1987 (2). L’éditeur du troisième recueil notait : « c’est le savant exceptionnel qui reçoit le tribut d’un volume d’hommages »; en recevoir trois était « une distinction unique » (Cecil H. CLOUGH, « Preface », in Cultural Aspects of the Italian Renaissance. Essays in Honor of Paul Oskar Kristeller, Manchester University Press, 1976, p. IX). Dix ans plus tard, cette « triple couronne » devint quintuple.
  • [60]
    Françoise WAQUET, « Les savants face à leurs portraits ( XVIIe - XVIIIe s.)», Nouvelles de l’estampe, n° 117, juillet-août 1991, p. 22-28.
  • [61]
    Romania. Scritti offerti a Francesco Piccolo nel suo LXX compleanno, Napoli, Armanni, 1962.
  • [62]
    Successivement : Philokypos. Mélanges de philologie et d’antiquités grecques et proche-orientales dédiés à la mémoire d’Olivier Masson, Salamanque, Ediciones Universidad de Salamanca, 2000, avantpropos, non pag.; Mélanges Graux, p. XLIX; J. REVEL et J.-C. SCHMITT, art. cit., p. 9; Giuseppe Gilberto BIONDI, « Profilo di Alfredo Ghiselli », in Mnemosynum. Studi in onore di Alfredo Ghiselli, Bologna, Pàtron, 1989, p. XIV; Mélanges Ramorino, p. XIV.
  • [63]
    Mélanges Ghiselli, p. XIV. Dans un ordre d’idées voisin, je rappelle le « j’ai reculé devant ma propre mort » de M. Godelier quand on lui fit part de l’intention d’organiser un colloque en son honneur (« Introspection, rétrospections, projections », in La production du social :autour de Maurice Godelier. Colloque de Cerisy, sous la direction de Philippe DESCOLA, Jacques HAMEL et Pierre LEMONNIER, Paris, Fayard, 1999, p. 467).
  • [64]
    Mélanges Mitterand, p. 13-14; Joe VERHOEVEN, « En guise d’introduction », in Nouveaux itinéraires en droit. Hommage à François Rigaux, Bruxelles, Bruylart, 1993, p. XIX et XXII.
  • [65]
    Mélanges Fossier, p. 14; Mélanges Mitterand, p. 13-14.
  • [66]
    Mélanges Lévi-Strauss, p. VI.
  • [67]
    Préface non pag. du t. I, Florence, Olschki, 1971.
  • [68]
    Studi critici offerti da antichi discepoli a Carlo Pascal nel suo XXV anno d’insegnamento, Catania, Francesco Battiato, 1913, préf. non pag.
  • [69]
    Ces deux cas sont les plus fréquents.
  • [70]
    Les mélanges Magnol sont « l’œuvre de la seule Faculté de Toulouse » (p. II); le « volume aixois » des Mélanges Vovelle réunit « des enseignants et des chercheurs qui ont participé aux sémi-naires et colloques organisés à Aix-en-Provence par Michel Vovelle » (Aix-en-Provence, Université de Provence, 1997, p. 5-6).
  • [71]
    Les participants aux Mélanges Panofsky sont majoritairement d’anciens membres de l’Institute for Advanced Study de Princeton (Essays in Honor of Erwin Panofsky, Zurich, Buehler Buchdruck, 1960, t. I, p. VII); ceux des Hellenic Studies offered to Bernard M.W. Knox sont, tous, d’anciens « fellows » du Center for Hellenic Studies de Washington (Berlin, W. de Guyter, 1979, p. VII).
  • [72]
    Mélanges Malaurie, à paraître.
  • [73]
    Le cas de contribution demandée à un auteur ne connaissant pas le dédicataire semble extrêmement rare; c’est là le point de départ de l’article de S. G. Morley (p. 61).
  • [74]
    Robert M. HAUSER, « Preface », in Social Structure and Behavior. Essays in honor of William Hamilton Sewell, New York, Academic Press, 1983, p. XVII-XVIII.
  • [75]
    La tabula gratulatoria est le moyen d’associer à l’hommage des collègues et amis du dédicataire que la définition de l’ouvrage exclut. Alors que les Renaissance Essays in Honor of Paul Oskar Kristeller étaient limités à « des chercheurs ayant eu quelque lien avec l’université de Columbia », la tabula était le lieu où « tous les nombreux amis de Paul Kristeller, tant aux États-Unis qu’en Europe, pourraient lui exprimer leurs félicitations personnelles pour les splendides résultats de sa carrière scientifique » (New York, Columbia University Press, 1976, p. XXI). Elle permet aussi d’inclure, comme dans les Mélanges Bataillon, ceux qui « sollicités de contribuer par un article […], n’ont pu le faire à cause du délai très court et ont exprimé le désir d’être expressément associés à l’hommage » (p. 15).
  • [76]
    Mélanges Motto-Clark, p. IX.
  • [77]
    Christian DELACROIX, François DOSSE, Patrick GARCIA, Les courants historiques en France, XIXe - XXe siècle, Paris, Armand Colin, 2005, p. 177.
  • [78]
    Pour citer des termes employés par Pierre Bourdieu dans son célèbre ouvrage (Paris, Éditions de Minuit, 1984). Les mélanges auraient pu entrer dans les critères de définition.
  • [79]
    Y. M., « Which scholars have received no Festschrift ?», Romance Philology, t. 27,2,1973, p. 211-213. La guerre ruina le projet d’un volume en honneur de Mauss (Henri LÉVY-BRUHL, « In memoriam. Marcel Mauss », L’année sociologique, 1948-1949, p. 3). Le doyen Carbonnier refusa, par peu d’intérêt pour les honneurs, mélanges et distinctions (communication personnelle de Marianne Burkard). On ne sait pourquoi Kantorowicz refusa des mélanges, puis une médaille qu’à défaut, ses amis se proposaient de faire frapper en son honneur (Ralph GIESEY, « Ernst H. Kantorowicz. Scholarly Triumphs and Academic Travails in Weimar Germany and the United States », Beack Institute Year Book, 30,1985, p. 201).
  • [80]
    S. G. MORLEY, art. cit., p. 61. D’où les excuses que l’on présente à des amis et collègues du dédicataire qui, pour des raisons diverses, n’ont point été invités : « Nous présentons de sincères excuses à ceux que notre choix [a] injustement écartés… » (Mélanges Fromont, p. 26).
  • [81]
    « Quitte à parler un peu de moi – on verra que je ne pouvais guère agir autrement… », écrit F. Braudel dans la préface aux Mélanges Febvre, p. 4.
  • [82]
    On ne peut négliger, à côté d’autres motifs, une certaine vanité comme je l’ai constaté dans une étude sur la souscription (« Les souscriptions au Museum Etruscum et la diffusion de l’étruscologie au XVIIIe siècle », Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 208,1981, p. 310).
  • [83]
    Les organisateurs et les participants sont généralement issus du monde de l’université et de la recherche; il en va de même pour le gros de la tabula gratulatoria.
  • [84]
    Lucien FEBVRE, De la Revue de synthèse aux Annales. Lettres à Henri Berr,1911-1954. Éd. Gilles CANDAR et Jacqueline PLUET-DESPATIN, Paris, Fayard, 1997, p. 626.
  • [85]
    Comme il ressort des titres des Mélanges Benvéniste et Lejeune, des préfaces des Mélanges Fromont (p. 26), Jeanneau (p. XIX) et Toubert (Liber largitorius. Études d’histoire médiévale offertes à Pierre Toubert par ses élèves, Genève, Droz, 2003, p. VII); de la contribution à l’Album van Herwerden, citée n. 38.
  • [86]
    Dicti studiosus. Scritti di filologia offerti a Scevola Mariotti dai suoi allievi, Urbino, QuatroVenti, 1990, p. 8 (cit.).
  • [87]
    Mélanges Mitterand, p. 10.
  • [88]
    Jacques PHYLITIS, « Du bon usage de l’anthropologie historique du droit », in Nonagesimo anno. Mélanges en hommage à Jean Gaudemet, Paris, PUF, 1999, p. 565.
  • [89]
    Mélanges Jacob Wackernagel (Göttingen, 1923), Ugo Enrico Paoli (Gênes, 1956), Edgar Salin (Tübingen, 1962), Martin David (Leyde, 1968), Jürgen Thimme (Karlsruhe, 1983), Ferdinand B. Keulen (Zwolle, 1990).
  • [90]
    Classical Studies in Honor of William A. Oldfather, Urbana, University of Illinois Press, 1943, p. VII.
  • [91]
    Mélanges Mitterand, p. 10; H. LÉVI-BRUHL, art. cit, p. 3.
  • [92]
    Ces dernières années, la problématique du don a suscité un fort intérêt parmi les anthropologues, sociologues, économistes, philosophes et historiens. Le monde intellectuel n’a guère constitué un domaine d’application pour ces questionnements, à l’exception de quelques pages de Natalie Davis (Essai sur le don dans la France du XVIe siècle, Paris, Seuil, 2003 [éd. orig. : 2000], p. 72-78,199) et de l’ouvrage de Marcel Hénaff (Le prix de la vérité. Le don, l’argent, la philosophie, Paris, Seuil, 2002). Toutefois, ces deux auteurs, en limitant leur approche et leurs exemples aux relations maître-élève, ont opéré une réduction notable du champ d’enquête.
  • [93]
    Françoise WAQUET, Parler comme un livre. L’oralité et le savoir, Paris, Albin Michel, 2003, p. 133-143.
  • [94]
    H. LÉVI-BRUHL, art. cit, p. 3.
  • [95]
    Colloque de Cerisy. Le passage des frontières. Autour du travail de Jacques Derrida, Paris, Galilée, 1994, p. 16 (je souligne).
  • [96]
    S. G. MORLEY, art. cit., p. 67.
  • [97]
    An English Miscellany Presented to Dr Furnivall in Honour of his Seventy-Five Birthday, Oxford, Clarendon Press, 1901, p. 491-493.
  • [98]
    A. GUDEMAN, art. cit., p. 337-338.
  • [99]
    Sur ce concept, voir M. HÉNAFF, Le prix…, op. cit.
  • [100]
    La production du social : autour de Maurice Godelier…, op. cit., p. 11. Toutefois, ce volume contient, à l’instar de mélanges traditionnels, une présentation élogieuse de la personnalité à laquelle il est rendu hommage ainsi que sa bibliographie.
  • [101]
    Comme il l’a été justement noté dans l’introduction (non pag.) des Mélanges Arnaldi.

1Depuis près d’un siècle et demi, l’usage existe dans le monde universitaire d’offrir à un maître un volume d’articles rédigés en son honneur par ses élèves, ses collègues et ses amis, soit en français des « mélanges » [1]. Il en est résulté une production considérable qui n’a guère attiré l’attention des historiens en dépit de la part qu’ils ont prise à la croissance du genre. Bibliothécaires et bibliographes ont été presque les seuls à s’intéresser à ces ouvrages qui, difficiles à repérer, à cataloguer, à indexer, ont fait leur désespoir. Ils ont souligné que ces volumes n’étant point répertoriés ni dépouillés, une masse importante d’information se trouvait perdue. Les mélanges étaient « le tombeau du savoir ».

2Bibliothécaires et bibliographes ont été amenés à se prononcer sur des jugements peu flatteurs qui ont très tôt couru sur la teneur scientifique des mélanges.

3Ils ont conclu de façon mitigée :il y avait de bons mélanges, d’autres étaient moins bons, et bien des volumes étaient inégaux. C’est que les règles inhérentes au genre étaient potentiellement lourdes de conséquences fâcheuses. Un nombre de pages parfois fort limité et des délais souvent brefs amenaient les auteurs à se cantonner à des sujets mineurs, voire à donner ce qu’ils avaient sous la main pour ne pas dire des fonds de tiroir. La diffusion restreinte de ces ouvrages généralement coûteux ainsi que le peu d’écho qu’ils rencontrent habituellement dans la presse savante n’incitaient pas à placer là l’article original et novateur. Enfin, la règle de l’invitation était à l’occasion contreproductive :des auteurs qui ne pouvaient guère refuser s’en tiraient à moindres frais; les organisateurs qui avaient sollicité les textes n’avaient pas les moyens ou l’autorité de les rejeter quand ceux-ci étaient d’une grande médiocrité. S’il était excessif de dire que les mélanges « humiliaient la science », force était de constater qu’ils ne l’avaient pas toujours honorée [2].

4Qu’ils fussent ou non « une mauvaise herbe » [3], ils se sont multipliés. Des milliers de volumes ont été produits qui, pour beaucoup, quelle que soit leur qualité,« dorment » sur les rayons des bibliothèques – publiques et privées. Il y a là entre le succès massif et durable d’un type de publications et l’utilisation limitée qui en est faite, un paradoxe qui suscite l’interrogation. Ce qui m’a précisément retenue dans cet article, c’est le contraste que je voyais entre l’investissement matériel et intellectuel que représentaient des mélanges et l’usage qui était ensuite fait du recueil; tout se passait presque comme si, une fois offert, le livre ne comptait guère plus. Mutatis mutandis, je retrouvais les termes du constat qu’Antoine Prost a fait à propos des colloques qui se tiennent dans le monde des historiens. Ils sont « bien trop nombreux pour être tous honnêtes – je veux dire scientifiquement justifiés », a-t-il écrit. Après avoir épinglé certains de leurs travers, il a été amené à conclure :« Ici les enjeux véritables ne sont pas de l’ordre de la science, mais de la sociabilité professionnelle et des stratégies de pouvoir », apportant, toutefois, la nuance suivante : les « réduire […] à de simples échanges de sociabilité ou de pures stratégies de pouvoir serait rendre énigmatique leur existence même » [4].

5Pour en revenir aux mélanges et résoudre le paradoxe qu’ils posaient, il m’est apparu nécessaire de procéder à un travail descriptif afin d’identifier les caractères originaux qui ont constitué ces ouvrages collectifs en un genre. J’ai examiné un millier de mélanges relevant des sciences humaines et sociales. Cet échantillon a été réuni de façon purement empirique, principalement à partir des fonds de deux bibliothèques de Chicago – Regenstein Library et Law Library –, le libre accès aux rayonnages et le classement thématique facilitant grandement le travail. Des recherches complémentaires ont été menées à Paris, à la Bibliothèque nationale, à Sainte-Geneviève et à la Sorbonne.

6Alors que je prenais en main des volumes de mélanges, le bien-fondé de mon interrogation m’apparaissait avec évidence. Rares étaient ceux qui avaient été abondamment lus, tels les Mélanges Braudel, du moins l’exemplaire conservé à la Bibliothèque de la Sorbonne qui a été bien crayonné. Bon nombre n’avait jamais été consulté : la fiche d’emprunt placée dans le volume était vierge et la reliure neuve. Par ailleurs, en ouvrant ces volumes, j’ai trouvé des commentaires fournis par ceux-là mêmes qui les avaient organisés [5], exposant ce qui leur avait paru être le meilleur à faire afin que les mélanges disent bien ce qu’ils avaient à dire. C’étaient là autant d’indications de premier ordre sur l’économie du genre et ses enjeux.

L’INSTAURATION D’UNE TRADITION

7Je commencerai par souligner le large succès que les mélanges ont connu dans le monde universitaire. Les Symbola philologorum Bonnensium in honorem F.Ritschelii,parus en 1864 et 1867, passent pour le premier représentant d’un genre qui ne « démarra » véritablement qu’en 1877 avec la parution d’un autre monument :les Commentationes en l’honneur de Theodor Mommsen [6].

8Le développement de ce type de publication est alors rapide en Allemagne, puis ailleurs. Dès 1908, le romaniste Paul Meyer dénonçait l’« extension véritablement abusive » de ces recueils [7]. Les chiffres que l’on possède démontrent une croissance continue et soutenue. L’Internationale Bibliographie der Festschriften, première bibliographie générale rétrospective publiée par Otto Leistner en 1976, répertorie 14000 titres. Ce serait une indication basse, fort inférieure à l’estimation de 21000 titres qui a été avancée. La croissance de ces publications se serait accélérée au fil du temps.

9L’Internationale Jahresbibliographie der Festschriften (IJBF), bibliographie générale et courante qui paraît depuis 1983, enregistre un millier de titres par an.

10Le cas particulier des mélanges de droit publiés en France corrobore cette évolution générale. De moins d’un titre par an dans les années 1930, on passe à près de huit dans les années 1990; la production a encore augmenté ces dernières années avec 15 titres en 1998,14 en 1999 et 15 en 2000 [8].

11Des mélanges ont été publiés dans toutes les disciplines relevant des sciences humaines et sociales. La présence de ces recueils serait bien moindre dans les sciences dures. Il n’existe d’ailleurs pas, à ma connaissance du moins, de bibliographies qui recensent des mélanges « scientifiques ». Des volumes en hommage à un savant ont cependant été publiés. Ils relèvent plutôt de disciplines que le monde scientifique tend à considérer comme proches des sciences humaines, par exemple, la paléontologie. Ils donnent plus volontiers dans la réflexion sur la science qu’ils ne traitent de sujets de recherche. J’ignore pourquoi le genre, dès ses débuts, ne s’implanta pas plus fortement dans ce monde-là. Il est clair, par contre, que l’économie du travail scientifique et l’évolution qui a été la sienne ne favorisaient pas son développement. Dans des domaines où la science marche de plus en plus vite, le temps souvent long qui s’écoule avant la publication des mélanges rendrait ces volumes pour une bonne part obsolètes. En outre, les protocoles en vigueur et, tout particulièrement, l’arbitrage par les pairs s’accordent mal avec la logique de l’invitation qui préside aux mélanges. Enfin, la dimension fortement collective que la recherche scientifique a prise ne va pas dans le sens d’un genre qui postule un lien personnel entre auteurs et dédicataire.

12Si le genre des mélanges est né dans les universités allemandes dans le dernier tiers du XIXe siècle, on ne sait pas précisément pourquoi [9]. Faut-il lier son « invention » à un contexte festif, aux commémorations nombreuses qui eurent alors lieu pour célébrer cinquantenaires et centenaires d’institutions fondées ou refondées à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle [10] ? S’explique-t-elle par une sociologie universitaire qui a vu s’imposer, plus tôt qu’ailleurs, une professionnalisation du savoir et émerger, avec la mise en place de séminaires et d’instituts, une recherche « collective »? Ajoutons, en abondant dans le même sens, que le monde universitaire allemand vit paraître, principalement dans la période des débuts, des Festschriften en l’honneur d’un séminaire ou d’un institut [11]. Plus sujette à caution paraît l’hypothèse d’une corrélation étroite entre le développement des mélanges et l’affirmation d’un sentiment national allemand [12]. Ces recueils, il est vrai, rassemblent principalement des auteurs appartenant aux universités allemandes; toutefois, on s’est employé, très tôt – et je pense aux mélanges offerts à T.Mommsen – à réunir des contributions étrangères. C’est que tout autant que par un fort nationalisme, les décennies 1870-1914 furent marquées par un égal internationalisme qui inspira bien des entreprises intellectuelles, favorisant l’établissement de multiples réseaux dans le monde scientifique [13]. Ces nouvelles sociabilités ne jouèrent-elles pas dans le développement des mélanges en Allemagne aussi bien qu’ailleurs ?

13Ailleurs, où le genre se diffusa rapidement et abondamment. Plusieurs pays, sans arriver à la hauteur de l’Allemagne, ont été de grands producteurs de mélanges :la France, l’Italie, les États-Unis et, en rapportant le nombre des publications à la population des États, la Suisse, la Belgique, l’Autriche, les Pays-Bas. Le seul pays occidental qui ferait quelque peu exception est l’Angleterre où la production est relativement basse. Hors d’Europe, des mélanges ont été publiés en Inde, au Japon, en Amérique latine, en Afrique du Sud : on ne sait si leur nombre peu élevé correspond à la réalité – les comptages de ces livres au tirage et à la circulation généralement limités ayant été opérés dans des collections européennes et nord-américaines [14].

14On est réduit aux hypothèses pour expliquer la diffusion du genre. Les ouvrages eux-mêmes n’apportent guère d’indications. Les organisateurs des Mélanges Graux (1884), les premiers, semble-t-il, à avoir été publiés en France, n’ont donné aucune précision sur leur décision d’honorer ainsi l’érudit trop tôt disparu [15]. Des savants étrangers qui avaient contribué à des mélanges allemands se firent-ils les importateurs du genre dans leur pays ? La fascination que les universités allemandes exercèrent ne porta-t-elle pas à l’imitation ?

15Et dans le développement du genre, quel rôle les éditeurs jouèrent-ils ? Cette dernière question est loin d’être rhétorique alors qu’aujourd’hui aux États-Unis, le genre, un temps florissant, est désormais moribond, les presses universitaires ne voulant plus faire les frais de telles publications.

16Les mélanges se sont au fil du temps constitués en une tradition universitaire. Celle-ci était en France solidement ancrée dans l’immédiat après-guerre pour le moins, comme il ressort de la préface des mélanges dédiés en 1948 au doyen Magnol qui venait d’être admis à la retraite :

17

« La Faculté ne pouvait le laisser partir sans lui donner un témoignage de l’affection que lui portent tous ses collègues et de la haute estime dans laquelle ils tiennent sa personne et ses travaux; ce témoignage a pris tout naturellement la forme traditionnelle d’un volume de mélanges » [16].

18Cette tradition a perduré dans le monde universitaire. Elle devait être bien forte pour résister non seulement à la contestation et aux bouleversements institutionnels qui, depuis cinquante ans, ont emporté tant d’autres us et coutumes, mais encore aux critiques qui les ont directement visés. En France, ces critiques ont été cristallisées par la dénomination spécifique qui s’est imposée.

19« Mélanges » est un terme ambigu; il désigne aussi et d’abord un recueil d’articles qui, dus à un seul auteur, ont été publiés dans diverses revues et ne sont pas de ce fait toujours aisément accessibles. C’est aussi un terme peu heureux tant il laisse entendre « un rassemblement hasardeux d’éléments hétéroclites » [17]; le parcours lexicographique que les éditeurs des Mélanges Mitterand ont opéré montre que les valeurs attachées au terme sont « essentiellement péjoratives » [18]. Cela a conduit certains à préférer au terme de mélanges d’autres libellés [19] : les classiques Hommage à, Études offertes à ou en l’honneur de, le désuet Miscellanées ou le plus récent Autour de qui connaîtrait une certaine vogue. Changement linguistique ou pas, la tradition est demeurée. Bien plus, de jeunes universités, qui doivent « s’inventer une tradition », ont très consciemment fait leur la pratique des mélanges qui « entre de plein droit dans les canons de la coutume universitaire » [20]. Rien d’étonnant donc à ce que les mélanges soient aujourd’hui présentés comme quelque chose de « normal » ou de « naturel » [21].

20Le contraste est donc clair entre le succès durable et croissant d’une pratique – où la démographie universitaire a certainement sa part – et la circulation limitée, tant sur le plan intellectuel qu’éditorial, des publications qui en résultent.À ce point, il convient de passer de l’histoire externe des mélanges à l’examen interne des ouvrages.

« UN LIVRE DE MÉLANGES N ’A PAS D’OBJET … »

21Recueils collectifs, les mélanges diffèrent profondément d’autres publications savantes réunissant plusieurs auteurs. Ils trouvent, en effet, leur identité spécifique non tant dans un objet de recherche que dans la personne à laquelle l’ouvrage est destiné. Ce que le doyen Vedel a parfaitement énoncé en écrivant :« on dirait qu’un livre de Mélanges n’a pas d’objet, mais seulement un sujet qui est la personne que l’on veut honorer » [22]. La pertinence d’une telle remarque ressort dès les « seuils » mêmes du texte, où de multiples éléments indiquent sans ambiguïté aucune que le livre est centré sur son dédicataire [23].

22Le titre, le premier des éléments paratextuels que l’on voit, ne laisse aucun doute à ce sujet; il mentionne invariablement le nom de la personne à laquelle l’ouvrage est offert. La combinaison de base comprend un mot générique suivi du nom du dédicataire – par exemple, Mélanges Robert Aubenas (1974). Elle peut intégrer des précisions diverses, tels le titre professionnel du dédicataire, la circonstance de la publication, le collectif des auteurs, soit pour des exemples : Volume jubilaire Victor van Straelen, directeur de l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique, 1925-1954 (1954), Mélanges Alexandre Koyré publiés à l’occasion de son soixante-dixième anniversaire (1964), Festschrift für Carl Schmitt zum 70. Geburstag dargebracht von Freunden und Schülern (1959).

23Au lieu du terme générique consacré, on trouve parfois une préposition marquant la destination : For Roman Jakobson. Essays on the occasion of his Sixtieth Birthday,11 October 1956 (1956). Les titres de ce premier type focalisent l’attention sur le destinataire, ils ne disent rien du contenu de l’ouvrage. Il est vrai que des noms, par la réputation qui est la leur, laissent entendre une discipline;

24le volume dédié à Carl Schmitt allègue la science politique, le recueil offert à Roman Jakobson la linguistique. Il convient cependant de se garder de toujours opérer une déduction automatique. Les Mélanges Koyré contiennent bien dans un premier volume des contributions relevant de l’histoire des sciences; fort mêlé est le second volume, dû, comme l’indique le préfacier, « à des amis venus de toutes les rives de la spéculation philosophique, de l’histoire religieuse, des diverses sciences en devenir de l’homme ».

25Le dédicataire conserve la primauté dans des titres d’un second type qui pourtant réfèrent au contenu de l’ouvrage. Mais ces titres souvent trop vagues, trop amples ou, au contraire, trop détaillés contribuent moins à l’identité de l’ouvrage que ne le fait le dédicataire [24]. Son nom fait également la singularité du volume dans la manière fréquente qui consiste à marquer un lien étroit avec les travaux de la personne honorée : le cas de Conjoncture économique, structures sociales. Hommage à Ernest Labrousse (1974) est emblématique. Dans cet ordre d’idées, il arrive que l’on donne à des mélanges le titre d’un des écrits du destinataire : les Mélanges Raymond Aron (1971) portent le titre d’un des ses articles, Science et conscience de la société.Lestitres de mélanges disent donc souvent moins un contenu précisément identifiable – et cela n’a pas été sans compliquer le travail des bibliographes – qu’ils ne proclament le dédicataire. Bien d’autres indices pourraient être apportés en ce sens, tels l’éloge de la personne honorée – L’honnête homme et le droit. Mélanges en l’honneur de Jean-Claude Soyer (2000) – ou la transformation du nom de la personne en titre même du livre – Moussylanea. Mélanges de linguistique et de littérature anciennes offerts à Claude Moussy (1998). Enfin, l’usage qui s’est imposé de désigner les mélanges par le nom de leur dédicataire constitue la meilleure preuve de l’identification du volume à une personne.

26Dès le titre ou bien dans un liminaire, il est fréquent de trouver une mention précisant la circonstance qui a déterminé l’élaboration de l’ouvrage. Ce n’est pas une raison intellectuelle – l’intérêt ou l’opportunité présentés par un sujet de recherche – mais une raison toute personnelle étroitement liée à la biographie du dédicataire. Les mélanges marquent une date jugée importante dans la vie de la personne qui est honorée. Ils sont principalement organisés pour deux grandes occasions. La première est le départ à la retraite. La seconde est un anniversaire civil :65,70,75 ans semblent se prêter d’autant mieux à la célébration que dans certains pays, ils coïncident ou ont coïncidé avec l’âge de la retraite; on fête plus rarement les 60 ou les 80 ans et encore moins, pour des raisons évidentes, les 90 ans – d’où le titre insistant de Nonagesimo anno pour les mélanges offerts au doyen Gaudemet (1999). Le cas Benvéniste, qui reçut à 25 ans des Étrennes de linguistique (1928), est aussi exceptionnel que le talent précoce du dédicataire.

27L’anniversaire peut être celui non de la personne mais, bien plus rarement, celui d’un livre dans lequel elle s’est en quelque sorte incarnée, soit pour deux exemples diversement illustres : les Mélanges Grévisse (1966) qui célèbrent dès leur titre le « trentième anniversaire du Bon usage», et les Mélanges Braudel (1973) qui s’ouvrent sur une préface d’Ernest Labrousse portant un « toast… : Aux vingt-cinq ans de la Méditerranée». On offre aussi des mélanges pour les 25 ans d’un enseignement (Mélanges Fanfani, 1962) ou les 40 ans (Mélanges Pirenne,1926). Bien plus rarement – il n’est pas facile de tomber juste –, on fête dans le même temps plusieurs anniversaires :les mélanges offerts au géographe Philippe Arbos (1953) se proposaient une triple célébration :le 70e anniversaire de sa naissance, le 50e de son entrée dans l’Université, le 30e de sa soutenance de thèse. Ce relevé des principales circonstances qui déterminent l’organisation de mélanges montre que les ouvrages n’obéissent pas au premier chef à une nécessité scientifique, mais à des dates-clefs dans la vie professionnelle et civile d’un individu : le départ à la retraite et quelques anniversaires standard dont on a malicieusement remarqué que c’étaient toujours des chiffres ronds divisibles par 5 [25]. La personnalisation du genre est évidente dans des recueils commémorant un défunt, qu’ils soient devenus un mémorial par malchance (Mélanges Renou)

28ou qu’ils aient été décidés comme tel (Mélanges Graux). Une telle personnalisation n’est nullement démentie par les cas de mélanges ayant deux, voire trois dédicataires – un couple savant, des amis ou des collègues; tout se passe comme si ces deux ou trois dédicataires n’en faisaient qu’un, et c’est par des raisons qui n’ont guère à voir avec la science que les organisateurs justifient un volume commun [26].

29Lorsqu’on ouvre des mélanges, on y voit généralement un certain nombre d’éléments paratextuels propres à ce genre d’ouvrages : un portrait du dédicataire, un ou plusieurs textes le présentant, la bibliographie de ses travaux, la liste des souscripteurs et, éventuellement, celle des membres du comité d’honneur qui a présidé à l’organisation des mélanges. Ce sont là autant d’éléments personnalisant encore le volume.

30Les mélanges contiennent souvent un portrait du dédicataire, et ce dès les « origines » mêmes du genre. Ce portrait, généralement posé, donne avant tout une image officielle de la persona universitaire. Le décor, lorsqu’il y en a un, est volontiers un arrière-plan de livres ou bien la table de travail :l’un et l’autre sont emblématiques de la profession et leur choix est des plus légitimes. Toutefois, alors que les liminaires insistent et parfois fortement sur l’activité professorale et le talent oratoire du dédicataire, on s’étonnerait de ne trouver qu’un très petit nombre de portraits représentant le dédicataire en train d’enseigner si l’on ne se rappelait la sacralité que l’Université a reconnue au livre. Une des plus belles exceptions est le portrait plein d’enthousiasme de Maxime Rodinson en train de faire sa conférence du jeudi matin à l’EPHE [27]. Alors que ces portraits participent de l’image publique – souvent la seule, du moins avant les websites, à être quelque peu diffusée –, il ne serait pas sans intérêt de savoir comment et par qui ils ont été choisis. La géographe autrichienne Elisabeth Lichtenberger imposa pour ses mélanges (1985) un portrait rajeuni. Des photos autres que celles du dédicataire que l’on trouve – rarement, il est vrai – dans des mélanges n’en allèguent pas moins le dédicataire :que ce soit la photo du bâtiment où il a tenu son séminaire, que ce soit celle d’un lieu où il a élaboré ses travaux [28].

31Après la page de titre et l’éventuel portrait, on trouve un texte de longueur variable qui présente, suivant des modalités diverses, l’ouvrage et son dédicataire. Signé ou non, il est dû aux organisateurs ou à l’un d’eux, parfois à une autorité qui, devenue en quelque sorte le porte-parole des organisateurs et des auteurs, confère à l’hommage plus de poids [29]. Il peut porter un titre, tel que « préface », « avant-propos », « introduction », connotant simplement sa place dans l’ouvrage. Il peut être bien plus explicite et annoncer que le principal sujet du développement qui suit est le dédicataire :le texte de Fernand Braudel qui ouvre les Mélanges Febvre s’intitule « Présence de Lucien Febvre ». Ce texte prend parfois la forme d’une lettre adressée au dédicataire, manière supplémentaire de personnaliser le propos [30]. Il s’accompagne, et semble-t-il, de plus en plus, de témoignages sur le dédicataire livrés par des collègues ou d’anciens élèves [31].

32Ces textes de présentation, qu’ils soient ou non exclusivement centrés sur le dédicataire, visent à montrer – si besoin était – que les mélanges sont mérités [32]. Les raisons avancées ressortissent invariablement au statut professionnel et scientifique du dédicataire, à son talent professoral et à ses qualités humaines. Un lien est parfois explicitement marqué entre ces raisons et des preuves qui se trouvent dans le volume même – une ample bibliographie atteste la fécondité intellectuelle du dédicataire, de nombreuses contributions étrangères sa réputation internationale [33]. Ces liminaires sont l’occasion de mettre en lumière des aspects qui, échappant à ceux qui ne connaissent le dédicataire qu’à travers ses livres, justifient aussi l’hommage des mélanges tout en le personnalisant encore. Je m’en tiendrai à deux exemples. La préface aux Mélanges Vernant, après avoir évoqué l’homme et le savant, se clôt sur ces lignes :

33

« un homme ne se définit pas […] par ses origines intellectuelles les plus revendiquées, il ne se définit pas non plus par ses écrits. Beaucoup ne connaissent Vernant que comme un homme de l’écrit et leur nombre s’accroîtra inévitablement. Qu’on permette pourtant à ceux qui l’entourent et qui signent cette brève présentation de rappeler qu’il est aussi, et d’abord, un homme de la parole… » [34].

34L’auteur de la préface aux Mélanges Cupaiuolo s’attarde, lui, sur la personnalité du philologue napolitain.

35

«Pour qui a le plaisir de le connaître et de le fréquenter, Fabio Cupaiuolo n’est pas seulement le professeur, mais aussi un homme raffiné, d’une timidité presque sauvage, hostile aux mœurs parfois brutales du monde universitaire. Il n’a jamais accepté que pour faire valoir ses propres convictions, il faille taper du poing sur la table ou crier plus fort et plus méchamment que l’adversaire du moment ».

36Encore cette « image de respect et d’estime qu’il a même hors du cercle de ses élèves directs » est due « aussi et surtout à son refus total de toute forme d’arrogance et de prévarication » [35] – au passage, je me demande comment ces lignes ont été accueillies dans l’université parthénopéenne…

37Ces textes de présentation d’une personne fournissent parfois des détails liés à la vie privée du dédicataire, détails qui, à vrai dire, n’auraient guère à faire ici si l’on oubliait que les mélanges sont centrés sur une personne. Il est, çà et là, des notations sur la famille du dédicataire, son épouse, ses enfants, ses hobbies, voire son chien. Ces mentions, toutefois, demeurent rares et discrètes, sans comparaison aucune avec celles que l’on trouve dans les remerciements [36]. Il serait erroné de n’y voir que des détails anecdotiques destinés à corriger une image trop professionnelle ou à amuser la curiosité du lecteur.

38Le préfacier aux Mélanges Jeanneau, après avoir rappelé le goût de ce professeur de droit public pour « les choses de l’art », son œuvre de peintre et de restauration d’une vieille demeure, poursuit : « il renforce là vraisemblablement l’équilibre qui ressort dans ses opinions, ses actes et ses écrits… » [37].

39Je n’insisterai guère sur la bibliographie du dédicataire qui figure le plus souvent dans les mélanges si ce n’est pour souligner, une fois encore, que cet élément participe très directement à la personnalisation du genre. La liste des travaux du dédicataire donne à voir une vie de recherche plus qu’elle n’est la bibliographie d’un sujet – lorsqu’il y en a un. Dans cette perspective, il arrive que la bibliographie mentionne les conférences données par le dédicataire (Mélanges Kristeller, 1976) et qu’elle fasse état de son activité professorale, en répertoriant les préfaces à des thèses soutenues sous sa direction (Mélanges Fromont, 2001), voire les thèses elles-mêmes (Mélanges Ankun, 1995).

40Je reviendrai plus loin sur deux autres éléments paratextuels qui contribuent à la physionomie des mélanges : le comité de patronage ou d’honneur et la tabula gratulatoria. Le premier est loin de figurer dans tous les mélanges – peut-être parce qu’il n’en y a point toujours eu. La tabula gratulatoria, placée tantôt dans les liminaires, tantôt à la fin du volume, donne la liste de ceux qui ont contribué financièrement à la publication de l’ouvrage et donc à la réalisation de l’hommage. Je ne m’attarderai pas sur l’ordre de la souscription le plus souvent alphabétique et unique, parfois distinguant les individus et les institutions. Rarissimes sont les pratiques qui consistent à placer les souscripteurs dans l’ordre chronologique de leur souscription (Mélanges Rodinson, 1982), à affecter d’un signe ceux qui ont fait un don plus important (Mélanges Ehrle, 1924), à énumérer à part les élèves (Mélanges A. De Stefano,1956); on verra là des marques particulières de la relation à une personne.

41Ayant franchi « les seuils » de l’ouvrage, j’en arrive aux contributions mêmes qui, réunies en l’honneur du dédicataire, l’allèguent bien plus directement que le titre des volumes ne le laisserait toujours entendre. Des mélanges contiennent des écrits inédits ou non du dédicataire – un seul, quelques-uns, beaucoup, soit pour trois exemples : l’exposé de sa soutenance de thèse que Maxime Rodinson donna à la demande des organisateurs; les brèves contributions que Marcel Durry plaça dans chacune des quatre sections du volume en son honneur; les quelque 400 pages d’articles que François Crouzet « a souhaité rééditer » et qui constituent plus de la moitié du recueil qui lui fut offert [38].

42Cette pratique est rare. Les mélanges rassemblent généralement des textes d’autrui. Ils ne renvoient pas moins au dédicataire. Parfois très directement. Il fut par le passé un usage aujourd’hui, semble-t-il, disparu, usage plus fréquent dans le monde germanique et aux Pays-Bas, qui consistait à accompagner la contribution d’un envoi personnel – « Reçois avec bienveillance, maître vénérable, ces notes… », commence l’une d’elles  [39]. De même, la pratique d’inclure un ou plusieurs poèmes en l’honneur du dédicataire s’est perdue au fil du temps [40].

43Les contributions qui prennent la forme d’articles d’autrui allèguent néanmoins le dédicataire, et en de multiples façons. Des citations, parfois nombreuses, sont faites de ses œuvres. La plupart des articles du premier tome des mélanges Braudel – intitulé, il est vrai :Histoire économique du monde méditerranéen – renvoient au maître livre. Dans bien des cas, les mélanges rassemblent des textes dont les organisateurs expliquent qu’ils correspondent très directement aux intérêts intellectuels du dédicataire, à ses « thèmes de prédilection » (Mélanges Gaudemet, 1999), au « questionnaire peu à peu construit » par lui (Mélanges Delumeau,1997), à « un concept central » dans son œuvre intellectuelle et sa vie professionnelle (Mélanges Natalie Davis,1993), voire tout bonnement à un projet formé par lui (Mélanges Mousnier,1981).

44Des mélanges moins thématiques et embrassant de vastes perspectives, tels ceux offerts à Robert Merton, renvoient tout autant à la personne honorée : « Si les contributions couvrent un très large territoire sociologique, ce n’est qu’un tribut à la propre ampleur de vue et de pensée de Merton » [41]. Le dédicataire justifie également la variété et la diversité des contributions. Il est alors le lien fédérant des textes qui sembleraient ne pas avoir d’unité – « La disparate n’est que superficielle, tant court tout au long de ces travaux le fil d’Ariane de la pensée magistrale », lit-on dans la préface des Mélanges Leroi-Gourhan [42]. Il explique – par ses multiples intérêts ou sa personnalité – un volume quelque peu bariolé.« Le livre, dans sa non homogénéité de thèmes et d’époques », soulignent les éditeurs du volume en l’honneur du médiéviste italien Girolamo Arnaldi,« ressemble à la personne fêtée qui n’a jamais voulu se renfermer dans un seul sujet de recherche et qui n’a jamais voulu imposer aux autres de strictes obligations dans la recherche » [43].

45Le dédicataire qui justifie tant l’unité que la variété des textes, est à l’occasion le principe organisateur du volume. Ainsi, dans les Mélanges Duverger, « les contributions sont […] spontanément distribuées suivant les trois domaines essentiels dans lesquels le dédicataire a tracé la voie : le droit, les institutions et les systèmes politiques » [44]. Le dédicataire devient même l’ultime recours quand il s’est agi, comme dans les Mélanges Lévi-Strauss,« d’articuler les unes aux autres des études dont le seul rapprochement faisait ressortir l’hétérogénéité ». Et les organisateurs de sortir de leur embarras avoué – « ce n’était pas si facile » – en utilisant l’œuvre du maître comme « modèle et instrument de classement », autrement dit en prenant les titres de ses livres comme têtes de chapitre du volume; solution dont j’ai trouvé d’autres exemples, mais qui ici est expliquée – de façon quelque peu emberlificotée – en recourant aux totems et au structuralisme [45]. L’absence totale de classement ainsi que des classements qui reposent sur l’ordre alphabétique des auteurs, l’ordre d’arrivée des textes ou un ordre chronologique approximatif [46] démentent tout caractère organique pour des volumes qui ne trouvent leur légitimité que dans la personne à laquelle ils sont dédiés. Comme on l’a observé, ce qui, dans bien des recueils, lie les études entre elles, c’est « l’autel commun sur lequel ces divers tributs sont déposés » [47].

46Les critiques faites aux mélanges, critiques où entrent aussi des exigences éditoriales, ont conduit à l’élaboration de « produits » différents du recueil traditionnel de varia sparsa. Des volumes ont été organisés autour d’un thème plus ou moins circonscrit, et le souci s’est manifesté de faire « un livre », un « vrai livre »,« un ouvrage rigoureux »,« un livre aussi construit, aussi cohérent que possible ». Ces anti-mélanges – « ceci n’est pas un volume de mélanges », écrivent J.-C. Schmitt et J. Revel dans l’introduction à l’ouvrage offert à Jacques Le Goff – ne référent pas moins au dédicataire. Non tant, pour en rester à cet exemple, parce qu’il contient des éléments biographiques classiques (avec notamment un portrait intellectuel du dédicataire par le biais original de l’histoire de son séminaire, et la bibliographie de ses œuvres), mais parce qu’il a été « souhaité à l’image de celui auquel nous le destinions » [48].

D’UNE LOGIQUE DE LA CÉLÉBRATION À UNE ÉCONOMIE DU DON

47« Traditionnels » ou non, les mélanges trouvent leur cohérence dans le dédicataire. Il est le « sujet » de ces volumes qui parlent de lui et fort élogieusement. Les mélanges s’inscrivent dans une logique de la célébration. Elle est évidente dès le titre mentionnant volontiers les mots « hommage »,« honneur ».

48Elle ressort clairement d’intitulés imagés, tel ce Serta Turyniana (« couronnes turyniennes ») couronnant le paléographe Alexandre Turyn; et l’éditeur de filer la métaphore en présentant les quatre sections du volume comme autant de « guirlandes d’éloges » [49]. Le sous-titre Defamatory Essays que McCawley et ses amis donnèrent à leur pastiche du genre visait précisément le parti laudatif inhérent aux mélanges.

49Des éléments paratextuels ne semblent là que pour célébrer le dédicataire, à commencer par le bien nommé comité d’honneur. Il est généralement composé de personnes d’importance qui, par leurs fonctions, leur notoriété ou leur talent, font « honneur » au dédicataire. Il y aurait, selon moi, une perte de sens dans des comités pléthoriques où le propos majeur semble avoir été de n’oublier et ne froisser personne : le comité d’honneur des Mélanges Besnier (1980) comprend 32 personnes individuellement nommées ainsi que « tous les professeurs et maîtres-assistants de la section d’histoire des institutions de l’Université de droit, d’économie et des sciences sociales de Paris ».

50Les liminaires visent à une présentation élogieuse du dédicataire. Au point que leur absence dans les Mélanges Carl Schmitt fut jugée « surprenante » et, paradoxalement, révélant ce que l’on voulait dissimuler, c’est-à-dire son passé nazi [50]. Ces textes, on l’a vu, exposent les raisons multiples qui tenant à la carrière, à l’œuvre, à la personne du dédicataire, justifient les mélanges, très précisément font, comme l’écrit le préfacier des Mélanges Moussy, qu’« il ne pouvait pas ne pas y avoir d’Hommages à Claude MOUSSY » [51]. Certains ont vu le risque qu’il y avait là de tomber dans « l’hommage de type académique », voire de « sombrer dans l’hagiographie ou la fourberie »; ils assurent s’être gardés de la louange et du panégyrique et, bien sûr, de la flagornerie, et s’en être tenus à « ce que l’histoire enseigne » [52].

51Une même note flatteuse se trouve parfois, quoique plus rarement, dans les articles mêmes. Des auteurs introduisent dans leurs textes des compliments à l’adresse du dédicataire [53], voire consacrent quelques lignes à un éloge. La contribution de Pierre Chaunu aux Mélanges Saunier-Seïté est précédée d’un « chapeau » imprimé en italiques où l’on peut lire : « Alice Saunier-Seïté fut pour les universitaires de ma génération […] le ministre, notre ministre des Universités. Comme elle, il n’y en a pas eu et il n’y en aura plus d’autre… » [54].

52Dans ces liminaires, les dédicataires sont présentés comme possédant, et à leur meilleur, les qualités intellectuelles, professionnelles et morales du savant profond et novateur, de l’administrateur avisé et dévoué, du professeur captivant et généreux, de l’homme de cœur, bon collègue et ami. Titres, honneurs, médailles et autres distinctions scandent une carrière volontiers présentée comme « toute droite » [55]. Science et talent, persévérance et invention, brillant et modestie, dévouement et générosité, le plus souvent au superlatif, dessinent une image splendide qui brille encore des mille feux d’une renommée qui s’est imposée « au-dehors comme au-dedans » [56]. Les mélanges apparaissent donc comme une récompense logique et un ultime couronnement.

53L’hommage est souvent de poids. À l’encontre d’une logique éditoriale strictement économique, les volumes sont généralement gros. Ils donnent parfois dans les grands formats et sont alourdis de planches et de dépliants : je pense tout particulièrement aux presque insoulevables Mélanges David Moore Robinson (1951), van Straelen (1954), Panofsky (1960). Sans être aussi monumentaux, des recueils dépassent facilement les 500 pages, atteignent les 1000, et les exemples ne manquent pas de publications en deux volumes [57]. Tout se passe comme si, par une loi tacite du genre, le poids de l’ouvrage entrait dans l’hommage. Cela ressort des justifications que des éditeurs ont senti le besoin d’apporter pour des volumes que l’on aurait voulu plus lourds ou que l’on jugeait trop minces [58]. En outre, il est des savants qui ont reçu des mélanges à plusieurs reprises [59].

54Les mélanges contiennent souvent un portrait du dédicataire. Ils ont repris en cela un usage qui s’était instauré dans l’édition savante au XVIIe siècle, n’en conservant cependant que la fonction mémoriale et célébrative [60]. Ces portraits privilégient, on l’a vu, une image officielle, conforme à la dignité attendue de celui qui reçoit cet honneur. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne trouve pas de portraits familiers, tel celui du philologue italien Francesco Piccolo saisi dans l’art d’être grand-père [61], voire fantaisistes avec, par exemple, la photo de « Pierre le cuisinier » qui, dans les Mélanges Widemer, représentant le constitutionnaliste suisse aux fourneaux, annonce en fait le sujet du recueil – Droit et gastronomie (2003). La dominante reste cependant à la gravité parfois souriante. Cette impression est encore accrue par l’uniformité de la mise – volontiers un costume strict –, quand ce n’est pas l’habit de membre de l’Institut comme V.-L.Tapié, ou la toge et les décorations comme un certain nombre de professeurs de droit. Dans ces portraits, le regard est parfois fixé sur le lointain (Maurice Duverger, Fernand Braudel, Marcel Waline, etc.) – l’éternité, l’immortalité. Cette pose ressortit à l’essence des mélanges présentés à l’enseigne d’un mémorial. « Ils prolongent la présence d’un être cher »; ils sont un « monument intellectuel […] défendant contre l’oubli la mémoire » d’un savant; ils sont « comme le garant d’une sorte de durée académique imprescriptible et rassurante »; bref, ils sont un « petit morceau d’éternité » [62].

55Pour autant, il ne s’agit pas de précipiter dans la tombe ceux auxquels on promet l’immortalité. Les éditeurs multiplient les paroles rassurantes – à la perspective de mélanges, certains se sont vus morts [63], et les exemples ne manquent de recueils devenus posthumes. Ils soulignent que les mélanges ne sont pas « un rituel d’arrivée », que « le temps de l’hommage [n’est pas] l’heure des bilans au parfum de funérailles », bref, que « ce n’est pas le moment de clore » [64].

56Ils terminent volontiers en adressant des vœux de longue vie au dédicataire – ad multos annos! Plus encore, ils évoquent la nouvelle ère qui s’ouvre : de nombreuses années de recherche, une retraite féconde à l’enseigne de « l’oisiveté active », voire une autre carrière [65]. On fait bien moins de vœux pour les mélanges mêmes qui, suivant une juste remarque, « semblent se refermer sur l’homme à qui ils sont dédiés » [66]. La Bibliografia dell’età del Risorgimento qui constitue les Mélanges Ghisalberti, est l’exemple – rare – du contraire : elle était « idéalement offerte à tous ceux qui […] sont destinés à aller plus loin » [67].

57L’hommage qui est rendu dans les mélanges est un hommage « impersonnel » [68], dans le sens qu’il n’est pas celui d’un individu mais d’une communauté. Celle-ci est tantôt générique : les élèves, collègues et amis, comme il est indiqué dans bien des titres. Elle est tantôt précisément circonscrite aux seuls élèves, aux collègues du même pays et à l’étranger [69], aux représentants d’une seule université [70], aux anciens membres d’un institut [71], aux professeurs de droit reçus aux concours de l’agrégation que le dédicataire a présidés [72], etc.

58Ces groupes aux configurations variables rassemblent des personnes qui ne se connaissent pas nécessairement toutes entre elles, mais qui, toutes, sont unies au dédicataire par un lien d’ordre professionnel, amical ou idéologique [73]. Les mélanges sont l’œuvre de communautés idéales qui ont été assemblées – et là les volumes ne fournissent pas de réponse à la question première du choix des contributeurs :par qui ? – comme offrant le témoignage le meilleur de l’influence, de la notoriété, de l’importance du dédicataire. Cela a été le but déclaré des organisateurs des mélanges offerts à un éminent socio-logue américain :« révéler un réseau d’influence dans la communauté scientifique », « suivre les voies de l’influence » d’un « leader » dans une discipline [74].

59Le réseau du dédicataire se donne à voir sur un autre mode dans la tabula gratulatoria. Elle rassemble ceux qui écrivant ou non un article – qu’on ne le leur ait pas demandé ou qu’ils n’aient pas pu le faire [75] –, s’associent à l’hommage par une contribution financière. Sa longueur fait sens au point que des éditeurs ont senti le besoin de justifier une table fort courte [76]. L’approche nécessairement globale qui est ici la mienne, devrait se prolonger par des micro-analyses afin de dégager une typologie des réseaux (en pointant aussi les absences) ainsi que des pratiques de service (collaborations multiples, organisation de mélanges, rédaction de préfaces, etc.); ces études permettraient aussi de déterminer des aires géographiques d’influence, sur le modèle de la comparaison qui a été faite entre les Mélanges Febvre centrés sur l’hexagone et les Mélanges Braudel traduisant un rayonnement international [77].

60Les mélanges disent à la fois le « pouvoir universitaire », « le pouvoir et le prestige scientifiques » et « la notoriété intellectuelle » de l’homo academicus[78].

61Au point que l’on s’étonne que des autorités n’aient point reçu de mélanges.

62Des difficultés financières, les guerres, une mort prématurée ruinèrent des projets. Des savants solitaires n’avaient point l’entourage d’assistants et d’élèves d’où part souvent l’initiative. Certains, enfin, opposèrent un refus déterminé parfois par de la modestie, parfois par leur mépris pour un genre qu’ils jugeaient peu honorable [79].

63Les mélanges célèbrent non seulement le dédicataire mais encore ceux qui y contribuent. Les auteurs des articles sont autant flattés d’être invités qu’ils sont froissés quand ils ne le sont point [80]. Les organisateurs et préfaciers ne peuvent pas, quand ils présentent un dédicataire qu’ils ont côtoyé, ne pas parler d’eux-mêmes [81]; par la force des choses, ils se trouvent « englobés » dans les éloges qu’ils sont amenés à écrire. Quant aux souscripteurs, quel que soit le ressort de leur geste, ils se trouvent publiquement associés à une entreprise prestigieuse et voient leurs noms placés en bonne compagnie [82].

64Les mélanges ressortissent donc à des jeux de pouvoir multiples, et dans la logique de célébration qui est la leur, ils donnent à voir une communauté essentiellement professionnelle [83]. Toutefois, s’en tenir là, ce serait, pour reprendre les mots d’Antoine Prost, « rendre énigmatique leur existence même ».

65À ce point, il importe de considérer la nature première des mélanges – ce qui amènera à lever l’énigme tout en jetant un autre éclairage sur le champ intellectuel. Les mélanges diffèrent profondément des autres ouvrages, collectifs et non, publiés dans le monde savant. Ils sont « offerts », comme il l’est expressément indiqué dans bien des titres et encore plus dans des liminaires.

66Ce sont des cadeaux. « Vous m’offrez un cadeau », aurait dit Lucien Febvre à ses amis à propos de ses mélanges [84]. Les synonymes « étrennes » et « présent » sont employés pour qualifier ces ouvrages, aussi bien que les équivalents latins donum, munusculum, xenia[85]. D’où le secret qui entoure parfois leur préparation :tout se passe à l’insu du dédicataire ou, pour le moins, celui-ci fait semblant de n’en rien savoir. Il faut ménager la « surprise [qui], suivant la bonne tradition, est un élément caractéristique du don » [86].

67Offrir des mélanges, c’est faire un don ou, plus précisément, un contre-don. Les Miscellanées offertes à Henri Mitterand sont « un contre-don de recherche » [87]. Un participant aux Mélanges Gaudemet introduit sa contribution en ces termes : « Les lignes qui suivent se veulent […] d’abord la rétribution d’une dette :au sens quasi anthropologique du terme, un acte tardif, trop tardif, d’humble contre-don » [88]. Le mot grec Antidoron [contre-don] a servi plusieurs fois de titre [89], et il a paru des plus pertinents pour qualifier le recueil offert à un « classical scholar » [90]. Les mélanges ont même été présentés comme « une sorte de potlatch » [91].

68Ces recueils sont donc le moyen de dire merci à un maître, un collègue ou un ami pour ce que ceux-ci ont enseigné ou apporté. Parlant de don et de dette, de reçu et de rendu, ils démontrent que, dans un monde du savoir soumis à l’économie de marché, il est des activités et des comportements qui sont fondés sur le don [92]. Ici, tout ne se vend pas. La communication du savoir – et à son plus haut niveau – fonctionne largement sur le mode du don; bien des connaissances sont transmises gracieusement, par exemple, dans ces multiples conversations informelles qui constituent une dimension majeure de la vie savante [93]. Les mélanges sont le présent en retour qu’une communauté fait à celui qui a donné, voire « tout donné de lui-même » [94]. Ils sont au niveau collectif l’expression de sentiments de gratitude, d’admiration, d’attachement, d’affection que l’on trouve au niveau individuel dans les remerciements placés dans les livres et articles. Don et contre-don allèguent dans l’Université un mode relationnel qui fait intervenir une composante généreuse. Que le don soit pur ou intéressé ne change rien à l’affaire. Ce qui importe, c’est que le don soit perçu comme tel. Ainsi, l’organisatrice d’un colloque « autour de Jacques Derrida » a exprimé sa « gratitude » envers celui qui durant dix jours a su «donner sans mesure son travail, son temps, sa confiance, son amitié », celui qui, pourtant, a déconstruit le don au point de lui dénier toute réalité [95].

69Avec les mélanges, le don en retour prend la forme d’un recueil d’articles des disciples, collègues et amis du dédicataire. En dépit de bien des critiques, cette forme a perduré. Pourquoi ? N’y avait-il pas de meilleur moyen pour exprimer collectivement des sentiments de gratitude, d’admiration, d’attachement, d’affection ? On a bien pensé à des cadeaux d’un autre genre, telle une montre, et dans les années 1920, un savant italien reçut une épée [96].

70Cependant, le monde intellectuel en est resté à ce en quoi il se reconnaît : le livre, ce livre qu’il a aussi sacralisé. Si le Dr Furnivall reçut en 1901 un canot, c’était un cadeau « personnel » qui s’accompagna de l’hommage « public » d’une Miscellany[97]. Il est arrivé que l’on offre de l’argent. Cela s’est produit dans l’Allemagne des années 1920. Des savants reçurent le produit de collectes que leurs amis, collègues et disciples avaient faites pour leur permettre de publier des travaux à leur convenance, à commencer par les leurs [98]. Une fois la crise passée, cette solution a disparu; n’y avait-il pas quelque inconvenance à mêler l’argent au savoir qui est du « hors-de-prix » [99] ? Un moyen de rendre hommage à un savant a été d’organiser une réunion en son honneur.

71Cela correspond soit au peu de goût de cette personne pour les mélanges, soit, comme c’est le cas aujourd’hui aux États-Unis, au refus des presses universitaires de se charger de tels recueils. Le défaut de cette pratique est qu’il ne reste aucune trace de l’hommage. Il arrive toutefois que la réunion qui a pris la forme d’un colloque se poursuit par la publication d’un volume qui ne se veut pas « une Festschrift au sens ordinaire du terme » [100]. L’ouvrage ne diffère alors guère de mélanges thématiques ou de recueils organiques :il en partage les avantages intellectuels et éditoriaux, mais il a l’inconvénient, majeur dans le cadre d’une économie du don, d’opérer des exclusions parmi tous ceux qui portent amitié et estime à la personne honorée. Enfin, un livre de mélanges a pu prendre la forme non d’un recueil de contributions d’autrui, mais de la réédition d’articles de l’auteur. Cette solution qui a son intérêt intellectuel, voire éditorial, est insatisfaisante du point de vue symbolique; elle réduit le contre-don à un apport financier. Ces différentes formes d’hommage font ressortir la pertinence des mélanges traditionnels :un livre collectif qui est la trace durable d’une célébration et l’expression de l’offrande d’une communauté forcément hétérogène. Elles en expliquent aussi le succès.

72Ce cadeau éloquent que sont les mélanges n’est toutefois qu’un élément dans un rituel festif plus ample culminant dans une cérémonie où, parfois pourvus d’une reliure précieuse, ils sont remis au dédicataire. On ne conserve guère de traces de ces cérémonies; on ne saurait cependant en faire abstraction dans l’économie du genre. Je me permettrai d’évoquer un souvenir personnel. J’ai assisté il y a plusieurs années à une remise de mélanges où, l’ouvrage n’ayant pas été imprimé à temps, un coffret avait été confectionné. Le secret fut gardé, et tout se passa comme si le coffret était l’ouvrage. Des autorités le présentèrent avec les éloges habituels. Le dédicataire le reçut avec l’émotion et la modestie de circonstance, remerciant tous ceux, présents et absents, qui s’étaient associés à l’hommage. On se garda bien d’ouvrir l’élégante boîte. Mais ouvre-t-on et lit-on l’ouvrage dans ces cérémonies-là ? Au mieux, on parcourt la liste de ceux qui ont contribué à la publication et on admire la qualité de l’impression. L’ouvrage fonctionne comme le coffret; son existence et sa beauté comptent plus que sa « bonté ». Les mélanges n’auraient-ils donc pas pour raison première d’être remis, c’est-à-dire mis dans les mains de leur dédicataire afin de l’honorer et de lui dire, lors d’une manifestation publique et solennelle, ce que « par routine ou par pudeur, on n’a jamais su exprimer » [101] ? Alors, les articles qu’ils contiennent peuvent fort bien ne jamais être lus.

Notes

  • [1]
    Je remercie vivement ceux qui m’ont aidée dans l’élaboration de cet article, tout particulièrement, Perry Anderson, Kathleen et Michael Conzen, Françoise Jouffroy, Gilles Pécout, Alain Supiot.
  • [2]
    Je mentionne ici les articles les plus substantiels. R. PICK, « Some Thoughts on Festchriften and a Projected Subject Index », German Life and Letters, t. 12,1959, p. 204-210 (cit. p. 204); Dorothy ROUNDS, « The Past and the Future of the Festschrift », in Articles on Antiquity in Festschriften, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1962, p. 551-560; Lilly Melchior ROBERTS, « The Importance of Legal Festschriften for Work in International and Comparative Law », American Journal of Comparative Law, t. 11,1962, p. 403-411; EAD., « Legal Festschriften », Law Library Journal, t. 56, 1963, p. 47-60; J. PERIAM DANTON et Jane F. PULIS, Index to Festschriften in Librarianship, 1867-1975, Munich, Bowker, 1979, p. XII-XIX. J’ai tiré d’utiles informations de S. G. MORLEY, « The Development of the Homage-Volume », Philological Quartlerly, t. VIII, 1929, p. 61-68 (cit., p. 67), d’Alfred GUDEMAN, « The Homage-Volume Once More », ibid., p. 335-338, d’Alessandro OLSCHKI, « Le « Miscellanee in onore »: considerazioni di un editore », La Bibliofilia, LXXXIII/3,1981, p. 263-266, de Frédéric ROLIN, « Les principes généraux gouvernant l’élaboration des volumes de Mélanges. Contribution à l’étude de la littérature mélangiale juridique », in Les mutations contemporaines du droit public. Mélanges en l’honneur de Benoît Jeanneau, Paris, Dalloz, 2002, p. 221-234. Les références des mélanges, données complètes à la première occurrence, sont ensuite abrégées en Mélanges suivi du nom du dédicataire.
  • [3]
    S. G. MORLEY, art. cit., p. 67.
  • [4]
    Antoine PROST, Douze leçons sur l’histoire, Paris, Points-Seuil, 1996, p. 51 et 52.
  • [5]
    Au besoin, en regardant comment d’autres avant eux avaient procédé; pour un exemple, « L’échantillon de Festchriften que nous avons pris… » Lewis A. COSER (« Preface », in The Idea of Social Structure. Papers in honor of Robert K. Merton, New York, H. B. Jovanovich, 1975, non pag.).
  • [6]
    Le premier ouvrage se compose de deux fascicules de quelque 860 pages comprenant 44 contributions; le second compte dans ses 828 pages 68 contributions de savants allemands, mais aussi français (1), anglais (1) et italiens (12).
  • [7]
    À l’occasion d’un compte-rendu publié dans Romania, t. 37,1908, p. 626.
  • [8]
    J. PERIAM DANTON et J. F. PULIS, Index…, op.cit., p. XII, XIII, XVII; Frédéric ROLIN, « Préface », in Xavier DUPRÉ DE BOULOIS, Bibliographie des mélanges, droit français, Paris, La Mémoire du droit, 2001, p. 11.
  • [9]
    Sans grandes preuves, on a fait remonter les mélanges aux « raccolte » italiennes des XVIIe et XVIIIe siècle S, voire aux Miscellanea de Politien.
  • [10]
    Christophe CHARLE, « Les universités germaniques. Du mythe fondateur à l’histoire sociale », Histoire de l’éducation, 62, mai 1994, p. 10-11.
  • [11]
    F. ROLIN, « Les principes… », art. cit., p. 223; D. ROUNDS, art. cit., p. 555.
  • [12]
    F. ROLIN, « Les principes… », art. cit., p. 223-224.
  • [13]
    Anne RASMUSSEN, « L’Internationale scientifique (1890-1914)», thèse de doctorat d’histoire, Paris, EHESS, 1995.
  • [14]
    D. ROUNDS, art. cit., p. 555; J. PERIAM DANTON et J. F. PULIS, Index…, op.cit., p. XII et XVII; L. M. ROBERTS, « Legal Festschriften », art. cit., p. 51 et 59.
  • [15]
    Mélanges Graux. Recueil de travaux d’érudition classique dédié à la mémoire de Charles Graux…, Paris, Ernest Thorin, 1884, LVI-823 p. Cet ouvrage permet de repousser de plus de dix ans la datation donnée par le TLF qui voit dans les Mélanges Julien Havet (1895) la première occurrence du genre.
  • [16]
    Jacques MAURY, doyen de la Faculté de droit de Toulouse, « Préface » aux Mélanges dédiés à M. le professeur Joseph Magnol, doyen honoraire de la Faculté de droit de Toulouse, Paris, Recueil Sirey, 1948, p. I (je souligne).
  • [17]
    G. VEDEL, « Préface », Droit et politique à la croisée des cultures. Mélanges Philippe Ardant, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1999, p. VI.
  • [18]
    Philippe HAMON, Jean-Pierre LEDUC-ADINE, « Avant-propos », in Mimesis et Simiosis. Littérature et représentation. Miscellanées offertes à Henri Mitterand, Paris, Nathan, 1992, p. 13.
  • [19]
    Fort rarement le terme de mélanges est jugé « excellemment choisi » (Moussylanea. Mélanges de linguistique et de littératures anciennes offerts à Claude Moussy, Paris, Louvain, Peeters, 1998, p. V).
  • [20]
    C’est ce qu’expose le recteur de l’université de Vérone (fondée en 1982) dans sa préface (p. VII) aux Studi di storia per Luigi Ambrosoli, Vérone, Cierre, 1993.
  • [21]
    Voir, successivement, Studi sul medioevo per Girolamo Arnaldi, Rome, Viella, 2000, introd. non pag.; Collectio Juris romani.Études dédiées à Hans Ankun à l’occasion de son 65e anniversaire, Amsterdam, J. C. Gieben, 1995, t. I, p. III; Mélanges Gérald-A.Beaudouin :les défis du constitutionnalisme, Cowansville, Québec, Éditions Y. Blais, 2002, p. IX; Per Marino Berengo. Studi degli allievi, Milan, Franco Angeli, 2000, p. 9.
  • [22]
    G. VEDEL, « Préface » aux Mélanges Ardant, p. V.
  • [23]
    Les analyses qui suivent ressortissent à la problématique fonctionnelle posée par Gérard GENETTE dans Seuils, Paris, Seuil, 1987. Alors que les réalités que j’évoque dans cet article sont familières au lecteur, je m’en tiendrai à quelques exemples.
  • [24]
    Je pense à des titres vagues qui indiquent une discipline (Mélanges géographiques offerts à Philippe Arbos, 1953) ou une sous-discipline (Mélanges René Chapus. Droit administratif, 1992), qui pourraient sans peine s’appliquer à d’autres contenus (Échanges et communications. Mélanges offerts à Claude Lévi-Strauss, 1970), ou qui, trop détaillés, sont difficilement mémorisables, du moins, dans leur exactitude (Invention of Physical Science. Intersection of Mathematics, Theology and Natural Philosophy since the Seventeenth Century. Essays in Honor of Erwin N. Hiebert, 1992).
  • [25]
    Dans l’introduction au pastiche du genre que sont les Studies out in Left Field. Defamatory Essays Presented to James D.McCawley on the Occasion of his 33rd or 34th Birthday, Edmonton, Linguistic Research, 1971, p. VII.
  • [26]
    Voir par exemple Harvard Legal Essays. Written in Honor of Joseph Henry Beale and Samuel Williston, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1934; Studi in onore di Aristide Calderini e Roberto Parribeni, Milan, Ceschina, 1956; Veritatis amicitiae causa. Essays in honor of Anna Lydia Motto and John R. Clark,Wauconda, Il., Bolchazy-Carducci Publishers, 1999; Mémoire pour demain. Mélanges en l’honneur de Albert Ronsin, Gérard Thirion, Guy Vaucel, Laxou, Groupe lorrain de l’Association française des bibliothécaires français, 1995.
  • [27]
    Dans les Mélanges linguistiques, Paris, G. Geuthner, 1985.
  • [28]
    Sodalitas Florhofiana. Festgabe für Professor Heinz Haffter zum fünfundsechzigsten Geburstag am 1 Juni 1970, Zurich, Juris-Verlag, 1970 (photo du bâtiment du séminaire de philologie classique de l’université de Zurich); Hommage à Lucien Febvre. Éventail de l’histoire vivante offert par l’amitié d’historiens, linguistes, géographes, économistes, sociologues, ethnologues, Paris, A. Colin, 1953, t. I (deux portraits de Febvre à sa table de travail dans son appartement parisien de la rue du Val-de-Grâce et deux photos de sa demeure provinciale, donnant à voir les deux lieux, le Val et le Souget, où, comme l’explicite Braudel dans la préface, Febvre a conçu ses travaux).
  • [29]
    Ainsi, les camarades de Benvéniste demandèrent à l’illustre Meillet de présenter les Étrennes de linguistique qu’ils lui offraient (Paris, Librairie orientaliste P. Geuthner, 1928, p. VII).
  • [30]
    Pour des exemples : Recueil de mémoires philologiques présentés à Monsieur Gaston Paris… par ses élèves suédois…, Stochkolm, Imprimerie centrale, 1889, non pag.; Hommage à Martial Guéroult…, Paris, Fischbacher, 1964, non pag.; Campagnes médiévales :l’homme et son espace. Études offertes à Robert Fossier, Paris, Publications de la Sorbonne, 1995, p. 13-14. J’ai relevé un exemple de formule d’appel familière – « Caro Nino » – pour une préface qui est aussi le témoignage d’un ami (Miscellanea Augusto Campana, Padova, Antenore, 1981, t. I, non pag.).
  • [31]
    Ce sont le plus souvent des textes autonomes. Ils sont parfois inclus dans l’introduction, illustrant des affirmations qui y sont contenues (voir, par exemple, l’introduction de Katia DE QUEIROS MATTOSO à l’Hommage à François Crouzet. L’Angleterre et le monde, XVIIIe - XXe siècle. L’histoire entre l’économique et l’imaginaire, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 19-20).
  • [32]
    « Que Michel Fromont mérite ces Mélanges, cela ne peut être sérieusement discuté » (Les droits individuels et le juge en Europe. Mélanges en l’honneur de Michel Fromont, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2001, non pag.).
  • [33]
    Pour deux exemples : «[La réponse de] cinquante-et-un collègues appartenant à douze nations démontre […] l’estime dont Felice Ramorino jouit partout et la justesse qu’il y avait à lui rendre honneur » (Raccolta di scritti in onore di Felice Ramorino, Milan, Vita e Pensiero, 1927, p. XV); E. MORNET, après avoir rappelé que R. Fossier a participé à « tous les grands questionnements actuels » de l’histoire médiévale, poursuit : « le prouve à loisir la riche bibliographie qui ouvre ces mélanges… » (Mélanges Fossier, p. 14).
  • [34]
    Marcel DETIENNE, Nicole LORRAUX, Claude MOSSÉ, Pierre VIDAL-NAQUET,« En guise de salut », in Poikilia. Études offertes à Jean-Pierre Vernant, Paris, Éditions de l’EHESS, 1987, p. 10 (je souligne).
  • [35]
    Giovanni POLARA, « Introduzione », in Munusculum. Studi in onore di Fabio Cupaiuolo, Naples, Dipartimento di filologia classica dell’Università, 1993, p. 6 (je souligne).
  • [36]
    Voir mon article « Acknowledgments : Instructions for Use », Modern Intellectual History, II/3, novembre 2005, p. 361-385. Pour un exemple, voir les mélanges Hiebert, p. XII.
  • [37]
    Mélanges Jeanneau, p. XXI.
  • [38]
    Le Cuisinier et le philosophe. Hommage à Maxime Rodinson. Études d’ethnologie historique du Proche-Orient, Paris, Maisonneuve et Larose, 1982, p. 17-25; Mélanges offerts à Marcel Durry, Paris, Les Belles Lettres, 1970; L’économie française du XVIIIe au XXe siècle : perspectives nationales et internationales. Mélanges offerts à François Crouzet, Paris, Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 2000 (cit. p. 9).
  • [39]
    Pour un exemple : Album gratulatorium in honorem Henrici van Herwerden propter septuagenariam aetatem munere professoris… se abdicantis, Trajecti ad Rhenum, apud Keminck et filium, 1902, passim (cit. : p. 72).
  • [40]
    Le poème en espagnol qui se trouve dans les mélanges Bataillon (Les cultures ibériques en devenir. Essais publiés en hommage à la mémoire de Marcel Bataillon, Paris, Fondation Singer-Polignac, s. d., p. 784) est, à la hauteur des années 1970, un exemple rare.
  • [41]
    Mélanges Merton, introduction non pag.
  • [42]
    Marc-R. SAUTER, « Préface », in L’Homme, hier et aujourd’hui. Recueil d’études en hommage à André Leroi-Gourhan, Paris, Cujas, 1973, p. 4.
  • [43]
    Mélanges Arnaldi, introd. non pag.
  • [44]
    Claude EMERI, « Introduction », in Droit, institutions et systèmes politiques. Mélanges en hommage à Maurice Duverger, Paris, PUF, 1987, p. XVI.
  • [45]
    Jean POUILLON, « Pour un bon usage du totémisme », in Mélanges Lévi-Strauss, t. I, p. VI-VII.
  • [46]
    Pour des exemples de ces trois cas de figure : Mélanges Robert Aubenas…, Montpellier, Faculté de droit et des sciences économiques, 1974; Estudios dedicados a Menendez Pidal, Madrid, Consejo superior de investigaciones cientificas, t. I, 1950, p. VIII; Mélanges Berengo, p. 9.
  • [47]
    Harvard Legal Essays…, op. cit., p. 1457.
  • [48]
    Jacques REVEL et Jean-Claude SCHMITT, « Présentation », in L’ogre historien. Autour de Jacques Le Goff, Paris, Gallimard, 1998, p. 9-12 (cit. : p. 10); pour deux intéressants exemples : Aux origines de l’hellénisme. La Crète et la Grèce. Hommage à Henri van Effenterre présenté par le Centre G. Glotz, Paris, Publications de la Sorbonne, 1984, p. IX-X; Mélanges Mitterand, p. 10-12.
  • [49]
    John L. HELLER, « Foreword », in Serta Turyniana. Studies in Greek and Latin Palaeography in Honor of Alexander Turyn, Urbana, University of Illinois Press, 1974, p. V.
  • [50]
    Adolf SCHÜLE, « Eine Festschrift », Juristenzeitung, t. 14,1959, p. 729-731 (cit. : p. 729).
  • [51]
    Henri ZEHNACKER, « Préface », in Mélanges Moussy, p. IV (majuscule et capitales dans le texte).
  • [52]
    Mélanges Duverger, p. IX; Barbara B. DIEFENDORF, « Preface », in Culture and Identity in Early Modern Europe (1500-1800). Essays in Honor of Natalie Zemon Davis, Ann Arbor, University of Michigan, 1993, p. VI; Mélanges Leroi-Gourhan, p. 4.
  • [53]
    Voir, par exemple, Mélanges en l’honneur de Fernand Braudel, Toulouse, Privat, 1973, t. I, p. 30, 75,495,661.
  • [54]
    Pierre CHAUNU, « Géographie et Politique. Le Sacré entre l’Espace et le Temps. Des savanes de l’Afrique à la bataille de Verdun », in Apologie pour la géographie. Mélanges offerts à Alice Saunier-Seïté, s. l., Paris, Société de géographie, 1997, p. 65.
  • [55]
    Alfred ERNOUT, « Présentation », in Mélanges de linguistique et de philologie grecques offerts à Pierre Chantraine, Paris, Klincksieck, 1972, p. VIII.
  • [56]
    Mélanges Duverger, p. XIV.
  • [57]
    Il est des cas, exceptionnels, de mélanges en plus de deux volumes. Ainsi, la Miscellanea offerte en 1924 au cardinal Ehrle, qui comprenait cinq volumes, fut qualifiée par le pape lui-même de « géante » et de « record ». Record qui fut battu en 1946 par les six volumes offerts au cardinal Mercati, lui aussi ancien préfet de la Vaticane. Le professeur-ministre Amintore Fanfani reçut également six volumes (1962). Le record serait détenu par Menéndez Pidal : les quatre volumes initialement prévus en devinrent sept plus un index – la publication s’étirant sur plus de dix ans (1950-1962).
  • [58]
    Pour des exemples : Mélanges Magnol, p. I-II; Étrennes de septantaine. Travaux de linguistique et de grammaire comparée offerts à Michel Lejeune par un groupe de ses élèves, Paris, Klincksieck, 1978, préf. non pag.; Studies in Honor of Ulman…, Saint-Louis, The Classical Bulletin, 1960, p. III.
  • [59]
    Le « champion » serait Paul Oskar Kristeller avec cinq recueils de mélanges : 1975,1976 (2), 1987 (2). L’éditeur du troisième recueil notait : « c’est le savant exceptionnel qui reçoit le tribut d’un volume d’hommages »; en recevoir trois était « une distinction unique » (Cecil H. CLOUGH, « Preface », in Cultural Aspects of the Italian Renaissance. Essays in Honor of Paul Oskar Kristeller, Manchester University Press, 1976, p. IX). Dix ans plus tard, cette « triple couronne » devint quintuple.
  • [60]
    Françoise WAQUET, « Les savants face à leurs portraits ( XVIIe - XVIIIe s.)», Nouvelles de l’estampe, n° 117, juillet-août 1991, p. 22-28.
  • [61]
    Romania. Scritti offerti a Francesco Piccolo nel suo LXX compleanno, Napoli, Armanni, 1962.
  • [62]
    Successivement : Philokypos. Mélanges de philologie et d’antiquités grecques et proche-orientales dédiés à la mémoire d’Olivier Masson, Salamanque, Ediciones Universidad de Salamanca, 2000, avantpropos, non pag.; Mélanges Graux, p. XLIX; J. REVEL et J.-C. SCHMITT, art. cit., p. 9; Giuseppe Gilberto BIONDI, « Profilo di Alfredo Ghiselli », in Mnemosynum. Studi in onore di Alfredo Ghiselli, Bologna, Pàtron, 1989, p. XIV; Mélanges Ramorino, p. XIV.
  • [63]
    Mélanges Ghiselli, p. XIV. Dans un ordre d’idées voisin, je rappelle le « j’ai reculé devant ma propre mort » de M. Godelier quand on lui fit part de l’intention d’organiser un colloque en son honneur (« Introspection, rétrospections, projections », in La production du social :autour de Maurice Godelier. Colloque de Cerisy, sous la direction de Philippe DESCOLA, Jacques HAMEL et Pierre LEMONNIER, Paris, Fayard, 1999, p. 467).
  • [64]
    Mélanges Mitterand, p. 13-14; Joe VERHOEVEN, « En guise d’introduction », in Nouveaux itinéraires en droit. Hommage à François Rigaux, Bruxelles, Bruylart, 1993, p. XIX et XXII.
  • [65]
    Mélanges Fossier, p. 14; Mélanges Mitterand, p. 13-14.
  • [66]
    Mélanges Lévi-Strauss, p. VI.
  • [67]
    Préface non pag. du t. I, Florence, Olschki, 1971.
  • [68]
    Studi critici offerti da antichi discepoli a Carlo Pascal nel suo XXV anno d’insegnamento, Catania, Francesco Battiato, 1913, préf. non pag.
  • [69]
    Ces deux cas sont les plus fréquents.
  • [70]
    Les mélanges Magnol sont « l’œuvre de la seule Faculté de Toulouse » (p. II); le « volume aixois » des Mélanges Vovelle réunit « des enseignants et des chercheurs qui ont participé aux sémi-naires et colloques organisés à Aix-en-Provence par Michel Vovelle » (Aix-en-Provence, Université de Provence, 1997, p. 5-6).
  • [71]
    Les participants aux Mélanges Panofsky sont majoritairement d’anciens membres de l’Institute for Advanced Study de Princeton (Essays in Honor of Erwin Panofsky, Zurich, Buehler Buchdruck, 1960, t. I, p. VII); ceux des Hellenic Studies offered to Bernard M.W. Knox sont, tous, d’anciens « fellows » du Center for Hellenic Studies de Washington (Berlin, W. de Guyter, 1979, p. VII).
  • [72]
    Mélanges Malaurie, à paraître.
  • [73]
    Le cas de contribution demandée à un auteur ne connaissant pas le dédicataire semble extrêmement rare; c’est là le point de départ de l’article de S. G. Morley (p. 61).
  • [74]
    Robert M. HAUSER, « Preface », in Social Structure and Behavior. Essays in honor of William Hamilton Sewell, New York, Academic Press, 1983, p. XVII-XVIII.
  • [75]
    La tabula gratulatoria est le moyen d’associer à l’hommage des collègues et amis du dédicataire que la définition de l’ouvrage exclut. Alors que les Renaissance Essays in Honor of Paul Oskar Kristeller étaient limités à « des chercheurs ayant eu quelque lien avec l’université de Columbia », la tabula était le lieu où « tous les nombreux amis de Paul Kristeller, tant aux États-Unis qu’en Europe, pourraient lui exprimer leurs félicitations personnelles pour les splendides résultats de sa carrière scientifique » (New York, Columbia University Press, 1976, p. XXI). Elle permet aussi d’inclure, comme dans les Mélanges Bataillon, ceux qui « sollicités de contribuer par un article […], n’ont pu le faire à cause du délai très court et ont exprimé le désir d’être expressément associés à l’hommage » (p. 15).
  • [76]
    Mélanges Motto-Clark, p. IX.
  • [77]
    Christian DELACROIX, François DOSSE, Patrick GARCIA, Les courants historiques en France, XIXe - XXe siècle, Paris, Armand Colin, 2005, p. 177.
  • [78]
    Pour citer des termes employés par Pierre Bourdieu dans son célèbre ouvrage (Paris, Éditions de Minuit, 1984). Les mélanges auraient pu entrer dans les critères de définition.
  • [79]
    Y. M., « Which scholars have received no Festschrift ?», Romance Philology, t. 27,2,1973, p. 211-213. La guerre ruina le projet d’un volume en honneur de Mauss (Henri LÉVY-BRUHL, « In memoriam. Marcel Mauss », L’année sociologique, 1948-1949, p. 3). Le doyen Carbonnier refusa, par peu d’intérêt pour les honneurs, mélanges et distinctions (communication personnelle de Marianne Burkard). On ne sait pourquoi Kantorowicz refusa des mélanges, puis une médaille qu’à défaut, ses amis se proposaient de faire frapper en son honneur (Ralph GIESEY, « Ernst H. Kantorowicz. Scholarly Triumphs and Academic Travails in Weimar Germany and the United States », Beack Institute Year Book, 30,1985, p. 201).
  • [80]
    S. G. MORLEY, art. cit., p. 61. D’où les excuses que l’on présente à des amis et collègues du dédicataire qui, pour des raisons diverses, n’ont point été invités : « Nous présentons de sincères excuses à ceux que notre choix [a] injustement écartés… » (Mélanges Fromont, p. 26).
  • [81]
    « Quitte à parler un peu de moi – on verra que je ne pouvais guère agir autrement… », écrit F. Braudel dans la préface aux Mélanges Febvre, p. 4.
  • [82]
    On ne peut négliger, à côté d’autres motifs, une certaine vanité comme je l’ai constaté dans une étude sur la souscription (« Les souscriptions au Museum Etruscum et la diffusion de l’étruscologie au XVIIIe siècle », Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 208,1981, p. 310).
  • [83]
    Les organisateurs et les participants sont généralement issus du monde de l’université et de la recherche; il en va de même pour le gros de la tabula gratulatoria.
  • [84]
    Lucien FEBVRE, De la Revue de synthèse aux Annales. Lettres à Henri Berr,1911-1954. Éd. Gilles CANDAR et Jacqueline PLUET-DESPATIN, Paris, Fayard, 1997, p. 626.
  • [85]
    Comme il ressort des titres des Mélanges Benvéniste et Lejeune, des préfaces des Mélanges Fromont (p. 26), Jeanneau (p. XIX) et Toubert (Liber largitorius. Études d’histoire médiévale offertes à Pierre Toubert par ses élèves, Genève, Droz, 2003, p. VII); de la contribution à l’Album van Herwerden, citée n. 38.
  • [86]
    Dicti studiosus. Scritti di filologia offerti a Scevola Mariotti dai suoi allievi, Urbino, QuatroVenti, 1990, p. 8 (cit.).
  • [87]
    Mélanges Mitterand, p. 10.
  • [88]
    Jacques PHYLITIS, « Du bon usage de l’anthropologie historique du droit », in Nonagesimo anno. Mélanges en hommage à Jean Gaudemet, Paris, PUF, 1999, p. 565.
  • [89]
    Mélanges Jacob Wackernagel (Göttingen, 1923), Ugo Enrico Paoli (Gênes, 1956), Edgar Salin (Tübingen, 1962), Martin David (Leyde, 1968), Jürgen Thimme (Karlsruhe, 1983), Ferdinand B. Keulen (Zwolle, 1990).
  • [90]
    Classical Studies in Honor of William A. Oldfather, Urbana, University of Illinois Press, 1943, p. VII.
  • [91]
    Mélanges Mitterand, p. 10; H. LÉVI-BRUHL, art. cit, p. 3.
  • [92]
    Ces dernières années, la problématique du don a suscité un fort intérêt parmi les anthropologues, sociologues, économistes, philosophes et historiens. Le monde intellectuel n’a guère constitué un domaine d’application pour ces questionnements, à l’exception de quelques pages de Natalie Davis (Essai sur le don dans la France du XVIe siècle, Paris, Seuil, 2003 [éd. orig. : 2000], p. 72-78,199) et de l’ouvrage de Marcel Hénaff (Le prix de la vérité. Le don, l’argent, la philosophie, Paris, Seuil, 2002). Toutefois, ces deux auteurs, en limitant leur approche et leurs exemples aux relations maître-élève, ont opéré une réduction notable du champ d’enquête.
  • [93]
    Françoise WAQUET, Parler comme un livre. L’oralité et le savoir, Paris, Albin Michel, 2003, p. 133-143.
  • [94]
    H. LÉVI-BRUHL, art. cit, p. 3.
  • [95]
    Colloque de Cerisy. Le passage des frontières. Autour du travail de Jacques Derrida, Paris, Galilée, 1994, p. 16 (je souligne).
  • [96]
    S. G. MORLEY, art. cit., p. 67.
  • [97]
    An English Miscellany Presented to Dr Furnivall in Honour of his Seventy-Five Birthday, Oxford, Clarendon Press, 1901, p. 491-493.
  • [98]
    A. GUDEMAN, art. cit., p. 337-338.
  • [99]
    Sur ce concept, voir M. HÉNAFF, Le prix…, op. cit.
  • [100]
    La production du social : autour de Maurice Godelier…, op. cit., p. 11. Toutefois, ce volume contient, à l’instar de mélanges traditionnels, une présentation élogieuse de la personnalité à laquelle il est rendu hommage ainsi que sa bibliographie.
  • [101]
    Comme il l’a été justement noté dans l’introduction (non pag.) des Mélanges Arnaldi.
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