On connaît la fortune mythique du personnage d’Hamlet au XIXe siècle,
on s’est beaucoup moins intéressé au destin littéraire, scénique ou pictural
d’Ophélie. Et cependant, ce personnage trouve en France dans la seconde
moitié du siècle une réelle autonomie par rapport au drame shakespearien,
inspirant nombre de peintres et d’écrivains. Au fil des œuvres se dessine
un lent processus d’élaboration mythique, fondé sur l’édification d’un
sujet qui manque à être et qui ne se constitue que de satisfaire les aspirations idéologiques et esthétiques propres à la fin du siècle.
A la différence de Salomé, autre figure mythique emblématique de la
fin du siècle, l’intérêt pour le personnage d’Ophélie se manifeste en
France dès la première moitié du siècle, lié à l’engouement que la bataille
romantique a fait naître pour le théâtre de Shakespeare. La filiation historique entre l’Ophélie romantique et l’Ophélie fin de siècle n’est pas
cependant linéaire.
La sensibilité romantique française retient d’Ophélie la passion malheureuse et la folie, tantôt égarement amoureux, tantôt douleur morale,
aux accents spleenétiques. La réécriture du drame shakespearien que proposent Paul Meurice et Alexandre Dumas en 1847 attribue à Ophélie la
dimension d’une héroïne tragique, digne des plus grandes passions raciniennes. D’autres, comme Sand, Musset ou Hugo, s’attachent plutôt à voir
dans le destin du personnage la représentation d’un mal de vivre cher à
l’époque, et elle devient la rêveuse solitaire et incomprise en butte au
monde hostile, se rapprochant singulièrement du personnage d’Hamle…
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