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Article de revue

La logique symbolique en débat à Oxford à la fin du dix-neuvième siècle : Les disputes logiques de Lewis Carroll et John Cook Wilson

Pages 185 à 205

Notes

  • [*]
    Mathieu Marion, Département de philosophie, Université du Québec à Montréal, C.P. 8888, Succursale centre-ville, Montréal, Québec, H3C 3P8, Canada.
  • [**]
    Amirouche Moktefi, chaire de philosophie, Ragnar Nurkse School of innovation and governance, Tallinn University of technology, Akadeemia street 3 (Building X, 4th floor), 12618 Tallinn, Estonie.
  • [1]
    Sur la logique britannique au xixe siècle, voir : Dov M. Gabbay et John Woods (dir.), British logic in the nineteenth-century (Amsterdam : North Holland, 2008) ; Ivor Grattan-Guinness, Victorian logic from Whately to Russell, in Raymond Flood, Adrian Rice et Robin Wilson (dir.), Mathematics in Victorian Britain (Oxford : Oxford University Press, 2011), 359-374.
  • [2]
    Hans Reichenbach, Bertrand Russell’s logic, in Paul A. Schilpp (dir.), The Philosophy of Bertrand Russell (Evanston, Illinois : The library of living philosophers, 1946), 24. Les traductions dans le présent travail ont été réalisées par les auteurs.
  • [3]
    Ivor Grattan-Guinness, Russell’s logicism versus Oxbridge logics, 1890-1925 : A contribution to the real history of twentieth-century English philosophy, Russell, V/2 (1985-1986), 109.
  • [4]
    Dans le présent texte, nous préférons utiliser le pseudonyme « Lewis Carroll » pour désigner l’auteur car c’est ainsi que Charles L. Dodgson signe ses œuvres logiques. Il est bien connu que Dodgson essaye toute sa vie de garder l’anonymat et refuse de reconnaître publiquement tout lien entre lui, l’enseignant de mathématiques à Oxford, et Lewis Carroll, l’auteur de contes pour enfants. Voir : Hugues Lebailly, Dr Dodgson et Mr Carroll : De la caricature au portrait, Cahiers victoriens et édouardiens, XLIII (1996), 169-183.
  • [5]
    Lewis Carroll, Symbolic logic (Londres : Macmillan, 1897), 185.
  • [6]
    Morton N. Cohen et Roger L. Green (dir.), The Letters of Lewis Carroll (Londres : Macmillan, 1979), 1100.
  • [7]
    Charles L. Dodgson, Euclid and his modern rivals (Londres : Macmillan, 1879). Une seconde édition paraît en 1885. Pour une discussion du débat victorien sur l’enseignement de la géométrie et l’usage des Éléments d’Euclide, voir : Amirouche Moktefi, Geometry : The Euclid debate, in Flood, Rice et Wilson, op. cit. in n. 1, 320-336 et 445-446.
  • [8]
    Edward Wakeling (dir.), Lewis Carroll’s diaries (Clifford, Herefordshire : Lewis Carroll Society), vol. 6 (2001), 463-464.
  • [9]
    Ibid., vol. 8 (2004), 179-180.
  • [10]
    Lewis Carroll, The Game of logic (Londres : Macmillan, 1886). Lewis Carroll n’apprécie pas la qualité de cette première édition et demande à son éditeur d’envoyer aux États-Unis l’ensemble des exemplaires imprimés. Une seconde édition (i.e. une première édition publique en Angleterre) paraît en 1887. Voir : Clare Imholtz, The history of Lewis Carroll’s The Game of logic, The Papers of the Bibliographical Society of America, XCVII/2 (2003), 183-213.
  • [11]
    Morton N. Cohen et Anita Gandolfo (dir.), Lewis Carroll and the house of Macmillan (Cambridge : Cambridge University Press, 1987), 290.
  • [12]
    Lewis Carroll, Symbolic logic, Part 1 : Elementary (Londres : Macmillan, 1896). Une 4e édition paraît dès 1897. Pour une comparaison des différentes éditions, voir : Sidney H. Williams et al., The Lewis Carroll handbook (Kent : Dawson, 1979), 194-197.
  • [13]
    Lewis Carroll, « A fascinating mental recreation for the young », 1895-1896 (The Parrish collection of Lewis Carroll, Princeton University Library, Dodgson 305, Dodgson 306 et Dodgson 307), 4.
  • [14]
    Charlie Lovett, Lewis Carroll among his books (Jefferson, North Carolina : McFarland & Company, 2005), 129 et 301.
  • [15]
    William W. Bartley III (dir.), Lewis Carroll’s symbolic logic (New York : Clarkson N. Potter, 1977). Une seconde édition paraît en 1986.
  • [16]
    Voir : Amirouche Moktefi, Lewis Carroll’s logic, in Gabbay et Woods, op. cit. in n. 1, 457-505 ; Francine F. Abeles (dir.), The Logic pamphlets of Charles Lutwidge Dodgson and related pieces (New York : LCSNA, 2010).
  • [17]
    Dodgson (1879), op. cit. in n. 7, 25.
  • [18]
    Voir : Sophie Marret, Lewis Carroll : Le symbole et la lettre, in Pierre Cartier et Nathalie Charraud (dir.), Le Réel en mathématiques (Paris : Agalma, 2004), 273-288.
  • [19]
    Lewis Carroll, op. cit. in n. 5, 82.
  • [20]
    Bartley (1977), op. cit. in n. 15, 47.
  • [21]
    Hugh MacColl, Symbolic reasoning (II), Mind, VI/24 (1897), 493.
  • [22]
    Voir : Edward Wakeling, The Logic of Lewis Carroll (publié à compte d’auteur, 1978).
  • [23]
    Sur la philosophie de Cook Wilson et son influence, voir : Mathieu Marion, Oxford realism : Knowledge and perception, British journal for the history of philosophy, VIII (2000), 299-338 et 485-519 ; Mathieu Marion, John Cook Wilson, in Edward N. Zalta (dir.), The Stanford encyclopedia of philosophy (2010, <http://plato.stanford.edu/archives/spr2010/entries/wilson>).
  • [24]
    The Oxford University calendar (Oxford : J. Parker and H. Slatter, 1861), 89.
  • [25]
    Le poste est par la suite occupé par Harold H. Joachim, Henry H. Price, Alfred J. Ayer, Michael Dummett, David Wiggins et Timothy Williamson. Il est notable qu’il faille attendre 1897 pour voir la création à Cambridge d’un poste de professeur incluant la logique dans ses compétences. Il s’agit du poste de professeur de philosophie mentale et de logique, créé sous l’impulsion de Henry Sidgwick, lui-même professeur de philosophie morale. Néanmoins, la priorité du recrutement est accordée à la philosophie mentale, ce qui explique le recrutement de James Ward au détriment de John Venn. George F. Stout était également candidat au poste. À la mort de Ward, George E. Moore puis Ludwig Wittgenstein lui succèdent. Voir : Byron E. Wall, John Venn, James Ward, and the chair of mental philosophy and logic at the University of Cambridge, Journal of the history of ideas, LXVIII/1 (2007), 131-155.
  • [26]
    John Cook Wilson, Statement and inference, with other philosophical papers, 2 vol. (Oxford : Clarendon Press, 1926). L’ouvrage est réédité en 2002 (Bristol : Thoemmes, 2002), avec une introduction de Mathieu Marion (v-xxvii).
  • [27]
    Peter T. Geach, Recension de William W. Bartley III : Lewis Carroll’s symbolic logic, Philosophy, LIII (1978), 123.
  • [28]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, xcix.
  • [29]
    Ibid., 192-210.
  • [30]
    Outre le travail logique de Lewis Carroll qu’il connaît, Cook Wilson étudie essentiellement les systèmes de Boole et de Venn (ibid., 660). Dans une lettre à Bernard Bosanquet, datée du 22 juin 1903, il s’exprime longuement sur son opposition à la logique symbolique. Il explique ne pas avoir encore publié ses objections car il souhaite d’abord étudier d’autres auteurs dans la lignée de Boole. Il cite notamment Ernst Schröder, Giuseppe Peano, Richard Dedekind et Georg Cantor qu’il n’avait pas encore pu lire (ibid., xciv-xcix). Son ouvrage posthume n’inclut qu’un chapitre critique sur la logique symbolique, reprenant essentiellement le texte de deux cours de 1889 sur la question (ibid., 635-662).
  • [31]
    John Venn, Symbolic logic (Londres : Macmillan, 1894), ix-xviii.
  • [32]
    William S. Jevons, Some recent mathematico-logical memoirs, Nature, XXIII (1881), 485-486.
  • [33]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, 635-636.
  • [34]
    William S. Jevons, Pure logic and other minor works (Londres : Macmillan, 1890), 4-5.
  • [35]
    Hugh MacColl, Implicational and equational logic, Philosophical magazine, XI/65 (1881), 40-43. Sur le développement des notations logiques au xixe siècle, voir : Marie-José Durand-Richard et Amirouche Moktefi, Algèbre et logique symboliques : Arbitraire du signe et langage formel, in Jean-Yves Béziau (dir.), La Pointure du symbole (Paris : Pétra, 2014), 295-328. Il est notable que certaines questions ayant fait l’objet de virulentes controverses parmi les premiers logiciens symbolistes, telles l’interprétation du calcul et celle de la disjonction, ne soient pas abordées dans les échanges entre Lewis Carroll et Cook Wilson. Ce silence traduit sans doute un consensus entre les deux hommes quant au traitement de ces questions.
  • [36]
    On peut retracer certains de ces arguments chez d’autres philosophes opposés à la logique symbolique. La recension par Edmund Husserl du premier tome des Vorlesungen über der Algebra der Logik de Schröder est à cet égard assez typique : Husserl y exprime ses doutes quant à la capacité du symbolisme de cette algèbre à remplacer le langage ordinaire et à résoudre des problèmes logiques, tout en reprenant le préjugé selon lequel il s’agirait d’une entreprise mathématique, non philosophique (Edmund Husserl, Articles sur la logique : 1890-1913 (Paris : Presses universitaires de France, 1975), 9-61). Sur la réception de la logique symbolique dans le monde germanique, voir : Jarmo Pulkkinen, Thought and logic : The debates between German-speaking philosophers and symbolic logicians at the turn of the 20th century (Francfort : Peter Lang, 2005). Une étude similaire du contexte britannique, qui porterait entre autres sur les philosophes John Stuart Mill, Francis H. Bradley, Bernard Bosanquet et Cook Wilson reste à faire. Le présent travail se veut une étape dans cette direction.
  • [37]
    Sur Cook Wilson et les universaux, voir Marion (2010), art. cit. in n. 23, section 6.
  • [38]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, 713.
  • [39]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, 344 et 347. Sur ces questions, voir James P. Moreland, Universals (Montréal-Kingston : McGill – Queen’s University Press, 2001), chap. 1.
  • [40]
    George F. Stout, The nature of universals and propositions, in Studies in philosophy and psychology (Londres : MacMillan, 1930), 388.
  • [41]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, 342 et 351.
  • [42]
    Ibid., 348.
  • [43]
    Voir sur ce point : Marion (2010), art. cit. in n. 23, section 3.
  • [44]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, 350.
  • [45]
    Ibid., sections 422-432, 477-500 et 501-518.
  • [46]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, 635.
  • [47]
    Ibid., 636-637.
  • [48]
    Ibid., 639-640.
  • [49]
    John Neville Keynes, Studies and exercises in formal logic (Londres : Macmillan, 1884). Une 2e édition paraît en 1887, une 3e édition en 1894 et enfin une 4e édition en 1906.
  • [50]
    Ibid. (1884), vii.
  • [51]
    John Venn, Recension de John N. Keynes : Studies and exercises in formal logic, Mind, IX/34 (1884), 301-304.
  • [52]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, xcv.
  • [53]
    Wakeling, op. cit. in n. 9, 192.
  • [54]
    John Cook Wilson, On an evolutionist theory of axioms (Oxford : B. H. Blackwell, 1889).
  • [55]
    Charles L. Dodgson, Curiosa mathematica, Part I : A new theory of parallels (Londres : Macmillan, 1888). De nouvelles éditions paraissent en 1889, 1891 et 1895. Voir : Francine F. Abeles et Amirouche Moktefi, Hugh MacColl and Lewis Carroll : Crosscurrents in geometry and logic, Philosophia scientiae, XV/1 (2011), 55-76.
  • [56]
    Wakeling, op. cit. in n. 9, 306 et 559-560.
  • [57]
    Lewis Carroll, « Lettres à John Cook Wilson », ms. 1890-1897 (The John Cook Wilson Papers, Bodleian Library, University of Oxford, The Wilson-Dodgson box). Ce fonds conserve plus d’une quarantaine de lettres de Lewis Carroll à Cook Wilson et quelques lettres (très illisibles) de Cook Wilson à Lewis Carroll. Curieusement, aucune lettre entre 1892 et 1894 n’a survécu, bien que Farquharson les cite dans son édition posthume des écrits de Cook Wilson.
  • [58]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, xli-xliii.
  • [59]
    Lewis Carroll, A logical paradox, Mind, III/11 (1894), 436-438.
  • [60]
    John Cook Wilson, Lewis Carroll’s logical paradox, Mind, XIV (1905), 292-293 et 439.
  • [61]
    Sur le paradoxe des barbiers et la controverse qu’il engendre, voir : Amirouche Moktefi, Lewis Carroll and the British nineteenth-century logicians on the barber shop problem, in Antonella Cupillari (dir.), Proceedings of the Canadian Society for the history and philosophy of mathematics, XX (2007), 189-199.
  • [62]
    Lewis Carroll, What the tortoise said to Achilles, Mind, IV/14 (1895), 278-280.
  • [63]
    Voir : Amirouche Moktefi et Francine F. Abeles (dir.), What the tortoise said to Achilles : Lewis Carroll’s paradox of inference (numéro spécial de la revue The Carrollian, à paraître en 2015). Ce volume inclut une discussion du travail de Lewis Carroll sur la théorie des hypothétiques (Amirouche Moktefi et Francine F. Abeles, Lewis Carroll’s investigations toward a workable theory of hypotheticals) ainsi qu’une discussion du paradoxe de l’inférence, notamment le point de vue de Cook Wilson (Mathieu Marion, Lessons from Lewis Carroll’s paradox of inference).
  • [64]
    George Boole, The Laws of thought (Londres : Walton and Maberly, 1854), 8.
  • [65]
    Montagu Burrows, Pass and class : An Oxford guide-book (Oxford : J. H. and J. Parker, 1861), 82.
  • [66]
    Venn, op. cit. in n. 31, xxv-xxvii.
  • [67]
    Cohen et Gandolfo, op. cit. in n. 11, 323.
  • [68]
    Bartley (1977), op. cit. in n. 15, 386-389.
  • [69]
    Voir : Judy Green, The problem of elimination in the algebra of logic, in Thomas Drucker (dir.), Perspectives on the history of mathematical logic (Basel : Birkhäuser, 1991), 1-9.
  • [70]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, 637.
  • [71]
    Bartley (1977), op. cit. in n. 15, 326-330.
  • [72]
    Lewis Carroll, « A challenge to logicians », 1892 (The Lewis Carroll collection, Christ Church Library, University of Oxford, misc. 6).
  • [73]
    Bartley (1977), op. cit. in n. 15, 25. Dans une note, Bartley admet tout de même avoir reçu plus tard deux réponses correctes au problème soumis.
  • [74]
    Geach (1978), art. cit. in n. 27, 124.
  • [75]
    Irving M. Copi, Recension de William W. Bartley III : Lewis Carroll’s symbolic logic, British journal for the philosophy of science, XXXI/1 (1980), 84.
  • [76]
    Irving M. Copi, Introduction to logic (New York : Macmillan, 1961), 220.
  • [77]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, xl.
  • [78]
    Ibid., xxxix-xxxx.
  • [79]
    Voir : Francine F. Abeles (dir.), The Mathematical pamphlets of Charles Lutwidge Dodgson and related pieces (New York : LCSNA, 1994).
  • [80]
    Lewis Carroll, Symbolic logic, 2e éd. (Londres : Macmillan, 1896), VII.
  • [81]
    Carol A. Keene (dir.), F. H. Bradley : Selected correspondence, june 1872-december 1904 (Bristol : Thoemmes, 1999), 303.
  • [82]
    John Venn, Recension de Gottlob Frege : Begriffsschrift, Mind, V/18 (1880), 297.
  • [83]
    Grattan-Guinness (1985-1986), art. cit. in n. 3, 114.
  • [84]
    Gilbert Ryle, Autobiographical, in Oscar P. Wood et George Pitcher (dir.), Ryle : A collection of critical essays (New York : Anchor Books, 1970), 4.

1Les travaux d’histoire de la logique rendent rarement compte des difficultés et des oppositions auxquelles la logique symbolique fait face dans sa première phase de développement (seconde moitié du xixe siècle et début du xxe siècle). Nous sommes davantage familiers avec un récit cumulatif qui voit divers logiciens introduire des innovations successives pour mener à ce qu’il est commun d’appeler la logique moderne. Ce récit cache les obstacles qui se dressent sur le chemin de cette logique et qui contribuent ainsi à façonner son histoire. Par ailleurs, les logiciens symbolistes forment difficilement une tradition homogène puisqu’ils développent des théories logiques différentes et des systèmes symboliques rivaux. En réalité, au tournant du xxe siècle, les logiciens symbolistes constituent une minorité et il serait exagéré de dire qu’ils aient formé une « communauté ». On retrouve davantage une multitude d’auteurs aux influences et aux motivations diverses. Ils investissent souvent la logique en amateurs, ce qui explique l’irrégularité de leurs parcours. Les logiciens symbolistes n’ont ni les moyens, ni l’influence que procurent les prestigieux postes de professeurs de logique (lorsqu’ils existent), de philosophie ou de mathématiques, plus généralement. Et il est évident que l’inconfort de leurs positions ne les aide pas à diffuser leurs idées et leur offre peu de crédit auprès de leurs collègues, contrairement à ce qu’on pourrait croire en revisitant leurs travaux aujourd’hui.

2Les réactions négatives à l’émergence de la nouvelle logique dans la seconde moitié du xixe siècle sont nombreuses, sur le continent comme en Angleterre où elle émerge avec les travaux de George Boole et d’Augustus De Morgan [1]. Hans Reichenbach décrit comme suit l’état de la scène logique à l’arrivée de Bertrand Russell au début du xxe siècle :

3

« Le travail de Boole, à partir duquel il est possible de faire commencer la période moderne de la logique, datait déjà de cinquante ans. Mais les nouvelles idées n’avaient pas encore acquis quelque publicité significative ; elles étaient plus ou moins la propriété privée d’un groupe de mathématiciens dont les biais philosophiques avaient conduit vers la logique mathématique. Les importants philosophes, ou appelons-les plutôt les hommes qui occupaient les chaires de philosophie, n’y ont pas consacré grande attention et ne crurent pas que la logique aristotélicienne puisse jamais être dépassée, ou que la notation mathématique puisse améliorer la logique [2]. »

4Ainsi, Reichenbach attribue la faible diffusion de la logique symbolique à l’hostilité des « hommes qui occupaient les chaires de philosophie » qu’il rechigne à qualifier de philosophes. Cette hostilité se serait notamment manifestée à l’égard de la notation mathématique adoptée par les promoteurs de cette logique. On voit ainsi s’entrecroiser des enjeux philosophiques, mathématiques mais aussi institutionnels dans la réception de la nouvelle logique. Dans le présent travail, nous souhaitons discuter cette problématique à travers le cas particulier d’Oxford autour de 1900. Les recherches logiques y sont hautement considérées mais la logique symbolique n’a pas crédit. À cette période, Russell dit n’avoir rencontré à Oxford qu’un seul homme qui comprenne quelque chose à la logique mathématique : George G. Berry, un employé de la Bodleian Library [3]. Parmi la multitude d’acteurs qui investissent la scène logique et philosophique oxonienne, on s’intéressera particulièrement à Lewis Carroll [4] qui se décrit comme un « obscur auteur de logique [5] » et à John Cook Wilson, le Wykeham professor of logic de l’Université d’Oxford. Si Lewis Carroll travaille à la promotion de la logique symbolique, Cook Wilson la conteste fermement. Néanmoins, nous montrerons que les positions de ces auteurs sont plus complexes qu’il n’y paraît et qu’il convient de nuancer cette opposition. En cela, nous plaidons pour une histoire de la logique qui soit moins manichéenne et qui fasse ainsi place à l’ensemble des acteurs pour montrer la complexité des processus historiques à l’œuvre dans le développement de la logique dite moderne.

Lewis Carroll et les bienfaits du symbolisme

5Dans cet Oxford de fin de siècle réfractaire à la logique symbolique, Lewis Carroll fait exception. Pourtant, sa vie académique en fait l’exemple même de l’universitaire oxonien : il obtient son bachelor of arts en 1854 à Christ Church, un des plus importants colleges d’Oxford, avant d’y être engagé comme enseignant de mathématiques l’année suivante. Il y reste jusqu’à sa mort en 1898. Hormis un bref voyage en Russie en 1867, il partage son temps essentiellement entre son enseignement à Oxford, des visites aux théâtres londoniens et des vacances au bord de mer dans le sud de l’Angleterre. Une vie paisible qu’il agrémente par une riche activité éditoriale. Ainsi, tout au long de sa vie, il publie inlassablement des traités de mathématiques et des ouvrages de fiction (notamment les célèbres Aventures d’Alice au pays des merveilles). Convaincu de l’utilité de la logique dans la vie publique, il intervient régulièrement dans les débats de société de son temps pour jauger les arguments des antagonistes sur des thèmes aussi variés que la vaccination, les enfants-acteurs au théâtre, les tournois de tennis, la vivisection, la représentation parlementaire, etc. Il regrette notamment que des sophismes se retrouvent dans les discours religieux et en arrive à considérer son œuvre logique comme « un travail pour Dieu [6] ».

6Si l’intérêt de Lewis Carroll pour la logique est ancien, ses premières recherches semblent dater des années 1870 et coïncident avec un virulent débat qui partage la scène mathématique et le monde de l’éducation victoriens. Jusqu’alors, les Éléments d’Euclide constituaient l’ouvrage de référence pour l’enseignement de la géométrie en Angleterre. Or de nombreux manuels rivaux sont proposés à partir de la fin des années 1860 pour remplacer le texte d’Euclide. Lewis Carroll rassemble ces manuels et s’attèle à comparer leurs mérites et à en évaluer la rigueur logique. Pour cela, il développe une première notation logique afin de représenter les propositions géométriques et les preuves menant aux théorèmes. Il publie alors un ouvrage singulier : Euclid and his modern rivals (1879), dans lequel il montre la supériorité logique d’Euclide et appelle donc au maintien des Éléments comme ouvrage de référence pour l’enseignement de la géométrie dans les collèges et les universités [7]. Cette période voit aussi Lewis Carroll découvrir la logique de Boole et travailler à une notation algébrique plus appropriée [8]. Progressivement, la logique symbolique prend une place importante dans ses activités éditoriales. Son journal rend compte de ses investigations de façon régulière au cours des années 1880 et 1890. Le 29 mars 1885, il recense parmi ses projets « une logique symbolique, traitée par [sa] méthode algébrique [9] ».

7Lewis Carroll publie d’abord un petit livret, The Game of logic, en 1886, qu’il présente comme un jeu où l’on s’amuserait, tout en s’instruisant, à déduire des conclusions à partir de paires de prémisses à l’aide d’un diagramme et de jetons [10]. Malgré ses efforts pour assurer une large diffusion et une meilleure réception à son ouvrage, il ne fait pas l’unanimité. La majorité des critiques peine à comprendre la portée de l’ouvrage, balancé entre instruction et jeu. Cela ne décourage pas Lewis Carroll qui continue à le diffuser autour de lui et à l’utiliser dans les nombreux cours qu’il donne dans des écoles d’Oxford où il teste ses théories logiques et sa méthode de présentation auprès d’un jeune public. Tout au long des années 1890, Lewis Carroll continue à travailler à la rédaction de son traité de logique. Le 1er février 1893, il explique dans une lettre à son éditeur Macmillan vouloir publier son ouvrage en trois parties, par niveau de difficulté logique : élémentaire, avancée et supérieure [11]. Le premier volet de cette trilogie, Symbolic logic, Part 1 : Elementary, paraît en 1896 [12].

8Un des soucis majeurs de Lewis Carroll dans la préparation de l’ouvrage est d’en assurer la popularité en le mettant à la disposition d’un large public, et non plus seulement d’un public universitaire auquel il ne s’adresse pas exclusivement, puisque la logique enseignée dans les universités était différente de celle que Lewis Carroll voulait promouvoir. Pour cela, il diffuse un tiré à part annonçant la publication imminente de l’ouvrage. Lewis Carroll y réfute notamment trois idées reçues sur la logique, selon lesquelles cette dernière serait trop difficile pour être comprise par la majorité des gens, serait ennuyeuse et inintéressante, et enfin serait totalement inutile dans la vie quotidienne. Lewis Carroll invite alors ses lecteurs à « essayer » son ouvrage pour juger eux-mêmes de la difficulté, de l’intérêt et de l’utilité de la logique. Il termine en le présentant comme la première tentative pour vulgariser ce « fascinant sujet [13] ».

9Il peut paraître surprenant que Lewis Carroll s’attribue un tel honneur lorsque l’on sait qu’il y a au xixe siècle de nombreux ouvrages visant à enseigner la logique à un public large et/ou jeune. Lewis Carroll lui-même possède au moins deux ouvrages de ce genre dans sa bibliothèque privée : Logic for the million (1865) de James W. Gilbart et Picture logic (1875) d’Alfred J. Swinburne [14]. Il faut donc bien comprendre que Lewis Carroll invoque la logique symbolique, et celle-là seulement, lorsqu’il s’arroge la primauté dans la vulgarisation de la logique. Malheureusement, la mort de Lewis Carroll en 1898 interrompt son projet. S’il n’achève pas les deux volets suivants de sa trilogie, Lewis Carroll prend néanmoins soin d’imprimer plusieurs chapitres qu’il envoie à ses amis pour recueillir leurs opinions. Il faut attendre 1977 pour voir William W. Bartley III réunir ces fragments et publier une reconstitution du second volet de la logique symbolique de Lewis Carroll [15].

10La logique de Lewis Carroll est une logique des classes, celles-ci étant formées mentalement en regroupant des choses partageant un (ou plusieurs) attribut(s). Une proposition énonce alors l’état d’une classe ou une relation entre différentes classes. La représentation symbolique nécessite l’introduction d’indices pour marquer l’existence ou la nullité des classes. Ainsi, l’indice « 0 » indique simplement qu’une classe n’existe pas alors que l’indice « 1 » indique qu’elle existe. Il est alors aisé de représenter la proposition « aucun x n’est y » par « xy0 » et la proposition « quelques x sont y » par « xy1 » [16]. Ce symbolisme de Lewis Carroll n’est qu’un parmi de nombreux à avoir fleuri au xixe siècle. Il est bien difficile de comparer ces systèmes symboliques tant diffèrent les théories logiques qu’ils servent. On notera néanmoins que la notation de Lewis Carroll se distingue par son caractère indiciaire, par sa représentation efficace des propositions existentielles qui causèrent tant de tracas à Boole et ses successeurs immédiats, et enfin par sa distinction claire entre symbolisme des classes et symbolisme des propositions. Cela ne fait pas pour autant du symbolisme de Lewis Carroll le plus facile à manier. En effet, il est à noter qu’il accorde une portée existentielle aux propositions universelles affirmatives, ce qui en complique la représentation et la manipulation. Ensuite, Lewis Carroll n’adopte pas les symboles mathématiques d’usage chez plusieurs autres logiciens (+, =, –, etc.) et préfère leur substituer des symboles nouveaux essentiellement de son cru. Il ne faut pas y voir une quelconque opposition aux mathématiques. À vrai dire, Lewis Carroll procède de la même manière dans ses traités de mathématiques, introduisant allègrement de nouvelles notations, notamment en trigonométrie, en géométrie et en théorie des déterminants, pour éviter toute confusion avec les notations existantes. La logique ne fait donc pas exception.

11Il reste que la notation symbolique de Lewis Carroll ne suggère pas d’analogie entre opérations logiques et opérations mathématiques.

12Et même lorsqu’un tel rapprochement s’invite dans ses recherches, il le relève plutôt avec étonnement, voire amusement [17]. Pour Lewis Carroll, l’écriture symbolique ne semble être qu’une commodité d’écriture, permettant de manier plus facilement des énoncés complexes en leur substituant des symboles, ce qui n’interdit pas un retour aux mots du langage ordinaire [18]. Ainsi, après avoir utilisé un symbolisme de son invention dans la première édition de son ouvrage Euclid and his modern rivals (1879), il revient au langage ordinaire dans la seconde édition (1885). Il procède de la même manière dans son manuel Euclid, books I, II, en excluant de la première édition publique (1882) les symboles qu’il avait pourtant utilisés dans une première édition privée (1875). Dans son traité logique même, il définit d’abord trois formules symboliques pour les syllogismes, avant d’en définir d’autres pour les sophismes, mais choisit d’exprimer ces dernières en mots uniquement, cette fois-ci, pour éviter de les confondre avec les formules des syllogismes [19]. Le symbolisme opère donc comme un raccourci pour simplifier la manipulation des énoncés linguistiques. C’est comme cela qu’il justifie la supériorité de la logique symbolique :

13

« Pensez à un problème algébrique compliqué, lequel, s’il est traité avec des x, y, z, exigerait la construction de plusieurs équations simultanées intriquées pour aboutir à une équation de second degré. Ensuite, pensez à la difficulté qu’il y aurait à résoudre ce même problème avec des mots seulement, l’usage des symboles étant interdit. Cela vous donnera une idée assez juste de la différence, dans la résolution de syllogismes ou de sorites, entre l’usage de la Logique Symbolique, et de la Logique Formelle telle qu’enseignée dans les manuels ordinaires [20]. »

14La posture de Lewis Carroll s’apparente ainsi à celle de son contemporain Hugh MacColl qui définit la logique symbolique comme « la science du raisonnement à l’aide de symboles représentatifs ; ces symboles étant employés comme substituts synonymes à des expressions plus longues et fréquemment requises[21] ». Le recours au symbolisme se justifierait alors par l’économie de temps, d’espace et d’effort qu’exige leur manipulation. Ce sont ces mêmes considérations de convenance et de simplicité qui motivent le symbolisme carrollien. L’absence d’opératoire mathématique n’enlève rien au caractère symbolique de son écriture. Si la logique symbolique ne semble être pour lui qu’une logique avec des symboles, il reste qu’il défend ardemment la supériorité de la logique symbolique et travaille à sa diffusion. Lewis Carroll s’acharne ainsi à enseigner sa méthode symbolique dans les écoles d’Oxford à des élèves qui n’en étaient pas toujours friands [22]. La question lui tient particulièrement à cœur comme en témoigne le titre de son ouvrage Symbolic logic, assez austère pour un ouvrage destiné à un large public, à l’inverse d’autres ouvrages du même genre aux titres plus attrayants tels A tangled tale et The Game of logic, publiés en 1885 et 1886 respectivement. Il est pourtant difficile de dire que Lewis Carroll ait réussi dans sa tentative de populariser la logique symbolique. En tout cas, il ne trouve pas d’alliés à Oxford où la nouvelle logique n’est pas à l’honneur. Bien au contraire, il doit faire face à l’opposition de Cook Wilson, professeur de logique et critique notoire de la logique symbolique.

John Cook Wilson et les défauts du symbolisme

15Bien qu’aujourd’hui peu connu, Cook Wilson joue un rôle très important à Oxford par sa critique de l’idéalisme « néo-hégélien », alors dominant. Il est considéré comme l’initiateur de ce qu’on appelle aujourd’hui le « réalisme d’Oxford », une école philosophique à laquelle se rattachent Harold A. Prichard, mieux connu aujourd’hui pour ses contributions à l’éthique (intuitionnisme et particularisme moral), et Sir David Ross, responsable de l’édition Oxford des œuvres d’Aristote. Cook Wilson aura une grande influence posthume sur la philosophie oxonienne entre les deux guerres, entre autres sur des auteurs comme Gilbert Ryle, et l’historien de la logique William Kneale. Certaines de ses idées, reprises par John L. Austin, sont aussi la source de la « philosophie du langage ordinaire [23] ». Cook Wilson avait été formé à Oxford en lettres classiques et en mathématiques. Benjamin Jowett, Thomas H. Green à Oxford et Rudolf Hermann Lotze à Göttingen (en 1873-1874) comptent parmi ses professeurs. Il est nommé Wykeham professor of logic en 1889. Ce poste avait été créé un demi-siècle plus tôt en 1839. Il s’agissait alors d’un poste d’enseignant (readership) de logique et avait été attribué à Richard Mitchell, qui est remplacé par Henry Wall en 1849. Néanmoins, le poste est transformé en 1859 et voit Wall être élu professeur à cette occasion [24]. À la mort de Wall en 1873, Thomas Fowler lui a succédé jusqu’en 1889. Bien que convoité par Bernard Bosanquet, Thomas Case et John Venn, le poste est confié à Cook Wilson qui reste en poste jusqu’à sa mort en 1915 [25]. Durant son professorat, Cook Wilson n’a pratiquement rien publié de ses travaux logiques, bien que son enseignement atteste d’une activité régulière et féconde. Ses manuscrits de logique ont été finalement réunis par Arthur S. L. Farquharson et publiés en deux volumes à titre posthume en 1926, sous le titre de Statement and inference[26]. On ne lui doit pas de contribution à la logique comme telle, tout au plus des contributions à ce qu’on appellerait de nos jours la logique philosophique ou la philosophie de la logique. Peter Geach va jusqu’à qualifier Cook Wilson de logicien « exécrablement mauvais [27] ». Nul doute que Cook Wilson fait partie de ces « hommes qui occupaient les chaires de philosophie » à qui Reichenbach refuse le titre de philosophe (voir plus haut). Il est raisonnable de penser qu’une partie de cette mauvaise réputation résulte de l’opposition de Cook Wilson à la nouvelle logique, celle de Boole d’abord puis bientôt celle de Russell. Sa virulence amène même Farquharson à le censurer à cause d’une critique « peu sympathique » de George E. Moore et de Russell [28].

16En effet, Cook Wilson n’apprécie guère la logique symbolique développée par Boole et ses successeurs. À vrai dire, il n’est pas nécessairement réfractaire à l’idée même d’une logique symbolique puisqu’il propose lui-même une symbolisation des formes de propositions [29]. Ce qui semble le contrarier davantage, c’est la forme particulière de la logique que développent les algébristes anglais qu’il a étudiés [30], lesquels se sont allègrement inspirés des mathématiques. En cela, leur logique symbolique ne serait pas de la logique comme telle, mais des mathématiques, et ne serait donc pas pertinente pour le travail du logicien. Il s’agit là d’une critique bien classique à laquelle les logiciens symbolistes ont répondu en insistant sur la séparation entre logique et mathématiques. Ainsi, Venn entame son traité de logique symbolique en s’adressant aux logiciens « anti-mathématiques » qu’il essaye de convaincre. Il les rassure sur l’indépendance de la logique symbolique qui ne reprendrait les symboles mathématiques (+, –, =, etc.) que par pure convenance et leur affecterait une signification différente de l’usage courant qu’en font les mathématiciens [31]. Il reste que Venn, comme Boole auparavant, rapprochait bien la logique des mathématiques en identifiant des lois formelles communes aux deux sciences. Cook Wilson fait remarquer que l’idée même d’équation, essentielle dans le système de Boole [32], est de toute évidence une idée mathématique [33]. Il convient de rappeler ici que l’inspiration mathématique de ces premiers travaux de logique symbolique a longtemps été source de tension chez les logiciens symbolistes eux-mêmes. Ainsi, William S. Jevons avait très tôt proposé de libérer la logique de Boole de son habit mathématique [34]. Par ailleurs, les premières formulations équationnelles de Boole et de ses successeurs immédiats ont été remises en question à la fin des années 1870 par plusieurs logiciens tels que MacColl, Charles S. Peirce, Ernst Schöder et Gottlob Frege, qui leur ont préféré l’inclusion ou l’implication comme opérateur central [35]. C’est donc une critique interne à la logique symbolique même que reprend Cook Wilson à l’encontre de Boole et ses disciples [36].

17Cette attitude critique amène Cook Wilson à s’opposer aussi à Russell. Néanmoins, sa critique tient aussi au fait qu’il considère comme absurde le paradoxe de Russell, à propos de la classe de toutes les classes qui ne se contiennent pas elles-mêmes (qui se contient alors si elle ne se contient pas elle-même, mais qui ne se contient pas elle-même si elle se contient). L’argument de Cook Wilson doit être compris à la lumière de sa conception des universaux. En effet, il défend une forme modérée de nominalisme à propos des universaux [37], dont le représentant le mieux connu est George F. Stout, suivant laquelle les universaux ne sont pas une qualité simple et indivisible, numériquement identique dans chaque particulier l’instanciant, mais une classe d’instances de cette qualité ; Cook Wilson parle à cet égard de « qualités particularisées [38] ». Pour Cook Wilson, comme pour Stout, l’unité de cette classe n’est pas constituée par une relation de similarité exacte, comme chez les défenseurs plus récents de la notion de « trope », tels que Donald C. Williams ou Keith Campbell [39]. Cependant, tandis que Stout propose plutôt une « unité distributive de la classe [40] », Cook Wilson, qui introduit néanmoins l’idée d’une « caractéristique intrinsèque » de l’universel [41], nie que celle-ci puisse être expliquée de quelque manière que ce soit ou définie en d’autres termes [42] : « l’être caractéristique » de l’universel est sui generis, et ne peut être « appréhendé » qu’en tant que « particularisé », jamais séparément – le terme « apprehension » de Cook Wilson se rapprochant ici de la noesis d’Aristote ou encore de « l’acquaintance » de Russell [43].

18Cook Wilson ne reconnaît que la forme traditionnelle de la proposition (sujet-copule-prédicat), ce qui signifie qu’on ne peut pas selon lui mettre un universel dans la position de sujet. Lorsque nous disons que « a est un triangle », nous prédiquons d’une substance a l’universel « triangularité ». Mais en disant, de façon analogue, que « « triangularité » est un universel », nous plaçons l’universel dans la position du sujet. Cook Wilson s’insurge contre ces constructions – dont il dit par ailleurs qu’elles ne sont pas dans le langage ordinaire – car on y traite l’universel « triangularité » comme une substance et « universel » en position de prédicat comme un « universel d’universaux ». Selon lui, tout cela est « absurde [44] ». Cook Wilson croyait pouvoir ainsi démontrer que le paradoxe de Russell devait être fondé sur un sophisme, puisqu’il ne peut y avoir de « classe de classes », tout comme il ne peut y avoir d’« universel d’universaux ». De longs passages de Statement and inference sont ainsi dédiés à la critique de Russell sur cette base, dont le défaut évident est de confondre l’appartenance à une classe (dans le paradoxe de Russell) avec l’inclusion de classes [45].

19C’est ainsi que Cook Wilson s’oppose à la logique symbolique, aussi bien dans la tradition algébrique de Boole tout au long du xixe siècle que dans la forme que lui donne Russell au début du xxe siècle. Nous avons vu, cependant, que Cook Wilson ne conteste pas nécessairement la possibilité, voire la légitimité, d’une logique symbolique. C’est davantage son inspiration mathématique qui le contrarie. Il est important de relever que Cook Wilson ne brandit pas cette objection à l’encontre de Lewis Carroll. En effet, il note que le système de Lewis Carroll diffère de l’usage des logiciens symbolistes (tels Boole et Venn) qui recourent à un calcul algébrique [46]. En cela, Lewis Carroll et Cook Wilson s’accordent bien à ne pas adopter de notation algébrique comme langage de la logique. Néanmoins, Lewis Carroll ne fait qu’affirmer une préférence (conventionnelle) pour un symbolisme nouveau et n’exclut donc pas la possibilité de recourir à un symbolisme mathématique. La position de Cook Wilson est tout autre : la logique étant la science qui étudie les méthodes d’inférence de toutes les sciences, il serait étonnant qu’une science particulière (les mathématiques en l’occurrence) puisse fournir le langage même de la logique [47]. Le symbolisme de la logique symbolique devrait donc lui être suggéré par la logique même et non être importé d’une autre science et lui être imposé [48].

20S’il ne s’acharne pas à nier la possibilité d’une logique symbolique, Cook Wilson se montre plus déterminé à en contester la supériorité. Une posture similaire avait été adoptée à Cambridge par John Neville Keynes, auteur d’un manuel de logique hautement considéré en son temps : Studies and exercises in formal logic[49]. En effet, Keynes y expose des méthodes de résolution de problèmes logiques complexes sans céder à la tentation symbolique [50]. Venn reconnaît l’ingéniosité des méthodes de Keynes, mais avance que ce dernier n’aurait pas pu les concevoir sans une connaissance préalable des méthodes symboliques qu’il traduit dans le « langage commun [51] ». À vrai dire, Cook Wilson avait essayé de battre les logiciens symboliques à leur propre jeu, en concevant son propre système symbolique, lequel permettrait de résoudre certains problèmes logiques plus facilement que les systèmes existants. Il est ainsi ironique de voir Cook Wilson intégrer le cercle des logiciens symbolistes du xixe siècle, qui se défiaient les uns les autres et comparaient leurs méthodes symboliques en s’attaquant à un même problème de sorte à identifier la notation et la méthode les plus efficaces.

La logique symbolique en débat

21Hélas, nous ne connaissons pas la méthode symbolique de Cook Wilson, ce dernier n’ayant pas pris le soin de la publier, et on n’en trouve pas de trace dans ses écrits posthumes. Dans une lettre à Bosanquet, datée du 22 juin 1903, Cook Wilson prétend que sa méthode permet de résoudre avec « aisance et simplicité » les problèmes auxquels s’attaquent les logiciens symbolistes dont les systèmes seraient bien moins commodes [52]. Si Cook Wilson ne révèle pas sa méthode, nous savons en revanche qu’il l’éprouve longuement sur des problèmes logiques que lui envoie Lewis Carroll pour recueillir son opinion. Les deux hommes se connaissaient bien avant même l’élection de Cook Wilson au professorat de logique en 1889. Ainsi, Lewis Carroll raconte dans son journal, le 25 avril 1885, avoir longuement discuté avec « Wilson of Oriel » à propos de l’axiome des parallèles [53]. La question continue à occuper les deux hommes au cours des années qui suivent. En effet, Cook Wilson consacre sa leçon inaugurale de professeur de logique, présentée le 15 octobre 1889, à la critique de la théorie évolutionniste des axiomes, inspirée entre autres de Herbert Spencer [54]. De son côté, Lewis Carroll publie en 1888 un nouvel axiome des parallèles, destiné à remplacer l’axiome euclidien [55]. Lewis Carroll et Cook Wilson se rencontrent occasionnellement et continuent à échanger leurs opinions sur ces questions, comme l’attestent certaines entrées du journal de Lewis Carroll [56]. Il est intéressant de noter que Lewis Carroll fréquente donc Cook Wilson en mathématicien. Néanmoins, leurs échanges semblent progressivement se tourner vers la logique, qui occupe l’essentiel de leurs échanges au cours des années 1890, si l’on se fie au journal de Lewis Carroll et à la correspondance (incomplète) que nous leur connaissons [57].

22Les années 1892-1894 sont particulièrement riches et voient naître une controverse sur la question des hypothétiques qui conduit Lewis Carroll à publier deux articles célèbres dans la revue Mind : « A logical paradox » (1894) et « What the Tortoise said to Achilles » (1895). Si l’on en croit Farquharson, cette dispute sur les hypothétiques commence en novembre 1892 [58]. L’évolution de la controverse peut être reconstruite grâce au journal de Lewis Carroll : les deux hommes campent sur leurs positions au cours de l’année 1893 et Lewis Carroll se plaint de ne pas être pris au sérieux par Cook Wilson. Il demande alors une transcription du problème qui soit acceptée par les deux parties, et l’obtient en février 1894. Lewis Carroll diffuse cette transcription auprès de ses « amis logiciens » pour recueillir leurs opinions sur la justesse des arguments des deux protagonistes. Les réponses contradictoires que Lewis Carroll reçoit de ses correspondants l’incitent à publier le problème dans « A logical paradox [59] ». Ce texte donne alors lieu à un large débat parmi les logiciens britanniques de l’époque quant à la nature des hypothétiques. Cook Wilson lui-même publie en 1905 une note au sujet de ce problème [60], connu désormais comme le « paradoxe des barbiers [61] ». Par ailleurs, Lewis Carroll publie en 1895 un second texte sur les hypothétiques : « What the Tortoise said to Achilles [62] ». Bien que ce nouveau paradoxe n’ait pas provoqué de réaction immédiate, il est par la suite régulièrement cité et discuté par les plus importants logiciens du xxe siècle. Désormais connu sous le nom de « paradoxe de l’inférence », il reste toujours d’actualité [63].

23Outre ces échanges sur la nature des hypothétiques, l’essentiel de la correspondance entre Lewis Carroll et Cook Wilson est constitué de problèmes que le premier soumettait au second pour tester leur complexité et leur originalité. Ces problèmes répondent au schéma général de l’élimination décrit par Boole dans ses travaux logiques [64]. Il s’agit d’éliminer à partir d’un nombre quelconque de propositions les termes que l’on ne souhaite pas retrouver dans la conclusion, ce qui permet de déterminer la relation logique entre les termes retenus. Ainsi, le problème de l’élimination se présente comme une généralisation du syllogisme, qui n’en serait qu’un cas particulier. À Oxford, la théorie du syllogisme était essentiellement enseignée sous la forme que lui avait donnée Henry Aldrich dans son Logicae artis compendium (1691), reprise par Henry L. Mansel (1849) [65]. Le problème de l’élimination ne trouve pas de place dans ce curriculum. Il faut dire que les logiciens symbolistes eux-mêmes hésitent à recommander tout bouleversement dans l’enseignement de la logique. Ainsi, Venn s’oppose au remplacement de la logique traditionnelle par la nouvelle logique car la première lui semblait plus adaptée à l’idéal libéral prôné par les universités victoriennes [66]. Lewis Carroll est plus ambitieux et croit fermement aux vertus pédagogiques de la logique symbolique [67]. Il invente, pour les besoins de sa méthode et de son enseignement, des dizaines de problèmes logiques, dont un gigantesque sorite de cinquante prémisses [68] et plusieurs autres de taille avoisinante. Il convient de rappeler que contrairement à la syllogistique où il s’agit généralement de tester la validité d’un trio de propositions (deux étant soumises comme prémisses et la troisième comme conclusion), le problème de l’élimination ne fournit que les prémisses. L’objet est alors de chercher la/les conclusion(s) qui en découle(nt). C’est à la résolution de ce genre de problèmes que travaillent Boole et ses successeurs tout au long du xixe siècle. Pour cela, ils inventent des méthodes algébriques, diagrammatiques, et parfois même mécaniques, puis comparent leurs solutions entre eux, en privé ou dans les revues savantes de leur temps [69]. Si ces problèmes sont de toute première importance pour la logique symbolique, les philosophes anti-symbolistes les considèrent plutôt comme artificiels et peu intéressants. Cook Wilson s’interroge même sur l’appartenance du problème de l’élimination au domaine de la logique, puisqu’il s’apparente à la résolution d’un problème mathématique, sans recourir aux principes de la logique proprement dite. Les « problèmes sérieux » de la logique échapperaient ainsi au logicien symboliste dont les préoccupations seraient triviales [70].

24Lorsqu’il publie les fragments de la seconde partie de Symbolic logic en 1977, Bartley s’interroge sur l’actualité du problème de l’élimination et sur l’intérêt que les logiciens ont à travailler sur le genre de problèmes que Lewis Carroll avait inventé pour illustrer ses méthodes. Il réalise alors une expérience consistant à soumettre à plusieurs logiciens contemporains un problème carrollien et à recueillir leurs solutions. Pour cela, Bartley choisit un problème particulier, dit des écoliers (problem of the school-boys), composé de douze prémisses et faisant intervenir quatorze termes [71]. L’intérêt de ce problème tient à ce qu’il s’agit d’une légère variante d’un problème que Lewis Carroll avait imprimé en octobre 1892 sous le titre révélateur : A challenge to logicians, et qu’il avait vraisemblablement destiné aux logiciens de son temps pour recueillir leurs solutions [72]. C’est donc à une réplication de cette expérience que se livre Bartley qui raconte l’incapacité de ses collègues à résoudre le problème. Fort de son « succès », Bartley regrette que ce genre de problèmes ne retienne pas davantage l’attention des logiciens et philosophes modernes [73]. Cependant, son appel ne suscite pas l’adhésion. Ainsi, Geach lui répond que les talents nécessaires pour résoudre de tels problèmes n’ont pas plus d’intérêt pour la logique « sérieuse » que n’en a pour la théorie des nombres la capacité d’un enfant surdoué à effectuer mentalement des calculs complexes [74]. Il est ainsi ironique de voir Geach s’accorder avec « l’exécrablement mauvais » logicien qu’était Cook Wilson sur ce point. Irving M. Copi est moins sévère et se contente de constater l’exagération de Bartley quant à l’intérêt de ces problèmes qu’il juge plutôt artificiels [75]. Pourtant, Copi lui-même avait repris de tels problèmes dans son manuel Introduction to logic[76]. C’est que leur artificialité n’en diminue pas l’intérêt pédagogique pour travailler des méthodes formelles sur des cas plus complexes que le syllogisme. Par ailleurs, l’apparat ludique que Lewis Carroll leur confère rend l’étude de la logique moins rébarbative pour les débutants.

25Si Lewis Carroll et Cook Wilson s’affichent résolument attaché pour l’un et réfractaire pour l’autre à la logique symbolique, leurs positions sont moins opposées qu’il n’y paraît. À vrai dire, Cook Wilson ne conteste même pas la légitimité du système symbolique de Lewis Carroll puisque ce dernier ne recourt pas à une notation mathématique. C’est davantage les mérites de ce système que Cook Wilson conteste tout en relevant la futilité des problèmes auxquels s’intéressent les logiciens symbolistes. Il est intéressant de constater que Cook Wilson ne se contente pas d’objections philosophiques à l’encontre de la logique symbolique. Ses échanges avec Lewis Carroll montrent qu’il essaye de le battre à son propre jeu en construisant lui-même un système symbolique qu’il prétendait supérieur. Il faut y voir une conviction forte quant au statut épistémologique de la logique symbolique : elle serait le domaine des mathématiciens, lesquels seraient insensibles aux arguments philosophiques puisqu’il leur suffit d’affirmer que les philosophes ne comprennent rien aux mathématiques [77]. Cook Wilson procède de manière similaire dans sa critique des géométries non euclidiennes, en essayant en vain d’y détecter une contradiction mathématique pour convaincre les mathématiciens du sérieux de ses objections [78]. Paradoxalement, Lewis Carroll s’affranchit pour sa part de toute légitimité mathématique dans sa promotion de la logique symbolique puisqu’il ne considère nullement cette dernière comme une discipline mathématique. Il publie ses travaux logiques avec son pseudonyme littéraire et non son vrai nom (Charles L. Dodgson) qu’il a pourtant précédemment utilisé pour signer ses travaux mathématiques [79]. Ironiquement, il insère même une note dans la seconde édition de son ouvrage Symbolic logic pour démentir une fable racontée par la presse : la reine Victoria, ayant apprécié la lecture des aventures d’Alice, aurait demandé d’autres ouvrages du même auteur et aurait reçu, à sa grande surprise, des traités mathématiques [80]. Lewis Carroll nie ainsi être Dodgson, l’enseignant de mathématiques à Oxford.

26Il convient de retenir que ce sont surtout les philosophes opposés à la logique symbolique qui insistent sur le caractère et l’identité mathématiques de la nouvelle logique, bien davantage que les logiciens symbolistes eux-mêmes, lesquels revendiquent rarement ce caractère mathématique. Bien sûr, ce préjugé nuit fortement à la réception de la nouvelle logique auprès des philosophes. On peut lire par exemple Francis H. Bradley se plaindre à Russell, dans une lettre datée du 9 décembre 1904, de l’écriture symbolique complexe de MacColl, et dire ne pas vouloir perdre son temps à la déchiffrer [81]. Pour autant, il ne faut pas réduire la réception mitigée de la logique symbolique à un simple malentendu entre mathématiciens et philosophes autour du langage symbolique. D’abord parce que les logiciens symbolistes eux-mêmes subissent cette incompréhension comme en témoigne la recension sévère du Begriffsschrift de Frege par Venn dans le journal Mind[82]. Ensuite, il est difficile de contester à Cook Wilson sa formation et son expertise mathématique. Comme le notait Ivor Grattan-Guinness, Cook Wilson se distingue en cela des philosophes idéalistes oxoniens dont le conservatisme pouvait être mis sur le compte de l’incompétence mathématique [83]. L’opposition de Cook Wilson à la logique symbolique n’est donc pas la conséquence d’une aversion ou d’une hostilité envers les mathématiques mais résulte bien d’une conviction philosophique forte, et c’est cela même qui en fait tout l’intérêt pour l’historien de la logique. L’influence de Cook Wilson a été grande et surtout durable à Oxford. Même au début des années 1920, la logique dite mathématique n’était toujours pas à l’honneur. Ryle, de son propre aveu « cook wilsonien », raconte qu’à ses débuts à Oxford, seule la logique aristotélicienne était en vigueur, la logique symbolique étant absente des enseignements et des discussions [84]. Il a donc dû s’instruire seul, tout comme William Kneale. Ce n’est qu’à partir des années 1950 que la logique mathématique est véritablement enseignée à Oxford avec l’arrivée de Hao Wang.

Remerciements

Ce travail présente entre autres des recherches menées par Amirouche Moktefi dans le cadre du projet « Diagrammatic mind : Logical and communicative aspects of iconicity » (PUT 267), financé par l’Estonian research council et coordonné par le professeur Ahti-Veikko Pietarinen. La correspondance entre Lewis Carroll et John Cook Wilson a été consultée par Amirouche Moktefi à la Bodleian Library (Oxford) en mars 2006 grâce à une bourse de recherche de la Maison française à Oxford (MFO). Ce travail a bénéficié de discussions avec plusieurs personnes que les auteurs souhaitent remercier, notamment Francine Abeles, Francesco Bellucci, Jean-Marie Chevalier, Marie-José Durand-Richard, Ivor Grattan-Guinness, Gerhard Heinzmann, Ahti-Veikko Pietarinen et Edward Wakeling.

Notes

  • [*]
    Mathieu Marion, Département de philosophie, Université du Québec à Montréal, C.P. 8888, Succursale centre-ville, Montréal, Québec, H3C 3P8, Canada.
  • [**]
    Amirouche Moktefi, chaire de philosophie, Ragnar Nurkse School of innovation and governance, Tallinn University of technology, Akadeemia street 3 (Building X, 4th floor), 12618 Tallinn, Estonie.
  • [1]
    Sur la logique britannique au xixe siècle, voir : Dov M. Gabbay et John Woods (dir.), British logic in the nineteenth-century (Amsterdam : North Holland, 2008) ; Ivor Grattan-Guinness, Victorian logic from Whately to Russell, in Raymond Flood, Adrian Rice et Robin Wilson (dir.), Mathematics in Victorian Britain (Oxford : Oxford University Press, 2011), 359-374.
  • [2]
    Hans Reichenbach, Bertrand Russell’s logic, in Paul A. Schilpp (dir.), The Philosophy of Bertrand Russell (Evanston, Illinois : The library of living philosophers, 1946), 24. Les traductions dans le présent travail ont été réalisées par les auteurs.
  • [3]
    Ivor Grattan-Guinness, Russell’s logicism versus Oxbridge logics, 1890-1925 : A contribution to the real history of twentieth-century English philosophy, Russell, V/2 (1985-1986), 109.
  • [4]
    Dans le présent texte, nous préférons utiliser le pseudonyme « Lewis Carroll » pour désigner l’auteur car c’est ainsi que Charles L. Dodgson signe ses œuvres logiques. Il est bien connu que Dodgson essaye toute sa vie de garder l’anonymat et refuse de reconnaître publiquement tout lien entre lui, l’enseignant de mathématiques à Oxford, et Lewis Carroll, l’auteur de contes pour enfants. Voir : Hugues Lebailly, Dr Dodgson et Mr Carroll : De la caricature au portrait, Cahiers victoriens et édouardiens, XLIII (1996), 169-183.
  • [5]
    Lewis Carroll, Symbolic logic (Londres : Macmillan, 1897), 185.
  • [6]
    Morton N. Cohen et Roger L. Green (dir.), The Letters of Lewis Carroll (Londres : Macmillan, 1979), 1100.
  • [7]
    Charles L. Dodgson, Euclid and his modern rivals (Londres : Macmillan, 1879). Une seconde édition paraît en 1885. Pour une discussion du débat victorien sur l’enseignement de la géométrie et l’usage des Éléments d’Euclide, voir : Amirouche Moktefi, Geometry : The Euclid debate, in Flood, Rice et Wilson, op. cit. in n. 1, 320-336 et 445-446.
  • [8]
    Edward Wakeling (dir.), Lewis Carroll’s diaries (Clifford, Herefordshire : Lewis Carroll Society), vol. 6 (2001), 463-464.
  • [9]
    Ibid., vol. 8 (2004), 179-180.
  • [10]
    Lewis Carroll, The Game of logic (Londres : Macmillan, 1886). Lewis Carroll n’apprécie pas la qualité de cette première édition et demande à son éditeur d’envoyer aux États-Unis l’ensemble des exemplaires imprimés. Une seconde édition (i.e. une première édition publique en Angleterre) paraît en 1887. Voir : Clare Imholtz, The history of Lewis Carroll’s The Game of logic, The Papers of the Bibliographical Society of America, XCVII/2 (2003), 183-213.
  • [11]
    Morton N. Cohen et Anita Gandolfo (dir.), Lewis Carroll and the house of Macmillan (Cambridge : Cambridge University Press, 1987), 290.
  • [12]
    Lewis Carroll, Symbolic logic, Part 1 : Elementary (Londres : Macmillan, 1896). Une 4e édition paraît dès 1897. Pour une comparaison des différentes éditions, voir : Sidney H. Williams et al., The Lewis Carroll handbook (Kent : Dawson, 1979), 194-197.
  • [13]
    Lewis Carroll, « A fascinating mental recreation for the young », 1895-1896 (The Parrish collection of Lewis Carroll, Princeton University Library, Dodgson 305, Dodgson 306 et Dodgson 307), 4.
  • [14]
    Charlie Lovett, Lewis Carroll among his books (Jefferson, North Carolina : McFarland & Company, 2005), 129 et 301.
  • [15]
    William W. Bartley III (dir.), Lewis Carroll’s symbolic logic (New York : Clarkson N. Potter, 1977). Une seconde édition paraît en 1986.
  • [16]
    Voir : Amirouche Moktefi, Lewis Carroll’s logic, in Gabbay et Woods, op. cit. in n. 1, 457-505 ; Francine F. Abeles (dir.), The Logic pamphlets of Charles Lutwidge Dodgson and related pieces (New York : LCSNA, 2010).
  • [17]
    Dodgson (1879), op. cit. in n. 7, 25.
  • [18]
    Voir : Sophie Marret, Lewis Carroll : Le symbole et la lettre, in Pierre Cartier et Nathalie Charraud (dir.), Le Réel en mathématiques (Paris : Agalma, 2004), 273-288.
  • [19]
    Lewis Carroll, op. cit. in n. 5, 82.
  • [20]
    Bartley (1977), op. cit. in n. 15, 47.
  • [21]
    Hugh MacColl, Symbolic reasoning (II), Mind, VI/24 (1897), 493.
  • [22]
    Voir : Edward Wakeling, The Logic of Lewis Carroll (publié à compte d’auteur, 1978).
  • [23]
    Sur la philosophie de Cook Wilson et son influence, voir : Mathieu Marion, Oxford realism : Knowledge and perception, British journal for the history of philosophy, VIII (2000), 299-338 et 485-519 ; Mathieu Marion, John Cook Wilson, in Edward N. Zalta (dir.), The Stanford encyclopedia of philosophy (2010, <http://plato.stanford.edu/archives/spr2010/entries/wilson>).
  • [24]
    The Oxford University calendar (Oxford : J. Parker and H. Slatter, 1861), 89.
  • [25]
    Le poste est par la suite occupé par Harold H. Joachim, Henry H. Price, Alfred J. Ayer, Michael Dummett, David Wiggins et Timothy Williamson. Il est notable qu’il faille attendre 1897 pour voir la création à Cambridge d’un poste de professeur incluant la logique dans ses compétences. Il s’agit du poste de professeur de philosophie mentale et de logique, créé sous l’impulsion de Henry Sidgwick, lui-même professeur de philosophie morale. Néanmoins, la priorité du recrutement est accordée à la philosophie mentale, ce qui explique le recrutement de James Ward au détriment de John Venn. George F. Stout était également candidat au poste. À la mort de Ward, George E. Moore puis Ludwig Wittgenstein lui succèdent. Voir : Byron E. Wall, John Venn, James Ward, and the chair of mental philosophy and logic at the University of Cambridge, Journal of the history of ideas, LXVIII/1 (2007), 131-155.
  • [26]
    John Cook Wilson, Statement and inference, with other philosophical papers, 2 vol. (Oxford : Clarendon Press, 1926). L’ouvrage est réédité en 2002 (Bristol : Thoemmes, 2002), avec une introduction de Mathieu Marion (v-xxvii).
  • [27]
    Peter T. Geach, Recension de William W. Bartley III : Lewis Carroll’s symbolic logic, Philosophy, LIII (1978), 123.
  • [28]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, xcix.
  • [29]
    Ibid., 192-210.
  • [30]
    Outre le travail logique de Lewis Carroll qu’il connaît, Cook Wilson étudie essentiellement les systèmes de Boole et de Venn (ibid., 660). Dans une lettre à Bernard Bosanquet, datée du 22 juin 1903, il s’exprime longuement sur son opposition à la logique symbolique. Il explique ne pas avoir encore publié ses objections car il souhaite d’abord étudier d’autres auteurs dans la lignée de Boole. Il cite notamment Ernst Schröder, Giuseppe Peano, Richard Dedekind et Georg Cantor qu’il n’avait pas encore pu lire (ibid., xciv-xcix). Son ouvrage posthume n’inclut qu’un chapitre critique sur la logique symbolique, reprenant essentiellement le texte de deux cours de 1889 sur la question (ibid., 635-662).
  • [31]
    John Venn, Symbolic logic (Londres : Macmillan, 1894), ix-xviii.
  • [32]
    William S. Jevons, Some recent mathematico-logical memoirs, Nature, XXIII (1881), 485-486.
  • [33]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, 635-636.
  • [34]
    William S. Jevons, Pure logic and other minor works (Londres : Macmillan, 1890), 4-5.
  • [35]
    Hugh MacColl, Implicational and equational logic, Philosophical magazine, XI/65 (1881), 40-43. Sur le développement des notations logiques au xixe siècle, voir : Marie-José Durand-Richard et Amirouche Moktefi, Algèbre et logique symboliques : Arbitraire du signe et langage formel, in Jean-Yves Béziau (dir.), La Pointure du symbole (Paris : Pétra, 2014), 295-328. Il est notable que certaines questions ayant fait l’objet de virulentes controverses parmi les premiers logiciens symbolistes, telles l’interprétation du calcul et celle de la disjonction, ne soient pas abordées dans les échanges entre Lewis Carroll et Cook Wilson. Ce silence traduit sans doute un consensus entre les deux hommes quant au traitement de ces questions.
  • [36]
    On peut retracer certains de ces arguments chez d’autres philosophes opposés à la logique symbolique. La recension par Edmund Husserl du premier tome des Vorlesungen über der Algebra der Logik de Schröder est à cet égard assez typique : Husserl y exprime ses doutes quant à la capacité du symbolisme de cette algèbre à remplacer le langage ordinaire et à résoudre des problèmes logiques, tout en reprenant le préjugé selon lequel il s’agirait d’une entreprise mathématique, non philosophique (Edmund Husserl, Articles sur la logique : 1890-1913 (Paris : Presses universitaires de France, 1975), 9-61). Sur la réception de la logique symbolique dans le monde germanique, voir : Jarmo Pulkkinen, Thought and logic : The debates between German-speaking philosophers and symbolic logicians at the turn of the 20th century (Francfort : Peter Lang, 2005). Une étude similaire du contexte britannique, qui porterait entre autres sur les philosophes John Stuart Mill, Francis H. Bradley, Bernard Bosanquet et Cook Wilson reste à faire. Le présent travail se veut une étape dans cette direction.
  • [37]
    Sur Cook Wilson et les universaux, voir Marion (2010), art. cit. in n. 23, section 6.
  • [38]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, 713.
  • [39]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, 344 et 347. Sur ces questions, voir James P. Moreland, Universals (Montréal-Kingston : McGill – Queen’s University Press, 2001), chap. 1.
  • [40]
    George F. Stout, The nature of universals and propositions, in Studies in philosophy and psychology (Londres : MacMillan, 1930), 388.
  • [41]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, 342 et 351.
  • [42]
    Ibid., 348.
  • [43]
    Voir sur ce point : Marion (2010), art. cit. in n. 23, section 3.
  • [44]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, 350.
  • [45]
    Ibid., sections 422-432, 477-500 et 501-518.
  • [46]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, 635.
  • [47]
    Ibid., 636-637.
  • [48]
    Ibid., 639-640.
  • [49]
    John Neville Keynes, Studies and exercises in formal logic (Londres : Macmillan, 1884). Une 2e édition paraît en 1887, une 3e édition en 1894 et enfin une 4e édition en 1906.
  • [50]
    Ibid. (1884), vii.
  • [51]
    John Venn, Recension de John N. Keynes : Studies and exercises in formal logic, Mind, IX/34 (1884), 301-304.
  • [52]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, xcv.
  • [53]
    Wakeling, op. cit. in n. 9, 192.
  • [54]
    John Cook Wilson, On an evolutionist theory of axioms (Oxford : B. H. Blackwell, 1889).
  • [55]
    Charles L. Dodgson, Curiosa mathematica, Part I : A new theory of parallels (Londres : Macmillan, 1888). De nouvelles éditions paraissent en 1889, 1891 et 1895. Voir : Francine F. Abeles et Amirouche Moktefi, Hugh MacColl and Lewis Carroll : Crosscurrents in geometry and logic, Philosophia scientiae, XV/1 (2011), 55-76.
  • [56]
    Wakeling, op. cit. in n. 9, 306 et 559-560.
  • [57]
    Lewis Carroll, « Lettres à John Cook Wilson », ms. 1890-1897 (The John Cook Wilson Papers, Bodleian Library, University of Oxford, The Wilson-Dodgson box). Ce fonds conserve plus d’une quarantaine de lettres de Lewis Carroll à Cook Wilson et quelques lettres (très illisibles) de Cook Wilson à Lewis Carroll. Curieusement, aucune lettre entre 1892 et 1894 n’a survécu, bien que Farquharson les cite dans son édition posthume des écrits de Cook Wilson.
  • [58]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, xli-xliii.
  • [59]
    Lewis Carroll, A logical paradox, Mind, III/11 (1894), 436-438.
  • [60]
    John Cook Wilson, Lewis Carroll’s logical paradox, Mind, XIV (1905), 292-293 et 439.
  • [61]
    Sur le paradoxe des barbiers et la controverse qu’il engendre, voir : Amirouche Moktefi, Lewis Carroll and the British nineteenth-century logicians on the barber shop problem, in Antonella Cupillari (dir.), Proceedings of the Canadian Society for the history and philosophy of mathematics, XX (2007), 189-199.
  • [62]
    Lewis Carroll, What the tortoise said to Achilles, Mind, IV/14 (1895), 278-280.
  • [63]
    Voir : Amirouche Moktefi et Francine F. Abeles (dir.), What the tortoise said to Achilles : Lewis Carroll’s paradox of inference (numéro spécial de la revue The Carrollian, à paraître en 2015). Ce volume inclut une discussion du travail de Lewis Carroll sur la théorie des hypothétiques (Amirouche Moktefi et Francine F. Abeles, Lewis Carroll’s investigations toward a workable theory of hypotheticals) ainsi qu’une discussion du paradoxe de l’inférence, notamment le point de vue de Cook Wilson (Mathieu Marion, Lessons from Lewis Carroll’s paradox of inference).
  • [64]
    George Boole, The Laws of thought (Londres : Walton and Maberly, 1854), 8.
  • [65]
    Montagu Burrows, Pass and class : An Oxford guide-book (Oxford : J. H. and J. Parker, 1861), 82.
  • [66]
    Venn, op. cit. in n. 31, xxv-xxvii.
  • [67]
    Cohen et Gandolfo, op. cit. in n. 11, 323.
  • [68]
    Bartley (1977), op. cit. in n. 15, 386-389.
  • [69]
    Voir : Judy Green, The problem of elimination in the algebra of logic, in Thomas Drucker (dir.), Perspectives on the history of mathematical logic (Basel : Birkhäuser, 1991), 1-9.
  • [70]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, 637.
  • [71]
    Bartley (1977), op. cit. in n. 15, 326-330.
  • [72]
    Lewis Carroll, « A challenge to logicians », 1892 (The Lewis Carroll collection, Christ Church Library, University of Oxford, misc. 6).
  • [73]
    Bartley (1977), op. cit. in n. 15, 25. Dans une note, Bartley admet tout de même avoir reçu plus tard deux réponses correctes au problème soumis.
  • [74]
    Geach (1978), art. cit. in n. 27, 124.
  • [75]
    Irving M. Copi, Recension de William W. Bartley III : Lewis Carroll’s symbolic logic, British journal for the philosophy of science, XXXI/1 (1980), 84.
  • [76]
    Irving M. Copi, Introduction to logic (New York : Macmillan, 1961), 220.
  • [77]
    Cook Wilson (1926), op. cit. in n. 26, xl.
  • [78]
    Ibid., xxxix-xxxx.
  • [79]
    Voir : Francine F. Abeles (dir.), The Mathematical pamphlets of Charles Lutwidge Dodgson and related pieces (New York : LCSNA, 1994).
  • [80]
    Lewis Carroll, Symbolic logic, 2e éd. (Londres : Macmillan, 1896), VII.
  • [81]
    Carol A. Keene (dir.), F. H. Bradley : Selected correspondence, june 1872-december 1904 (Bristol : Thoemmes, 1999), 303.
  • [82]
    John Venn, Recension de Gottlob Frege : Begriffsschrift, Mind, V/18 (1880), 297.
  • [83]
    Grattan-Guinness (1985-1986), art. cit. in n. 3, 114.
  • [84]
    Gilbert Ryle, Autobiographical, in Oscar P. Wood et George Pitcher (dir.), Ryle : A collection of critical essays (New York : Anchor Books, 1970), 4.
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