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Article de revue

Le droit et l’animal : sur les traces d’un post-humanisme juridique

Pages 67 à 82

Notes

  • [1]
    À propos du tournant animaliste en sciences sociales, voir Erika A. Cederholm et al. (éd.), Exploring the animal turn. Human-Animal Relations in Science, Society and Culture, Lund, Pufendorf Institute for Advanced Studies, 2014, disponible en ligne à l’adresse https://lup.lub.lu.se/search/ws/files/5611166/7370438.pdf [consulté le 03.04.2020].
  • [2]
    Voir par exemple Brian Massumi, Ce que les bêtes nous apprennent de la politique, Éd. Dehors, 2019 ; Vinciane Despret, Habiter en oiseau, Actes Sud, coll. « Mondes sauvages », 2019 ; Violette Pouillard, Histoire des zoos par les animaux. Impérialisme, contrôle, conservation, Champ Vallon, coll. « L’environnement a une histoire », 2019.
  • [3]
    Baptiste Morizot, Manières d’être vivant, Actes Sud, coll. « Mondes sauvages », 2020.
  • [4]
    Éric Baratay, Le point de vue animal. Une autre version de l’histoire, Paris, Éd. du Seuil, 2012.
  • [5]
    Pierre Brunet, « L’animal dans l’arène des juristes », dans Fabien Carrié et Christophe Traïni (dir.), S’engager pour les animaux, PUF, coll. « La vie des idées », 2019, p. 78.
  • [6]
    Il est intéressant de noter que la distinction entre personnes et choses se voit au même moment réinterrogée au motif qu’elle ne permettrait plus d’appréhender les plus récentes évolutions technologiques en matière d’intelligence artificielle et de robotique. Voir Jiahong Chen et Paul Burgess, “The boundaries of legal personhood: how spontaneous intelligence can problematise differences between humans, artificial intelligence, companies and animals”, Artificial Intelligence and Law vol. 27, 2019, p. 73-92.
  • [7]
    Maneesha Deckha, “Animal Bodies, Technobodies: New Directions in Cultural Studies, Feminism, and Posthumanism”, Yale Journal of Law & Feminism, vol. 20, 2009, p. 505-526 ; Irus Braverman, “More-than-Human Legalities: Advocating an Animal Turn in Law and Society”, dans Patricia Ewick et Austin Sarat (éd.), The Wiley Handbook of Law and Society, Wiley Press, 2015, p. 307-321.
  • [8]
    Il importe ici de faire la distinction entre les fantasmes post-humains et les théories post-humanistes visant à critiquer l’héritage conceptuel de la modernité et à dépasser les apories de la pensée humaniste. Voir Frédéric Neyrat, Homo Labyrinthus. Humanisme, antihumanisme, posthumanisme, Éd. Dehors, 2015.
  • [9]
    Cary Wolfe, Animal Rites: American Culture, the Discourse of Species, and Posthuman Theory, Chicago, University of Chicago Press, 2003.
  • [10]
    Neil Badmington, “Theorizing Posthumanism”, Cultural Critique, vol. 53, 2003, p. 10-27.
  • [11]
    Cary Wolfe, What is posthumanism?, University of Minnesota Press, 2010 ; Rosi Braidotti, The Posthuman, Polity Press, 2013.
  • [12]
    Alain Pottage, “Introduction: The Fabrication of Persons and Things”, dans Alain Pottage et Martha Mundy (éd.), Law, Anthropology, and the Constitution of the Social. Making Persons and Things, Cambridge University Press, coll. « Cambridge Studies in Law and Society », 2004, p. 2.
  • [13]
    Maneesha Deckha, “Initiating a non-anthropocentric jurisprudence: The rule of Law and animal vulnerability under a property paradigm”, Alberta L. Rev. vol. 50/4, 2013, p. 783-814.
  • [14]
    Irus Braverman, “Law’s Underdog: A Call for More-than-Human Legalities”, Annu. Rev. Law Soc. Sci. vol. 14, 2018, p. 127-44 ; Barnaby E. McLaughlin, “A Conspiracy of Life: A Post-humanist Critique of Approaches to Animal Rights in the Law”, University of Massachusetts L. Rev., vol. 14/1, 2019, https://scholarship.law.umassd.edu/umlr/vol14/iss1/3/ [consulté le 19.03.2020].
  • [15]
    Sonia Canselier, « Les grands progrès de la protection animale en droit français et européen », Histoire de la recherche contemporaine, tome IV/1, 2015, p. 54-57, https://doi.org/10.4000/hrc.977 [consulté le 27.03.2020]. Notons en outre que l’article 13 du Traité de Lisbonne reconnaît que les animaux sont des êtres sensibles capables d’éprouver de la douleur. Isabell Büschel et Juan Miguel Azcárraga, « Quelle protection juridique des animaux en Europe ? L’apport du Traité de Lisbonne à la lumière du droit comparé », Trajectoires vol. 7, 2013, https://journals.openedition.org/trajectoires/1162 [consulté le 27.03.2020].
  • [16]
    Voir la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie signée par les États membres du Conseil de l’Europe le 13 novembre 1987, https://rm.coe.int/168007a684 [consulté le 27.03.2020].
  • [17]
    Voir l’article 4 de la Directive 98/58/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant la protection des animaux dans les élevages.
  • [18]
    Voir, par exemple, la loi française (dite loi Grammont) du 2 juillet 1850 relative au mauvais traitement sur les animaux domestiques.
  • [19]
    Voir le point 7 de l’Annexe à la Directive 98/58/CE précitée.
  • [20]
    Les travaux de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) permettent de mieux cerner cette notion de bien-être animal. Selon le Code sanitaire pour les animaux terrestres de l’OIE, le bien-être animal désigne « l’état physique et mental d’un animal en relation avec les conditions dans lesquelles il vit et meurt ». Le bien-être des animaux terrestres doit être assuré à travers le respect de « cinq libertés fondamentale » : (i) absence de faim, de soif et de malnutrition ; (ii) absence de peur et de détresse ; (iii) absence de stress physique ou thermique ; (iv) absence de douleur, de lésions et de maladie, et (v) possibilité pour l’animal d’exprimer les comportements normaux de son espèce. Voir le site de l’OIE à l’adresse https://www.oie.int/fr/ [consulté le 27.03.2020].
  • [21]
    Pour une défense du modèle propriétaire, voir Richard L. Jr. Cupp, “Animals as More Than ‘Mere Things’, But Still Property: A Call for Continuing Evolution of the Animal Welfare Paradigm”, Cinn. L. Rev., vol. 84, 2016, p. 1023-1067 ; David Favre, “Living Property: A New Status for Animals Within the Legal System”, Marq. L. Rev., vol. 93, 2010, p. 1021-1070, http://scholarship.law.marquette.edu/mulr/vol93/iss3/3 [consulté le 27.03.2020]. Dans cet article, l’auteur propose de créer la nouvelle catégorie de « propriété vivante ».
  • [22]
    Gary Francione, “Reflections on ‘Animals, Property, and the Law’ and ‘Rain without Thunder’”, Law and Contemporary Problems, vol. 70/1, 2007, p. 32-33.
  • [23]
    Robert Garner, “Animal Welfare: A Political Defense”, J. Animal Law & Ethics, vol. 1, 2006, p. 167.
  • [24]
    Direction Générale des Politiques internes, Département thématique « Droits des citoyens et affaires constitutionnelles », Le bien-être animal dans l’Union européenne, étude réalisée par D. M. Broom, 2017, https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2017/583114/IPOL_STU(2017)583114_FR.pdf [consulté le 27.03.2020]. Par exemple, la protection des animaux au moment de leur abattage peut contribuer à « améliorer la qualité de la viande » ou à influer sur « l’attitude des consommateurs à l’égard des produits agricoles ». Voir le considérant n° 4 du Règlement (CE) 1099/2009 du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort.
  • [25]
    Cour des comptes européenne, Rapport spécial. Bien-être animal dans l’UE : réduire la fracture entre des objectifs ambitieux et la réalité de la mise en œuvre, https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/SR18_31/SR_ANIMAL_WELFARE_FR.pdf [consulté le 27.03.2020].
  • [26]
    Loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, JORF, n° 0040, 17 février 2015, p. 2961.
  • [27]
    Voir Jean-Pierre Marguénaud, « La modernisation des dispositions du code civil relatives aux animaux : l’échappée belle », Revue juridique de l’environnement, vol. 40, 2015/1, p. 259-260.
  • [28]
    Evelyne Langenaken, « L’animal en droit civil : les amorces d’un nouveau statut », J.T., vol. 3, décembre 2016, p. 697 et s.
  • [29]
    Alain Supiot, Homo Juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du droit, Paris, Éd. du Seuil, 2005.
  • [30]
    David Fagundes, “Notes. What We Talk about When We Talk about Persons: The Language of a Legal Fiction”, Harvard L. Rev., vol. 114/6, 2001, p. 1768 ; Rémy Libchaber, « La souffrance et les droits. À propos d’un statut de l’animal », D. 2014, p. 380.
  • [31]
    Il s’agit notamment des grands singes ou des autres animaux comme les dauphins dont l’intelligence serait comparable à celle des humains.
  • [32]
    Jean-Pierre Marguénaud, « Actualité et actualisation des propositions de René Démogue sur la personnalité juridique des animaux », Revue juridique de l’environnement, vol. 40, 2015/1, p. 79.
  • [33]
    Richard L. Jr. Cupp, “Cognitively Impaired Humans, Intelligent Animals, and Legal Personhood”, Florida L. Rev., vol. 69/2, 2017, p. 465-518.
  • [34]
    Le philosophe Tom Regan, l’une des figures de proue du mouvement américain en faveur des droits des animaux, a très bien illustré ce principe, en forgeant le concept de « sujet-d’une-vie » (subject-of-a-life). Selon lui, il faudrait reconnaître des droits (moraux) aux animaux car, à l’instar de l’humain, ils sont sujets-d’une-vie dont ils font l’expérience ; ils ont des désirs et des préférences pour certaines choses ou certaines situations ; ils éprouvent des sentiments et ressentent plaisir et douleur ; ils ont une certaine conscience de ce qui importe pour eux, de leur bien-être individuel. Voir Tom Regan, The Case for Animal Rights Updated, University of California Press, 2004.
  • [35]
    Jane Kotzmann et Cassandra Seery, “Dignity in International Human Rights Law: Potential Applicability in Relation to International Recognition of Animal Rights”, Michigan State International L. Rev., vol. 26/1, 2017, p. 1-42.
  • [36]
    Dans le cadre limité de cette étude, il n’est bien sûr pas possible de passer en revue toutes ces critiques.
  • [37]
    Jean-Pierre Marguénaud, « Actualité et actualisation des propositions de René Démogue sur la personnalité juridique des animaux », p. 79.
  • [38]
    Roger Scruton, “Animal Rights”, Analysis. Claves de Pensamiento Contemporáneo, vol. 21/3, 2018, p. 1-13.
  • [39]
    Voir Sonia Desmoulin, L’animal entre science et droit, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2006.
  • [40]
    Leslie J. Rogers et Gisela Kaplan, “Think or be damned: Problematic case of higher cognition in animals and legislation for animal welfare”, Journal of Animal Law, vol. 12/2, 2006, p. 151-191.
  • [41]
    Edward Mussawir et Connal Parsley, “The law of persons today: at the margins of jurisprudence”, Law and Humanities, vol. 11/1, 2017, p. 44-63.
  • [42]
    Serge Gutwirth, « Penser le statut juridique des animaux avec Jean-Pierre Marguénaud et René Démogue : Plaidoyer pour la technique juridique de la personnalité », Revue juridique de l’environnement, vol. 40, 2015/2, p. 70.
  • [43]
    Yan Thomas, Les opérations du droit, Seuil/Gallimard, coll. « Hautes Études », 2011, p. 133.
  • [44]
    Jean-Pierre Marguénaud, « Actualité et actualisation des propositions de René Démogue sur la personnalité juridique des animaux », p. 73-83. S’inspirant des travaux précurseurs du juriste français R. Demogue, l’auteur défend l’idée d’une « personnification technique » et l’oppose à ce qu’il appelle la « personnification anthropomorphique ». Voir aussi la distinction entre « personnification substantielle » et « procédurale » faite par Mary-Angèle Hermitte, « La nature, sujet de droit ? », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2011/1, 66e année, p. 173-212.
  • [45]
    Andreas Philippopoulos-Mihalopoulos (éd.), Law and Ecology. New Environmental Foundations, Routledge, 2012.
  • [46]
    Cormac Cullinan, “A history of Wild Law”, dans Peter Burdon (éd.), Exploring Wild Law: The Philosophy of Earth Jurisprudence, Wakefield Press, 2011, p. 12-13 : « The idea that humans are only one part of a wider community of beings and that the welfare of each member of that community is dependent on the welfare of the Earth as a whole. From this perspective, human societies will only be viable and flourish if they regulate themselves as part of this wider Earth community and do so in a way that is consistent with the fundamental laws or principles that govern how the Universe functions. »
  • [47]
    Selon, Peter Burdon, l’un des maîtres à penser de ce courant, l’anthropocentrisme est omniprésent dans la théorie du droit ; il se manifeste tantôt à travers l’accent mis uniquement sur les relations entre humains et entre leurs collectifs, tantôt par l’usage de concepts juridiques comme la propriété. Voir Peter Burdon, “A Theory of Earth Jurisprudence”, Australian Journal of Legal Philosophy, vol. 37, 2012, p. 28.
  • [48]
    Anne Louise Schillmoller et Alessandro Pelizzon, “Mapping the Terrain of Earth Jurisprudence: Landscapes, Thresholds and Horizons”, Environmental and Earth L. J., vol. 3/1, 2013, p. 1-32, https://lawpublications.barry.edu/ejejj/vol3/iss1/1/ [consulté le 27.03.2020].
  • [49]
    Comme le souligne Glen W. Wright, ce principe ne signifie pas pour autant que les humains se voient dénier tout statut moral ou que toutes les formes naturelles non-humaines ont un poids moral identique à l’humanité. Voir Glen W. Wright, “Animal Law and Earth Jurisprudence. A Comparative Analysis of the Status of Animals in two Emerging Critical Legal Theories”, 2012, p. 10, https://pdfs.semanticscholar.org/cd21/280805fe02e8b6bc78752cbd219cf9c0bc54.pdf [consulté le 27.03.2020].
  • [50]
    L’exemple le plus spectaculaire à cet égard est sans doute celui de l’Équateur qui n’a pas hésité à reconnaître dans sa Constitution des droits inaliénables à la nature comme ceux d’exister, de persister et d’être respecté. Voir Maria Akchurin, “Constructing the Rights of Nature: Constitutional Reform, Mobilization, and Environmental Protection in Ecuador”, Law & Social Inquiry, vol. 40/4, 2015, p. 937-968.
  • [51]
    Bruno Latour, Politiques de la nature, Paris, La Découverte/Poche, 2004, p. 99 s.
  • [52]
    La Haute Cour d’Uttarakhand en Inde a rendu deux décisions octroyant le statut de personne juridique aux fleuves Ganges et Yamunan. Elle a reconnu leur droit intrinsèque à ne pas être pollués, mais également « [… a right to exist, persist, maintain, sustain and regenerate their own vital ecology system ». Voir Glaciers case (n 2) 59 et les commentaires d’Erin L. ODonnell, “At the Intersection of the Sacred and the Legal: Rights for Nature in Uttarakhand, India”, J. Envtl. L., vol. 30, 2018, p. 135-144.
  • [53]
    Pour une étude des récentes affaires concernant des fleuves et des rivières, voir le brillant article de Cristy Clark, Nia Emmanouil, John Page et Alessandro Pelizzon, “Can Your Hear the Rivers Sings? Legal Personhood, Ontology, and the Nitty-Gritty of Governance”, Ecology Law Quarterly, vol. 45/4, 2018, p. 787-844.
  • [54]
    Anne Salmond, “Tears of Rangi. Water, power, and people in New Zealand”, Hau: Journal of Ethnographic Theory, vol. 4/3, 2014, p. 285-309. Le législateur lui-même fait de ce cours d’eau une réalité à la fois mystique et biologique, « an indivisible and living whole, comprising the Whanganui River from the mountains to the sea, [and] incorporating all its physical and metaphysical elements ». Voir Te Awa Tupua (Whanganui River Claims Settlement) Act 2017, s 12 (N.Z.).
  • [55]
    Kabir S. Bavikatte et Tom Bennett, “Community Stewardship: the foundation of biocultural rights”, Journal of Human Rights and the Environment, vol. 6/1, 2015, p. 8.
  • [56]
    Andrew J. Hoffman et Lloyd E. Sandelands, “Getting Right with Nature: Anthropocentrism, Ecocentrism, and Theocentrism”, Organization Environment, vol. 18, 2005, p. 141-162.
  • [57]
    Maneesha Deckha, “Initiating a non-anthropocentric jurisprudence: The rule of Law and animal vulnerability under a property paradigm”, Alberta L. Rev., vol. 50/4, 2013, p. 783-814.
  • [58]
    À cet égard, voir notamment les travaux de Gary Francione, Rain Without Thunder: The Ideology of the Animal Rights Movement, Philadelphia, Temple University Press, 1996.
  • [59]
    Dans son ouvrage consacré au post-humanisme, deux chapitres sont respectivement intitulés « Post-Anthropocentrism: Life beyond the Species » et « Post-Humanism: Life beyond the Self ». Voir Rosi Braidotti, The Posthuman, p. 13 et p. 55.
  • [60]
    Anna Grear, “Deconstructing Anthropos: A Critical Legal Reflection on ‘Anthropocentric’ Law and Anthropocene ‘Humanity’”, Law Critique, vol. 26, 2015, p. 225-249.
  • [61]
    Nia Emmanouil et al., “Can Your Hear the Rivers Sings? Legal Personhood, Ontology, and the Nitty-Gritty of Governance”, Ecology Law Quarterly, p. 827.
  • [62]
    Donna Haraway, When Species Meet, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2007.
  • [63]
    Baptiste Morizot, « L’écologie contre l’Humanisme. Sur l’insistance d’un faux problème », Essais [en ligne] vol. 13, 2018, p. 107, http://journals.openedition.org/essais/516 [consulté le 12.12.2019].
  • [64]
    Robert Lee, “A Walk on the Wild Side. Wild Law in Practice”, Environmental Law and Management, vol. 18/1, 2006, p. 6-10.
  • [65]
    Cary Wolfe, “Introduction. Moving forward, kicking back: The animal turn”, Postmedieval: a journal of medieval cultural studies, vol. 2, 2011, p. 3.
  • [66]
    En effet, même quand il vise la protection des animaux, le droit reste forgé par l’homme et ne prétend pas réglementer directement les relations entre non-humains. Voir Alessandro Pelizzon et Aidan Rickets, “Beyond anthropocentrism and back again: from ontological to normative anthropocentrism”, The Australasian Journal of Natural Resources Law and Policy, vol. 18/2, 2015, p. 116. Dans leur tentative de répondre à la question, les auteurs distinguent entre « anthropocentrisme ontologique » et « normatif ».
  • [67]
    Vito De Lucia, “Beyond Anthropocentrism and Ecocentrism. A Biopolitical Reading of Environmental Law”, Journal of Human Rights and the Environment, vol. 8/2, 2017, p. 190 : « [a] rights-based strategy risks locking the framework of legal analysis within a cultural and legal horizon premised on a subject-object grammar and maintains an inevitable linkage with human rights and their anthropocentric frame of reference. »
  • [68]
    Christopher Peterson, “The Posthumanism to Come”, Angelaki. Journal of the Theoretical Humanities, vol. 16/2, 2011, p. 127-141.
  • [69]
    Bruno Latour, La fabrique du droit, Paris, La Découverte/Poche, 2004, p. 258.
  • [70]
    Vito De Lucia, “Beyond Anthropocentrism and Ecocentrism. A Biopolitical Reading of Environmental Law”, Journal of Human Rights and the Environment, p. 200.

Introduction

1Depuis quelques années, notre sensibilité à l’égard du vivant semble avoir changé. Est-ce dû aux ravages spectaculaires causés par le réchauffement climatique et l’anthropocène ? À l’exploitation inconsidérée des ressources naturelles et au saccage des écosystèmes ? Ou alors est-ce dû à l’instrumentalisation et la réification des espèces animales s’exerçant dans les laboratoires ou l’industrie alimentaire ?… Dans le monde occidental, cette sensibilité à l’égard de l’animal est aussi due aux avancées spectaculaires réalisées ces dernières années dans le domaine scientifique, lesquelles ont permis d’affiner notre compréhension des formes de vie animale. Au-delà des domaines traditionnels comme la biologie ou l’éthologie, l’engouement pour les études animales s’est aussi fait sentir dans le champ des sciences sociales, à tel point qu’on peut y observer l’émergence d’un véritable « tournant animaliste [1] ». De nombreux ouvrages de philosophie, d’histoire, ou d’anthropologie tentent de repenser nos rapports à la nature [2], en déconstruisant l’exceptionnalité humaine à travers l’étude d’autres « manières d’être vivant [3] » ou l’attention portée au « point de vue de l’animal [4] ».

2Dans le champ du droit, cette transformation s’est concrétisée, dans certains pays, par la consécration d’un nouveau statut juridique de l’animal. Par exemple, plusieurs États ont ces dernières années inscrit la protection des animaux dans leur Constitution [5], tandis que d’autres ont modifié le statut de l’animal dans le Code civil. En le reconnaissant comme un être doué de sensibilité, le droit semble de plus en plus enclin à l’extraire de la catégorie des choses ou des biens [6]. Le droit subirait-il donc, lui aussi, les effets de ce tournant animaliste ? Plus encore, ce tournant sonnerait-il le glas de l’humanisme dans lequel le droit puise ses racines ? Certains auteurs considèrent qu’il est urgent que le droit prenne le train du post-humanisme en marche [7], ce courant ayant bouleversé considérablement le domaine des sciences sociales ces dernières années [8].

3En effet, il convient d’inscrire le tournant animaliste contemporain dans la perspective plus large du courant post-humaniste invitant à remettre en cause l’héritage conceptuel des Modernes et à proposer une alternative aux conceptions humanistes tant sur le plan épistémologique qu’ontologique [9]. Malgré la diversité des réflexions nourrissant la pensée post-humaniste contemporaine, celle-ci a pour ambition générale la déconstruction radicale de l’exceptionnalité humaine dans son rapport aux autres êtres vivants et à l’environnement [10]. Cette remise en cause s’exerce à travers le déploiement d’une double logique [11]. D’une part, sous la forme d’une critique de l’anthropocentrisme et du spécisme, invitant à considérer les non-humains comme des instances agissantes à part entière. Sur le plan ontologique, cette logique a notamment pour effet de retisser des formes de continuité entre animaux et humains, en mettant l’accent par exemple sur leurs caractéristiques physiques et leurs appartenances écologiques communes. D’autre part, le courant post-humaniste vise à s’émanciper, sur le plan épistémologique, de tous les dualismes propres à la pensée cartésienne en déconstruisant une série d’oppositions conceptuelles héritées de la modernité, telles que : nature/culture, sujet/objet, identité/altérité, etc.

4Cette double logique semble s’insinuer depuis quelques années dans la sphère juridique : les uns invitant à reconsidérer la summa divisio que le droit pose entre les personnes et les choses [12] ; les autres appelant à développer une théorie du droit non-anthropocentrique [13]. Dans cette contribution, nous souhaitons faire la lumière sur les présupposés anthropologiques et normatifs accompagnant les récentes stratégies juridiques déployées par divers acteurs afin de protéger les animaux. L’enquête vise à repérer les différentes manières pour le droit de saisir les rapports entre humains et animaux et d’identifier ainsi les éventuelles traces d’un glissement vers un paradigme post-humaniste [14].

Le bien-être et la sécurité de l’animal

5Dans le paysage juridique, les dispositions censées garantir le bien-être animal sont sans aucun doute les plus répandues aujourd’hui. Cette stratégie est aussi la plus connue du grand public car déployée dans des actions militantes souvent spectaculaires dénonçant les maltraitances subies par les animaux dans les abattoirs ou les conditions malsaines de confinement dans les élevages industriels, par exemple. De manière générale, les législations censées garantir le bien-être animal ont un champ d’application très large et visent à encadrer toute une série de pratiques comme la détention des animaux, les interventions autorisées sur ces derniers, leur commerce, leur transport et leur introduction sur le territoire, leur mise à mort, les expériences pratiquées sur eux, etc.

6Aujourd’hui, l’objectif de la législation en matière de bien-être animal est non seulement de sanctionner les actes de cruauté ou de mauvais traitements à l’égard des animaux mais aussi de tenter de leur aménager des conditions de vie décentes. Un rapide coup d’œil donné à la législation européenne permet de s’en convaincre [15]. Parallèlement aux dispositions relatives à la protection des animaux de compagnie [16], les règles européennes en matière d’élevage portent sur les « conditions dans lesquelles les animaux sont élevés ou détenus, compte tenu de leur espèce et de leur degré de développement, d’adaptation et de domestication [17] ».

7Cette préoccupation du droit pour le bien-être animal n’est certes pas nouvelle, les premières lois en la matière remontant à la fin du xixe siècle [18]. Toutefois, ce qui distingue les législations actuelles c’est leur grande attention portée aux conditions de vie des animaux et la très grande technicité qui les caractérise. Ainsi, le législateur européen s’intéresse notamment aux diverses méthodes d’étourdissement des volailles, à la taille et l’aménagement des cages pour les poules pondeuses, ou encore à l’environnement des porcs. Ce dernier exemple illustre bien les préoccupations d’un législateur devenu soucieux d’assurer la liberté de mouvement des animaux, les porcs devant « disposer d’un environnement correspondant à leur besoin d’exercice et à leur nature d’animal fouisseur. Leur bien-être semble être compromis en raison de l’espace très restreint dont ils disposent [19] ». La dimension fortement technique des législations en matière de bien-être animal procède d’une reconnaissance unanime de la sensibilité de l’animal, celui-ci étant muni d’un système nerveux le rendant apte à ressentir la douleur. Ces législations impliquent dès lors de protéger la sensibilité de l’animal en aménageant les conditions permettant d’assurer son bien-être et en tenant compte notamment de ses besoins physiologiques et éthologiques, ainsi que de son rôle au sein de la société et de l’environnement [20].

8Les règles juridiques en matière de bien-être animal s’inscrivent dans une démarche préventive de la souffrance animale, imposant des obligations positives au propriétaire quant à la manière de traiter ses animaux. Pour certains auteurs, cette approche welfariste n’est pas suffisante. Elle resterait encore trop prisonnière d’un paradigme propriétaire ne permettant pas de prendre adéquatement en compte l’intérêt de l’animal [21]. Plus encore, ce paradigme n’impliquerait pas une véritable reconnaissance de la valeur intrinsèque des non-humains [22]. En effet, les partisans de l’approche welfariste se concentrent sur les problèmes liés à la nature des traitements infligés aux animaux, mais ils n’en contestent pas l’usage à des fins utilitaires [23]. Cette posture utilitariste empêche toute forme de consécration d’un droit des non-humains à ne pas être traités comme la propriété des humains.

9De manière générale, on peut donc constater qu’une véritable logique industrielle basée sur une gestion technoscientifique vient nourrir les exigences en matière de bien-être animal, cette notion étant considérée comme « partie intégrante de la qualité des produits et de la durabilité [24] ». En outre, on notera que les règles en matière de bien-être animal tolèrent généralement une série de dérogations permettant la non-application de ce principe à de nombreux cas de figure (élevage, expérimentation, traditions culturelles, etc.). C’est sans doute pour ces raisons que l’amélioration du bien-être animal peine à se concrétiser [25] et que certains militants optent pour des stratégies juridiques plus radicales pour faire avancer la cause animale.

Les droits et la personnalité juridique de l’animal

10Ces dernières années, l’évolution des idées sur l’importance des liens unissant humains et animaux s’est déclinée dans plusieurs pays par des réformes de la Constitution ou du Code civil. Ces réformes ont contribué à extraire l’animal de la catégorie des choses dans laquelle la logique cartésienne l’enfermait jusqu’alors. En France par exemple, la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 modifie le Code civil et introduit un article 515-14 [26]. Cet article dispose : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. » En dépit de l’ambiguïté de sa formulation, cette réforme fait échapper les animaux au régime des biens qui ne s’applique plus à ceux-ci que par défaut et sous réserve des lois qui les protègent [27].

11S’ils ne sont plus des biens, voire des choses [28], faut-il pour autant les considérer comme des sujets de droit ou des personnes juridiques ? Dans nos sociétés occidentales, la catégorie juridique de personne est tellement associée à celle d’humanité [29] que l’opération de personnification juridique de l’animal polarise les opinions et provoque inévitablement anxiété ou crispation car elle fait surgir, à tort ou à raison, la question de la nature de l’homme et de l’animal, de leurs ontologies respectives [30]. À cet égard, les législations en matière de bien-être paraissent plus anodines, puisqu’elles ne font qu’effleurer les questions de nature ou de statut, en s’attardant principalement sur les obligations s’imposant aux humains à l’égard des animaux.

12L’opération de personnification juridique est l’une des stratégies les plus radicales choisies par les théoriciens ou les activistes du droit des animaux. Pour ceux-ci, la distinction classique que l’on opère entre humains et animaux est illégitime car elle implique une différenciation absolue de valeur plaçant l’homme au sommet de la hiérarchie du vivant. Or, selon eux, il faudrait traiter les animaux – ou du moins certains d’entre eux [31] – comme des personnes en leur octroyant des droits similaires à ceux des êtres humains [32]. Pour étayer leur argumentation, ils déconstruisent l’exceptionnalité humaine à travers la mise en évidence des aptitudes communes que partagent humains et animaux, comme la capacité de sentir, de souffrir, ou encore de s’inquiéter de ce qui leur arrive ou pourrait leur arriver.

13Cette insistance sur une similarité de comportements passe notamment par l’analyse comparative, souvent très minutieuse, de ce qu’on appelle les « cas marginaux » auxquels le droit reconnaît le statut de personne en dépit des altérations ou limitations de leurs facultés intellectuelles [33]. Pour les partisans des droits des animaux, il n’y aurait pas de raisons valables de refuser le statut de personne aux animaux puisqu’on l’octroie aux personnes séniles ou en situation de handicap mental, par exemple. De manière générale, ils plaident pour l’attribution de la personnalité juridique aux animaux en soulignant leur « valeur inhérente [34] », certains auteurs allant même jusqu’à leur reconnaître un droit à la dignité [35].

14Ces tentatives de personnification juridique suscitent de nombreuses critiques, ayant notamment trait à la consécration d’un principe d’égalité [36]. On leur reproche ainsi de ne pas maintenir les animaux à une « juste place par rapport à l’homme » et à une « juste place les uns par rapport aux autres [37] ». Les uns dénoncent l’absurdité inhérente à l’effacement de la frontière entre l’homme et l’animal et en condamnent l’anthropomorphisme sous-jacent [38]. Ceux-ci mettent l’accent sur ce qui constitue l’essence de l’homme et les traits que le distinguent des autres êtres vivants [39]. Les autres ridiculisent l’idée d’une égalité entre animaux qui logerait à la même enseigne la puce et l’éléphant. Ceux-là se demandent dès lors, non sans ironie, quels droits reconnaître à quels animaux dès lors qu’on leur accorde le statut de personne ou reconnaît une dignité [40].

15Dans ce débat houleux relatif à la personnalité juridique de l’animal, notons enfin qu’une autre forme de critique se distingue, mettant dos à dos les partisans et les opposants à la personnification juridique de l’animal. Celle-ci s’en prend à la « conception naturalisée [41] » de la notion de personne sur laquelle les protagonistes de ce débat s’appuient et à la « surenchère idéologique et symbolique » qu’une telle conception suscite [42]. Les auteurs faisant ce pas de côté défendent une approche pragmatique du droit [43], en vertu de laquelle l’opération de personnification revêt une nature purement technique qui ne devrait engager, selon eux, aucune conception de nature ontologique ou morale [44].

L’environnement et le rôle de l’animal

16La prise en considération de l’animal par le droit se décline également à travers le déploiement d’une autre stratégie, cette fois plus englobante : le droit de l’environnement. Celui-ci se trouve convoqué au titre de la préservation des espèces menacées et de la biodiversité. C’est ici l’animal sauvage (libre) qui est protégé, et ce, moins en tant qu’individu que représentant d’une espèce. À l’inverse de la théorie des droits que nous venons d’évoquer, le droit de l’environnement offre une vision plus holistique de la condition animale en prenant en considération la protection des écosystèmes dans lesquels les animaux évoluent. L’attention portée aux écosystèmes a également pour objectif d’assurer des conditions de vie saines pour l’humain, à travers notamment la promulgation de principes de durabilité ou d’équité intergénérationnelle [45].

17Aux yeux de certains auteurs, ce décentrement reconnaissant la dépendance de l’humain à l’égard de son milieu opéré par le droit classique de l’environnement est insuffisant car celui-ci reste encore trop enlisé dans une perspective anthropocentrique empêchant de conférer un réel statut à la nature. Pour cette raison, ils ont forgé depuis quelques années un nouveau courant théorique appelé Wild Law ou Earth Jurisprudence défendant une approche radicalement écocentrique.

18L’objectif de cette approche est de penser à frais nouveaux la catégorie juridique de « nature ». Pour C. Cullinan, il s’agit d’une philosophie du droit basée sur « […] l’idée que les humains ne sont qu’une partie d’une communauté d’êtres plus large et que le bien-être de chaque membre de cette communauté dépend du bien-être de la Terre dans son ensemble. Dans cette perspective, les sociétés humaines ne seront viables et prospères que si elles se régulent en tant que partie de cette communauté terrestre plus large et le font d’une manière qui soit cohérente avec les lois ou principes fondamentaux qui régissent le fonctionnement de l’Univers [46] ». Cette posture à l’égard de la nature implique de prendre distance par rapport à un héritage juridique occidental jugé trop anthropocentrique, qui en dernière instance se trouve mis seulement au service des humains et de leurs besoins [47].

19La Earth Jurisprudence place la notion de communauté terrestre au cœur de son dispositif et opère, ce faisant, un basculement ontologique dans la manière d’appréhender l’environnement et les relations entre humains et non-humains. D’une part, les êtres humains représentent une partie seulement d’une communauté plus vaste comptant en son sein des entités à la fois vivantes et inertes. Dans cette vision du monde [48], tous les êtres – les animaux comme les rivières ou les montagnes – jouent un rôle au sein de l’écosystème et il n’appartient pas aux humains de les contraindre et de les empêcher de jouer ce rôle [49]. D’autre part, la planète est considérée comme un sujet et non un agrégat de ressources susceptibles d’être accaparées et exploitées par les humains. À ce titre, il convient de reconnaître une valeur intrinsèque à la nature.

20D’un point de vue juridique, cette reconnaissance implique au moins deux conséquences : premièrement, le statut de sujet de droit est attribué à la nature [50], qui devient dès lors capable d’exercer des prérogatives et de les faire valoir en justice, par l’intermédiaire de « porte-parole [51] » ; deuxièmement, en tant que parties d’une totalité englobante, les composantes d’un écosystème peuvent bénéficier de certains droits. L’essence de ces droits doit ici être comprise comme la liberté pour leurs titulaires de tenir leur rôle sur la planète.

21À cet égard, le programme écocentrique porté par le courant Earth Jurisprudence fait étrangement écho aux affaires qui, en Inde [52] et en Nouvelle-Zélande, ont récemment défrayé la chronique judiciaire [53]. Dans le cas de la Nouvelle-Zélande, il est intéressant de constater que le législateur a consacré de manière explicite la relation ancestrale particulière que la communauté Maori locale entretient avec la Whanganui River[54], soulignant ainsi que la protection et la conservation des espèces et des écosystèmes sont inextricablement liées à la protection des cultures et styles de vie humains [55].

Conclusion

22Tout au long de cette contribution, nous avons tenté de décrire les stratégies juridiques utilisées par différents acteurs afin d’assurer un certain niveau de protection aux animaux. En particulier, nous avons mis l’accent sur leurs présupposés ontologiques et normatifs sous-jacents, afin de repérer les éventuelles traces d’un détachement du droit du modèle humaniste dans lequel il puise ses racines.

23Comme nous l’avons montré, l’approche en termes de bien-être animal reste encore fortement adossée à une vision instrumentale des rapports entre humains et animaux, en dépit de la reconnaissance de la sensibilité de ces derniers. Les rapports entre humains et animaux y sont appréhendés à partir d’un paradigme propriétaire et d’un anthropocentrisme radical [56], impliquant une stricte séparation entre humains et animaux et une hiérarchisation spéciste en faveur de l’humain conforme au modèle humaniste. L’étude des deux autres modèles – l’approche « Droits et personnalité de l’animal » et « Earth Jurisprudence » – a permis, par contre, de repérer les traces d’une forme de décentrement vers un modèle post-humaniste.

24L’approche par les droits ou la personnalité juridique postule une forme d’équivalence entre humains et animaux (ou du moins certains types d’animaux) et, à ce titre, entend rompre avec toute forme d’exceptionnalité humaine. L’animal doit être protégé en vertu de sa nature intrinsèque [57]. Pour cette raison, il se voit octroyer le droit à ne pas être traité comme la propriété des humains. Cette approche peut parfois aboutir sur un plan normatif à des positions aussi radicales que l’abolitionnisme visant à l’éradication complète des formes d’exploitation animale [58]. Si cette approche envisage le sort des formes de vie « au-delà de l’espèce » humaine, certains pourraient cependant lui reprocher de ne pas les appréhender « au-delà du sujet » pour reprendre la distinction opérée par R. Braidotti [59]. Ainsi, elle resterait encore trop ancrée dans un modèle humaniste, centré sur un sujet (de droit) conçu comme un individu monadique, libre et autonome, auquel des droits subjectifs sont reconnus [60].

25L’écocentrisme caractérisant le courant Earth Jurisprudence semble marquer un réel passage à un modèle post-humaniste. En effet, au-delà de l’opposition entre un sujet ou un objet, entre une personne et une chose, c’est à l’écosystème qu’il convient d’avoir égard. Celui-ci n’est pas tant conçu comme un individu, mais comme une « entité relationnelle [61] », en vertu de laquelle toutes les choses existent dans un champ de relations réciproques ou de « zones de contact [62] ». La Earth Jurisprudence s’adosse donc à une vision du monde « […] où émerge la conscience que ce ne sont pas les choses séparées qui existent, mais les relations constitutives entre les êtres [63] ».

26Mais quelles sont les conséquences d’un point de vue normatif du passage à un modèle écocentrique [64] ? Si les partisans de la Earth Jurisprudence ont le mérite de mettre à l’honneur une pensée qui n’écrase pas la complexité et l’hétérogénéité des multiples formes d’existence [65], ils laissent cependant encore beaucoup de questions en suspens : comment identifier les limites de la « personnalité » d’un écosystème, d’un environnement ou même de la nature ? Où commence-t-elle et où finit-elle ? Qui est la rivière, la montagne et la forêt ? Quel porte-parole est habilité à parler en leur nom ? Quels types de droits accorder à quel type d’animal, puisque les auteurs de ce courant ne postulent pas nécessairement une équivalence absolue entre les entités composant un écosystème ? Et surtout est-il réellement possible de dépasser l’anthropocentrisme inhérent à la théorie et à la pratique juridique [66] ?

27À cet égard, deux pièges caractéristiques de l’humanisme des Modernes menacent les partisans d’un écocentrisme juridique. Le premier consiste à résoudre la tension entre l’inévitabilité d’une approche normative anthropocentrique et la possibilité de faire droit dans les systèmes juridiques contemporains à un nouveau paradigme ontologique de nature écocentrique. Cette tâche est rendue difficile par le simple fait que l’approche écocentrique est encore fort empreinte de la pensée humaniste, dans la mesure où elle s’articule à une grammaire éthique et juridique des droits individuels (les droits de la nature). Comme le souligne V. De Lucia, « une stratégie fondée sur les droits risque d’enfermer le cadre de l’analyse juridique dans un horizon culturel et juridique fondé sur une grammaire sujet-objet et maintient un lien inévitable avec les droits de l’homme et leur cadre de référence anthropocentrique [67] ». Le second piège consiste à ne pas céder trop vite aux sirènes post-humanistes du changement de paradigme, en faisant de cette nouvelle approche une révolution des rapports entre humain et animal dans la sphère juridique. En effet, la rhétorique post-humaniste a ceci d’ironiquement dangereux qu’elle évoque une progression linéaire charriant les fantasmes de progrès des Modernes auxquels pourtant elle s’oppose [68].

28Or, la réalité juridique est bien plus complexe. En droit, dit-on, il n’y a pas de révolutions, mais seulement des évolutions [69]… et celle du droit des animaux ne dessine pas de belle progression linéaire de l’anthropocentrisme à l’écocentrisme [70]. Tout au plus révèle-t-elle quelques traces d’un post-humanisme juridique, qui doit composer avec d’autres stratégies, d’autres formes juridiques d’appréhension des rapports humains-animaux. C’est sans doute grâce à ce tissage complexe, fait de fragments et de pièces rapportées, d’artifices et de fictions, que le droit parvient à faire tenir ensemble nos multiples formes d’engagement avec le monde et les entités qui le composent.


Mots-clés éditeurs : sujet de droit, post-humanisme, droit, animal, anthropologie

Mise en ligne 02/10/2020

https://doi.org/10.3917/retm.308.0067

Notes

  • [1]
    À propos du tournant animaliste en sciences sociales, voir Erika A. Cederholm et al. (éd.), Exploring the animal turn. Human-Animal Relations in Science, Society and Culture, Lund, Pufendorf Institute for Advanced Studies, 2014, disponible en ligne à l’adresse https://lup.lub.lu.se/search/ws/files/5611166/7370438.pdf [consulté le 03.04.2020].
  • [2]
    Voir par exemple Brian Massumi, Ce que les bêtes nous apprennent de la politique, Éd. Dehors, 2019 ; Vinciane Despret, Habiter en oiseau, Actes Sud, coll. « Mondes sauvages », 2019 ; Violette Pouillard, Histoire des zoos par les animaux. Impérialisme, contrôle, conservation, Champ Vallon, coll. « L’environnement a une histoire », 2019.
  • [3]
    Baptiste Morizot, Manières d’être vivant, Actes Sud, coll. « Mondes sauvages », 2020.
  • [4]
    Éric Baratay, Le point de vue animal. Une autre version de l’histoire, Paris, Éd. du Seuil, 2012.
  • [5]
    Pierre Brunet, « L’animal dans l’arène des juristes », dans Fabien Carrié et Christophe Traïni (dir.), S’engager pour les animaux, PUF, coll. « La vie des idées », 2019, p. 78.
  • [6]
    Il est intéressant de noter que la distinction entre personnes et choses se voit au même moment réinterrogée au motif qu’elle ne permettrait plus d’appréhender les plus récentes évolutions technologiques en matière d’intelligence artificielle et de robotique. Voir Jiahong Chen et Paul Burgess, “The boundaries of legal personhood: how spontaneous intelligence can problematise differences between humans, artificial intelligence, companies and animals”, Artificial Intelligence and Law vol. 27, 2019, p. 73-92.
  • [7]
    Maneesha Deckha, “Animal Bodies, Technobodies: New Directions in Cultural Studies, Feminism, and Posthumanism”, Yale Journal of Law & Feminism, vol. 20, 2009, p. 505-526 ; Irus Braverman, “More-than-Human Legalities: Advocating an Animal Turn in Law and Society”, dans Patricia Ewick et Austin Sarat (éd.), The Wiley Handbook of Law and Society, Wiley Press, 2015, p. 307-321.
  • [8]
    Il importe ici de faire la distinction entre les fantasmes post-humains et les théories post-humanistes visant à critiquer l’héritage conceptuel de la modernité et à dépasser les apories de la pensée humaniste. Voir Frédéric Neyrat, Homo Labyrinthus. Humanisme, antihumanisme, posthumanisme, Éd. Dehors, 2015.
  • [9]
    Cary Wolfe, Animal Rites: American Culture, the Discourse of Species, and Posthuman Theory, Chicago, University of Chicago Press, 2003.
  • [10]
    Neil Badmington, “Theorizing Posthumanism”, Cultural Critique, vol. 53, 2003, p. 10-27.
  • [11]
    Cary Wolfe, What is posthumanism?, University of Minnesota Press, 2010 ; Rosi Braidotti, The Posthuman, Polity Press, 2013.
  • [12]
    Alain Pottage, “Introduction: The Fabrication of Persons and Things”, dans Alain Pottage et Martha Mundy (éd.), Law, Anthropology, and the Constitution of the Social. Making Persons and Things, Cambridge University Press, coll. « Cambridge Studies in Law and Society », 2004, p. 2.
  • [13]
    Maneesha Deckha, “Initiating a non-anthropocentric jurisprudence: The rule of Law and animal vulnerability under a property paradigm”, Alberta L. Rev. vol. 50/4, 2013, p. 783-814.
  • [14]
    Irus Braverman, “Law’s Underdog: A Call for More-than-Human Legalities”, Annu. Rev. Law Soc. Sci. vol. 14, 2018, p. 127-44 ; Barnaby E. McLaughlin, “A Conspiracy of Life: A Post-humanist Critique of Approaches to Animal Rights in the Law”, University of Massachusetts L. Rev., vol. 14/1, 2019, https://scholarship.law.umassd.edu/umlr/vol14/iss1/3/ [consulté le 19.03.2020].
  • [15]
    Sonia Canselier, « Les grands progrès de la protection animale en droit français et européen », Histoire de la recherche contemporaine, tome IV/1, 2015, p. 54-57, https://doi.org/10.4000/hrc.977 [consulté le 27.03.2020]. Notons en outre que l’article 13 du Traité de Lisbonne reconnaît que les animaux sont des êtres sensibles capables d’éprouver de la douleur. Isabell Büschel et Juan Miguel Azcárraga, « Quelle protection juridique des animaux en Europe ? L’apport du Traité de Lisbonne à la lumière du droit comparé », Trajectoires vol. 7, 2013, https://journals.openedition.org/trajectoires/1162 [consulté le 27.03.2020].
  • [16]
    Voir la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie signée par les États membres du Conseil de l’Europe le 13 novembre 1987, https://rm.coe.int/168007a684 [consulté le 27.03.2020].
  • [17]
    Voir l’article 4 de la Directive 98/58/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant la protection des animaux dans les élevages.
  • [18]
    Voir, par exemple, la loi française (dite loi Grammont) du 2 juillet 1850 relative au mauvais traitement sur les animaux domestiques.
  • [19]
    Voir le point 7 de l’Annexe à la Directive 98/58/CE précitée.
  • [20]
    Les travaux de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) permettent de mieux cerner cette notion de bien-être animal. Selon le Code sanitaire pour les animaux terrestres de l’OIE, le bien-être animal désigne « l’état physique et mental d’un animal en relation avec les conditions dans lesquelles il vit et meurt ». Le bien-être des animaux terrestres doit être assuré à travers le respect de « cinq libertés fondamentale » : (i) absence de faim, de soif et de malnutrition ; (ii) absence de peur et de détresse ; (iii) absence de stress physique ou thermique ; (iv) absence de douleur, de lésions et de maladie, et (v) possibilité pour l’animal d’exprimer les comportements normaux de son espèce. Voir le site de l’OIE à l’adresse https://www.oie.int/fr/ [consulté le 27.03.2020].
  • [21]
    Pour une défense du modèle propriétaire, voir Richard L. Jr. Cupp, “Animals as More Than ‘Mere Things’, But Still Property: A Call for Continuing Evolution of the Animal Welfare Paradigm”, Cinn. L. Rev., vol. 84, 2016, p. 1023-1067 ; David Favre, “Living Property: A New Status for Animals Within the Legal System”, Marq. L. Rev., vol. 93, 2010, p. 1021-1070, http://scholarship.law.marquette.edu/mulr/vol93/iss3/3 [consulté le 27.03.2020]. Dans cet article, l’auteur propose de créer la nouvelle catégorie de « propriété vivante ».
  • [22]
    Gary Francione, “Reflections on ‘Animals, Property, and the Law’ and ‘Rain without Thunder’”, Law and Contemporary Problems, vol. 70/1, 2007, p. 32-33.
  • [23]
    Robert Garner, “Animal Welfare: A Political Defense”, J. Animal Law & Ethics, vol. 1, 2006, p. 167.
  • [24]
    Direction Générale des Politiques internes, Département thématique « Droits des citoyens et affaires constitutionnelles », Le bien-être animal dans l’Union européenne, étude réalisée par D. M. Broom, 2017, https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2017/583114/IPOL_STU(2017)583114_FR.pdf [consulté le 27.03.2020]. Par exemple, la protection des animaux au moment de leur abattage peut contribuer à « améliorer la qualité de la viande » ou à influer sur « l’attitude des consommateurs à l’égard des produits agricoles ». Voir le considérant n° 4 du Règlement (CE) 1099/2009 du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort.
  • [25]
    Cour des comptes européenne, Rapport spécial. Bien-être animal dans l’UE : réduire la fracture entre des objectifs ambitieux et la réalité de la mise en œuvre, https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/SR18_31/SR_ANIMAL_WELFARE_FR.pdf [consulté le 27.03.2020].
  • [26]
    Loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, JORF, n° 0040, 17 février 2015, p. 2961.
  • [27]
    Voir Jean-Pierre Marguénaud, « La modernisation des dispositions du code civil relatives aux animaux : l’échappée belle », Revue juridique de l’environnement, vol. 40, 2015/1, p. 259-260.
  • [28]
    Evelyne Langenaken, « L’animal en droit civil : les amorces d’un nouveau statut », J.T., vol. 3, décembre 2016, p. 697 et s.
  • [29]
    Alain Supiot, Homo Juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du droit, Paris, Éd. du Seuil, 2005.
  • [30]
    David Fagundes, “Notes. What We Talk about When We Talk about Persons: The Language of a Legal Fiction”, Harvard L. Rev., vol. 114/6, 2001, p. 1768 ; Rémy Libchaber, « La souffrance et les droits. À propos d’un statut de l’animal », D. 2014, p. 380.
  • [31]
    Il s’agit notamment des grands singes ou des autres animaux comme les dauphins dont l’intelligence serait comparable à celle des humains.
  • [32]
    Jean-Pierre Marguénaud, « Actualité et actualisation des propositions de René Démogue sur la personnalité juridique des animaux », Revue juridique de l’environnement, vol. 40, 2015/1, p. 79.
  • [33]
    Richard L. Jr. Cupp, “Cognitively Impaired Humans, Intelligent Animals, and Legal Personhood”, Florida L. Rev., vol. 69/2, 2017, p. 465-518.
  • [34]
    Le philosophe Tom Regan, l’une des figures de proue du mouvement américain en faveur des droits des animaux, a très bien illustré ce principe, en forgeant le concept de « sujet-d’une-vie » (subject-of-a-life). Selon lui, il faudrait reconnaître des droits (moraux) aux animaux car, à l’instar de l’humain, ils sont sujets-d’une-vie dont ils font l’expérience ; ils ont des désirs et des préférences pour certaines choses ou certaines situations ; ils éprouvent des sentiments et ressentent plaisir et douleur ; ils ont une certaine conscience de ce qui importe pour eux, de leur bien-être individuel. Voir Tom Regan, The Case for Animal Rights Updated, University of California Press, 2004.
  • [35]
    Jane Kotzmann et Cassandra Seery, “Dignity in International Human Rights Law: Potential Applicability in Relation to International Recognition of Animal Rights”, Michigan State International L. Rev., vol. 26/1, 2017, p. 1-42.
  • [36]
    Dans le cadre limité de cette étude, il n’est bien sûr pas possible de passer en revue toutes ces critiques.
  • [37]
    Jean-Pierre Marguénaud, « Actualité et actualisation des propositions de René Démogue sur la personnalité juridique des animaux », p. 79.
  • [38]
    Roger Scruton, “Animal Rights”, Analysis. Claves de Pensamiento Contemporáneo, vol. 21/3, 2018, p. 1-13.
  • [39]
    Voir Sonia Desmoulin, L’animal entre science et droit, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2006.
  • [40]
    Leslie J. Rogers et Gisela Kaplan, “Think or be damned: Problematic case of higher cognition in animals and legislation for animal welfare”, Journal of Animal Law, vol. 12/2, 2006, p. 151-191.
  • [41]
    Edward Mussawir et Connal Parsley, “The law of persons today: at the margins of jurisprudence”, Law and Humanities, vol. 11/1, 2017, p. 44-63.
  • [42]
    Serge Gutwirth, « Penser le statut juridique des animaux avec Jean-Pierre Marguénaud et René Démogue : Plaidoyer pour la technique juridique de la personnalité », Revue juridique de l’environnement, vol. 40, 2015/2, p. 70.
  • [43]
    Yan Thomas, Les opérations du droit, Seuil/Gallimard, coll. « Hautes Études », 2011, p. 133.
  • [44]
    Jean-Pierre Marguénaud, « Actualité et actualisation des propositions de René Démogue sur la personnalité juridique des animaux », p. 73-83. S’inspirant des travaux précurseurs du juriste français R. Demogue, l’auteur défend l’idée d’une « personnification technique » et l’oppose à ce qu’il appelle la « personnification anthropomorphique ». Voir aussi la distinction entre « personnification substantielle » et « procédurale » faite par Mary-Angèle Hermitte, « La nature, sujet de droit ? », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2011/1, 66e année, p. 173-212.
  • [45]
    Andreas Philippopoulos-Mihalopoulos (éd.), Law and Ecology. New Environmental Foundations, Routledge, 2012.
  • [46]
    Cormac Cullinan, “A history of Wild Law”, dans Peter Burdon (éd.), Exploring Wild Law: The Philosophy of Earth Jurisprudence, Wakefield Press, 2011, p. 12-13 : « The idea that humans are only one part of a wider community of beings and that the welfare of each member of that community is dependent on the welfare of the Earth as a whole. From this perspective, human societies will only be viable and flourish if they regulate themselves as part of this wider Earth community and do so in a way that is consistent with the fundamental laws or principles that govern how the Universe functions. »
  • [47]
    Selon, Peter Burdon, l’un des maîtres à penser de ce courant, l’anthropocentrisme est omniprésent dans la théorie du droit ; il se manifeste tantôt à travers l’accent mis uniquement sur les relations entre humains et entre leurs collectifs, tantôt par l’usage de concepts juridiques comme la propriété. Voir Peter Burdon, “A Theory of Earth Jurisprudence”, Australian Journal of Legal Philosophy, vol. 37, 2012, p. 28.
  • [48]
    Anne Louise Schillmoller et Alessandro Pelizzon, “Mapping the Terrain of Earth Jurisprudence: Landscapes, Thresholds and Horizons”, Environmental and Earth L. J., vol. 3/1, 2013, p. 1-32, https://lawpublications.barry.edu/ejejj/vol3/iss1/1/ [consulté le 27.03.2020].
  • [49]
    Comme le souligne Glen W. Wright, ce principe ne signifie pas pour autant que les humains se voient dénier tout statut moral ou que toutes les formes naturelles non-humaines ont un poids moral identique à l’humanité. Voir Glen W. Wright, “Animal Law and Earth Jurisprudence. A Comparative Analysis of the Status of Animals in two Emerging Critical Legal Theories”, 2012, p. 10, https://pdfs.semanticscholar.org/cd21/280805fe02e8b6bc78752cbd219cf9c0bc54.pdf [consulté le 27.03.2020].
  • [50]
    L’exemple le plus spectaculaire à cet égard est sans doute celui de l’Équateur qui n’a pas hésité à reconnaître dans sa Constitution des droits inaliénables à la nature comme ceux d’exister, de persister et d’être respecté. Voir Maria Akchurin, “Constructing the Rights of Nature: Constitutional Reform, Mobilization, and Environmental Protection in Ecuador”, Law & Social Inquiry, vol. 40/4, 2015, p. 937-968.
  • [51]
    Bruno Latour, Politiques de la nature, Paris, La Découverte/Poche, 2004, p. 99 s.
  • [52]
    La Haute Cour d’Uttarakhand en Inde a rendu deux décisions octroyant le statut de personne juridique aux fleuves Ganges et Yamunan. Elle a reconnu leur droit intrinsèque à ne pas être pollués, mais également « [… a right to exist, persist, maintain, sustain and regenerate their own vital ecology system ». Voir Glaciers case (n 2) 59 et les commentaires d’Erin L. ODonnell, “At the Intersection of the Sacred and the Legal: Rights for Nature in Uttarakhand, India”, J. Envtl. L., vol. 30, 2018, p. 135-144.
  • [53]
    Pour une étude des récentes affaires concernant des fleuves et des rivières, voir le brillant article de Cristy Clark, Nia Emmanouil, John Page et Alessandro Pelizzon, “Can Your Hear the Rivers Sings? Legal Personhood, Ontology, and the Nitty-Gritty of Governance”, Ecology Law Quarterly, vol. 45/4, 2018, p. 787-844.
  • [54]
    Anne Salmond, “Tears of Rangi. Water, power, and people in New Zealand”, Hau: Journal of Ethnographic Theory, vol. 4/3, 2014, p. 285-309. Le législateur lui-même fait de ce cours d’eau une réalité à la fois mystique et biologique, « an indivisible and living whole, comprising the Whanganui River from the mountains to the sea, [and] incorporating all its physical and metaphysical elements ». Voir Te Awa Tupua (Whanganui River Claims Settlement) Act 2017, s 12 (N.Z.).
  • [55]
    Kabir S. Bavikatte et Tom Bennett, “Community Stewardship: the foundation of biocultural rights”, Journal of Human Rights and the Environment, vol. 6/1, 2015, p. 8.
  • [56]
    Andrew J. Hoffman et Lloyd E. Sandelands, “Getting Right with Nature: Anthropocentrism, Ecocentrism, and Theocentrism”, Organization Environment, vol. 18, 2005, p. 141-162.
  • [57]
    Maneesha Deckha, “Initiating a non-anthropocentric jurisprudence: The rule of Law and animal vulnerability under a property paradigm”, Alberta L. Rev., vol. 50/4, 2013, p. 783-814.
  • [58]
    À cet égard, voir notamment les travaux de Gary Francione, Rain Without Thunder: The Ideology of the Animal Rights Movement, Philadelphia, Temple University Press, 1996.
  • [59]
    Dans son ouvrage consacré au post-humanisme, deux chapitres sont respectivement intitulés « Post-Anthropocentrism: Life beyond the Species » et « Post-Humanism: Life beyond the Self ». Voir Rosi Braidotti, The Posthuman, p. 13 et p. 55.
  • [60]
    Anna Grear, “Deconstructing Anthropos: A Critical Legal Reflection on ‘Anthropocentric’ Law and Anthropocene ‘Humanity’”, Law Critique, vol. 26, 2015, p. 225-249.
  • [61]
    Nia Emmanouil et al., “Can Your Hear the Rivers Sings? Legal Personhood, Ontology, and the Nitty-Gritty of Governance”, Ecology Law Quarterly, p. 827.
  • [62]
    Donna Haraway, When Species Meet, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2007.
  • [63]
    Baptiste Morizot, « L’écologie contre l’Humanisme. Sur l’insistance d’un faux problème », Essais [en ligne] vol. 13, 2018, p. 107, http://journals.openedition.org/essais/516 [consulté le 12.12.2019].
  • [64]
    Robert Lee, “A Walk on the Wild Side. Wild Law in Practice”, Environmental Law and Management, vol. 18/1, 2006, p. 6-10.
  • [65]
    Cary Wolfe, “Introduction. Moving forward, kicking back: The animal turn”, Postmedieval: a journal of medieval cultural studies, vol. 2, 2011, p. 3.
  • [66]
    En effet, même quand il vise la protection des animaux, le droit reste forgé par l’homme et ne prétend pas réglementer directement les relations entre non-humains. Voir Alessandro Pelizzon et Aidan Rickets, “Beyond anthropocentrism and back again: from ontological to normative anthropocentrism”, The Australasian Journal of Natural Resources Law and Policy, vol. 18/2, 2015, p. 116. Dans leur tentative de répondre à la question, les auteurs distinguent entre « anthropocentrisme ontologique » et « normatif ».
  • [67]
    Vito De Lucia, “Beyond Anthropocentrism and Ecocentrism. A Biopolitical Reading of Environmental Law”, Journal of Human Rights and the Environment, vol. 8/2, 2017, p. 190 : « [a] rights-based strategy risks locking the framework of legal analysis within a cultural and legal horizon premised on a subject-object grammar and maintains an inevitable linkage with human rights and their anthropocentric frame of reference. »
  • [68]
    Christopher Peterson, “The Posthumanism to Come”, Angelaki. Journal of the Theoretical Humanities, vol. 16/2, 2011, p. 127-141.
  • [69]
    Bruno Latour, La fabrique du droit, Paris, La Découverte/Poche, 2004, p. 258.
  • [70]
    Vito De Lucia, “Beyond Anthropocentrism and Ecocentrism. A Biopolitical Reading of Environmental Law”, Journal of Human Rights and the Environment, p. 200.
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