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Article de revue

Gaudium et spes est-il un classique ?

Pages 9 à 30

Notes

  • [1]
    La recherche ayant mené à la rédaction de cet article a été soutenue par une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (crsh).
  • [2]
    Parmi les textes à l’étude, certains sont rédigés par des évêques seuls, d’autres émanent de groupes d’évêques ou de comités dûment mandatés par l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (aecq) ou la Conférence des évêques catholiques du Canada (cecc).
  • [3]
    On aura remarqué que j’utilise le terme « qualifier » et non « mesurer ». L’approche que je décrirai plus loin n’est pas quantitative (comme le serait, par exemple, une recherche statistique sur l’occurrence de mots ou de concepts), mais qualitative.
  • [4]
    Dans une analyse sémantique du texte, le lecteur considère que « la signification du document est à rapporter à ce que dit (implicitement ou explicitement) le Concile. Ce qui est dit explicitement est la lettre des textes, alors que ce qui l’est implicitement est de l’ordre de l’esprit se profilant derrière la lettre. […] l’“esprit de la lettre” est une expression polysémique qui peut désigner : 1) l’intention de Jean XXIII au moment de la convocation du Concile ; 2) les interprétations qui dégagent les différentes évolutions désignées par l’aggiornamento ; 3) le résultat de la maturation de la pensée conciliaire et qui se retrouverait de manière exemplaire dans Gaudium et spes ou Lumen gentium » ; voir Guy Jobin, « Gaudium et spes dans le monde-vécu de ce temps : réflexions épistémologiques sur l’herméneutique de la constitution pastorale », dans Ph. Bordeyne, L. Villemin, Vatican II et la théologie. Perspectives pour le xxie siècle, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Cogitatio fidei » 254, 2006, p. 182-183.
  • [5]
    « La pragmatique se distingue de la sémantique en ce que le registre de cette dernière est celui de la signification (ou du sens) de la lettre d’un texte. En sémantique, il s’agit du dit, de ce qui est énoncé. La pragmatique s’intéresse plutôt aux conditions et caractéristiques du dire, de l’énonciation. En somme, distinguer entre sémantique et pragmatique revient à prendre acte de toute la différence faite en linguistique entre le dit et le dire », ibid., p. 191.
  • [6]
    Pour une étude de la parole théologienne, voir Guy Jobin, « Quand Gaudium et spes fait (l’)autorité », dans G. Routhier, G. Jobin (dir.), L’Autorité et les autorités. L’herméneutique théologique de Vatican II, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Unam sanctam – nouvelle série » 3, 2010, p. 191-208 ; pour la parole magistérielle pontificale et épiscopale, voir Guy Jobin, « Vatican II, le style et la rhétorique », dans J. Famerée (dir.), Vatican II comme style. L’herméneutique théologique du Concile, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Unam – sanctam nouvelle série » 4, 2012, p. 15-35 ; Guy Jobin, « Rhétorique, politique et parole croyante », Laval théologique et philosophique, vol. 67, n° 3, 2011, p. 477-499. Opter pour une approche pragmatique présente plusieurs avantages dans le débat actuel sur l’interprétation des textes conciliaires. En premier lieu, cette approche permet de dépasser la dichotomie lettre/esprit qui a marqué les vingt premières années de l’herméneutique des textes conciliaires. En second lieu, elle permet de ne pas se limiter à une perspective historique. Cette dernière, tout en étant scientifiquement valable, notamment en faisant une généalogie des textes, se limite à la période de production des textes, sans nécessairement aborder le temps de l’interprétation qui s’ouvre avec la promulgation des documents et la clôture du Concile le 8 décembre 1965. Enfin, une approche pragmatique permet de dépasser la dichotomie discontinuité/réforme dans les débats contemporains sur Vatican II. Cette dichotomie nous fait replonger dans le débat lettre/esprit des deux premières décennies postconciliaires, puisqu’il s’agit encore de la fidélité au « dit » du texte dont il est question.
  • [7]
    John O’Malley, « Vatican II : Did Anything Happen ? », Theological Studies, 2006, vol. 67, n° 1, p. 3-33.
  • [8]
    Cecc, « Les coûts humains du chômage », dans G. Rochais (dir.), La Justice sociale comme bonne nouvelle. Messages sociaux, économiques et politiques des évêques du Québec (1972-1983), Montréal, Bellarmin, 1984, p. 57.
  • [9]
    Mgr Marius Paré, « La loi humaine ne peut rendre bon un acte qui est essentiellement mauvais », L’Église canadienne, vol. 12, n° 9, 1979, p. 263 ; Mgr Jean Gratton, « L’avortement : destruction d’une vie humaine », L’Église canadienne, vol. 13, n° 17, 1981, p. 521. Plus près de nous, c’est ce type de référence que mobilise Jean-Paul II dans Evangelium vitae. Les nombreuses citations de GS (18 au total) servent d’appui normatif dans une argumentation. Le tiers des citations est tiré des nos 50-51.
  • [10]
    Mgr Guy Bélanger, « L’engagement de l’Église sur le terrain de la justice sociale », dans G. Rochais (dir.), La Justice sociale comme bonne nouvelle. Messages sociaux, économiques et politiques des évêques du Québec (1972-1983), p. 213.
  • [11]
    Évêques de la région métropolitaine de Montréal, « Conflits de travail trop longs et socialement trop coûteux », dans G. ROCHAIS (dir.), La Justice sociale comme bonne nouvelle. Messages sociaux, économiques et politiques des évêques du Québec (1972-1983), p. 232. Dans ce texte, le paragraphe final contient une longue citation de GS 42 sur la mission religieuse de l’Église en rapport aux questions politiques, sociales ou civiles.
  • [12]
    Cette citation et la précédente, dans La Documentation catholique, n° 1483, 4 décembre 1966, col. 2083-2090, ici col. 2084.
  • [13]
    Ibid., col. 2085.
  • [14]
    Ibid., col. 2084.
  • [15]
    Cardinal Maurice Roy, « L’Église et la justice dans le monde », L’Église canadienne, vol. 4, décembre 1971, p. 321.
  • [16]
    Ibid.
  • [17]
    Ibid. : « Le IIe concile du Vatican, dans la Constitution Gaudium et spes, a rappelé au peuple de Dieu que les chrétiens ne doivent pas se considérer comme une communauté séparée du reste du monde. Ils sont engagés dans le même processus historique que tous les hommes ; ils ont avec eux de communes responsabilités ; ils doivent mettre à profit les méthodes rationnelles et les découvertes qui sont le bien de tous ».
  • [18]
    « L’évangélisation du monde contemporain », L’Église canadienne, vol. 7, avril 1974, p. 103-114.
  • [19]
    Ibid., p. 104.
  • [20]
    Cette ébauche fut rédigée en 2003.
  • [21]
    Assemblée des évêques du Québec, « Construire ensemble une société meilleure », L’Église canadienne, vol. 13, n° 10, 1980, p. 299. Le référendum sera tenu le 20 mai 1980.
  • [22]
    Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques du Québec, « Les chrétiens et l’environnement », L’Église canadienne, vol. 14, n° 20, 1981, p. 613.
  • [23]
    Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques du Québec, « Un appel à la mobilisation de toutes les forces du pays », L’Église canadienne, vol. 26, n° 8, 1993, p. 234.
  • [24]
    Pour mémoire, le n° 26 de GS est entièrement consacré à la définition du bien commun : « cet ensemble des conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée » (GS 26, § 1). Une définition similaire, mais un peu plus courte, est présentée au n° 74, dans la portion du texte traitant des relations entre l’Église et l’État. Le respect de la dignité de la personne humaine, de même que l’édification de l’ordre social sur ce que Jean XXIII avait déjà identifié dans Pacem in terris (vérité, justice, amour, liberté), sont les deux axes de promotion du bien commun.
  • [25]
    Voir note 12, ci-dessus.
  • [26]
    Conférence des évêques catholiques du Canada, « L’avortement : une fausse solution », L’Église canadienne, vol. 23, n° 4, 1990, p. 105.
  • [27]
  • [28]
    Message intitulé Le bien commun : vivre et agir ensemble, http://www.eveques.qc.ca/documents/2006/20060501f.html, consulté le 5 septembre 2012.
  • [29]
    Voir note 7, ci-dessus.
  • [30]
    Joseph Famerée (dir.), Vatican II comme style. L’herméneutique théologique du Concile, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Unam Sanctam – Nouvelle série » 4, 2012 ; Christophe Theobald, Le Christianisme comme style. Une manière de faire de la théologie en postmodernité, Paris, Éd. du Cerf, 2007. Voir aussi : ID., « Le christianisme comme style. Entrer dans une manière d’habiter le monde », Revue d’éthique et de théologie morale, n° 251, 2008, p. 235-248 ; Gilles Routhier, « Un concile à interpréter », Études, 5/2007 (tome 406), p. 627-637.
  • [31]
    Il reste quelques traces du style judiciaire dans GS. Le jugement sur l’avortement est sans équivoque, en GS 51, quand on le qualifie de « crime abominable » ou de pratique « infâme », comme en GS 27. Il s’agit là certainement d’un langage judiciaire. Toutefois, contrairement aux anathèmes – dont la formule typique est « si quelqu’un…, qu’il soit anathème » –, les jugements judiciaires présents dans la Constitution pastorale ne concernent que des actes. Quand vient le temps de qualifier les personnes fautives qui posent ou participent à ces actes, c’est un blâme sévère, formulé avec des catégories issues du langage de la morale, qui est exprimé, comme, par exemple, « personnes se déshonorant elles-mêmes » (GS 27).
  • [32]
    Guy Jobin, « Vatican II, le style et la rhétorique », dans Joseph Famerée (dir.), Vatican II comme style. L’herméneutique théologique du Concile, p. 15-35.
  • [33]
    Selon Michel Meyer, la rhétorique est une négociation de la différence entre des individus sur une question donnée ; voir : Michel Meyer, La Rhétorique, Paris, puf, coll. « Que sais-je ? » 2133, 2004, p. 10.
  • [34]
    Par exemple, à propos d’une proposition législative de modification de la loi en vigueur qui criminalise l’avortement : « Avec une loi qui déprécie, par les exceptions même qu’elle accepte, le droit du fœtus à la vie, on favorise le développement d’une mentalité relâchée qui ne voit plus dans l’avortement un crime véritable », « Déclaration de l’épiscopat du Canada sur l’avortement », La Documentation catholique, vol. 65, n° 1514, 1968, p. 1586.
  • [35]
    Hans Georg Gadamer, Vérité et méthode. Les grandes lignes d’une herméneutique philosophique, Paris, Éd. du Seuil, 1996, p. 292-298.
  • [36]
    Ibid., p. 189-402.
  • [37]
    Ibid., p. 308.
  • [38]
    Ibid., p. 303.
  • [39]
    Ibid., p. 305.
  • [40]
    Ibid., p. 309.
  • [41]
    Ibid., p. 309.
  • [42]
    Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1990, p. 53.
  • [43]
    Ibid., p. 54.
  • [44]
    Ibid., p. 54.
  • [45]
    Il est vrai que le contexte de production de GS n’est pas le même que l’ère où nous vivons. Il y a, bien sûr, une distance temporelle et culturelle entre le temps du Concile et le temps des interprètes. Il faut aussi souligner que, du point de vue rhétorique, la situation de parole d’un concile n’est évidemment pas la même que celle d’un évêque ou d’un épiscopat rédigeant un mémoire en vue d’une participation à une commission parlementaire. Voir G. Jobin, « Vatican II, le style et la rhétorique », dans J. Famerée (dir.), Vatican II comme style, p. 34.
  • [46]
    H. G. Gadamer, Vérité et méthode. Les grandes lignes d’une herméneutique philosophique, p. 305.

1Le quarantième anniversaire de clôture de Vatican II, célébré en 2005, a donné lieu à des discussions parfois vives sur l’interprétation de l’héritage légué par le Concile [1]. Plusieurs acteurs (théologiens et pasteurs) ont alors et depuis contribué, vigoureusement parfois, à cette réflexion sur une juste interprétation de Vatican II. Et le fait que Benoît XVI se soit prononcé sur la question en décembre 2005, lors de son discours à la Curie, a certainement donné de l’impulsion à ces discussions. Ce débat avait une teneur normative : les différentes interventions proposaient de baliser le rapport aux textes, à l’événement, etc. Mais au-delà d’un juste rapport aux textes, c’est la normativité même des textes qui était en jeu. Or, à la veille des célébrations du cinquantième anniversaire de l’ouverture de Vatican II, ce sont des enjeux herméneutiques similaires à ceux de 2005 qui sont au menu des discussions, quelles que soient les formes (savantes, pastorales ou autres) qu’elles prendront. Il me semble que ces discussions partagent un même intérêt, celui d’apprécier en quoi les textes conciliaires peuvent et doivent nous orienter dans la pensée et dans l’action.

2Cet intérêt est bien sûr général. L’ampleur, voire l’âpreté des débats qu’il suscite montre bien que l’enjeu est à la fois fort complexe et central. Si des travaux théoriques sur l’herméneutique sont de mise pour aborder cet intérêt, il peut être aussi fructueux de scruter comment, concrètement, des acteurs du champ religieux ont actualisé, déjà, la normativité des textes conciliaires. Comment s’est-on effectivement orienté dans la pensée et dans l’action en prenant les textes conciliaires comme appui ? Quoique vaste encore, cette question a le mérite de recentrer notre attention sur des pratiques concrètes et analysables.

3Les pratiques que j’analyserai dans cette étude sont les pratiques discursives des épiscopats québécois et canadiens se prononçant sur des enjeux moraux publics concernant des questions d’éthique politique et sociale ou des questions d’éthique de la sexualité et de la vie [2]. Le texte conciliaire retenu sera la Constitution pastorale Gaudium et spes (ci-après GS). Il est clair que ce texte sur l’Église dans le monde de ce temps a laissé des traces dans la parole épiscopale canadienne et québécoise. La Constitution pastorale a fait parler ; elle a été invoquée comme autorité pour appuyer des prises de paroles publiques selon des manières qui seront présentées plus loin. À ce titre, la parole épiscopale d’ici n’est pas différente de celle d’autres conférences régionales ou nationales. Mais quelle est l’influence de GS sur cette prise de parole ? Comment la qualifier ? Comment et à quoi s’est-on référé quand la parole épiscopale a mobilisé le texte de Gaudium et spes comme une autorité ? Peut-on repérer des fluctuations dans la référence à Gaudium et spes ? Voilà des questions qui orienteront cette étude.

4Pour ce faire, la démarche opérera en plusieurs étapes. Premièrement, je ferai quelques remarques méthodologiques afin de situer le corpus étudié, de présenter l’approche retenue, de discuter de la portée et des limites de l’étude. Puis serons présentés en deux temps les résultats de l’analyse. Enfin, une discussion sur l’autorité du texte de la Constitution pastorale sera menée à partir de la notion de classique telle qu’on la trouve dans Vérité et méthode de Hans Georg Gadamer et dans le projet d’une esthétique de la réception de Hans Robert Jauss.

Remarques méthodologiques préalables

5Comment qualifier [3] l’influence d’un texte sur une série textuelle qui s’en inspire ? Il ne faut pas se laisser tromper par la simplicité de la formulation de cette question. C’est une question cruciale qui, loin de se limiter aux débats entre spécialistes de l’herméneutique, est sous-jacente aux prises de positions de pasteurs et de théologiens dans les débats sur l’herméneutique des textes conciliaires. Que l’on soit partisan d’une herméneutique sémantique (qui s’intéresse au « dit » du texte [4]) ou d’une herméneutique pragmatique (qui étudie le « dire » du texte [5]) des textes de Vatican II, l’option faite par un interprète montre bien comment celui-ci conçoit l’influence et la normativité des textes pour lui et pour ses destinataires.

Pour une analyse pragmatique des textes

6J’opte dans cette étude, comme dans celle de la parole magistérielle pontificale et épiscopale et la parole théologienne, pour une approche pragmatique des textes [6]. En vue de repérer l’influence de GS sur le dire épiscopal canadien et québécois, cette approche se déclinera sur deux versants.

7Le premier versant concerne la manière dont évolue la référence à GS dans les documents étudiés, et ce pour la période qui s’étend de la fin du Concile à 2008. Je serai attentif aux citations explicites de GS dans les textes, de même qu’aux allusions ou paraphrases du texte lorsque celles-ci sont repérables. Il pourrait sembler un peu mince de ne s’en tenir qu’aux citations explicites d’un texte pour mettre son influence en valeur. Cette manière de procéder ne met en valeur qu’une seule dimension de la réception. En effet, l’appropriation individuelle et collective d’un texte comme la Constitution pastorale ne se limite pas aux écrits. Elle passe aussi par des structures de pensée, par des manières de produire du discours, par une « grammaire » qui, sans être toujours explicite, n’en est pas moins opératoire. Pourtant, même en limitant l’étude aux références textuelles, je pourrai obtenir des résultats significatifs du corpus étudié.

8Le second versant abordera les textes dans le cadre d’une analyse rhétorique, plus précisément par le truchement d’une analyse des genres rhétoriques utilisés. Cette approche s’inspire largement de celle du jésuite John O’Malley dans son analyse récente de la rhétorique conciliaire [7]. Ici, ce sont les modes d’énonciation employés dans les textes épiscopaux qui seront scrutés. Cette analyse permettra de relever en quoi l’énonciation épiscopale serait tributaire (ou non) des modes d’énonciation qui ont fait la marque de Gaudium et spes et, plus généralement, de l’ensemble des textes de Vatican II.

Limites de l’étude

9Cette étude est exploratoire. En effet, une juste appréciation de l’impact de GS sur la parole épiscopale demanderait une recherche documentaire plus exhaustive et devrait normalement couvrir l’ensemble des documents publics produits par l’épiscopat depuis la parution de la Constitution pastorale. Ce travail est colossal et dépasse les limites de notre présentation. Afin de constituer un corpus significatif tout en évitant de se perdre dans l’ensemble des textes produits, deux domaines ont été privilégiés. Le premier est celui des interventions que l’on situe habituellement dans le domaine de l’éthique sociale et politique. Le second domaine est constitué de documents sur des enjeux moraux concernant la vie humaine – procréation assistée, avortement, euthanasie – et la sexualité. La période couverte par les documents retenus s’étend de 1966 à 2008. Nous avons sélectionné cinquante-sept textes, lesquels se présentent sous diverses formes : lettres pastorales, lettres collectives, messages, mémoires déposés lors de travaux parlementaires, déclarations, etc. Certains documents sont circonstanciels (sur le bien commun, sur le chômage, etc.), d’autres font partie d’une tradition de prise de parole (les messages du 1er mai du Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec).

Une typologie des références sémantiques à Gaudium et spes

10Dans le corpus (tous domaines confondus), les rédacteurs se réfèrent à GS de trois manières suffisamment claires et distinctes les unes des autres.

GS comme source d’arguments

11La première forme de citation considère GS comme une source d’arguments et d’autorité dans le cours d’une démonstration ou d’une argumentation. On se réfère à GS comme document dépositaire de normes. C’est ainsi que, par exemple, l’affirmation que le progrès technologique et l’accumulation des richesses ne peuvent réaliser à eux seuls la promotion humaine (GS, n° 35) [8] et le jugement moral sur l’abomination de la pratique de l’avortement (GS, n° 51, § 3) [9] sont invoqués comme des principes normatifs pour orienter l’action commune. Parfois, un document contiendra un résumé du message de GS. Ainsi, dans une discussion sur l’engagement de l’Église sur le terrain de la justice sociale, le signataire du texte résumera en un paragraphe sa lecture de GS à propos de l’enseignement conciliaire sur ce thème [10]. GS fournit des normes permettant de guider l’action, que ces normes soient universelles ou prochaines. C’est la normativité de la lettre du texte qui est explicitement mobilisée dans cette forme de recours à la Constitution pastorale.

GS comme légitimation de la prise de parole publique

12La seconde forme de citation se situe à un autre niveau, celui de la justification de la prise de parole. On tire de GS des citations qui illustrent une perspective, un horizon, voire un esprit qui anime la prise de parole. À cet effet, l’une des phrases les plus citées dans le corpus est la phrase initiale de la Constitution pastorale : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes… » À plus d’une reprise, cette phrase est reproduite dans un encadré (hors du texte du document) ou, autre occurrence encore, dans le numéro final d’un document, en guise de point d’orgue et pour montrer ce qui motive la prise de parole. Là aussi, une normativité est à l’œuvre. S’il y a prise de parole sur un enjeu particulier, c’est que la solidarité avec le genre humain pousse les évêques à poser publiquement un jugement moral sur un problème moral particulier en vue, à la fois pour l’éclairer et proposer des solutions. En somme, ce type de référence à GS justifie la contribution épiscopale au débat public [11].

GS comme modèle de la prise de parole publique

13La troisième forme de citation diffère des deux premières formes que je viens de décrire rapidement. Avec cette troisième forme, nous nous approchons davantage d’une préoccupation pour l’énonciation, mais sans utiliser les catégories analytiques de la rhétorique. GS est alors considérée comme un modèle de prise de parole ou d’intervention. En se rapportant à la Constitution pastorale de cette façon, des évêques se demandent en quoi l’exercice même de la prise de parole publique peut s’inspirer de GS. On suppose alors que la normativité de GS ne réside pas uniquement dans la lettre du texte ou dans l’esprit du Concile, mais plutôt dans le geste public de la prise de parole. Allant donc plus loin que la justification de la prise de parole publique – ce qui, en soi, est déjà une façon intéressante de se rapporter à GS –, on attribue à la Constitution pastorale un rôle de guide pour baliser l’intervention dans les débats publics. Pour étayer ce troisième type, je donne trois exemples.

14Dans une des premières interventions épiscopales suivant la clôture du Concile, les évêques canadiens interviennent devant le Comité permanent de la santé nationale et du bien-être social de la Chambre des communes. Ils se prononcent sur l’élimination de l’article 150 du Code criminel qui interdisait « la vente des moyens anticonceptionnels et la diffusion de renseignements concernant la contraception ». En substance, et comme l’indique la lettre aux fidèles qui accompagne la publication du mémoire dans La Documentation catholique du 4 décembre 1966, les évêques ne s’opposent pas « à des modifications appropriées de [la] loi ». Ils envisagent « une collaboration active, et même des initiatives autonomes de la part des laïques catholiques, en vue d’amender une loi qu’ils peuvent fort bien, dans les conditions actuelles, juger nuisible à l’ordre public et au bien commun [12] ». La Constitution pastorale est le document conciliaire le plus cité dans le mémoire des évêques. On en tire « des perspectives intéressantes sur la nature de l’Église, sur les relations qui doivent exister entre l’autorité enseignante et les autres membres, ainsi que sur les rapports que tous doivent entretenir avec la communauté politique [13] ».

15Ce qui, à première vue, pourrait se situer à l’intersection des deux premiers types de référence évoqués plus haut, est aussi normatif pour la prise de parole elle-même. Les limites posées par les principes sont respectées par les évêques dans leur propre prise de parole. Énonçant l’ordre lexical des responsabilités incombant aux législateurs chrétiens – d’abord envers le bien commun, puis ce qui est approuvé ou, au contraire, défendu par l’Église –, les évêques n’imposent pas de fardeau à la conscience des laïcs impliqués en politique. De même, les évêques rappellent que, outre la difficulté pratique de faire appliquer à la lettre l’article 150, il faut tenir compte du fait « qu’un grand nombre de [citoyens] voient sincèrement dans la loi actuelle une violation du droit qu’ils ont de se faire renseigner et aider en vue de n’avoir d’enfants que d’une façon responsable, conforme à leurs convictions personnelles [14] ».

16Le second exemple vient d’une intervention du cardinal Maurice Roy, en tant que président de la Commission pontificale Justice et Paix, au synode des évêques sur la justice dans le monde, tenu en 1971. Dans la parole publique et l’action commune, le premier devoir qui s’impose aux évêques est « d’agir rationnellement comme des hommes au milieu des hommes [15] ». Le cardinal poursuit en disant que « nous devons utiliser le fruit des recherches faites dans le monde entier par de grandes organisations profanes [16] ». Ce court texte est d’ailleurs construit sur le modèle du voir-juger-agir, typique de l’Action catholique, mais ce faisant le cardinal Roy voit dans GS la source de cette injonction dans toute prise de parole [17].

17Le troisième exemple provient d’un texte produit dans le cadre des consultations faites au Canada à la fin de l’année 1973, en préparation du synode de 1974 sur l’évangélisation. Il s’agit d’une synthèse des rapports produits par trente-huit des soixante-huit diocèses catholiques canadiens de l’époque [18]. Il ne constitue pas une déclaration officielle de la CECC, même s’il s’agit de « “la” réponse de la Conférence épiscopale canadienne au Secrétariat romain du synode ». Dans cette réaction au document présynodal, les textes conciliaires, et plus particulièrement la Constitution pastorale, sont présentés comme modèles de l’articulation de la pensée sur l’évangélisation. Soulignant les qualités du document présynodal, les rédacteurs de la synthèse soulignent tout de même la nécessité d’un plus grand rapprochement avec la lettre et l’esprit de GS. L’utilisation du mot « esprit » est le fait de la synthèse. Une remarque intéressante : la synthèse note ceci quant au style du document présynodal :

18

Il serait bon de ne pas songer à « vérifier » les documents conciliaires, pleins d’intuition théologique féconde pour l’avenir, mais de les considérer comme acquis et de les prolonger (…). La formulation de plusieurs points devrait manifester une approche vraiment plus positive des réalités culturelles contemporaines dans l’esprit des perspectives issues de Gaudium et spes[19].

19Ces quelques exemples illustrent de manière schématique une typologie des traces que GS a laissées dans la prise de parole épiscopale postconciliaire. La diversité des formes de référence témoigne de l’importance du document et de son influence dans la formulation de la pensée. L’appropriation différenciée de GS montre que, loin de s’en tenir à une lecture attentive, voire polie du texte, les évêques ont voulu tirer le maximum d’un texte conciliaire innovateur tant dans son contenu que dans sa forme. On ne saurait cependant en demeurer à ce constat. En effet, il faut voir comment ces références se répartissent selon les périodes de production du corpus et selon les thèmes abordés.

Les thèmes abordés et les périodes

Vie et sexualité

20Dans le cas de textes épiscopaux sur des enjeux moraux concernant la vie – avortement, procréation assistée, euthanasie – et la sexualité, c’est le premier type de référence, soit la citation de normes, qui est le plus fréquent. Sur l’enjeu de l’avortement, par exemple, c’est le jugement moral que l’on retrouve au troisième paragraphe du n° 51 (où l’avortement est jugé comme une abomination) qui revient le plus souvent dans les documents du corpus rédigés entre 1968 et 1991. Or, une rupture se produit en 1991. En effet, depuis lors, il n’y a aucune référence directe à GS dans les documents traitant de questions d’orientation sexuelle, du mariage ou de procréation assistée. Par exemple, dans l’ébauche d’un texte préparatoire à la rédaction d’un mémoire des évêques canadiens présenté aux audiences parlementaires sur le projet de loi légalisant l’union entre conjoints de même sexe, des références indirectes sont faites à GS [20]. Elles se font par le truchement de deux citations de l’exhortation apostolique Familiaris consortio, soit les numéros 13 et 19, lesquels citent respectivement les numéros 48 et 49 de GS, numéros du chapitre portant sur la dignité du mariage et de la famille. Pourtant, dans la mouture finale du mémoire, présenté aux parlementaires canadiens en 2005, ces deux citations ont disparu.

Éthique sociale et politique

21Dans les documents traitant d’éthique sociale et politique, les références à GS sont nombreuses, comme on peut s’y attendre. Certains numéros ont la faveur des rédacteurs : le n° 1 (et le fameux incipit sur les joies et les tristesses…), le n° 4 sur le devoir de l’Église de scruter les signes des temps et le n° 69 sur la destination universelle des biens de la terre.

22Ce thème donne lieu à une forme de citation propre : de longs extraits de GS sont présentés dans des encadrés, en marge du corps du texte. Cette manière de citer la Constitution pastorale apparaît au tout début des années 1980. Ainsi, dans un texte rédigé au mois de janvier 1980 par les évêques québécois à la veille du premier référendum portant sur la souveraineté du Québec, un encadré du n° 73 sur les caractéristiques de la vie publique et de la vie politique est inséré, alors que le texte lui-même du message ne fait aucune référence à la Constitution pastorale [21]. Dans un autre texte de l’AEQ, en 1981, à propos de l’environnement, le même type de référence est fait. Ici, c’est tout le n° 1 de GS qui est encadré [22]. Ici encore, c’est la seule référence à la Constitution pastorale dans tout le texte et, comme dans le premier cas, l’hypothèse d’un ajout par la rédaction est plausible. Enfin, cette même stratégie est reprise en 1993 par la Commission des affaires sociales de la CECC dans un texte dénonçant le chômage généralisé et intitulé : « Un appel à la mobilisation de toutes les forces du pays ». C’est encore une fois l’incipit de GS qui est ici mis en contraste avec le corps du texte où il n’y a pas d’autre mention de la Constitution pastorale [23]. On peut donc constater une forme particulière de référence à GS. Tout se passe comme si la mention de l’incipit donnait un indice sur l’état d’esprit des rédacteurs de ces textes portant sur la justice sociale.

23Cependant, il faut aussi souligner un autre phénomène qui va à l’opposé de ce que je viens de présenter. Il s’agit d’un phénomène d’effacement des références directes aux textes conciliaires. Il est semblable à ce qui vient d’être constaté dans le domaine de la vie et de la sexualité. Ce phénomène est repérable quand on porte attention aux différentes déclarations épiscopales portant sur ou mobilisant fortement le concept de bien commun [24].

24En 1966, dans le document déjà cité sur la décriminalisation de la vente de moyens contraceptifs et de la diffusion de l’information sur ces moyens [25], il n’y a pas moins de cinq références aux numéros 74 et 76 de GS, où le bien commun est, en quelque sorte, la clé de voûte pour comprendre les rapports entre l’Église et l’État. Dans le document des évêques canadiens, proche du Concile, l’enseignement de ce dernier joue un rôle explicite et primordial dans la position adoptée par les évêques.

25Quatorze ans plus tard, en 1990, les évêques canadiens déposent et présentent un mémoire au Comité parlementaire sur l’avortement, alors que le gouvernement de l’époque dépose un projet de loi (le bill C-43) qui propose de restreindre l’accès à l’avortement. Ce projet de loi était déposé pour combler le vide juridique créé par un jugement de 1984 de la Cour suprême du Canada sur l’inconstitutionnalité de la criminalisation de l’avortement. Les évêques s’opposent à l’avortement et argumentent leur position en trois temps : d’abord, en problématisant l’enjeu social de l’avortement, puis en rappelant l’enseignement catholique sur le sujet et, enfin, en discutant du pluralisme. C’est dans cette dernière section que le concept de bien commun est évoqué et appuyé par une citation directe du n° 26 de GS [26].

26Enfin, en 2001, la question du bien commun revient dans une lettre de la Commission des affaires sociales de la CECC, The Common Good or Exclusion : A Choice for Canadians[27]. Ici, quand le bien commun est défini, c’est en référence au Catéchisme de l’Église catholique. Les numéros évoqués (nos 1905-1912) sont tirés de la section traitant expressément du bien commun. Ainsi, l’enseignement du CEC se réfère cinq fois à GS, soit trois fois au n° 26, une fois au n° 27 et une fois au n° 84. Il n’y a pas de référence à la définition du n° 76 de GS, lequel discute des rapports entre Église et État. Dans leur texte, les évêques canadiens mobilisent GS, mais par la médiation du Catéchisme.

27Enfin, en 2006, le traditionnel message du 1er mai, émanant du Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec [28], ne fait qu’une seule référence au n° 26 de GS et encore, sous forme de paraphrase, sans même citer le texte.

28Le cas du bien commun laisse apparaître un pattern : celui de l’effacement de la référence directe à la Constitution pastorale. Cet effacement se traduit par la diminution, dans le temps, de la quantité – de moins en moins de références –, de l’immédiateté – on a affaire à des textes médiateurs – et, enfin, du poids conceptuel de la Constitution pastorale. En ce qui concerne les textes médiateurs, notamment le Catéchisme, il faut bien voir aussi que se référer à un document conciliaire dont l’énonciateur est l’aula n’a pas la même portée que celle d’un document ultérieur (le Catéchisme) qui, même s’il était souhaité tout juste après le Concile, n’en reste pas moins une interprétation. Il y a donc bel et bien perte de visibilité des textes conciliaires dans le corpus constitué pour cette étude.

29Cette perte de visibilité peut être envisagée de deux façons. La première interprétation serait que GS soit passé dans les us et coutumes, de sorte qu’une simple allusion suffit pour transporter le lecteur dans le texte et le monde qu’il présente. Cette hypothèse suppose une connaissance du texte et une transmission continues auprès des croyants depuis sa promulgation. La seconde interprétation possible est que le texte lui-même serait supplanté par les médiations qui le véhiculent. Dans ce cas, la médiation entraîne l’oubli de la source. Et même ce pattern de référence de GS médiatisé par des textes d’une autre nature peut être victime de l’effacement, ainsi qu’on l’a constaté dans le cas du mémoire des évêques canadiens sur le mariage et l’union entre personnes de même sexe. Quelle que soit l’interprétation, il est clair cependant qu’il y a une perte de plus en plus accentuée de la visibilité des textes conciliaires dans le corpus étudié. En se référant de moins en moins aux textes conciliaires, les rédacteurs des textes épiscopaux concrétisent la perte d’influence de la Constitution pastorale sur leur pratique discursive.

Un influence de type pragmatique

30Une analyse pragmatique arriverait-elle au même constat d’effacement de l’influence de la Constitution pastorale ? Il semble bien que non. En effet, une analyse rhétorique des textes épiscopaux montre la persistance d’un style, d’une manière d’énoncer l’« enseignement », tributaire des genres rhétoriques adoptés par les pères conciliaires et, plus particulièrement, dans l’énonciation à l’œuvre dans la Constitution pastorale.

31L’analyse rhétorique des textes conciliaires est un champ d’étude relativement nouveau. Lancée par le jésuite nord-américain John O’Malley [29], cette approche des textes conciliaires participe d’un intérêt pour le style en théologie et en éthique [30]. L’apport significatif d’O’Malley fut de montrer que l’énonciation à Vatican II se démarque du style rhétorique habituel des conciles antérieurs. O’Malley met au jour une rupture rhétorique entre Vatican II et les conciles modernes qui l’ont précédé. Selon lui, le genre rhétorique typique des conciles de Trente et de Vatican I – le genre judiciaire, dont la fine pointe réside dans la formulation d’anathèmes –, est délaissé à Vatican II. On adoptera plutôt le genre épidictique, en faisant donc usage du blâme et de la louange plutôt que de l’accusation ou la défense [31]. Des travaux récents nuancent et précisent les conclusions d’O’Malley en soulignant que la Constitution pastorale participe d’un style hybride, où s’articulent les genres épidictique et démonstratif [32]. Ce style forme donc l’assise de l’énonciation à l’œuvre dans GS.

32L’analyse des deux corpus retenus pour cette étude laisse entrevoir une persistance de ce style hybride où le genre épidictique a pour fonction de nouer le lien entre le locuteur et le destinataire du texte [33] et où le genre démonstratif, par l’exhortation ou la dissuasion, véhicule le contenu des propositions de l’Église dans les débats sur la famille et la dignité du mariage (GS 48-52), sur la culture (GS 53-62), sur la vie économico-sociale (GS 63-72), sur la vie de la communauté politique (GS 73-76) et, enfin, sur la sauvegarde de la paix et la construction de la communauté des nations (GS 77-90). Ces recommandations sont faites en vue de la promotion et du maintien du bien commun, selon une acception inclusive et respectueuse des droits humains.

33Les textes étudiés partagent la caractéristique première de l’énonciation conciliaire, soit le refus d’emprunter le genre rhétorique judiciaire. Même lorsque sont remises en cause les convictions morales les plus fortement ancrées dans la tradition catholique, comme celles régulant l’exercice de la sexualité de même que celles inhérentes aux soins en début et en fin de vie, les évêques ne mobilisent pas la condamnation. Ils utiliseront volontiers le blâme sévère, une des formes d’énonciation offertes par le genre épidictique. Parfois, ce blâme est formulé dans un langage qui peut rappeler le genre judiciaire, mais la frontière entre les genres épidictique et judiciaire n’est jamais franchie.

34À ce premier constat s’ajoute un second. La prise de parole épiscopale reste diversifiée et mobilise tout l’espace discursif ouvert par l’articulation des genres épidictique et démonstratif. Donc, entre les textes où domine le genre épidictique ou le genre démonstratif, la parole s’énonce en multiples combinaisons des deux registres. Il faut tout de même préciser que, dans les matières morales graves (sexualité, dignité de la vie et des personnes), la sévérité des constats et l’exhortation dissuasive monopolisent le discours [34]. Lorsque des enjeux touchant l’organisation de la cité font parler les évêques, le blâme peut côtoyer la louange ; l’exhortation à agir peut cohabiter avec celle qui invite à ne pas agir.

35La conclusion à tirer de cette exploration rhétorique est que l’énonciation magistérielle épiscopale canadienne et québécoise postconciliaire s’inscrit dans la foulée des choix rhétoriques opérés par les pères conciliaires et entérinés dans la Constitution pastorale. Cette conclusion amène donc à nuancer le jugement posé plus tôt à partir d’une analyse sémantique des textes, à savoir qu’il y a un effacement de la référence directe aux contenus sémantiques des documents conciliaires, du moins sur certains thèmes en théologie morale. S’il y a bien effacement de la référence directe au Concile, il y a tout de même persistance d’un style. Un tel constat s’impose pour les deux domaines d’intervention et de parole que sont l’éthique de la sexualité et de la vie, d’une part, et l’éthique sociale et politique, d’autre part.

36En soi, ce phénomène paradoxal d’effacement et de persistance de l’influence de la Constitution pastorale dans l’enseignement des évêques canadiens et québécois pourrait être considéré comme le résultat de l’éloignement temporel de la source première d’inspiration. Plus on s’éloigne de l’événement, alors que disparaissent les acteurs ayant vécu le Concile et la génération qui l’a connu, moins la référence est spontanée. Cette explication est essentiellement démographique puisqu’elle voudrait que la génération des évêques présents au Concile ait laissé la place à d’autres qui n’ont pas vécu ou qui ont peu connu l’événement. Mais cette explication n’est pas complètement satisfaisante. La vie que peut insuffler dans une Église un événement aussi important qu’un concile œcuménique est-elle liée à la génération des acteurs qui l’ont vécu ? Alors, comment comprendre la persistance du style, malgré l’effacement des références substantielles ? Pour tenter de répondre à ces questions, j’aborderai l’influence de la Constitution pastorale par le biais d’une réflexion sur le concept de « classique ».

La constitution pastorale est-elle un classique ?

37Au vu du « comment » et du « à quoi » se réfèrent les évêques dans leur prise de parole publique, peut-on dire qu’ils considèrent GS comme un classique ? Si oui, quelle conception du classique correspond le mieux à leurs pratiques discursives ?

Deux théories du « classique »

38Le concept de classique a subi quelques déplacements dans les années 1960 et 1970 à la faveur de développements des théories de l’herméneutique en philosophie et de l’esthétique de la réception en critique littéraire. De l’herméneutique ontologique de Hans Georg Gadamer à l’esthétique de la réception de Hans Robert Jauss, le « classique » est objet de plusieurs discussions qui, je le pense, peuvent être heuristiquement fructueuses pour mon propos.

39La théorie gadamérienne du classique est enchâssée dans une réflexion sur la réhabilitation de l’autorité et de la tradition. En des pages connues, Gadamer critique à la fois la dépréciation du préjugé dans l’Aufklärung et la conception abstraite de la tradition que la critique romantique oppose à l’Auklärung[35]. Cette critique s’énonce alors qu’il cherche à dégager un concept de tradition qui rendra compte de la « vérité » pour la compréhension dans les sciences de l’esprit [36]. Le classique apparaît ainsi à la croisée d’une réflexion épistémologique sur la connaissance dans les sciences de l’esprit, d’une part, et de l’« application » – j’utilise ce terme, même si Gadamer ne l’accepterait probablement pas – de la réhabilitation du préjugé, de l’autorité et de la tradition qu’il entreprend, d’autre part.

40Pour Gadamer, le classique est un concept à deux volets. Il revêt d’abord un sens normatif, au sens où le classique oriente la pensée. Le classique, c’est plus qu’une chose, plus qu’une œuvre ; c’est avant tout « une excellence de l’être-historique même, le privilège historique de la conservation qui, à la faveur d’une confirmation sans cesse renouvelée, donne l’être à une vérité [37] ». On voit que, dans l’idée de classique, il y a celle de pérennité d’une vérité, non pas entendue comme quelque chose, mais comme une advenue. Or, cette advenue ne se réalise pas d’elle-même ; elle dépend d’une confirmation renouvelée. C’est ce que Gadamer nomme la conservation, et cela constitue un élément central dans son économie conceptuelle du classique. Il peut être utile de rappeler que la conservation est tout sauf une mise au musée. Il s’agit d’un acte de raison et de liberté [38]. Par la conservation, il s’agit de saisir et de cultiver la tradition. Voici comment Gadamer traduit l’acte de conservation :

41

[l]a chose ne commence (…) à prendre de l’importance pour nous que sous l’éclairage qu’elle doit à celui qui sait nous la dépeindre. Ainsi, notre intérêt est bien dirigé vers la chose, mais celle-ci ne doit pourtant sa vie qu’à l’aspect sous lequel elle nous est montrée [39].

42Le classique n’échappe donc pas à la médiation, c’est-à-dire que sa reconnaissance par les nouvelles générations dépend en fait d’une transmission, d’une tradition.

43Le second volet du classique est son caractère historique. Un classique représente une sorte d’apogée, comme le point d’orgue d’un style. Le classique est la parfaite réalisation d’un genre – littéraire, artistique, etc. – précis. Quoique moins développée par Gadamer, la réflexion sur le volet historique du classique mobilise aussi cette idée de la conservation que nous avons notée dans le volet normatif :

44

Est classique tout ce qui se tient face à la critique historique, parce que sa force, qui historiquement oblige, celle de son autorité qui se transmet et se conserve, devance toute réflexion historique et s’y maintient [40].

45En somme, le classique possède à la fois une force qui le rend présent à tout présent, une force qui s’associe, chez l’interprète, avec « la conscience de [l]a permanence d’une œuvre, de sa signification impérissable, indépendante de toute circonstance temporelle, dans une sorte de présence intemporelle, contemporaine du présent [41] ». Et pourtant, le classique a besoin d’être présenté pour être « effectif », il doit être conservé et confirmé pour continuer d’orienter la pensée.

46La posture que Hans Robert Jauss adopte dans son projet d’une esthétique de la réception le rend critique à l’égard de la théorie gadamérienne du classique. Ainsi, pour Jauss, le classique, considéré du point de vue de la réception de l’œuvre, prend une valeur négative. La thèse de Jauss est que, lorsqu’on considère une œuvre comme un classique, il y a réduction, par le fait même, de ce qu’il nomme l’écart esthétique, un écart qui signale (et où se joue) le caractère proprement artistique d’une œuvre [42]. Défini comme la distance entre l’horizon d’attente préexistant et l’expérience faite dans la réception, l’écart esthétique

47

peut s’effacer pour les lecteurs ultérieurs à mesure que la négativité originelle de l’œuvre [sa puissance de déplacement par rapport aux idées reçues] s’est changée en évidence et, devenue objet familier de l’attente, s’est intégrée à son tour à l’horizon de l’expérience esthétique à venir [43].

48Un classique est donc ce qui se rapproche, du point de vue de la signifiance, de l’art culinaire, du simple divertissement, ne suscitant plus d’orientation dans la pensée, sinon pour confirmer les orientations du goût régnant. Du point de vue de Jauss, le classique n’étonne plus, il ne surprend plus ; il devient insignifiant. Le statut « classique » d’une œuvre indiquerait un assagissement du potentiel transformateur que l’œuvre peut opérer dans l’opération de réception.

49Cela dit, le classique peut sortir des ornières de l’habitude. Comme le signale Jauss à propos des chefs-d’œuvre littéraires – « il faut faire l’effort tout particulier de les lire à rebours de nos habitudes pour ressaisir leur caractère proprement artistique [44] » –, ce qui veut dire que le lecteur peut retrouver la négativité originelle et reproduire, en quelque sorte, l’écart esthétique.

50En résumé, Gadamer et Jauss offrent deux théories du classique qui semblent opposées. Et pourtant, elles se rejoignent sur un point. En effet, que ce soit du point de vue gadamérien de l’œuvre qui se donne par la tradition ou du point de vue de l’œuvre reçue, il semble bien que les lecteurs de l’œuvre aient un rôle important à jouer. Et ce rôle est soit celui du conservateur qui rend l’œuvre accessible et vivante, soit celui de l’enquêteur qui doit surmonter les évidences pour revivifier le caractère proprement novateur ou transformateur de l’œuvre.

Gaudium et spes est-il un classique ?

51Dans le corpus étudié, la Constitution pastorale apparaît bien comme un classique aux sens gadamérien et jaussien du terme.

52Le phénomène d’effacement des références directes à GS confirmerait la thèse de Jauss. Le texte, s’il n’est pas mobilisé et lu à rebours de nos idées reçues, s’approche de plus en plus de l’insignifiance, de la non-signification. La perte plus ou moins graduelle de visibilité dans la production postconciliaire correspond alors à une dissolution du potentiel d’étonnement que recèle GS. Considérée comme un acquis, la Constitution pastorale tombe dans le domaine des évidences et de nombreuses idées reçues circulent à son propos. Et une des évidences qui collent à GS est que ce texte est tellement situé et daté qu’il faut légitimement se questionner sur son applicabilité dans nos contextes contemporains [45]. Il peut même être considéré avec nostalgie, comme un bel objet du passé qui ne peut plus nous affecter aujourd’hui. Ce jugement sur le caractère historique, trop historique, de Vatican II et de la Constitution pastorale est, me semble-t-il, sous-jacent aux appels à un troisième concile du Vatican, comme si tout avait été dit et tenté suite au deuxième.

53Le processus d’invisibilisation a pour effet de neutraliser effectivement le potentiel d’étonnement de GS, mais il n’est pas seulement dû à l’éloignement temporel ou culturel de l’événement. Il est aussi attribuable, en partie, aux médiations qui se substituent aux textes d’origine et à leur contenu. Citer indirectement les textes conciliaires par des textes interposés, c’est une autre façon, involontaire certes, de figer le potentiel d’étonnement originel, en lui substituant une interprétation qui, selon le type d’autorité qu’on lui attribue, peut occulter le texte originel. C’est ce qui se passe quand, dans un texte, on appuie la référence au bien commun sur une section du Catéchisme qui, dans les faits, est une paraphrase-interprétation du discours conciliaire sur le sujet.

54C’est ici que l’on peut faire jouer la théorie gadamérienne du classique. Comme je l’ai évoqué, le volet normatif du classique met l’accent sur l’acte de conservation. Dans le corpus étudié, il y a bel et bien acte de conservation du style rhétorique mis en œuvre dans la rédaction de GS. Les textes épiscopaux témoignent de la force de l’énonciation conciliaire, une force qui parvient à se faire encore sentir. Ils font plus qu’en témoigner ; ils la mettent en œuvre. En ce sens, la perte de visibilité de GS dans les textes épiscopaux postconciliaires est compensée par la persistance du style. Il faut pourtant souligner que, sauf exception, la source du style n’est jamais nommée. Il y a donc un acte de conservation dans la série textuelle étudiée, mais elle est paradoxale parce que faite sans référence à la source. On pourrait croire que l’acte de conservation se réalise quasiment à l’insu des locuteurs eux-mêmes. C’est une forme de confirmation invisible du classique qu’est GS. Le classique possède bien une « force » qui traverse la distance culturelle et temporelle, qui peut susciter l’intérêt de lecteurs ou d’auditeurs, qui fait parler des locuteurs contemporains. Mais cette force ne sera effective que « sous l’éclairage qu’elle doit à celui qui sait nous la dépeindre [46] ». L’effectivité suppose alors un processus de transmission, de tradition selon l’acception dynamique du terme. Sans une traditio, la lettre reste morte…

55Bien sûr, il y a plusieurs « voies/voix » dans la traditio ; la voie/voix magistérielle épiscopale n’a pas le monopole de la transmission. Elle constitue cependant un lieu important et privilégié de conservation dans la vie de l’Église et dans les rapports entre l’Église et le monde où elle est insérée (Christus dominus, 19-20 ; Gaudium et spes, nos 73-76). Il est encore plus impératif, me semble-t-il, que la conservation et la transmission de la parole conciliaire se fassent aussi par d’autres « voies/x », en parallèle et de concert avec la parole magistérielle, pour attester du « potentiel d’étonnement » recelé par les textes conciliaires et pour le mettre en œuvre. À ce chapitre, il ne saurait y avoir une seule voie empruntée ou une seule voix entendue…

Conclusion

56Au moment de se rappeler le cinquantième anniversaire de la célébration du concile Vatican II, l’influence que peuvent avoir sur nous l’événement conciliaire et les textes qu’il a produits est un thème incontournable de réflexion. La préoccupation de pasteurs et de théologiens pour l’herméneutique et la réception du Concile en fait foi. Cette réflexion est elle-même située dans un temps donné ; elle s’inscrit dans un espace de discussion déjà marqué par un colossal travail d’interprétation et de réception de l’enseignement conciliaire dans les Églises locales et l’Église universelle. L’analyse des pratiques interprétatives et discursives participe d’un intérêt qui inclut et dépasse la seule production des connaissances : il s’agit de réfléchir à nos pratiques actuelles d’inscription de l’événement conciliaire et de son legs, avec la visée de garder vif le potentiel d’étonnement que recèlent les textes issus de Vatican II, notamment la Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps.


Date de mise en ligne : 26/04/2013

https://doi.org/10.3917/retm.273.0009

Notes

  • [1]
    La recherche ayant mené à la rédaction de cet article a été soutenue par une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (crsh).
  • [2]
    Parmi les textes à l’étude, certains sont rédigés par des évêques seuls, d’autres émanent de groupes d’évêques ou de comités dûment mandatés par l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (aecq) ou la Conférence des évêques catholiques du Canada (cecc).
  • [3]
    On aura remarqué que j’utilise le terme « qualifier » et non « mesurer ». L’approche que je décrirai plus loin n’est pas quantitative (comme le serait, par exemple, une recherche statistique sur l’occurrence de mots ou de concepts), mais qualitative.
  • [4]
    Dans une analyse sémantique du texte, le lecteur considère que « la signification du document est à rapporter à ce que dit (implicitement ou explicitement) le Concile. Ce qui est dit explicitement est la lettre des textes, alors que ce qui l’est implicitement est de l’ordre de l’esprit se profilant derrière la lettre. […] l’“esprit de la lettre” est une expression polysémique qui peut désigner : 1) l’intention de Jean XXIII au moment de la convocation du Concile ; 2) les interprétations qui dégagent les différentes évolutions désignées par l’aggiornamento ; 3) le résultat de la maturation de la pensée conciliaire et qui se retrouverait de manière exemplaire dans Gaudium et spes ou Lumen gentium » ; voir Guy Jobin, « Gaudium et spes dans le monde-vécu de ce temps : réflexions épistémologiques sur l’herméneutique de la constitution pastorale », dans Ph. Bordeyne, L. Villemin, Vatican II et la théologie. Perspectives pour le xxie siècle, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Cogitatio fidei » 254, 2006, p. 182-183.
  • [5]
    « La pragmatique se distingue de la sémantique en ce que le registre de cette dernière est celui de la signification (ou du sens) de la lettre d’un texte. En sémantique, il s’agit du dit, de ce qui est énoncé. La pragmatique s’intéresse plutôt aux conditions et caractéristiques du dire, de l’énonciation. En somme, distinguer entre sémantique et pragmatique revient à prendre acte de toute la différence faite en linguistique entre le dit et le dire », ibid., p. 191.
  • [6]
    Pour une étude de la parole théologienne, voir Guy Jobin, « Quand Gaudium et spes fait (l’)autorité », dans G. Routhier, G. Jobin (dir.), L’Autorité et les autorités. L’herméneutique théologique de Vatican II, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Unam sanctam – nouvelle série » 3, 2010, p. 191-208 ; pour la parole magistérielle pontificale et épiscopale, voir Guy Jobin, « Vatican II, le style et la rhétorique », dans J. Famerée (dir.), Vatican II comme style. L’herméneutique théologique du Concile, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Unam – sanctam nouvelle série » 4, 2012, p. 15-35 ; Guy Jobin, « Rhétorique, politique et parole croyante », Laval théologique et philosophique, vol. 67, n° 3, 2011, p. 477-499. Opter pour une approche pragmatique présente plusieurs avantages dans le débat actuel sur l’interprétation des textes conciliaires. En premier lieu, cette approche permet de dépasser la dichotomie lettre/esprit qui a marqué les vingt premières années de l’herméneutique des textes conciliaires. En second lieu, elle permet de ne pas se limiter à une perspective historique. Cette dernière, tout en étant scientifiquement valable, notamment en faisant une généalogie des textes, se limite à la période de production des textes, sans nécessairement aborder le temps de l’interprétation qui s’ouvre avec la promulgation des documents et la clôture du Concile le 8 décembre 1965. Enfin, une approche pragmatique permet de dépasser la dichotomie discontinuité/réforme dans les débats contemporains sur Vatican II. Cette dichotomie nous fait replonger dans le débat lettre/esprit des deux premières décennies postconciliaires, puisqu’il s’agit encore de la fidélité au « dit » du texte dont il est question.
  • [7]
    John O’Malley, « Vatican II : Did Anything Happen ? », Theological Studies, 2006, vol. 67, n° 1, p. 3-33.
  • [8]
    Cecc, « Les coûts humains du chômage », dans G. Rochais (dir.), La Justice sociale comme bonne nouvelle. Messages sociaux, économiques et politiques des évêques du Québec (1972-1983), Montréal, Bellarmin, 1984, p. 57.
  • [9]
    Mgr Marius Paré, « La loi humaine ne peut rendre bon un acte qui est essentiellement mauvais », L’Église canadienne, vol. 12, n° 9, 1979, p. 263 ; Mgr Jean Gratton, « L’avortement : destruction d’une vie humaine », L’Église canadienne, vol. 13, n° 17, 1981, p. 521. Plus près de nous, c’est ce type de référence que mobilise Jean-Paul II dans Evangelium vitae. Les nombreuses citations de GS (18 au total) servent d’appui normatif dans une argumentation. Le tiers des citations est tiré des nos 50-51.
  • [10]
    Mgr Guy Bélanger, « L’engagement de l’Église sur le terrain de la justice sociale », dans G. Rochais (dir.), La Justice sociale comme bonne nouvelle. Messages sociaux, économiques et politiques des évêques du Québec (1972-1983), p. 213.
  • [11]
    Évêques de la région métropolitaine de Montréal, « Conflits de travail trop longs et socialement trop coûteux », dans G. ROCHAIS (dir.), La Justice sociale comme bonne nouvelle. Messages sociaux, économiques et politiques des évêques du Québec (1972-1983), p. 232. Dans ce texte, le paragraphe final contient une longue citation de GS 42 sur la mission religieuse de l’Église en rapport aux questions politiques, sociales ou civiles.
  • [12]
    Cette citation et la précédente, dans La Documentation catholique, n° 1483, 4 décembre 1966, col. 2083-2090, ici col. 2084.
  • [13]
    Ibid., col. 2085.
  • [14]
    Ibid., col. 2084.
  • [15]
    Cardinal Maurice Roy, « L’Église et la justice dans le monde », L’Église canadienne, vol. 4, décembre 1971, p. 321.
  • [16]
    Ibid.
  • [17]
    Ibid. : « Le IIe concile du Vatican, dans la Constitution Gaudium et spes, a rappelé au peuple de Dieu que les chrétiens ne doivent pas se considérer comme une communauté séparée du reste du monde. Ils sont engagés dans le même processus historique que tous les hommes ; ils ont avec eux de communes responsabilités ; ils doivent mettre à profit les méthodes rationnelles et les découvertes qui sont le bien de tous ».
  • [18]
    « L’évangélisation du monde contemporain », L’Église canadienne, vol. 7, avril 1974, p. 103-114.
  • [19]
    Ibid., p. 104.
  • [20]
    Cette ébauche fut rédigée en 2003.
  • [21]
    Assemblée des évêques du Québec, « Construire ensemble une société meilleure », L’Église canadienne, vol. 13, n° 10, 1980, p. 299. Le référendum sera tenu le 20 mai 1980.
  • [22]
    Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques du Québec, « Les chrétiens et l’environnement », L’Église canadienne, vol. 14, n° 20, 1981, p. 613.
  • [23]
    Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques du Québec, « Un appel à la mobilisation de toutes les forces du pays », L’Église canadienne, vol. 26, n° 8, 1993, p. 234.
  • [24]
    Pour mémoire, le n° 26 de GS est entièrement consacré à la définition du bien commun : « cet ensemble des conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée » (GS 26, § 1). Une définition similaire, mais un peu plus courte, est présentée au n° 74, dans la portion du texte traitant des relations entre l’Église et l’État. Le respect de la dignité de la personne humaine, de même que l’édification de l’ordre social sur ce que Jean XXIII avait déjà identifié dans Pacem in terris (vérité, justice, amour, liberté), sont les deux axes de promotion du bien commun.
  • [25]
    Voir note 12, ci-dessus.
  • [26]
    Conférence des évêques catholiques du Canada, « L’avortement : une fausse solution », L’Église canadienne, vol. 23, n° 4, 1990, p. 105.
  • [27]
  • [28]
    Message intitulé Le bien commun : vivre et agir ensemble, http://www.eveques.qc.ca/documents/2006/20060501f.html, consulté le 5 septembre 2012.
  • [29]
    Voir note 7, ci-dessus.
  • [30]
    Joseph Famerée (dir.), Vatican II comme style. L’herméneutique théologique du Concile, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Unam Sanctam – Nouvelle série » 4, 2012 ; Christophe Theobald, Le Christianisme comme style. Une manière de faire de la théologie en postmodernité, Paris, Éd. du Cerf, 2007. Voir aussi : ID., « Le christianisme comme style. Entrer dans une manière d’habiter le monde », Revue d’éthique et de théologie morale, n° 251, 2008, p. 235-248 ; Gilles Routhier, « Un concile à interpréter », Études, 5/2007 (tome 406), p. 627-637.
  • [31]
    Il reste quelques traces du style judiciaire dans GS. Le jugement sur l’avortement est sans équivoque, en GS 51, quand on le qualifie de « crime abominable » ou de pratique « infâme », comme en GS 27. Il s’agit là certainement d’un langage judiciaire. Toutefois, contrairement aux anathèmes – dont la formule typique est « si quelqu’un…, qu’il soit anathème » –, les jugements judiciaires présents dans la Constitution pastorale ne concernent que des actes. Quand vient le temps de qualifier les personnes fautives qui posent ou participent à ces actes, c’est un blâme sévère, formulé avec des catégories issues du langage de la morale, qui est exprimé, comme, par exemple, « personnes se déshonorant elles-mêmes » (GS 27).
  • [32]
    Guy Jobin, « Vatican II, le style et la rhétorique », dans Joseph Famerée (dir.), Vatican II comme style. L’herméneutique théologique du Concile, p. 15-35.
  • [33]
    Selon Michel Meyer, la rhétorique est une négociation de la différence entre des individus sur une question donnée ; voir : Michel Meyer, La Rhétorique, Paris, puf, coll. « Que sais-je ? » 2133, 2004, p. 10.
  • [34]
    Par exemple, à propos d’une proposition législative de modification de la loi en vigueur qui criminalise l’avortement : « Avec une loi qui déprécie, par les exceptions même qu’elle accepte, le droit du fœtus à la vie, on favorise le développement d’une mentalité relâchée qui ne voit plus dans l’avortement un crime véritable », « Déclaration de l’épiscopat du Canada sur l’avortement », La Documentation catholique, vol. 65, n° 1514, 1968, p. 1586.
  • [35]
    Hans Georg Gadamer, Vérité et méthode. Les grandes lignes d’une herméneutique philosophique, Paris, Éd. du Seuil, 1996, p. 292-298.
  • [36]
    Ibid., p. 189-402.
  • [37]
    Ibid., p. 308.
  • [38]
    Ibid., p. 303.
  • [39]
    Ibid., p. 305.
  • [40]
    Ibid., p. 309.
  • [41]
    Ibid., p. 309.
  • [42]
    Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1990, p. 53.
  • [43]
    Ibid., p. 54.
  • [44]
    Ibid., p. 54.
  • [45]
    Il est vrai que le contexte de production de GS n’est pas le même que l’ère où nous vivons. Il y a, bien sûr, une distance temporelle et culturelle entre le temps du Concile et le temps des interprètes. Il faut aussi souligner que, du point de vue rhétorique, la situation de parole d’un concile n’est évidemment pas la même que celle d’un évêque ou d’un épiscopat rédigeant un mémoire en vue d’une participation à une commission parlementaire. Voir G. Jobin, « Vatican II, le style et la rhétorique », dans J. Famerée (dir.), Vatican II comme style, p. 34.
  • [46]
    H. G. Gadamer, Vérité et méthode. Les grandes lignes d’une herméneutique philosophique, p. 305.

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