Notes
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[1]
Néanmoins certains pays seront transformés eu Pôle d’Équilibre Territorial et Rural (Petr) dans le cadre de la loi Maptam (Modernisation de l’Action Publique et Affirmation des Métropoles).
1. Introduction
1 Les démarches de Pays ont déjà fait l’objet de plusieurs articles dans la Reru. Certains font un bilan récent des processus de contractualisation à l’échelle des Pays (Doré, 2014). D’autres mettent l’accent sur leur bilan mitigé quelques années après leur lancement (Gilly et Wallet, 2005). En effet, la loi Voynet de 1999 (loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement Durable du Territoire ou Loaddt) constitue une rupture dans les politiques publiques d’aménagement du territoire qui peut être qualifiée de première « réforme territoriale » avant la vague de réformes sans précédent que nous vivons depuis 2014. Même si les Pays n’ont pas été retenus dans le nouveau dispositif législatif [1], cette loi a impulsé dans les politiques d’aménagement des territoires ruraux et péri-urbains des enjeux nouveaux de décloisonnement intersectoriel et de de vision stratégique à long terme entre collectivités liés aux principes du développement territorial durable et de l’attractivité d’un territoire. C’est un changement important de paradigme méthodologique qui va se faire sentir tout au long des années 2000. Or, le développement d’une telle approche stratégique intégrée camoufle des enjeux de coopération et de coordination multi-acteurs et multi-organisationnels complexes. Si complexes que, malgré le caractère largement coercitif de la réforme impulsée par l’État et les Conseils Régionaux (et parfois même les Départements) dans le cadre de la loi Voynet, la remise en cause des statuts quo politiques, économiques ou sociaux locaux n’a pas été possible dans tous les territoires.
2 Cette recherche analyse de façon approfondie dix territoires d’une même région sur une période de huit années (2000-2008). Dans cet article, nous cherchons à mieux comprendre pourquoi, à partir de la même réforme impulsée, certaines collectivités changent de comportements stratégiques et réussissent à mettre en œuvre un projet stratégique commun intersectoriel alors que d’autres restent bloquées sur les statuts quo précédents. Cet article se compose de trois parties principales. Dans la première partie, l’objet et le cadre théorique de cette recherche sont développés. Cela conduit à définir la planification stratégique territoriale, la gouvernance territoriale et à identifier quel courant théorique du management stratégique il est possible de mobiliser pour construire une grille d’analyse permettant d’appréhender les phénomènes qui se déroulent lors de la formulation et de la mise en œuvre des projets de territoire. La seconde partie de cette recherche développe les résultats et constats empiriques à la fois attendus et inattendus autour de huit points clés. Enfin, dans une troisième partie nous discutons ces résultats au prisme des théories évolutionniste et néo-institutionnelle pour dégager quatre principaux enseignements. Ces enseignements sont synthétisés dans la conclusion de cet article.
2. Objet de la recherche, cadre théorique et méthodologie
2.1. Objet de la recherche et problématique
3 La loi Voynet cherche à créer une cohérence entre de multiples acteurs autour d’un projet stratégique unique pour le territoire. Pour cela, la loi impulse un cadre méthodologique qui est celui de la « planification stratégique territoriale ». Cette notion apparaît au tournant de la fin des années 1980 et du début des années 1990 pour exprimer la remise en cause les modèles traditionnels d’aménagement du territoire et une convergence des problématique d’aménagement et de développement socio-économique vers une logique de développement durable intégré. Cette nouvelle logique repose sur un « projet concerté de territoire » impliquant toutes les parties prenantes et une mise en cohérence des politiques sectorielles à une échelle cohérente et pertinente. Pour Godard (1997) cité par Demazière (2016), il y a une prise de conscience progressive qu’il faut trouver le « bon espace de problèmes » permettant de mobiliser le « bon espace de solutions » en termes d’engagement coordonné des acteurs locaux. Cette nouvelle logique commence à se diffuser au plan européen et international au cours des années 1990. Ce cadre méthodologique (Loinger et Spohr, 2004) est très tôt fondé sur un diagnostic territorial stratégique, une démarche de prospective participative, la définition d’orientations stratégiques à dix ans (le « projet » de territoire), la déclinaison de ses orientations en plan d’action à trois ans, l’implémentation de ces actions, l’évaluation de ces actions. Cette approche méthodologique est également adoptée comme référence au niveau académique international. En France, La loi Voynet qui approfondit la loi Pasqua de 1995 se nourrit de ces logiques européennes et met une emphase particulière sur la participation des acteurs locaux de la société civile dans les réflexions stratégiques des élus.
4 La loi Voynet impulse plusieurs obligations méthodologiques : un périmètre validé par l’État souvent baptisé « territoire de projet », un projet de territoire formalisé dans un document officiel nommé « charte de Pays » validé par l’État et co-signé par les collectivités concernées (grandes orientations stratégiques communes), un contrat de Pays (contractualisation avec les financeurs sur trois ans du financement d’un plan d’action commun), un Conseil de développement comme instance informelle ou formelle permettant d’associer les acteurs de la société civile dans le projet de territoire. Les préfectures de région au côté des Conseils Régionaux vont donc impulser dès le début des années 2000 la méthodologie de la planification stratégique territoriale sur les territoires péri-urbains et ruraux en laissant aux acteurs le soin de déterminer le périmètre géographique le plus pertinent pour mener leur réflexion stratégique. Initialement, l’État souhaitait faire une loi très peu contraignante qui permette aux acteurs du territoire de s’approprier à leur façon la démarche de planification stratégique territoriale et l’adapter aux réalités géographiques, économiques et sociales et surtout politiques des territoires. Néanmoins, dans la quasi-totalité des régions, la mise en œuvre de la loi s’est faite dans un cadre « incitatif-coercitif ». En effet, les élus locaux ruraux et péri-urbains n’avaient pas beaucoup le choix. À partir des années 2000, s’ils souhaitaient obtenir des financements État/Région (voire Département) dans le champ du développement local et de l’aménagement du territoire, ils devaient rentrer obligatoirement dans un processus complet de planification stratégique territoriale et devaient montrer comment ils avaient réussi à mobiliser les acteurs de la société civile. La méthodologie de la planification stratégique territoriale a donc été utilisée sous contrainte dans les 24 territoires de projet créés dans la première partie des années 2000 dans la région étudiée ici (la Région Champagne-Ardenne). Rapidement, on constate que la démarche a des impacts extrêmement divers d’un territoire à l’autre. Plusieurs questions de recherche se sont alors précisées. Pourquoi – à partir d’un même cadre méthodologique impulsé et coercitif – la réalité des processus de formulation et d’implémentation stratégique ainsi que de gouvernance territoriale a été si différente d’un territoire à l’autre ? Pourquoi et comment cette démarche a abouti dans certains territoires, que l’on qualifiera de « territoires avancés », à changer profondément les comportements stratégiques des collectivités vers une logique intersectorielle forte, une coordination plus étroite et un nombre croissant de politiques locales communes. Alors que dans d’autres territoires, cette nouvelle logique n’a pas pu se mettre en place.
2.2. Quelle conception de la gouvernance territoriale ?
5 Historiquement, en sciences politiques, la notion de gouvernance (qui sous-entend une symétrie de pouvoir entre différentes parties prenantes d’un même processus de décision) s’oppose à celle de gouvernement (qui sous-entend une hiérarchie). Elle se développe au plan international dans le cadre de la gestion concertée des zones urbaines notamment depuis les années 1970 et surtout dans les années 1990. Parallèlement, la notion de gouvernance locale se développe en sciences régionales, en géographie comme en économie industrielle (Bellet et al., 1993 ; Pecqueur, 1996 ; Lacour, 1996 ; Gilly et Torre, 2000 ; Pecqueur et Zimmerman, 2004 ; Rallet et Torre, 2007 ; Torre, 2011). Aujourd’hui, il existe une très grande diversité de situations et d’enjeux relatifs à la notion de gouvernance territoriale. Cette diversité est particulièrement souligné par Chia, Torre, Rey-Valette (2008) ou Rey-Valette et al. (2014) et conduit à une grande polysémie dans les définitions (Rey-Valette et al., 2008 ; Rey-Valette et Mathé, 2012). Beaucoup d’auteurs soulignent d’ailleurs l’importance d’une approche pluridisciplinaire dans la compréhension des phénomènes qui se jouent dans les gouvernances territoriales. Michaux (2010, 2011, 2016a) met particulièrement en avant la nécessité de croiser les différentes écoles de pensées en sciences politiques, sciences régionales, géographie économique et sciences administratives dans cette approche interdisciplinaire. À la fin des années 2000 commence à se formaliser un courant de travaux plus axés sur « la technologie gestionnaire » ou l’ingénierie proprement dite, sous-jacente aux gouvernances territoriales (Chia et al., 2008 ; Soulard et al., 2016). En effet, une grande majorité de démarches concertées crée de nouvelles situations de gestion qui impliquent que les acteurs « fabriquent » eux-mêmes leurs dispositifs et outils de coordination (Rey-Valette et al., 2014). Rey-Valette et al. (2014) montrent que ces dispositifs et outils sont fortement contextualisés et élaborés progressivement selon des logiques proches de celles de l’innovation avec des phases d’exploration et d’exploitation (Chanal et Mothe, 2005). Cette revue de la littérature conduit à penser que les travaux sur la gouvernance portent de façon croissante sur la « fabrique » de la gouvernance : analyse de la façon dont les acteurs créent leurs propres processus et mécanismes de gouvernance territoriale. C’est d’ailleurs ici l’angle d’analyse que nous allons retenir.
2.3. Les différentes influences théoriques sous-jacentes à une conception émergente de la planification stratégique territoriale
6 C’est dans les années 1970-1980 que le management stratégique connaît son premier tournant stratégique. On passe d’une perspective dite linéaire où les procédures formelles de planification stratégique sont essentielles et où la formulation de la stratégie est bien distincte de la mise en œuvre (Ansoff, 1965), à une conception de la stratégie comme processus itératif incrémental où formulation et mise en œuvre ne peuvent pas être distinguées (Mintzberg et McHugh, 1985 ; Pettigrew et Whipp, 1991). Dans cette seconde école de pensée, l’émergence des orientations stratégiques proviendrait beaucoup plus des décisions et des actions prises, hors des procédures de planification stratégique au fur et à mesure du temps en réaction aux évènements imprévus que d’un plan défini préalablement (Quinn, 1980). Cette approche rend compte des limites voire des failles du modèle linéaire dans l’environnement des années 1980 qui devient de plus en plus changeant. Il n’y aurait qu’une part de la stratégie réellement réalisée par une organisation qui est fondée ou est due au plan stratégique préalablement défini. La stratégie ne serait donc pas contrôlable et pas exécutée via un processus top-down mais via un processus collectif d’apprentissage et d’adaptation. Martinet parle de l’ambivalence planning versus learning (2016).
7 Historiquement, l’auteur en management stratégique qui incarne le mieux la réconciliation entre les courants du processus et celui de l’intention stratégique est Henry Mintzberg (par exemple, Mintzberg et McHugh, 1985). Pour cet auteur, les deux modèles précédents constituent en réalité les deux extrémités d’un continuum. La stratégie est à la fois le fruit d’une intention stratégique et d’un processus d’apprentissage d’adaptation. Ce courant est qualifié de courant de la « stratégie émergente ». Selon cette école, la stratégie s’incarne progressivement dans des « outputs » stratégiques (positionnement stratégique, budget, etc.) au fur et à mesure que les membres d’une organisation individuellement et collectivement assimilent les données de la situation (« sensemaking », Weick, 1995) et en même temps qu’ils créent les outils pour traiter ces données. Cette perspective fait écho en France à la perspective d’Avenier (1997) ou de Martinet (2016) qui considèrent que la stratégie repose sur un principe d’intervention intentionnelle sans cesse reconfigurée à la lueur des situations qui émergent. Ce caractère intentionnel est également souligné par Auregan et al. (2008). Dans cette conception volontariste, intentionnelle voire offensive, la représentation du futur (le projet) et la vision stratégique deviennent de puissants moteurs pour l’action. Elargissant la notion d’intention stratégique, la notion de vision stratégique qui décrit un état futur de l’organisation et de l’environnement devient alors centrale dans la réflexion stratégique (Hamel et Prahalad, 1989, 1995). Selon Auregan et al. (2008), la nature de la vision stratégique décrite par Hamel et Prahalad est même disproportionnée au regard des ressources disponibles car elle vise la mobilisation et l’engagement collectif vers un cap particulier. Elle traduit l’ambition de l’entreprise et doit posséder une capacité projective. La vision stratégique renvoie à une certaine démesure d’un futur rêvé… C’est dans la mise en œuvre de la vision stratégique qu’il existe des marges de liberté pour tester, improviser et s’adapter.
8 Le tournant vers le courant de la « stratégie émergente » se retrouve assez peu dans les travaux portant sur la planification stratégique territoriale. En effet, la planification stratégique territoriale reste très marquée par le premier courant de la planification stratégique classique avec un temps de réflexion dédiée à la définition des objectifs, des priorités et des actions à mener et un temps de mise en œuvre. A contrario, le courant de la « vision stratégique » comme ambition collective mobilisatrice imprègne de façon beaucoup plus forte la planification stratégique territoriale. La notion de « projet de territoire » comme vision stratégique à construire à partir d’un exercice de prospective territoriale va progressivement s’imposer dans le domaine de l’aménagement du territoire (Motte, 1995, cité par Demazière, 2016). Dans le domaine du management public, la notion de projet de territoire apparaît également structurante pour le pilotage des collectivités comme les agglomérations pour permettre de gérer les situations paradoxales générées par de multiples parties prenantes (Hernandez, 2008). Au plan international, tous les travaux de Healey (par exemple, 2011) font largement le lien entre le management stratégique et la planification stratégique territoriale. Dès les années 2000, il montre une prise de conscience qu’il ne suffit pas qu’une stratégie soit formulée clairement et validée par les différents partenaires impliqués pour que celle-ci soit implémentée. Il va donc progressivement s’intéresser à l’implémentation et plus seulement à la formulation du projet de territoire.
2.4. L’observation de la fabrique de la stratégie, une école de pensée spécifique
9 Ces différentes évolutions ont conduit les chercheurs en sciences de gestion à s’intéresser à la façon dont les acteurs font la stratégie au quotidien. Cette nouvelle école de pensée appelée « strategy as practice » dans la recherche anglo-saxonne apparaît dans les années 2000. Nous allons qualifier cette école de pensée comme d’autres auteurs français d’« école de la fabrique de la stratégie » (Golsorskhi, 2006). Introduit formellement par Johnson et al. en 2003, cette école met l’accent sur le fait que la stratégie n’est plus une propriété spécifique d’une organisation ou quelque chose que possède les organisations comme un plan stratégique, un positionnement stratégique ou encore une direction stratégique.
Les différentes catégories d’objets de recherche dans l’école de la fabrique de la stratégie
Pratiques observées | Les pratiques administratives | Les textes formalisant la stratégie et les discours stratégiques | Les épisodes stratégiques participatifs |
Objets des recherches | Les chercheurs vont s’intéresser aux mécanismes de planification et de prévision, de fixation d’objectifs, de contrôle, de budgétisation, d’indicateurs de performance,etc. | Les chercheurs vont s’intéresser aux discours, aux médias et supports qui véhiculent ces discours, au langage et aux concepts qu’ils véhiculent, aux textes qui véhiculent la stratégie |
Les chercheurs observent ce qui se passe dans les moments d’interactions entre les
membres de l’organisation où ils fabriquent concrètement la stratégie et l’organisation. Ils vont s’intéresser aux mécanismes de création, d’évaluation, de négociation et de sélection qui renforcent ou changent la stratégie. Ils observent également comment ces épisodes stratégiques peuvent promouvoir des changements de stratégie quand ils sont capables de générer une médiation entre les contradictions des membres de l’organisation |
10 La stratégie est définie comme une activité sociale qui se construit au travers des actions, des interactions et des négociations entre les acteurs. Cette école cherche à comprendre les micro-dynamiques qui forment et transforment la stratégie. L’analyse porte donc moins sur les intentions délibérées des acteurs que sur les phénomènes qui émergent en cours d’action. Elle met également particulièrement l’accent sur la façon dont les acteurs analysent ou plutôt donnent sens progressivement aux données d’une situation en même temps qu’ils produisent les moyens pour traiter ces données. La création d’outils d’analyse stratégique par les acteurs est analysée comme une partie du processus de stratégie en train de se faire (« strategizing ») et non des outils créés en amont. La stratégie est analysée comme un processus de « sensemaking » collectif où la communication interpersonnelle, les discours performatifs et les lieux d’interaction jouent un rôle central (Whittington, 2003 ; Jarzabkowski et Fenton, 2006 ; Jarzabkowski et al., 2007 ; Jarzabkowski, 2005, 2008 ; Jarzabkowski et Seidl, 2008). Les recherches s’intéressent particulièrement aux pratiques administratives, aux textes formalisant la stratégie, aux discours stratégiques et aux épisodes stratégiques participatifs (Jarzabkowski, 2005 ; Suddaby et al., 2013) – cf. Tableau 1.
2.5. Cadres théorique et méthodologique
11 Cette revue de la littérature conduit à rapprocher les évolutions des recherches portant sur la stratégie et celles des recherches portant sur la gouvernance territoriale. Les deux champs de recherche semblent converger de façon croissante vers l’analyse des phénomènes sous-jacents à la « fabrique » de la stratégie et de la gouvernance territoriale. Cette revue de la littérature a conduit à construire un cadre méthodologique et théorique basé sur cette double influence. Six dimensions ont pu être suivies dans le temps dans les chacun des territoires :
- 1 – l’analyse des épisodes stratégiques (objectifs poursuivis par les pouvoirs publics, antécédents au sein du territoire, mode de pilotage, personnes présentes, « outputs », conséquences) ;
- 2 – l’identification des décisions stratégiques réellement prises en termes d’orientations stratégiques et d’actions développées par les collectivités impliquées (notamment est-ce qu’elles sont prises durant ou hors des épisodes stratégiques) ;
-
3 – l’analyse des impacts des épisodes stratégiques sur les acteurs en termes de transformations observées sur les trois types d’acteurs concernés (donc quand cela a été possible : les élus, les chargés de mission, les acteurs de la société civile) :
3a/ impacts sur la mobilisation des acteurs (mobilisation versus démobilisation, indifférence, agacement, colère, intérêt, etc.) ;
3b/ impacts en termes de façon de se représenter le territoire (est-ce que ces épisodes modifient les échelles de raisonnement ?) ; - 4 – l’analyse des pratiques administratives et outils développés au cours du processus tant dans le cadre de la gouvernance territoriale que de la formulation/mise en œuvre du projet de territoire (outils de prise de décision, outils d’analyse, outils de gestion et de pilotage) ;
- 5 – l’analyse des discours des territoires eux-mêmes sur leur propre démarche de Pays, leur propre projet de territoire, leurs propres actions menées, sur leur propre gouvernance territoriale et l’évolution de ces discours dans le temps ;
- 6 – l’analyse des textes formalisant la stratégie (Charte, Contrat, évaluation, communication, etc.) et leur utilisation et rôle au cours du temps.
13 Des critères précis ont été utilisés pour qualifier la situation des territoires en fin de période : est-ce que les collectivités concernées développaient des politiques sectorielles communes à l’échelle du territoire ? Est-ce que les acteurs de la société civile étaient fédérés dans ces politiques sectorielles communes et avaient développé des projets cohérents entre eux ou communs ? Est-ce que les différents acteurs du territoire avaient été en mesure de valider et développer sur la période considérée des projets structurants portés par une seule collectivité mais qui avaient un impact sur l’ensemble du territoire ? Est-ce qu’il existait un nombre minimum d’études et d’outils d’aide à la réflexion à l’échelle du territoire pour favoriser une vision globale et commune des problématiques des territoires ?
14 Les différentes analyses mobilisées dans cette recherche ont été possibles grâce à la participation à un projet européen Interreg (Strategic Planification Action Network) et un partenariat direct avec la direction de l’aménagement du territoire et l’équipe de développement local du Conseil Régional de Champagne-Ardenne (accès aux acteurs du territoire contre résultats des analyses rendus anonymes ie sans les noms des territoires étudiés). Le Tableau 2 décrit les principales méthodes de récolte des données, le nombre de territoires concernés et les types d’analyses conduites au cours de la recherche. Le Tableau 3 décrit les types d’analyses conduites après la recherche
Périodes couvertes | Méthodologie de récolte des données – recherche « terrain » | Nbr. de territoires concernés | Méthodologie d’analyse des données |
2000-2005 |
2004/2005 - Entretiens de groupe croisant les points de vue des élus, société civile
et chargés de mission dans chaque territoire (Approche du type « récit de vie » pour reconstituer les trajectoires de mise en place des Pays) | 12 Pays | Analyse comparative intermédiaire de 12 Pays (trajectoire 2000-2004 et situation en 2004) |
2005-2007 |
2005/2007 - Plusieurs focus groupes à des dates différentes avec les chargés de mission
de 13 Pays sur des thématiques différentes + Immersion longitudinale dans deux territoires pilotes avec plusieurs séries d’études intermédiaires (moyenne des contacts par an : 10) |
13 Pays 2 Pays | Analyse comparative intermédiaire de 13 Pays (trajectoire 2005-2007) |
2005-2008 | 2007/2008 - Entretiens individuels élus/société civile/chargés de mission dans chaque territoire en 2008 | 8 Pays | Analyse comparative intermédiaire de 8 Pays (trajectoire 2005-2008) |
2009 | Documents émanant des territoires | 10 Pays | Analyse des situations finales |
Périodes | Nombre de territoires concernés | Méthodologie d’analyse des données – Après le terrain |
2000-2009 Huit années | 10 Pays | Reconstitution des trajectoires de dix pays sur huit années complètes (2000-2009) – Voir Annexe 1, le détail des territoires concernés. |
10 Pays | Analyse comparative longitudinale sur huit années avec identification des phases discriminantes dans les trajectoires et des différents types de territoires (précoces, actifs, passifs) | |
10 Pays | Analyse comparative rétrospective sur huit années avec identification des contributions de chaque phase à la situation finale (quelles phases ?... contribuent quels impacts ?... et à quelles situations finales ?) |
15 Les dix territoires retenus en fin de recherche ont permis des analyses comparatives longitudinales et rétrospectives sur une période de huit années. Une première analyse comparative longitudinale a permis d’identifier les dynamiques particulières de chaque territoire sur les huit années et de mettre en exergue des phases critiques. Une analyse comparative rétrospective (analyse de chaque phase au regard de la situation finale du territoire) a permis de montrer et comparer le rôle contributif de chaque phase dans les dynamiques de chaque territoire (cf. Tableau 3). Le croisement entre plusieurs techniques de récolte et d’analyse des données augmente considérablement la portée de cette recherche qualitative. En effet, le suivi réel des territoires durant cinq années pleines (cf. Tableau 2) a permis non seulement d’avoir accès à l’ensemble des documents mais aussi d’interroger les acteurs locaux au fur et à mesure des évènements et ainsi mieux comprendre comment ils percevaient les évènements et mieux saisir les évolutions de ces perceptions au fur et à mesure du temps. Parallèlement, la reconstruction a posteriori des trajectoires et leur analyse, à la fois longitudinale et rétrospective, a permis de mettre en évidence des phénomènes qui n’étaient absolument pas perceptibles dans le cadre des analyses menées « au fil des événements ».
3. Résultats de la recherche
3.1. Un changement de comportement stratégique des collectivités uniquement dans 60 % des territoires
16 L’analyse comparative longitudinale des trajectoires de dix territoires de projet d’une même région sur la période 2000-2008 et l’analyse comparative de leur situation finale permet de différencier deux types de territoires en fin de période. Pour 40 % des territoires observés, le process de la planification stratégique territoriale est resté un process « d’affichage politique » sans grands impacts sur les acteurs locaux notamment les collectivités dans leur mise en cohérence. Nous appellerons ces territoires, les territoires « passifs ». Dans ce cas, à la fin de la période, la coopération est réduite à un consensus minimum et l’impact de la démarche stratégique sur la coordination a été très restreint. Par contre, dans 60 % des territoires, une plus forte cohérence émerge avec une coordination renforcée entre collectivités territoriales impliquées au sein du territoire local et entre ces collectivités et les acteurs socio-économiques du territoire. Nous appellerons ces territoires, les territoires les plus avancés. Parmi ceux-ci, certains territoires se sont révélés très en avance (40 % de l’ensemble des territoires étudiés que nous allons appeler les « territoires précoces ») alors que dans d’autres, la dynamique a été un peu plus longue à se mettre en place (territoires que nous allons appeler les « territoires actifs »). Dans les territoires dîts précoces et actifs, on observe l’émergence de véritables politiques communes sectorielles (comme par exemple : schéma de développement touristique, politique culturelle unifiée et mutualisée, schéma de services à la personne, développement d’un réseau de maisons des services publics de proximité permettant une couverture cohérente de l’ensemble d’un territoire avec emploi et formation professionnelle, schéma commun de développement économique, schéma des zones d’activités économiques, maison de santé unique, Charte commune de l’environnement, etc.). Parallèlement, ce sont bien dans ces territoires qu’apparaissent des projets structurants (portés par une seule collectivité locale pour toutes les autres) : site internet de la petite enfance, office du tourisme intercommunautaire, Maison de l’emploi unique, piscine, théâtres, crèches, établissements scolaires. Dans ces territoires, le Pays devient également un outil d’animation, d’information ou de mutualisation des ingénieries des Epci.
17 Sept résultats principaux émergent de l’analyse comparative rétrospective.
3.2. Une remise en cause du modèle linéaire de la planification stratégique territoriale
18 Les résultats de cette analyse comparative rétrospective montrent que le paradigme stratégique classique sur lequel est fondé la Loaddt ne reflète pas la réalité des trajectoires observées. Cela ne veut pas dire que méthodologiquement, les phases de planification impulsées par l’État et le Conseil Régional n’aient joué aucun rôle. Un exercice de prospective a bien eu lieu dans tous les territoires, cet exercice a bien été participatif, il y a bien eu un projet de territoire formalisé dans une charte, des plans d’actions regroupant l’ensemble des actions du territoire ont bien été définis par les gouvernances locales et ont bien fait l’objet d’un contrat commun. Ces différents programmes d’actions ont bien, dans leur grande majorité, été développés avec succès. Néanmoins, certaines phases de la planification stratégique ont été détournées de leurs objectifs principaux pour permettre à chaque territoire de se construire à son propre rythme. Parallèlement, certains épisodes participatifs n’ont pas été impulsés par les pouvoirs publics de l’extérieur mais émanent d’une dynamique endogène portée par les gouvernances locales.
3.3. La nécessaire co-évolution de la gouvernance et de la stratégie en phases successives
19 L’ensemble de ces constats a conduit à nous intéresser particulièrement à la contribution de chaque épisode participatif. Nous avons alors identifié dix épisodes participatifs entre 2000 et 2008 qui ont eu un impact sur la construction de la gouvernance et/ou sur le projet de territoire.
20 Notre recherche montre que les changements de comportement stratégiques ne l’ont été que pour les collectivités qui sont rentrées dans une véritable trajectoire itérative mêlant la structuration d’une gouvernance forte ad hoc et différents épisodes successifs de reformulation stratégique. La gouvernance locale territoriale apparaît ici comme l’autre face du projet stratégique lui-même et conditionne la réalité de son implémentation. Le changement de paradigme politique entre le début des trajectoires et la fin, s’incarne donc dans une double trajectoire où la gouvernance locale co-évolue à chaque phase en même temps que le projet stratégique. La gouvernance (en tant que processus permettant d’engager les acteurs de la société civile dans la démarche de réflexion stratégique des élus et en tant que mécanisme de prise de décision collégiale entre élus/collectivités) se construit, s’opérationnalise et se professionnalise le long d’une trajectoire d’apprentissages cumulatifs (accumulation de connaissances et développement de compétences au fur et à mesure du temps) mais également de remise en cause des statut quo précédents (avec des changements progressifs dans l’approfondissement des orientations stratégiques).
3.4. La remise en cause de la place centrale du projet de territoire
21 Cette recherche montre qu’il y a bien existence d’une stratégie émergente différente de l’intention stratégique initiale (ici différente du projet de territoire). Cette stratégie émergente se construit au fur et à mesure du temps au travers des différents épisodes de planification stratégique territoriale impulsés par le Conseil Régional et l’État dans le cadre de la loi Voynet. En fait, le projet de territoire apparaît au départ comme beaucoup trop généraliste et finalement très peu différent d’un territoire à l’autre (cf. Annexe 1). Il ne porte que des enjeux très généraux minimums n’impliquant aucune obligation de la part des élus locaux : « On pourrait refaire une nouvelle charte tous les dix ans sans que rien ne se passe ». Le plan d’actions commun (contrat de territoire) ne constitue pas une déclinaison opérationnelle de ce projet de territoire. Et, en fin de période d’observation, on observe qu’il n’est jamais implémenté en tant que tel.
22 Puisque, le projet de territoire n’est pas implémenté en tant que tel, a-t-il un rôle et si oui, lequel ? L’analyse comparative rétrospective montre que le projet de territoire joue un rôle de « vision partagée » des enjeux au démarrage de la démarche de planification stratégique. Mais ce rôle change très rapidement. Les anciens consensus très généraux formalisés dans la charte de territoire vont doter le texte du projet de territoire d’un rôle plus instrumental. Comme dans l’école de la fabrique de la stratégie les « textes de référence » ont un rôle à part entière dans le processus de reformulation stratégique : boussole lors des prises de décision puis fil conducteur lors des épisodes participatifs ultérieurs.
3.5. Le détournement de certains épisodes participatifs au profit d’une dynamique territoriale endogène
23 Notre recherche montre comment certains épisodes de planification stratégique territoriale impulsés par le Conseil Régional et par l’État sont détournés de leurs objectifs initiaux. Par exemple, on observe très bien ce phénomène lors de la contractualisation qui constitue un épisode de négociation/décision du plan commun d’actions à trois ans entre collectivités mais qui, dans les faits, va servir essentiellement à construire les processus, mécanisme et ingénierie de la gouvernance territoriale de chaque territoire de projet. Dans la plupart des territoires, les élus ont cherché « à faire rentrer » les actions qu’ils avaient déjà « dans leurs tiroirs » dans les axes stratégiques de la Charte de territoire. Cette phase a conduit les élus locaux à négocier entre eux des critères sur lesquels éliminer ou au contraire privilégier les différents projets proposés par chaque collectivité territoriale impliquée. « Pourquoi votre projet de théâtre serait plus important que mon projet de salle omnisport » ? Sont apparus plusieurs types de critères de décision : degré de cohérence avec les axes stratégiques de la Charte de territoire, retombées des projets sur le territoire, caractère structurant des projets pour l’avenir, intégration de la logique du développement durable avec une intersectorialité des projets, etc. La négociation de ces critères de décision collégiale a permis de commencer à opérationnaliser une gouvernance territoriale qui jusqu’à présent existait que « sur le papier ». Ces critères de décisions, vont conduire ces gouvernances à hiérarchiser les différents projets entre eux (court terme, moyen terme, long terme ou degré d’importance par rapport aux enjeux de développement durable du territoire).
24 Cette étape apparaît essentielle dans la construction progressive d’une gouvernance forte et légitime et très structurante dans l’évolution des territoires les plus avancés.
3.6. L’enclenchement d’une dynamique endogène au bout de cinq épisodes participatifs dans 40 % de territoires précoces puis 60 % de territoires avancés
25 Les épisodes qui suivent la contractualisation vont jouer un rôle important dans la prise de conscience du manque d’outils et d’analyses des besoins à l’échelle du territoire. Par exemple, sur un territoire, la nécessité de passer de 25 zones d’activités économiques à un réseau cohérent de zones d’activité est acté dès la phase de programmation. Mais il faut développer des outils permettant de faire des choix cohérents. Or, ces outils n’existant pas, le territoire va décider de lui-même de poursuivre les réflexions et les analyses. L’analyse comparative rétrospective montre que ces prises de conscience vont s’avérer discriminante entre les territoires avancés et les territoires passifs. Elles vont déclencher ou enclencher dans certains territoires le souhait d’approfondir les réflexions entre élus et acteurs de la société civile dans des commissions ad hoc.
3.7. Quand la dynamique territoriale endogène dépasse les pouvoirs publics qui ont impulsé la démarche…
26 Rappelons que la contractualisation est un cadre de financement intercommunautaire plébiscité par les Conseils Régionaux dans leurs relations avec leurs territoires infrarégionaux (Doré, 2014). Néanmoins, à la fin de la première période de contractualisation, les 40 % de territoires dît précoces interpellent le Conseil Régional et l’État sur le décalage entre leur discours sur la transversalité de la territorialisation véhiculés par l’implémentation de la loi Voynet et les difficultés engendrées par le cloisonnement de leurs propres services.
27 Au cours des premiers épisodes participatifs impulsés de façon incitative-coercitive par les pouvoirs publics, les acteurs des territoires ont adopté une logique globale et intersectorielle pour faire leur diagnostic de territoire, se projeter dans l’avenir grâce à un exercice de prospective territoriale et identifier et hiérarchiser des orientations stratégiques communes. Les épisodes stratégiques successifs jusqu’à la contractualisation ont fait émerger des préoccupations communes ou des envies communes entre collectivités. Dans les territoires dits précoces, les élus qui ont porté la démarche de Pays ont eux-mêmes développé des discours stratégiques forts de transversalité et de décloisonnement auprès des autres élus du territoire ou des acteurs locaux de la société civile. Ces discours stratégiques qui prônent une vision globale et unifiée des problèmes du territoire tendent à changer les échelles de réflexion tant au niveau des élus que des acteurs de la société civile. Or, on commence à observer à ce moment-là un décalage presque un malaise. D’un côté, des territoires précoces mobilisés autour de discours stratégiques forts de transversalité qui commencent à construire un projet de territoire ayant une cohérence intersectorielle forte. De l’autre, les cloisonnements entre les différentes directions du Conseil Régional et des services de l’État qui se retrouvent incapables de financer avec une enveloppe unique ce projet de territoire intersectoriel. Ce qui apparaît ici structurant pour l’analyse c’est le décalage entre l’ouverture de certains maires qui commencent, dans certains territoires, à raisonner la politique de leur collectivité à une échelle beaucoup plus globale qu’avant, et les cloisonnements de l’État et du Conseil Régional qui ne sont pas du tout organisés en interne pour faire face à cette nouvelle transversalité alors que c’est eux qui ont été les initiateurs de cette nouvelle logique transversale. Ce décalage va provoquer une phase d’interpellation forte des territoires vers les pouvoirs publics. Cette interpellation va conduire le Conseil Régional à se réformer et à réfléchir une nouvelle politique régionale décloisonnée de contractualisation en 2007 qui sera appliquée en 2008 et 2009.
3.8. Un effet d’entraînement et de transformations en cascade
28 Grâce à l’interpellation des pouvoirs publics par les territoires dits précoces et à l’attention que cette interpellation a suscité auprès du Conseil Régional et de l’État, les démarches de Pays vont progressivement gagner en légitimité. Ce gain de légitimité explique que certains élus urbains qui avaient tendance à venir traiter seuls avec le Conseil Régional et avec l’État et qui vivaient très mal au démarrage les démarches de Pays, finissent par rejoindre la démarche. Les conseillers généraux restés en marge des réflexions viennent également rejoindre les dynamiques créées localement. Cette double dynamique locale/régionale entraîne ainsi une nouvelle étape de consolidation et de construction des gouvernances locales avec le développement de nouvelles normes de comportements qui légitiment la coopération et fait pression sur les « cavaliers seuls » pour « jouer plus collectif ». On voit donc au fur et à mesure du temps croître le nombre de territoires de projet où il y a réellement eu un changement de paradigme politique local vers une coordination plus étroite de toutes les collectivités concernées à l’échelle du Pays. On passe de 40 % des territoires après le premier cycle de contractualisation (territoires précoces) auquel s’ajoutent 20 % de territoires actifs après la phase d’évaluation. C’est donc 60 % de territoires (territoires avancés) qui sont en position de contractualiser un plan d’actions complet multipartite intégrant une dynamique intersectorielle forte en fin de période de recherche.
4. Discussion
29 Rappelons qu’un « Projet de territoire » au sens de la Loaddt est un ensemble de politiques sectorielles communes, cohérentes, intégrées entre elles, discutées avec les acteurs de la société civile et menées à l’échelle d’un territoire qui fait sens au plan socioéconomique par un ensemble de collectivités interdépendantes. Cette recherche longitudinale montre qu’un tel projet de territoire n’existe que dans 60 % des territoires et après une trajectoire d’évolution endogène spécifique à chaque territoire d’environ cinq à huit ans dans un cadre incitatif coercitif… Ce résultat détaillé dans la partie précédente tend à remettre en question le caractère linéaire communément admis de la planification stratégique territoriale
4.1. Remise en cause du statut et du rôle central du projet de territoire : discussion théorique
30 Ce résultat tend à remettre en question l’emphase mise par les professionnels et les académiques sur le rôle prédominant de la « vision stratégique commune » du territoire tel que désiré par les acteurs locaux et donc sur le rôle du projet de territoire comme « l’Intention stratégique ».
31 L’analyse comparative des dix chartes de Pays (projets de territoire initiaux) montre l’écart saisissant entre des intentions stratégiques souvent très généralistes et proches les unes des autres (cf. Annexe I), et les diagnostics initiaux des territoires souvent très différents… Comme si finalement, les projets de territoire se ressemblaient malgré les disparités économiques, géographiques, sociales et d’infrastructures des dix territoires dispersés sur trois départements. L’analyse rétrospective comparative montre également que certaines politiques sectorielles rendues possibles au cours du temps n’avaient pas forcément été prévues dans le cadre du projet de territoire initial. Cette recherche tend donc à mettre l’emphase sur l’importance de la trajectoire d’évolution endogène spécifique à chaque territoire plutôt que sur le seul projet de territoire. Elle met l’accent sur l’importance de l’approfondissement et de la reformulation stratégique dans la mise en œuvre d’un projet de territoire au sens de la Loaddt. Elle met également l’accent sur la nécessaire construction, en parallèle, des mécanismes et processus de gouvernance territoriale. En d’autres termes, cette recherche montre le caractère émergent de la planification stratégique territoriale avec sa double facette : « projet de territoire émergent » et « gouvernance territoriale émergente ».
32 Faut-il conclure que l’exercice prospectif et la construction d’un projet de territoire ne servent à rien ? L’analyse comparative rétrospective montre que bien au contraire le projet de territoire initial possède un rôle structurant.
33 La phase de prospective territoriale est particulièrement intéressante car elle permet aux acteurs d’imaginer ensemble différents scénarios d’avenir pour le territoire. Elle permet donc non seulement d’engager les acteurs dans la réflexion, de créer des proximités (proximités cognitives, institutionnelles et organisationnelles) mais aussi de les sensibiliser aux évolutions plausibles négatives du territoire si rien n’était fait par exemple. Son impact sur la mobilisation des acteurs a déjà été souligné par un grand nombre d’auteurs (par exemple, Loinger, 2006 ; Kornberger et Clegg 2011 ; Rhisiart et Jones-Evans, 2015). Dans ces contextes différents, ces acteurs montrent comment la vision d’un futur souhaité permet d’expliquer les effets performatifs des stratégies territoriales locales reconnaissant ainsi le pouvoir d’une formulation stratégique participative pour créer des coalitions suffisamment fortes pour enclencher des changements. La présente recherche permet de compléter ces travaux en montrant que la phase initiale de diagnostic-prospective-formulation s’avère insuffisante dans 60 % des cas à moyen terme et dans 40 % des cas à plus long terme pour enclencher un processus endogène de transformation propre à chaque territoire.
34 Le projet de territoire s’avère donc être un moment privilégié de mobilisation, de création de coalition et de convergence des acteurs mais il n’est en rien suffisant en tant que tel. On observe d’ailleurs que le projet de territoire est reformulé au fur et à mesure du temps avec une implication progressive d’experts de la société civile, de l’apparition d’outils d’analyse et de pilotage communs entre les collectivités, de la construction progressive de lieux et des mécanismes de décision partagés entre les collectivités (gouvernance territoriale locale). Ce résultat rejoint bien les postulats de l’école de la fabrique de la stratégie sur plusieurs points : l’importance des épisodes de participation stratégique dans la production des outils d’analyse et de discours mobilisateurs, la reformulation sans cesse de la stratégie au fur et à mesure de ces épisodes, l’influence de la perception des acteurs sur cette reformulation ainsi que la différence entre l’intention stratégique et la stratégie réellement émergente. Le rôle et le statut des textes décrivant la stratégie est également un point important à la fois dans notre recherche et dans l’école de la fabrique de la stratégie. En effet, le projet de territoire est formalisé dans une charte écrite donc dans un « texte de référence ». Or, l’analyse comparative rétrospective montre que ce texte joue un rôle de « boussole ». Au moment de la programmation et de la contractualisation, les arbitrages se font autour des orientations stratégiques définies même s’ils restent généralistes au démarrage. Au moment de l’évaluation, ce sont les orientations stratégiques de la Charte qui servent de base et qui sont réinterrogés pour formuler un « recadrage stratégique » (terme utilisé par les territoires eux-mêmes). Ce point de discussion nous conduit à considérer que le projet de territoire initial, même s’il n’est pas suffisant en tant que tel, joue un rôle essentiel tout au long de la trajectoire stratégique y compris dans les phases de construction des processus et mécanismes de gouvernance territoriale.
4.2. Remise en cause du modèle linéaire classique de la planification stratégique territoriale : discussion théorique
35 On observe que dans les 60 % des territoires dits avancés ou actifs, la réussite de la démarche dépend d’une trajectoire composée d’une succession de phases où les avancées de la phase précédente rendent possibles la phase suivante. Ce constat est vrai pour le projet stratégique lui-même mais il est également vrai pour la gouvernance territoriale. La gouvernance, comme entité, processus et mécanisme, permettant d’engager une multitude d’acteurs dans les réflexions stratégiques et rendre possible les consensus et la prise de décisions concertées, se construit à chaque séquence de cette trajectoire. Le processus d’opérationnalisation progressive d’une gouvernance locale apparaît comme l’autre face de la construction progressive d’une stratégie commune entre collectivités.
36 Ce double processus stratégie/gouvernance territoriales repose sur une dynamique endogène qui s’avère d’ailleurs très puissante dans ces territoires avancés et actifs (Michaux, 2016b). Elle va complètement dépasser les initiateurs de la démarche que sont le Conseil Régional et l’État. Elle va conduire les acteurs des territoires locaux à interpeller fortement les pouvoirs publics sur leurs propres cloisonnements. À tel point que le Conseil Régional et l’État vont se retrouver dans l’obligation de modifier leurs propres procédures administratives et méthodologiques par la suite pour être plus transversal. Cette dynamique est pour nous un marqueur fort du caractère endogène des trajectoires d’évolution locale. Elle montre à quel point les réflexions et les actions menées localement dans les territoires les plus avancés vont conduire les acteurs locaux concernés beaucoup plus loin que ce qu’attendaient les pouvoirs publics. C’est le paradoxe de cette recherche. Les dynamiques locales, propres à chaque territoire, ne sont rendues possibles que par les espaces de dialogue impulsés par les pouvoirs publics dans un cadre coercitif. Mais ces dynamiques locales impulsées vont enclencher dans certains territoires un processus endogène puissant rendant possible des approfondissements et des décloisonnements importants au plan local qui vont dépasser les propres cloisonnements des pouvoirs publics au plan régional.
37 Certains travaux de l’école de la fabrique de la stratégie ont mis l’accent sur l’articulation de l’impulsé et de l’émergent (Hodgkinson et al., 2006 ; Jarzabkowski et Seidl, 2008) mais ne rentrent pas suffisamment précisément dans les mécanismes en jeu. Quelle grille d’analyse théorique peut rendre compte de ces différentes phases stratégie/gouvernance qui sont à la fois le fruit d’une démarche incitative-coercitive qui ouvre des espaces de dialogues contraints (cadre méthodologique de la planification stratégique avec dead-lines et délivrables) et d’une trajectoire endogène à chaque territoire qui possède finalement sa propre dynamique à l’intérieur de ce cadre contraint ? Pour analyser ce paradoxe, nous allons discuter ces résultats au prisme de la théorie évolutionniste et néo-institutionnelle sur le modèle de Pecqueur (1996) et de Lacour (1993, 1996).
38 Ces cadres théoriques sont traditionnellement mobilisés pour rendre compte des trajectoires d’évolution des territoires eux-mêmes tant en économie industrielle qu’en géographie. Elle constitue un des fondements des sciences régionales pour analyser les phénomènes de dépendance de sentier (« Path dependence ») et de verrouillages locaux (« lock-in ») que cela soit dans le domaine du développement local (par exemple, Champeyrache, 2010), des systèmes productifs locaux et clusters (par exemple, Amisse et Muller, 2011) ou des systèmes régionaux d’innovation (par exemple, Tallec, 2012). Comme le soulignent Rallet et Torre (2007) ainsi que Delaplace (2009), il s’agit du « côté obscur » des proximités où se jouent des phénomènes sociaux souterrains. En sciences politiques également, un certain nombre de travaux mettent l’accent sur l’influence négative de la dépendance de sentier et sur les phénomènes de « policy lock-in » pour expliquer le blocage et l’auto-renforcement de ce blocage. Ce phénomène rend compte de la permanence des arrangements institutionnels et a particulièrement bien été montré par Douglass C. North auteur de référence de la théorie néo-institutionnelle (1990). North considère qu’il faut un choc exogène ou endogène pour amener les acteurs à dépasser les coûts de déviance par rapport aux institutions en place et à dégager des ressources pour renégocier un nouveau statut-quo. Ces acteurs spécifiques seront appelés des « entrepreneurs institutionnels » dans la théorie néo-institutionnelle (DiMaggio, 1988). Or, ce qui caractérise les institutions c’est qu’elles sont constituées d’une imbrication et une interdépendance de plusieurs systèmes de règles formelles et informelles, de valeurs ou de normes. Toute modification locale ne peut se faire sans la restructuration d’un ensemble plus large de règles ou de normes de comportements.
39 Dans certains territoires, on constate que les acteurs locaux ne voient pas l’intérêt qu’ils auraient à reconsidérer leurs relations et leurs modes de décision autour de nouveaux processus et mécanismes de gouvernance multipartites. Ils ne voient pas non plus l’intérêt de rentrer dans un processus d’approfondissement du projet de territoire. Dans ces territoires, la dynamique créée par le projet de territoire, la signature de la Charte et la contractualisation retombe et rien ne se passe réellement car les actions implémentées restent les actions de chaque collectivité. En opposition, dans les territoires actifs et avancés, les premiers épisodes participatifs réussissent à enclencher des questionnements suffisamment puissants pour qu’ils donnent envie à certains acteurs locaux d’approfondir les réflexions et de se doter d’outils d’analyse à l’échelle de l’ensemble du territoire. On constate d’ailleurs que le comportement de ces acteurs locaux qui portent la démarche de territoire (les entrepreneurs institutionnels) devient très « activiste » tant du côté des élus que des acteurs de la société civile. Ils « défendent » leur projet stratégique de territoire face aux acteurs externes. Ils engagent un nombre croissant d’autres acteurs (élus et société civile) dans la démarche d’approfondissement du projet de territoire. On pourrait mettre cette phase en parallèle avec une autre grille de lecture théorique utilisée dans les travaux portant sur les démarches territoriales : la phase « d’enrôlement » de la théorie de la traduction montré par Callon dès 2006.
40 Les observations empiriques récoltées dans cette recherche sont intéressantes car ils montrent qu’à partir du moment où commence à s’enclencher cette dynamique, une trajectoire endogène spécifique aux acteurs du territoire devient possible (voir aussi Michaux, 2016b). On peut donc considérer que les épisodes impulsés de façon incitative-coercitive par les pouvoirs publics a permis de créer, dans 60 % des territoires (40 % de territoire en avance rejoint par 20 % des territoires), des conditions suffisamment favorables pour permettre aux entrepreneurs institutionnels locaux de faire rentrer les autres acteurs locaux dans une nouvelle trajectoire d’évolution institutionnelle endogène.
41 Il apparaît d’ailleurs que, dans certains territoires, certaines phases précoces comme celle de la contractualisation sont détournées des objectifs poursuivis par les pouvoirs publics. L’analyse comparative rétrospective montre que cette phase est détournée de son objectif initial et joue un rôle essentiel dans la construction de la gouvernance. Plus cette phase apparaît constructive et plus elle explique que certains territoires aient pu être si précoces par rapport à d’autres dans l’enclenchement d’une dynamique endogène. Cette notion de détournement est intéressante à rapprocher de la notion de détournement en sociologie des usages (Arkich, 1998). Un dispositif est « détourné » lorsqu’un utilisateur ne se contente plus d’ajouter de nouveaux usages à un dispositif mais contourne ceux explicitement prévus par le concepteur du dispositif pour innover. Le détournement des objectifs de la contractualisation devient ici un vecteur fort de transformation des contextes locaux.
42 Les grilles théoriques évolutionniste et néo-institutionnelle présentent donc un intérêt tout particulier pour analyser la dialectique entre épisodes incitatifs coercitifs (impulsés par les pouvoirs publics) et la force d’une trajectoire endogène propre à chaque territoire (déverrouillages des arrangements institutionnels précédents rendant possibles l’action des entrepreneurs institutionnels locaux pour innover). Ces deux grilles théoriques permettent également de mettre l’accent sur l’interdépendance des systèmes institutionnels qui nécessitent parfois des remises en question en cascade et des transformations induites dans des systèmes institutionnels interdépendants et liés plus larges (Lacour, 1993 ; 1996). Cette mécanique de remise en question à de multiples niveaux et en cascade dans des systèmes interdépendants fait écho ici à la façon dont la remise en cause des cloisonnements institutionnels locaux par les acteurs locaux eux-mêmes tend à interpeller et à remettre en cause les cloisonnements des pouvoirs publics à l’échelle régionale de façon itérative. Le changement de logique induit par la loi Voynet vers un décloisonnement intersectoriel crée des transformations en cascade d’abord locales puis au plan régional pour revenir vers de nouvelles transformations locales. L’évolution des territoires composés d’un emboitement de systèmes interdépendants est toujours complexe et sujet à de multiples phénomènes visibles et invisibles (Lacour, 1993 ; 1996). Ce ne sont pas les épisodes stratégiques participatifs impulsés par les pouvoirs publics (cadre méthodologique de la planification stratégique impulsé par le niveau régional) qui induisent directement des changements locaux mais ils induisent des conditions suffisamment favorables pour que les élus ou acteurs de la société civile porteurs de la démarche (ayant ici un rôle d’entrepreneurs institutionnels) puissent remettre en cause les statuts quo locaux (niveau local). Cette remise en cause (niveau local) rend possible la remise en cause des statuts quo régionaux (niveau régional). Les impacts de ces remises en cause en cascade apparaissent progressivement dans l’ensemble du système institutionnel. Sans épisodes impulsés par les pouvoirs publics, ces déstabilisations et restabilisations n’auraient pas pu être possibles. Mais les effets de ces déstabilisations finissent par dépasser les initiateurs.
5. Enseignements et conclusion
43 En conclusion, cette recherche longitudinale a permis d’analyser dix territoires sur des trajectoires d’évolution longue de huit années. À la fois comparative et rétrospective, cette recherche nous conduit à quatre enseignements principaux.
44 1/ Cette recherche remet en cause le rôle traditionnel du projet de territoire comme ambition ou vision stratégique traduite dans un plan d’action qui serait implémenté par la suite. La formulation du projet de territoire à dix ans, issue d’un diagnostic territorial et d’un exercice de prospective territoriale, apparaît essentielle au démarrage de la démarche pour assurer un véritable « effet levier » sur la convergence et la mobilisation des acteurs ainsi que pour stabiliser des consensus et des accords généraux entre les acteurs qui serviront de base de référence au cours du temps. Néanmoins, cette vision stratégique à dix ans apparaît non suffisante pour permettre aux collectivités impliquées de modifier leur comportement stratégique et ainsi rentrer dans l’élaboration de politiques communes.
45 2/ Cette recherche confirme donc le caractère émergent de la planification stratégique territoriale multipartite et intersectorielle et de la gouvernance territoriale et met l’accent sur la nature imbriquée, multi-niveaux et étroitement liée des deux processus, l’un ne pouvant se construire sans l’autre. Ce caractère imbriqué contribue à expliquer les succès comme les échecs des démarches stratégiques territoriales étudiées.
46 3/ Le caractère émergent de la planification stratégique territoriale n’est pas spontané. Il apparaît structuré par les épisodes participatifs impulsés de façon incitative-coercitive par les pouvoirs publics (cycles de contractualisation-évaluation, etc.). En effet, ces épisodes jouent un rôle déterminant pour enclencher une trajectoire d’évolution et de changement endogène propre à chaque territoire ; et ce malgré ou grâce aux détournements dont ils font l’objet. Certains territoires se réapproprient à leur façon ces opportunités d’échanges et de co-construction collective. Il leur est alors possible de sortir du cadre, d’innover et finalement d’aller beaucoup plus loin que ce qu’attendaient les pouvoirs publics en termes de politiques communes transcommunautaires et de décloisonnement sectoriel. Ces phénomènes d’enclenchement se font de façon précoce dans 40 % des territoires, puis en situation finale ils sont constatés dans 60 % des territoires au bout de huit années. Cette recherche valide donc l’intérêt de la planification stratégique territoriale comme cadre méthodologique qui possède un « effet levier » sur les transformations de comportement stratégique malgré le caractère limité du rôle du projet de territoire et de l’exercice de prospective territoriale en tant que tel. En effet, dans 40 % des territoires, le projet de territoire à dix ans ne se traduit pas par des changements de comportement des collectivités concernés.
47 4/ Enfin, cette recherche ouvre une nouvelle piste pour les recherches futures portant sur les politiques régionales qui nécessitent des transformations en cascade entre des systèmes territoriaux interdépendants. En effet, sur cette période de huit années, il est possible de voir évoluer les territoires locaux sous l’impulsion des procédures régionales mais aussi les procédures régionales sous l’impulsion des territoires locaux. Cette recherche met à jour des phénomènes souterrains et systémiques de co-évolution région/territoires locaux qui font échos à la métaphore de la tectonique des territoires cher à Lacour (1993, 1996).
Caractéristiques principales du territoire | Orientations stratégiques à dix ans (2004 à 2014) contractualisées dans une charte co-signées par les E pci et communes concernées | |
Pays de Chaumont |
68 960 habitants 7 communautés de communes (120 communes) + 33 communes isolées Zone rurale et peri-urbaine avec une ville centre qui concentre 38 % de la population |
4 orientations stratégiques communes : 1/ Construire une dynamique de développement solidaire 2/ Faire du territoire une terre d’intégration et d’accueil 3 / Anticiper et accompagner l’évolution du système productif 4/ Investir en équipement |
Pays Nord Haut Marnais |
81 320 habitants 8 communautés de communes (104 communes) Zone rurale avec quelques villes dont Saint-Dizier au nord (38 % de la population) |
3 orientations stratégiques communes : 1/ Renforcer l’attractivité, l’équilibre et le maillage du territoire 2/ Stimuler l’initiative entrepreneuriale, la formation et la poly-compétence 3/ Créer des activités économiques performantes |
Pays d’Épernay, terre de Champagne |
86 110 habitants 9 communautés de communes (115 communes) + 7 communes isolées Zone rurale et péri-urbaine avec une ville centre Épernay qui concentre 30 % de la population |
3 orientations stratégiques communes : 1/ Valoriser sous de nouvelles formes les potentiels exceptionnels liés aux « Terres de Champagne » (axe qualité) 2/ Créer de nouvelles richesses pour l’ouverture du territoire aux dynamiques extérieures (axe ouverture) 3/ Renforcer les identités et les solidarités à l’échelle du Pays (axe cohésion) |
Pays des Crêtes Préarden- naises |
21 660 habitants 1 communauté de commune (93 communes Zone rurale |
5 orientations stratégiques communes : 1/ Partager une identité au sein du territoire 2/ Susciter une culture de l’entreprendre 3/ Construire les conditions d’épanouissement de la jeunesse 4/ Développer les services aux habitants 5/ Valoriser les ressources locales. |
Pays Rémois |
73 000 habitants 16 communautés de communes (131 communes) Zone péri-urbaine autour de Reims |
4 orientations stratégiques communes : 1/ Développement économique 2/ Social, services à la personne et développement solidaire 3/ Préservation de l’environnement (transport, etc.) 4/ Développement équilibré et renfort du maillage du territoire entre les petites villes du territoire |
Pays d’Othe |
12 200 habitants 2 communautés de communes Zone rurale |
4 orientations stratégiques 1/ Renforcer les ressources naturelles et patrimoniales 2/ Renforcer l’accueil et le vivre ensemble 3/ Créer, renouveler, valoriser les potentiels locaux d’activité économique 4/ Renforcer la communication territoriale interne et externe. |
Pays de Langres |
48 000 habitants 12 communautés de communes et 13 communes isolées du territoire (165 communes) Zone rurale et péri-urbaine avec une grande ville centre et 9 bourgs de maillage |
4 orientations stratégiques communes: 1/ Favoriser le développement du tissu économique et renforcer l’attractivité du territoire (infrastructures économiques, habitat, équipements communaux, TIC) 2/ Renforcer l’identité culturelle et la reconnaitre comme un levier de développement (accès à la culture, équipement culturel) 3/ Renforcer la notoriété touristique (hébergement, offre touristique, coordination des acteurs) 4/ Préserver et valoriser l’environnement (Charte pour l’environnement). |
Pays de Seine Plaine |
41 184 habitants 1 communauté de communes et 34 communes isolées Territoire rural avec 2 villes principales Romilly sur Seine (35 % de la population et Nogent-sur-Seine (14 % de la population) |
7 orientations stratégiques communes : 1/ Favoriser le développement du tissu économique du territoire 2/ Développer un tourisme de qualité 3/ Développer les services aux habitants 4/ Préserver et valoriser l’environnement pour améliorer la qualité de vie et la bio-diversité 5/ Permettre aux jeunes d’agir sur leur territoire 6/ Développer une politique culturelle à l’échelle du territoire 7/ Mettre en œuvre une stratégie cohérente de communication commune |
Pays Sedannais |
39 240 habitants 1 communauté de communes (22 000 communes) Zone rurale avec ville centre (52 % de la population) |
5 orientations stratégiques communes: 1/ Attirer, accueillir et maintenir les entrepreneurs, accompagner l’activité économique et favoriser la diversification 2/ Attirer, accueillir et faire revenir les visiteurs, renforcer et développer particulièrement l’offre touristique 3/ Attirer, accueillir et maintenir les habitants, améliorer le niveau de service 4/ Préserver la qualité environnementale et patrimoniale du Pays 5/ Attirer, accueillir et maintenir les compétences |
Pays de Vitryat |
48 000 habitants 4 communautés de communes et de nombreuses communes isolées |
4 orientations stratégiques communes : 1/ Développement économique 2/ Emploi-Formation 3/ Service à la population 4/ Tourisme |
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Mots-clés éditeurs : politique publique et transformations locales, projet de territoire, gouvernance locale, stratégie des collectivités, planification stratégique territoriale
Date de mise en ligne : 11/04/2018
https://doi.org/10.3917/reru.181.0033Notes
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Néanmoins certains pays seront transformés eu Pôle d’Équilibre Territorial et Rural (Petr) dans le cadre de la loi Maptam (Modernisation de l’Action Publique et Affirmation des Métropoles).