Notes
-
[1]
- Pour une discussion approfondie de l’apport de l’école sociologique de Chicago et sur la mesure de la ségrégation, voir C. RHEIN (1994).
-
[2]
- « Ségrégation » n’est toutefois pas un mot-clé retenu par la classification internationale du Journal of Economic Literature.
-
[3]
- L’étude de la ségrégation résidentielle est une question qui intéresse les géographes européens contemporains. Citons bien sûr la féconde école de géographie sociale néerlandaise, avec S. Musterd, W. Ostendorf et R. Van Kempen. En Belgique, le géographe C. Kesteloot, s’intéresse à l’effet du logement social sur la ségrégation à Bruxelles et à Anvers (1998). Au Royaume-Uni, C. Peach (1999) travaille sur la ségrégation ethnique des villes britanniques, en apportant des éléments de comparaison avec le contexte américain. En Allemagne, le géographe F-J. Kemper travaille sur la ségrégation à Berlin et le sociologue J. Friedrichs étudie la polarisation, notamment spatiale, de la société allemande.
-
[4]
- Pour une présentation détaillée des indices de ségrégation selon les 5 dimensions définies par O. DUNCAN et B. DUNCAN (1955), se référer à P. APPARICIO (2000).
-
[5]
- ICELAND et al. ont étudié cinq groupes ethniques définis dans le recensement étasunien : Blancs, Noirs ou Afro-Américains, Indiens d’Amérique ou natifs d’Alaska, Asiatiques, Natifs d’Hawaï ou d’autres îles du Pacifique.
-
[6]
- Avec un écart de l’ordre de 150 % entre la ségrégation des immigrés d’origine maghrébine ou africaine et la ségrégation des ouvriers.
-
[7]
- L’indice d’égalité (indice de ségrégation ajusté de D. WONG, 1993) mesure la surreprésentation ou la sous-représentation d’un groupe dans les unités spatiales. Il varie de 0 à 1 ; plus il s’approche de l’unité plus le groupe étudié est inégalement réparti dans les unités spatiales. L’indice d’exposition (indice d’isolement ajusté de WHITE, 1986) mesure la possibilité d’interaction entre les membres d’un même groupe à l’intérieur des unités spatiales. Les résultats présentés ont été obtenus à l’aide de l’application C#.net développée par P. APPARICIO et al. (2005).
-
[8]
- La distribution des revenus en décile est propre à chaque unité spatiale k : les bornes [eki?1,i, eki, i+1] des 10 déciles i sont différentes pour chaque unité spatiale. Pour pouvoir comparer les unités spatiales, il faut une échelle de mesure commune, et nous utilisons pour ce faire les déciles j de revenus mesurés à l’échelle de l’Île-de-France tout entière, et dont les bornes sont notées [Ej?1,j, Ej, j+1].
La formule donne la proportion (en %) du décile i qui recouvre le décile j. En faisant une hypothèse de distribution uniforme des revenus par unité de consommation au sein de chaque décile (voir David CAUBEL, 2006, pour une méthode similaire), il suffit de multiplier cette proportion pkij par 1/10e de la population Pik de chaque unité spatiale et on obtient le nombre de personnes appartenant au jème décile francilien et résidant dans l’unité spatiale k. Les données utilisées sont les revenus fiscaux par unité de consommation pour l’année 2006 (source : INSEE et Ministère des Finances). -
[9]
- Pour une illustration de ce débat, voir M. OBERTI (2004).
-
[10]
- Pour une présentation du fonctionnement des modèles de localisation résidentielle, voir THISSE et al. (2003).
-
[11]
- Pour une revue de la littérature de ces modèles d’économie urbaine, on pourra, par exemple, consulter GOBILLON et al. (2002) et THISSE et al. (2003).
- 1 - Ségrégation urbaine et accès à l’emploi : un thème à investir
1 La concentration persistante de minorités sociales dans des parties déterminées de l’espace urbain n’est ni un fait nouveau, ni une réalité isolée. Depuis que les villes existent, elles se composent de quartiers qui sont socialement et durablement différenciés. L’apartheid en Afrique du Sud, la situation des minorités noires et hispaniques à Chicago, Detroit ou New York, les ghettos juifs en Europe centrale, hérités du Moyen Âge, sont des cas polaires d’extrême différenciation socio-spatiale. Au-delà de ces cas les plus célèbres, la « ségrégation urbaine », la spécialisation sociale des quartiers, semble bien être une norme urbaine. Que l’on adopte le point de vue, positif, de la description de ce phénomène ou le point de vue, normatif, du jugement sur cet état de fait, caractériser, comprendre l’émergence de la ségrégation urbaine constitue un champ d’étude fécond pour les sciences sociales. D’un point de vue positif, la ségrégation urbaine est un processus qu’il convient de définir et de mesurer. L’appréhender nécessite d’identifier des critères de partition de la population et de l’espace tout en définissant des indicateurs statistiques adéquats. D’un point de vue normatif, la ségrégation urbaine est une réalité dont il convient d’analyser les causes et les conséquences historiques, politiques et économiques. L’objectif implicite est alors de pouvoir mettre en place une intervention publique destinée à corriger les éventuelles inefficacités ou inéquités qui en résulteraient.
2 Pourtant, si la ségrégation urbaine est un phénomène général dont on peut trouver des manifestations dans la plupart des métropoles, l’essentiel de la littérature contemporaine a eu tendance à se focaliser sur un unique critère de partition de la population, celui de l’origine ethnique, et à se situer dans un espace particulier, celui des villes américaines. Ce biais ethnique et américain découle de la profonde empreinte apposée sur l’étude de la ségrégation par les travaux effectués au sein de l’école de Chicago [1]. Avec l’analyse des ghettos des fondateurs de « l’écologie humaine », R. E. PARK (1925), R. D. Mc KENZIE (1921, 1925), L. WIRTH (1928) et E. BURGESS (1925, 1928), le point de vue est celui de la compétition des groupes ethniques (Juifs, Italiens, Polonais, Noirs...) pour l’occupation de l’espace de la ville. C’est dans ce contexte spécifique que les outils de mesures, les causes et les conséquences de la ségrégation urbaine ont été tout d’abord explicités. Au milieu des années cinquante, après avoir discuté les propriétés mathématiques et axiomatiques de ces indicateurs, B. DUNCAN et O. D. DUNCAN (1955) ont proposé leur indice de dissimilarité, devenu un outil de référence pour l’ensemble de la littérature empirique sur la ségrégation urbaine.
3 L’analyse des causes de la ségrégation est quant à elle marquée par les travaux précurseurs d’O. D. DUNCAN et S. LIEBERSON (1959) qui analysent l’intégration des immigrants à Chicago entre les années 1930 et 1950. Ces auteurs prennent la mesure de la force des mécanismes ségrégatifs qui les assignent à résidence dans des quartiers prédéterminés en fonction de leur origine géographique. J. KAIN (1968) met quant à lui en avant le rôle de la distance physique entre le lieu de résidence et l’emploi pour expliquer non plus l’émergence, mais la persistance des phénomènes de ségrégation résidentielle. Dans cette perspective, la ségrégation urbaine des minorités noires aux États-Unis est analysée comme un problème de mésappariement dans l’espace entre offre et demande de travail, fondant l’hypothèse du « spatial mismatch » très largement reprise depuis. Inaugurant une longue tradition parallèle fondée sur l’utilisation de méthodes de modélisations par automates cellulaires, T. SCHELLING (1971) propose quant à lui un modèle expliquant l’émergence de la ségrégation spatiale selon la couleur de la peau constatée aux États-Unis. Il montre que même si tous les agents sont favorables à la mixité, il suffit qu’aucun ne souhaite se retrouver dans un groupe minoritaire pour produire une spécialisation sociale des quartiers. Abandonnant l’hypothèse de préférence discriminatoire pour expliquer la ségrégation, les travaux plus récents fondent les choix résidentiels sur l’existence d’externalités de voisinage. Pour R. BÉNABOU (1993) la ségrégation urbaine se forme à cause d’externalités locales dans l’éducation qui poussent les travailleurs qualifiés à ne pas résider à côté de travailleurs peu qualifiés. G. BORJAS (1998) combine quant à lui des différences ethniques à des différences de niveau de qualification et s’intéresse à leurs effets sur la ségrégation résidentielle. J. CRANE (1991) construit une théorie du ghetto où la mauvaise « qualité » du voisinage se propage dans l’espace à la façon d’une pathologie contagieuse. Pour sa part, Y. ZENOU (2000) modélise l’apparition de quartiers ségrégés en combinant les effets croisés d’un marché foncier urbain et d’un marché du travail imparfait.
4 Au-delà de ces travaux sur les causes de l’émergence de la ségrégation urbaine, ses conséquences économiques et sociales ont été analysées, avec le souci de proposer les modalités d’une intervention publique destinée à en adoucir les effets. Toujours dans le contexte des villes américaines, la ségrégation est ainsi présentée comme un facteur décisif de production et d’amplification des inégalités sociales. Pour D. MASSEY et N. DENTON (1993), la ségrégation raciale des populations noires aux États-Unis est à l’origine de la persistance de la pauvreté et des inégalités sociales, avec l’apparition d’une culture « de ghetto » spécifique qui entérine la rupture des populations ségrégées avec le reste de la société. L’hypothèse de « spatial mismatch » de J. KAIN est quant à elle largement reprise par les promoteurs de politiques d’aide aux transports publics aussi bien que par ses détracteurs pour lesquels les politiques de déségrégation pourraient réduire la qualité des emplois occupés par les populations ségrégées (OFFNER et SAKS, 1971). Pour R. BÉNABOU (1993), en dissociant travailleurs qualifiés et travailleurs peu qualifiés, la ségrégation urbaine pénalise l’investissement dans le capital humain des non qualifiés et contribue finalement à les exclure de l’emploi. D. CUTLER et E. GLAESER (1997) mettent empiriquement en évidence des effets de l’intensité de la ségrégation des Noirs dans les villes américaines sur l’éducation, l’emploi et la fréquence de la monoparentalité.
5 Tous ces travaux illustrent l’ampleur et la variété des recherches sociologiques et économiques conduites sur la ségrégation urbaine. Pour autant, si les sciences sociales ont produit une très vaste littérature théorique et empirique [2] dont l’objet est d’expliquer la logique de formation de quartiers socialement différenciés, ainsi que les effets de cette spécialisation sur de nombreuses variables économiques et sociales, un constat s’impose : l’essentiel des travaux demeurent focalisés sur la ségrégation résidentielle entre minorités ethniques, et le contexte de l’étude reste, de façon prépondérante, celui des grands centres urbains américains.
6 Il existe bien sûr de nombreux travaux, notamment portés par des géographes [3], qui s’intéressent à l’identification de la ségrégation selon un angle essentiellement ethnique. Cependant, comme le souligne H. VIEILLARD-BARON (2006), il convient de se questionner sur l’opportunité de transposer telle quelle la problématique ethnique des ghettos américains au contexte européen. De ce côté de l’Atlantique, pour reprendre la formulation de S. MUSTERD et M. DE WINTER (1998), la ségrégation des villes européennes apparaît davantage comme « une affaire de classe et non pas de race ». En d’autres termes, à l’échelle européenne, ce sont bien les caractéristiques socioprofessionnelles des individus et non leurs caractéristiques ethniques qui s’avèrent pertinentes pour définir une partition des populations dans l’espace.
7 Pourtant, malgré cet accent mis sur la dimension socio-économique de la ségrégation dans les villes du Vieux Continent, les travaux d’économistes européens – et a fortiori français – restent rares dans ce domaine. La majeure partie des contributions dédiée à la ségrégation demeure consacrée à la ségrégation professionnelle et non à la ségrégation résidentielle ni a fortiori aux interactions entre ces deux phénomènes. À titre illustratif, parmi les quinze articles publiés en 2003 dans le numéro spécial d’Annales d’Économie et de Statistiques consacré au thème de la ségrégation (volume 71/72), six articles traitent de questions de discrimination de salaires ou d’accès à l’emploi, quatre ont pour objet la ségrégation résidentielle selon une entrée ethnique, en phase avec la littérature américaine, deux articles abordent la ségrégation professionnelle et les trois articles restants traitent de réseaux et d’interactions sociales. Aucun article n’aborde la ségrégation spatiale avec une entrée sociale, qui paraît la mieux adaptée aux spécificités européennes.
8 Au terme d’une synthèse des 40 années de recherches francophones en économie urbaine, P-H. DERYCKE (2009) considère que le thème de la ségrégation sociale dans l’espace urbain reste un sujet négligé par les économistes. Il juge cet état de fait d’autant plus regrettable que la situation des banlieues défavorisées devient un sujet d’intérêt général et que de multiples politiques publiques sont mises en œuvre pour contribuer à dé-ségréger les banlieues : fiscalité dérogatoire des zones franches urbaines, logement social et loi Solidarité et Renouvellement Urbain de décembre 2000, amélioration du réseau de transport public, zones d’éducation prioritaire, ou encore rénovation urbaine. Ce même constat est posé par J-P. FITOUSSI, E. LAURENT et J. MAURICE dans leur rapport du Conseil d’Analyse Économique intitulé Ségrégation urbaine et intégration sociale (2003). Parce que de puissants mécanismes contribuent à la polarisation sociale de l’espace urbain, il importe de les étudier pour mieux les combattre. Les moyens mis en œuvre par l’action publique semblent d’ores et déjà considérables et il est probable qu’ils seront renforcés dans l’avenir, ce qui pose la question de l’évaluation des politiques dé-ségrégationnistes. Dans ce domaine également, les économistes ont un rôle à jouer. Dans l’introduction du numéro de la revue Hérodote « Ghettos américains, banlieues françaises » (2006/3, vol. 122), B. GIBLIN indique que les émeutes urbaines de 2005 ont sans doute contribué d’ores et déjà à changer la perception de la nature et de la hiérarchie des problèmes. Elles pourraient alors jouer un rôle analogue aux émeutes de 1965 à Los Angeles qui auraient contribué, selon J. KAIN (1992), au succès des travaux sur la ségrégation urbaine et le spatial mismatch et aux recommandations de politiques publiques qui en découlaient sur la nécessité qu’il y a d’améliorer l’accès à l’emploi des minorités ségrégées. Dans ce contexte, développer l’analyse économique de la ségrégation urbaine comme une ségrégation sociale devrait constituer l’une des « nouvelles frontières de l’économie urbaine », pour reprendre le titre de l’ouvrage collectif de C. LACOUR, E. PERRIN et N. ROUSIER (2005).
9 Si la demande sociale pour une meilleure compréhension de la ségrégation urbaine à l’échelle hexagonale est patente, le thème de la ségrégation résidentielle n’a véritablement été exploré sur données françaises que de façon récente et par un petit nombre d’économistes. Les auteurs qui ont abordé ces questions en mobilisant des données françaises sont suffisamment peu nombreux pour qu’on puisse les citer tous : H. SELOD (2002), L. GOBILLON et H. SELOD (2002), K. BOUABDALLAH, S. CAVACO et J.-Y. LESUEUR (2002), E. WASMER et Y. ZÉNOU (2002), F. GASCHET et N. GAUSSIER (2003), D. MIGNOT et D. VILLAREAL GONZALEZ (2005), F. GASCHET et C. LACOUR (2008), C. LACOUR (2008), F GASCHET et J. LE GALLO (2008), E. TOVAR (2008), E. DUGUET, Y. L’HORTY et F. SARI (2009).
10 Mesurer, comprendre et évaluer le phénomène de ségrégation urbaine en France et ces interactions avec la situation du marché du travail demeure donc un champ d’investigation encore en friche. Peu d’études empiriques appréhendent le phénomène de ségrégation urbaine sur données européennes et particulièrement hexagonales. Peu d’études théoriques et empiriques analysent et évaluent les causes et les conséquences de la ségrégation urbaine en tenant compte des spécificités du modèle européen et notamment des spécificités du marché du travail.
11 L’objet du présent numéro spécial de la Revue d’Économie Régionale et Urbaine est de contribuer à combler cette brèche en réunissant un ensemble de travaux spécifiquement dédiés au thème de la ségrégation urbaine et de l’accès à l’emploi sous un angle social et non racial. Ce numéro propose un ensemble de contributions sélectionnées à la suite de la conférence « La Nouvelle question spatiale : ségrégation urbaine et accès à l’emploi » qui s’est tenue à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée les 17 et 18 septembre 2008. Ces travaux originaux étudient les liens entre ségrégation spatiale et accès à l’emploi dans le contexte hexagonal. S. BOUAYAD-AGHA, S. MENARD et F. SELLEM analysent sur un plan théorique les synergies entre marché du logement et marché du travail. E. TOVAR développe de nouveaux indicateurs sociaux multidimensionnels de ségrégation spatiale et les applique au contexte francilien. R. RATHELOT décompose les rôles respectifs de la ségrégation urbaine et de l’origine ethnique dans la situation relative des communautés immigrées. O. CALAVREZO et F. SARI évaluent l’impact des caractéristiques de la commune de résidence sur le retour à l’emploi. E. DUGUET, A. GOUJARD, Y. L’HORTY et F. SARI comparent les géographies de la durée du chômage et celle de la durée de séjour du RMI à l’échelle d’une région, le Languedoc-Roussillon. J. BOUGARD analyse les interactions entre Revenu Minimum, localisation et accès à l’emploi. Chacun de ces articles contribue à mieux comprendre, mesurer et apprécier les conséquences des interactions entre les ségrégations spatiales et l’accès à l’emploi en France.
12 La suite de cette introduction présente les grandes tendances de la ségrégation urbaine en Europe et en France avant de souligner l’intérêt qu’il y a à aborder ses interactions avec l’accès à l’emploi des individus, qui correspond à la thématique d’ensemble de ce numéro spécial.
- 2 - Ségrégation urbaine en Europe : quelles tendances ?
13 Si la ségrégation urbaine n’est pas un phénomène nouveau, force est de constater qu’elle s’opère aujourd’hui sur une échelle qui n’admet aucun précédent historique. Cela tient à une raison simple et évidente : l’emprise de la ville n’a jamais été aussi importante qu’aujourd’hui. En 2010, plus d’un humain sur deux vit en ville, contre un sur dix en 1900 (Nations unies, 2008). Selon les prévisions des Nations unies, les villes concentreront 70 % de la population mondiale en 2050. Du fait de cette hyper-urbanisation du Monde, la taille des villes ne cesse de croître et l’on assiste à un développement soutenu du nombre de mégalopoles. Le Graphique 1 illustre le phénomène en retenant deux définitions, celle de l’ONU pour laquelle une mégapole est une agglomération de plus de dix millions d’habitants, celle de L. BOURDEAU-LEPAGE et J-M. HURIOT (2009) qui retiennent plutôt un seuil de 5 millions d’habitants.
14 En 1991, S. SASSEN plaçait le devenir de ces nouvelles « villes globales » sous le signe d’une dualisation sociale et spatiale croissante : l’espace serait divisé de façon de plus en plus étanche entre la classe des nouveaux cadres de l’économie mondialisée et la classe des nouveaux travailleurs précaires du tertiaire, l’ancienne classe moyenne disparaissant progressivement. Néanmoins, 20 ans plus tard, les travaux portant sur la différenciation socio-spatiale de l’espace urbain illustrent plutôt une diversité des trajectoires selon les villes étudiées (Europe, États-Unis, grandes métropoles, villes de province...) et selon l’angle choisi pour mesurer la ségrégation (ethnique, monétaire, pluridimensionnel...).
Démographie des mégapoles
60
40
20
0
1975 2007 2025* 1975 2007 2025*
Villes de plus de 5 millions Villes de plus de 10 millions
d'habitants d'habitants
Pays anciennement industrialisés** Pays en développement
Démographie des mégapoles
* Estimation
** Europe de l’Ouest, Russie, États-Unis et Canada, Australie et Japon
Note de lecture : en 2025, selon les estimations de l’ONU, il y aurait dans le monde 79 mégapoles de plus de 10 millions d’habitants (contre moins de 20 en 1975), dont 19 dans les pays anciennement développés.
15 Du fait de cette diversité des situations, lorsque l’on mesure le phénomène de ségrégation urbaine, il faut tout d’abord choisir les indicateurs statistiques pertinents pour appréhender la ségrégation de tel ou tel groupe social, puis utiliser le bon critère qui permettra d’évaluer sa distribution dans l’espace urbain.
16 Nous avons déjà évoqué la possibilité d’étudier la ségrégation d’un point de vue ethnique ou socio-économique, mais même en se restreignant à celui-ci, encore faut-il trancher entre ségrégation occupationnelle et ségrégation résidentielle et, au sein de cette dernière, entre l’étude de la ségrégation des catégories socioprofessionnelles (le choix traditionnel des sociologues), des classes de revenu, ou de la pauvreté. La contribution d’E. TOVAR dans ce numéro spécial s’inscrit dans la ligne de ces travaux. En adoptant le point de vue de l’approche par les capabilités d’A. SEN, elle propose de mesurer la ségrégation à Paris – élargi à sa petite couronne – sous l’angle de la distribution spatiale d’une pauvreté multidimensionnelle et capabiliste.
17 Quelle que soit la catégorie statistique retenue pour mesurer la ségrégation, les géographes, sociologues et économistes disposent d’une palette d’indices de ségrégation qui permettent d’évaluer sa distribution dans l’espace urbain et dont l’origine remonte à l’école de sociologie urbaine de Chicago, dans les années 1930. Après-guerre, O. D. DUNCAN et B. DUNCAN (1955), proposent leur indice de dissimilarité qui correspond à la part du groupe X ou du groupe Y qui devrait déménager afin que les deux groupes obtiennent des distributions identiques dans les unités spatiales qui composent la ville étudiée. Depuis cet apport fondateur, de nombreuses critiques et améliorations ont été apportées à l’indice de dissimilarité (voir, par exemple, l’article de C. CORTESE et al., 1976), et des indices complémentaires ont été proposés afin de mesurer d’autres facettes de la ségrégation. Les sociologues D. MASSEY et N. DENTON proposent en 1988 de considérer la ségrégation comme un phénomène comprenant 5 dimensions : égalité, exposition, isolement, agrégation et centralisation [4]. Lorsque la ségrégation d’un groupe social est élevée selon ces 5 dimensions, on identifierait une hyperségrégation. Quel que soit l’indicateur retenu, on peut mesurer la ségrégation d’un groupe social particulier (indices uni-groupes), comparer les groupes sociaux pris deux à deux (indices intergroupes) ou mesurer la ségrégation globale d’une ville, tous groupes sociaux confondus (indices multi-groupes). Grâce à la montée en puissance des Systèmes d’Information Géographique, de nombreuses nuances et raffinements ont été apportés à ces indices, de sorte que tout praticien peut désormais choisir entre une multitude de façons de mesurer la ségrégation. À titre d’exemple, dans l’application C#.net développée par P. APPARICIO et al. (2005), il faut choisir entre 20 indicateurs d’égalité, 5 indicateurs d’exposition, 3 indicateurs de concentration, 9 indicateurs d’agrégation et 3 indicateurs de centralisation.
18 Enfin, indépendamment de la mesure de la ségrégation, le choix du niveau de partition de l’espace urbain (quartiers, communes, aires urbaines...) est également essentiel à l’appréhension du phénomène. Comme l’explique H. LE BRAS (2000), cette question est récurrente dès lors que l’on manipule des statistiques géo-localisées. Dans le cas de la ségrégation résidentielle, L. BOUZOUINA et D. MIGNOT (2008) pointent par exemple que les niveaux de ségrégation sont sensiblement différents selon que l’on travaille à l’échelle des aires urbaines ou des départements.
19 Au total, la diversité des indicateurs et des objets de mesure reflète la diversité des facettes de la ségrégation. Leur juxtaposition est sans doute nécessaire pour espérer capturer une image complète de la division socio-spatiale de l’espace urbain. En multipliant les instruments de mesure, un risque collatéral est cependant de ne pas faciliter la lisibilité et la comparabilité des résultats. Pour autant, étude après étude, un certain nombre de faits stylisés se confirment sur la ségrégation dans les villes américaines et européennes.
20 Aux États-Unis, la tendance n’est pas à l’explosion de la ségrégation ethnique. Ainsi, J. ICELAND et al. (2002) concluent à l’absence d’aggravation de la ségrégation ethnique [5] dans les villes américaines entre 1980 et 2000, même si elle se maintient à un niveau absolu élevé. Ces résultats sont à rapprocher de ceux de M. FISCHER (2003) qui met en évidence la diminution de la ségrégation ethnique dans les métropoles américaines entre 1970 et 2000.
21 Cependant, dès lors que l’on tient compte de la nature socio-économique de la ségrégation, le constat est différent. M. FISCHER (2003) établit que si la ségrégation ethnique domine la ségrégation monétaire sur l’ensemble de la période étudiée, celle-ci n’explique plus que 65 % de la ségrégation totale en 2000, contre 81 % en 1970. Par ailleurs, en mobilisant une mesure élargie à la dimension économique de la ségrégation, P. JARGOWSKY (1996) montre une tendance à la hausse de la ségrégation résidentielle pour les Blancs, les Noirs et les Hispaniques dans les décennies 1970 et 1980. T. WATSON (2009) établit pour sa part l’augmentation de la ségrégation des villes américaines par classes de revenu entre 1970 et 2000. Enfin, certains groupes se démarquent nettement par des niveaux de ségrégation élevés, voire en augmentation.
22 Ainsi, en combinant les approches monétaire et ethnique, M. FISCHER (2003) montre que les ménages Noirs pauvres se distinguent des autres groupes socio-ethniques par une ségrégation stable à un niveau élevé pendant la période étudiée. D. CUTLER et al. (2000a) montrent quant à eux que la ségrégation des primo arrivants a augmenté aux États-Unis depuis les années 1950, et que cette évolution est moins due à la modification des caractéristiques des immigrants eux-mêmes qu’à l’évolution des villes américaines.
23 En Europe, les niveaux de ségrégation ethnique sont en général bien inférieurs à ceux des villes américaines. Il faut cependant nuancer ce résultat, comme l’indique le géographe S. MUSTERD (2005), car certaines villes et certains groupes ethniques européens se distinguent par des niveaux de ségrégation particulièrement élevés. Ainsi, au Royaume-Uni les minorités issues du sous-continent Indien sont parfois plus ségrégées que les Noirs des villes américaines : c’est vrai à Birmingham, à Oldham, à Londres, à Manchester et à Leicester pour les Bangladais et à Oldham et à Birmingham pour les Pakistanais. Aux Pays-Bas, c’est aussi vrai pour les Nord Africains et les Bosniaques à Anvers. Et les Hispaniques américains ne sont pas plus ségrégés que les Turcs de La Haye, les Iraniens de Stockholm ou les Marocains de Bruxelles. Par ailleurs, des différences notables peuvent être appréciées entre les villes européennes, la ségrégation ethnique étant très faible en Allemagne, en France et en Autriche et plus élevée au Royaume-Uni et en Belgique. Enfin, les trajectoires suivies par les minorités ethniques sont très différentes selon les pays et les groupes considérés. Ainsi par exemple au Royaume-Uni, alors que les Noirs d’origine africaine vivraient un processus de déségrégation semblable à celui des Noirs d’origine caribéenne (PEACH, 1999) les Pakistanais et les Bangladais demeurent très ségrégés, et les Indiens sont les plus dispersés dans les aires urbaines britanniques (PHILLIPS, 1998).
24 Pour la ségrégation socio-économique, là encore, les niveaux enregistrés en Europe sont bien inférieurs à ceux des villes américaines – à l’exception notable de la ville d’Anvers –, et ne présentent pas de tendance à l’augmentation. Même si en l’état de la littérature il n’est pas possible de quantifier leurs impacts respectifs, et si la comparaison reste difficile compte tenu des différences entre les appareils statistiques nationaux, plusieurs facteurs peuvent être invoqués pour expliquer ces différences (MUSTERD, 2005) : maintien d’un État-Providence redistributif, politique d’assimilation et d’intégration volontariste des nouveaux arrivants, politique de développement du logement social...
25 Que retenir de la ségrégation au terme de cette présentation des principaux résultats empiriques disponibles sur les villes américaines et européennes ? Principalement que s’il est impossible de dégager une quelconque tendance généralisée à l’aggravation de la ségrégation, celle-ci reste une réalité ancrée dans le paysage des villes européennes et américaines, et elle ne fait pas mine de diminuer. Même, elle augmente dans certains cas bien particuliers (ségrégation des primo-arrivants dans les villes américaines notamment...). Ne pas rester à l’écart d’une réalité socio-économique majeure : voilà une première motivation pour l’étude économique de la ségrégation.
- 3 - Les cas français et francilien : quelles spécificités ?
26 En ce qui concerne la France, rappelons tout d’abord que la ségrégation ethnique n’est pas en passe de supplanter la ségrégation socio-spatiale. Le sociologue E. PRÉTECEILLE a étudié la division sociale et ethnique de l’espace francilien en 1990 et en 1999 (PRÉTECEILLE, 2005 et 2006). Il arrive à un double constat : 1) en 1990 comme en 1999, la ségrégation ethnique est nettement plus élevée que la ségrégation sociale [6], 2) mais sa tendance générale est à la baisse, alors qu’elle augmente pour les ouvriers et employés. Par ailleurs, les villes françaises connaissent des niveaux de ségrégation ethnique inférieurs à la moyenne des villes européennes, comme le montre S. MUSTERD (2005). Ce résultat ne doit pas faire oublier que la ségrégation ethnique se distingue de la ségrégation sociale par une causalité différente : elle ne reflète pas seulement l’inscription spatiale des différences de condition sociales, mais également la présence d’une discrimination réalisée à l’encontre de groupes identifiés par leur origine ethnique.
27 Afin de préciser ce point de vue, la contribution de R. RATHELOT proposée dans ce numéro spécial analyse la situation relative des travailleurs immigrés en France en tenant compte de leur localisation géographique. Au regard de l’accès à l’emploi, les différences entre origines ethniques s’expliqueraient pour un quart par la qualité relative des quartiers de résidence. En revanche, l’effet « quartier » ne contribuerait significativement pas à expliquer les disparités salariales observées.
28 Pour la ségrégation socio-économique, plusieurs tendances peuvent être dégagées. F. GASCHET et J. LE GALLO (2008) ont mené une analyse comparative de la ségrégation socio-économique dans les aires urbaines de Bordeaux, Dijon, Lyon et Paris en 1990 et 1999. Ils montrent que la ségrégation est la plus élevée aux deux extrêmes de la hiérarchie sociale. Par ailleurs, ils soulignent la situation particulière de l’aire urbaine parisienne, caractérisée par une division sociale de l’espace plus marquée que celle des trois autres villes étudiées.
29 Afin de mettre un coup de projecteur sur l’aire francilienne, où l’intensité de la ségrégation est la plus élevée de France, nous avons étudié plus en détail la ségrégation socio-économique de l’Île-de-France en 1999 et 2006. Le tableau 1 présente, pour 1999 et 2006, les niveaux et la variation des indices de ségrégation sociospatiale [7] toutes catégories socioprofessionnelles confondues dans les communes et arrondissements municipaux d’Île-de-France. Ce tableau permet de conclure à l’augmentation de la division socio-spatiale de l’espace francilien depuis la fin des années quatre-vingt-dix : qu’elle soit mesurée par un indicateur d’égalité ou par un indicateur d’exposition, la ségrégation globale (toutes catégories socioprofessionnelles confondues) augmente entre 1999 et 2006.
Indices de ségrégation des CSP en Île-de-France (2006)
Exposition | Égalité | |
1999 | 0,0111 | 0,104 |
2006 | 0,0138 | 0,1141 |
Variation en % | + 24,32 | + 9,71 |
Indices de ségrégation des CSP en Île-de-France (2006)
30 Le graphique 2 présente ces mêmes indices calculés pour les déciles de revenu fiscaux par unité de consommation en 2006 [8]. La forme en J de la distribution des histogrammes de ce graphique illustre un résultat « ancien, stable et systématique » (PRÉTECEILLE, 2006) : la ségrégation est la plus élevée pour les groupes placés le plus haut dans la hiérarchie socio-économique.
31 Le graphique 3 présente ces indices appliqués aux catégories socioprofessionnelles. Il corrobore le constat précédent : les cadres et professions intellectuelles supérieures apparaissent de loin comme la catégorie socioprofessionnelle la plus ségrégée.
32 Le tableau 2 présente les indicateurs d’interaction entre les catégories socioprofessionnelles (indice d’interaction de W. BELL, 1954). Il montre que les cadres sont les plus susceptibles de partager la même unité spatiale de résidence avec d’autres cadres et des professions intermédiaires. Dans leur unité spatiale de résidence, ils n’ont qu’une faible probabilité d’entrer en contact avec des membres d’autres catégories socioprofessionnelles (7 % seulement pour les ouvriers). Les classes moyennes (déciles médians, professions intermédiaires et employés) correspondent aux groupes sociaux les moins ségrégés. Ce sont également celles qui interagissent le plus avec les autres catégories socioprofessionnelles. Les déciles les plus pauvres et les ouvriers connaissent une ségrégation plus élevée que les classes moyennes, mais sans commune mesure avec celle des déciles les plus aisés et les catégories socioprofessionnelles supérieures. De plus, par rapport aux employés et aux professions intermédiaires, les ouvriers ne partagent pas particulièrement leur unité spatiale de résidence avec des membres de leur propre catégorie socioprofessionnelle. Par ailleurs, il est intéressant de remarquer que le décile le plus pauvre est moins ségrégé que le deuxième décile ; une explication pourrait être que les unités de consommation qui le composent ont une plus grande probabilité d’être éligibles à un logement social, et d’être donc moins tributaires du tri social effectué par le marché foncier.
Indices de ségrégation des déciles de revenu en Île-de-France (2006)
0,7 Décile 2
0,6 Décile 3
0,5 Décile 4
Décile 5
0,4 Décile 6
0,3 Décile 7
0,2 Décile 8
0,1 Décile 9
Décile 10
0
Egalité Exposition
Indices de ségrégation des déciles de revenu en Île-de-France (2006)
33 C’est précisément les interactions entre statut résidentiel, politique de logement et accès à l’emploi que questionne la contribution de S. BOUAYAD-AGHA et al. proposée dans ce numéro spécial. Dans le cadre d’un modèle à agents hétérogènes, les auteurs montrent en outre que taxes immobilières et coûts de transports peuvent en partie expliquer la plus faible mobilité des propriétaires et par là même leur moindre propension au retour à l’emploi.
Y X | Étudiants | Retraités |
Autres inactifs | Agriculteurs |
Artisans, commerçants, chefs d’entreprise |
Cadres et professions intellectuelles supérieures |
Professions intermédiaires | Employés | Ouvriers |
Étudiants | 0,097 | 0,043 | 0,064 | 0,001 | 0,026 | 0,153 | 0,153 | 0,165 | 0,090 |
Retraités | 0,092 | 0,047 | 0,063 | 0,001 | 0,026 | 0,143 | 0,158 | 0,169 | 0,094 |
Autres inactifs | 0,093 | 0,043 | 0,071 | 0,001 | 0,026 | 0,135 | 0,149 | 0,171 | 0,099 |
Agriculteurs | 0,082 | 0,056 | 0,061 | 0,022 | 0,035 | 0,111 | 0,162 | 0,158 | 0,115 |
Artisans, commerçants, chefs d’entreprise | 0,094 | 0,044 | 0,063 | 0,001 | 0,029 | 0,159 | 0,158 | 0,162 | 0,088 |
Cadres et prof. intellec-tuelles supérieures | 0,097 | 0,042 | 0,058 | 0,001 | 0,028 | 0,196 | 0,160 | 0,151 | 0,070 |
Professions intermédiaires | 0,093 | 0,045 | 0,062 | 0,001 | 0,026 | 0,151 | 0,160 | 0,168 | 0,091 |
Employés | 0,093 | 0,044 | 0,065 | 0,001 | 0,025 | 0,134 | 0,155 | 0,176 | 0,100 |
Ouvriers | 0,091 | 0,045 | 0,069 | 0,001 | 0,025 | 0,113 | 0,152 | 0,181 | 0,113 |
Interaction entre les catégories socioprofessionnelles en Île-de-France en 2006
Lecture : la probabilité qu’un actif membre de la catégorie socio-professionnelle « cadres, professions intellectuelles supérieures » interagisse
avec un actif membre de la catégorie socio-professionnelle « ouvriers » dans son unité spatiale de résidence est égale à 7 %.
Indice d’égalité des catégories socio-professionnelles en Île-de-France en 2006 (écarts à la moyenne hors agriculteurs)
intellectuelles
supérieures
40
20
Ouvriers
0
- 20
- 40
Autres inactifs
Retraités Artisans, Employés
- 60 commerçants, chefs Professions
Etudiants d'entreprise intermédiaires
- 80
- 4 - L’économie de la ségrégation urbaine et de l’accès à l’emploi : quelles synergies ?
34 La persistance de la ségrégation urbaine conduit à un complet renversement de perspective sur la valorisation symbolique de la ville. L’expansion continue du fait urbain depuis les premières cité-État sumériennes peut en effet être perçue comme participant d’un mouvement historique d’émancipation de l’homme vis-à-vis de la nature : le géographe américain Yi-Fu TUAN (1978) ne propose-t-il pas de définir le fait urbain en mesurant sa distance d’avec la nature ? Fait humain et culturel par excellence, la ville est aussi la cité, le lieu où s’organise le corps social et politique. Ce n’est pas un hasard si depuis l’Utopia de MORE les utopies sociales ont si souvent pris la forme d’utopies urbaines (BURROWS, 1997), ou s’il est difficile de mentionner une œuvre de science-fiction qui ne prenne pas pour cadre une ville plus ou moins dystopique (PICON, 2000). En tant qu’objet, la ville est souvent prise comme une métaphore de la société. Dans ce cadre, alors que l’égalité reste un idéal collectif structurant nos sociétés occidentales contemporaines, tout se passe comme si la différenciation sociale de l’espace urbain apparaissait symboliquement comme le symptôme d’un dysfonctionnement social majeur. P. GENESTIER (2005) parle d’une « indexation à l’urbain » des inquiétudes sur le devenir du modèle social, comme si de lieu de toutes les émancipations, la ville devenait le lieu de toutes les aliénations.
Indice d’exposition des catégories socio-professionnelles en Île-de-France en 2006 (écarts à la moyenne hors agriculteurs)
intellectuelles
300 supérieures
250
200
150
100
Ouvriers
50
0
- 50
Autres inactifs Employés
Professions
- 100 intermédiaires
Etudiants Retraités Artisans,
commerçants, chefs
d'entreprise
Indice d’exposition des catégories socio-professionnelles en Île-de-France en 2006 (écarts à la moyenne hors agriculteurs)
35 Étudier la ségrégation se justifierait donc d’un point de vue non plus seulement positif, mais aussi normatif. D’ailleurs, la dimension normative est souvent implicitement présente dans l’analyse positive de la différenciation sociale de l’espace des villes, car l’aune à laquelle les « scientifiques sociaux », évaluent le réel urbain reste celle de l’égalité des situations – ou, à défaut, de l’égalité des chances. Les indicateurs de ségrégation ne sont-ils pas construits sur la base de la comparaison de la distribution des groupes sociaux par rapport à une situation théorique parfaite d’égalité ?
36 L’idéal de mixité sociale et le rejet de toute forme de ségrégation semblent donc constituer l’horizon normatif des sciences sociales. Pour autant, le jugement normatif qu’elles posent sur la ségrégation n’est pas nécessairement défavorable.
37 Chez les sociologues, il faut bien sûr citer les travaux qui, à la suite de JC. CHAMBOREDON et M. LEMAIRE (1970), s’attachent à souligner que la proximité spatiale des groupes sociaux n’implique pas nécessairement leur proximité sociale. Dans ce cadre, toute diminution de la ségrégation socio-spatiale issue de politiques de mixité sociale « forcée » pourrait paradoxalement conduire à la production de nouveaux mécanismes de mise à distance entre les groupes sociaux. Cette argumentation reste aujourd’hui largement débattue [9].
38 De leur côté, plusieurs économistes empiristes ont pu mettre en avant les vertus d’une certaine ségrégation de certaines populations. Par exemple, des auteurs américains ont récemment cherché à quantifier d’éventuels effets positifs de la résidence dans des quartiers ethniquement homogènes aux États-Unis et notamment sur l’insertion sur le marché du travail. Si D. CUTLER et al. (2000b) montrent qu’en moyenne les résultats des 20-30 ans sur le marché du travail (mesurés en termes de revenu et d’activité) sont les plus mauvais pour ceux qui vivent dans les quartiers les plus ethniquement concentrés, ils montrent aussi que les effets de la concentration ethnique sur le revenu des jeunes adultes et sur leur capacité à parler anglais peuvent être positifs à condition que le niveau de capital social des adultes présents dans leur quartier soit élevé, indépendamment de leur concentration ethnique. Dans le cas de la ville de Belfast, F. BOAL (1998) a pointé les effets globalement positifs de la ségrégation des Catholiques et des Protestants, même s’il a également montré que ces effets devenaient négatifs pour les Catholiques les plus pauvres.
39 Au-delà de ces cas très particuliers, la théorie économique indique que la différenciation socio-spatiale de l’espace urbain n’est a priori ni un mode inefficace de répartition de l’espace urbain, ni nécessairement un état sous-optimal.
40 En économie urbaine, on utilise le cadre simplifié de la ville monocentrique (formalisée par W. ALONSO (1964), M. FUJITA et J-F. THISSE (1986), M. FUJITA (1989) pour étudier la répartition des individus dans l’espace urbain ; celle-ci dépend de l’arbitrage qu’ils effectuent entre le coût de déplacement et une rente foncière décroissante avec la distance au centre-ville où se concentrent toutes les activités [10]. À l’équilibre du marché foncier, tout accroissement marginal des frais de transport liés à un éloignement marginal du centre-ville est compensé par une diminution de la rente foncière, et une des conditions de l’équilibre est que des individus dotés de caractéristiques identiques jouissent d’une satisfaction identique. Si l’on considère des groupes dotés de revenus différents, la stratification sociale de la ville n’est que la projection dans l’espace de la dispersion du revenu. Dans ce cadre, la division sociale de l’espace urbain est totale puisque la distribution des individus se réalise selon une fonction d’enchères foncières décroissante et monotone. Or, si l’on appliquait les indicateurs de ségrégation présentés ci-dessus au modèle de localisation résidentielle d’individus dotés de revenus différents, on mesurerait une ségrégation extrême ; pourtant, l’équilibre urbain ainsi décrit est efficace, et n’est donc en rien sous-optimal.
41 Cela veut-il dire que la ségrégation n’est pas un problème pour les économistes ? Bien sûr que non, comme en témoigne l’important développement, dans les dix dernières années, du corpus des modèles d’économie urbaine qui tentent d’expliquer l’émergence de villes ségrégées [11]. Au contraire, le point de vue apporté par ces modèles ajoute une dimension supplémentaire à l’appréciation de la ségrégation telle que nous l’avons présentée jusqu’à présent. Les indicateurs de ségrégation présentés supra sont des mesures de la division sociale, ethnique, etc. de l’espace à un moment donné : ils ont une dimension statique (C. LACOUR, 2008, parle de « ségrégation de situation »). En pensant la ségrégation comme un phénomène sous-optimal car auto-entretenu, où le tri social opéré sur le marché foncier renforce le tri social opéré sur le marché du travail, les modèles d’économie urbaine présentent implicitement la ségrégation comme un problème dynamique. Ce n’est pas la concentration des pauvres dans les portions de la ville les plus éloignées du « centre », ce n’est pas le cumul de la pauvreté et de l’éloignement qui posent problème, ou le simple mésappariement, à un instant donné, entre emploi et pauvreté, mais le fait que cette localisation particulière rétroagit sur la possibilité de s’extirper de la pauvreté (C. LACOUR parle alors de « ségrégation de processus »). Pour employer le vocabulaire bien commode de l’approche par les « capabilités » d’A. SEN (1985), la localisation résidentielle des individus ne fait pas uniquement partie de ce qu’ils réalisent à un moment donné ; elle contraint l’ensemble des opportunités potentiellement accessibles à l’individu (TOVAR, 2008). Dans ce contexte, l’accès à l’emploi devient primordial pour penser la ségrégation.
42 Il convient donc d’analyser précisément, tant au niveau théorique qu’empirique, tant au niveau positif que normatif, les interactions entre la localisation spatiale des individus, leur statut sur le marché du travail et les politiques publiques mises en œuvre pour agir sur ces deux phénomènes, qu’on les appréhende de façon disjointe ou conjuguée.
43 C’est dans cette optique que s’inscrivent les contributions d’O. CALAVREZO et F. SARI, celle d’E. DUGUET et al. ainsi que celle de J. BOUGARD. Dans leur étude, O. CALAVREZO et F. SARI évaluent, sur données françaises, les interactions entre les caractéristiques communales, la durée du chômage et le type d’emploi trouvé par les résidents. Ils tiennent compte de l’endogénéité du lieu de résidence et mesurent un impact significatif de certaines aménités locales sur la propension à l’emploi et le statut des travailleurs résidant dans les localités étudiées. Questionnant l’efficacité locale des politiques d’emploi publiques, E. DUGUET et al. analysent quant à eux, de façon conjointe, les inégalités territoriales d’accès à l’emploi et de sortie du RMI. Ils montrent le rôle prégnant du tissu productif local et de l’enclavement physique de certaines zones mettant ainsi au premier plan les politiques locales axées sur la demande de travail et le désenclavement. Confirmant la nécessité d’évaluer au niveau local l’efficacité des politiques d’emploi, BOUGARD montre, après contrôle des effets de composition, que la sortie du RMI est significativement plus faible en zone rurale ainsi que dans les grandes agglomérations. Elle est également significativement influencée par certaines aménités locales et le dynamisme de certains secteurs d’activité tel que celui des commerces et services de proximités.
44 En substance, mesurer et comprendre le phénomène de ségrégation urbaine et ses interactions avec le marché du travail en Europe, et particulièrement en France, s’avère plus que jamais nécessaire pour mettre en œuvre une action publique efficace visant à agir sur ces deux phénomènes de façon disjointe mais surtout conjuguée. Participer à cette analyse tant sur un plan théorique qu’empirique, positif ou normatif est l’objet des contributions proposées dans ce numéro spécial de la Revue d’Économie Régionale et Urbaine.
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Mots-clés éditeurs : retour à l'emploi, ségrégation, chômage, disparités spatiales
Mise en ligne 13/05/2010
https://doi.org/10.3917/reru.101.0004Notes
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[1]
- Pour une discussion approfondie de l’apport de l’école sociologique de Chicago et sur la mesure de la ségrégation, voir C. RHEIN (1994).
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[2]
- « Ségrégation » n’est toutefois pas un mot-clé retenu par la classification internationale du Journal of Economic Literature.
-
[3]
- L’étude de la ségrégation résidentielle est une question qui intéresse les géographes européens contemporains. Citons bien sûr la féconde école de géographie sociale néerlandaise, avec S. Musterd, W. Ostendorf et R. Van Kempen. En Belgique, le géographe C. Kesteloot, s’intéresse à l’effet du logement social sur la ségrégation à Bruxelles et à Anvers (1998). Au Royaume-Uni, C. Peach (1999) travaille sur la ségrégation ethnique des villes britanniques, en apportant des éléments de comparaison avec le contexte américain. En Allemagne, le géographe F-J. Kemper travaille sur la ségrégation à Berlin et le sociologue J. Friedrichs étudie la polarisation, notamment spatiale, de la société allemande.
-
[4]
- Pour une présentation détaillée des indices de ségrégation selon les 5 dimensions définies par O. DUNCAN et B. DUNCAN (1955), se référer à P. APPARICIO (2000).
-
[5]
- ICELAND et al. ont étudié cinq groupes ethniques définis dans le recensement étasunien : Blancs, Noirs ou Afro-Américains, Indiens d’Amérique ou natifs d’Alaska, Asiatiques, Natifs d’Hawaï ou d’autres îles du Pacifique.
-
[6]
- Avec un écart de l’ordre de 150 % entre la ségrégation des immigrés d’origine maghrébine ou africaine et la ségrégation des ouvriers.
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[7]
- L’indice d’égalité (indice de ségrégation ajusté de D. WONG, 1993) mesure la surreprésentation ou la sous-représentation d’un groupe dans les unités spatiales. Il varie de 0 à 1 ; plus il s’approche de l’unité plus le groupe étudié est inégalement réparti dans les unités spatiales. L’indice d’exposition (indice d’isolement ajusté de WHITE, 1986) mesure la possibilité d’interaction entre les membres d’un même groupe à l’intérieur des unités spatiales. Les résultats présentés ont été obtenus à l’aide de l’application C#.net développée par P. APPARICIO et al. (2005).
-
[8]
- La distribution des revenus en décile est propre à chaque unité spatiale k : les bornes [eki?1,i, eki, i+1] des 10 déciles i sont différentes pour chaque unité spatiale. Pour pouvoir comparer les unités spatiales, il faut une échelle de mesure commune, et nous utilisons pour ce faire les déciles j de revenus mesurés à l’échelle de l’Île-de-France tout entière, et dont les bornes sont notées [Ej?1,j, Ej, j+1].
La formule donne la proportion (en %) du décile i qui recouvre le décile j. En faisant une hypothèse de distribution uniforme des revenus par unité de consommation au sein de chaque décile (voir David CAUBEL, 2006, pour une méthode similaire), il suffit de multiplier cette proportion pkij par 1/10e de la population Pik de chaque unité spatiale et on obtient le nombre de personnes appartenant au jème décile francilien et résidant dans l’unité spatiale k. Les données utilisées sont les revenus fiscaux par unité de consommation pour l’année 2006 (source : INSEE et Ministère des Finances). -
[9]
- Pour une illustration de ce débat, voir M. OBERTI (2004).
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[10]
- Pour une présentation du fonctionnement des modèles de localisation résidentielle, voir THISSE et al. (2003).
-
[11]
- Pour une revue de la littérature de ces modèles d’économie urbaine, on pourra, par exemple, consulter GOBILLON et al. (2002) et THISSE et al. (2003).