Notes
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[*]
Première version septembre 2007, version révisée décembre 2008. Ce texte a bénéficié des remarques critiques de plusieurs collègues : qu’ils en soient ici remerciés. Je reste bien entendu seul responsable de son contenu.
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[1]
- Selon J.-P. DUPUY que nous avons interrogé, l’idée de vitesse généralisée a germé lors d’une discussion avec I. ILLICH à Cuernavaca au début des années 1970. La paternité est donc partagée, mais c’est bien DUPUY qui a développé le concept en faisant réaliser ensuite les calculs par des polytechniciens en stage dans son centre de recherche de l’époque, le CEREBE (Centre de recherches sur le bien-être).
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[2]
- Au moins pour ce qui est des déplacements domicile-travail et des déplacements professionnels. [Cette note est de l’auteur.]
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[3]
- L’expression est traduite en anglais par les termes « effective speed » ou « social speed ».
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[4]
- À cette date, professeur de mathématiques dans le secondaire et militant associatif.
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[5]
- Il n’entre pas dans le cadre de ce travail de discuter des valeurs du temps, sujet considérable et déjà largement débattu (BOITEUX, 2001, chapitre II ; CARNIS, 2003).
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[6]
- À notre connaissance, A. VAILLANT (2001) est le premier à avoir proposé ce type de formalisation. Découvrant ses travaux après avoir obtenu des résultats similaires, nous lui avons soumis nos calculs qu’il a bien voulu vérifier avec son collègue J.-M. SARTEEL. Qu’ils en soient ici remerciés.
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[7]
- Il faudrait, en toute rigueur, tenir compte du taux d’occupation du véhicule (TO). Dans ce cas, Vg = 1/{ (1/V) + [k/ (w*TO)]}. Toutefois, seuls les actifs occupés sont à intégrer dans ce taux d’occupation. Si bien qu’en tenir compte est difficile, faute de données, et ne modifierait guère les résultats.
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[8]
- On ne peut cependant pas en conclure, comme le font certains auteurs, que la vitesse généralisée est constante quand le budget-temps de transport est stable.
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[9]
- En revanche, ce n’est pas le cas du coût privé comme du coût généralisé qui certes baissent à court terme avec la réduction du temps de déplacement, mais augmentent à long terme avec la longueur du déplacement à durée de déplacement constante. Ce qui n’est pas sans conséquences sur leur budget transport pour ceux qui choisissent de s’installer en périphérie (ORFEUIL et POLACCHINI, 1999).
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[10]
- Ce constat trop rapide mériterait de considérables développements. Par exemple, la récente évaluation de R. PRUD’HOMME (2005) sur la politique parisienne des transports semble tenir compte, au contraire, des impacts d’une réduction des vitesses, mais l’auteur surestime d’abord fortement cette réduction, ignorant les nombreuses mesures réalisées par les services techniques, puis également l’impact sur la pollution et, par contre, considère comme nul l’impact sur les accidents et le bruit... (Voir notre réaction à cette étude dans le numéro suivant de la revue Transports).
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[11]
- TRANTER retient, en effet, une vitesse élevée de 20 km/h qu’il justifie en supposant que « le cycliste est un usager quotidien et il est donc très affûté ». DEBOUVERIE et DUPUY (1974b) estiment qu’elle est de 15 km/h. En fait, elle serait plutôt de 14 km/h du moins en Europe, selon diverses sources concordantes (notamment BRACHER, 1987 ; CAMPBELL et CHABANNE, 1992 et notre propre enquête).
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[12]
- « La vitesse optimale individuelle (V*) est définie par l’égalisation du revenu marginal au coût marginal. Toute vitesse de circulation supérieure à ce niveau optimal se traduit nécessairement par une augmentation de coûts plus importante que celle des gains. » (CARNIS, 2003).
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[13]
- Un débat est en cours sur ce sujet. Selon les travaux les plus récents, l’application strict des courbes vitesse / pollution de type COPERT surestiment beaucoup les pollutions générées par une circulation apaisée. Car les cycles urbains sont assez différents, avec moins d’accélérations et de changements de vitesse (PANIS, BROEKX et BECKX, 2006).
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[14]
- Dans la recension des travaux sur la vitesse optimale réalisée par L. CARNIS, seuls ceux de M. CAMERON (2002) concernent le milieu urbain. Mais il s’agit de rues résidentielles situées en Australie qui sont assez différentes de telles rues en Europe et cet auteur ne prend en compte que les accidents et la pollution.
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[15]
- Au sens des économistes, c’est-à-dire le nombre de destinations qu’il est théoriquement possible d’atteindre dans un temps donné, compte tenu du niveau de service offert par les systèmes de transport.
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[16]
- Ce phénomène n’apparaît pas dans le raisonnement de J. POULIT, car il considère « un territoire commodément accessible, défini par le double du temps moyen de transport, soit par exemple, en Ile-de-France, une heure » (MINISTÈRE DES TRANSPORTS, 2004, annexe II), ce qui a pour effet de rendre la ville presqu’entièrement accessible de partout, alors qu’en retenant, en Ile-de-France, un temps de transport d’une demie heure, plus proche des temps moyens de déplacement, le nombre de destinations accessibles de la périphérie est 2,3 fois moindre que du centre.
- 1 - Introduction
1 Au début des années 1970, Ivan ILLICH, grande figure de la critique de la société industrielle, popularisait l’idée selon laquelle, en tenant compte non seulement du temps de déplacement mais aussi du temps de travail nécessaire pour payer le déplacement, l’automobiliste irait finalement bien moins vite que le cycliste. C’est ce que d’autres ont, ensuite, appelé la « vitesse généralisée » en référence au concept de coût généralisé. Malgré la virulence de cette critique, le débat n’a jamais vraiment eu lieu : il n’a pratiquement pas été repris par la communauté scientifique, restant à peu près confiné aux milieux alternatifs.
2 Cet article voudrait, d’abord, en expliquer les raisons en rappelant les limites connues de ce raisonnement (section 2). Puis, il proposera une formalisation du concept qui montrera que, contrairement aux apparences, la critique ne porte pas sur la vitesse : la vitesse généralisée des automobilistes est même désormais supérieure à celle des cyclistes (section 3). C’est finalement une analyse classique des coûts et avantages de la vitesse qui pourrait, en démontrant qu’existe nécessairement une vitesse optimale, ouvrir la voie à une critique renouvelée et plus cohérente (section 4).
- 2 - État des connaissances
3 Il se résume à peu de chose, car, malgré des recherches dans la littérature française, anglaise et allemande, aucun travail académique ne semble avoir été consacré directement à ce sujet, même si les allusions au raisonnement d’ILLICH ne sont pas rares quand la question de la vitesse est abordée. Il est vrai, comme on le verra, que les objections à ce raisonnement sont importantes. Et de fait, seuls quelques promoteurs acharnés du vélo se sont accrochés à cette analyse et ont tenté de l’enrichir. Détaillons l’histoire de ce débat.
2.1. À l’origine du concept
4 Il y a déjà plus de 30 ans, c’est en fait Jean-Pierre DUPUY (1975, p. 433), ingénieur X-Mines et philosophe des sciences, qui démontrait pour la première fois que « la vitesse généralisée de l’automobile est, en général, inférieure à celle de la bicyclette » et qui en concluait : « Loin d’être un instrument de gain de temps, l’automobile apparaît sous cet éclairage comme un monstre chronophage. » Il expliquait ainsi son calcul :
« On estime toutes les dépenses annuelles liées à la possession et à l’usage d’une automobile [...]. Ces dépenses sont converties en temps, en les divisant par le revenu horaire : ce temps est donc le temps qu’il faut passer à travailler pour obtenir les ressources nécessaires à l’acquisition et à l’utilisation de sa voiture. On l’additionne au temps passé effectivement à se déplacer. Ce dernier est estimé à partir du kilométrage annuel moyen, de la répartition de celui-ci en types de déplacements [...], du croisement de cette répartition avec une répartition selon des types de vitesses [...] et d’une estimation de ces vitesses. On ajoute, enfin, pour mémoire, les autres temps liés à l’utilisation de la voiture : temps passé personnellement à l’entretien, temps perdu dans les bouchons, temps passé à l’achat d’essence et d’accessoires divers, temps passé à 1’hôpital, temps perdu dans des incidents, etc. Le temps global ainsi obtenu, mis en rapport avec le kilométrage annuel, permet d’obtenir la vitesse généralisée cherchée.
Les résultats sont les suivants, pour différentes catégories socioprofessionnelles, différentes communes de résidence et différents modèles de véhicule, parmi lesquels la bicyclette (les performances de cette dernière étant calculées bien évidemment selon le même principe). Les données sont relatives à l’année 1967 [voir le tableau 1]. » (1975 réédition 2003, pp. 433-434. Voir aussi DUPUY et ROBERT, 1976)
6 Les calculs sont très élaborés et difficilement contestables : le prix de revient kilométrique est détaillé par type de véhicule, les salaires horaires par catégorie socioprofessionnelle et les vitesses et distances parcourues par type de réseau (DEBOUVERIE et DUPUY, 1974b).
7 L’idée fut reprise et popularisée par I. ILLICH qui lui donna un retentissement mondial [1]. Selon lui : « L’Américain moyen consacre plus de mille six cents heures par an à sa voiture [...], qu’il l’utilise ou qu’il gagne les moyens de le faire [...], pour parcourir dix mille kilomètres [par an] ; cela représente à peine 6 kilomètres à l’heure. » (1975, réédition 2003, pp. 395-396)
8 De tels résultats sont assez « stupéfiants » – adjectif souvent utilisé à leur propos – car ils paraissent saper tout l’intérêt d’utiliser une automobile ou, plus exactement, d’effectuer des déplacements plus rapides grâce à elle. Ce « détour de production » consistant à « perdre du temps pour en gagner » apparaît finalement dérisoire (DUPUY, 2001). Il s’agit là, à n’en pas douter, d’ « une critique radicale », comme l’affirmait encore récemment J.-P. ORFEUIL (2000, p. 2) dans une recension des controverses sur l’automobile. D’ailleurs, les analystes les plus critiques de la société contemporaine n’ont jamais manqué de la rappeler (GORZ, 1973 ; ROBERT, 1980 ; ou encore récemment LATOUCHE, 2004).
2.2. Quelques limites à ce raisonnement
9 Pourtant, les spécialistes des transports ne se sont guère émus de cette critique. Il est vrai que dès le départ, J.-P. DUPUY (1975, p. 435) a souligné la principale limite à son raisonnement :
« Le calcul suppose la substituabilité entre temps de déplacement et temps de travail. Bien entendu, à court terme, cette condition n’est pas remplie. Nous avons à nous déplacer dans un espace-temps social qui est ce qu’il est, avec ses contraintes que nous ne remettons pas en cause. L’existence de ces contraintes donne un poids très lourd aux gains de temps qu’une vitesse effective de déplacement élevée permet à court terme. Malgré son coût élevé, le déplacement en automobile peut donc être préférable à court terme, sans que cela soit du tout incompatible avec le fait que l’automobile nous fasse perdre du temps par comparaison à une situation où nous serions affranchis desdites contraintes. »
11 D’autres auteurs ont depuis précisé ce que peut apporter une vitesse accrue. J.-P. ORFEUIL (2004, p. 7) expliquait, il y a peu :
« Le temps n’est pas que quantité, il est aussi rythme, et “acheter du temps” (en achetant une voiture) pour “aller vite” à d’autres moments n’est pas absurde. La critique [d’ILLICH] fait l’économie du potentiel de créativité permis par l’autonomie (à vous d’inventer la vie qui va avec, nous rappelait une publicité pour la Twingo), qui fera assumer par l’automobile des formes de mobilité nouvelles, que ni les transports publics, ni la bicyclette ne permettaient, et qui, fait aggravant, peuvent, dans certaines configurations, conduire à des économies (des grandes surfaces à l’étalement urbain...). »
13 F. BEAUCIRE (2006) rappelait récemment que la vitesse « permet de “maximiser” l’accès à toutes les ressources urbaines, sol et habitat compris, ce que la densité, dans un système économique dominé par le libre-échange, ne procure pas, en raison de la pression foncière. ». Et d’expliquer que « la diffusion spatiale des ressources [qu’autorise une vitesse accrue] permet de réaliser d’autres aspirations sociales : l’atténuation de la promiscuité ( “prendre ses distances”, “se mettre à distance”), la diversification des milieux de vie, la propriété, aspirations elles-mêmes reliées au niveau de vie et au système de valeurs ».
14 La vitesse n’est donc pas qu’une question de temps, de déplacement ou de travail, elle est aussi le moyen d’accéder à des ressources plus nombreuses et plus variées et c’est ce qui lui confère un attrait considérable.
15 Une autre limite forte de l’analyse a également été soulignée d’emblée par J.- P. DUPUY lui-même (1975, p. 435) :
« Une deuxième hypothèse sur laquelle repose le calcul de la vitesse généralisée est que 1 heure de travail = 1 heure de déplacement, cette heure étant vécue comme un coût. ». Or, « Bien que le temps de travail soit considéré comme un temps-tribut [ou temps contraint] au même titre que le temps de déplacement, il y a en lui une dimension d’intégration sociale, de participation à l’activité générale de production, qu’il n’y a pas dans le temps de déplacement, qui n’est qu’un complément forcé du précédent [2]. »
17 Difficile d’imaginer, en effet, passer des heures à se déplacer à bicyclette – un mode de transport souvent plus pénible et moins confortable que la voiture – pour économiser du temps de travail. D’ailleurs, au même moment, début des années 1970, J. ZAHAVI (1973) révélait la remarquable constance à long terme des « budgets-temps de transport » : quel que soit le développement des transports, nous consacrons toujours à peu près une heure par jour à nous déplacer. Cette conjecture est restée depuis globalement valable. L’arbitrage entre les deux types de temps semble de fait singulièrement limité.
18 Enfin, le raisonnement repose sur des moyennes concernant des déplacements en rase campagne aussi bien qu’en milieu urbain, aux caractéristiques pourtant très différentes, ce qui masque de grandes disparités. Ainsi, pour un automobiliste qui utiliserait beaucoup son véhicule sur des relations interurbaines, nul doute que sa vitesse généralisée serait bien supérieure à celle du cycliste.
19 En résumé, l’équivalence entre temps de déplacement et temps de travail ne va pas de soi et il peut paraître absurde d’y recourir. Pourtant, le concept de coût généralisé – très utilisé dans les modèles de prévision de trafic, à la fois pour déterminer la répartition modale et pour affecter le trafic aux infrastructures de transport – procède à un calcul tout à fait similaire. Il est supposé que le coût du transport et celui du temps de transport peuvent être agrégés et que les usagers procèdent à des arbitrages entre ces deux coûts pour choisir le mode de déplacement le plus performant (notamment dans les modèles prix – temps pour estimer la répartition des usagers entre le train et l’avion, entre les trains de jour et de nuit ou entre la voiture et les transports publics), comme pour choisir le meilleur itinéraire (principe de WARDROP). De même, si la vitesse généralisée de l’automobiliste paraît dérisoire à côté de celle du cycliste, le coût généralisé de l’automobiliste n’est pas plus glorieux à côté de celui du cycliste. À distance parcourue égale, il était le plus souvent bien moins coûteux de se déplacer à vélo qu’en voiture à la fin des années 1960. Bref, les critiques adressées au concept de vitesse généralisée concernent tout autant celui de coût généralisé.
2.3. Développements récents
20 Ces dernières années, quelques travaux assez dispersés d’auteurs hétérodoxes ont tenté d’actualiser ou d’approfondir l’analyse de la vitesse généralisée [3] (DUPUY, 2001 ; VAILLANT, 2001 ; KIFER, 2002 ; CHEYNET, 2003 ; TRANTER, 2004). Et la réédition des œuvres d’I. ILLICH après sa mort en 2002 a permis d’exhumer le texte de J.-P. DUPUY annexé à Énergie et équité. Car si l’ouvrage d’ILLICH est depuis longtemps en accès libre sur Internet dans diverses langues, ce n’est pas le cas de l’annexe de DUPUY.
21 De ces développements récents, on retiendra d’abord que J.-P. DUPUY (2001, p. 36) a réaffirmé :
« Le Français moyen consacrait [fin des années 1960] plus de quatre heures par jour à sa voiture, soit qu’il se déplaçât d’un point à un autre avec elle, soit qu’il la bichonnât de ses propres mains, soit, surtout, qu’il travaillât dans des usines ou des bureaux afin d’obtenir les ressources nécessaires à son acquisition, à son usage et à son entretien. Revenant récemment sur les données que nous avions rassemblées pour faire ce calcul, j’en suis venu à la conclusion que la situation présente est sans doute pire que ce qu’elle était il y a vingt ans (en note : J.-P. DUPUY, « Le travail contre-productif », Le Monde de l’économie, 15 oct. 1996).
Si l’on divise le nombre moyen de kilomètres parcourus, tous types de trajets confondus, par cette durée (ou “temps généralisé”), on obtient quelque chose de l’ordre d’une vitesse. Cette vitesse, que nous avons nommée “généralisée”, est d’environ sept kilomètres à l’heure, un peu plus grande, donc, que la vélocité d’un homme au pas, mais sensiblement inférieure à celle d’un vélocipédiste. »
23 Puis la même année, A. VAILLANT [4] a proposé une formalisation remarquable mais passée inaperçue et sur laquelle nous reviendrons. Et le chercheur australien P. J. TRANTER a réalisé récemment le calcul suivant, fort bien étayé et ici résumé dans le tableau 2.
24 Ses résultats aboutissent à une vitesse généralisée pour l’automobile bien supérieure à celle qu’avaient trouvée ILLICH et DUPUY en leur temps, sans qu’il en tire aucun enseignement, car pour lui la conclusion principale reste toujours aussi édifiante : l’automobiliste ne va globalement pas vraiment plus vite que le cycliste.
25 Au cours de ce bref historique, des insuffisances manifestes sont apparues dans l’analyse comme dans la mesure de la vitesse généralisée. Il serait bien utile de préciser le lien entre coût, temps et vitesse généralisés, de mieux comprendre quels sont les paramètres qui les déterminent et comment évolue la vitesse généralisée. Pour cela un effort de formalisation s’avère nécessaire.
- 3 - Formalisation
26 Curieusement, à l’exception du travail pionnier mais succinct d’A. VAILLANT (2001), cette formalisation n’a jamais été réalisée. Elle ne présente pourtant aucune difficulté et permet de mieux comprendre les limites de l’analyse.
3.1. Expression mathématique de la vitesse généralisée
27 On ne peut définir la vitesse généralisée sans rappeler en même temps ce qu’est le coût généralisé et le temps généralisé dont elle dérive directement, comme l’expliquait déjà J.-P. DUPUY.
28 Le coût généralisé est la somme du coût privé du déplacement (Cp) et le coût du temps de déplacement (Ct). Ce premier coût est le produit de la distance parcourue (d) par le coût kilométrique (k). Et le second est le produit du temps de déplacement (Td) par la valeur du temps souvent assimilée au salaire horaire (w) [5].
29 Le coût généralisé peut, ensuite, être converti en dépenses en temps, pour obtenir un « temps généralisé du déplacement » (Tg) défini comme le quotient du coût généralisé (Cg) par le salaire horaire (w). Ce temps généralisé est également décomposable en un temps de déplacement (Td) et un temps de travail pour payer le coût privé du déplacement (Tw).
30 Enfin, le rapport entre la distance parcourue (d) et ce temps généralisé définit la vitesse généralisée (Vg). Celle-ci est différente de la vitesse moyenne qui est le rapport entre la distance parcourue (d) et le temps de déplacement (Td), en considérant toutefois, comme le font ILLICH et DUPUY, que les temps d’accès au mode et les temps d’attente sont négligeables (ce qui écarte de l’analyse le cas des transports publics) et que la pénibilité de l’usage de la bicyclette ne modifie pas la perception du temps de déplacement à vélo.
31 Ainsi s’articulent les trois concepts :
32 Et par quelques calculs simples, il est possible d’exprimer ces trois concepts à l’aide des quatre paramètres de base que sont la vitesse moyenne (V), la distance parcourue (d), le coût kilométrique (k) et le salaire horaire (w), puis de comprendre comment ils évoluent en fonction de chacun de ces paramètres. Le tableau 3 résume l’ensemble des résultats.
33 La définition de la vitesse généralisée du déplacement se résume donc à la formule suivante [6] :
34 Cela signifie que la vitesse généralisée ne dépend que de trois paramètres : la vitesse moyenne, le salaire horaire et le coût kilométrique [7]. En particulier, elle ne dépend pas de la distance parcourue, car les deux composantes du temps généralisé du déplacement sont proportionnelles à cette distance [8] :
35 Il convient maintenant d’étudier comment la vitesse généralisée évolue en fonction de ces trois paramètres.
3.2. Vitesse moyenne et vitesse généralisée
36 À court terme, quand l’usager cherche à profiter des gains de temps permis par la croissance de la vitesse moyenne sans changer de destination, la vitesse généralisée augmente, mais lui est, par définition, toujours inférieure.
37 Et plus la vitesse s’accroît, plus la vitesse généralisée s’en écarte. Car, si à faible vitesse le temps de déplacement est très élevé par rapport au temps de travail, au fur et à mesure que la vitesse augmente le temps de déplacement se réduit fortement et le temps de travail devient prépondérant. C’est pourquoi, la vitesse généralisée tend vers le rapport du salaire horaire au coût kilométrique, qui est une vitesse généralisée limite indépassable.
38 Enfin, et c’est là l’essentiel, la vitesse généralisée est une fonction hyperbolique, donc strictement croissante, par rapport à la vitesse (figure 1). Même si la vitesse généralisée augmente toujours moins vite que la vitesse (ce que soulignent nombre d’auteurs), elle ne cesse jamais de croître (ce qu’ils oublient de préciser), quelle que soit la distance parcourue. Ainsi, une vitesse accrue en voiture permet toujours de « gagner du temps », même si le gain de vitesse généralisée est maigre. Ce n’est que par rapport à la bicyclette et principalement en milieu urbain que l’usage de l’automobile fait « perdre du temps » et non en valeur absolue.
39 Ce résultat est cependant valable à court terme, quand l’usager ne modifie pas ses destinations. À plus long terme, il renonce, en général, à gagner du temps et préfère profiter de la vitesse accrue pour augmenter la portée de ses déplacements et accroître le nombre de ses destinations accessibles. Il peut ainsi accéder à un choix plus large d’emplois, de commerces, de services, de lieux récréatifs, de relations sociales, améliorant ainsi sa satisfaction et son efficacité économique et sociale (voir notamment le raisonnement de J. POULIT (2005), repris dans l’annexe II de l’instruction-cadre du Ministère des transports en mars 2004).
40 Ainsi, que l’usager choisisse de profiter des gains de temps ou de déplacements plus lointains, le résultat est le même : la vitesse apparaît sous un jour éminemment favorable et le concept de vitesse généralisée ne modifie en rien cette conclusion [9].
41 Certes, la prise en compte des effets négatifs externes des transports dans le coût privé réduit un peu la vitesse généralisée, comme le souligne notamment P.-J. TRANTER (2004). Cependant là encore, elle reste une fonction croissante de la vitesse. Car les économistes considèrent, souvent de manière implicite et pour simplifier les calculs, que ces effets ne dépendent pas de la vitesse, au moins pour de petites variations, mais seulement de l’intensité de la circulation mesurée en véh.km (BAUMSTARK, 2003). On peut l’admettre à la rigueur pour le bruit, voire pour la pollution, mais pas pour les accidents, ni pour la congestion [10]. De plus, bien d’autres effets externes – non pris en compte car difficiles à évaluer et pourtant non négligeables – dépendent fortement de la vitesse, comme l’étalement urbain ou la ségrégation sociale ; nous y reviendrons.
3.3. Coût kilométrique, salaire horaire et vitesse généralisée
42 La vitesse généralisée augmente avec le taux de salaire horaire (ou la productivité du travail) puisque le temps de travail nécessaire pour payer les déplacements se réduit. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, les bénéficiaires de hauts revenus profitent d’une vitesse généralisée élevée, mais qui concerne tout autant les automobilistes que les cyclistes. Et les salariés dont les rémunérations progressent pendant leur vie active, ou grâce à la hausse générale des salaires réels y accèdent aussi peu à peu, comme c’est le cas dans de nombreux pays depuis un demi-siècle.
43 En revanche, la vitesse généralisée évolue en fonction inverse du coût kilométrique ou coût d’usage du véhicule. Ainsi, à revenus égaux, ceux qui ont des voitures puissantes mais chères (donc au coût kilométrique élevé) ont une vitesse généralisée plus faible. À l’inverse, ceux qui ont de bas revenus sont obligés d’utiliser des véhicules peu coûteux ou d’occasion pour bénéficier d’une vitesse généralisée acceptable. Mais quand le prix réel des véhicules, des services automobiles ou des carburants décroît, la vitesse généralisée augmente et tout le monde en profite.
44 Enfin, une hausse des salaires alliée à une baisse du coût kilométrique réduit fortement le « prix équivalent-travail » des déplacements (selon l’expression de J. FOURASTIÉ). Ce qui relève dans la même proportion la vitesse généralisée et sa limite supérieure (w/k).
3.4. Évolution de la vitesse généralisée depuis 40 ans
45 Quelle a été entre 1967 (date de référence des calculs de J.-P. DUPUY) et aujourd’hui, l’évolution des trois paramètres entrant dans le calcul de la vitesse généralisée ? En voici une estimation sommaire.
46 La vitesse moyenne des véhicules particuliers est très mal connue, mais a peut-être augmenté de 30 %. Les agglomérations ont, en effet, bénéficié d’un plan national d’aide à la mise en place de plans de circulation au cours des années 1970 (TEC, 1973) puis profité de la construction d’un réseau d’autoroutes et voies rapides urbaines. Ainsi, en Ile-de-France, une région qui concentre pourtant plus de 80 % des encombrements routiers français (source : CNIR), l’augmentation des vitesses en véhicule particulier a été de 12 % entre 1976 et 2001 (source EGT), soit peut-être 20 % en 40 ans. Dans les agglomérations de province, où les enquêtes ménages déplacements ne la mesurent plus depuis 1976, elle est sans doute bien plus élevée : à Grenoble entre 1966 et 1973, elle aurait déjà augmenté de 40 % (source : enquêtes ménages). En tout cas, entre 1982 et 1994 (dates des deux dernières enquêtes nationales transport), la vitesse moyenne de déplacement pour la mobilité locale (inférieure à 80 km) a augmenté en France de 31 % (GALLEZ et al., 1997, p. 31), mais cela concerne tous les modes et tient compte des reports modaux. Quant aux déplacements de longue distance, ils ont profité d’un réseau autoroutier qui est passé de 1 000 à 10 800 km entre 1967 et 2005 (source SETRA et AFSA).
47 Le salaire horaire en euros constants a cru d’environ 110 %, car les salaires nets annuels moyens en euros constants ont augmenté de 74 % entre 1967 et 2004 (source INSEE) et la durée annuelle du travail s’est réduite de 18 % (source OCDE).
48 Enfin, le coût kilométrique en euros constants a certes fluctué mais est resté globalement stable. En effet, selon une étude de l’INSEE (BONOTAUX et al., 2000), en 20 ans, de 1979 à 1999, « l’indice des prix des consommations liées à l’automobile a été multiplié par 2,2, augmentation similaire à celle de l’indice général [2,1] », car « La croissance des prix a été moindre pour l’automobile neuve et bien supérieure pour l’ensemble entretien, accessoires et réparations. » En particulier, le coût kilométrique du carburant automobile en France a baissé de 15 % en euros constants entre 1978 et 2005 (source INRETS). En outre, malgré des distances de déplacement et une motorisation accrues, les dépenses de consommation des ménages consacrées au transport (dont l’essentiel concerne les déplacements en véhicule particulier) sont restées aux alentours de 15 à 16 % du total des dépenses de consommation.
49 Il en résulte qu’en 40 ans, la vitesse généralisée en automobile s’est accrue en France d’environ 80 % et la vitesse généralisée limite d’environ 110 %. Le temps généralisé s’est réduit, quant à lui, de plus de 40 % ; et il en est probablement de même dans d’autres pays développés. Toutefois, cette évolution s’est fortement ralentie ces dernières années avec une progression beaucoup plus lente du salaire horaire, une tendance désormais plutôt à la hausse du coût kilométrique avec l’appréciation du prix des carburants et une vitesse moyenne qui stagne, à cause de la baisse des vitesses excessives sur le réseau routier du fait de l’instauration du système de contrôle sanction automatisé avec la multiplication des radars, du ralentissement des programmes de construction d’infrastructures nouvelles et des politiques de modération de la circulation en ville. P.-J. TRANTER (2004) estime même qu’elle devrait, à l’avenir, baisser, du moins en Australie.
50 En ce qui concerne la bicyclette, la vitesse moyenne a peut-être légèrement augmenté avec l’allègement des vélos, l’amélioration de leur rendement et quelques aménagements cyclables. Le salaire horaire des cyclistes a cru vraisemblablement de la même façon que pour les automobilistes (+110 %). Et le coût kilométrique a sans doute baissé un peu avec la productivité accrue de l’industrie du cycle, mais il est aussi beaucoup mieux connu et se révèle très supérieur à ce que l’on pensait, à 0,12 € par km (valeur 2000) selon le travail minutieux de F. PAPON de l’INRETS (2002). Cette imprécision est, cependant, sans grandes conséquences, car pour le cycliste, la part du coût kilométrique dans le coût généralisé est faible (un cinquième à un dixième), alors que pour l’automobiliste, elle est de l’ordre de la moitié : un peu moins en rase campagne et un peu plus en ville. La vitesse généralisée du cycliste n’a dès lors pratiquement pas évolué.
51 Au total, la vitesse généralisée de l’automobiliste qui était encore, il y a 40 ans, un tiers moindre que celle du cycliste, lui est maintenant supérieure d’un quart. C’est ce que confirment les récents calculs de P.-J. TRANTER (2004) comme nos propres calculs (voir l’annexe). Alors qu’elle était pour J.-P. DUPUY de l’ordre de 4 à 14 km/h en automobile et de 14 km/h à bicyclette, elle est maintenant d’environ 13 à 23 km/h pour la voiture et de 12 à 18 km/h pour le vélo, selon l’hypothèse retenue pour la vitesse du cycliste [11].
52 En conclusion, ce travail de formalisation permet de préciser la portée de la critique de DUPUY et d’ILLICH sur la question de la vitesse. Il faut se rendre à l’évidence, leur raisonnement ne remet pas du tout en cause la recherche sans fin d’une vitesse toujours plus grande qui de plus apparaît dans tous les cas bénéfique, à court terme comme à long terme. Pire, la vitesse généralisée de l’automobiliste étant désormais le plus souvent supérieure à celle du cycliste, l’argument se retourne contre leurs auteurs et justifie, 40 ans plus tard et dans la plupart des cas, l’utilisation de l’automobile plutôt que de la bicyclette. Pour sauver, en partie, le raisonnement d’ILLICH et DUPUY, il est, toutefois, possible de distinguer les milieux traversés : si en rase campagne la vitesse généralisée de la bicyclette est aujourd’hui très inférieure à celle de l’automobile, en milieu urbain elle reste, en fin de compte, bien plus élevée.
- 4 - Vers une analyse coûts-avantages de la vitesse
53 Pour retrouver un discours plus cohérent sur la vitesse, il convient de s’interroger plus à fond sur ses coûts et ses avantages. Or, c’est précisément ce qu’intègre le concept trop méconnu de « vitesse optimale », utilisé pourtant depuis longtemps par certains auteurs [12].
4.1. De l’existence d’une vitesse optimale
54 À la réflexion, il est évident qu’envisager un impact indéfiniment favorable d’une vitesse accrue des transports motorisés sur la vitesse généralisée n’a pas de sens. Il n’est pas question ici d’en faire la démonstration complète, mais d’esquisser cette voie de recherche.
55 Tout d’abord, sur le plan purement technique, toutes les nuisances sans exception varient, et souvent fortement, selon la vitesse. D’une part, elles augmentent toutes au-delà de 30 à 60 km/h. C’est vrai non seulement pour les nuisances les plus étudiées : bruit, pollution, accidents, congestion (OCDE, CEMT, 2007), mais aussi pour les « méfaits invisibles de la vitesse » des transports, selon l’expression de M. WIEL (2006), comme l’étalement urbain et la ségrégation sociale qu’il cite, ou d’autres impacts comme les effets de coupure, la consommation d’espace et la disqualification des modes non motorisés (HÉRAN, 2000). D’autre part, certaines nuisances s’accroissent, au contraire, quand la vitesse devient très faible : la pollution [13], la congestion, la consommation d’espace. Ce qui justifie d’ailleurs l’usage d’autres modes à cette allure : marche, bicyclette, chariot électrique, triporteur... Ainsi, du seul point de vue des impacts réels, il existe nécessairement une vitesse optimale qui minimise les nuisances des véhicules individuels motorisés, et qui est différente selon l’importance des populations riveraines concernées et donc selon la ville et la rase campagne.
56 Ensuite, sur le plan économique, les avantages monétaires en termes de gains de temps à court terme (que l’on suppose équivalents aux gains d’accessibilité à plus long terme), sont contrebalancés par les coûts du carburant et des nuisances (accidents, bruit et pollution) qui augmentent de façon plus que proportionnelle aux vitesses élevées. En utilisant ce raisonnement et des calculs fondés sur les coûts marginaux, L. CARNIS (2004), chercheur à l’INRETS, est parvenu, de façon assez convaincante, à déterminer une « vitesse optimale pour les véhicules légers sur le réseau interurbain français » (hors autoroutes), qui serait de l’ordre de 84 km/h, soit proche des limitations de vitesse en vigueur (90 km/h sur les routes hors agglomération et 110 km/h sur les routes à chaussées séparées) et des vitesses moyennes pratiquées (voir les bilans de l’ONISR), justifiant du même coup la politique de sécurité routière et de réduction de la pollution.
57 Toutefois, de tels travaux ne semblent pas avoir été réalisés en agglomération où la situation est beaucoup plus complexe et les nuisances des transports pourtant bien plus élevées et surtout plus variées. Dans ce milieu, les impacts liés à la vitesse tels que le bruit, les effets de coupure, la consommation d’espace, la ségrégation sociale ou l’étalement urbain ne peuvent être jugés négligeables comme peut le supposer L. CARNIS en rase campagne [14].
58 Enfin, les avantages d’une vitesse accrue peuvent eux-mêmes être critiqués, pour au moins cinq raisons.
- Il convient de rappeler que la vitesse ne permet pas d’augmenter le nombre de déplacements et donc les occasions de rencontres, qui restent bien stables à long terme (ZAHAVI, 1973 ; ORFEUIL, 2000 entre autres), mais seulement la portée des déplacements et le choix des destinations. De plus, un déplacement lointain n’est pas plus utile qu’un déplacement de proximité puisque seule compte l’activité réalisée à destination.
- On peut sérieusement s’interroger sur la nécessité aujourd’hui d’élargir encore l’univers de choix des consommateurs, des personnes à la recherche d’un emploi ou des entreprises, comme le préconise la théorie standard (POULIT, 2005). Réduire l’adéquation de l’offre et de la demande sur les différents marchés à une simple question de choix plus ou moins étendu de biens ou services est, à la réflexion, quelque peu simpliste. Aujourd’hui, dans la plupart des cas, le choix est déjà considérable et son élargissement n’apparaît plus aussi décisif. Nous sommes entrés dans une société d’hyperchoix qui n’est d’ailleurs pas sans effets pervers : difficulté à s’orienter dans cet univers, et même parfois renoncement à choisir, voire à consommer (SCHWARTZ, 2004). D’autres aspects jouent manifestement un rôle bien plus crucial : la qualité des biens et services et plus largement la construction des relations entre offreurs et demandeurs.
- La densité humaine (habitants + emplois par ha) reste un puissant moyen d’accroître l’accessibilité [15] : malgré des vitesses de déplacement bien plus élevées en périphérie qu’au centre, les périurbains peuvent accéder à moins de destinations que les habitants ou employés du centre dans un temps de transport donné [16]. Il est donc toujours plus intéressant de vivre et travailler en zone dense, si on tient à profiter d’une grande variété de contacts. Et c’est bien pourquoi tant de ménages et d’entreprises souhaitent continuer à s’installer dans le centre ou à proximité, malgré des déplacements plus lents et des coûts fonciers élevés.
- À ce propos, l’argument consistant à expliquer que la vitesse permet d’échapper à la pression foncière est beaucoup affaibli, quand on s’aperçoit que le budget global consacré au logement et aux déplacements ne varie pratiquement pas entre les zones proches du centre et la grande périphérie, ni même d’ailleurs la superficie de logement disponible par personne (ORFEUIL et POLACCHINI, 1999).
- Enfin, les grandes infrastructures de transport améliorent certes l’accessibilité éloignée, mais au détriment de l’accessibilité rapprochée à cause des nombreux effets de coupure du territoire qu’elles provoquent. Il est souvent plus simple et moins dangereux de traverser la ville en voiture que d’aller à pied ou à vélo d’un quartier à l’autre (HÉRAN, 2000).
60 Par conséquent, il existe toute une gamme de vitesses optimales différentes selon les individus, les types de réseaux utilisés et les milieux urbain et rase campagne traversés, permettant de concilier les coûts et avantages de la vitesse. Tout comme il est possible de raisonner de façon globale sur une vitesse généralisée qui masque en fait d’énormes disparités selon les individus, les réseaux ou les milieux, il est envisageable de concevoir une vitesse optimale qui a bien sûr le même caractère réducteur de ces disparités. Mais pour le reconnaître, encore faut-il descendre de son piédestal la vitesse que des siècles de conquête ont sacralisé (STUDENY, 1995) et admettre qu’existent ce qu’il faudrait se résoudre à appeler des « effets négatifs externes de la vitesse ».
4.2. Vitesse généralisée sociale et vitesse optimale
61 Il apparaît théoriquement possible d’enrichir l’analyse économique en internalisant dans le coût privé les externalités négatives de la vitesse, de façon à obtenir un « coût social » intégrable dans un « coût généralisé social » et une « vitesse généralisée sociale ». Dès lors, l’évolution du coût généralisé social en fonction de la vitesse connaît un minimum et la vitesse généralisée sociale un maximum correspondant pour l’automobile à la vitesse optimale (qu’il faudrait appeler plus exactement la « vitesse généralisée sociale optimale »).
62 Pour la bicyclette, il n’existe pas de vitesse optimale, mais une vitesse limite liée uniquement aux limites physiologiques du cycliste. Autrement dit, un cycliste a toujours intérêt à rouler le plus vite possible, comme l’expliquait déjà F. PAPON (2002).
63 D’un point de vue formel, la vitesse généralisée sociale (Vgs) dépend du coût kilométrique social (ks) qui intègre les impacts négatifs de la vitesse. Il n’est pas possible de préciser la forme de la relation de ks en fonction de la vitesse, sans d’importantes investigations. Elle pourrait être, cependant, du type :
64 de façon à intégrer les impacts inversement proportionnels, proportionnels et plus que proportionnels à la vitesse, avec des paramètres (a, b et c) qui restent à déterminer. Dès lors :
Vgs=1 ks
V + w
65 et la vitesse optimale est atteinte quand la dérivée première de la vitesse généralisée sociale par rapport à la vitesse est égale à zéro :
66 La figure 2 représente cette formalisation.
67 S’il est probable qu’existe une vitesse optimale, en pratique cependant, il sera bien difficile, sinon impossible de la déterminer en agglomération. D’abord, parce que l’impact de la vitesse sur certaines nuisances est encore très mal connu. Ainsi, personne ne sait aujourd’hui mesurer précisément son impact sur la ségrégation sociale, même s’il est indéniable (MIGNOT et ROSALES MONTANO, 2006). Même la relation vitesse - pollution est encore très controversée. Ensuite, il n’est pas certain que la vitesse optimale soit sensiblement inférieure aux vitesses actuellement pratiquées. Mais il est néanmoins probable qu’existe une large plage de solutions proches de l’optimum (zone grise sur le schéma de la figure 2) et qu’une erreur de calcul aurait donc assez peu d’incidence. Ce serait justement pour cela que les politiques de modération de la circulation auraient finalement peu d’impact sur l’efficacité économique des villes. Enfin, reste à savoir comment répartir cette vitesse optimale selon les différents types de réseaux dont les vitesses limites sont aujourd’hui très différentes (zones 30, 50, 70, voies rapides, autoroutes). Sans doute convient-il d’harmoniser les vitesses vers le bas, tout en améliorant la perméabilité du réseau comme le préconise G. DUPUY (1999, p. 122).
4.3. Perspectives
68 Le raisonnement en termes de vitesse généralisée a le grand mérite de révéler l’énorme détour de production qu’impose l’usage de l’automobile pour « gagner du temps », comme le souligne à juste titre J.-P. DUPUY, et il oblige à s’interroger sur la pertinence économique et sociale d’un tel détour aussi destructeur pour notre environnement, à la fois prédateur de ressources rares et non renouvelables et producteur de nuisances qui menacent la survie de la planète, via la contribution croissante des transports à l’effet de serre. Pour autant, l’automobile fait plus que jamais gagner du temps, même, et de plus en plus, par rapport à la bicyclette. Révéler sa faible vitesse généralisée ne remet pas en cause ce résultat, contrairement à ce qui est généralement affirmé. Ainsi, la radicalité de la critique ne porte pas sur la vitesse, mais sur la société industrielle.
69 Pourtant, la vitesse en tant que telle pose bel et bien un problème de société : si ses avantages sont indéniables mais souvent surestimés, elle provoque aussi à partir d’un certain seuil des nuisances nombreuses et exponentielles (bruit, pollution, consommation d’espace, effets de coupure, ségrégation sociale...). Aussi une réflexion approfondie sur les effets positifs et négatifs de la vitesse est aujourd’hui indispensable. Il serait possible de montrer, au moins grossièrement, en utilisant le calcul économique, qu’existe vraisemblablement, tant dans les déplacements interurbains qu’urbains et selon les types de réseaux, une vitesse optimale compatible avec le développement des activités économiques et sociales et qui laisse plus de place aux modes autogènes respectueux de l’environnement et de la convivialité. La « maîtrise de la vitesse en zones urbaine et périurbaine » (WIEL, 1999, p. 73) ou « la baisse de la vitesse sur le réseau » (G. DUPUY, 1999, p. 123) réclamées par beaucoup ne sont pas seulement des intuitions, les politiques de modération de la circulation qui se multiplient ne sont pas des mesures purement électoralistes destinées aux privilégiés des communes-centres, ce sont des solutions qui ont une rationalité. Peut-être parviendra-t-on un jour à le démontrer formellement.
Annexe – Calcul de la vitesse généralisée
70 Grâce à la formulation mathématique retenue, la vitesse généralisée et la vitesse généralisée limite peuvent être établies directement à partir des trois paramètres que sont la vitesse moyenne, le salaire horaire et le coût kilométrique, sans qu’il soit nécessaire de passer par des évaluations globales annuelles de divers paramètres, comme les méthodes actuellement en vigueur le préconisent (DUPUY, 1975 ; KIFER, 2002 ; CHEYNET, 2003 ; TRANTER, 2004). Ce n’est que pour trouver le temps généralisé des déplacements par an, qu’il faut, en outre, connaître les parcours annuels par véhicule. Enfin, la vitesse généralisée sociale s’obtient à partir de la détermination du « coût kilométrique social » dépendant de la vitesse selon une formule à trouver (sur ce point, le cas suivant est purement illustratif). Voir le tableau 4 et la figure 3 correspondante.
71 Les résultats indiquent que la vitesse généralisée de la voiture est un peu supérieure à celle du vélo, et le temps généralisé des déplacements en voiture est de 2 h 10 par jour. La formulation fictive du coût kilométrique social en fonction de la vitesse intègre les effets négatifs externes de la vitesse. La vitesse optimale sociale est dans ce cas fictif de 34 km/h. Entre 20 et 60 km/h de vitesse moyenne, la vitesse généralisée sociale ne varie que de 10 % autour de l’optimum.
Glossaire des sigles
ADEME | Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie. |
ASFA | Association des Sociétés Françaises d’Autoroutes. |
CCTN | Commission des Comptes de Transport de la Nation. |
CEMT | Conférence Européenne des Ministres des Transports. |
CERTU |
Centre d’Études sur les Réseaux, les Transports, l’Urbanisme et les constructions publiques. |
CETUR | Centre d’Études sur les Transports Urbains, devenu CERTU. |
CNIR | Centre National d’Information Routière. |
EGT | Enquête Globale de Transport. |
INRETS | Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité. |
INSEE | Institut National de la Statistique et des Études Économiques. |
OCDE | Organisation de Coopération et de Développement Économiques. |
ONISR | Observatoire National Interministériel de Sécurité Routière. |
SETRA | Service d’Études Techniques des Routes et Autoroutes. |
Catégorie socioprofessionnelle | Bicyclette | Citroën 2CV | Simca 1301 | Citroën DS21 |
Cadre supérieur (Paris) | 14 | 14 | 14 | 12 |
Employé (ville moyenne) | 13 | 12 | 10 | 8 |
Ouvrier spécialisé (ville moyenne) | 13 | 10 | 8 | 6 |
Salarié agricole (commune rurale) | 12 | 8 | 6 | 4 |
Calcul de la vitesse généralisée, selon P. J. TRANTER (2004)
Voiture de luxe | 4x4 |
Voiture de gamme moyenne |
Voiture de bas de gamme |
Transport public |
Bicy clette | |
Coûts annuels ($ australiens*) | 14 161 | 17 367 | 9 753 | 5 857 | 966 | 500 |
Temps annuel de travail pour payer ces coûts** (h) | 644 | 790 | 444 | 266 | 44 | 23 |
Vitesse moyenne de déplacement (km/h) | 45 | 45 | 45 | 45 | 25 | 20 |
Temps annuel de déplacement (h) | 333 | 333 | 333 | 333 | 600 | 750 |
Temps annuel consacré aux activités complémentaires (marche jusqu’au véhicule, entretien, etc.) | 51 | 51 | 50 | 51 | 60 | 55 |
Temps annuel total (h) | 1 028 | 1 174 | 827 | 650 | 704 | 828 |
Vitesse généralisée (km/h) | 14,6 | 12,8 | 18,1 | 23,1 | 21,3 | 18,1 |
Calcul de la vitesse généralisée, selon P. J. TRANTER (2004)
*1 $ australien ≈ 0,60 €.
** Sur la base d’un revenu annuel de 40 100 $.
L’évolution de la vitesse généralisée en fonction de la vitesse
L’évolution de la vitesse généralisée en fonction de la vitesse
Coût généralisé | Temps généralisé | Vitesse généralisée | ||
Définition |
Cg = Cp + Ct = (d × k) + (w × Td) = d × (k + w) V |
Tg = Td + Tw = Cg w (V1 wk) = d × + |
Vg= d =d×w Tg Cg 1 = 1 + k V w | |
Conséquences | Cg > Cp Cg > Ct | Tg > Td Tg > Tw | Vg < V | |
Quand d ↑ | Cg ↑ | Tg ↑ | Vg → | |
Quand w ↑ | Cg ↑ | Tg ↓ | Vg ↑ | |
Quand k ↑ | Cg ↑ | Tg ↑ | Vg ↓ | |
Quand V ↑ | Cg ↓ | Tg ↓ | Vg ↑ | |
Quand V → 0 | Ct→∞ Cg→∞ | Td → ∞ Tg → ∞ | Vg → 0 | |
Quand V → ∞ | Ct → 0 Cg → Cp | Td → 0 Tg → Tw |
Vg →w k | |
avec | Cg : coût g | énéralisé du | Tg : temps généralisé du déplacement | |
déplacement | Td : temps de déplacement | |||
Cp : coût privé du déplacement | Tw : temps de travail pour payer le coût privé | |||
Ct : coût du temps de déplacement | ||||
Vg : vitesse généralisée | ||||
et | V : vitesse moyenne (V = d / Td) | k : coût kilométrique | ||
d : distance parcourue | w : valeur du temps ≈ salaire horaire |
Vitesse généralisée du vélo et de la voiture en France en 2003
Données / Calcul Unité | Vélo Auto | |||
Vitesse moyenne | V | km/h | 14 | 40 |
Salaire horaire net moyen d’un salarié français | w | €/h | 12,10 | 12,10 |
Coût kilométrique | k | €/km | 0,13 | 0,38 |
Vitesse généralisée | Vg=1/ [(1/V) + (k/w)] | km/h | 12,2 | 17,7 |
Vitesse généralisée limite | Vgl = w/k | km/h | 93,1 | 31,8 |
Parcours annuels par véhicule |
d a | km/an | 2 000 | 13 800 |
Coût privé annuel d’un véhicule | Cpa = da*k | €/an | 260 | 5 244 |
Temps de travail annuel pour payer le coût privé | Twa = Cpa/w | h/an | 21 | 433 |
Temps des déplacements par an | Tda = da/V | h/an | 143 | 345 |
Temps généralisé des déplacements par an | Tga= Tda+Twa | h/an | 164 | 778 |
Temps généralisé des déplacements par jour | Tg=Tga/365 | h/j | 0,45 | 2,13 |
Coût kilométrique social | ks = (a/V) +bV | €/km | 0,73 | |
Vitesse généralisée sociale | Vgs = 1/ [(1/V) + (ks/w)] | km/h | 11,8 | |
Vitesse optimale | Vo = √ (w + a)/b | km/h | 34 |
Vitesse généralisée du vélo et de la voiture en France en 2003
La vitesse généralisée en fonction de la vitesse quand les effets négatifs externes de la vitesse sont internalisés
Représentation graphique de la vitesse généralisée en fonction de la vitesse dans l’exemple étudié
Représentation graphique de la vitesse généralisée en fonction de la vitesse dans l’exemple étudié
Bibliographie
Références
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Mots-clés éditeurs : vitesse, vitesse optimale, vitesse généralisée
Date de mise en ligne : 05/01/2010.
https://doi.org/10.3917/reru.093.0449Notes
-
[*]
Première version septembre 2007, version révisée décembre 2008. Ce texte a bénéficié des remarques critiques de plusieurs collègues : qu’ils en soient ici remerciés. Je reste bien entendu seul responsable de son contenu.
-
[1]
- Selon J.-P. DUPUY que nous avons interrogé, l’idée de vitesse généralisée a germé lors d’une discussion avec I. ILLICH à Cuernavaca au début des années 1970. La paternité est donc partagée, mais c’est bien DUPUY qui a développé le concept en faisant réaliser ensuite les calculs par des polytechniciens en stage dans son centre de recherche de l’époque, le CEREBE (Centre de recherches sur le bien-être).
-
[2]
- Au moins pour ce qui est des déplacements domicile-travail et des déplacements professionnels. [Cette note est de l’auteur.]
-
[3]
- L’expression est traduite en anglais par les termes « effective speed » ou « social speed ».
-
[4]
- À cette date, professeur de mathématiques dans le secondaire et militant associatif.
-
[5]
- Il n’entre pas dans le cadre de ce travail de discuter des valeurs du temps, sujet considérable et déjà largement débattu (BOITEUX, 2001, chapitre II ; CARNIS, 2003).
-
[6]
- À notre connaissance, A. VAILLANT (2001) est le premier à avoir proposé ce type de formalisation. Découvrant ses travaux après avoir obtenu des résultats similaires, nous lui avons soumis nos calculs qu’il a bien voulu vérifier avec son collègue J.-M. SARTEEL. Qu’ils en soient ici remerciés.
-
[7]
- Il faudrait, en toute rigueur, tenir compte du taux d’occupation du véhicule (TO). Dans ce cas, Vg = 1/{ (1/V) + [k/ (w*TO)]}. Toutefois, seuls les actifs occupés sont à intégrer dans ce taux d’occupation. Si bien qu’en tenir compte est difficile, faute de données, et ne modifierait guère les résultats.
-
[8]
- On ne peut cependant pas en conclure, comme le font certains auteurs, que la vitesse généralisée est constante quand le budget-temps de transport est stable.
-
[9]
- En revanche, ce n’est pas le cas du coût privé comme du coût généralisé qui certes baissent à court terme avec la réduction du temps de déplacement, mais augmentent à long terme avec la longueur du déplacement à durée de déplacement constante. Ce qui n’est pas sans conséquences sur leur budget transport pour ceux qui choisissent de s’installer en périphérie (ORFEUIL et POLACCHINI, 1999).
-
[10]
- Ce constat trop rapide mériterait de considérables développements. Par exemple, la récente évaluation de R. PRUD’HOMME (2005) sur la politique parisienne des transports semble tenir compte, au contraire, des impacts d’une réduction des vitesses, mais l’auteur surestime d’abord fortement cette réduction, ignorant les nombreuses mesures réalisées par les services techniques, puis également l’impact sur la pollution et, par contre, considère comme nul l’impact sur les accidents et le bruit... (Voir notre réaction à cette étude dans le numéro suivant de la revue Transports).
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[11]
- TRANTER retient, en effet, une vitesse élevée de 20 km/h qu’il justifie en supposant que « le cycliste est un usager quotidien et il est donc très affûté ». DEBOUVERIE et DUPUY (1974b) estiment qu’elle est de 15 km/h. En fait, elle serait plutôt de 14 km/h du moins en Europe, selon diverses sources concordantes (notamment BRACHER, 1987 ; CAMPBELL et CHABANNE, 1992 et notre propre enquête).
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[12]
- « La vitesse optimale individuelle (V*) est définie par l’égalisation du revenu marginal au coût marginal. Toute vitesse de circulation supérieure à ce niveau optimal se traduit nécessairement par une augmentation de coûts plus importante que celle des gains. » (CARNIS, 2003).
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[13]
- Un débat est en cours sur ce sujet. Selon les travaux les plus récents, l’application strict des courbes vitesse / pollution de type COPERT surestiment beaucoup les pollutions générées par une circulation apaisée. Car les cycles urbains sont assez différents, avec moins d’accélérations et de changements de vitesse (PANIS, BROEKX et BECKX, 2006).
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[14]
- Dans la recension des travaux sur la vitesse optimale réalisée par L. CARNIS, seuls ceux de M. CAMERON (2002) concernent le milieu urbain. Mais il s’agit de rues résidentielles situées en Australie qui sont assez différentes de telles rues en Europe et cet auteur ne prend en compte que les accidents et la pollution.
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[15]
- Au sens des économistes, c’est-à-dire le nombre de destinations qu’il est théoriquement possible d’atteindre dans un temps donné, compte tenu du niveau de service offert par les systèmes de transport.
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[16]
- Ce phénomène n’apparaît pas dans le raisonnement de J. POULIT, car il considère « un territoire commodément accessible, défini par le double du temps moyen de transport, soit par exemple, en Ile-de-France, une heure » (MINISTÈRE DES TRANSPORTS, 2004, annexe II), ce qui a pour effet de rendre la ville presqu’entièrement accessible de partout, alors qu’en retenant, en Ile-de-France, un temps de transport d’une demie heure, plus proche des temps moyens de déplacement, le nombre de destinations accessibles de la périphérie est 2,3 fois moindre que du centre.