Couverture de RERU_063

Article de revue

L'aménagement communal périurbain : maintenir l'agriculture pour préserver quelle ruralité ?

Pages 355 à 372

Notes

  • [*]
    Ces travaux ont bénéficié de financements dans le cadre du programme transversal « Pour et Sur le Développement Régional » (PSDR) de l’INRA.
  • [1]
    - Nombre de communes périurbaines réfléchissent à un Plan d’Urbanisme Directeur (PUD) dès la fin des années 1950 (procédure antérieure à la loi d’Orientation Foncière de 1967), réflexions qu’elles réinvestissent ensuite dans un Plan d’Occupation des Sols (POS) à la fin des années 1960 (LOF de 1967) pour aujourd’hui transformer ces POS en Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) en tenant compte des préconisations de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (loi SRU approuvée en 1999).
  • [2]
    - Nous reprenons la distinction que fait HAJER (1995), rappelée par LUNDQVIST (2000) entre discours en stade de structuration et discours en stade d’institutionnalisation. Le premier stade est atteint au sein d’un domaine quand le discours doit être utilisé pour que les acteurs restent crédibles dans ce domaine. Le second stade est atteint quand le discours est traduit en actions ou en relations institutionnelles. Un discours est dit hégémonique quand il a atteint les deux stades. En termes d’aménagement, il semble que le développement durable ait atteint le stade de la structuration, sans pour autant être toujours traduit en actes.
  • [3]
    - RGA – fiche comparative Rhône-Alpes.
  • [4]
    - Rapport de présentation du PUD (1969) – Commune de Vimines (Savoie) – Archives Municipales (A. M.).
  • [5]
    - Dans les Plans d’Occupation des Sols, quatre types de zonage en N sont possibles : NA, zone d’urbanisation future permettant de l’habitat individuel groupé ; NB, zone prévue pour un habitat diffus ; NC, zone agricole ; ND, réserves naturelles (bois, forêts, parcs urbains...). Chacune de ces zones fait l’objet d’un règlement.
  • [6]
    - Documents des POS – Commune de Vimines – A. M. et Extraits de « Contact POS », 1978 – Commune de Vimines – A. M.
  • [7]
    - Objectifs du POS de 1978 – Rapport de présentation ; Rappels des objectifs du POS de 1978 – Rapport de présentation du POS de 1992 – Commune de Vimines – A. M.
  • [8]
    - RGA 2000.
  • [9]
    - Extrait des délibérations du conseil municipal de Saint Marcel-Paulel du 26 février 1967 – A. M.
  • [10]
    - Entretiens avec le maire de Saint Marcel-Paulel, conseiller général du canton, 2003 et 2004.
  • [11]
    - Extrait des délibérations du conseil municipal de Saint Marcel-Paulel du 22 novembre 1980 – A. M.
  • [12]
    - Dont la réalisation permet une augmentation de population entre 1975 et 1982.
  • [13]
    - Extrait des délibérations du conseil municipal de Saint Marcel-Paulel : 28 février 1974 et 27 mars 1975 – A. M.
  • [14]
    - Documents des POS – Commune de Saint Marcel-Paulel, 1993.
  • [15]
    - Extrait des avis émis par les personnes publiques consultées sur l’élaboration du POS de Saint Marcel-Paulel, 1993 et 2003 – A. M.
  • [16]
    - Entretien avec le maire et l’adjoint à l’urbanisme – Commune de Vimines – 27 avril 2002.
  • [17]
    - Entretiens avec le maire de Saint Marcel-Paulel, 2003 et 2004.
  • [18]
    - Idem.
  • [19]
    - Entretien avec un ancien conseiller municipal de la commune de Saint Marcel-Paulel, 2004.
  • [20]
    - Communes de Vimines et de Saint Marcel-Paulel – A. M.
  • [21]
    - Dossiers du POS 1993 et PLU 2003 – Saint Marcel-Paulel – A. M.
  • [22]
    - 12 requêtes en 1977, 172 à titre individuel ou collectif entre le 18 janvier 1993 et le 19 février 1993 dont 73 pour demander un classement en zone constructible et de manière générale un mouvement d’opinion défavorable à la mise en place de zones NA et aux constructions collectives qui pourraient en résulter – Enquête publique et extraits du rapport du commissaire enquêteur – Commune de Vimines – A. M.
  • [23]
    -Extraits de courriers envoyés lors de l’enquête publique du 10 octobre 1977 au 09 novembre 1977 – Commune de Vimines – A. M.
  • [24]
    - Extraits des courriers envoyés lors de l’enquête publique du 18 janvier 1993 au 19 février 1993 – Commune de Vimines – A. M.
  • [25]
    - Dossier des élections – Commune de Vimines – A. M.
  • [26]
    - C’est le cas surtout en 1995 (liste « Vimines Avenir ») et en 2001 (liste « Vimines Autrement ») ; entretiens avec les membres de l’association « Vimines Autrement » (25 mars 2002 et 13 décembre 2002), association issue de la liste candidate aux élections, journal de l’association et dossier des élections – Commune de Vimines – A. M.
  • [27]
    - Dossiers des élections – Commune de Vimines – A. M.
  • [28]
    - Registres des délibérations des conseils municipaux : 1971-2002 – Commune de Vimines –A. M.
  • [29]
    - Registres des délibérations des conseils municipaux : 1965-2004 – Commune de Saint Marcel-Paulel –A. M.
  • [30]
    - Il faut noter qu’en Haute-Garonne, le conseil général participait activement au développement agricole, à travers des subventions et l’emploi de conseillers agricoles. Les agriculteurs se regroupaient en associations cantonales de vulgarisation agricole (ACVA), dont les présidents ont longtemps été les conseillers généraux. À ce titre, le maire de Saint Marcel-Paulel était jusqu’en 2004 le président de l’ACVA du canton de Verfeil.
  • [31]
    - Registre des délibérations des conseils municipaux : avril 1987 et février 2000 – Commune de Saint Marcel-Paulel –A. M.
  • [32]
    - Études effectuées par un technicien de la Chambre d’Agriculture et incluses dans les rapports de présentation des POS de 1978 et de 1992 – Commune de Vimines – A. M.
  • [33]
    - Étude agricole – Chambre d’Agriculture de la Savoie – 2002.
  • [34]
    - Réunion de présentation de l’enquête agricole par le technicien de la Chambre d’Agriculture dans le cadre de la révision du PLU – Vimines – 23 octobre 2002.
  • [35]
    - Entretiens avec la conseillère agricole du canton de Verfeil, 2003.
  • [36]
    - Journaux de l’association « Vimines Autrement » et interventions de membres de l’association dans les réunions publiques.
  • [37]
    - Entretien du 13 novembre 2002 avec un membre de « Vimines Autrement ».

- 1 - L’aménagement communal périurbain : construire la ville et conserver la campagne

1 La littérature sur l’agriculture périurbaine est consacrée en large partie à la question foncière, soit pour rendre compte de l’évolution des rapports urbain-rural, soit en tant que facteur explicatif de la disparition de l’agriculture comme activité économique autour des villes. Ces recherches sur le foncier agricole en périurbain se sont longtemps contentées d’évaluer les mutations d’usage des sols (ARMAND, CASALIS, FRESCHI, 1982 ; MÉRIAUDEAU, 1983 ; VIANEY, 1987) dans un contexte où le périurbain est considéré uniquement comme un débordement de la ville (JAILLET, 2004).

2 BRYANT (1997) invite à nuancer ce facteur foncier, en le replaçant dans les dynamiques sociales et politiques locales et en procédant à un examen des stratégies et des jeux d’acteurs qui le fondent, en particulier lors des décisions d’aménagement. Au-delà de ces jeux d’acteurs, l’observation de moments d’aménagement permet de saisir le jeu des différents discours et des représentations en vigueur des espaces à aménager (LUNDQVIST, 2000), et particulièrement des espaces ouverts et des espaces agricoles (SPALING et WOOD, 1998 ; DALIGAUX, 1999). En effet, durant ces processus d’aménagement se manifestent les représentations et les attendus sur l’activité agricole des différents acteurs impliqués dans et par la construction de ces documents : les élus, les résidents, les propriétaires non agriculteurs, les représentants des services de l’État, la profession agricole et ses représentants, voire les bureaux d’études ou les agences d’urbanisme, les associations locales.

3 Pour ces raisons, l’analyse des dynamiques à l’œuvre dans les processus d’aménagement local nous semble pertinente, alors que ce processus décisionnel est mal connu (DALIGAUX, 1999). De plus, nous postulons que le contexte périurbain, où ces décisions d’aménagement se concentrent actuellement, exacerbe les regards sur l’espace agricole rendant plus lisibles les confrontations des représentations de l’agriculture lors des temps de programmation spatiale. Afin de réduire le coût des infrastructures et de préserver des espaces ouverts, les nouveaux outils et nouvelles règles d’urbanisme visent à mieux séparer que par le passé les zones construites des espaces non bâtis autour des villes. L’occupation agricole du sol devient un élément de l’aménagement des villes en assurant des « coupures vertes » entre zones construites, des « poumons verts » pour l’écologie des villes, des « zones vertes » pour la vue et les loisirs. Cette volonté de rationalisation de l’aménagement se heurte, cependant, à la volonté de certains propriétaires fonciers soucieux de réaliser leur bien dans les meilleures conditions. La profession agricole elle-même est partagée sur cette question entre l’opportunité qu’offrent ces nouvelles procédures permettant de maintenir des exploitations agricoles, les difficultés des agriculteurs prenant leur retraite – dont beaucoup sans successeurs – et aspirant à vendre leurs terres et la nécessité de prendre plus en compte les demandes urbaines en terme d’environnement et de paysage.

1.1. L’aménagement des communes périurbaines : des moments de rencontre pour un accord

4 En France, les lois de décentralisation puis les lois plus récentes régissant les documents d’urbanisme, ont confié les décisions d’urbanisme aux échelons les plus locaux de l’administration du territoire : les communes. Ces nouvelles règles valident des documents communaux qui ne soient pas des répliques en miniature des documents supra-communaux. C’est le jeu local des acteurs qui va déterminer en grande partie l’ampleur, la nature et la localisation des constructions dans le périurbain. Étudier cette programmation spatiale au niveau des communes nous paraît donc judicieux, dans la mesure où, à ce niveau, vont se manifester plus clairement l’entrelacement des discours généraux et particuliers, et leur traduction précise en terme d’affectation des sols.

5 Les temps d’aménagement sont des temps de rencontre d’un ensemble d’acteurs qui construisent un accord à partir de différentes visions exogènes et endogènes d’un même territoire. Nous nous intéressons à la construction de l’accord, du consensus, fait banal et complexe dans tout processus de décision (MOSCOVICI, DOISE, 1992). Au niveau des communes, les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) sont des documents qui entérinent des états futurs jugés irréversibles (emprises urbaines, routières..., espaces protégés) ; l’espace agricole, considéré, lui, comme réversible, devient l’enjeu des débats sur le développement communal. En se fondant sur des représentations individuelles et sociales, l’accord qui préside à l’approbation du document final met en scène les acteurs, qui décident de la place qu’occupera ou n’occupera plus l’agriculture dans le territoire. À l’échelle communale, avec leurs visions exogènes, des acteurs extérieurs participent également à la construction de ce consensus.

6 Ces acteurs sont investis :

7

  • d’une mission de représentativité : chambres consulaires et plus particulièrement la Chambre d’Agriculture,
  • d’un rôle de mise en œuvre d’instructions législatives : services de l’État, notamment la DDE,
  • d’une charge, plus ou moins explicite, de traduction des attentes des commanditaires (les élus), à travers la rédaction des rapports de présentation : agences d’urbanisme, services d’urbanisme municipaux, bureaux d’études, lorsqu’ils sont sollicités dans la construction de ces documents en remplacement des services techniques des DDE (qui alors n’interviennent que pour valider ou invalider les orientations retenues) ; il peut s’agir aussi dans certains cas des services des chambres d’agriculture qui procèdent à des diagnostics agricoles pour ces documents.

8 À cette pluralité d’intervenants s’associent les acteurs présents sur le territoire – agriculteurs, élus, résidents, propriétaires non agriculteurs, associations... – qui négocient un accord ponctuel, pour une utilisation de l’espace communal. Comment ces regards d’agriculteurs, de résidents, d’élus, d’acteurs institutionnels se confrontent et sont investis dans les orientations des projets d’aménagement communaux ?

1.2. L’aménagement communal : construction d’une représentation commune ?

9 Nous faisons l’hypothèse que ces moments de programmation spatiale sont des temps de co-construction des fonctions de l’agriculture, de négociation d’un contrat agriculture/société.

10 Pour comprendre comment l’espace est organisé, nous permettre de relier les discours sur l’espace aux objets spatiaux, nous nous plaçons dans la perspective de la géographie sociale (GUMUCHIAN, 1991 ; DEL CASINO, HANNA, 2000). Pour préciser cette perspective, nous utilisons la théorie des représentations et des pratiques sociales (ABRIC, 2003a ; ROUQUETTE et RATEAU, 1998). Les représentations sociales sont caractérisées par deux traits complémentaires : leur historicité (elles sont des produits de l’histoire et y participent) et leur altérité, c’est-à-dire le fait qu’elles adviennent toujours dans le cadre de relations intergroupes. Elles sont à la fois organisatrices de l’expérience, régulatrices de la conduite et pourvoyeuses de valeurs (ABRIC, 2003b ; ROUQUETTE et RATEAU, 1998).

1.3. Une vision historique des représentations du territoire

11 C’est dans une lecture historique que les différents accords obtenus doivent être replacés. L’accord du document initial, association de représentations individuelles et collectives, va servir de base pour le nouvel accord (MOSCOVICI et DOISE, 1992), par exemple, lors de la mise en révision du POS pour une élaboration de PLU. En se mettant en conformité avec de nouvelles préconisations ces accords mettent à jour de nouveaux jeux d’acteurs et de pouvoirs. Mais, en même temps que la pratique communale intègre ou prend en charge le discours dominant, elle s’appuie, pour la construction du nouvel accord, sur des pratiques antérieures, résultantes de représentations. C’est pourquoi nous jugeons indispensable de procéder à une lecture des documents d’aménagement depuis leur genèse, à partir des années 1960 dans certains cas, car les PLU en cours s’appuient sur les précédents documents  [1], remettant en scène parfois les mêmes acteurs.

12 Comment les documents des années 1960-1970 portent-ils en creux les orientations des lois Pisani, où on parle de spécialisation, d’intensification, de grandes exploitations, de disparition de la petite exploitation de montagne... ? Comment les documents actuels traduisent-ils l’évolution d’un discours dominant, mais non hégémonique  [2], à savoir celui d’une agriculture et d’espaces ouverts ayant vocation à préserver l’environnement et à permettre un développement durable ?

13 Dès la mise en place d’outils par le législateur, les communes des aires urbaines se sont intéressées à une planification de leur territoire, ce qui rend aisé une comparaison et permet une lisibilité de l’évolution des contenus des accords présidant à l’approbation de ces documents. Par l’étude de l’action d’aménagement en cours dans les communes périurbaines, notre objectif est d’identifier les représentations de l’espace communal et leurs évolutions, et la façon dont l’agriculture ou les espaces agricoles trouvent une place dans la structuration de ces représentations.

14 Pour l’illustrer, nous faisons le choix de présenter deux cas empiriques d’aménagement communal en zone périurbaine : l’un dans l’agglomération de Chambéry, l’autre dans celle de Toulouse.

- 2 - Démarche

2.1. Choix des terrains

15 Notre lecture s’inscrit dans une perspective comparative. Elle est centrée sur l’échelle communale qui permet simultanément de saisir et d’observer les discours globaux et individuels sur l’aménagement ainsi que sur l’action et les pratiques d’actions. Cette lecture interroge des espaces communaux situés dans des contextes agraires et périurbains différents. Pluriactivité, polyculture sur de petites unités de production en Savoie diffèrent de la céréaliculture sur de grandes exploitations du Lauragais toulousain. À Vimines (Savoie), l’urbanisation diluée sur les coteaux, la concurrence entre infrastructures et agriculture sur les faibles parties planes, contrastent avec le développement de l’urbanisation sur la quasi-totalité du territoire communal de Saint Marcel-Paulel (Haute-Garonne). On peut a priori penser qu’à Vimines, des petites structures tournées vers la diversification, sur des parties délimitées du territoire communal, seront plus pérennes dans un contexte d’urbanisation. Nous verrons que cette hypothèse préliminaire doit être nuancée pour prendre en compte des facteurs sociaux au-delà de ces quelques facteurs structurels.

2.2. Données et méthodes d’analyse

16 Dans notre démarche, les données analysées sont de deux sortes :

17

  • les dires d’acteurs, collectés par enquêtes semi-directives (en 2002, 2003, 2004) auprès d’élus, techniciens agricoles, responsables d’associations (notamment de défense du cadre de vie...) ; ces entretiens recueillent à la fois les représentations de l’activité agricole et les politiques communales en matière d’urbanisation ;
  • les textes supportant les dires d’acteurs : rapports de présentation, enquêtes publiques, courriers, études agricoles, études paysagères..., professions de foi proposées par les listes en lice lors des élections municipales, délibérations des conseils municipaux... Les données écrites contiennent des interventions individuelles : enquêtes publiques, courriers aux maires ; et des interventions collectives : tracts, pétitions, comptes rendus de réunions, journaux ou bulletins édités par les associations, délibérations des conseils municipaux...

18 Ce croisement de recueil de données permet de collecter le contenu des représentations, de les contextualiser et de les mettre en relation avec les pratiques sociales et les décisions d’affectation des sols.

19 Les entretiens semi-directifs ont été retranscrits pour faire l’objet d’une analyse thématique (description de la commune, évolution de l’agriculture dans la commune, historique de la planification spatiale communale, explicitation de la politique communale...). Dans les documents écrits, nous avons relevé tout ce qui concerne l’activité agricole, les orientations d’aménagement de l’espace (entérinées ou proposées lors des élections), la participation des agriculteurs à la vie communale, l’organisation des commissions de travail au moment de l’installation des conseils municipaux...

- 3 - Politiques communales d’urbanisation

Cartes 1 et 2

Situation de Vimines (73) et Saint Marcel-Paulel (31)

figure im1
2.5 km
Source : Via Michelin 2 km

Situation de Vimines (73) et Saint Marcel-Paulel (31)

Via Michelin

20 Située à 6 km du centre de Chambéry (55 792 habitants en 1999), Vimines fait partie de Chambéry Métropole, 16 communes regroupées dans une communauté d’agglomération créée en décembre 1999 qui correspond à un des sous-schémas du SCOT Métropole Savoie (103 communes et 205 000 hab. en 1999). Adossée au massif de l’Épine, Vimines est classée en zone de montagne. Avec un nombre d’exploitations en diminution (60 en 1979 et 29 en 2000), une SAU en régression (392 ha en 2000, contre 505 ha en 1979  [3]), l’activité agricole se partage entre polyculture et élevage, avec une tendance vers une spécialisation en élevage notamment dans la partie la plus haute de la commune ; aujourd’hui, les exploitants les plus proches de Chambéry essaient de développer des productions en lien avec la ville et de se diversifier en améliorant la vente directe (maraîchage ou production de viande). La population n’a cessé de décroître de 1861 à 1968. À partir de 1963, en affichant l’objectif de réguler les demandes de constructions industrielles et de maisons, la commune envisage un projet de Plan d’Urbanisme Directeur (PUD) dans lequel « la zone naturelle ou rurale [...] doit conserver son caractère actuel. Elle est principalement réservée aux exploitations agricoles et aux installations liées à l’agriculture... mais, toutefois, peuvent être autorisées les constructions ayant une autre destination lorsqu’elles ne portent pas atteintes à l’économie agricole ou au caractère des paysages  [4] ». Lors de l’approbation du POS en 1978, le projet est de doubler la population. Dans les faits, le classement de 690 des 1 423 ha de l’espace communal en zone agricole (NC)  [5] permet de « [limiter] les permis en essayant de satisfaire au mieux les propriétaires qui désirent construire pour eux ou leurs enfants [ce qui] maintient le caractère semi-rural de la commune [car] les agriculteurs sont les principaux intéressés par le POS  [6] ».

21 Les discours de préservation de la ruralité se sont donc accompagnés de choix d’urbanisation diffuse qui ont permis que le niveau de population du milieu du XIXe siècle soit quasi regagné en 1982.

22 À Vimines, en 1978, le caractère semi-rural de la commune est maintenu par une « préservation de l’agriculture là où elle s’avère possible » ; la révision de 1992 a comme objectif de « ... freiner au moins temporairement la construction sur le territoire communal ou tout du moins de faire en sorte que l’amélioration des équipements existants ou la réalisation d’équipements nouveaux soient rendues possibles à un rythme raisonnable  [7] » : maintien par défaut de l’espace agricole et renforcement de l’attractivité du chef-lieu qui se veulent moyens de juguler les conséquences du mitage de l’espace. Depuis 2001, les débats pour le PLU en cours visent à rationaliser les usages de l’espace et à restreindre les espaces urbanisables par le déclassement d’une zone de future urbanisation en réponse à l’étude de plan de prévention des risques naturels.

23 Saint Marcel-Paulel est situé à 17 km de Toulouse (390 350 habitants en 1999), et fait partie de son aire urbaine. Cette commune ne dépend pas d’une intercommunalité intégrée, et aucun document d’urbanisme supra-communal ne prend en compte actuellement cette partie de l’aire urbaine.

24 Bien que l’élevage reste présent, la quasi-totalité de la surface agricole utilisée (SAU) est occupée par les céréales et des oléoprotéagineux. L’agriculture de Saint Marcel-Paulel n’échappe pas à la tendance nationale : diminution du nombre des exploitations agricoles (24 en 1979 et 15 en 2000) et concentration des surfaces cultivées (SAU moyenne des exploitations : 27 ha en 79 et 63 ha en 2000) ; le remembrement réalisé en 1999 pour le passage d’une bretelle autoroutière a permis la réorganisation des parcelles et, semble-t-il, le déploiement des exploitations sur les communes voisines (SAU totale des exploitations : 658 ha en 1979 ; 952 ha en 2000)  [8].

Figures 1 et 2

Évolution de la population du milieu du XIXe siècle à 1999 des communes de Vimines et Saint Marcel-Paulel

figure im2

Évolution de la population du milieu du XIXe siècle à 1999 des communes de Vimines et Saint Marcel-Paulel



A. M. Vimines et Saint Marcel-Paulel et Recensements de la Population.

25 La population de la commune n’a décru que faiblement (de 232 habitants en 1936 à 215 en 1975). En 1965, « pour conserver à la commune un aspect résidentiel et semi-rural », la municipalité envisage d’ « éviter des cités-dortoirs et de prévoir des lots importants, 3 000 à 4 000 m2 minimum ainsi que le conseille la Direction de l’Urbanisme  [9] ». L’urbanisation visait à répondre aux attentes des « nouveaux arrivants qui venaient à la campagne et ne voulaient en aucun cas urbaniser celle-ci  [10] », en privilégiant les « avis favorables pour les bâtiments agricoles, avis favorables pour les maisons d’habitation destinées aux habitants de St Marcel ou à leurs enfants  [11] ». Prélude à une réflexion pour la constitution d’un document d’urbanisme, le conseil municipal accepte en 1970  [12], la construction d’un lotissement contre l’avis du maire, qui menace de démissionner, refusant d’être le « maire de l’urbanisation, qui aura sacrifié la campagne  [13] ». Approuvé en 1993, le POS a pour objectifs la conservation d’un village non aggloméré et la préservation des espaces agricoles. À cette occasion, un lot constructible pour la vente est attribué à chaque agriculteur, quel que soit son statut (exploitant en activité, double actif, retraité) et ses surfaces, soit 22 lots au total  [14]. Ce POS est critiqué par la DDE parce que favorisant une urbanisation diffuse (sur les zones NB). En 2003, lors de la révision pour passage en PLU, les services de l’État renouvellent les observations faites 10 ans auparavant en remarquant que « le projet communal de maintien de la vocation agricole et rurale de la commune avec un développement urbain très limité, ne paraît pas être le fruit d’une véritable réflexion sur l’aménagement du territoire communal  [15] ».

26 Dans ces deux communes, il est offert aux agriculteurs la possibilité de construire sur leurs propriétés ; l’habitat diffus est privilégié, sur des grands lots, ce qui favorise un mitage du territoire. Cette forme d’urbanisation s’accompagne d’évolutions agricoles différentes : à Saint Marcel-Paulel, la SAU moyenne par exploitations croît pour quasi-doubler de 1979 à 2000, alors qu’elle ne connaît qu’une faible augmentation à Vimines. À Saint Marcel-Paulel, les restructurations des exploitations agricoles se font en utilisant une organisation parcellaire plus opérante et en se déployant sur les communes voisines alors qu’à Vimines, les réorganisations d’exploitations utilisent une partie de l’espace agricole cédé par les départs sans succession, laissent à l’enfrichement les parcelles les moins mécanisables et cèdent des parties planes à l’urbanisation.

- 4 - Représentations du rural et de l’agricole dans le processus de périurbanisation

4.1. L’élaboration des représentations du territoire communal

4.1.1 Des communes périurbaines ?

27 Aujourd’hui, à Vimines, dans le cadre de la révision du POS pour passage en PLU, il s’agit de « gérer deux intérêts divergents : ceux des habitants qui ont construit et ont la volonté de maintenir une activité agricole (bâtiments et meilleures terres agricoles) et l’intérêt des propriétaires qui désirent vendre  [16] ».

28 À Saint Marcel-Paulel, la création d’ « un poumon vert, une sorte de barrière environnementale entre la ville qui dévore l’espace et le vrai monde rural  [17] » est justifiée par la situation de la commune, entre le Lauragais, « vrai monde rural » et Toulouse mangeuse d’espace : aménagement communal qui permet de répondre aux « gens venus pour choisir une qualité de vie qui est celle de la campagne et donc il faut les laisser à la campagne  [18] ».

29 De manière récurrente, la ruralité est revendiquée, la ville, toute proche ou plus éloignée, est perçue comme envahissante ; aujourd’hui, le refus d’un étalement de la ville est réaffirmé dans des politiques communales grâce notamment à l’application de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain, et à son principal outil qu’est le PLU, créé pour limiter une consommation d’espace prédatrice de ressources naturelles. Originellement, la mobilisation de la ruralité s’appuyait sur l’agriculture en mettant en dialogue les aspirations des propriétaires et des agriculteurs ; aujourd’hui, le discours prend appui sur l’espace agricole pour intégrer les souhaits des résidents, groupe d’acteurs légitimé pour sa participation à une définition renouvelée de la ruralité.

4.1.2 Urbaniser, pour qui ?

30 Les deux communes font le choix d’un modèle d’urbanisation diluée : à Saint Marcel-Paulel en fixant une surface minimum des lots à bâtir de 3 000 m2, à Vimines en autorisant la construction dans la zone agricole. L’objectif est de concevoir un paysage communal à la fois résidentiel et semi-rural, parce que comme on est très près de Toulouse, « il faut quand même se parer un peu hein... [19] ».

31 Pour éviter les cités dortoirs (générique employé pour désigner l’habitat individuel groupé et/ou l’habitat collectif), conserver un aspect résidentiel et semi-rural, ces modèles spatiaux d’urbanisation, tolérés au départ par les services de l’État – notamment les DDE – consacrent aujourd’hui un choix tant social que spatial, choix qui se concrétise à Vimines et à Saint Marcel-Paulel dans des droits à construire accordés en priorité à des natifs, sur des lots importants  [20]. Portée à Saint Marcel-Paulel par un maire réélu depuis 1965 cette orientation est entérinée par une absence de contestation lors des enquêtes publiques ouvertes en 1993 et 2003  [21]. À Vimines, cette politique communale est appuyée, par les arguments accompagnant les nombreuses demandes de droits à construire  [22], soit parce qu’ « ... il n’est pas pensable d’envisager dans certaines zones, la construction d’immeubles collectifs dans un village savoyard charmant et typique que le développement depuis quelques années d’une architecture anarchique du style Île de France a déjà suffisamment abîmé... », soit « qu’en tant qu’agriculteur, je vois toute ma propriété en NC, (...) et il me semble normal que mes enfants puissent un jour construire sur une de mes parcelles viabilisées, quels que soient la superficie et l’éloignement d’une autre habitation. Je demande que tous les descendants directs des agriculteurs puissent avoir le permis de construire dans la propriété  [23] ». Plus récemment, des interventions de résidents viennent appuyer celles de natifs souhaitant « ... ne pas voir s’implanter des lotissements avec des parcelles de moins de 1 500 m2 ou des immeubles... » car « ... Vimines doit rester un village de campagne et non un quartier de Chambéry », et que « ... pour avoir déjà vécu cette évolution dans des petites communes d’Ile de France touchées par la rurbanisation nous en connaissons les conséquences : délinquance, illusion d’une réactivation du chef-lieu par le gel des hameaux... [24] ». Bien qu’il y ait eu un changement de maire depuis 1965, ces choix d’aménagement sont confortés par la permanence d’un discours municipal et d’un noyau d’élus  [25] ; lors des différents scrutins municipaux, les listes proposant une rationalisation de l’espace communal et une limitation des constructions en zone agricole ont jusqu’alors été rejetées  [26].

4.1.3 Le périurbain, quel type d’espace rural ?

32 Dans ces deux communes, les actes d’aménager et d’urbaniser permettent de revendiquer une identité rurale et résidentielle tout en se référant aux besoins de la ville. Cette élaboration d’une identité territoriale mobilise une partie de l’espace qui sert à l’agriculture soit en le « préservant », soit en le « mangeant », plus qu’elle inclut l’agriculture dans le rural. Cette construction identitaire s’opère par un glissement d’un rural accueillant la ville dans les années 1970 vers un rural protecteur dans les années 1990 (MATHIEU, 1990, 1998). Cette volonté de conserver le caractère « rural » des communes vise plus à refuser une mixité sociale qu’à préserver une activité agricole : matérialisé dans des droits à construire accordés en priorité aux demandeurs issus de la commune, ce maintien d’un certain « entre-soi » participe à la construction d’une identité dite « rurale » mais fondée sur le rejet des univers de la ville et des quartiers (DONZELOT, 2004), et à la réactualisation d’un modèle opposant ville et campagne.

4.2. Les représentations de l’activité agricole dans la gestion communale

4.2.1 Quand, comment et pourquoi parle-t-on d’agriculture dans la vie communale ?

33 Dans les conseils municipaux, la représentation de la profession agricole décroît progressivement (Tableau 1). Cette diminution suit celle du nombre des agriculteurs, et l’arrivée de nouvelles catégories sociales faisant de l’investissement dans la gestion municipale le moyen de s’intégrer (BONNAIN, 1990).

Tableau 1

Évolution du nombre des agriculteurs dans les conseils municipaux – Communes de Vimines (73) et de Saint Marcel-Paulel (31)

figure im3

Évolution du nombre des agriculteurs dans les conseils municipaux – Communes de Vimines (73) et de Saint Marcel-Paulel (31)



Dossiers des élections – Vimines (73) et délibérations municipales Saint Marcel-Paulel (31) – A. M.

34 Cette absence ou quasi-absence des agriculteurs dans les conseils municipaux est compensée par d’autres formes de représentation des agriculteurs au niveau municipal, où l’activité agricole est associée progressivement à des préoccupations environnementales.

35 À Vimines, une commission communale chargée de l’agriculture est constituée dès 1971 ; elle se transforme en 1989 en « commission agriculture-environnement  [27] ». À Saint Marcel-Paulel, une commission environnement est créée en 1989, puis une commission agro-environnementale en 1995. À Vimines, l’activité agricole est une préoccupation affichée qui n’est jamais mise en débat par les différentes municipalités  [28]. À Saint Marcel-Paulel, l’activité agricole est présente dans les discussions des conseils municipaux  [29]. Des années 1960 aux années 1980 ce sont les difficultés des agriculteurs et les vicissitudes de leur pratique qui sont enregistrées (sécheresse, subvention d’un pont d’accès à des parcelles grâce au financement retiré de la construction d’un lotissement). Dans les années 1980, la municipalité  [30] prend part au débat national en apportant son soutien aux organisations professionnelles agricoles (FDSEA, CDJA) pour le maintien d’une agriculture dynamique. Plus récemment, en refusant l’épandage de boues d’épuration sur les terres communales  [31], la municipalité exprime des préoccupations environnementales en lien avec l’agriculture.

4.2.2 Conserver une activité économique, mais au service de la gestion de l’espace

36 À Vimines, les études agricoles  [32] réalisées à l’occasion de chacun des documents d’aménagement débutant en 1973, 1990 et 2002 dressent un état du devenir de l’agriculture. Les deux premières études recensent les exploitations qui devraient se maintenir ou se développer, en même temps qu’elles dénombrent ceux des exploitants qui souhaitent avoir du terrain à bâtir. Par une approche exhaustive de l’occupation de l’espace, en distinguant « professionnels » et « patrimoniaux », celle de 2002 quantifie les emplois produits par l’activité agricole, évalue la viabilité économique des exploitations et identifie les meilleures terres agricoles à proximité du chef-lieu. Cette vision nouvelle de l’agriculture, celle d’une agriculture plus professionnelle et surtout génératrice d’emplois s’oppose pour partie à l’étude paysagère  [33] préconisant un développement urbanistique sur les terres à proximité du chef-lieu, contradiction qui, pour le maire, peut être résolue parce que « le “paysager” ne peut être maintenu que par l’agriculture  [34] ».

37 À Saint Marcel-Paulel, en l’absence d’étude agricole, le maire-conseiller général ne « manque jamais de dire et d’écrire dans le bulletin cantonal que l’agriculture reste la première activité économique du canton ». Néanmoins, son discours insiste sur la gestion de l’espace et du foncier. Dans les deux communes, la formalisation du discours sur l’agriculture est déléguée : à Vimines aux techniciens de la Chambre d’Agriculture, à Saint Marcel-Paulel au maire. À Vimines, après 25 ans où l’agriculture n’a été considérée que pour sa capacité à libérer de l’espace, aujourd’hui comme à Saint Marcel-Paulel, en associant fonctions environnementales et fonctions économiques, l’entrée spatiale de ces analyses inscrit le devenir de l’agriculture dans un rôle de maintien de l’occupation du sol.

4.2.3 Des conceptions différenciées de l’espace agricole pour qualifier le cadre de vie périurbain ?

38 Initiateur avec trois communes voisines d’un projet de communauté de communes, le maire de Saint Marcel-Paulel souhaite « créer un poumon vert (...) faire de l’espace un espace de loisirs et de promenade et conserver la nature à proximité de Toulouse ». Entre le « vrai monde rural », symbolisé par le Lauragais, et la ville de Toulouse, le maire de Saint Marcel-Paulel élabore une représentation du territoire agricole : « C’est grâce à l’agriculture s’ils [les gens] peuvent rester en milieu rural, c’est grâce aux paysans. » Cette vision est partagée par la conseillère agricole qui remarque que « les gens qui arrivent sont plus axés sur la préservation de l’environnement que les ruraux (...), ils sont venus s’installer ici parce qu’il y avait un cadre de vie, la campagne, la tranquillité et ils ne veulent pas forcément retrouver ce qu’ils ont quitté ailleurs  [35] ». Dans les discours de ces acteurs, ce sont les résidents qui légitiment le maintien d’une agriculture décrite en grande partie par sa capacité à produire des espaces ouverts et de nature.

39 À Vimines, le maintien d’une activité agricole préservant des bâtiments et les meilleures terres agricoles est associé au choix de ne pas faire d’habitat groupé. Cette perspective prend en charge l’expression de certains résidents (nouveaux ou plus anciens) organisés avec l’objectif d’infléchir une politique municipale. Pour eux, il s’agit de « favoriser la mise en œuvre d’une politique de développement maîtrisé et équilibré de la commune » qui soit articulée avec les préconisations du SCOT « en intégrant une dimension agricole » autre que des « agriculteurs tondant des pelouses  [36] » : en contribuant à la formalisation d’un discours sur l’agriculture et en affirmant la nécessité d’un rééquilibrage social, ces résidents cherchent à ce que leurs propositions soient légitimées lors des futurs scrutins municipaux  [37].

40 À la période faste des années 1970 d’utilisation sans partage de l’espace agricole, succède aujourd’hui un nouveau rôle pour l’agriculture, co-construit par certains porte-parole de la profession et par les acteurs urbains, rôle dans lequel l’espace agricole permet une valorisation de l’urbanisation et satisfait les intérêts de ceux qui ont construit auparavant ; par leur implication, les acteurs urbains tentent de s’intégrer dans la gestion des affaires municipales.

41 Les représentations des différents acteurs trouvent une réponse dans des actes d’aménagement préservant une qualité de vie symbolisée par un espace agricole aux fonctions environnementales ou par les attributs de l’activité agricole aux fonctions patrimoniales.

4.2.4 L’activité agricole : conserver des productions ou des espaces ?

42 Les conceptions de l’activité agricole recueillies dans ces deux communes témoignent d’une gradation : d’une agriculture productive dans les années 1960 à une activité gestionnaire de l’espace. Une vision validée par les temps d’aménagement communaux qui porte en creux les directives élaborées à d’autres échelles (lois d’orientation de 1960, 1962, 1999). Néanmoins, le discours actuel sur l’environnement ne peut cacher une vision restrictive et productiviste de l’activité agricole. Si à Vimines les contraintes du milieu sont un obstacle à la modernisation dans les années 1960, les bonnes terres à Saint Marcel-Paulel la permettent. Contrainte incontournable à Vimines, la pente est compensée au nom de l’équité devant la propriété par la possibilité d’obtenir des droits à construire dans la zone NC. De la même manière, des lots sont attribués à tous les propriétaires exploitants à Saint Marcel-Paulel dans les années 1990.

43 En s’appuyant explicitement sur la propriété, ces mesures ont aidé à la modernisation agricole. Ventes de terrain pour la construction, réorganisation d’exploitations par l’absorption de celles sans successeur, parce que trop petites, se traduisent par une diminution du nombre d’exploitations dites « non-professionnelles » dans des proportions comparables à celles observées dans les départements de Haute-Garonne et de Savoie (entre 1979 et 2000 : moins 61,5 % à Saint Marcel-Paulel et moins 48,6 % en Haute-Garonne ; moins 56,25 % à Vimines et moins 71,3 % en Savoie). Dans les discours, le glissement progressif d’une agriculture productiviste à une agriculture gestionnaire de l’espace et protectrice du cadre de vie s’est accompagné de mesures qui, bien qu’apparemment égalitaires en termes fonciers, ont conduit à la disparition des petites structures et ont conforté les exploitations opérantes, répondant au modèle productiviste.

Conclusion

44 Nous avons interrogé le sens des accords que manifestent les documents d’aménagement à l’échelle communale : traduisent-ils un réel consensus entre acteurs pour un maintien d’espaces agricoles multifonctionnels ou, au contraire, s’agit-il d’un compromis tactique où les discours sur la multifonctionnalité de l’agriculture et des espaces ne s’appuient pas sur une nouvelle représentation du métier d’agriculteur et des espaces ruraux périurbains ?

45 Cette mise à jour de deux visions de la prise en compte de l’agriculture dans la gestion communale révèle des enjeux municipaux communs. Moyens d’étalement de la ville dans les années 1970-1980, ces espaces ont intégré de nouveaux résidents. Visiblement partagés par les résidents « natifs » et par les nouveaux arrivants, les discours et leur traduction en terme d’usages de l’espace s’appuient sur une représentation du rural fondée plus sur une vision négative de la ville ou de la société urbaine que sur l’agriculture. En mettant les agriculteurs sur un pied d’égalité devant la propriété, l’attribution de lots à bâtir est autant une contribution à la construction d’un modèle agricole que d’un modèle urbain. Ces conditions d’urbanisation et ces contextes agraires encouragent une urbanisation diluée et ne permettent pas une pérennité caractérisée des petites structures agricoles. L’aménagement communal a permis la réussite du modèle agricole productiviste même si elle est inégale et relativement récente. Dans les situations observées, la pression urbaine n’isole pas l’agriculture voire en permet le maintien. Le contexte périurbain ne produit pas vraiment un modèle d’agriculture différencié. En revanche, la proximité urbaine cristallise les regards portés sur l’espace agricole en permettant une mise en discussion de l’agriculture et des espaces agricoles à l’occasion des moments de programmation spatiale où l’espace agricole sert à maîtriser l’urbanisation, à la qualifier et à faire que l’espace détermine des choix sociaux.

Bibliographie

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : aménagement, périurbain, agriculture, acteurs, ruralité

Date de mise en ligne : 01/01/2010.

https://doi.org/10.3917/reru.063.0355

Notes

  • [*]
    Ces travaux ont bénéficié de financements dans le cadre du programme transversal « Pour et Sur le Développement Régional » (PSDR) de l’INRA.
  • [1]
    - Nombre de communes périurbaines réfléchissent à un Plan d’Urbanisme Directeur (PUD) dès la fin des années 1950 (procédure antérieure à la loi d’Orientation Foncière de 1967), réflexions qu’elles réinvestissent ensuite dans un Plan d’Occupation des Sols (POS) à la fin des années 1960 (LOF de 1967) pour aujourd’hui transformer ces POS en Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) en tenant compte des préconisations de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (loi SRU approuvée en 1999).
  • [2]
    - Nous reprenons la distinction que fait HAJER (1995), rappelée par LUNDQVIST (2000) entre discours en stade de structuration et discours en stade d’institutionnalisation. Le premier stade est atteint au sein d’un domaine quand le discours doit être utilisé pour que les acteurs restent crédibles dans ce domaine. Le second stade est atteint quand le discours est traduit en actions ou en relations institutionnelles. Un discours est dit hégémonique quand il a atteint les deux stades. En termes d’aménagement, il semble que le développement durable ait atteint le stade de la structuration, sans pour autant être toujours traduit en actes.
  • [3]
    - RGA – fiche comparative Rhône-Alpes.
  • [4]
    - Rapport de présentation du PUD (1969) – Commune de Vimines (Savoie) – Archives Municipales (A. M.).
  • [5]
    - Dans les Plans d’Occupation des Sols, quatre types de zonage en N sont possibles : NA, zone d’urbanisation future permettant de l’habitat individuel groupé ; NB, zone prévue pour un habitat diffus ; NC, zone agricole ; ND, réserves naturelles (bois, forêts, parcs urbains...). Chacune de ces zones fait l’objet d’un règlement.
  • [6]
    - Documents des POS – Commune de Vimines – A. M. et Extraits de « Contact POS », 1978 – Commune de Vimines – A. M.
  • [7]
    - Objectifs du POS de 1978 – Rapport de présentation ; Rappels des objectifs du POS de 1978 – Rapport de présentation du POS de 1992 – Commune de Vimines – A. M.
  • [8]
    - RGA 2000.
  • [9]
    - Extrait des délibérations du conseil municipal de Saint Marcel-Paulel du 26 février 1967 – A. M.
  • [10]
    - Entretiens avec le maire de Saint Marcel-Paulel, conseiller général du canton, 2003 et 2004.
  • [11]
    - Extrait des délibérations du conseil municipal de Saint Marcel-Paulel du 22 novembre 1980 – A. M.
  • [12]
    - Dont la réalisation permet une augmentation de population entre 1975 et 1982.
  • [13]
    - Extrait des délibérations du conseil municipal de Saint Marcel-Paulel : 28 février 1974 et 27 mars 1975 – A. M.
  • [14]
    - Documents des POS – Commune de Saint Marcel-Paulel, 1993.
  • [15]
    - Extrait des avis émis par les personnes publiques consultées sur l’élaboration du POS de Saint Marcel-Paulel, 1993 et 2003 – A. M.
  • [16]
    - Entretien avec le maire et l’adjoint à l’urbanisme – Commune de Vimines – 27 avril 2002.
  • [17]
    - Entretiens avec le maire de Saint Marcel-Paulel, 2003 et 2004.
  • [18]
    - Idem.
  • [19]
    - Entretien avec un ancien conseiller municipal de la commune de Saint Marcel-Paulel, 2004.
  • [20]
    - Communes de Vimines et de Saint Marcel-Paulel – A. M.
  • [21]
    - Dossiers du POS 1993 et PLU 2003 – Saint Marcel-Paulel – A. M.
  • [22]
    - 12 requêtes en 1977, 172 à titre individuel ou collectif entre le 18 janvier 1993 et le 19 février 1993 dont 73 pour demander un classement en zone constructible et de manière générale un mouvement d’opinion défavorable à la mise en place de zones NA et aux constructions collectives qui pourraient en résulter – Enquête publique et extraits du rapport du commissaire enquêteur – Commune de Vimines – A. M.
  • [23]
    -Extraits de courriers envoyés lors de l’enquête publique du 10 octobre 1977 au 09 novembre 1977 – Commune de Vimines – A. M.
  • [24]
    - Extraits des courriers envoyés lors de l’enquête publique du 18 janvier 1993 au 19 février 1993 – Commune de Vimines – A. M.
  • [25]
    - Dossier des élections – Commune de Vimines – A. M.
  • [26]
    - C’est le cas surtout en 1995 (liste « Vimines Avenir ») et en 2001 (liste « Vimines Autrement ») ; entretiens avec les membres de l’association « Vimines Autrement » (25 mars 2002 et 13 décembre 2002), association issue de la liste candidate aux élections, journal de l’association et dossier des élections – Commune de Vimines – A. M.
  • [27]
    - Dossiers des élections – Commune de Vimines – A. M.
  • [28]
    - Registres des délibérations des conseils municipaux : 1971-2002 – Commune de Vimines –A. M.
  • [29]
    - Registres des délibérations des conseils municipaux : 1965-2004 – Commune de Saint Marcel-Paulel –A. M.
  • [30]
    - Il faut noter qu’en Haute-Garonne, le conseil général participait activement au développement agricole, à travers des subventions et l’emploi de conseillers agricoles. Les agriculteurs se regroupaient en associations cantonales de vulgarisation agricole (ACVA), dont les présidents ont longtemps été les conseillers généraux. À ce titre, le maire de Saint Marcel-Paulel était jusqu’en 2004 le président de l’ACVA du canton de Verfeil.
  • [31]
    - Registre des délibérations des conseils municipaux : avril 1987 et février 2000 – Commune de Saint Marcel-Paulel –A. M.
  • [32]
    - Études effectuées par un technicien de la Chambre d’Agriculture et incluses dans les rapports de présentation des POS de 1978 et de 1992 – Commune de Vimines – A. M.
  • [33]
    - Étude agricole – Chambre d’Agriculture de la Savoie – 2002.
  • [34]
    - Réunion de présentation de l’enquête agricole par le technicien de la Chambre d’Agriculture dans le cadre de la révision du PLU – Vimines – 23 octobre 2002.
  • [35]
    - Entretiens avec la conseillère agricole du canton de Verfeil, 2003.
  • [36]
    - Journaux de l’association « Vimines Autrement » et interventions de membres de l’association dans les réunions publiques.
  • [37]
    - Entretien du 13 novembre 2002 avec un membre de « Vimines Autrement ».
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