Notes
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[*]
Les vues exprimées dans cet article n’engagent que l’auteur et ne re?ètent pas nécessairement celles de la Banque de France. Banque de France, Université Paris-Dauphine (LEDa)
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[**]
Université Paris-Dauphine (LEDa)
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[***]
Toulouse School of Economics (GREMAQ) et CEPREMAP
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[?]
Les auteurs remercient les deux rapporteurs pour leurs précieuses remarques et suggestions. Correspondance : EQUIPPE – Université Lille 2/Faculté de Droit, 1 place Déliot, 59000 Lille. E-mail : thomas.weitzenblum@univ-lille2.fr. Tel : +33 (0) 3 20 90 75 35. Université Lille 2, EQUIPPE et CEPREMAP.
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[1]
Nous noterons une variable dé?atée à l’aide d’un chapeau tel que x?t = xt / (1 + g)t.
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[2]
La dette publique considérée ici est nette au sens où celle-ci peut être négative et correspondre à une accumulation nette d’actifs financiers par l’Etat. La dette n’est cependant pas nette d’actifs non financiers (terrains, bâtiments) qui sont absents de la modélisation.
-
[3]
Pour chaque choc de politique économique, le critère utilitariste correspondant est transformé en niveau de consommation constante d’un agent à durée de vie infinie, dont la fonction d’utilité est donnée par (1).
-
[4]
Ce choix de modélisation a été opéré, car, en son absence, les ?uctuations du PIB, qui, en raison de celles de l’offre de travail et de l’accumulation de capital, peuvent être conséquentes, auraient un fort effet sur l’évolution de la dette sur la transition, et donc sur le taux de prélèvement.
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[5]
Ce résultat diffère de celui de Desbonnet et Weitzenblum [2011], car les chocs opérés ici sont d’une amplitude de 1 point, et parce que la dette atteint instantanément son niveau final.
-
[6]
Précisons que les considérations liées au processus du choix collectif – aux types de choix alternatifs proposés aux agents – ne seront pas abordées ici. En d’autres termes, il est possible qu’une procédure de choix collectif soigneusement modélisée ne permettrait peut-être pas d’aboutir aux ajustements proposés.
-
[7]
Sur les 7 niveaux de productivité temporaire, nous représentons les niveaux extrêmes et le niveau médian.
-
[8]
Comme il est usuel avec ce type de modèle résolu numériquement, la convergence est gage de l’existence. En revanche, l’unicité ne peut être déduite de simulations.
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[9]
L’état initial est donc identique, mais les transferts sont ajustés prioritairement.
-
[10]
En l’état, nous ne pouvons ni prouver, ni même illustrer numériquement, que la prise en compte de chocs d’amplitude arbitrairement faible garantirait la convergence totale des deux trajectoires, quoiqu’il soit raisonnable de le supposer.
Introduction
1 La plupart des pays de l’OCDE se caractérisent par un endettement positif en augmentation depuis plusieurs décennies, et tout particulièrement dans la zone euro. Ce fait soulève, entre autres, deux interrogations. D’une part, dans quelle mesure les modèles théoriques sont-ils capables d’expliquer un niveau durablement positif et élevé de la dette publique ? D’autre part, ces mêmes modèles peuvent-ils nous éclairer sur les instruments de politique économique qui, combinés à la dette publique, seraient susceptibles de modérer cette incitation à en créer davantage ? En dépit de la richesse de la littérature sur l’analyse macroéconomique des mécanismes associés à la dette publique, rares sont les travaux parvenant à expliquer pourquoi les Etats accumulent la dette publique dans les proportions que nous connaissons. A ce titre, la démarche qui propose de quantifier le niveau optimal de dette dans un contexte de marchés incomplets et de risque idiosyncrasique est digne d’intérêt, précisément car elle met en avant des mécanismes pouvant expliquer ce niveau positif de dette publique. Ces modèles – à la Bewley [1986]-Aiyagari [1994] – intègrent le comportement d’épargne des ménages face à un risque de revenu non assurable. Dans leur article fondateur, Aiyagari et McGrattan [1998] déterminent le niveau optimal de dette publique reposant sur la comparaison d’états stationnaires. A l’optimum, la dette publique s’élève à 2/3 du PIB américain, soit une proportion proche de son niveau moyen effectif depuis 1945. L’introduction de la dette publique accroît le taux d’intérêt et facilite la constitution d’épargne de précaution. Cependant, la perte de bien-être à s’écarter de ce ratio optimal est faible. A la suite de cet article, Floden [2001] caractérise la combinaison optimale de dette publique et de transferts. L’optimum est atteint pour un niveau de dette publique et de transferts égaux respectivement à -100 % et 23 % du PIB. Les gains de bien-être sont nettement plus élevés que lorsque l’Etat ajuste uniquement la dette publique. Ainsi, les effets positifs imputables à l’introduction de la dette publique cessent dès lors que les transferts sont fixés à leur niveau optimal.
2 Toutefois, les études susmentionnées ne tiennent pas compte de la dynamique de transition. A la date où la dette publique s’élève, l’Etat dispose de ressources additionnelles lui permettant de réduire temporairement les impôts ou d’accroître les transferts. Cela se révèle bénéfique pour les agents qui butent sur leur contrainte d’endettement, comme en témoignent les travaux de Daniel [1993] et Heathcote [2005]. Desbonnet et Weitzenblum [2011] montrent que lorsque la transition d’un état stationnaire à un autre est explicitement modélisée, les gains qui découlent de l’accroissement de la dette publique sont sensiblement plus forts. En outre, en raison de l’existence de gains de courte période captés par la transition, il existe une incitation considérable à accroître la dette publique au delà de son niveau de long terme fondé sur la comparaison d’états stationnaires. Si cette étude détermine le niveau de dette publique au delà duquel il n’est plus souhaitable de l’accroître davantage, elle n’envisage pas la possibilité qu’il existe, pour ce niveau de dette publique, une incitation à ajuster les transferts. Or, comme Floden [2001] l’illustre, les niveaux optimaux de dette publique et de transferts n’ont aucune raison d’être indépendants l’un de l’autre.
3 Dans cet article, nous étudions les interactions potentielles entre les politiques de dette publique et de transferts, en modélisant la dynamique transitoire. Nous souhaitons déterminer si l’incitation à créer davantage de dette demeure aussi forte, lorsqu’elle est associée à des ajustements des transferts. Dans ce sens, nous étendons à la fois Floden [2001] et Desbonnet et Weitzenblum [2011]. A cette fin, dans un premier temps, en partant d’un niveau élevé de dette publique, nous montrons que l’ajustement temporaire des transferts permet de rendre acceptable une politique de désendettement de l’Etat. Dans un second temps, nous envisageons l’incitation à ajuster de manière définitive, non seulement la dette publique, mais également, et de manière symétrique, les transferts. Il apparaît qu’il n’existe plus aucune incitation à modifier transferts et dette publique pour un transfert de 16,5 % du PIB, qui est un niveau intermédiaire entre le niveau de référence et l’optimum de long terme de Floden [2001]. La dette publique demeure conséquente (495 % du PIB), quoique sensiblement inférieure à celle qui prévaut lorsqu’elle seule est ajustée.
4 Cet article s’inscrit également dans une littérature plus large traitant de l’optimalité de la politique fiscale. La question de la dynamique de la dette publique, a été traitée originellement par Barro [1974, 1979]. Ce dernier montre que le lissage de l’imposition implique que le taux de taxe optimal suit une marche aléatoire. L’Etat devrait s’endetter uniquement lorsqu’il est soumis à un choc de dépense publique positif. Ces résultats permettent d’expliquer les variations de la dette publique, mais pas son niveau. Lucas et Stokey [1983] montrent, dans le cadre d’un modèle de Ramsey pour lequel les dépenses publiques sont stochastiques et les marchés complets, que le niveau de dette publique dépend des conditions initiales, lesquelles sont supposées exogènes. Par conséquent, leur analyse ne permet pas de comprendre pourquoi les gouvernements ont tendance à accumuler de la dette. En outre, Aiyagari et al. [2002] montrent dans le cadre du modèle de Lucas et Stokey [1983] que dès lors que les marchés sont incomplets, le gouvernement a intérêt à accumuler des actifs plutôt que s’endetter.
5 Cet article est organisé comme suit. Dans la première partie, nous présentons le modèle de référence utilisé et définissons la dynamique transitoire de celui-ci. La deuxième partie est consacrée aux simulations des différents scénarios envisagés. Une troisième section est consacrée à la conclusion.
1. Le modèle
1.1. Présentation du modèle
6 Nous considérons le modèle de Floden [2001] lui-même repris par Desbonnet et Weitzenblum [2011]. Il s’agit d’un modèle d’équilibre général avec marchés incomplets, risque de revenu et contrainte d’endettement. Le secteur de la production est modélisé par une firme représentative et des marchés de facteurs de production concurrentiels tels que :
?Y ?Y
rt + ? = ?Ktt et wt = ?Ntt
7 avec K le stock de capital agrégé et N la quantité de main d’œuvre agrégée. Z est le progrès technique neutre au sens de Harrod, avec Zt = (1 + g)t. Sur le sentier de croissance équilibrée, w, Y et K croissent au taux g tandis que le taux d’intérêt r demeure constant.
8 Le secteur des ménages est constitué d’un continuum d’agents à durée de vie infinie et de masse unitaire. Les ménages font face à un risque affectant leur productivité. Ce risque idiosyncrasique est représenté par une chaîne de Markov décrivant les probabilités de transition entre les divers niveaux de productivité considérés. L’incomplétude des marchés et la contrainte d’endettement conduisent les ménages à lisser leur consommation en accumulant un actif financier unique. La contrainte budgétaire du ménage s’écrit :
9 avec c la consommation, a le niveau de l’actif accumulé, e un choc de productivité idiosyncrasique sur le marché du travail, l l’offre de travail, Tr un transfert forfaitaire mis en place par l’Etat et ?? un taux de taxe proportionnel. L’utilité intertemporelle des agents est :
U0 = E t?=0 ?t u (ct, lt)
10 avec
u (ct, lt) =t 1??t [1]
11 Nous reproduisons ci-dessous le programme du ménage une fois le modèle dé?até [1]:
?, â l
t t+1, t
12 sous la contrainte :
a?t + 1 ? 0, c?t ? 0
13 L’Etat finance ses dépenses publiques G , les transferts Tr et les intérêts de la dette [2] contractée par le passé à l’aidet des impôts Tt ett de la dette Bt + 1 nouvellement émise. La contrainte budgétaire de l’Etat une fois dé?atée est la suivante :
14 Les instruments de politique économique retenus par le gouvernement sont ?t = G?t /Y?t le ratio dépenses publiques sur PIB, ?t = T?rt /Y?t le ratio transfert sur PIB ainsi que le ratio dette publique sur PIB.
1.2. Définition de l’équilibre
15 Dans cette section, nous définissons conjointement l’équilibre stationnaire et la dynamique transitoire du modèle.
16 L’équilibre stationnaire correspond à un équilibre où les variables stationnarisées sont constantes au cours du temps. Etant donné un jeu de paramètres de politique économique {?, ?, b}, l’équilibre stationnaire est défini par le vecteur :
17 où ? (â, e) est la distribution des agents sur l’espace d’état, tel que :
18 1. Etant donnés r, w?, ?? et T?r = ?Y?, les règles de décision { ? (â, e), â? (â, e), l (â, e) } sont les solutions du programme (2),
19 2. ? (â, e) est l’unique distribution compatible avec les règles de décision décrites précédemment,
20 3. Les marchés du travail et du capital sont à l’équilibre :
e??E
e??E ?
N = el (â, e) ? (â, e) dâ
21 4. Les prix des facteurs sont tels que :
F? (K, ZN)
w?=N Z =FN? (K?, N)
22 5. La contrainte budgétaire de l’Etat est respectée :
(r ? g) B? = T? ? (G? + T?r) ? (r ? g) b = ?? 1 ? ? K + rb ? (? + ?)
Y?
23 La dynamique transitoire du modèle permet de calculer le passage d’un état stationnaire vers un autre. Une définition théorique de cette dynamique est nécessaire. A cette fin, nous devons exprimer des conditions initiales décrivant l’état de tous les agents hétérogènes et du gouvernement à la date t = 0. Etant données ces conditions initiales, la transition définit des sentiers pour les variables rt, w?t, Y?t, Nt, K?t, B?t, T?rt et ??t qui sont cohérents avec les règles de décision des agents. Cependant, toutes les variables ci-dessous ne sont pas mutuellement indépendantes et la dynamique transitoire peut être résumée en suivant la trajectoire des variables (rt) t ? 0, (Nt) t ? 0. Nous pouvons à présent définir la dynamique transitoire elle-même :
24 Etant données les conditions initiales { ?0 (., .), B?0 } et le vecteur définissant la trajectoire des variables de politique économique { bt, ?t, ?t }, un équilibre dynamique à anticipations rationnelles est défini par :
25 tel que :
26 1. A toute date T, étant donnés les vecteurs sont les règles de décisions dérivées du programme (2),
27 2. A toute date T, ?T + 1 s’obtient à partir de ?T et des règles de décision ci-dessus,
28 3. A toute date T, les marchés du travail et du capital sont à l’équilibre :
K?T + B?T = e??E ? â?T(â, e) dâ
29 4. A toute date T, les prix des facteurs de production sont tels que :
w?T = FN? (K?T, NT)
30 5. A toute date T, la loi d’évolution du stock de dette publique est la suivante :
1.3. Etalonnage
31 L’étalonnage du modèle reprend celui de Floden (2001) qui a également été employé par Desbonnet et Weitzenblum (2011). Nous nous limitons donc volontairement à une description sommaire de cette étape. La période du modèle est l’année. La productivité des agents a deux composantes. La composante permanente de la productivité peut prendre deux niveaux : haute ou basse. Pour chaque classe de productivité permanente, il existe une composante transitoire engendrée par le processus AR(1) suivant :
32 avec ? la persistance du processus et ? l’innovation avec ?-N (0, ??). Ce processus est transformé en une chaîne de Markov à 7 états en utilisant la procédure décrite dans Tauchen (1986). Au final, il existe 14 niveaux de productivité, divisés en deux sous-catégories : E1 = {e1, e2, e3, e4, e5, e6, e7} et E2 = { e8, e9, e10, e11, e12, e13, e14 }. La moitié des agents est dans E1 tandis que le reste est dans E2. L’étalonnage cible une valeur du ratio capital sur PIB de 2,5, en ajustant le facteur d’escompte ?. Les valeurs des paramètres sont reportées dans le Tableau 1.
Valeurs des paramètres du modèle
? | ? | ? | ? | ? | ? | ? | g | ? | ? | ?? |
1,5 | 0,9885 | 0,075 | 0,217 | 0,3 | 2 | 0,082 | 0,0185 | 9,1449 | 0,9 | 0,21 |
Valeurs des paramètres du modèle
2. Résultats
33 Les simulations opérées dans cette section ont pour objet d’étudier dans quelle mesure les politiques d’ajustement de la dette publique et des transferts interagissent entre elles. Dans un premier temps, nous illustrons l’effet de l’accompagnement du désendettement de l’Etat par une modification temporaire des transferts. Dans un second temps, nous étendons l’exercice de Desbonnet et Weitzenblum [2011], en considérant la tentation d’ajuster non seulement la dette publique mais également, et de manière symétrique, les transferts.
2.1. Quelles réductions de la dette publique sont-elles acceptables ?
34 Nous envisageons ici des politiques de réduction de la dette publique pour un niveau de transfert fixé, en décrivant la dynamique d’ajustement d’un équilibre stationnaire à un autre. Les résultats de Floden (2001) illustrent les gains de bien-être de long terme provenant de la fixation de la dette à son niveau optimal. Si ces gains sont relativement faibles, Desbonnet et Weitzenblum (2011) montrent que (i) l’existence de gains de court terme, qui ne peut être appréhendée que par la transition, peut mener vers des niveaux de dette nettement supérieurs à l’optimum de long terme et (ii) ces gains sont sensiblement supérieurs à ceux tirés de comparaisons d’états stationnaires. Cependant, ils ne sont pas uniformément répartis. En effet, les différences entre agents étant multiples -écarts temporaires et permanents de salaire, ainsi que richesse financière courante-, les effets de la hausse de la dette sont ressentis différemment suivant la situation individuelle de l’agent considéré. L’accroissement de la dette publique permet, à la date de son implémentation, de réduire temporairement le taux de taxe, ce qui est bénéfique aux agents dont les revenus sont élevés : soit parce qu’ils disposent d’un salaire temporairement haut, soit parce qu’ils disposent d’un stock d’actifs financiers conséquent. Une autre catégorie d’agents bénéficie relativement plus de cette politique : ceux qui sont contraints par la liquidité, et pour lesquels le relâchement, même temporaire, de cette contrainte, profite relativement plus qu’aux autres agents. En revanche, la hausse de la dette détériore le bien-être des classes intermédiaires de revenus, car pour elles, les effets néfastes à long terme (éviction du capital privé et hausse des prélèvements qui accroît l’effet distorsif des taxes) dominent les gains de courte période.
35 Nous retenons le critère utilitariste comme mesure du bien-être social. Le critère utilitariste, soit la somme des utilités intertemporelles, s’écrit :
36 Les variations de bien-être sont évaluées à la date t = 0, au moment de la mise en place de la politique économique, et sont calculées par rapport au bien-être à la même date en l’absence de pareil choc. Pour faciliter l’interprétation des résultats, ces variations d’utilité intertemporelle sont transformées en points de consommation permanente [3].
37 Dans un premier temps, en partant de la situation de référence caractérisée par un ratio dette/PIB de 2/3 et un transfert de 8,2 % du PIB, nous envisageons des accroissements définitifs et instantanés, à la date t = 0, de la dette publique, d’un incrément de 1 point de PIB. Nous faisons l’hypothèse que la dette publique atteint, dès la première date de la transition (t = 0), son niveau final après le choc d’augmentation de la dette. Ce niveau correspond au ratio dette/PIB de l’état final évalué avec le PIB de l’état final. Ainsi, sur le sentier de transition, la fraction effective que la dette représente, en proportion du PIB, varie, car le PIB lui-même varie, alors que la dette atteint instantanément son niveau final [4]. Si le choc élève le critère utilitariste, nous considérons que cette politique est choisie. Nous partons alors du nouvel équilibre stationnaire initial caractérisé par le ratio dette/PIB augmenté d’un point, et évaluons l’effet d’une augmentation supplémentaire d’un point, et ainsi de suite, tant que la hausse de 1 point de la dette élève le bien-être social. Les simulations révèlent que ces chocs engendrent une élévation du bien-être mesuré à la date initiale de la transition, jusqu’à ce que le ratio atteigne le niveau de 686 % [5]. Cette incitation à accroître la dette est d’abord due aux gains, à court terme, d’une dette accrue, donc à une baisse du taux de taxe. En revanche, à long terme, le bien-être collectif est abaissé, en raison des effets distorsifs de la dette dus à l’élévation du taux de prélèvement. Le fait que le PIB diminue à mesure que la dette s’élève est là pour en témoigner (le PIB pour une dette de 686 % ne vaut que 84,3 % du PIB pour une dette de 2/3). Par ailleurs, bien que la dette publique soit très forte, elle ne pose pas ici de problème de soutenabilité, notamment grâce aux gains de productivité qui allègent le coût de la dette. Quantitativement, le taux de prélèvement passe de 37,6 % pour une dette de 2/3, à 50,0 % pour une dette de 686 %.
38 A la lumière de ce résultat, il est donc légitime de considérer une situation initiale où l’Etat aurait précédemment profité de ces gains temporaires en cédant à la tentation de courte période d’accroître la dette publique. Nous posons à présent la question de savoir à quel autre choc fiscal la baisse de la dette publique pourrait être associée, de façon à rendre pareil ajustement souhaitable au regard du critère utilitariste [6]. Il est clair qu’au sein des multiples combinaisons de chocs fiscaux envisageables, nous nous pencherons uniquement sur un cas particulier, sans justifier pourquoi cette combinaison devrait être préférée à d’autres. L’objectif est avant tout ici de proposer des politiques économiques telles que le coût temporaire à réduire la dette puisse être surmonté, au regard du critère utilitariste.
39 Parmi les choix possibles de chocs associés à la baisse de la dette publique, celui du transfert forfaitaire apparaît naturellement. En effet, les effets à court terme, et qui expliquent l’existence de cette forte incitation à accroître la dette, sont dus à la baisse du taux de taxe pour les agents disposant de revenus élevés, et au relâchement de la contrainte d’endettement, pour les agents butant sur cette contrainte. Dès lors, les premiers risquent de plaider en faveur d’une baisse des transferts, de manière à limiter l’ampleur de la hausse des prélèvements consécutive à un désendettement de l’Etat, lorsque les seconds devraient souhaiter une hausse des transferts. En d’autres termes, si le signe de la variation des transferts susceptible d’accompagner avantageusement le désendettement de l’Etat n’est pas évident a priori, il apparaît clairement que cette politique allègera le coût du désendettement pour une fraction ou une autre de la population. Enfin, la baisse de la dette élevant le taux de taxe, uniquement à la date de son implémentation, nous considérons ici un ajustement transitoire des transferts opéré lui aussi exclusivement à la date initiale. L’ajustement de la dette reste quant à lui permanent. De cette façon, l’équilibre final de long terme sera inchangé en termes de transferts, et correspondra à un niveau de dette inférieur.
Trajectoire du capital, du taux d’intérêt, de l’offre de travail, de la consommation, du PIB et des taxes pour une politique de baisse de la dette de 350 % vers 349 %.
Trajectoire du capital, du taux d’intérêt, de l’offre de travail, de la consommation, du PIB et des taxes pour une politique de baisse de la dette de 350 % vers 349 %.
40 En partant du ratio dette/PIB de 686 %, nous simulons la dynamique d’ajustement due à une réduction de ce ratio d’un point, en la combinant à une variation transitoire des transferts, de signe et d’amplitude variables. Tant que la politique combinée donne lieu à une élévation du critère utilitariste, nous considérons que cette baisse est mise en oeuvre, et partons du nouvel équilibre stationnaire pour une dette réduite d’un point. En répétant cet exercice autant que nécessaire, nous déterminons le niveau de dette en-deçà duquel les agents ne sont plus prêts à accepter une telle politique, selon le critère utilitariste. Au regard de ce critère, il n’est jamais intéressant de réduire la dette en compensant par une baisse du transfert de 0,5 point à la date t = 0. Concernant une hausse transitoire du transfert de 0,5 point (soit un transfert transitoire de 8,7 %), la baisse de la dette accroît le bien-être jusqu’au seuil de 305 %. En compensant par un transfert transitoire de 9,2 %, la baisse de la dette se poursuit jusqu’au seuil de 84 %. Pour le plus fort ajustement de transfert transitoire ici envisagé, soit 9,7 %, la déviation à la baisse de la dette cesse d’être bénéfique en – 28 %.
41 Les résultats de ce choc combiné, où le gouvernement réduit la dette de 350 % vers 349 % du PIB, sont reportés sur les Graphiques 1 et 2. Le Graphique 1 présente les trajectoires, lors de la transition de l’état initial vers l’état final, du stock de capital, du taux d’intérêt, de l’offre de travail, de la consommation, du PIB et des taxes pour un ajustement à la date t = 0 du transfert de –0,5 point (soit un transfert de 7,7 %) et +0,5 point (soit un transfert de 8,7 %). La baisse – comme la hausse – transitoire du transfert, couplée à une baisse permanente de la dette, s’accompagne d’une hausse immédiate du niveau des taxes. A l’issue de la transition, toutefois, le désendettement permet de réduire les taxes par rapport à leur niveau initial. La hausse des taxes à la date t = 0 exerce un effet négatif sur l’offre de travail, mais à long terme, le désendettement marginal de l’Etat, en réduisant les prélèvements à long terme, a tendance à accroître la quantité de travail, par rapport à l’équilibre stationnaire initial. La consommation baisse immédiatement en raison de la hausse des taxes et de la baisse de l’offre de travail, mais se fixe à un niveau plus élevé dans l’état final que dans l’état initial. La hausse transitoire des taxes tend à abaisser l’épargne des ménages. A long terme, en revanche, l’effet d’éviction du capital privé par la dette publique est réduit, et le capital s’élève par rapport à son niveau initial. Les effets sur le taux d’intérêt brut et le PIB sont la résultante des ajustements de l’offre de travail et du stock de capital.
42 Sur le Graphique 2, nous considérons les effets d’un ajustement transitoire du transfert passant de 8,2 % du PIB aux différentes valeurs suivantes : 7,7 %, 8,7 % et 9,7 % du PIB. Le graphique présente le gain de bien-être mesuré en points de consommation permanente que cette politique procure par rapport au status quo, et ceci pour certaines catégories de productivité [7], en fonction de leur stock d’actifs financiers.
43 Dans le cas où le transfert vaut transitoirement 7,7 % – ce qui correspond à une baisse du transfert de 0,5 point – on observe (cf. Graphique 1) une hausse du taux de taxe à court terme, qui est toutefois faible, car la baisse des transferts compense partiellement l’effort de désendettement. Cette hausse de la taxation est bien plus modérée dans ce cas que dans ceux où le transfert augmente à la date initiale. Seules quelques catégories particulières de productivité sont favorables à cette politique et ceci pour des niveaux bas d’actifs. Il s’agit des catégories e8 et plus marginalement e11, i.e. deux catégories ayant une composante permanente de productivité élevée et une composante transitoire de productivité faible ou modérée. Il s’agit des catégories d’agents les plus favorables à une hausse dans le long terme du salaire. En effet, la politique de baisse permanente de la dette s’accompagne d’une baisse du taux d’intérêt et d’une hausse du salaire à long terme. Pour ces agents, le gain à long terme de la hausse du salaire et de la baisse des taxes compense un choc transitoire de transfert négatif et une légère hausse du taux de prélèvement. Pour les agents appartenant à ces catégories de productivité et ne disposant pas d’actifs financiers, la baisse du transfert les affecte davantage, c’est pourquoi ils voient leur bien-être se détériorer. Pour les agents à salaire courant élevé (catégories e7 et e14), la hausse du taux de taxe est particulièrement coûteuse.
Gain de bien-être pour une baisse de la dette de 350 % vers 349 %, pour différents niveaux de transfert et différentes catégories de productivité.
Gain de bien-être pour une baisse de la dette de 350 % vers 349 %, pour différents niveaux de transfert et différentes catégories de productivité.
44 Dans le cas de la hausse transitoire du transfert, les effets sont similaires, que l’amplitude du choc s’élève à 0,5 point (transferts transitoires de 8,7 % du PIB) ou à 1,5 point (transferts de 9,7 %). La hausse à court terme du taux de taxe est acceptée, car elle est plus que compensée par la hausse transitoire du transfert pour la plupart des catégories d’agents lorsque leur niveau d’actif courant est relativement faible. Lorsque la richesse financière des agents s’accroît, cette politique cesse d’être souhaitée, car d’une part cette hausse transitoire des taxes n’est pas la bienvenue et, d’autre part, à long terme cette politique s’accompagne d’une baisse du taux d’intérêt. Enfin, on peut noter dans cet exemple que pour certaines catégories de productivité, la politique de baisse de la dette accompagnée d’une hausse transitoire du transfert donne toujours lieu à une détérioration du bien-être. Il s’agit des agents dont la composante transitoire de productivité est la plus élevée. En effet, la ponction fiscale accrue vient réduire le salaire net précisément lorsque celui-ci est transitoirement élevé, et les effets favorables de long terme ne parviennent pas à compenser cette perte.
2.2. Ajustements symétriques de la dette et des transferts
45 La section précédente a fourni une illustration de combinaisons de chocs sur la dette et les transferts rendant acceptable le désendettement de l’Etat. Toutefois, l’incitation à accroître à nouveau la dette publique se fera mécaniquement sentir, car l’économie sera simplement revenue à une situation où la dette publique est réduite, et les transferts se situent à leur niveau initial.
46 Pour qu’à l’équilibre final, la dette publique soit abaissée par rapport au ratio de 686 % mis en évidence ci-dessus, et que l’incitation à accroître à nouveau la dette ait disparu, un autre instrument fiscal devra être modifié. Le cadre épuré du modèle invite à considérer les transferts comme étant cet autre instrument. Plutôt que de considérer un choc exogène sur les transferts, ad hoc, on peut se poser la question de l’incitation à augmenter les transferts, de manière symétrique à celle pour la dette publique.
47 L’incitation à accroître – ou réduire – les transferts peut être décrite à dette publique donnée, mais alors, pour ce nouveau niveau de transferts, on peut se demander dans quelle mesure les autorités pourraient souhaiter dévier en termes de dette publique. Cette dernière étant modifiée, l’incitation à modifier le niveau des transferts risque à son tour d’en être affectée, et ainsi de suite. Ce raisonnement circulaire invite à chercher un équilibre à partir duquel l’Etat n’aurait plus aucune incitation à ajuster la dette et les transferts. A cette fin, nous proposons de considérer les ajustements suivants : (1) en partant de l’équilibre stationnaire initial correspondant au modèle étalonné (b = 2/3 et ? = 8,2%), nous simulons les effets d’un accroissement marginal (1 point) instantané et définitif du ratio dette/PIB jusqu’à trouver la situation au-delà de laquelle l’Etat ne souhaite plus accroître le niveau de dette publique (686 %) ; (2) en considérant cet état final comme nouvel équilibre initial, nous testons les déviations instantanées et définitives en termes de transfert – à la hausse comme à la baisse – qui engendrent des gains de bien-être. De proche en proche, nous ajustons le transfert, et simulons les transitions d’un état stationnaire à un autre, jusqu’à aboutir à une situation telle qu’aucune variation ultérieure ne soit désirable ; (3) à partir de cet état, nous revenons à l’étape précédente en simulant les effets de la déviation en termes de dette, et ainsi de suite.
48 Si ce processus converge, alors l’équilibre final est tel que le bien-être ne peut être accru ni par un ajustement permanent de la dette, ni par un ajustement permanent des transferts. Cet algorithme ne garantit toutefois pas, ni l’existence de pareil équilibre, ni son unicité [8]. Une condition nécessaire évidente à l’existence et à l’unicité de l’équilibre est que ce processus converge quel que soit l’équilibre stationnaire initial. Enfin, il est clair que cet équilibre est stable au sens de la déviation unilatérale de chacun des deux instruments fiscaux considérés, mais cela ne garantit pas qu’il n’existe aucune combinaison de chocs simultanés de ces deux instruments qui accroisse le bien-être social.
49 Pour illustrer ce processus de tâtonnement, nous partons de l’équilibre stationnaire correspondant à l’étalonnage du modèle, et implémentons deux processus de déviations successives : le premier, respectant le cheminement décrit ci-dessus et le second, différant du premier par le fait que la première déviation porte sur les transferts et non sur la dette [9]. Sur le Graphique 3 nous représentons par des traits épais la succession de déviations pour des variations de la dette de ± 1 point et des transferts de ± 0,05 point.
Trajectoires de déviations successives en dette et transfert.
Trajectoires de déviations successives en dette et transfert.
50 De ces graphiques, il ressort que : (1) le transfert initial (8,2 %) est fortement sous-optimal, quel que soit le niveau de la dette publique ; (2) à chaque étape des deux cheminements, l’Etat est incité à ajuster le transfert jusqu’à un niveau d’autant plus haut que la dette publique est basse ; (3) inversement, la dette publique optimale au sens des déviations est d’autant plus élevée que le transfert est bas.
51 On peut également noter que les deux simulations, si elles décrivent des couples (dette, transfert) qui se rapprochent progressivement l’un de l’autre, n’aboutissent pas exactement au même équilibre, le processus de convergence des deux trajectoires étant stoppé avant son achèvement. La trajectoire sur laquelle la dette croît atteint le point (b = 476 % ; ? = 16,85 %) et l’autre trajectoire atteint finalement (b = 518 % ; ? = 16,10 %). Ceci tient à ce que les effets sur le bien-être de chocs opposés et de même amplitude (dans ces simulations, ± 1 point pour le ratio dette/PIB et ± 0,05 point pour le transfert), ne sont pas exactement symétriques. Il s’ensuit que pour certains équilibres, le status quo est préférable à tout choc, à la hausse comme à la baisse. Cette préférence pour l’inaction est due à l’amplitude du choc considérée ici : si un choc très faible – par exemple, un choc à la hausse de 0,1 point de la dette – est souhaité, il est possible qu’un choc de 1 point ne soit, lui, pas désiré (a fortiori, une baisse de 1 point ne sera pas désirée non plus). Pour tester cette conjecture, nous partons du dernier équilibre de chacune des deux trajectoires, et considérons désormais des chocs de 0,2 point de PIB pour la dette et de 0,01 point de PIB pour le transfert. Ces deux trajectoires apparaissent également sur le Graphique 3, par les trajectoires en trait fin, qui poursuivent celles en trait épais.
52 La prise en compte de chocs d’amplitude réduite permet de prolonger considérablement le processus d’ajustement. La trajectoire ascendante en termes de dette atteint le point (b = 488 % ; ? = 16,61 %) et la trajectoire descendante en dette, le point (b = 502 % ; ? = 16,39 %). En mesurant l’écart de convergence entre les deux trajectoires par la différence des ratios dette/PIB finaux, on voit qu’en ayant divisé par un facteur 5 l’amplitude des chocs, l’écart est lui-même divisé par 3 ([488 % ; 502 %] contre [476 % ; 518 %] précédemment), et devient négligeable [10]. On peut donc considérer que l’équilibre stable au sens des déviations unilatérales en dette et en transfert, se situe aux environs de b = 495 % et ? = 16,5 %.
53 Rappelons que Floden (2001) a montré que l’optimum de long terme par rapport à la dette et au transfert est atteint pour un ratio dette/PIB de –100 % et un transfert de 23 % du PIB. Son analyse, reposant sur des comparaisons d’états stationnaires, ne prend pas en compte les effets de court terme. Il apparaît donc qu’à cet optimum de long terme, l’incitation à accroître la dette – prise en compte dans la dynamique transitoire – est trop forte et qu’en conséquence il est souhaitable de réduire les transferts. La prise en compte de l’incitation à surprendre les agents en ajustant la dette publique affecte considérablement l’opportunité de modifier ultérieurement les transferts : ces derniers qui s’élèvent à 23 % à l’optimum de long terme, ne valent plus qu’environ 16,5 % ici. L’effet sur le ratio dette/PIB d’équilibre est lui encore plus fort, puisqu’à l’équilibre stationnaire, la dette publique maximisant le critère utilitariste vaut –100 %, contre environ 495 % ici.
54 Pour mieux comprendre pourquoi l’optimum de long terme relatif à la dette publique et aux transferts donne lieu à des incitations à accroître la dette et à réduire les transferts, nous pouvons reprendre le processus de déviations successives de la dette et des transferts présenté ci-dessus, en partant de l’optimum de long terme mis en avant par Floden (2001). Quel que soit l’ordre des déviations – débutant par un ajustement, soit de la dette, soit des transferts –, le transfert finit par converger vers approximativement 16,5 % et la dette s’élève jusqu’aux environs de 495 % (trajectoires non reproduites). Ce fort ajustement est dû au fait que, lorsque la dette publique est très basse – voire négative –, l’incitation à créer davantage de dette est considérable. Ceci peut être illustré par l’effet de la hausse de 1 point du ratio dette/PIB en comparant deux situations initiales : l’optimum de long terme de Floden (2001) d’une part (b = ? 100 % ; ? = 23 %), et d’autre part l’équilibre stationnaire caractérisé par (b = 100 % ; ? = 23 %). Le Tableau 2 présente les effets de ce choc sur le bien-être collectif, ainsi que sur la proportion d’agents favorable à cette politique.
Effets sur le bien-être et proportions d’agents en faveur d’une hausse de 1 point du ratio dette/PIB
b = ? 100 % ; ? = 23 % | b = 100 % ; ? = 23 % | |
?C C Prop. agents en faveur |
+0,020 % 96,0 % |
+0,005 % 56,8 % |
Effets sur le bien-être et proportions d’agents en faveur d’une hausse de 1 point du ratio dette/PIB
55 Il est patent que les gains d’une hausse de la dette sont d’autant plus forts que la dette est très éloignée du niveau au-delà duquel les déviations ne sont plus souhaitables (qui, pour un transfert de 23 %, se situe à 363 %). Le surcroît d’effet distorsif à long terme – à la fois sur l’offre de travail et sur l’offre de capital – provenant d’un accroissement de 1 point du ratio dette/ PIB est sensiblement plus faible pour une dette elle-même très faible. C’est ce que le Graphique 4 représente : en normalisant à 1 la consommation agrégée à la date initiale pour chacune des deux trajectoires, on voit clairement que le coût à long terme en consommation est, en termes relatifs, plus faible pour une dette initialement très basse, et que les gains transitoires sont eux, nettement plus forts.
Trajectoire de consommation normalisée.
Trajectoire de consommation normalisée.
56 Précisons enfin que l’économie décrite dans ce modèle est fermée : aucun échange avec l’extérieur n’est pris en compte, et l’intégralité de la dette publique est détenue par les résidents. Dans le cas d’une économie ouverte, les gains provenant d’une augmentation de la dette publique pourraient être moindres, ce qui nuancerait les résultats présentés ici. D’une part, à mesure que la dette s’élèverait, une fraction de plus en plus élevée du PIB serait ponctionnée par l’extérieur, réduisant d’autant la base fiscale. Les simulations (résultats non reproduits ici) montrent que dans le cas de la petite économie ouverte, les déviations vers davantage de dette publique ne sont plus souhaitables. D’autre part, si l’on intégrait le risque de défaut de l’Etat, le taux d’intérêt auquel les Etats se financent serait croissant avec leur niveau d’endettement, ce qui réduirait l’attractivité des politiques d’augmentation de la dette.
3. Conclusion
57 Dans cet article, et à la suite de Desbonnet et Weitzenblum (2011), nous étendons le modèle de Floden (2001) en modélisant explicitement la dynamique transitoire entre différents états stationnaires caractérisés par différents niveaux de dette publique et de transfert. Dans un premier temps, nous montrons que, lorsque la dette publique se trouve initialement à un niveau élevé, une combinaison judicieuse de réduction de la dette et de hausse temporaire des transferts ne détériore pas le bien-être collectif. Dans un second temps, nous traitons de manière symétrique les incitations à ajuster définitivement la dette et les transferts. Il apparaît que l’optimum en termes de dette et de transferts, proposé par Floden (2001) et reposant sur des comparaisons d’états stationnaires, n’est pas stable au sens qu’il donne lui-même lieu à une forte tentation de surprendre les agents en modifiant l’un ou l’autre de ces deux instruments. En partant d’une situation représentative l’économie américaine, les gains à ajuster dette et transfert cessent pour un transfert aux environs de 16,5 %, contrairement aux 23 % de Floden (2001). La dette publique se situe aux environs de 495 %, à comparer à l’excédent (–100 %) mis en avant par Floden (2001). Bien que l’ajustement du transfert donne lieu à de forts gains de long terme, les tentations de créer davantage de dette en surprenant les agents demeurent substantielles, et illustrent à quel point la tentation de profiter de gains de courte période peut entrer en opposition avec l’objectif de bien-être de long terme.
Bibliographie
Références bibliographiques
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Mots-clés éditeurs : dette publique, transition, Fiscalité, transferts
Mise en ligne 01/03/2013
https://doi.org/10.3917/redp.226.0903Notes
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[*]
Les vues exprimées dans cet article n’engagent que l’auteur et ne re?ètent pas nécessairement celles de la Banque de France. Banque de France, Université Paris-Dauphine (LEDa)
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[**]
Université Paris-Dauphine (LEDa)
-
[***]
Toulouse School of Economics (GREMAQ) et CEPREMAP
-
[?]
Les auteurs remercient les deux rapporteurs pour leurs précieuses remarques et suggestions. Correspondance : EQUIPPE – Université Lille 2/Faculté de Droit, 1 place Déliot, 59000 Lille. E-mail : thomas.weitzenblum@univ-lille2.fr. Tel : +33 (0) 3 20 90 75 35. Université Lille 2, EQUIPPE et CEPREMAP.
-
[1]
Nous noterons une variable dé?atée à l’aide d’un chapeau tel que x?t = xt / (1 + g)t.
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[2]
La dette publique considérée ici est nette au sens où celle-ci peut être négative et correspondre à une accumulation nette d’actifs financiers par l’Etat. La dette n’est cependant pas nette d’actifs non financiers (terrains, bâtiments) qui sont absents de la modélisation.
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[3]
Pour chaque choc de politique économique, le critère utilitariste correspondant est transformé en niveau de consommation constante d’un agent à durée de vie infinie, dont la fonction d’utilité est donnée par (1).
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[4]
Ce choix de modélisation a été opéré, car, en son absence, les ?uctuations du PIB, qui, en raison de celles de l’offre de travail et de l’accumulation de capital, peuvent être conséquentes, auraient un fort effet sur l’évolution de la dette sur la transition, et donc sur le taux de prélèvement.
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[5]
Ce résultat diffère de celui de Desbonnet et Weitzenblum [2011], car les chocs opérés ici sont d’une amplitude de 1 point, et parce que la dette atteint instantanément son niveau final.
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[6]
Précisons que les considérations liées au processus du choix collectif – aux types de choix alternatifs proposés aux agents – ne seront pas abordées ici. En d’autres termes, il est possible qu’une procédure de choix collectif soigneusement modélisée ne permettrait peut-être pas d’aboutir aux ajustements proposés.
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[7]
Sur les 7 niveaux de productivité temporaire, nous représentons les niveaux extrêmes et le niveau médian.
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[8]
Comme il est usuel avec ce type de modèle résolu numériquement, la convergence est gage de l’existence. En revanche, l’unicité ne peut être déduite de simulations.
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[9]
L’état initial est donc identique, mais les transferts sont ajustés prioritairement.
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[10]
En l’état, nous ne pouvons ni prouver, ni même illustrer numériquement, que la prise en compte de chocs d’amplitude arbitrairement faible garantirait la convergence totale des deux trajectoires, quoiqu’il soit raisonnable de le supposer.