Notes
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[1]
THEMA, Université de Cergy-Pontoise, CREST-INSEE. email : bec@ensae.fr
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[2]
Centre d’Etudes de l’Emploi, Paris School of Economics and Université de Paris-Est, France.
-
[3]
Banque de France, DGEI-DCPM, Paris, France et LEDa-Université Paris Dauphine.
-
[4]
Kim et al. [2005] ou Morley et Piger [2012] considèrent quant à eux une généralisation du modèle à changement de régime markovien pour tenir compte des effets rebonds.
-
[5]
Voir Bec et al. [2011a] pour une illustration graphique de ces effets.
-
[6]
Voir Bec et al. [2011b] pour une description détaillée de la méthode d’estimation de ce type de modèles.
Introduction
1 D’après Friedman [1993], « une forte contraction du produit tend à être suivie par une forte expansion de l’activité économique ; une contraction moins sévère par une expansion moins forte ». Ce constat, que l’on trouve dans les propos de l’auteur dès 1964, suggère que l’intensité des reprises peut être directement liée à la profondeur de la crise. Sichel [1994] est sans doute le premier à avoir explicitement tenu compte de ce phénomène en explorant la possibilité d’un troisième régime, en plus des régimes de récession et d’expansion habituellement retenus dans la littérature sur l’économétrie des séries temporelles non linéaires. Son étude empirique sur données américaines d’après-guerre révèle bien trois phases dans le cycle conjoncturel américain : la contraction de l’activité, suivie d’une période de reprise soutenue, correspondant à un effet rebond, avant le retour à un régime d’expansion modérée. Plus récemment, ce résultat est également mis en évidence par Kim, Morley et Piger [2005], Bec, Bouabdallah et Ferrara [2011a] ou encore Bec, Bouabdallah et Ferrara [2011b] pour des données de PIB réel relatives à des périodes et/ou des pays différents. Le produit étant la somme des ventes finales et des variations de stocks, Sichel [1994] conclut de l’absence d’effet rebond dans la série américaine des ventes finales que le troisième régime de forte reprise du PIB réel de ce pays provient nécessairement du comportement non linéaire des variations de stocks, sans toutefois en apporter la preuve directe.
2 Sur le plan théorique, des modèles macro-économiques dynamiques stochastiques d’équilibre général récents plaident en faveur de cette thèse. Par exemple, le modèle de Wang et Wen [2009] implique que des variations de stocks procycliques peuvent amplifier la volatilité du produit et transmettre les chocs agrégés via un effet en cloche sur le produit. Dans ce modèle en effet, les stocks sont constitués par les entreprises afin de lisser leurs coûts de production. Comme le suggère Eichenbaum [1989], afin de maximiser leur profit les entreprises répondent à des chocs favorables (respectivement défavorables) sur leurs coûts de production en produisant plus (moins) que leurs ventes, et donc en stockant (déstockant). Un autre exemple de modèle macro-économique capable de rendre compte d’un effet déstabilisant des variations de stocks sur les ?uctuations conjoncturelles est celui de Wang, Wen et Xu [2011]. Il s’appuie sur une règle de type (S, s) pour le comportement de stockage des entreprises, comme dans Kahn et Thomas [2007], et suppose en plus soit que le taux d’utilisation des capacités est variable, soit qu’il existe des coûts d’ajustement du capital. En effet, l’une ou l’autre de ces hypothèses permet d’expliquer la nature déstabilisante de la dynamique des stocks en limitant l’effet vase communicant entre variations de stocks et ventes finales qui, sinon, laisserait l’output total inchangé. Ces deux modèles théoriques suggèrent donc que la dynamique du produit peut passer par des phases de reprise prononcée dès lors que c’est aussi le cas pour la dynamique des stocks.
3 À notre connaissance, la dynamique des stocks a été peu étudiée sous cet angle-là sur le plan empirique, en dépit de l’idée très répandue parmi les conjoncturistes de l’importance du rôle des stocks dans le cycle conjoncturel. Récemment, Bec et Ben Salem [2012] ont mis en évidence l’existence d’un effet rebond dans les séries de contribution des variations de stocks au taux de croissance du PIB réel issues des comptes trimestriels français et américain pour la période d’après-guerre, à partir du modèle autorégressif à seuil avec effet rebond développé par Bec et al. [2011b]. Ce modèle empirique est une généralisation du modèle autorégressif à seuil (Threshold Auto-Regression) qui incorpore une phase de reprise vigoureuse survenant après le creux du cycle [4]. L’intérêt de ce modèle repose en particulier sur la simplicité avec laquelle il permet de tester à la fois l’existence et la forme de l’effet rebond. Cependant, les résultats plutôt favorables à l’existence d’un effet rebond obtenus par Bec et Ben Salem [2012] sont à confirmer du fait de la nature même des données utilisées. En effet, les variations de stocks ne font pas l’objet d’une évaluation directe dans les comptes trimestriels français mais sont obtenues comme un résidu de l’équilibre emplois-ressources. L’agrégat variations de stocks intègre donc également les erreurs potentielles réalisées lors du relevé ou de l’estimation des différentes composantes du PIB. Par ailleurs, les comptes trimestriels publiés par l’Insee ne sont figés que 3 ans après leur première publication et donnent lieu auparavant à de fréquentes révisions. Par construction, la composante variations de stocks est particulièrement sensible à ces révisions.
4 L’apport principal de cet article est de remédier à cet inconvénient en utilisant des données issues d’enquêtes d’opinion. Les enquêtes de conjoncture fournissent une évaluation qualitative mais directe du niveau des stocks via le jugement des chefs d’entreprise interrogés tous les mois par les instituts statistiques nationaux. Les données d’enquête ont également l’avantage d’être disponibles rapidement et d’être peu révisées. Elles existent en outre depuis 1985 pour un grand nombre de pays européens. Ainsi, dans cet article, la question d’un effet rebond dans les stocks est examinée aussi bien en France qu’en Allemagne et en Europe, entre le premier trimestre de 1985 et le dernier de 2011. Les résultats qui découlent de cette étude confirment ceux obtenus par Bec et Ben Salem [2012] concernant l’effet rebond dans la dynamique des variations de stocks. De plus, la prise en compte de cet effet rebond améliore significativement la précision de la prévision à court terme en Allemagne et en Europe. Ces conclusions permettent de supposer que l’effet rebond trouvé dans le taux de croissance du PIB provient de celui des variations de stocks, comme le suggérait Sichel [1994].
5 La section 1 présente le modèle à seuil avec effet rebond et les différentes formes d’effet rebond susceptibles d’être capturées dans ce cadre. Les données sont décrites dans la section 2, qui expose également les résultats des tests de linéarité et de l’estimation des modèles avec effet rebond. La section 3 évalue la capacité prédictive de ces modèles, en particulier lors de la récession de la fin des années 2000. La dernière section présente des éléments de conclusion.
1. Un modèle auto-régressif à seuil avec effet de rebond
6 Le modèle utilisé ici est un modèle auto-régressif à seuil, de type TAR, augmenté d’une fonction susceptible de capturer un effet rebond de forme assez générale. Il s’inspire du modèle proposé par Bec et al. [2011b] et ne s’en écarte, comme nous le verrons ci-dessous, que par le choix de la variable qui gouverne la transition entre régimes. En notant xt la série représentant les variations de stocks que nous décrirons plus précisément à la section suivante, le modèle TAR avec effet rebond s’écrit :
7 où µt est défini par
l+m l+m l+m
+ ?1 st j =?l+1 st ? j + ?2 (1 ? st) j =?l+1 st ? j + ?3 j =?l+1 ?yt ? j ? 1 st ? j,
8 et où ? (L) est un polynôme de retards d’ordre p dont les racines sont de module supérieur à un et et est i.i.d. (0, ?). Les paramètres (l, m) ? N × N correspondent respectivement au retard avec lequel s’exerce l’effet rebond et à la durée de ce dernier. Les paramètres ?i, i = 1, 2, 3, capturent l’existence et l’amplitude du phénomène de rebond. La fonction indicatrice qui gouverne les changements de régime est définie par :
9 où ? ? ?? est le seuil supposé négatif et ?yt ? 1 est le taux de croissance du PIB réel retardé d’une période. Dans le modèle BBF(p, m, l) défini par les équations (1) à (3), la variable de transition n’est donc pas la variable expliquée, contrairement au modèle proposé par Bec et al. [2011b]. Il s’agit néanmoins bien d’un modèle à seuil, asymétrique, puisque la valeur de µt dépend du régime défini par st. Le terme constant par morceaux de l’équation (2) vaut ?0 si le taux de croissance du PIB réel de la période précédente est supérieur au seuil ? (i.e. régime haut, d’expansion) et ?1 sinon. On remarque que sous l’hypothèse, notée H0, selon laquelle tous les paramètres définissant les caractéristiques de l’effet rebond sont nuls (?i = 0 ?i), le modèle donné par les équations (1) à (3) se ramène à un modèle TAR standard. Tester H0: ?i = 0 ?i revient donc ici à tester l’existence même d’un effet de rebond.
10 L’originalité de ce modèle provient de la deuxième ligne de l’équation (2), qui spécifie une fonction visant à capturer un effet rebond en sortie de crise. Cette fonction reste assez générale pour englober les formes de rebond existant dans cette littérature, à savoir les reprises en U, en V ou encore celles qui dépendent de la sévérité de la récession, dites en D (pour Depth-shaped recovery), telles que décrites dans Kim et al. [2005] [5]. Ces différentes spécifications du rebond sont obtenues en imposant de simples contraintes linéaires sur les paramètres ?i de l’équation (2) :
11 Sous l’hypothèse, notée par la suite H0U, que ?1 = ?2 = ? ? 0 et ?3 = 0, le modèle donné par les équations (1) à (3) correspond au modèle de reprise en U (noté BBU(p, m, l)). En effet, µt devient :
µt = ?0 (1 ? st) + ?1 st + ? j =?l+1 st ? j, [4]
12 Par exemple, dans le cas où l = 0 et m = 3, et où la récession dure deux trimestres, l’effet rebond s’active dès le second trimestre de récession, entraînant µt au-dessus de sa moyenne de récession (?1) au niveau ?1 + ?. Ensuite lorsque l’économie rejoint le régime haut après les deux trimestres de récession, µt passe à ?0 + 2? pour deux trimestres consécutifs, puis à ?0 + ?, avant de revenir à sa valeur ?0 jusqu’à la prochaine récession : il s’agit là de l’effet rebond pour tout ? > 0.
13 Le modèle de reprise en V (ou BBV(p, m, l)) est obtenu sous l’hypothèse, notée H0V plus bas, que ?2 ? 0 et ?1 = ?3 = 0:
µt = ?0 (1 ? st) + ?1 st + ?2 (1 ? st) j =?l+1 st ? j. [5]
14 L’effet rebond est assez similaire à celui décrit plus haut, à ceci près qu’il ne se déclenche qu’après la sortie de récession, lorsque st revient à zéro. Ici encore, il s’agira d’un effet rebond si et seulement si ?2 > 0.
15 La reprise en D (ou BBD(p, m, l)), qui dépend de la profondeur de la récession, s’obtient également comme un cas particulier de l’équation (2), sous l’hypothèse notée H0D que ?1 = ?2 = 0 et ?3 ? 0:
µt = ?0 (1 ? st) + ?1 st + ?3 j =?l+1 ?yt ? j ? 1 st ? j. [6]
16 L’effet rebond qu’implique cette fonction est similaire à celui d’une reprise en U mais son amplitude est maintenant in?uencée par les valeurs de ?y au cours de la récession. Pour ?3 < 0, l’effet sera d’autant plus fort que la récession est sévère.
17 Dans le modèle BBF(p, m, l) général, l’hypothèse nulle de linéarité correspond à µt = µ constant, c’est-à-dire à ?1 = ?2 = ?3 = 0 et ?0 = ?1. Sous cette hypothèse, le paramètre de seuil n’est pas identifiable : il s’agit donc d’un paramètre de nuisance. Ce problème est bien connu dans la littérature des modèles à seuil et la solution, proposée par Davies [1987] pour tester la linéarité, consiste à calculer la statistique du SupLR dont la distribution est obtenue par bootstrap selon la méthode suggérée par Hansen [1996]. Si la linéarité est rejetée, la présence d’un effet de rebond peut alors être testée par un simple test de rapport de vraisemblance de l’hypothèse H0N dont la statistique est distribuée comme un v2 à trois degrés de liberté. Le test des différentes formes de rebond, H0U, H0V et H0D, peut ensuite être réalisé toujours à partir de la statistique de rapport de vraisemblance, distribuée cette fois comme un v2 (2).
2. La dynamique non linéaire de stocks
2.1. Les données
18 Les données utilisées dans l’étude empirique ci-dessous proviennent de l’enquête menée par la Communauté Européenne dans le secteur manufacturier. En particulier, nous utilisons le solde d’opinion sur les stocks de produits finis de la Question 4 de l’enquête « business opinion » :
« Considérez-vous que vos stocks actuels de produits finis sont…?
– + trop élevés (au-dessus de la normale)
– = adéquats (normaux pour la saison)
– - trop faibles (au-dessous de la normale) »
20 Les séries utilisées sont les soldes (en pourcentage, corrigés des variations saisonnières) des opinions positives et des opinions négatives, disponibles en fréquence mensuelle, et concernent les secteurs manufacturiers français (FR), allemand (AL) et européen (EU) pour la période 1985q1 à 2011q4. Cependant, comme le PIB n’est observé qu’à la fréquence trimestrielle, les soldes d’opinion sont trimestrialisés par moyenne des trois mois correspondants. Afin de rendre cette série comparable à des variations de stocks, on la transforme encore en prenant l’opposée de sa différence première. En effet, comme la question posée concerne clairement le niveau des stocks et non leur variation, un solde d’opinion positif signifie qu’une majorité de chefs d’entreprises considère que leur niveau de stock est trop élevé, et a donc l’intention de le réduire. Sa variation sur 3 mois est donc positive alors même que la majorité de chefs d’entreprise a déjà commencé à déstocker, ce qui correspond à une variation négative des stocks. Le graphique 1 en annexe reproduit la série des soldes d’opinions ainsi transformée pour l’Allemagne, la France et l’Europe.
2.2. Test de linéarité et estimation
21 Les moindres carrés non-linéaires [6] permettent d’estimer le modèle BBF(p, m, l). Le nombre de retards p est sélectionné comme étant le premier qui supprime toute auto-corrélation dans les résidus. Les paramètres l, m and ?, sont obtenus par balayage dans les grilles suivantes : l ? { 0, 1, 2 }, m ? { 0,..., 8 } et ? ? { ?l ; ?u }, où ?l correspond au quantile à 5 % de la variable de transition ?yt, et ?u = 0 de manière à ce que le régime bas corresponde effectivement à un régime de récession. Les valeurs estimées de ces paramètres sont reportées dans le tableau 1, qui contient aussi les valeurs de la statistique de test du SupLR et de sa probabilité associée (colonne p–value), calculées pour 2,000 tirages aléatoires sous l’hypothèse nulle de linéarité. Comme l’indique la dernière colonne du tableau 1, l’hypothèse de linéarité des variations de stocks est fortement rejetée dans le secteur manufacturier et ce pour les deux pays, ainsi qu’au niveau européen. En ce qui concerne les paramètres décrivant l’effet rebond, on note une forte similitude entre l’Europe et l’Allemagne, la France se distinguant par un effet rebond de durée plus faible (3 trimestres au lieu de 4) et plus tardif (2 trimestres après la récession plutôt que 1). Le seuil qui distingue le régime bas du régime haut correspond à une variation trimestrielle de – 0.11 % du PIB en France alors qu’il est plus proche de zéro pour l’Europe et surtout pour l’Allemagne.
Tests de linéarité
Pays | p | m? | l? | ?ˆ | SupLR | p-value |
AL FR EU |
1 1 1 |
4 3 4 |
1 2 1 |
– 0.02 – 0.11 – 0.07 |
37.84 15.41 33.43 |
0.00 0.01 0.00 |
Tests de linéarité
22 Comme la linéarité est rejetée, on poursuit l’analyse de l’effet rebond en testant les diverses spécifications définies dans la section précédente. Pour cela, il suffit de calculer les statistiques du ratio de vraisemblance correspondant aux hypothèses nulles sur les paramètres ?i de l’équation (2). Leurs valeurs sont présentées dans le tableau 2. Quel que soit le pays, l’hypothèse nulle correspondant au modèle TAR standard sans effet rebond est fortement rejetée. En s’intéressant alors à la forme de l’effet rebond, on peut noter que l’Allemagne se singularise de la France et de l’Europe car le seul modèle qui n’est pas rejeté correspond à une reprise en U, ou BBU(1, 4, 1), la probabilité associée de la statistique du ratio de vraisemblance valant 50 %. Pour les deux autres pays, aucun des trois modèles de reprise présentés précédemment (U, V ou D) ne correspond aux données puisque les hypothèses nulles correspondantes sont rejetées au seuil de 5 % contre le modèle général, respectivement BBF(1, 3, 2) pour la France et BBF(1, 4, 1) pour l’Europe. Cependant, dans ces modèles le paramètre ?3 n’est pas significativement différent de zéro. Dans la dernière colonne du tableau 2, la statistique de test du ratio de vraisemblance correspondant à l’unique contrainte ?3 = 0 a été reportée, qui confirme l’absence d’effet « Depth », ou profondeur, pour les variations de stocks en France et en Europe. C’est donc ce modèle contraint, noté BBFc qui sera analysé par la suite pour la France et l’Europe, et le modèle BBU(1, 4, 1) pour l’Allemagne. Les coefficients estimés de ces modèles sont donnés dans le tableau 3. Les valeurs estimées de ?1 et ?2 étant positives, il y a bien un effet rebond qui correspond à une valeur de µt plus élevée que sa valeur moyenne de récession puis d’expansion.
Tests du ratio de vraisemblance : spécification de l’effet rebond
Pays | H1: BBF | H 0N : pas BB | H 0U : BBU | H 0V : BBV | H 0D : BBD | H 0C : BBF |
AL FR EU | (–202.77) (–259.81) (–172.71) |
33.50 13.18 29.92 |
1.40 9.18 15.08 |
11.74 11.48 26.30 |
21.18 15.94 27.16 |
– 2.20(a) 3.18(a) |
Tests du ratio de vraisemblance : spécification de l’effet rebond
Notes : les nombres entre parenthèses sont les log-vraisemblances.Les nombres en gras indiquent le rejet à 5 % de l’hypothèse nulle.
L’exposant (a) indique que la contrainte se résume ici à ?3 = 0.
3. Précision de la prévision
23 Comme test additionnel de l’apport de la spécification avec effet de rebond pour décrire la dynamique des stocks, nous évaluons les performances prévisionnelles de cette spécification relativement aux modèles traditionnels. On obtient les prévisions à un pas par des estimations récursives en pseudo temps-réel. La date finale de notre échantillon étant le dernier trimestre de 2011 (T = 2011q4), la mesure de la précision de la prévision démarre au premier trimestre de 2006 (T0 = 2006q1) : l’échantillon d’évaluation de la prévision retenu ici couvre donc environ un quart de notre échantillon total. Pour calculer les erreurs quadratiques moyennes (Root Mean Squared Error) des prévisions de chacun des modèles étudiés, ceux-ci sont estimés à partir du début de l’échantillon d’observations jusqu’à une date t ? { T0,..., Tf ? 1 }. On obtient alors Tf ? T0 prévisions à un pas à partir de ces modèles estimés. Nous décomposons ensuite le dernier épisode de crise en une phase de contraction et une phase de reprise qui commence au trimestre suivant le creux. Pour l’Allemagne et la France, les dates de récession proviennent de l’Economic Cycle Research Institute tandis que pour la zone Euro, nous les avons calculées suivant la méthode de Bry et Boschan [1971] adaptée à la fréquence trimestrielle.
AL | FR | EU | |
?0 ?1 ?1 ?2 ?3 ?1 ? |
BBU(1, 4, 1) – 1.03 (0.32) – 2.56 (0.50) 1.22 (0.20) 1.22 0.00 0.53 (0.07) 2.01 |
BBF(1, 3, 2) – 0.66 (0.42) – 0.13 (1.45) 5.23 (2.57) 1.57 (0.61) 0.00 0.27 (0.10) 3.72 |
BBF(1, 4, 1) – 0.20 (0.17) – 1.80 (0.60) 1.98 (0.44) 0.55 (0.19) 0.00 0.60 (0.07) 1.51 |
n0 n1 R2 Q(4) [p-val] |
76 31 0.63 [0.25] |
97 10 0.21 [0.67] |
96 11 0.60 [0.39] |
24 De façon à évaluer l’apport de la non-linéarité du modèle, ces prévisions sont comparées à celles produites par un modèle auto-régressif (AR) linéaire, i.e. celui que l’on obtient en imposant la constance de µt dans l’équation (1). Ensuite, pour évaluer la contribution de l’effet rebond au pouvoir prédictif du modèle, on compare les prévisions du modèle BBF à celles du modèle TAR standard que l’on obtient en fixant tous les ?i à zéro, i = 1, 2, 3, dans l’équation (2). Les critères RMSE ainsi obtenus sont reportés dans le tableau 4. Dans la quasi-totalité des cas, le modèle BBF parcimonieux est celui qui fournit les prévisions à un pas les plus justes. C’est ainsi toujours le cas sur les données allemandes, où quel que soit le sous-échantillon considéré, ce modèle BBF contraint produit un gain de précision de 21 à 23 % comparé au modèle linéaire. C’est également le cas en Europe pour tous les sous-échantillons, avec un gain de précision comparable à celui obtenu pour l’Allemagne bien qu’un peu plus faible pour la période de reprise à partir de 2009. Les résultats sont en revanche moins convaincants sur données françaises puisque le gain maximal obtenu par le modèle avec effet de rebond n’est que de 3 % et il n’est atteint que pendant la période de reprise.
4. Conclusion
25 Cet article explore empiriquement l’existence d’un effet rebond en sortie de crise dans les variations de stocks à partir du modèle auto-régressif à seuil développé récemment par Bec et al. [2011a]. Il s’agit d’un modèle à deux régimes, expansion et récession, qui autorise une dynamique de reprise en sortie de crise temporairement plus vigoureuse que la dynamique moyenne du régime d’expansion. Ce modèle est appliqué aux données d’enquête de la commission européenne concernant l’état des stocks de produits finis des entreprises du secteur manufacturier. L’étude des soldes trimestrialisés des réponses pour l’Allemagne, la France et l’Europe entre 1985 et 2011 met en évidence l’existence d’une phase de reprise prononcée dans les trimestres qui suivent le creux de l’épisode de récession. Dans la lignée de Sichel [1994], ce résultat est favorable à l’explication de l’effet rebond dans le taux de croissance du PIB réel par l’effet rebond dans les stocks. La prochaine étape de ce projet de recherche consistera donc à tester ce lien à partir de la dynamique jointe du PIB réel et des variations de stocks dans le cadre d’un modèle BBF vectoriel à seuil.
Prévisions à un pas (RMSE relatifs)
Modèle Evaluation |
Contraction et reprise | Contraction | Reprise |
ALLEMAGNE | |||
dates 2006q1-2011q4 | 2008q3-2011q4 | 2008q3-2009q1 | 2009q2-2011q4 |
AR(1)* 3.40 | 4.27 | 5.71 | 3.78 |
TAR(1) 0.98 | 0.97 | 0.93 | 1.01 |
BBF(1,4,1) 0.82 | 0.80 | 0.80 | 0.81 |
BBU(1,4,1) 0.79 | 0.77 | 0.78 | 0.77 |
FRANCE | |||
dates 2006q1-2011q4 | 2008q2-2011q4 | 2008q2-2009q1 | 2009q2-2011q4 |
AR(1)* 4.24 | 5.07 | 4.33 | 5.31 |
TAR(1) 1.00 | 1.00 | 1.10 | 0.97 |
BBF(1,3,2) 1.13 | 1.14 | 1.06 | 1.16 |
BBFc (1,3,2) 0.99 | 0.99 | 1.06 | 0.97 |
EUROPE | |||
dates 2006q1-2011q4 | 2008q2-2011q4 | 2008q2-2009q2 | 2009q3-2011q4 |
AR(1)* 2.20 TAR(1) 1.06 |
2.74 1.07 |
3.55 1.06 |
2.24 1.07 |
BBF(1,4,1) 0.86 | 0.85 | 0.74 | 0.97 |
BBFc (1,4,1) 0.84 | 0.82 | 0.75 | 0.91 |
Prévisions à un pas (RMSE relatifs)
* : Tous les RMSE, sauf ceux du modèle AR, sont rapportés à celui du modèle AR correspondant.Soldes d’opinions centrés (signes opposés)
Soldes d’opinions centrés (signes opposés)
Bibliographie
Références bibliographiques
- BEC F., BEN SALEM M., Inventory Investment and the Business Cycle : The Usual Suspect, Working Paper 2012-09, CREST, Paris 2012.
- ___, BOUABDALLAH O., FERRARA L., The possible shapes of recoveries in Markov switching models, Working Paper 2011-02, CREST 2011a.
- ___, ___, ___, The European Way Out of Recessions, Manuscript 2011b.
- BRY G., BOSCHAN C., Cyclical Analysis of Time Series : Selected Procedures and Computer Programs, New York and London : Columbia University Press, 1971.
- DAVIES R.B., Hypothesis Testing When a Nuisance Parameter is Present Only Under the Alternative, Biometrika, 1987, 74, 33-43.
- EICHENBAUM M., Some Empirical Evidence on the Production Level and Production Cost Smoothing Models of Inventories, American Economic Review, 1989, 79 (4), 853-864.
- FRIEDMAN M., The « plucking model » of business ?uctuations revisited, Economic Inquiry, 1993, 31 (2), 171-177.
- HANSEN B.E., Inference when a Nuisance Parameter Is Not Identified Under the Null Hypothesis, Econometrica, 1996, 64 (2), 413-430.
- KAHN J., THOMAS J., Inventories and the Business Cycle : An Equilibrium Analysis of (S, s) Policies, The American Economic Review, 2007, 97 (4), 1169-1188.
- KIM C.-J., MORLEY J., PIGER J., Nonlinearity and the permanent effects of recessions, Journal of Applied Econometrics, 2005, 20, 291-309.
- MORLEY J., PIGER J., The asymmetric business cycle, Review of Economics and Statistics, 2012, 94, 208-221.
- SICHEL E., Inventories and the Three Phases of the Business Cycles, Journal of Business and Economic Statistics, 1994, 12 (3), 269-277.
- WANG P., WEN Y., Inventory Accelerator in General Equilibrium, Working Paper 010, Federal Reserve Bank of St. Louis 2009.
- ___, ___, XU Z., When Do Inventories Destabilize the Economy ? An Analytical Approach to (S, s) Policies, Working Paper 014, Federal Reserve Bank of St. Louis 2011.
Mots-clés éditeurs : cycles conjoncturels, Modèle auto-régressif à seuil, variations de stocks
Mise en ligne 01/03/2013
https://doi.org/10.3917/redp.226.0811Notes
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[1]
THEMA, Université de Cergy-Pontoise, CREST-INSEE. email : bec@ensae.fr
-
[2]
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[4]
Kim et al. [2005] ou Morley et Piger [2012] considèrent quant à eux une généralisation du modèle à changement de régime markovien pour tenir compte des effets rebonds.
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[5]
Voir Bec et al. [2011a] pour une illustration graphique de ces effets.
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[6]
Voir Bec et al. [2011b] pour une description détaillée de la méthode d’estimation de ce type de modèles.