Notes
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[1]
Comme le souligne l’une des rares publications sur le sujet : Olivier Donnat, Les Connaissances artistiques des Français. Éléments de comparaison, 1988-2008, Paris, Ministère de la Culture, deps, coll. « Culture études », 2013-5. Par ailleurs, les représentations dans ce domaine ont fait l’objet de peu d’études, citons cependant : Jean-Michel Guy, Les Représentations de la culture, Paris, Ministère de la Culture, deps, coll. « Culture études », 2015-1.
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[2]
Telle qu’elle apparaît dans la sociologie bourdieusienne, voir Pierre Bourdieu, La Distinction, Paris, Minuit, 1979.
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[3]
Le concept de compétence artistique développé par Bourdieu est proche de celui de la connaissance artistique telle qu’étudiée dans la présente étude, sans le recouvrir néanmoins. La compétence artistique est définie comme « la connaissance préalable des principes de division proprement artistiques qui permettent de situer une représentation, par le classement des indications stylistiques qu’elle enferme, parmi les possibilités de représentation constituant l’univers artistique ». Pierre Bourdieu et Alain Darbel, L’Amour de l’art. Les musées d’art européen et leur public, Paris, Minuit, 1969, p. 73.
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[4]
L’enquête Pratiques de visites des Français a été initiée par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais et par le Département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la Culture, à la suite des interrogations nées de la désaffection du public des établissements parisiens en 2016. Ce questionnement sur les tendances, freins et motivations des pratiques de visites, et sur la pérennité ou le renouvellement des facteurs explicatifs ne sera pas traité dans cet article mais fera l’objet d’une prochaine publication, articulée aux résultats de l’enquête Pratiques culturelles 2018.
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[5]
Il s’agit de l’« écart interquartile », indicateur de la dispersion d’un ensemble de données autour des valeurs centrales. L’écart interquartile couvre 50 % d’un ensemble de données et élimine l’influence des valeurs aberrantes, il est obtenu en faisant la différence entre le 3e et le 1er quartile.
-
[6]
Le terme « novices » est à entendre sans le caractère d’apprenti, de débutant qu’il recouvre. On l’utilise ici pour désigner ceux qui obtiennent les plus bas scores : il serait synonyme de « moins connaisseurs », expression qu’il nous gêne d’employer, définissant les caractéristiques de cette population par la négative. Faute d’avoir trouvé un autre terme synthétique, le substantif « novices » a été retenu.
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[7]
Sur les 72 items du quiz, les individus avaient la possibilité de passer à la question suivante sans répondre (non-réponse) pour 67 items ou de choisir la réponse « ne sait pas » pour 62 items.
-
[8]
Néanmoins, ce résultat est à confirmer dans la mesure où la connaissance cinématographique est évaluée par 12 items du quiz seulement. De plus, une grande partie des œuvres ou des réalisateurs à reconnaître s’assimile à des références patrimoniales ; le choix de références plus récentes, incluant plus largement les séries par exemple, pourrait modifier cette répartition, notamment en faveur des plus jeunes.
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[9]
Un baby-boomer est une personne née en Occident pendant la période du baby-boom correspondant à un pic de natalité enregistré dans la plupart des pays développés, après la Seconde Guerre mondiale. On définit en général un baby-boomer comme une personne née entre 1946 et 1964. Voir Jean-François Sirinelli, Génération sans pareille. Les baby-boomers de 1945 à nos jours, Paris, Tallandier, 2016.
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[10]
O. Donnat, Les Connaissances artistiques des Français, op. cit., p. 12. Il n’est pas question ici de comparer les deux enquêtes, dont les protocoles sont très distincts, mais de rapprocher certaines tendances observées, afin d’enrichir la réflexion.
-
[11]
Ibid., p. 5.
-
[12]
Cette baisse s’est enrayée dans certaines disciplines mais perdure dans d’autres comme l’orthographe ou les mathématiques. Voir notamment les travaux récents de la Direction de l’évaluation, de la performance et de la prospective du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse sur la baisse des performances en orthographe (Note d’information n° 28, 2016), ou encore le Centre national d’étude des systèmes scolaires (Cnesco) qui fournit des analyses à partir des enquêtes internationales timss et pisa : https://www.cnesco.fr/fr/comparaison-pisa-timss/pisa/.
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[13]
Les moins de 35 ans ont recours en moyenne à 21 non-réponses ou « ne sait pas », les 35-54 ans en fournissent 19 et les plus de 55 ans 18.
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[14]
Voir Olivier Donnat, Les Français face à la culture. De l’exclusion à l’éclectisme, Paris, La Découverte, 1994 ; Bernard Lahire, La Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi, Paris, La Découverte, 2004.
-
[15]
En 2017, les filles forment 79 % des effectifs de terminale générale littéraire. Elles constituent 70 % des étudiants en lettres et sciences humaines à l’université contre 40 % en sciences. Christophe Jaggers, « La parité dans l’enseignement supérieur », in Isabelle Kabla-Langlois (sous la dir. de), L’État de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France. 49 indicateurs [en ligne], Paris, Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, 2017 (10e éd.), fiche 13.
-
[16]
Voir Sylvie Octobre, « Du féminin et du masculin. Genre et trajectoires culturelles », Réseaux, vol. 168-169, no 4, 2011, p. 23-57.
-
[17]
Voir Olivier Donnat, Pratiques culturelles, 1973-2008. Dynamiques générationnelles et pesanteurs sociales, Paris, Ministère de la Culture, deps, coll. « Culture études », 2011, p. 33-35.
-
[18]
Les milieux sociaux sont issus du regroupement des pcs en trois catégories : les classes populaires agrègent les employés, les ouvriers, les agriculteurs exploitants et les inactifs, les classes moyennes réunissent les professions intermédiaires, les artisans, commerçants et chefs d’entreprise de 10 salariés ou plus, et les classes supérieures regroupent les cadres et professions intellectuelles supérieures.
-
[19]
La proportion de bacheliers dans une génération s’élevait à 20 % en 1970, à 26 % en 1981, quand elle atteint 79 % en 2016. Voir Fanny Thomas, « Le baccalauréat et les bacheliers », in I. Kabla-Langlois (sous la dir. de), L’État de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France. 49 indicateurs, op. cit., fiche 7.
-
[20]
Cette interprétation – suscitée par le type de connaissance enquêtée, particulièrement associée aux normes de la légitimité culturelle – relierait l’acquisition de la connaissance artistique à un habitus culturel, propre aux catégories supérieures et reproduit en leur sein. Voir P. Bourdieu et A. Darbel, L’Amour de l’art, op. cit.
-
[21]
Pour des questions d’effectifs, cette analyse statistique est réalisée sur le fait d’appartenir à la moitié de la population ayant obtenu les scores les plus élevés et non sur les 25 % d’individus ayant eu les meilleurs scores, comme dans les analyses précédentes.
-
[22]
Par souci de simplification, les résultats suivants présentant les odds ratios adopteront une formulation plus synthétique.
-
[23]
La question était formulée ainsi : « Indépendamment d’une visite de musée ou d’exposition, vous est-il arrivé d’aller sur internet ces 12 derniers mois pour : 1. Découvrir des œuvres d’art, des objets patrimoniaux ? 2. Découvrir des monuments historiques, des sites touristiques ? 3. Télécharger des images d’œuvres (pour les conserver, les partager, illustrer un document) ? 4. Personnaliser, retoucher une œuvre d’art ou une photo d’artiste ? 5. Vous informer sur des artistes ou des techniques artistiques ? 6. Visiter une exposition en ligne, effectuer une visite virtuelle de musée ? 7. Télécharger un e-book [livre numérique], un e-album [album numérique], ou une application de beaux-arts ? 8. Vous abonner à des newsletters [lettres d’information] de musées ? 9. Aucune de ces activités ? »
-
[24]
Voir Bernard Lahire, La Culture des individus. Dissonances culturelles et consonances de soi, Paris, La Découverte, 2004.
-
[25]
Ces deux sous-catégories portent sur des effectifs faibles : 7 % de l’échantillon correspond à 191 individus et 4 % à 92 individus seulement. L’analyse ne peut donc être très fine mais l’intérêt de la réflexion incite à prendre le risque de formuler les principales observations.
-
[26]
20 % des « scores élevés/visites rares » n’ont lu aucun livre dans l’année contre 40 % de l’ensemble de ceux qui ne sont pas allés visiter un musée dans l’année écoulée.
-
[27]
35 % de diplômés du supérieur parmi les « scores élevés/visites rares » contre 22 % de l’ensemble de ceux qui ne sont pas allés visiter un musée dans l’année écoulée.
-
[28]
Est-ce qu’à une période de votre vie, vous alliez plus souvent qu’aujourd’hui visiter des musées ou des expositions ? Oui/Non. Si oui, est-ce lié : 1. À un empêchement (difficulté à vous déplacer, tarif trop élevé) ? 2. À un changement de mode de vie (déménagement, enfants, évolution professionnelle, etc.) ? 3. À l’évolution de vos centres d’intérêt ? 4. À un désintérêt pour les contenus et les thèmes proposés ? 5. À une détérioration des conditions de visite (confort, accès, etc.) ? 6. À la sécurité ? 7. Autre ?
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[29]
Jacqueline Eidelman, Jean-Pierre Cordier et Muriel Letrait, « Catégories muséales et identités des visiteurs », in Olivier Donnat (sous la dir. de), Regards croisés sur les pratiques culturelles, Paris, Ministère de la Culture, deps, 2003, p. 189-205.
-
[30]
Cette étude prévoit aussi un volet qualitatif avec une série d’entretiens auprès des visiteurs de musées et d’expositions, afin d’affiner les représentations des différentes catégories de public sur leurs visites, qu’elles soient nouvelles, occasionnelles ou régulières.
-
[31]
Le questionnaire est accessible en ligne à l’adresse suivante : https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Etudes-et-statistiques/Publications/Collections-de-synthese/Culture-etudes-2007-2019.
-
[32]
Parmi ces deux références, seule La Joconde nécessitait une identification nominative. En effet, le Portrait du marchand Georg Gisze d’Holbein le Jeune correspondait à la découverte d’un intrus, parmi les œuvres de Vermeer, repérable par la construction formelle du tableau et par la différence de chromie de l’œuvre.
-
[33]
Voir les travaux sur la géographie des références esthétiques et culturelles des jeunes : Vincenzo Cicchelli et Sylvie Octobre, L’Amateur cosmopolite. Goûts et imaginaires juvéniles à l’ère de la globalisation, Paris, Ministère de la Culture, deps, 2017.
-
[34]
Question : lequel de ces tableaux n’a pas été peint par le même artiste ? Trois œuvres de Vermeer (La Lettre, Femme lisant une lettre près de la fenêtre, L’Astronome, dit aussi L’Astrologue) et une de Hans Holbein le Jeune (Portrait du marchand Georg Gisze) ;
Trois œuvres de Van Gogh (Tournesols, Autoportrait, La Nuit étoilée, Arles) et une de Paul Signac (La Seine près de Samois) ;
Trois œuvres de Picasso (Tête de femme, Faune et chèvre, L’Acrobate) et une de Matisse (Nu bleu II). -
[35]
Pour ces questions la réponse était obligatoire (non-réponse impossible).
-
[36]
Voir « Sources et éléments de méthodologie », p. 44 pour le calcul des points attribués aux questions de classement chronologique.
-
[37]
Dans l’ordre chronologique : Aphrodite dite Vénus de Milo, Antonio Canova : Psyché ranimée par le baiser de l’Amour, François Pompon : Panthère, Marcel Duchamp : Fontaine, Niki de Saint Phalle : La tempérance, esquisse sculptée pour le Jardin des tarots.
-
[38]
Dans l’ordre chronologique : Albrecht Dürer : Autoportrait en manteau de fourrure, Rembrandt : Portrait de l’artiste à la toque et à la chaîne d’or, Eugène Delacroix : Portrait de l’artiste, Frida Kahlo : The Frame, Francis Bacon : Selfportrait.
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[39]
Pour les musées de beaux-arts : 46 % de ceux ayant trouvé le bon ordre des sculptures et 51 % de ceux ayant trouvé le bon ordre des autoportraits, contre 33 % de la population. Pour les usages en ligne en lien avec une thématique artistique : 61 % et 68 % contre 52 % de la population.
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[40]
Visites lointaines : 57 % pour les deux questions ; rares : 72 et 70 % ; occasionnelles : 80 % ; habituelles : 89 et 87 %.
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[41]
Le cadre institutionnel de la politique d’éducation artistique et culturelle est notamment défini par la Charte pour l’éducation artistique et culturelle ainsi que par la circulaire sur les parcours d’éducation artistique et culturelle n° 2013-073 du 3 mai 2013. Le troisième pilier est la pratique artistique.
1Les rapports des individus à l’art et à la culture sont le plus souvent abordés à travers l’étude de leurs pratiques culturelles et moins par leurs connaissances dans ce domaine [1]. Il s’agit ici d’interroger la pérennité, au sein de la population française, d’une culture classique considérée comme l’apanage des classes supérieures [2], qui associe des pratiques culturelles comme les visites de musées et la connaissance artistique – en l’occurrence la connaissance relevant des arts visuels [3]. La transformation des conditions d’accès au savoir, la plus grande circulation des œuvres et des contenus culturels grâce à Internet conjuguées à la massification scolaire ont-elles permis une meilleure diffusion et distribution des connaissances artistiques au sein de la population ?
2L’enquête sur les Pratiques de visites des Français [4] cherche à approfondir l’étude de ces comportements culturels. Les données ont été produites dans le cadre du panel Elipss (Étude longitudinale par internet pour les sciences sociales) par le Centre de données socio-politiques (cdsp), Sciences Po/cnrs. La particularité de ce panel réside dans son mode d’interrogation, au moyen de tablettes tactiles connectées, permettant d’afficher des images : il est ainsi possible d’intégrer des questions sur les pratiques de visites de musées et d’expositions, mais aussi de tester la connaissance des individus en leur montrant des images d’œuvres ou de monuments (voir « Sources et éléments de méthodologie », p. 44). Un quiz a ainsi été élaboré portant sur l’identification d’œuvres et de sites patrimoniaux. Il permet d’explorer la distribution des références artistiques des répondants et cherche à tester leur corrélation avec les variables sociodémographiques mais aussi avec les pratiques culturelles des individus, notamment leurs pratiques muséales. Celles-ci ont fait l’objet d’une classification en fonction de la fréquence et du caractère plus ou moins récent des visites, qui sert d’outil dans l’analyse des résultats au quiz (voir « Des pratiques différenciées de visites de musées et d’expositions », p. 20).
Enquêter sur la connaissance artistique : conception et exploitation du quiz
Imaginé sous une forme ludique, le quiz a été conçu de manière empirique, originellement centré sur les beaux-arts, puis élargi à des questions portant sur le patrimoine architectural, les monuments et les sites historiques, ainsi que sur le cinéma. Le choix des œuvres a été motivé par la volonté d’inciter le plus grand nombre à répondre, avec des questions de difficulté graduée permettant de distinguer les plus connaisseurs des moins avertis ; il a aussi été conditionné par la disponibilité de leurs reproductions – liée notamment à la contrainte des droits d’utilisation.
L’utilisation d’un tel outil et son analyse relèvent d’une démarche exploratoire. Le quiz n’a pas pour ambition d’évaluer le niveau de connaissance artistique des Français : il s’agit avant tout d’un indicateur visant à éclairer les liens entre celle-ci et les pratiques des individus ainsi que leurs caractéristiques sociodémographiques. Ainsi, l’intérêt réside moins dans l’examen des taux de réussite à chaque question du quiz que dans l’analyse de la distribution des scores au sein de la population. De la sorte, sont privilégiées les analyses comparatives de sous-populations définies selon la position de leur score dans la distribution générale : on confronte par exemple les caractéristiques de la population (sociodémographie, pratiques culturelles) des 25 % d’individus obtenant les plus bas scores avec celles des 25 % d’individus affichant les plus hauts scores.
3Quels sont in fine les facteurs explicatifs de la connaissance artistique ? Peut-on observer un effet propre de la visite de musées au-delà des caractéristiques sociales ? L’approche ciblée de certaines questions permettra d’identifier ce qui relève de compétences partagées et de connaissances plus distinctives.
Connaissances artistiques et profils sociodémographiques
Distribution de la connaissance artistique dans la population
4Rapportés sur une échelle de 20, les résultats obtenus au quiz par la population se répartissent autour d’un score médian de 12 (graphique 1). Les individus se concentrent autour de cette médiane, 50 % d’entre eux ayant un score entre 8,4 et 15 [5]. Ils sont en revanche peu nombreux à afficher des scores bas : 9 % seulement obtiennent un score inférieur à 4. Enfin 25 % de la population obtient des scores supérieurs à 15.
Répartition des résultats au quiz
Répartition des résultats au quiz
Note : chaque bâton correspond au score obtenu par un pourcentage de la population, du score le plus bas au plus élevé. Les bâtons sont regroupés par quart (25 %) de la population enquêtée. Le quart des individus ayant le moins bien réussi le quiz – les novices – ont obtenu un score inférieur à 8,4/20. Le quart des individus ayant le mieux réussi le quiz – les connaisseurs – ont obtenu un score supérieur ou égal à 15.Note de lecture : près de 4 % de la population ont obtenu un score entre 0 et 1 au quiz, 7°% ont obtenu un score entre 12 et 13. La barre verticale correspond au score médian.
5Pour faciliter la lecture et dans la suite de l’article, on nommera par convention les 25 % d’individus obtenant les scores les plus élevés les « connaisseurs » et on désignera par « novices [6] » les 25 % d’individus affichant les plus bas scores au quiz.
6Les novices présentent des scores thématiques consonants et homogènes : dans 8 cas sur 10, ils obtiennent les scores les plus faibles dans tous les domaines : patrimoine architectural, sculpture, peinture et cinéma (graphique 2). La situation est un peu plus nuancée pour les connaisseurs : ils obtiennent certes les meilleurs scores en peinture pour 8 personnes sur 10, mais leurs résultats sont un peu moins homogènes dans les autres domaines (en patrimoine architectural, par exemple, plus de 4 individus sur 10 n’obtiennent pas les meilleurs scores). Ainsi, si les scores thématiques des connaisseurs témoignent malgré tout d’un cumul et d’un éclectisme de savoirs artistiques, ils font apparaître plus de dissonances que ceux des novices. La connaissance picturale occupe dans ce contexte une place particulière : apanage des connaisseurs, elle revêt un caractère plus discriminant.
Scores thématiques comparés des novices et des connaisseurs selon les scores totaux obtenus au quiz
Scores thématiques comparés des novices et des connaisseurs selon les scores totaux obtenus au quiz
Note de lecture : pour les questions relatives à l’architecture, 86 % des novices font partie du premier quart de scores les plus bas (25 % des enquêtés qui ont eu les scores les plus bas en architecture). À l’inverse, aucun connaisseur ne fait partie du premier quart de scores les plus bas en architecture.Se tromper, reconnaître une méconnaissance ou exprimer sa réticence : les usages de la non-réponse et de l’item « ne sait pas »
7Quels sont les usages de la non-réponse et de l’item « ne sait pas » et que disent-ils des individus qui les choisissent [7] ? Si en moyenne, les personnes interrogées utilisent 8 items « ne sait pas » et 10 non-réponses sur 72 réponses, les usages de ces deux modalités s’avèrent différents selon les scores obtenus au quiz (tableau 1). Les novices concentrent le plus grand nombre moyen de non-réponses et d’item « ne sait pas » : cela concerne 6 réponses sur 10, tandis que ce recours diminue de façon très importante dans les quarts suivants.
Nombre moyen de non-réponses, d’items « ne sait pas » et de mauvaises réponses selon les résultats au quiz
Unités | |||
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Nombre moyen de non-réponses (sur 67) | Nombre moyen de « ne sait pas » (sur 62) | Nombre moyen de mauvaises réponses (sur 72) | |
1er quart de scores | 32 | 12 | 12 |
2e quart de scores | 07 | 12 | 16 |
3e quart de scores | 02 | 07 | 14 |
4e quart de scores | 01 | 03 | 08 |
Nombre moyen de non-réponses, d’items « ne sait pas » et de mauvaises réponses selon les résultats au quiz
Note de lecture : les individus appartenant au premier quart de scores ne répondent pas, en moyenne, à 32 items sur 67.8Autre constat, les novices passent trois fois plus à la question suivante sans répondre (non-réponse) plutôt que de reconnaître leur ignorance (« ne sait pas »). Le ratio s’inverse dès lors que les scores dépassent 8 sur 20, soit dès le deuxième quartile de résultats : la réponse « ne sait pas » est alors privilégiée par rapport à la non-réponse (graphique 3). Les individus appartenant à la moitié de la population ayant les scores les plus élevés usent quant à eux trois fois plus de « ne sait pas » que de non-réponses.
Répartition des non-réponses et de l’item « ne sait pas » selon les résultats au quiz
Répartition des non-réponses et de l’item « ne sait pas » selon les résultats au quiz
Note de lecture : les personnes ayant obtenu un score compris entre 4 et 5 au quiz (soit 3 % de la population), ont une moyenne de 35 non-réponses, de 7 « ne sait pas » et de 13 mauvaises réponses.9Un autre résultat éclaire ces éléments : on aurait pu croire que les novices, ayant les moins bons scores, collecteraient le plus grand nombre de mauvaises réponses. En réalité ce sont les individus obtenant les scores moyens (correspondant aux 2e et 3e quarts de scores) qui recueillent le plus grand nombre moyen de mauvaises réponses (tableau 1).
10Quel sens donner à ces comportements ? Il semblerait plus facile aux individus qui reconnaissent, même très partiellement, certains éléments du quiz, d’admettre leur méconnaissance à certaines questions ou d’oser se tromper, quand les plus éloignés de ce type de connaissance préféreraient s’abstenir de répondre, optant pour une forme de désinvestissement vis-à-vis de l’enquête. La non-réponse peut s’interpréter comme l’expression d’une réticence à déclarer sa méconnaissance, celle-ci pouvant être vécue comme une violence symbolique infligée au répondant. L’usage massif de la non-réponse serait aussi une façon d’assumer un désintérêt pour le quiz, confirmé par l’analyse des temps de réponses : ceux qui choisissent le plus l’item « ne sait pas » et la non-réponse remplissent le quiz le plus rapidement (moins de 10 minutes en tout).
Une connaissance artistique qui progresse avec l’âge…
11Le niveau de connaissance artistique s’élève avec l’âge : 32 % des personnes âgées de 55 ans et plus appartiennent au groupe des connaisseurs contre 25 % des 35-54 ans et seulement 13 % des 18-34 ans (graphique 4). À l’inverse, près d’un tiers de ces derniers se situent dans le groupe des novices, contre 26 % des 35-54 ans et 21 % des 55 ans et plus. Les résultats des plus jeunes confirment cette augmentation des scores avec l’âge : si 39 % des moins de 25 ans appartiennent au groupe des novices, ils ne sont plus que 29 % parmi les 25-34 ans. Cette corrélation se confirme dans tous les domaines artistiques enquêtés, à l’exception du cinéma, seul domaine où les plus âgés ne sont pas les plus experts et que maîtrisent mieux les 35-54 ans [8].
Appartenance aux groupes des novices et des connaisseurs selon les caractéristiques sociodémographiques
Appartenance aux groupes des novices et des connaisseurs selon les caractéristiques sociodémographiques
Note de lecture : 32 % des individus âgés de 18-34 ans font partie des novices et 13 % font partie des connaisseurs.12Peut-on en conclure que la connaissance artistique s’acquiert avec l’avancée en âge, qu’elle s’accumule et se capitalise au fil des années, de sorte que les plus jeunes seraient désavantagés par rapport aux plus âgés ? Ou bien qu’elle serait traversée par des effets de génération, des rapports au savoir qui se construisent différemment selon les contextes historiques ? Pour répondre à ces questionnements, des observations répétées dans le temps seraient nécessaires. En termes générationnels, les personnes âgées de 55 ans et plus appartiennent en partie à la génération des baby-boomers [9], population pour qui « les effets combinés des progrès de la scolarisation, des facilités croissantes d’accès aux contenus culturels au sens large et de la médiatisation des grands événements culturels (expositions, festivals d’été, etc.) ont favorisé une meilleure connaissance globale du monde artistique [10] ». C’est ce que soulignait l’analyse d’Olivier Donnat sur l’évolution de la connaissance d’une trentaine d’artistes, entre 1988 et 2008, qui identifiait un double mouvement de « baisse des connaissances en deçà de 45 ans et de progression au-delà [11] ». Une décennie plus tard, on constate dans la présente enquête une meilleure connaissance des personnes de 55 ans et plus, correspondant au vieillissement de l’âge identifié dans l’étude sus-citée. Celle-ci avançait un « affaiblissement de la culture classique dans les jeunes générations », érosion perceptible depuis les années 1980, en raison notamment de la baisse des compétences des élèves [12]. À cela pourrait s’ajouter la réticence des plus jeunes à l’égard de ce type d’exercice : les thématiques artistiques proposées ici, fortement patrimoniales, pourraient leur sembler bien éloignées de leurs univers culturels et du monde actuel, ce dont témoigneraient leur recours plus important à l’item « ne sait pas » et, surtout, leur plus grande propension à passer à la question suivante sans donner de réponse [13] que les individus plus âgés. D’autant que l’affaiblissement des effets distinctifs de la culture légitime et le brouillage des hiérarchies culturelles [14] rendent plus facile l’expression d’un désintérêt pour ce qui appartient à la culture classique. Sollicités sur des références relevant d’une culture plus médiatique et contemporaine, on peut faire l’hypothèse que la posture des plus jeunes serait tout autre.
… nuancée par des différences sexuées
13Les scores des hommes et des femmes, quels que soient les domaines de connaissance artistique, sont très similaires. En revanche, on observe des différences selon l’âge, tout particulièrement chez les individus de moins de 35 ans (graphique 5) : parmi ceux-ci, la part d’hommes novices est beaucoup plus élevée que celle des femmes (37 % versus 28 %) tandis que la proportion de jeunes femmes accédant aux plus hauts scores est bien supérieure à celle des jeunes hommes (respectivement 16 % et 7 %). On peut faire un lien entre ce résultat et la part majoritaire de filles dans les filières et formations littéraires et artistiques [15]. On peut aussi penser aux effets de la socialisation enfantine qui organisent des univers culturels différenciés pour les filles et les garçons, au sein desquels ce qui relève de l’art est plus souvent assigné aux filles [16], leur permettant une plus grande familiarité à ce type de références.
Appartenance aux groupes des novices et des connaisseurs selon l’âge et le sexe
Appartenance aux groupes des novices et des connaisseurs selon l’âge et le sexe
Note de lecture : 28 % des femmes âgées de 18 à 34 ans font partie des novices, 16 % des femmes âgées de 18 à 34 ans font partie des connaisseurs.14Avec l’avancée en âge, la progression de la connaissance artistique montrée précédemment est plus marquée chez les hommes et un peu moins chez les femmes. Ainsi, au regard des résultats des 18-34 ans, la tendance s’inverse chez les personnes âgées de 55 ans et plus : les hommes sont surreprésentés parmi les connaisseurs, dépassant la proportion de femmes (écart de 7 points). Ce résultat peut surprendre, d’autant que depuis une quarantaine d’années on constate un mouvement de féminisation des publics de la culture, que ce soit à l’échelle des sorties, des pratiques en amateur ou dans le rapport au livre [17], et que les femmes conservent un rôle privilégié de transmission culturelle auprès des enfants, autant de phénomènes qui peuvent renforcer leur familiarité avec la connaissance artistique.
15Néanmoins, au sein des générations plus âgées, les hommes déclaraient des taux de pratiques culturelles supérieurs à ceux des femmes et disposaient d’un niveau de diplôme plus élevé que les femmes, pour lesquelles l’accès aux études restait plus limité : cela pourrait expliquer le différentiel observé. Il se peut que cette configuration s’inverse dans les années à venir.
Des Parisiens un peu plus connaisseurs
16Les écarts de connaissance des individus selon leur lieu de résidence sont principalement perceptibles parmi les plus bas scores où les habitants des grandes villes, et tout particulièrement les Parisiens, sont sous-représentés. Ces derniers se distinguent aussi par leur forte proportion parmi les scores les plus élevés (graphique 4). Le développement de l’offre et des équipements culturels dans les grandes agglomérations, et plus encore dans la capitale, ainsi que la meilleure couverture numérique de ces territoires pourraient expliquer cette plus grande familiarité aux références artistiques. Néanmoins la stratification démographique des grandes villes, et tout particulièrement de Paris, marquées par une surreprésentation des catégories sociales les plus favorisées, pourrait être le premier facteur explicatif de ce résultat.
17Toutefois, dans le domaine de l’architecture monumentale, ce clivage se trouve amoindri : la reconnaissance de sites patrimoniaux ou de styles architecturaux semble accessible de manière quasi équivalente quel que soit le lieu d’habitation.
Une répartition inégale de la connaissance artistique selon le milieu social et le niveau de diplôme
18La stratification sociale des résultats au quiz révèle en revanche une distribution inégale de la connaissance artistique : les classes populaires sont surreprésentées parmi les novices tandis que les classes supérieures [18] le sont parmi les connaisseurs et les classes moyennes présentent un score intermédiaire. Ce phénomène s’observe quels que soient les domaines artistiques enquêtés. Sans surprise, les niveaux de revenus (par unité de consommation) présentent la même stratification, corrélés avec les groupes sociaux.
19De même, plus le niveau de diplôme est élevé, plus les scores obtenus augmentent. Néanmoins une exception notable concerne les titulaires du bepc, qui sont proportionnellement plus présents parmi les connaisseurs (24 % des titulaires du bepc font partie des connaisseurs contre 15 % des titulaires d’un cap-bep et 25 % des titulaires du bac) et moins présents parmi les novices (17 % des titulaires du bepc contre 38 % des titulaires d’un cap-bep et 21 % des titulaires du bac). Or, dans notre échantillon, les détenteurs d’un bepc sont des individus plus âgés (près des deux tiers ont 55 ans et plus). De fait, par un effet de la massification scolaire qui a plus bénéficié aux générations suivantes, les personnes âgées de 55 ans et plus sont moins diplômées que le reste de la population (22 % sont détentrices d’un bac +2 et plus contre 39 % des 35-54 ans et 41 % des 18-34 ans [19]). Ainsi, les diplômes des plus âgés ne revêtent pas une valeur équivalente à ceux des plus jeunes – par exemple le bepc avait une valeur supérieure à celle du diplôme actuel. Si l’on constate cependant une corrélation entre le niveau de diplôme et la réussite au quiz, il convient de se souvenir que la distribution des diplômes n’est pas la même et n’a pas le même sens selon les générations.
20Ces résultats permettent-ils de conclure à une familiarité artistique qui se développerait au sein des classes supérieures et à un rapport plus éloigné des classes populaires [20] ? L’absence d’indications sur le milieu social d’origine des individus rend difficile cette affirmation. Et, comme on va le voir, le niveau de diplôme joue un rôle prépondérant.
21Afin d’identifier quelles variables jouent le plus pour expliquer la réussite au quiz, une analyse statistique de type « toutes choses étant égales par ailleurs » a été réalisée : l’influence des critères sociodémographiques a été testée afin d’isoler leurs effets sur la probabilité d’obtenir un score supérieur à la médiane, c’est-à-dire de faire partie de la moitié de la population ayant les scores les plus élevés [21]. Les principaux facteurs favorisant un score élevé de connaissance artistique ont été identifiés (tableau 2, première colonne) : le fait d’appartenir aux classes supérieures, d’être diplômé, d’habiter dans une grande ville ou, plus encore, à Paris, de disposer d’un revenu élevé, d’être âgé de 55 ans et plus, d’être actif ou retraité. La régression logistique permet de mesurer les effets propres de chaque variable sur la réussite au quiz.
Déterminants sociodémographiques du score au quiz
Part d’individus ayant obtenu un score supérieur à la médiane (%) | Odds ratios ou rapports de cotes1 | Niveau de significativité | |
---|---|---|---|
Total 18 à 79 ans | 50 | ||
Sexe | n.s. | ||
Femme | 50 | ref | |
Homme | 49 | 1,022 | n.s. |
Âge | *** | ||
Moins de 35 ans | 36 | 0,410 | *** |
35 à 54 ans | 51 | ref | |
55 ans et plus | 56 | 1,410 | ** |
Niveau de diplôme | *** | ||
Inférieur au bac | 35 | 0,294 | *** |
Bac | 44 | 0,663 | *** |
Supérieur au bac | 52 | ref | |
Milieu social | *** | ||
Catégories populaires | 37 | 0,505 | *** |
Catégories moyennes | 58 | 0,790 | n.s. |
Catégories supérieures | 73 | ref | |
Situation par rapport à l’emploi | n.s. | ||
En emploi | 51 | ref | |
Chômeurs, y compris rech. 1er emploi | 42 | 1,502 | * |
Retraités | 57 | 0,841 | n.s. |
Reste de la population | 37 | 0,852 | n.s. |
Taille de l’unité urbaine (2014) | *** | ||
Commune rurale | 46 | 0,755 | ** |
Unité urbaine de moins de 20 000 hab. | 42 | 0,728 | ** |
Unité urbaine de 20 000 à moins de 100 000 hab. | 40 | 0,682 | * |
Unité urbaine de 100 000 hab. et plus | 52 | ref | |
Unité urbaine de Paris | 66 | 1,140 | n.s. |
Type de ménage | n.s. | ||
Ménages d’une seule personne | 54 | 1,251 | * |
Couples sans enfant | 57 | 1,286 | * |
Couples avec enfants | 45 | ref | |
Familles monoparentales | 38 | 1,014 | n.s. |
Ménages complexes de plus d’une personne | 40 | 1,327 | n.s. |
Revenu mensuel du ménage par unité de consommation | *** | ||
Moins de 1 200 € | 35 | 0,509 | *** |
De 1 200 € à moins de 1 650 € | 42 | 0,560 | *** |
De 1 650 € à moins de 2 500 € | 56 | 0,689 | *** |
2 500 € et plus | 71 | ref | |
Non-réponse | 38 | 0,437 | *** |
Déterminants sociodémographiques du score au quiz
1. Régression logistique sur le fait d’avoir obtenu un score au quiz supérieur à la médiane (base : 2 296 individus âgés de 18 à 79 ans).Note de lecture : les résultats de la régression logistique (odds ratio) montrent que le fait d’être âgé de 55 ans et plus multiplie par 1,4 la probabilité d’obtenir un score au quiz supérieur à la médiane (plutôt que d’obtenir un score inférieur au score médian), par rapport au fait d’avoir entre 35 et 54 ans, « toutes choses égales par ailleurs ». Par ailleurs, le fait d’être âgé de moins de 35 ans multiplie par 0,41 (c’est-à-dire divise par 2,4) la probabilité d’obtenir un score supérieur à la médiane, par rapport au fait d’avoir entre 35 et 54 ans.
Ref = modalité de référence. Les coefficients suivis de *** sont significatifs au seuil de 1 %, ceux suivis de ** au seuil de 5 %, ceux suivis de * au seuil de 10 % (plus le nombre d’étoiles est élevé, plus le résultat est statistiquement significatif). Les coefficients suivis de n.s. sont non significatifs.
22Cette analyse révèle d’abord le rôle déterminant du niveau de diplôme : le fait de ne pas être diplômé ou d’avoir un diplôme inférieur au bac divise par 3,4 la probabilité d’obtenir un score supérieur à la médiane (plutôt que d’obtenir un score inférieur au score médian) par rapport aux détenteurs d’un diplôme supérieur au bac [22]. L’âge exerce ensuite une forte influence : un individu de moins de 35 ans verra ses chances de faire partie de la population disposant d’un champ de connaissances plus étendu divisées par 2,4 au regard d’un individu âgé de 35 à 54 ans, quand une personne de plus de 54 ans verra les siennes multipliées par 1,4. L’appartenance aux classes supérieures augmente aussi la probabilité d’obtenir un bon score – les classes populaires voient leurs chances divisées par deux en comparaison –, tout comme le fait de bénéficier d’un haut niveau de revenus – les revenus les plus bas ayant deux fois moins de chances d’avoir un score supérieur à la médiane.
23Moins déterminant, le fait de vivre dans une commune de moins de 100 000 habitants exerce une influence négative dans l’obtention d’un bon score, divisant les chances par 1,3 à 1,5 au regard des résidents des plus grandes villes. En revanche, toutes choses égales par ailleurs, le sexe, la situation par rapport à l’emploi et le type de ménage n’apportent pas, en eux-mêmes, d’éléments explicatifs de la propension à réussir le quiz.
Connaissances artistiques et pratiques culturelles des individus
24Au-delà de la corrélation avec le niveau de diplôme, quelles sont les relations de la connaissance artistique avec les pratiques culturelles des individus, tant leurs sorties que leurs consommations culturelles et médiatiques (télévision, livres, internet) ?
La réussite au quiz s’élève avec la fréquence de sorties culturelles
25Les résultats obtenus au quiz apparaissent positivement corrélés avec l’envergure des sorties culturelles, et tout particulièrement avec la diversité des sorties pratiquées au cours des douze derniers mois (voir « Sources et éléments de méthodologie », p. 44) (graphique 6). Ainsi, les individus qui ne déclarent aucune sortie au cours de l’année font partie des novices pour près de la moitié d’entre eux, tandis que seulement 8 % font partie des connaisseurs. Le phénomène s’inverse à partir de cinq types de sorties différentes déclarées : les individus concernés font plus souvent partie des connaisseurs que des novices.
Appartenance aux groupes des novices ou des connaisseurs selon le nombre de sorties culturelles et de loisirs différentes effectuées au cours des douze derniers mois
Appartenance aux groupes des novices ou des connaisseurs selon le nombre de sorties culturelles et de loisirs différentes effectuées au cours des douze derniers mois
Note de lecture : parmi les individus qui ont réalisé entre 7 et 13 types de sorties différentes au cours des douze derniers mois, 12 % appartiennent au groupe des novices et 35 % appartiennent au groupe des connaisseurs.26Toutes les sorties ne se valent pas pour réussir le quiz. Pour les sorties culturelles populaires comme la fête foraine ou les parcs d’attractions, la corrélation avec la réussite au quiz n’apparaît pas immédiate (graphique 7) : certes, ceux qui se sont rendus dans ce type de lieux au cours des douze derniers mois appartiennent plus souvent aux novices (respectivement 30 % et 25 % d’entre eux) qu’aux connaisseurs (respectivement 16 % et 14 % d’entre eux), mais les écarts sont moins flagrants pour des fréquentations plus anciennes. Le lien entre la réussite au quiz et la fréquentation de matchs et spectacles sportifs est moins évident encore.
Récence des sorties culturelles et de loisirs et appartenance aux groupes des novices et des connaisseurs
Récence des sorties culturelles et de loisirs et appartenance aux groupes des novices et des connaisseurs
Note de lecture : respectivement 14 % et 35 % des individus ayant visité un monument historique au cours des douze derniers mois font partie des novices et des connaisseurs.27En revanche, on observe une corrélation positive entre la réussite au quiz et les sorties au cinéma : plus les individus sont allés récemment au cinéma, plus leur appartenance au groupe des connaisseurs augmente et plus la part de novices baisse. Ce lien s’exprime de façon plus marquée pour les sorties patrimoniales, avec quelques nuances suivant le type de visites : le fait d’avoir visité au moins une fois dans l’année un monument historique augmente la possibilité d’appartenir au groupe des connaisseurs, tandis que cette probabilité décline fortement au fur et à mesure que la date de la dernière visite s’éloigne. Ainsi, seuls 4 % des individus déclarant ne jamais visiter de monuments et 9 % de ceux ayant visité un monument il y a plus de cinq ans se classent parmi les connaisseurs. À l’inverse, 73 % des individus déclarant ne jamais visiter de monuments font partie des novices contre 14 % des personnes réalisant une visite annuelle de monument.
28Ce même phénomène s’observe pour la fréquentation des galeries d’art, et de façon renforcée pour ceux qui s’y rendent au moins une fois par an (57 % d’entre eux font partie des connaisseurs). De la même manière, la réussite au quiz apparaît corrélée à la fréquentation d’expositions dans l’espace public.
29Mais c’est avec la fréquence de visites muséales que le score de connaissances artistiques apparaît particulièrement corrélé (graphique 8) : la part de connaisseurs croît très régulièrement avec l’augmentation du rythme de la pratique, tandis que celle des novices diminue. Les individus à la pratique habituelle (au moins trois visites annuelles, voir « Des pratiques différenciées de visites de musées et d’expositions », ci-dessous) font partie des connaisseurs dans 60 % des cas, quand les personnes déclarant ne jamais visiter de musées appartiennent aux novices pour près des deux tiers.
Appartenance aux groupes des novices ou des connaisseurs selon la fréquence de visites de musées ou d’expositions
Appartenance aux groupes des novices ou des connaisseurs selon la fréquence de visites de musées ou d’expositions
Note de lecture : parmi les individus qui ont une fréquentation habituelle des musées et expositions (au moins trois visites dans l’année), 8 % appartiennent aux novices et 60 % aux connaisseurs.Des pratiques différenciées de visites de musées et d’expositions
Si le questionnaire explore de façon détaillée les modalités de visites de musées et d’expositions, le genre de musées visités ainsi que les incitations ou les freins à la visite [1], seule la présentation succincte de ces cinq catégories est exposée ici, afin de situer les individus qu’elles réunissent en termes de caractéristiques sociodémographiques et de distance culturelle à l’offre muséale.
L’absence de visites muséales : un cumul des freins et de difficultés sociales (jamais ; 11 %)
L’absence de visites de musées et d’expositions au cours de la vie s’accompagne d’un ensemble d‘indicateurs témoignant d’un mode de vie des individus de ce groupe plus difficile que celui des autres catégories, alliant une moindre sociabilité, une moins bonne santé, et davantage de difficultés financières. Les individus présentent en effet le profil sociodémographique le moins favorisé avec le niveau d’études le moins élevé. La part de jeunes y est la plus importante et la part de personnes âgées de 55 ans est la plus faible. C’est dans cette catégorie que l’on trouve la part la moins élevée de Parisiens et le plus d’habitants de communes rurales. Les individus de ce groupe expliquent principalement le fait de n’avoir jamais visité un musée ou une exposition par leur désintérêt et le coût de cette sortie. Ils sortent par ailleurs moins souvent que les autres pour leurs loisirs, à l’exception de la fête foraine.
Entre éloignement temporel et culturel : la fréquentation lointaine (il y a plus de cinq ans ; 19 %)
Les individus de cette catégorie présentent eux aussi un profil social moins favorisé avec notamment un niveau d’études moins élevé. Par rapport à la catégorie précédente, elle ne compte pas autant de jeunes et la vie sociale des individus qui la composent est un peu plus développée. Leurs visites dans les musées restent exceptionnelles et sont le plus souvent effectuées en famille. Les musées d’histoire, de mémoire ou de sciences et techniques sont plus souvent fréquentés que les musées d’art.
Le prix des billets reste le principal frein à la visite évoqué mais comme ces individus ont par ailleurs davantage de loisirs payants que ceux de la catégorie précédente (aucune visite muséale au cours de leur vie), cela semble poser la question de leur consentement à payer pour ce type de sortie éloignée de leurs centres d’intérêt.
Quand la fréquentation des musées et expositions est rare : une sortie touristique et familiale (entre un et cinq ans ; 28 %)
Cette catégorie reflète parfaitement la stratification sociodémographique de la population française, c’est-à-dire que les classes sociales, les niveaux de diplômes et l’âge des personnes correspondent à la répartition observée chez les Français. Les individus qui la composent visitent les musées ou les expositions assez rarement, le plus souvent à l’occasion de déplacements touristiques et familiaux pendant les vacances et les week-ends. S’ils déclarent eux aussi être freinés par le prix des billets, ils sont moins nombreux que les précédents à affirmer leur désintérêt, préférant évoquer la concurrence d’autres activités de loisirs souvent effectuées à l’extérieur.
Les visiteurs de musées et d’expositions occasionnels : un intérêt pour l’art plus marqué (une ou deux fois dans l’année ; 25 %)
Les individus qui ont visité un musée ou une exposition une ou deux fois au cours des douze derniers mois se distinguent par un niveau de diplôme et de revenus plus élevés que ceux des trois catégories précédentes. L’ensemble des sorties de loisirs, y compris populaires et familiales, sont plus fréquentes et la culture artistique y tient une plus grande place. Les musées de beaux-arts arrivent ainsi en deuxième position après les musées d’histoire et de mémoire qui restent les plus souvent visités. Ces individus sont eux aussi motivés par la dimension touristique et pédagogique des visites mais valorisent un peu moins le fait que la visite soit l’occasion d’une sortie en couple, en famille ou entre amis, signe d’un intérêt plus individualisé.
La fréquentation habituelle de musées ou d’expositions est le fait d’une population favorisée, instruite et âgée (au moins trois fois dans l’année ; 17 %)
Les visites les plus fréquentes sont le fait d’une catégorie globalement plus âgée, plus parisienne et plus favorisée que les précédentes. Elle est composée d’une part de visiteurs dits « assidus » (au moins cinq visites annuelles pour un quart des individus de cette catégorie) qui en concentrent les traits distinctifs. Leurs sorties de loisirs sont plus souvent consacrées à l’art et au patrimoine, même si la diversité des musées fréquentés atteste d’une pratique marquée par l’éclectisme et la logique du cumul. Leurs attentes sont moins orientées vers la découverte d’une région en famille et davantage vers un enrichissement personnel, qui n’exclut pas le partage et la transmission.
Réussite au quiz et pratiques culturelles hors sorties : télévision, livre et internet
30D’autres pratiques culturelles comme la lecture par exemple ne supposent pas la fréquentation d’un équipement culturel et ne participent pas de la culture de sortie. Si la part d’individus connaisseurs augmente régulièrement avec le nombre de livres lus, comme observé pour la pratique de visites de musées et de monuments (graphique 9), le lien est en revanche moins évident concernant la consommation de télévision. Ceux qui ne la regardent pas sont proportionnellement plus souvent connaisseurs, mais le score ne semble pas linéairement corrélé à la durée d’écoute, même si les plus forts consommateurs – plus de 4 heures par jour – ont une plus grande propension à se classer parmi les novices.
Appartenance aux groupes des novices et des connaisseurs selon les consommations culturelles et médiatiques
Appartenance aux groupes des novices et des connaisseurs selon les consommations culturelles et médiatiques
Note de lecture : les individus qui n’ont lu aucun livre au cours des douze derniers mois appartiennent pour 47 % d’entre eux au groupe des novices et pour 8 % au groupe des connaisseurs.31Au regard de l’hypothèse d’une connaissance artistique soutenue par des usages en ligne relatifs à l’art ou au patrimoine, on constate en effet que les personnes développant au moins un des usages proposés dans le questionnaire [23] font plus souvent partie des connaisseurs (36 %) que ceux qui n’ont aucun usage (13 %). Plus précisément, en comparant les pratiques en ligne des connaisseurs et des novices, on observe soit un effet de cumul, soit un effet de rareté. Ainsi, plus des trois quarts des individus appartenant au groupe des connaisseurs déclarent au moins un usage en ligne, consacré à (par ordre décroissant) la découverte de monuments historiques, l’information sur des artistes et des techniques, la découverte d’œuvres d’art, le téléchargement d’images d’œuvres et enfin la réalisation de visites virtuelles. Du côté des novices, seulement un quart d’entre eux ont utilisé internet en lien avec des thématiques artistiques, et dans ce cas ils le font principalement pour découvrir des monuments historiques et/ou pour s’informer sur des artistes et des techniques (graphique 10).
Usages en ligne en lien avec les thématiques artistiques des novices et des connaisseurs
Usages en ligne en lien avec les thématiques artistiques des novices et des connaisseurs
Note de lecture : 14 % des novices et 54 % des connaisseurs déclarent être allés sur internet pour y découvrir des monuments historiques au cours des douze derniers mois.32Afin d’identifier si certaines pratiques culturelles jouent un rôle plus important pour expliquer la réussite au quiz, une analyse statistique de type « toutes choses étant égales par ailleurs » a été réalisée, pour isoler leurs effets sur la probabilité de faire partie de la moitié de la population la plus connaisseuse, c’est-à-dire d’obtenir un score supérieur à la médiane. Dans ce modèle, la visite de musées et d’expositions a le rôle le plus déterminant dans le score obtenu au quiz : le fait de ne jamais visiter ce type d’équipement divise par 3,4 les chances d’obtenir un score supérieur à la médiane, par rapport aux personnes ayant réalisé au moins une visite dans l’année. Le développement de cette pratique, y compris lointaine ou rare, diminue l’écart, même s’il reste élevé : ainsi, les personnes qui ont visité un musée il y a plus de cinq ans voient leur probabilité d’obtenir un score supérieur à la médiane divisée par 2,5 par rapport à celles déclarant au moins une visite annuelle, et celles qui ont effectué une visite depuis un à cinq ans ont une probabilité divisée par 1,8. La visite de monument historique est un facteur qui joue principalement pour les personnes ne les fréquentant jamais : leurs chances d’avoir un bon score sont divisées par 3 par rapport aux personnes déclarant au moins une visite annuelle. On identifie aussi l’influence très significative de la lecture : un individu ne lisant aucun livre verra ses chances d’obtenir un score supérieur à la médiane divisées par 2,9 au regard d’un individu en lisant au moins six dans l’année.
33Les usages en ligne en lien avec une thématique artistique apparaissent un peu moins déterminants, même si les individus qui n’en ont aucun divisent leur probabilité d’avoir un bon score par 1,7, au regard des personnes qui déclarent au moins un usage.
34À l’inverse de ces pratiques culturelles dont l’absence est corrélée négativement avec la réussite au quiz, le fait d’être allé récemment à la fête foraine – au cours des douze derniers mois ou des cinq dernières années – exerce un effet négatif sur le score obtenu, divisant la probabilité par 1,9 d’obtenir un bon score, par rapport aux personnes s’y étant rendues il y a plus de cinq ans. En revanche, toutes choses égales par ailleurs, la durée de consommation télévisuelle quotidienne ne joue pas, dans ce modèle, sur le score obtenu au quiz.
Pratiques de visites ou niveau de diplôme : qu’est-ce qui explique le plus la réussite au quiz ?
35On a vu précédemment que la réussite au quiz est fortement corrélée au niveau de diplôme et à l’âge, mais aussi à la pratique de visite de musées et à la lecture de livres. Il reste à établir si cette relation renvoie au fait que ces pratiques culturelles sont régies par les mêmes déterminants sociaux ou si l’engagement dans la pratique muséale ou dans la lecture augmente réellement, à niveau de diplôme égal ou à âge égal, les chances d’obtenir un bon score de connaissance artistique.
36L’analyse statistique de type « toutes choses égales par ailleurs » (tableau 3), montre tout d’abord que les variables sociodémographiques et les pratiques culturelles identifiées précédemment comme significatives conservent leur influence dans ce modèle mixte. Mais les résultats attestent surtout que la visite de musées et d’expositions exerce une influence plus élevée encore sur la réussite au quiz que le niveau d’études ou le milieu social : un individu ne déclarant aucune visite verra ses chances d’obtenir un score supérieur à la médiane divisées par 4,3 par rapport aux visiteurs occasionnels ou habituels, quand une personne ayant un niveau d’études inférieur au bac aura une probabilité d’obtenir un score au quiz supérieur à la médiane divisée par 2,3 par rapport à celle ayant un niveau supérieur au bac. La réussite au quiz est également fortement corrélée au nombre de livres lus annuellement avec un impact sur le résultat au quiz légèrement inférieur à celui de la visite muséale, mais supérieur à celui du diplôme : un individu ne lisant aucun livre aura 3 fois moins de chances d’obtenir un score supérieur à la médiane qu’un individu en lisant au moins six par an.
Déterminants sociodémographiques et culturels du score au quiz1
Part d’individus ayant obtenu un score supérieur à la médiane (%) | Odds ratios ou rapports de cotes1 | Niveau de significativité | |
---|---|---|---|
Total 18 à 79 ans | 50 | ||
Pratiques de visites de musées et expositions | *** | ||
Absente | 12 | 0,235 | *** |
Lointaine | 33 | 0,432 | *** |
Rare | 49 | 0,559 | *** |
Occasionnelle/habituelle | 68 | ref | |
Nombre de livres lus au cours des 12 derniers mois | *** | ||
Aucun | 27 | 0,335 | *** |
Moins de 6 (y compris NSP et Non enquêtés) | 50 | 0,511 | *** |
6 et plus | 72 | ref | |
Usage d’internet lié au patrimoine | *** | ||
Au moins un usage | 64 | ref | |
Reste de la population | 35 | 0,620 | *** |
Sexe | ** | ||
Femme | 50 | ref | |
Homme | 49 | 1,231 | ** |
Niveau de diplôme | *** | ||
Inférieur au bac | 37 | 0,441 | *** |
Bac | 52 | 0,767 | * |
Supérieur au bac | 67 | ref | |
Âge | *** | ||
Moins de 35 ans | 36 | 0,494 | *** |
35 à 54 ans | 51 | ref | |
55 ans et plus | 56 | 1,126 | n.s. |
Milieu social | *** | ||
Catégories populaires | 37 | 0,551 | *** |
Catégories moyennes | 58 | 0,792 | n.s. |
Catégories supérieures | 73 | ref |
Déterminants sociodémographiques et culturels du score au quiz1
1. Régression logistique sur le fait d’avoir obtenu un score au quiz supérieur à la médiane.Base : 2 296 individus de 18 à 79 ans.
Note de lecture : les résultats de la régression logistique (figurant dans la colonne odds ratios) montrent que les personnes qui ne fréquentent jamais de musées ou d’expositions ont une probabilité d’obtenir un score au quiz supérieur à la médiane multipliée par 0,2 (c’est-à-dire divisée par 4,3) par rapport aux personnes les fréquentant au cours des douze derniers mois, « toutes choses égales par ailleurs ».
Ref = modalité de référence.
Les coefficients suivis de *** sont significatifs au seuil de 1 %, ceux suivis de ** au seuil de 5 %, ceux suivis de * au seuil de 10 % (plus le nombre d’étoiles est élevé, plus le résultat est statistiquement significatif).
Les coefficients suivis de n.s. sont non significatifs.
37Enfin, si le coefficient de significativité lié à l’âge apparaît un peu moins fort, être jeune (avoir moins de 35 ans) représente néanmoins un désavantage dans l’obtention d’un bon score au quiz (avec une probabilité divisée par 2,2 au regard d’un individu de 35-54 ans). Le sexe joue légèrement dans ce modèle : être un homme multiplie par 1,2 la probabilité d’avoir un bon score. Enfin, les usages en ligne liés à une thématique artistique jouent en dernière position au regard des variables précédentes.
38Ainsi, plus que le niveau d’études, c’est la visite de musées, habituelle ou occasionnelle, puis la lecture régulière de livres qui sont le plus corrélées à la réussite au quiz. Peut-on pour autant soutenir l’hypothèse que la familiarité muséale acquise par le développement de visites répétées fabriquerait un bon niveau de connaissances artistiques, par la mise en contact avec les œuvres ? La causalité peut aussi s’envisager dans l’autre sens, celui d’une connaissance artistique qui faciliterait le développement de la pratique de visite.
39Les fortes corrélations identifiées entre le niveau de connaissance artistique (score au quiz) et la pratique de visite de musées ainsi qu’avec le niveau de diplôme ne recouvrent cependant pas l’ensemble des situations observées. Certains segments de la population, moins nombreux, présentent des caractéristiques dissonantes conjuguant un niveau élevé de connaissances artistiques à des pratiques de visites rares ou à un faible niveau d’études.
40Que révèle l’enquête sur le profil de ceux qui échappent à la corrélation positive entre connaissance artistique, intensité des sorties muséales et niveau de diplôme ?
Dissonance du score et des pratiques de visites : une conséquence des changements de mode de vie [24]
41Près de 30 % des connaisseurs (soit 7 % de la population totale) n’ont pas effectué de visite de musées au cours des douze derniers mois tandis que 17 % des novices (soit 4 % de la population) ont déclaré des visites au cours de l’année [25]. Ces deux segments de population ont en commun une dissonance entre leurs pratiques de visites et leur niveau de connaissances artistiques : « score élevé/visite rare » d’une part, « score bas/visite récente » d’autre part.
42S’agissant des connaisseurs, l’absence de visite de musées dans l’année va de pair avec l’absence de sorties au concert ou au théâtre au cours de la même période (61 % contre 50 % dans la population). En revanche, ils conservent une pratique intense de lecture de livres [26] et des usages en ligne relatifs à une thématique patrimoniale ou artistique (61 % versus 52 %). Ce groupe d’individus diplômés [27], parmi lesquels les 35-54 ans sont surreprésentés (46 % versus 38 %), semble s’être éloigné, peut-être momentanément, des pratiques culturelles qui impliquent une sortie.
43En outre, un peu plus de quatre connaisseurs sur dix (42 %) déclarent avoir davantage fréquenté les musées à une autre période de leur vie [28] (contre 29 % dans la population enquêtée) et plus des trois quarts d’entre eux imputent cette désaffection à un changement de mode de vie (déménagements, enfants, évolution professionnelle…), leur âge contribuant probablement à leur moindre disponibilité (graphique 11). Cet éclairage fait écho à la discontinuité des pratiques culturelles et à la carrière non linéaire des visiteurs de musées [29].
Motifs d’une moindre fréquence des visites muséales
Motifs d’une moindre fréquence des visites muséales
Note de lecture : 64 % des individus qui visitaient plus souvent auparavant les musées ou les expositions l’imputent à un changement de mode de vie ; 75 % des individus qui ont un score élevé mais qui n’ont pas visité de musées dans les douze derniers mois l’imputent à un changement de mode de vie.Série bleu clair : 42 % de la population (ayant déclaré avoir visité plus souvent auparavant les musées).
Série bleu foncé : 7 % de la population (connaisseurs qui n’ont pas effectué de visite de musée au cours des douze derniers mois).
44Le croisement des scores et du niveau d’études fait aussi apparaître des dissonances qui se traduisent par des profils et des pratiques culturelles spécifiques.
45Parmi les novices, ceux qui ont le niveau d’études le plus élevé (27 % ont un diplôme supérieur ou égal au bac, soit 7 % de la population) sont aussi les plus jeunes (54 % ont moins de 35 ans) et leurs pratiques de loisirs témoignent d’un lien plus distant à la culture classique dont participe la sortie au musée.
46Parallèlement, parmi les connaisseurs, les moins diplômés (30 % ont un diplôme inférieur au bac, soit 7 % de la population) sont aux trois quarts âgés de 55 ans et plus (74 %) et majoritairement retraités. Ils fréquentent davantage les musées (27 % ont une pratique habituelle, soit au moins trois visites par an contre 17 % de l’ensemble de la population), en particulier les musées de beaux-arts (53 % d’entre eux contre 33 % de l’ensemble de la population), dans lesquels ils visitent à la fois les collections permanentes et les expositions temporaires (47 % contre 27 % de la population interrogée). Cette appétence culturelle des connaisseurs les moins diplômés s’accompagne de la lecture d’un plus grand nombre de livres (46 % lisent au moins six livres par an contre 30 % de la population), d’une sociabilité amicale développée, et d’un intérêt plus marqué pour la politique. Ce groupe apparaît donc comme une nouvelle expression de la meilleure connaissance artistique de la génération des baby-boomers évoquée plus haut.
47Le score global du quiz a permis d’étudier la distribution de la connaissance artistique dans la population ainsi que ses principaux déterminants, qu’ils relèvent des pratiques culturelles comme la visite de musées et d’expositions, ou de caractéristiques sociodémographiques, au premier rang desquelles le niveau de diplôme. Se distinguent cependant des profils atypiques, qui échappent aux principaux déterminants, pour lesquels des éléments d’explication nous orientent du côté des changements de modes de vie ou de l’appartenance à une certaine génération. Cependant, s’agissant de groupes d’individus peu nombreux, les explications statistiques trouvent rapidement leurs limites et des éléments de compréhension se trouvent aussi dans les entretiens approfondis menés auprès des visiteurs de musées [30].
48Si l’on s’intéresse non plus au score global obtenu par les individus au quiz mais aux réponses apportées question par question, il apparaît qu’elles font appel à des connaissances mais aussi à des compétences de nature différente pouvant être parfois largement partagées par l’ensemble de la population et parfois plus discriminantes.
Compétences partagées et connaissances distinctives
49Les questions du quiz [31] portent sur des œuvres, des ouvrages ou des sites qui sont visibles, en France ou à l’étranger, à l’extérieur ou à l’intérieur, dans un musée ou dans un autre lieu. Ils sont aussi présents dans des livres, des films, des vidéos, diffusés par les médias, l’école, le cinéma, internet… Ils peuvent donc être découverts à l’occasion d’une sortie culturelle, d’un voyage, mais aussi dans le cadre scolaire ou privé.
50Les résultats du quiz mettent tout d’abord en relief les références qui concentrent le plus de bonnes réponses. Malgré les imperfections du quiz et le déséquilibre du nombre de questions entre les différents champs, les références communes ont cependant du sens. Les questions qui portent sur la peinture sont, on l’a vu, plus discriminantes que les autres. À ce titre, il est intéressant de distinguer plus précisément les compétences mises en œuvre pour y répondre, de faire la part des connaissances artistiques et de la familiarité visuelle. Au-delà des beaux-arts, les réponses au quiz permettent de s’interroger sur les références communes, qu’elles relèvent de la culture populaire ou de la culture cultivée, et de la présence d’effets générationnels.
Un socle commun fondé sur des références visibles dans l’espace public
51Les références les plus partagées par la population offrent uniquement une indication, au regard de ce qui les unit, sur les critères susceptibles de fonder un socle de connaissance commune – d’autres images, d’autres items choisis auraient généré d’autres réponses. Néanmoins, parmi les vingt références identifiées par le plus grand nombre (tableau 4), les trois quarts relèvent du patrimoine architectural et de la sculpture statuaire : ces éléments monumentaux, visibles dans l’espace public, seraient donc les plus à même d’édifier une connaissance artistique partagée. Les trois références cinématographiques de cette liste ne permettent pas de conclure à une moindre familiarité des individus, étant donné le nombre plus limité de questions consacrées à cette thématique. En revanche, la peinture étant plus largement enquêtée, la présence de seulement deux références picturales [32] manifesterait une connaissance plus segmentée situant la peinture parmi les références les moins communément partagées.
Liste des 20 références les plus identifiées par la population
En % | |
---|---|
% de la population | |
Identification ville d’installation de la statue : La Statue de la Liberté, New York | 91 |
Identification titre d’une œuvre : La Joconde | 89 |
Identification titre du film : Intouchables | 85 |
Identification style architectural : médiéval | 82 |
Identification style architectural : provençal | 82 |
Identification style architectural : Renaissance | 82 |
Identification ville d’installation de la statue : le Christ rédempteur, Rio de Janeiro | 82 |
Identification ville d’installation de la statue : Manneken-Pis, Bruxelles | 80 |
Identification titre du film : Le Parrain | 80 |
Identification une œuvre intruse : Holbein le Jeune, Hans, Portrait du marchand Georg Gisze | 79 |
Identification style architectural : à colombage | 79 |
Identification titre du film : E.T. l’extraterrestre | 78 |
Identification pays du site archéologique : temple d’Aphaïa, Grèce | 77 |
Identification du pont : pont du Gard | 77 |
Identification ville d’installation de la statue : armée de terre cuite dans le mausolée du premier empereur Qin, X’ian | 77 |
Identification du pont : pont du Golden Gate | 77 |
Identification style architectural : Art déco | 76 |
Identification style architectural : haussmannien | 76 |
Identification du pont : pont Alexandre-III | 74 |
Identification du pont : viaduc de Millau | 72 |
Liste des 20 références les plus identifiées par la population
Note de lecture : 91 % de la population a réussi à identifier la ville d’installation de la statue de la Liberté.52Parmi ces 20 références reconnues, la moitié est française et l’autre moitié internationale, reflet de répertoires globalisés grâce au tourisme et à la circulation des contenus et ressources culturels dans des médias et notamment sur internet [33].
Beaux-arts : discernement visuel et connaissances construites
53Les questions relatives à la peinture collectent le moins grand nombre de bonnes réponses. Ce sont celles où le score médian est le plus bas et ceux qui y ont le mieux répondu sont aussi ceux qui cumulent le plus de réponses exactes aux autres questions du quiz. Selon les œuvres proposées et la façon dont les questions sont posées, des écarts très significatifs apparaissent, qui unissent ou séparent les répondants.
Chercher l’intrus
54Parmi les questions portant sur la peinture, trois d’entre elles visaient à identifier un intrus : il s’agissait d’identifier la seule œuvre, parmi quatre, qui n’était pas peinte par le même artiste [34]. Les questions étaient volontairement graduées dans leur difficulté. Dans la première question, l’œuvre intruse, peinte par Hans Holbein le Jeune, se distingue facilement par sa tonalité chromatique et sa composition des trois autres œuvres peintes par Johannes Vermeer. Dans la deuxième, il est un peu plus difficile de distinguer l’œuvre de Paul Signac des trois tableaux de Vincent Van Gogh à la simple observation. Dans la troisième question, il est presque impossible d’identifier l’œuvre intruse de Henri Matisse parmi les trois toiles de Pablo Picasso relevant de périodes différentes sans une connaissance préalable des œuvres et des artistes.
55De fait, les œuvres intruses ont été identifiées respectivement par 79 %, 36 % et 4 % de la population pour chacune de ces trois questions. Ces écarts très importants interrogent sur leur répartition en fonction des différentes fréquences de pratiques de visites muséales distinguées précédemment (graphique 12).
Identification d’une œuvre intruse parmi d’autres : part des réponses exactes par catégorie de visite
Identification d’une œuvre intruse parmi d’autres : part des réponses exactes par catégorie de visite
Note de lecture : 85 % des individus de la catégorie de visite habituelle ont identifié le tableau de Holbein le Jeune parmi ceux de Vermeer et 62 % des individus de cette catégorie ont identifié le tableau de Signac parmi les tableaux de Van Gogh.56Quel que soit le niveau de difficulté des trois questions, le recours à l’item « ne sait pas » [35] est relativement limité et s’élève respectivement à 11 % (Holbein le Jeune/Vermeer) et 8 % pour les deux autres.
57Ceux qui ne sont pas tombés dans le piège « Matisse/ Picasso », qui ne représentent que 4 % des répondants, sont en majorité diplômés de l’enseignement supérieur, âgés de 55 ans et plus, et plus d’un tiers d’entre eux habitent l’agglomération parisienne. En termes de pratiques, si quelques individus des autres catégories de visite parviennent à identifier l’œuvre intruse, c’est parmi les visiteurs habituels qu’ils sont les plus nombreux.
58Dans le cas de la question « Signac/Van Gogh », un peu plus d’un tiers des répondants (36 %) donnent la bonne réponse et se caractérisent par la fréquence et la récence de leurs visites au musée. Ainsi, la part de personnes qui identifient l’intrus décroît régulièrement à mesure que leur dernière visite de musée est lointaine. On remarque en particulier, au sein de la catégorie des visiteurs habituels, un écart de compétence important entre les visiteurs assidus (plus de 5 visites annuelles) dont 74 % reconnaissent l’intrus et les visiteurs réguliers (de 3 à 5 visites annuelles) qui ne sont plus que 58 % à le repérer. Toutefois 16 % de ceux qui ne vont jamais visiter un musée ou une exposition le repèrent également, peut-être parce que les œuvres de Van Gogh proposées aux côtés de celle de Signac font partie des plus connues.
59Enfin, les résultats sont encore moins discriminants dans le cas de la reconnaissance de l’œuvre de Holbein le Jeune parmi les Vermeer (79 %). Les réponses exactes sont majoritaires dans toutes les catégories de fréquentation et en particulier parmi celles qui rassemblent les individus ayant visité au moins un musée ou une exposition au cours de l’année ; le seul fléchissement des bonnes réponses se manifeste chez les personnes qui ne vont jamais au musée (pratique absente). Il est vrai que le tableau intrus contrastait nettement au regard des œuvres beaucoup plus familières et homogènes de Vermeer.
60En conclusion, les individus qui déclarent les pratiques de visites de musées et d’expositions les plus intenses sont toujours les plus nombreux à donner la réponse exacte, mais dans des proportions très différentes selon la difficulté des questions. En effet, les écarts entre les taux de bonnes réponses d’une question à l’autre témoignent de la force des références communes et de l’impact des indices visuels qui déterminent ensemble un niveau de difficulté partagé par la plupart des répondants. C’est ensuite dans ce contexte qu’apparaissent les variations liées aux connaissances artistiques plus assises. On remarque aussi la relative constance de la part des items « ne sait pas » d’une question à l’autre, confirmant la part de mauvaises réponses et indiquant une posture ludique de la plupart des répondants, qui préfèrent deviner une réponse en prenant le risque de se tromper.
Classer par ordre chronologique [36]
61On retrouve ces mêmes compétences d’identification déductive visuelle dans les questions qui proposent de classer des œuvres (sculptures et autoportraits) dans un ordre chronologique. Les deux questions chronologiques proposaient des œuvres s’échelonnant sur plusieurs siècles : de la Vénus de Milo (environ 100 ans avant J.-C.) à Niki de Saint Phalle (1985) pour les sculptures [37] et de Dürer (1500) à Bacon (1971) pour les autoportraits [38].
62Les individus qui ont déterminé l’ordre chronologique exact des œuvres, soit 20 % de la population pour les sculptures et 16 % pour les autoportraits, se distinguent, dans les deux cas, par des pratiques de visites de musées plus récentes et soutenues, davantage portées sur les beaux-arts pour les visites de musées comme pour les usages en ligne [39]. De manière systématique, une plus grande fréquence de visites muséales caractérise les lauréats du classement chronologique en peinture au regard des lauréats en sculpture (graphique 13).
Répartition des bonnes réponses dans les questions de classement chronologique, selon les fréquentations muséales
Répartition des bonnes réponses dans les questions de classement chronologique, selon les fréquentations muséales
Note de lecture : parmi les individus qui ont une fréquentation habituelle des musées, 33 % ont su ordonner chronologiquement les peintures (autoportraits) et 29 % les sculptures.63À l’autre extrême, ceux qui n’ont obtenu aucun point à ces questions, soit 11 % de la population pour les sculptures et 21 % pour les autoportraits, témoignent de visites muséales plus lointaines, voire inexistantes, et de faibles usages en ligne en lien avec des thématiques artistiques (respectivement 73 % et 64 % n’en ont pas). Ils ont aussi des pratiques de lecture plus rares (respectivement 52 % et 46 % d’entre eux n’ont lu aucun livre dans l’année, contre 29 % de l’ensemble des répondants). Ainsi, le classement chronologique des sculptures apparaît un peu moins discriminant que celui des peintures en raison, sans doute, d’indices visuels plus forts et plus partagés. On remarque d’ailleurs que la plus ancienne sculpture (Vénus de Milo) et la plus récente (La tempérance,esquisse sculptée pour le Jardin des tarots de Niki de Saint Phalle) sont plus souvent données à leur place, aux deux extrémités du segment chronologique.
64Les écarts sont plus importants pour le classement des peintures, notamment entre les individus appartenant aux catégories de visites habituelles et ceux qui ne fréquentent jamais de musée, pour lesquels les non-réponses sont sensiblement plus nombreuses que les réponses bien classées. Il est en effet visuellement plus délicat d’identifier l’œuvre la plus ancienne – comparée à l’ancienneté d’une statue antique – et c’est l’autoportrait de Delacroix qui est le plus souvent bien situé, au milieu de la frise temporelle, puis celui de Francis Bacon, tout à la fin.
65La capacité à repérer des œuvres très anciennes ou très récentes est donc assez largement partagée, en particulier lorsqu’il s’agit de sculptures utilisant une diversité de techniques. En revanche, lorsqu’il s’agit de tableaux, les personnes les plus familières des musées sont mieux à même de les situer finement dans le temps.
L’attribution d’œuvres à des artistes ou à des mouvements picturaux
66Les questions portant sur l’attribution de tableaux et de sculptures à leurs créateurs se révèlent plus discriminantes car elles requièrent davantage de connaissances et laissent souvent moins de place à des repères visuels et temporels. Les individus déclarant les visites muséales les plus fréquentes choisissent davantage les bonnes réponses et évitent les artistes auxquels ne correspond aucune œuvre (Raphaël, Monet et Botero). Ces questions comportaient en effet plus de noms d’artistes que d’œuvres et leur attribution exigeait par conséquent d’exclure un artiste piège. Les individus appartenant aux catégories de visites rares et occasionnelles sont les plus nombreux à prendre le risque de se tromper tandis que les personnes aux pratiques de visites lointaines ou absentes préfèrent plus souvent s’abstenir de répondre.
67Ces questions, qui s’adressent davantage aux connaissances artistiques acquises, permettent aussi de confirmer la notoriété de certains artistes auprès des catégories de visiteurs moins avertis. Certaines œuvres sont largement reconnues, y compris parmi les individus qui visitent rarement les musées. C’est le cas des Nymphéas et du Penseur qui sont attribués à bon escient à Claude Monet et à Auguste Rodin par 70 % et 68 % de la population, avec de forts taux de réponses exactes y compris parmi les individus ne visitant jamais de musée (respectivement 35 % et 29 %). Ces bonnes réponses sont majoritaires pour tous ceux qui visitent les musées et augmentent rapidement avec la fréquence de visite [40]. Dans une moindre mesure, la Marilyn Monroe d’Andy Warhol fait aussi partie des œuvres dont la notoriété s’étend aux visiteurs peu fréquents, tandis que les deux œuvres Homme au chapeau melon de René Magritte et Le Baiser de Gustav Klimt ne sont majoritairement reconnus que par les visiteurs de musées les plus fréquents.
68Une autre question opérant des écarts importants entre les différentes catégories de visiteurs propose d’attribuer des tableaux à différents mouvements picturaux. Les individus de la catégorie de visite habituelle, qui obtiennent toujours le meilleur taux de bonnes réponses à ces questions, se distinguent tout particulièrement en identifiant le cubisme (73 %), le fauvisme (63 %) et le suprématisme (47 %), tandis que ceux qui ne visitent jamais de musée sont nettement moins nombreux à attribuer Impression, soleil levant de Claude Monet à l’impressionnisme (11 % contre 43 % en moyenne, et 75 % pour les visiteurs habituels). Ici encore, ceux qui ne visitent pas ou peu les musées sont surtout nombreux soit à ne pas répondre, soit à choisir l’item « ne sait pas », c’est-à-dire à reconnaître leur ignorance.
Patrimoine : références communes et discriminantes
69L’hypothèse énoncée précédemment supposait que la visibilité des sites, monuments ou statues dans l’espace public, auquel contribue aussi internet, expliquerait leur meilleure reconnaissance par la population. L’examen des bonnes réponses des différentes catégories de visiteurs fait apparaître des nuances qui précisent et illustrent à la fois les références communes et les contours de la globalisation culturelle.
7091 % de la population relie l’image de la Statue de la Liberté à la ville de New York, soit la quasi-totalité de ceux qui ont répondu à cette question. C’est aussi le cas pour le Christ rédempteur et la ville de Rio de Janeiro (82 %) et, dans une moindre mesure, pour le Manneken-Pis et Bruxelles (80 %). Seuls les individus qui ne visitent jamais de musée attribuent moins souvent que les autres ces statues à leur ville, mais une grande majorité d’entre eux y parviennent malgré tout.
71Ces trois liens entre les statues et la ville où on peut les contempler font partie des bonnes réponses les plus partagées par l’ensemble de la population. Parmi les questions recueillant le plus fort taux de réponses exactes, on retrouve aussi La Joconde, le film Intouchables et les styles architecturaux médiéval, provençal et Renaissance. Les questions sur les styles architecturaux et les statues apparaissent ainsi moins discriminantes et s’appuient effectivement sur des références communes.
72C’est aussi le cas, dans une moindre mesure, des questions portant sur l’identification des ponts. On distingue ici les ponts les plus largement connus, comme le pont du Gard, le Golden Gate de San Francisco et le viaduc de Millau, des ponts qui segmentent davantage les répondants comme le pont Alexandre-III ou le pont Valentré, moins identifiés par ceux qui ne fréquentent pas les musées.
73L’attribution massive de la Statue de la Liberté à la ville de New York ou la reconnaissance du Golden Gate, deux monuments iconiques des États-Unis, peuvent être rapprochées des résultats de la question sur les pays des sites archéologiques. Seule l’image du temple d’Aphaïa d’Égine est attribuée largement à la Grèce par les trois quarts des individus, quelles que soient leurs pratiques de visites, à l’exception de ceux qui n’en ont aucune (46 % de bonnes réponses), confirmant ainsi son appartenance à un champ de références communes. En revanche, le taux de bonnes réponses à l’identification du pays d’origine de la pyramide de Kukulcán (Mexique) ou du site de Stonehenge (Angleterre), qui reste élevé parmi les individus aux visites de musées habituelles (respectivement 87 % et 82 %), décroît plus rapidement parmi ceux dont les visites sont moins fréquentes (respectivement 54 % et 50 % pour les individus de la catégorie de visites lointaines). Les individus aux pratiques de visites habituelles sont aussi ceux qui déclarent la plus grande fréquence de vacances à l’étranger.
74L’hypothèse de la visibilité dans l’espace public des œuvres les plus reconnues se confirme et celles-ci dessinent aussi les contours d’une diversité de références communes, de la Renaissance italienne à l’Antiquité grecque, des grandes villes américaines à l’architecture régionale.
Cinéma : culture populaire et effets générationnels
75Les questions portant sur des titres et des réalisateurs de films ont été introduites pour élargir le champ des références culturelles sollicitées. Elles ne sont pas aussi nombreuses que celles qui ont trait aux beaux-arts et il est par conséquent excessif de s’appuyer sur leurs résultats pour en tirer des conclusions sur les connaissances relatives à leur champ. Pour autant, les réponses qui y sont apportées illustrent la diversité des univers culturels et les caractéristiques sociales qui y sont attachées.
76Ainsi, face à des images tirées de films auxquels il faut attribuer un titre, Intouchables, E.T. l’extraterrestre et Le Parrain sont correctement identifiés par 80 % de la population, et au moins 60 % de ceux qui ne fréquentent jamais les musées. À l’opposé, Shining et Black Swan sont plus clivants, identifiés par au moins 70 % des visiteurs habituels mais seulement 31 % de ceux qui ne visitent jamais les musées. Cette dernière catégorie, qui ne visite pas les musées et qui ne va pas autant au cinéma que le reste de la population, identifie plus facilement les films plus populaires ou patrimoniaux que les films moins familiaux ou plus récents.
77Lorsqu’il s’agit ensuite, toujours à partir d’une image d’un film, de l’attribuer à son réalisateur, les écarts sont plus importants entre les catégories qui visitent le moins les musées et celles qui les visitent habituellement. Le groupe des visiteurs aux pratiques muséales habituelles se distingue notamment par une meilleure attribution d’une image d’un film de Pedro Almodóvar (Volver, 74 %), de Jean-Luc Godard (À bout de souffle, 69 %) et de Cédric Klapisch (L’Auberge espagnole, 50 %). Citizen Kane, d’Orson Welles, est globalement peu identifié (27 %), y compris par les individus effectuant les visites et les sorties les plus fréquentes (44 %). À l’inverse, l’image qui rassemble le plus de bonnes réponses au sein de la population est celle d’un film de Woody Allen (To Rome with Love, 65 %) qui représente le réalisateur lui-même, acteur dans son film, la rendant probablement plus facile à attribuer.
78Les questions sur le cinéma, pour les titres de films comme pour les noms de réalisateurs, sont aussi très discriminantes sur le plan générationnel. Les plus âgés (55 ans et plus) sont ceux qui identifient le mieux Jean-Luc Godard, Orson Welles et Le Parrain, tandis que les classes d’âge intermédiaires (35 à 54 ans) identifient mieux Mathieu Kassovitz, Cédric Klapisch et Shining. Quant aux plus jeunes (18-34 ans), ils sont les plus nombreux à identifier Black Swan et la série Game of Thrones, témoignant ainsi de la familiarité des individus aux films de leur époque.
Conclusion
79L’approche des connaissances artistiques des Français relève d’une démarche relativement inédite, empreinte, on l’a dit, d’une dimension exploratoire, nécessitant des enquêtes renouvelées. Néanmoins elle donne à voir une première répartition marquée par une forte concentration des scores de la moitié de la population autour des résultats médians et témoignant de familiarités variables selon les domaines artistiques. Elle révèle aussi deux extrêmes : d’un côté, une moindre connaissance des domaines enquêtés, de manière consonante et homogène, pour le quart de la population obtenant les plus bas scores ; de l’autre, une logique de cumul et d’éclectisme des savoirs pour le quart de la population obtenant les plus hauts scores. La connaissance picturale apparaît plus discriminante, quelles que soient les compétences mobilisées (la reconnaissance ou le classement chronologique) que la sculpture et le patrimoine architectural, ces derniers participant davantage d’un socle de références communes, notamment parce qu’ils sont visibles dans l’espace public.
80L’hypothèse d’un renouvellement des facteurs explicatifs, au regard de l’analyse des pratiques de visites muséales, n’est toutefois pas confirmée : on observe une répartition inégale de la connaissance artistique selon le milieu social et, parmi les variables sociodémographiques, le niveau d’études se révèle le plus clivant. En outre, le constat d’une progression de la connaissance avec l’avancée en âge renvoie à la fois à des effets de capitalisation des savoirs et à des effets de génération, les baby-boomers témoignant d’une meilleure connaissance artistique, qui reflète aussi leur rapport privilégié à la culture.
81Ces éléments incitent à approfondir la dimension générationnelle de certaines références, voire de domaines artistiques : à l’exception de quelques questions cinématographiques relatives à des films plus récents et révélant des clivages d’âges, le quiz portait principalement sur la culture classique. Or les réponses des 18-34 ans attestent d’une réussite moindre, voire d’un certain désintérêt, qui questionne leur rapport à cette culture. De plus, les meilleurs résultats des jeunes femmes au regard de ceux des jeunes hommes, qui pourraient s’expliquer par des effets de socialisation enfantine et de filières de formation, demandent aussi à être confirmés et observés dans le temps.
82L’un des résultats essentiels de cette enquête est que la fréquentation des musées, au-delà des caractéristiques sociodémographiques et des autres pratiques culturelles des individus s’avère la plus fortement corrélée avec la connaissance artistique. Il est difficile de déterminer la relation de causalité : serait-ce la familiarité muséale qui développerait la connaissance artistique, ou bien la connaissance artistique qui faciliterait l’accès aux musées et expositions ? Il n’est pas exclu que les deux processus se conjuguent suivant les thématiques artistiques et patrimoniales. Une exploration plus ciblée des sources, des canaux de socialisation culturelle, visant à identifier l’origine des connaissances et références reconnues, permettrait d’éclairer et d’approfondir les processus à l’œuvre.
83Quoi qu’il en soit, cette relation entre la pratique de visite muséale et la connaissance artistique recouvre des enjeux de politique culturelle et fait écho à deux des trois piliers de l’éducation artistique et culturelle [41], à savoir la fréquentation des œuvres d’art et des objets patrimoniaux et l’appropriation de connaissances artistiques (repères, lexique, etc.). L’enquête montre combien ces deux axes sont articulés, tout en interrogeant l’évolution des rapports à la culture classique selon les âges, nécessitant notamment de suivre et d’approfondir la relation à l’art et à la culture des jeunes générations.
Sources et éléments de méthodologie
Elipss est un panel internet représentatif de la population résidant en France métropolitaine, âgée de 18 à 79 ans en juillet 2016. Les panélistes ont été sélectionnés aléatoirement. Ils répondent tous les mois à des enquêtes élaborées par des chercheurs à l’aide d’une tablette et d’un abonnement internet mobile mis à leur disposition. L’enquête annuelle permet de collecter et d’actualiser les informations démographiques et socio-économiques [2]. Ces données forment un tronc commun [3] que peuvent mobiliser les enquêtes mensuelles dans leur analyse.
L’enquête Pratiques de visites des Français, réalisée du 26 avril au 14 juin 2018 auprès de 2 296 individus, a été initiée par le Département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la Culture et par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais [4]. Elle comporte deux volets : un questionnaire portant sur les sorties aux musées et expositions, les attentes et les freins à la visite ; un quiz explorant la connaissance artistique. Le premier volet fera l’objet d’une publication ultérieure, en articulation avec les résultats de l’enquête Pratiques culturelles 2018 [5]. Le second volet explore les rapports à l’art et à la culture à travers la connaissance artistique des individus qu’il met en lien avec leurs pratiques culturelles et les déterminants sociaux.
Le quiz, une approche exploratoire de la connaissance artistique
Le quiz constitue la seconde partie du questionnaire. Imaginé sous une forme ludique, il a été conçu de manière empirique, originellement centré sur les beaux-arts, puis élargi à des questions portant sur le patrimoine architectural, les monuments et les sites historiques, ainsi que sur le cinéma. Le choix des œuvres a été motivé par la volonté d’inciter le plus grand nombre à répondre, avec des questions de difficulté graduée permettant de distinguer les plus avertis des plus novices ; il a aussi été conditionné par la disponibilité de leurs reproductions – liée notamment à la contrainte des droits d’utilisation. L’objectif était également de déjouer la recherche des réponses sur internet, le mode d’enquête sur tablette amplifiant ce risque éventuel. À ce sujet, l’analyse des « sorties » du quiz – qui pourraient indiquer une recherche de réponse sur internet, sans que nous ayons pour autant aucune certitude de cet usage – se révèle plutôt rassurante. En effet, 64 % des enquêtés ne sont pas « sortis » du quiz, et 21 % sont sortis pendant moins d’une minute. Seuls 14 % en sont sortis pendant une minute et plus. Si l’on regarde les résultats au quiz de cette souspopulation, elle ne se distingue pas particulièrement par de meilleurs scores : 44 % ont obtenu un score inférieur ou égal au score médian et 56 % un score supérieur à la médiane, soit quasiment les mêmes résultats que les individus qui sont sortis du quiz moins d’une minute.
Calcul des scores
Le quiz se compose de 17 questions correspondant à 72 items à renseigner : la peinture regroupe 27 réponses, le patrimoine architectural 18 réponses, la sculpture-statuaire 15 réponses et le cinéma 12 réponses. Les questions mobilisent différentes compétences, souvent croisées : la reconnaissance d’œuvres et de sites (via leur titre, leur auteur, leur lieu d’installation), le classement d’œuvres par ordre chronologique et l’identification ou l’évitement d’un intrus.
Les répondants cumulent un point par bonne réponse, obtenant un score total sur 72 points. Pour les questions de reconnaissance d’œuvres, d’identification ou d’évitement d’intrus, on attribue 1 point à chaque bonne réponse et 0 en cas de mauvaise réponse, non-réponse ou « ne sait pas ». Pour les deux questions de classement par ordre chronologique, les points sont attribués en fonction de l’ordre choisi des 5 œuvres à classer. Supposons que l’on ait 5 œuvres numérotées 1, 2, 3, 4, 5 et que cet ordonnancement corresponde à l’ordre chronologique exact. L’erreur la plus grande qu’il est possible de faire correspond à l’ordre suivant : 5, 4, 3, 2, 1. On décide d’attribuer 1 point de pénalité à chaque permutation, 2 à 2, qu’il est nécessaire d’effectuer pour retrouver le bon ordre. Dans ce cas de figure, 10 permutations au maximum sont nécessaires. On fixe à 10 la note maximale que l’on peut obtenir à laquelle on ôte les points de pénalité [6]. La note est ensuite divisée par deux pour ne pas surpondérer ces questions au regard des autres. Pour faciliter l’analyse, le score total est rapporté sur une échelle de 20.
Méthodologie d’analyse
L’utilisation d’un tel outil et son analyse relèvent d’une démarche exploratoire. Le quiz n’a pas pour ambition d’évaluer le niveau de connaissance artistique des Français : il s’agit avant tout d’un indicateur visant à éclairer les liens entre celle-ci et les pratiques des individus ainsi que leurs caractéristiques sociodémographiques. Cet indicateur fournit des hypothèses qui demanderont à être confirmées via d’autres enquêtes : cette prudence est nécessaire à la lecture des résultats. Néanmoins, l’étude des distributions des scores et leurs croisements avec différentes variables offrent une dimension inédite à l’étude des rapports à l’art et à la culture.
Ainsi, l’intérêt réside moins dans l’examen des taux de réussite à chaque question du quiz que dans l’analyse de la distribution des scores au sein de la population. Ce type d’approche permet d’étudier la concentration et la dispersion des scores sans se focaliser sur le résultat d’une question, pour lequel entre pleinement en jeu la dimension subjective du choix des images proposées. Ainsi, on privilégie les analyses comparatives de sous-populations définies selon la position de leur score dans la distribution générale : on confronte par exemple les caractéristiques de la population (socio-démographie, pratiques culturelles) ayant obtenu un score inférieur ou égal à la médiane avec celles de la population ayant obtenu un score supérieur à la médiane, ou encore celles des 25 % d’individus ayant les plus bas scores (nommés les « novices ») avec celles des 25 % d’individus ayant comptabilisé les plus hauts scores (dits « connaisseurs »).
Sorties culturelles et pratiques de visites
La première partie du questionnaire porte sur les pratiques de visites et leurs modalités. Une question liminaire concerne les sorties et la récence de la dernière d’entre elles (au cours des douze derniers mois, entre un et cinq ans, il y a plus de cinq ans, jamais). Treize sorties sont interrogées, reprenant la liste des activités de loisirs enquêtée dans Pratiques culturelles des Français jusqu’en 2008 : aller dans un parc d’attractions comme Disneyland ou le parc Astérix ; dans un parc comme le Futuroscope ou la Cité des sciences de la Villette ; dans une fête foraine ; dans un zoo ou un parc avec des animaux en liberté ; aller voir un spectacle de cirque ; aller voir un match ou un autre spectacle sportif payant ; visiter un monument historique (château, monument religieux, quartier historique, etc.) ; visiter un musée ou une exposition ; aller dans une galerie d’art ; voir une exposition dans l’espace public (rue, parc, gare, etc.) ; voir une exposition dans un espace commercial ; visiter un salon ou une foire (de l’automobile, de l’agriculture, du livre, du mariage, etc.) ; aller au cinéma. Cette question permet de calculer un compte total annuel de sorties, en attribuant 1 point par sortie réalisée au cours des douze derniers mois.
Les questions suivantes approfondissent la pratique de visite de monument historique, dans sa localisation (à proximité du domicile, dans une autre région, à Paris, à l’étranger), sa temporalité (le weekend, dans la semaine, pendant des congés, ou sans règle générale), ses contextes de sociabilité (seul, en couple, en famille, entre amis, en groupe organisé, avec des enfants de moins de 18 ans), les canaux d’information utilisés lors de la dernière visite. Ces mêmes questions sont posées pour la pratique de visite de musées et d’expositions, auxquelles s’ajoutent des interrogations supplémentaires. Un premier module porte sur la fréquence de visites de ces douze derniers mois, les genres de musées fréquentés et si la dernière visite s’est déroulée dans les collections permanentes d’un musée ou dans une exposition temporaire. Un autre module sonde les enquêtés sur les freins au développement de leur visite et sur leurs motivations, selon la récence de leur pratique de visite. L’éventualité d’une période antérieure de pratique plus régulière est également questionnée. Enfin, une dernière partie concerne l’utilisation d’internet de manière générale, puis plus particulièrement en lien avec une visite de musée ou d’exposition. Elle est complétée par des questions sur les usages d’internet en lien avec des thématiques artistiques et patrimoniales, indépendamment de toute visite.
QUIZ : Enquête sur les pratiques de visite de musées et expositions des Français
III. PEINTURE
Q11 – Lequel de ces tableaux n’a pas été peint par le même artiste ?
SÉRIE VERMEER
La Lettre, vers 1670, Johannes Vermeer
La Lettre, vers 1670, Johannes Vermeer
Femme lisant une lettre près de la fenêtre, vers 1659, Johannes Vermeer
Femme lisant une lettre près de la fenêtre, vers 1659, Johannes Vermeer
Portrait du marchand Georg Gisze, 1532, Hans Holbein, Le Jeune
Portrait du marchand Georg Gisze, 1532, Hans Holbein, Le Jeune
L’astronome, dit aussi l’Astrologue, 17e siècle, Johannes Vermeer
L’astronome, dit aussi l’Astrologue, 17e siècle, Johannes Vermeer
SÉRIE VAN GOGH
Tournesols, 1888 ou 1889, Vincent Van Gogh
Tournesols, 1888 ou 1889, Vincent Van Gogh
Autoportrait, automne 1887, Vincent Van Gogh
Autoportrait, automne 1887, Vincent Van Gogh
La nuit étoilée, Arles, 1888, Vincent Van Gogh
La nuit étoilée, Arles, 1888, Vincent Van Gogh
La Seine près de Samois (étude), 1899, Paul Signac
La Seine près de Samois (étude), 1899, Paul Signac
Remerciements
Les données du panel Elipss ont été produites par le Centre de données sociopolitiques (cdsp), Sciences Po/cnrs, dans le cadre de l’équipement d’excellence dime-shs financé par une aide de l’État gérée par l’Agence nationale de la recherche au titre du programme « Investissements d’avenir » portant la référence ANR10-EQPX-19-01.Nos remerciements vont également à Olivier Donnat, pour son intérêt et les riches discussions sur le sujet qui ont stimulé la rédaction de cet article.
Notes
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[1]
Comme le souligne l’une des rares publications sur le sujet : Olivier Donnat, Les Connaissances artistiques des Français. Éléments de comparaison, 1988-2008, Paris, Ministère de la Culture, deps, coll. « Culture études », 2013-5. Par ailleurs, les représentations dans ce domaine ont fait l’objet de peu d’études, citons cependant : Jean-Michel Guy, Les Représentations de la culture, Paris, Ministère de la Culture, deps, coll. « Culture études », 2015-1.
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[2]
Telle qu’elle apparaît dans la sociologie bourdieusienne, voir Pierre Bourdieu, La Distinction, Paris, Minuit, 1979.
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[3]
Le concept de compétence artistique développé par Bourdieu est proche de celui de la connaissance artistique telle qu’étudiée dans la présente étude, sans le recouvrir néanmoins. La compétence artistique est définie comme « la connaissance préalable des principes de division proprement artistiques qui permettent de situer une représentation, par le classement des indications stylistiques qu’elle enferme, parmi les possibilités de représentation constituant l’univers artistique ». Pierre Bourdieu et Alain Darbel, L’Amour de l’art. Les musées d’art européen et leur public, Paris, Minuit, 1969, p. 73.
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[4]
L’enquête Pratiques de visites des Français a été initiée par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais et par le Département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la Culture, à la suite des interrogations nées de la désaffection du public des établissements parisiens en 2016. Ce questionnement sur les tendances, freins et motivations des pratiques de visites, et sur la pérennité ou le renouvellement des facteurs explicatifs ne sera pas traité dans cet article mais fera l’objet d’une prochaine publication, articulée aux résultats de l’enquête Pratiques culturelles 2018.
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[5]
Il s’agit de l’« écart interquartile », indicateur de la dispersion d’un ensemble de données autour des valeurs centrales. L’écart interquartile couvre 50 % d’un ensemble de données et élimine l’influence des valeurs aberrantes, il est obtenu en faisant la différence entre le 3e et le 1er quartile.
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[6]
Le terme « novices » est à entendre sans le caractère d’apprenti, de débutant qu’il recouvre. On l’utilise ici pour désigner ceux qui obtiennent les plus bas scores : il serait synonyme de « moins connaisseurs », expression qu’il nous gêne d’employer, définissant les caractéristiques de cette population par la négative. Faute d’avoir trouvé un autre terme synthétique, le substantif « novices » a été retenu.
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[7]
Sur les 72 items du quiz, les individus avaient la possibilité de passer à la question suivante sans répondre (non-réponse) pour 67 items ou de choisir la réponse « ne sait pas » pour 62 items.
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[8]
Néanmoins, ce résultat est à confirmer dans la mesure où la connaissance cinématographique est évaluée par 12 items du quiz seulement. De plus, une grande partie des œuvres ou des réalisateurs à reconnaître s’assimile à des références patrimoniales ; le choix de références plus récentes, incluant plus largement les séries par exemple, pourrait modifier cette répartition, notamment en faveur des plus jeunes.
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[9]
Un baby-boomer est une personne née en Occident pendant la période du baby-boom correspondant à un pic de natalité enregistré dans la plupart des pays développés, après la Seconde Guerre mondiale. On définit en général un baby-boomer comme une personne née entre 1946 et 1964. Voir Jean-François Sirinelli, Génération sans pareille. Les baby-boomers de 1945 à nos jours, Paris, Tallandier, 2016.
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[10]
O. Donnat, Les Connaissances artistiques des Français, op. cit., p. 12. Il n’est pas question ici de comparer les deux enquêtes, dont les protocoles sont très distincts, mais de rapprocher certaines tendances observées, afin d’enrichir la réflexion.
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[11]
Ibid., p. 5.
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[12]
Cette baisse s’est enrayée dans certaines disciplines mais perdure dans d’autres comme l’orthographe ou les mathématiques. Voir notamment les travaux récents de la Direction de l’évaluation, de la performance et de la prospective du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse sur la baisse des performances en orthographe (Note d’information n° 28, 2016), ou encore le Centre national d’étude des systèmes scolaires (Cnesco) qui fournit des analyses à partir des enquêtes internationales timss et pisa : https://www.cnesco.fr/fr/comparaison-pisa-timss/pisa/.
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[13]
Les moins de 35 ans ont recours en moyenne à 21 non-réponses ou « ne sait pas », les 35-54 ans en fournissent 19 et les plus de 55 ans 18.
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[14]
Voir Olivier Donnat, Les Français face à la culture. De l’exclusion à l’éclectisme, Paris, La Découverte, 1994 ; Bernard Lahire, La Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi, Paris, La Découverte, 2004.
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[15]
En 2017, les filles forment 79 % des effectifs de terminale générale littéraire. Elles constituent 70 % des étudiants en lettres et sciences humaines à l’université contre 40 % en sciences. Christophe Jaggers, « La parité dans l’enseignement supérieur », in Isabelle Kabla-Langlois (sous la dir. de), L’État de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France. 49 indicateurs [en ligne], Paris, Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, 2017 (10e éd.), fiche 13.
-
[16]
Voir Sylvie Octobre, « Du féminin et du masculin. Genre et trajectoires culturelles », Réseaux, vol. 168-169, no 4, 2011, p. 23-57.
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[17]
Voir Olivier Donnat, Pratiques culturelles, 1973-2008. Dynamiques générationnelles et pesanteurs sociales, Paris, Ministère de la Culture, deps, coll. « Culture études », 2011, p. 33-35.
-
[18]
Les milieux sociaux sont issus du regroupement des pcs en trois catégories : les classes populaires agrègent les employés, les ouvriers, les agriculteurs exploitants et les inactifs, les classes moyennes réunissent les professions intermédiaires, les artisans, commerçants et chefs d’entreprise de 10 salariés ou plus, et les classes supérieures regroupent les cadres et professions intellectuelles supérieures.
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[19]
La proportion de bacheliers dans une génération s’élevait à 20 % en 1970, à 26 % en 1981, quand elle atteint 79 % en 2016. Voir Fanny Thomas, « Le baccalauréat et les bacheliers », in I. Kabla-Langlois (sous la dir. de), L’État de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France. 49 indicateurs, op. cit., fiche 7.
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[20]
Cette interprétation – suscitée par le type de connaissance enquêtée, particulièrement associée aux normes de la légitimité culturelle – relierait l’acquisition de la connaissance artistique à un habitus culturel, propre aux catégories supérieures et reproduit en leur sein. Voir P. Bourdieu et A. Darbel, L’Amour de l’art, op. cit.
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[21]
Pour des questions d’effectifs, cette analyse statistique est réalisée sur le fait d’appartenir à la moitié de la population ayant obtenu les scores les plus élevés et non sur les 25 % d’individus ayant eu les meilleurs scores, comme dans les analyses précédentes.
-
[22]
Par souci de simplification, les résultats suivants présentant les odds ratios adopteront une formulation plus synthétique.
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[23]
La question était formulée ainsi : « Indépendamment d’une visite de musée ou d’exposition, vous est-il arrivé d’aller sur internet ces 12 derniers mois pour : 1. Découvrir des œuvres d’art, des objets patrimoniaux ? 2. Découvrir des monuments historiques, des sites touristiques ? 3. Télécharger des images d’œuvres (pour les conserver, les partager, illustrer un document) ? 4. Personnaliser, retoucher une œuvre d’art ou une photo d’artiste ? 5. Vous informer sur des artistes ou des techniques artistiques ? 6. Visiter une exposition en ligne, effectuer une visite virtuelle de musée ? 7. Télécharger un e-book [livre numérique], un e-album [album numérique], ou une application de beaux-arts ? 8. Vous abonner à des newsletters [lettres d’information] de musées ? 9. Aucune de ces activités ? »
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[24]
Voir Bernard Lahire, La Culture des individus. Dissonances culturelles et consonances de soi, Paris, La Découverte, 2004.
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[25]
Ces deux sous-catégories portent sur des effectifs faibles : 7 % de l’échantillon correspond à 191 individus et 4 % à 92 individus seulement. L’analyse ne peut donc être très fine mais l’intérêt de la réflexion incite à prendre le risque de formuler les principales observations.
-
[26]
20 % des « scores élevés/visites rares » n’ont lu aucun livre dans l’année contre 40 % de l’ensemble de ceux qui ne sont pas allés visiter un musée dans l’année écoulée.
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[27]
35 % de diplômés du supérieur parmi les « scores élevés/visites rares » contre 22 % de l’ensemble de ceux qui ne sont pas allés visiter un musée dans l’année écoulée.
-
[28]
Est-ce qu’à une période de votre vie, vous alliez plus souvent qu’aujourd’hui visiter des musées ou des expositions ? Oui/Non. Si oui, est-ce lié : 1. À un empêchement (difficulté à vous déplacer, tarif trop élevé) ? 2. À un changement de mode de vie (déménagement, enfants, évolution professionnelle, etc.) ? 3. À l’évolution de vos centres d’intérêt ? 4. À un désintérêt pour les contenus et les thèmes proposés ? 5. À une détérioration des conditions de visite (confort, accès, etc.) ? 6. À la sécurité ? 7. Autre ?
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[29]
Jacqueline Eidelman, Jean-Pierre Cordier et Muriel Letrait, « Catégories muséales et identités des visiteurs », in Olivier Donnat (sous la dir. de), Regards croisés sur les pratiques culturelles, Paris, Ministère de la Culture, deps, 2003, p. 189-205.
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[30]
Cette étude prévoit aussi un volet qualitatif avec une série d’entretiens auprès des visiteurs de musées et d’expositions, afin d’affiner les représentations des différentes catégories de public sur leurs visites, qu’elles soient nouvelles, occasionnelles ou régulières.
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[31]
Le questionnaire est accessible en ligne à l’adresse suivante : https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Etudes-et-statistiques/Publications/Collections-de-synthese/Culture-etudes-2007-2019.
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[32]
Parmi ces deux références, seule La Joconde nécessitait une identification nominative. En effet, le Portrait du marchand Georg Gisze d’Holbein le Jeune correspondait à la découverte d’un intrus, parmi les œuvres de Vermeer, repérable par la construction formelle du tableau et par la différence de chromie de l’œuvre.
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[33]
Voir les travaux sur la géographie des références esthétiques et culturelles des jeunes : Vincenzo Cicchelli et Sylvie Octobre, L’Amateur cosmopolite. Goûts et imaginaires juvéniles à l’ère de la globalisation, Paris, Ministère de la Culture, deps, 2017.
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[34]
Question : lequel de ces tableaux n’a pas été peint par le même artiste ? Trois œuvres de Vermeer (La Lettre, Femme lisant une lettre près de la fenêtre, L’Astronome, dit aussi L’Astrologue) et une de Hans Holbein le Jeune (Portrait du marchand Georg Gisze) ;
Trois œuvres de Van Gogh (Tournesols, Autoportrait, La Nuit étoilée, Arles) et une de Paul Signac (La Seine près de Samois) ;
Trois œuvres de Picasso (Tête de femme, Faune et chèvre, L’Acrobate) et une de Matisse (Nu bleu II). -
[35]
Pour ces questions la réponse était obligatoire (non-réponse impossible).
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[36]
Voir « Sources et éléments de méthodologie », p. 44 pour le calcul des points attribués aux questions de classement chronologique.
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[37]
Dans l’ordre chronologique : Aphrodite dite Vénus de Milo, Antonio Canova : Psyché ranimée par le baiser de l’Amour, François Pompon : Panthère, Marcel Duchamp : Fontaine, Niki de Saint Phalle : La tempérance, esquisse sculptée pour le Jardin des tarots.
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[38]
Dans l’ordre chronologique : Albrecht Dürer : Autoportrait en manteau de fourrure, Rembrandt : Portrait de l’artiste à la toque et à la chaîne d’or, Eugène Delacroix : Portrait de l’artiste, Frida Kahlo : The Frame, Francis Bacon : Selfportrait.
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[39]
Pour les musées de beaux-arts : 46 % de ceux ayant trouvé le bon ordre des sculptures et 51 % de ceux ayant trouvé le bon ordre des autoportraits, contre 33 % de la population. Pour les usages en ligne en lien avec une thématique artistique : 61 % et 68 % contre 52 % de la population.
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[40]
Visites lointaines : 57 % pour les deux questions ; rares : 72 et 70 % ; occasionnelles : 80 % ; habituelles : 89 et 87 %.
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[41]
Le cadre institutionnel de la politique d’éducation artistique et culturelle est notamment défini par la Charte pour l’éducation artistique et culturelle ainsi que par la circulaire sur les parcours d’éducation artistique et culturelle n° 2013-073 du 3 mai 2013. Le troisième pilier est la pratique artistique.