Couverture de CRII_089

Article de revue

Le populisme écologique comme stratégie internationale : l’Équateur et la Bolivie face au multilatéralisme environnemental

Pages 165 à 183

Notes

  • [1]
    Joel Wainwright, Geoff Mann, « After Paris », dans J. Wainwright, G. Mann, Climate Leviathan : A Political Theory of Our Planetary Future, Londres, New York, Verso, 2018, p. 157-172.
  • [2]
    Soraya Sidani, Intégration et déviance au sein du système international, Paris, Presses de Sciences Po, 2015.
  • [3]
    Cas Mudde, « The Populist Zeitgeist », Government and Opposition, 39 (4), 2004, p. 541-563 ; Cas Mudde, Cristóbal Rovira Kaltwasser, Populism : A Very Short Introduction, New York, Oxford University Press, 2017.
  • [4]
    Jan-Werner Müller, Qu’est-ce que le populisme ? Définir enfin la menace, Paris, Gallimard, 2017.
  • [5]
    Gérard Bras, « Le peuple entre raisons et affects. À propos d’un concept de la politique moderne », Actuel Marx, 54 (2), 2013, p. 24-38 ; Catherine Colliot-Thélène, Florent Guénard (dir.), Peuples et populisme, Paris, PUF, 2014.
  • [6]
    Federico Tarragoni, L’esprit démocratique du populisme : une nouvelle analyse sociologique, Paris, La Découverte, 2019 ; Jason Frank, « Populism Isn’t the Problem », Boston Review, 15 août 2018.
  • [7]
    Ernesto Laclau, On Populist Reason, Londres, New York, Verso, 2005.
  • [8]
    Ibid., p. 74.
  • [9]
    Mélanie Albaret, Simon Tordjman, « Usages et effets politiques », dans Guillaume Devin, Franck Petiteville, Simon Tordjman, L’Assemblée générale des Nations unies, Paris, Presses de Sciences Po, 2020, p. 17-33.
  • [10]
    Par projection, nous entendons les politiques internationales proposées par ces deux pays, les stratégies qu’elles impliquent et les récits mobilisés pour renvoyer une image politiquement cohérente.
  • [11]
    Larry Lohmann, Camila Moreno (dir.), Capitalismo verde, Quito, Instituto de estudios ecologistas del tercer mundo, 2012 ; Jairus V. Grove, Savage Ecology : War and Geopolitics at the End of the World, Durham, Duke University Press, 2019 ; J. Wainwright, G. Mann, Climate Leviathan : A Political Theory of Our Planetary Future, op. cit.
  • [12]
    Né en 1959, Evo Morales Ayma est un dirigeant syndicaliste cocalero du Chapare dans le département de Cochabamba. Élu en 1996 à la tête de la fédération des six syndicats de paysans du Chapare, qui cultivent essentiellement la coca, il devient une figure montante de l’opposition politique. En 1997, il est élu député au Parlement bolivien. En 2002, il obtient 20,94 % des voix à l’élection présidentielle et devient dès lors une figure possible de l’alternance politique. Il est élu à la présidence de la République en 2005, puis réélu en 2009 et en 2014.
  • [13]
    Né en 1963, Rafael Correa est un universitaire et dirigeant politique équatorien. De 1993 à 2005, il enseigne les sciences économiques à l’Université San Francisco de Quito. Conseiller du vice-président Alfredo Palacio, il devient ministre de l’Économie quand celui-ci accède à la présidence de la République après la destitution de Lucio Gutiérrez (2003-2005). Il démissionne au bout de quatre mois et s’engage dans la campagne présidentielle de 2006, qu’il remporte avec 56,8 % au second tour. Il est réélu au premier tour en 2009, puis en 2013.
  • [14]
    Bertrand Badie, Quand le Sud réinvente le monde : essai sur la puissance de la faiblesse, Paris, La Découverte, 2018.
  • [15]
    Ces entretiens ont été réalisés en espagnol et traduits ici par nos soins.
  • [16]
    La Bolivie était la puissance invitante, mais l’Équateur y a participé en 2010, au titre particulier de l’initiative Yasuní-ITT.
  • [17]
    James Rosenau, Turbulence in World Politics, Princeton, Princeton University Press, 1990 ; Sidney Tarrow, « La contestation transnationale », Cultures & Conflits, 38-39, 2000 (en ligne).
  • [18]
    Matthieu Le Quang, Laissons le pétrole sous terre ! L’initiative Yasuní-ITT en Équateur, Montreuil, Omniscience, 2012 ; Joseph-Henri Vogel, The Economics of the Yasuní Initiative. Climate Change as if Thermodynamics Matters, Londres, Anthem Press, 2009 ; Alberto Acosta, « La iniciativa Yasuní ITT : Una crítica desde la economía política », Coyuntura, 16, 2014 (en ligne) ; Pamela L. Martin, Oil in the Soil : The Politics of Paying to Preserve the Amazon, Lanham, Rowman and Littlefield Publishers, 2011.
  • [19]
    Sunniva Labarthe, « Yasuní-ITT en Équateur : le projet peut-il encore atterrir au niveau local ? », Mouvements, 76, 2013, p. 90-104.
  • [20]
    Entretien avec C. Viterí Gualinga, président de la Commission ressources naturelles et biodiversité à l’Assemblée nationale équatorienne, Quito, 23 janvier 2015.
  • [21]
    Erving Goffman, Stigmate, Paris, Éditions de Minuit, 1975.
  • [22]
    Entretien avec Álvaro García Linera, vice-président de l’État plurinational de Bolivie, La Paz, 21 août 2016.
  • [23]
    Grupo de trabajo sobre deuda externa y desarrollo, Deuda externa, desarrollo y ecología, Quito, FONDAD, 1992.
  • [24]
    Christophe Bonneuil, Jean-Baptiste Fressoz, L’événement anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Paris, Le Seuil, 2013.
  • [25]
    Dipesh Chakrabarty, « The Climate of History : Four Theses », Critical Inquiry, 35 (2), 2009, p. 197-222.
  • [26]
    Entretien avec C. Viterí Gualinga, cité.
  • [27]
    Franz J. Broswimmer, Une brève histoire de l’extinction en masse des espèces, Marseille, Agone, 2010.
  • [28]
    Karoline Postel-Vinay, L’Occident et sa bonne parole : nos représentations du monde, de l’Europe coloniale à l’Amérique hégémonique, Paris, Flammarion, 2005.
  • [29]
    Entretien avec Sarela Paz, anthropologue, Cochabamba, 9 août 2016.
  • [30]
    Gloria Chicaiza, Mineras chinas en Ecuador. Nueva dependencia, Quito, Elisabeth Bravo, 2014.
  • [31]
    Entretien avec Á. García Linera, cité.
  • [32]
    François Gemenne, L’enjeu mondial : l’environnement, Paris, Presses de Sciences Po, 2015.
  • [33]
    Ibid.
  • [34]
    Boaventura de Sousa Santos, « Epistemologies from the South and the Future », From the European South, 1, 2016, p. 17-29.
  • [35]
  • [36]
    G. Devin, Les organisations internationales, Paris, Armand Colin, 2016, p. 142.
  • [37]
    Á. García Linera, Geopolítica de la Amazonía. Poder hacendal-patrimonial y acumulación capitalista, La Paz, Vicepresidencia del Estado plurinacional de Bolivia, 2012.
  • [38]
    Guillaume Blanc, L’invention du colonialisme vert : pour en finir avec le mythe de l’Éden africain, Paris, Flammarion, 2020.
  • [39]
    Esperanza Martínez, Yasuní. El tortuoso camino de Kioto a Quito., Quito, Abya Yala, 2009 ; E. Martínez, « Carta de Esperanza Martínez a Rafael Correa », 28 janvier 2010 (https://www.cadtm.org/Ecuador-Carta-de-Esperanza).
  • [40]
    Entretien avec Pablo Rojas, porte-parole de la campagne en faveur du Tipnis, « Tipnis es la vida », Cochabamba, 11 août 2016 ; entretien avec E. Martínez, directrice d’Acción Ecológica, Quito, 12 janvier 2015.
  • [41]
    Forrest Hylton, Sinclair Thomson, Horizons révolutionnaires. Histoire et actualité politiques de la Bolivie, Paris, Imho, 2010 ; Allen Gerlach, Indians, Oil and Politics : A Recent History of Ecuador, Wilmington, SR Books, 2003.
  • [42]
    Entretien avec Ramiro Noriega, conseiller spécial auprès de l’ambassadeur d’Équateur en France, Paris, 19 septembre 2014.
  • [43]
    B. Badie, Le temps des humiliés : pathologie des relations internationales, Paris, Odile Jacob, 2014.
  • [44]
    E. Martínez, Yasuní. El tortuoso camino de Kioto a Quito., op. cit.
  • [45]
    E. Laclau, On Populist Reason, op. cit., p. 96.
  • [46]
    Irène Bellier, « Les peuples autochtones aux Nations unies : un nouvel acteur dans la fabrique des normes internationales », Critique internationale, 54, 2012, p. 61-80.
  • [47]
    Franck Poupeau, « L’eau de la Pachamama. Commentaires sur l’idée d’indigénisation de la modernité », L’homme, 198-199 (2-3), 2011, p. 247.
  • [48]
    Entretien avec Juan Carlos Nuñez, directeur de la Fundación Jubileo, La Paz, 23 août 2016.
  • [49]
    ONU, « Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 22 avril 2009 – 63/278. Journée internationale de la Terre nourricière », 1er mai 2009.
  • [50]
    Ibid.
  • [51]
    Evo Morales, « La Tierra no nos pertenence, nosotros pertenencemos a la Tierra », 22 avril 2009.
  • [52]
    Ibid.
  • [53]
    Entretien avec C. Viterí Gualinga, cité.
  • [54]
    James Lovelock, La terre est un être vivant : l’hypothèse Gaïa, Paris, Flammarion, 2017.
  • [55]
    Rafael Correa, « Discurso en la cumbre sobre cambio climático COP21 », 30 novembre 2015.
  • [56]
    Entretien avec E. Martínez, cité.
  • [57]
    Magdalena Medrano, directrice du Proyecto de asistencia agrobioenergética al campesino (PAAC), Cochabamba, 3 août 2016.
  • [58]
    Louise Rebeyrolle, « Amis à l’ONU, ennemis politiques en Équateur. Les stratégies d’alliances au prisme de la question environnementale (2006-2016) », Cahier des Amériques latines, 92, 2019, p. 188.
  • [59]
    E. Laclau, On Populist Reason, op. cit., p. 70.
  • [60]
    Ezequiel Adamovsky, « Penser le passage du social au politique », Mouvements, 63 (3), 2010, p. 111-129.
  • [61]
    Intervención del Presidente Evo Morales en el Consejo de Seguridad de la ONU, 26 septembre 2018 (https://www.youtube.com/watch?v=IYbinNLZkGk).
  • [62]
    Entretien avec R. Noriega, cité.
  • [63]
    Entretien, Quito, 21 janvier 2015.
  • [64]
    Partido por la Victoria del Pueblo, « Alvaro García Linera : “El movimiento social empuja el cambio político” », 16 octobre 2011 (https://www.pvp.org.uy/2011/10/16/alvaro-garcia-linera-%e2%80%9cel-movimiento-social-empuja-el-cambio-politico%e2%80%9d/).
  • [65]
    Entretien avec Carlos Crespo, anthropologue à l’Université de Cochabamba, Cochabamba, 2 août 2016.
  • [66]
    Bahgat Korany, « End of History, or Its Continuation and Accentuation ? The Global South and the “New Transformation” Literature », Third World Quaterly, 15 (1), 1994, p. 7-15.
  • [67]
    Joan Martínez Alier, « De l’économie à l’écologie en passant par les Andes », Mouvements, 54, 2008, p. 111-126 ; B. de Sousa Santos, Revueltas de indignación y otras conversas, Centro de Estudos Sociais, Laboratório Associado, Universidade de Coimbra, Editor José Luis Exeni Rodrigez 2015 (http://arks.princeton.edu/ark:/88435/dsp018p58pg46t).
  • [68]
    Benjamin Buclet, « Les réseaux d’ONG et la gouvernance en Amazonie », Autrepart, 37 (1), 2006, p. 93-110 ; Guillaume Fontaine, « Convergences et tensions entre ethnicité et écologisme en Amazonie », Autrepart, 38 (2), 2006, p. 63-80.
  • [69]
    F. Gemenne, « Les négociations internationales sur le climat, une histoire sans fin ? », dans Franck Petiteville, Delphine Placidi-Frot, Négociations internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2013, p. 395-422 ; Amandine Orsini, « La diplomatie environnementale », dans Thierry Balzacq, Frédéric Charillon, Frédéric Ramel, Manuel de diplomatie, Paris, Presses de Sciences Po, 2018, p. 275-290.
  • [70]
    Entretien avec Carlos Larrea, économiste à la Universidad Andina Simón Bolívar, 12 janvier 2015.
  • [71]
    J. Wainwright, G. Mann, Climate Leviathan : A Political Theory of Our Planetary Future, op. cit. Les auteurs envisagent explicitement le cas de l’Asie en comparaison de la Bolivie d’Evo Morales, trop périphérique selon eux pour produire un changement à l’échelle mondiale.
  • [72]
    Albert O. Hirschman, Exit, voice, loyalty. Défection et prise de parole, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2011.
  • [73]
    S. Labarthe, « Yasuní-ITT en Équateur : le projet peut-il encore atterrir au niveau local ? », art. cité ; Laetitia Perrier-Bruslé, « Le conflit du Tipnis et la Bolivie d’Evo Morales face à ses contradictions : analyse d’un conflit socio-environnemental », EchoGéo, janvier 2012 (http://journals.openedition.org/echogeo/12972) ; L. Rebeyrolle, « Amis à l’ONU, ennemis politiques en Équateur. Les stratégies d’alliances au prisme de la question environnementale (2006-2016) », art. cité, p. 177-195.
  • [74]
    Maristella Svampa, « Néo-“développementisme” extractiviste, gouvernements et mouvements sociaux en Amérique latine », Problèmes d’Amérique latine, 81 (3), 2011, p. 101-127 ; M. Svampa, « Mouvements sociaux, matrices sociopolitiques et nouveaux contextes en Amérique latine », Problèmes d’Amérique latine, 74 (4), 2009, p. 113-136.

1L’appel aux peuples est une figure commune aux diplomaties contestataires de l’ordre international. Pour cela même, l’Assemblée générale des Nations unies est le théâtre d’une confrontation, un lieu de mises en scène et de prises à témoin des tiers exclus. Plus intégrés qu’auparavant aux négociations internationales, les acteurs du militantisme transnational ne sont cependant pas tous admis au même titre ni de la même façon au sein des instances multilatérales, et les contre-sommets continuent de rythmer, comme un contrepoint, les rencontres internationales. Les négociations relatives au changement climatique ont pour décor animé ce mouvement de balancier entre négociations et manifestations [1].

2En matière de politique écologique, les représentations du monde qui s’affrontent dans les instances internationales sont nombreuses et différenciées. Les conceptions de la nature varient selon les latitudes et les histoires de pensées inconciliables. Dès lors, c’est dans le discours que se trouve l’essence de la contestation internationale, et la tribune onusienne est un lieu de prédilection où peut se tenir ce discours [2].

3Nous proposons ici d’utiliser le concept de populisme pour expliquer comment se déploie la logique des diplomaties contestataires. Cet usage, nouveau, renvoie à une stratégie politique au niveau international. Pour cela, il convient tout d’abord de distinguer les différentes acceptions du populisme : idéologie mince (thin-centred ideology) pour Cas Mudde, constituée par un rejet des élites et une défense du peuple [3] ; menace qui pèserait sur le libéralisme politique et nécessiterait qu’on le défende, selon Jan-Werner Müller [4]. Le caractère ambigu de la définition du populisme tient à la définition tout aussi variable du peuple [5]. Il s’ensuit un mésusage du concept de populisme qui conduit parfois à confondre des expériences politiques fort différentes, et obscurcit l’analyse [6].

4Afin de ne pas entrer dans la discussion sans fin du partage général du monde entre populistes et non populistes, nous tentons ici de construire ce concept à partir de l’approche défendue par Ernesto Laclau dans La raison populiste[7]. Pour lui, le populisme est une stratégie permettant de constituer un peuple en sujet politique et d’unir ainsi des groupes sociaux hétérogènes. Dans ce processus de formation, une place centrale est accordée au discours, seul capable de produire des demandes populaires à partir de demandes démocratiques distinctes [8]. Or l’articulation de ce discours se fait à partir d’un signifiant vide, terme qui désigne un enjeu de détermination politique et sociale : l’enjeu populiste est de signifier le signifiant vide, de le remplir d’un contenu adéquat aux objectifs politiques visés.

5Le populisme international est une stratégie qui convient particulièrement bien à la fonction tribunitienne de l’Assemblée générale des Nations unies [9]. Le principe d’égalité qui structure cet organisme permet en effet le déploiement d’une projection diplomatique contre-hégémonique [10]. Ce qu’il faut combattre, l’hégémon, est, selon une définition opérationnelle, la puissance ou l’ensemble de puissances, étatiques ou non, qui dominent l’ordre international ; en somme, les forces sociales et politiques, États et zones centrales du capitalisme, les plus puissantes du système international, en termes normatifs et matériels. Au niveau des négociations multilatérales de l’environnement, l’hégémonie actuelle renvoie au capitalisme vert défendu par les principales puissances capitalistes internationales. Dans ce cadre, les options incitatives – le marché carbone par exemple – priment sur les dispositions contraignantes [11].

6Nous proposons une analyse comparée des politiques contre-hégémoniques fondées sur l’appel au peuple de l’Équateur et de la Bolivie au sein des instances multilatérales. Au début du xxie siècle, ces deux pays ont fait entendre une voix singulière dans le champ des relations diplomatiques qui structurent les enjeux de biodiversité et de changement climatique. L’initiative Yasuní-ITT portée par l’Équateur à partir de 2007 et les Conférences des peuples contre les changements climatiques de Tiquipaya, dans la région bolivienne de Cochabamba en 2010 puis en 2015 en sont les principales manifestations. Initiées après les victoires électorales d’Evo Morales en 2005 [12] et de Rafael Correa en 2006 [13], ces deux diplomaties entendaient non seulement contester mais aussi proposer : de la contestation de la puissance est née une puissance positive de propositions, et ce jusqu’au départ de Rafael Correa en 2017 et d’Evo Morales en 2019 [14].

7Nous nous intéressons à la forme prise par ces propositions. Un premier terrain à Quito en janvier 2015, un second à La Paz et à Cochabamba pendant l’été 2016 nous ont permis de rencontrer des acteurs de la diplomatie équatorienne, qu’ils en fussent encore membres ou non, soutiens passés ou permanents du gouvernement, des membres de l’opposition environnementaliste, des organisations indigénistes et d’ONG. Dans le cadre de ces deux enquêtes, nous avons conduit plus de 60 entretiens semi-directifs [15] qui nous ont fourni une base documentaire importante sur les positions politiques et intellectuelles des concepteurs de ces diplomaties contre-hégémoniques et de ceux qui en dénonçaient les limites, ainsi que sur la chronologie de leur élaboration. Les deux déclarations issues des Conférences des peuples contre les changements climatiques de Tiquipaya de 2010 et 2015 [16] constituent en outre une précieuse base d’analyse de la forme de ces projections contre-hégémoniques bolivienne et équatorienne.

8Puisque ces diplomaties ont articulé leurs projections autour des questions écologiques, nous proposons d’appeler populisme écologique la stratégie qu’elles ont mise en œuvre à l’échelle internationale. Elles ont en effet produit, autour des relations de pouvoir écologique, une politique internationale qui leur a permis de gagner en notoriété.

9Qu’est-ce que le populisme en tant que stratégie de projection diplomatique ? Qu’est-ce que le populisme écologique ? Comment le populisme se déploie-t-il comme stratégie d’influence internationale ? Pour répondre à ces questions, nous reviendrons tout d’abord sur la ligne de clivage créée dans la politique internationale de l’écologie par les discours des différents protagonistes. Nous en analyserons ensuite la positivité et la capacité fédératrice. Enfin, puisqu’il n’est pas de stratégie politique sans performativité, nous discuterons des effets du populisme écologique comme stratégie internationale depuis la Bolivie et l’Équateur.

La ligne de clivage ou l’anti-impérialisme écologique

10S’appuyant sur le développement du militantisme transnational [17], les diplomaties équatorienne et bolivienne entendent créer un sujet politique international et fédérer des loyautés autour de la répudiation commune d’un adversaire auquel de nouvelles forces, étatiques ou non, devront s’opposer. Comment cet adversaire est-il défini ? Quelle est cette hégémonie à laquelle s’opposer ? Et comme en miroir, quelles sont les identités des partisans et celles des alliés qu’ils appellent à rejoindre leur cause ? Une fois tracée, la ligne de clivage révèle une parenté historique avec l’anti-impérialisme, figure de mobilisation singulière au Sud, particulièrement en Amérique du Sud, et plus précisément articulée à la question des ressources naturelles.

Les noms de l’impérialisme à combattre

11En matière de politique internationale relevant de l’écologie, la question des responsabilités est centrale. L’initiative équatorienne Yasuní-ITT était fondée sur l’idée que l’Amazonie est un bien commun environnemental dont la protection incombe à l’humanité tout entière [18]. Elle consistait à obtenir de la communauté internationale et de la société civile qu’elles s’impliquent financièrement pour éviter l’exploitation d’un important gisement de pétrole découvert en 1990 au cœur du Parc national Yasuní, un des milieux les plus riches de la planète en biodiversité. Ainsi que le montre le concept de responsabilités communes mais différenciées en matière de protection environnementale [19], la notion de communauté internationale n’est pas suffisante pour définir un sujet politique concret. Lesdites responsabilités sont en effet avant tout différenciées pour les pays en développement, et avant tout communes pour les pays les plus anciennement industrialisés. Au cours de l’entretien qu’il nous a accordé, Carlos Viterí Gualinga, président de la Commission ressources naturelles et biodiversité à l’Assemblée nationale équatorienne, et l’une des figures indigènes des soutiens à Rafael Correa, nous a expliqué : « C’est vrai que nous vivons dans un monde où la notion de héros Marvel existe, mais pour quelque chose qui nous touche tous, je crois que, selon un principe de responsabilité élémentaire, ceux qui ont le plus contribué à endommager l’environnement au niveau mondial doivent assumer une coresponsabilité et faire des efforts substantiels, des efforts et puis... ils ont des obligations ! Ils ont une dette écologique envers le monde ! Envers le monde ! Et ils doivent arrêter de gagner, rien qu’un peu moins, ça ne les enverra pas à la déroute, rien qu’un peu moins, pour assumer la coresponsabilité éthique avec le monde. (...) On ne peut pas demander ce sacrifice à un seul pays » [20].

12La définition de l’adversaire est présente en creux dans ces propos : ce sont les pays ou les entreprises disposant des ressources financières les plus importantes, puisque, sans nommer précisément des pays ou des zones géographiques, Carlos Viterí fait simultanément référence à la richesse et à la responsabilité historique. L’ironie particulière, ici, c’est l’usage que fait le député équatorien de la figure méliorative du héros Marvel, un contre-retournement du stigmate [21] en quelque sorte. Les États-Unis peuvent prétendre vouloir sauver le monde, mais ils ne sont pas prêts à contribuer à la protection de ce bien commun environnemental. Par ailleurs, l’ironie est patente dans l’idée que des héros Marvel existeraient : Carlos Viterí Gualinga n’en croit rien, et son pays ne se sacrifiera pas dans les termes d’une pop culture qu’il moque avec le sourire. S’il doit y avoir des héros, le voisin du Nord, clairement identifié par la référence culturelle aux comics américains, pourrait se conformer à l’image qu’il aime renvoyer aux autres et, surtout, se renvoyer à lui-même.

13En Bolivie également, le Nord et ses liens avec le capitalisme industriel sont désignés par un acteur central de l’élaboration du discours diplomatique, le vice-président Álvaro García Linera, intellectuel organique du Proceso de Cambio, comme hostiles à la protection des biens communs environnementaux : « Tu vas profiter de mon O2, mais tu m’envoies du carbone depuis le Nord, du carbone utilisé pour produire de l’électricité et avoir de l’eau chaude dans ta maison. Et ce carbone produit du CO2 dans l’environnement, qui va également m’asphyxier. Il y a une inégalité géographique, une inégalité territoriale, dans les usages, les contrôles et les bénéfices de cet environnement qui est un bien planétaire, un bien universel. (...). De notre côté, chaque Bolivien a 5 400 arbres, voilà mon apport à l’environnement, mon apport par tête à l’environnement... 5 400 arbres. Pour chaque Bolivien qui respire, inhale de l’oxygène et rejette du CO2, dans la nuit il y a 5 400 arbres qui rejettent de l’oxygène à l’environnement. Et en Europe... 100 arbres. Je ne sais pas pour la France. En Allemagne, 140 arbres » [22]. Les adversaires sont désignés de diverses façons : le Nord, le capital, ceux qui ont de l’argent, certains États, en Europe de l’Ouest ou en Amérique du Nord, les États-Unis étant clairement mentionnés. Cette ligne de partage renvoie à la notion de dette écologique [23], constituée par les pays historiquement les plus émetteurs de carbone, essentiellement les pays anglo-saxons [24]. Les ressorts de la politique contre-hégémonique de l’environnement se trouvent donc dans la dénonciation des pays centraux du capitalisme.

Les noms de l’anti-impérialisme ou l’autre côté de la ligne de clivage

14La contre-hégémonie, quant à elle, choisit sa dénomination et le périmètre qui l’entoure. Quelles sont les forces de l’anti-impérialisme écologique ? Il est tout aussi nécessaire de poser un objet de ralliement, une banderole sous laquelle se rassembler, que de nommer ce qu’il faut combattre. Dans le cas équatorien comme dans le cas bolivien, cette volonté se manifeste dans des réponses aussi ambivalentes que la dénomination des adversaires. Les rangs doivent être les plus accueillants et les plus larges possibles. Tout d’abord, la catégorie de bien commun environnemental renvoie à une responsabilité partagée à l’échelle de la planète. L’atmosphère et la biodiversité ne sauraient se diviser ou être rattachées à tel ou tel territoire singulier : l’Anthropocène est un âge où l’humanité vaut entièrement comme sujet, négativement défini par la possibilité de son autosuppression [25]. L’anti-impérialisme écologique repose sur cette dimension fondamentale : si certains entendent détruire l’humanité, il faut la défendre, et le lieu rêvé pour tenir ce discours, que l’on soit équatorien ou bolivien, se trouve à New York, à l’Assemblée générale de l’ONU : « Chaque fois la nécessité que les États et la société mondiale assument une fois pour toutes le respect de la nature et de l’environnement se réaffirme au sein des forums internationaux, dans le cadre des Nations unies. Ce n’est pas pour rien qu’il y a une initiative emmenée par le président Morales pour une déclaration des droits de la nature au niveau des Nations unies. Ce sont des thèmes et des processus auxquels notre pays a contribué. Il est extrêmement important que l’humanité avance vers un nouveau cadre de relations, vers un nouvel ordre au sein duquel le capital ne l’emporte pas sur les citoyens, sur l’humanité » [26].

15C’est donc comme défenseurs de l’humanité que se conçoivent les diplomates boliviens et équatoriens, ainsi que les responsables gouvernementaux qui soutiennent cette stratégie internationale. D’un point de vue discursif, ce sujet est d’autant plus efficace qu’il ne saurait disposer d’un seul et unique représentant légitime : la pluralité politique de l’humanité permet paradoxalement d’en faire usage de façon unifiée dans le discours. Le partage d’une condition commune implique assez logiquement la possibilité d’élaboration d’un discours commun. Le cadre général des biens communs environnementaux relégitime cette intuition logique, et renforce ces discours internationaux. Les Nations unies offrent un lieu privilégié pour élaborer discursivement une politique de l’humanité, y compris pour des États ultrapériphériques. L’écologie renforce narrativement cette idée de destin commun, et le rôle de chambre d’écho de l’Assemblée générale permet aux diplomaties contestataires de se poser comme les représentants d’une humanité objectivement en danger de mort [27].

16Ensuite, puisque l’Assemblée générale est celle des États, il convient de définir le périmètre des ceux qui peuvent rallier le panache de l’anti-impérialisme écologique. L’adversaire historique étant nord-américain et européen, la ligne de démarcation présente des caractères archaïques à qui croit disparues à jamais les distinctions héritées de la guerre froide et du mouvement des non-alignés, conformément au récit occidental produit sur les instances multilatérales [28]. En effet, même si la Chine, économie parfaitement intégrée au capitalisme global, se trouve parmi les plus grands pollueurs de la planète, le gouvernement de Correa comme celui de Morales font le pari géopolitique général de jouer la carte de ce pays contre les États-Unis [29]. Il faut s’appuyer sur un nouveau partenaire commercial, et tant pis si cela crée une « nouvelle dépendance » [30]. Dès lors, il faut revivifier la frontière entre Nord et Sud, la Chine ne doit pas apparaître comme un adversaire. Le vice-président bolivien ne mentionne d’ailleurs pas ce pays lorsqu’il développe son idée de « plus-value environnementale », dégagée par les économies fortement industrialisées aux dépens des pays du Sud : « L’apport par tête [en oxygène] au Nord, ou dans des pays comme, je ne sais pas, Singapour ou la Corée, est nul face à l’apport d’autres pays. Maintenant, cela suffit, tout ce schéma d’usage prédateur, de plus-value environnementale appropriée et expropriée par quelques-uns, ces mécanismes subtils, ou sauvages, qui font porter la responsabilité sur les pays moins développés qui doivent protéger le “poumon du monde”, quand d’autres continuent la fête générale de déprédation de la nature et du monde [31].

17De toute évidence, il n’est donc pas question que la Chine puisse être sermonnée, ce qui relèverait également, et paradoxalement si l’on s’en tient aux émissions de gaz à effet de serre contemporaines [32], de l’impérialisme écologique : « La Chine se défend avec les armes qu’ont utilisées tous les Européens et les Américains pour défendre leur accumulation. Le Nord n’a pas autorité morale pour dire : “Ne fais pas ça”, peut-être le Sud peut l’avoir, mais le Nord a pratiqué cela pendant 350 ans » [33].

18D’un côté donc, le Nord, de l’autre, l’humanité : la première démarche de définition de la ligne de clivage fonctionne comme un débordement de l’adversaire par totalisation ; il est en effet impossible d’imaginer un sujet plus large que l’humanité entière. Par ailleurs, dans l’arène des États, la stratégie discursive fonctionne par soustraction de certains États, le Nord et ses alliés supposés, et par agrégation de la majorité des autres.

Une ligne de clivage réactivée : la question de la souveraineté sur les ressources naturelles

19La stratégie de projection internationale conçue autour des biens communs environnementaux, dont le caractère global permet sans peine de mettre en scène l’humanité comme sujet à la tribune de l’Assemblée générale, renvoie à l’héritage historique de nombreux pays d’Amérique du Sud, à l’opposition entre impérialisme et anti-impérialisme, entre Nord et Sud politiques [34]. Elle s’inscrit également dans la continuité des luttes pour la défense de la souveraineté sur les ressources naturelles, thème fondamental au sein de l’Assemblée générale, comme en témoigne la résolution intitulée « Souveraineté permanente sur les ressources naturelles », adoptée le 14 décembre 1962 [35]. L’anti-impérialisme implique l’affirmation de la souveraineté, ce qui, dans les intentions politiques des forces non alignées dans les années 1970, s’est également traduit par l’adoption en 1974 de la Charte des droits et devoirs économiques des États, « manifeste de souverainisme économique [par lequel] les États sont confortés dans leur droit de contrôler leurs ressources nationales, de réglementer les investissements étrangers et de choisir leurs politiques économiques » [36].

20Or le populisme écologique inscrit la question économique dans la question écologique, imbrication inédite, essentielle à la notion de dette écologique, et qui s’inscrit dans la continuité de l’attachement à l’indépendance et de la crainte de l’ingérence. La crainte que l’écologie soit utilisée comme prétexte par les puissances impérialistes, particulièrement évidente dans l’ouvrage du vice-président bolivien sur les enjeux géopolitiques liés à l’Amazonie [37], dont plusieurs sympathisants du gouvernement en Équateur m’ont conseillé la lecture, lors des entretiens ou dans des contextes plus informels, trouve son moteur fondamental dans cette exigence historique de souveraineté sur les ressources naturelles nationales. Ainsi, la défense de l’Amazonie comme enjeu écologique ne doit pas être, pour les artisans des projections bolivienne et équatorienne, le masque de l’ingérence extérieure, dont les contours rappelleraient trop le « colonialisme vert » pratiqué en Afrique et analysé récemment par Guillaume Blanc [38].

21L’initiative Yasuní-ITT est à cet égard très significative : les fonds récoltés devaient être en effet gérés par une structure œuvrant sous l’égide du PNUD, au sein de laquelle le gouvernement équatorien disposait de la majorité. Il s’agissait là d’un point non négociable pour Rafael Correa. L’écologie contre-hégémonique au niveau international portait donc en elle, sans aucune exception, la défense radicale de la souveraineté des États périphériques, et la menace possible, perçue en Bolivie comme en Équateur, que fait peser sur cette souveraineté l’écologie hégémonique, celle du Nord, est un facteur de tensions dans les relations avec les ONG locales [39], vite assimilées à des appuis aux forces adverses [40].

22Si elle s’inscrit dans l’héritage des années 1960 et 1970, la défense de la souveraineté sur les ressources naturelles – gaz et eau pour la Bolivie, pétrole pour l’Équateur – a été également une composante majeure des programmes sur lesquels les deux nouveaux blocs politiques sont parvenus au pouvoir [41]. La nationalisation de ces ressources, premier acte dans la reconquête de la souveraineté, faisait consensus. C’est pour cela que le cas du fonds Yasuní-ITT est tellement emblématique : la souveraineté renvoie à une histoire longue et à un passé immédiat.

23Lorsque nous l’avons rencontré, Ramiro Noriega, conseiller diplomatique auprès de l’ambassadeur d’Équateur à Paris, ne disait pas autre chose à propos des négociations internationales relatives à cette initiative : « Ils nous ont mis en procès. On nous demandait : “Mais vous, vous êtes suffisamment sérieux ?”. Beaucoup laissaient transparaître leurs inquiétudes : “Ce gouvernement, ces Sud-Américains, ces Équatoriens, de quoi s’agit-il ?” » [42].

24« Ils » désigne les puissances humiliantes [43] auxquelles il faut s’opposer en traçant de nouveaux chemins qui mèneront, par exemple, « de Kyoto à Quito » [44], pour reprendre le titre d’un ouvrage de présentation critique de l’initiative Yasuní-ITT. « Nous » s’inscrit dans une histoire au long cours, dont les accents indigénistes sont particulièrement prononcés chez Evo Morales, et présents dans une moindre mesure chez Rafael Correa : « Nous » renvoie à des identités spécifiques autant qu’à un sujet universel, l’humanité, dans un équilibre précaire consubstantiel à la stratégie internationale de ces États périphériques, qui n’entendent pas voir affaiblie leur souveraineté alors que survient l’Anthropocène.

Signifiants vides et positivité du discours : la Pachamama

25La stratégie populiste, telle qu’elle est définie par E. Laclau, ne suppose pas uniquement la construction d’une ligne de clivage, opposition structurante pour fabriquer un peuple en tant que sujet politique. En effet, il existe une certaine positivité du discours populiste, constitué à partir de ce que le philosophe argentin appelle des « signifiants vides ». Cette notion peut guider notre réflexion dans le cas des diplomaties bolivienne et équatorienne. Plus la constitution d’une identité entend rassembler, plus son contenu concret perd en précision [45]. Les particularismes du discours doivent s’effacer pour que celui-ci accède à une dimension universelle. C’est tout le paradoxe des diplomaties contre-hégémoniques fondées sur un sujet régionalement ancré. En évoquant la défense de la Pachamama, la Madre Tierra en castillan, la Terre-Mère, les diplomates boliviens et équatoriens savent qu’ils donnent un sens et une ampleur universels à leur appel général aux peuples. Au demeurant, la positivité du discours international s’articule aussi à la critique contre-hégémonique contenue dans les discours de Rafael Correa et Evo Morales.

La Pachamama, signifiant vide et racines historiques

26Avec l’arrivée au pouvoir de ces chefs d’État, l’idée de la Pachamama est devenue centrale dans les discours internationaux de l’Équateur, et plus encore de la Bolivie. Le thème de la protection de la planète, articulé aux cosmovisions indigènes, est bien antérieur aux projections contre-hégémoniques, et les organisations indigènes ont souvent fait exister la Pachamama dans leurs discours pour se poser en force internationale au sein des Nations unies [46].

27Comme l’écrit Franck Poupeau à propos de la Bolivie, « cette vision folklorisante, qui est aujourd’hui adoptée par la plupart des organisations indigénistes et des entreprises touristiques, entend rétablir des liens avec un passé ancestral que la colonisation aurait effacé pendant plus de 500 ans » [47]. Le discours sur l’identité indigéniste permet donc la constitution d’un sujet international nouveau, qui rejoint les préoccupations environnementalistes globales. La Pachamama peut apparaître comme une notion pleine de contradictions, entre cosmovisions indigènes, réappropriations chrétiennes ou tentatives d’universalisation politique d’un sujet écologique. C’est ce que souligne le directeur d’une ONG catholique en Bolivie, Juan Carlos Nuñez : « Je te parle de la conception, de la cosmovision, de la manière de comprendre le monde. Il y a un certain temps, nous avons parlé avec des intellectuels aymaras, indianistes, de ce qu’était l’utopie. L’utopie, dans sa forme occidentale, tu la trouves là-bas au loin, comme quelque chose que tu vas aller chercher. Eux disaient, non, l’utopie est quelque chose que nous avons déjà vécu et que nous voulons vivre à nouveau. (...). Imagine à quel point cela est complexe » [48].

28Or cette complexité est précisément tenue pour un atout formidable par le gouvernement de Quito comme par celui de La Paz, parce qu’elle présente plusieurs avantages. Sujet réinventé, la Pachamama satisfait aussi bien les organisations indigénistes que chrétiennes, les associations environnementalistes que les socialistes, car tous y voient un outil tactique au service de l’anticapitalisme au niveau international. Elle peut donc unifier les différents soutiens, nationaux et transnationaux, des gouvernements équatorien et bolivien. C’est également une notion venue d’un Sud qu’elle contribue à reconstruire politiquement : un discours contre-hégémonique circule d’autant plus aisément qu’il ne mobilise pas les termes des puissances hégémoniques.

29Mieux encore, la dimension universelle de la Pachamama permet de dépasser la cause des peuples indigènes. C’est le sens des négociations menées par la Bolivie, et soutenues par l’Équateur, pour créer une Journée internationale de la Terre nourricière [49]. La Pachamama est reconnue internationalement en des termes choisis, qui enjoignent de la penser par-delà les cosmovisions indigènes : « L’expression “Terre nourricière” est couramment utilisée dans de nombreux pays et régions pour désigner la planète Terre et elle illustre l’interdépendance entre l’être humain, les autres espèces vivantes et la planète sur laquelle nous vivons tous » [50]. La Pachamama est donc le modèle par excellence du signifiant vide : elle permet d’élargir le périmètre du sujet concerné par les projections internationales bolivienne et équatorienne. Sa complexité et ses contradictions ne sont une difficulté que si elles font imploser les groupes fédérés par le populisme écologique. Dans le cas contraire, elles constituent un avantage décisif, puisqu’elles permettent de rassembler des conceptions opposées.

Les peuples de la Pachamama

30Le 22 avril 2009, date à laquelle l’Assemblée générale adopte la Journée internationale de la Terre nourricière, Evo Morales, initiateur de cette proposition, déclare : « Nous devons, en tant qu’êtres humains, reconnaître que la Madre Tierra et les autres êtres vivants ont le droit d’exister, et que notre droit se termine là où nous commençons à provoquer l’extinction, l’élimination de la nature » [51]. Et il enjoint l’Assemblée générale de proclamer avec lui à la fin de son discours « Jallalla Pachamama ! » (Vive la Pachamama !). Ce faisant, le Président bolivien exprime la volonté d’étendre le périmètre des sujets politiques à l’heure Anthropocène, tout en s’inscrivant dans une continuité historique de l’indigénisme par l’usage tactique d’une notion quechua-aymara : « Les fleuves, les poissons, les animaux, les arbres et la terre même ont le droit de vivre au sein d’un environnement sain, libre d’empoisonnement et d’intoxication » [52]. Soit, mais il faut dès lors qu’ils trouvent une voie possible de défense politique.

31Les diplomaties équatorienne et bolivienne entendent incarner cette extension des sujets politiques. C’est un fait singulier de cette stratégie : les peuples ne sont pas construits comme sujets autoréférentiels, ils intègrent désormais les fleuves ou les forêts, ces intrus des nouvelles relations internationales de l’écologie : « Il faut laisser derrière nous la vieille théorie anthropocentrique et, en même temps, toute cette suprématie du capital sur tout, sur toutes les choses du monde. Nous sommes donc dans ce processus. Nous pensons que nous pouvons arriver à des conditions d’équité, de respect entre les peuples, et de respect pour la nature. En Équateur, c’est quelque chose de quotidien, nous sommes en train d’y travailler de façon permanente, nous parlons en permanence de ce processus en cours. C’est en cela que consiste le socialisme du xxie siècle, le socialisme du Buen Vivir » [53].

32Ces propos révèlent à quel point les rhétoriques internationales de la Bolivie et de l’Équateur étaient alors liées, et tenaient à la revendication, dans la saisie d’un problème nouveau, la destruction généralisée du vivant, d’une double continuité historique, celle de l’indigénisme et des peuples ancestraux, et celle du mouvement socialiste, écho de l’humanité. Les déclarations des Conférences de Tiquipaya, en 2010 puis en 2015, débordent de références aux « peuples ». Dans l’Accord des peuples issu de la première, qui se tient d’ailleurs peu avant la Conférence des Parties de la CCNUC de Cancún, le terme apparaît 32 fois dans les 7 pages du document. Dans la Déclaration commune de la seconde, rédigée en octobre 2015, deux mois avant la Conférence des Parties de la CCNUC de Paris (décembre 2015), il revient près de 150 fois dans le document de 30 pages. Trois acceptions dominent : le terme « peuples » désigne l’ensemble des États souverains, l’humanité, ou les peuples indigènes dans le monde entier. Les deux déclarations désignent ainsi le sujet qu’entendent construire les projections équatorienne et bolivienne : un sujet politique qui ne serait pas uniquement circonscrit aux frontières nationales, et agrègerait d’autres États.

Globalité du populisme écologique

33La positivité du discours international porté par l’Équateur et la Bolivie renvoie donc aux éléments clés de l’analyse d’E. Laclau : tout d’abord, la mise en avant d’un signifiant vide capable de rassembler des demandes hétérogènes, ici la Pachamama, ensuite la constitution d’un sujet qui portera ce discours unificateur, les peuples. L’avantage de cette stratégie est de permettre aux deux diplomaties de s’afficher, dans les instances multilatérales, où seules les entités souveraines ont la parole, comme les représentants d’une entité plus vaste que les États, et d’occuper la fonction, éminemment importante dans la stratégie populiste, du leader.

34L’union de la négativité – la ligne de clivage – et de la positivité – la Pachamama – du discours donne lieu à un projet à vocation universelle, dont les porteurs sont naturellement les initiateurs. L’anti-impérialisme n’est pas un combat localisé, et la ligne de clivage qu’il implique est globale. La Pachamama, elle aussi, même si le terme provient des hauteurs andines, est une notion englobante, qui renvoie à l’interdépendance des sociétés humaines et du Système Terre, pour reprendre l’expression du biologiste James Lovelock [54]. Le populisme écologique est donc une stratégie internationale qui se déploie de préférence dans les sphères multilatérales de négociation, seules à même d’embrasser par leur périmètre, dans le cas par exemple des Conférences des Parties de la CCNUC ou de l’Assemblée générale, les enjeux planétaires, du moins sur le plan diplomatique. En témoigne l’intervention de Rafael Correa devant la COP21 de Paris en 2015 : « Rien ne justifie que nous ayons des tribunaux pour protéger les investissements, pour obliger à payer des dettes financières, mais que nous n’ayons aucun tribunal pour protéger la nature et obliger à payer les dettes environnementales. Il s’agit seulement de la logique perverse, privatiser les bénéfices et socialiser les pertes, mais la planète n’en peut déjà plus » [55].

35L’analogie entre la sphère économique et la sphère écologique permet de dénoncer la « logique perverse » du capitalisme, tout en mettant en scène une défense de la Pachamama. Le discours international est vecteur d’unification, et des opposants internes peuvent être d’accord avec ceux qui les gouvernent, tout en dénonçant leur hypocrisie. C’est par exemple le cas d’Esperanza Martínez, directrice de l’ONG environnementaliste Acción Ecológica, qui reconnaît que « le rôle qu’a eu le gouvernement en acceptant l’initiative Yasuní-ITT a été très important » [56], puisque sans l’impulsion gouvernementale elle n’aurait jamais vu le jour, ou encore de Magdalena Medrano, ancienne élue du Mouvement vers le socialisme d’Evo Morales, devenue directrice du Projet d’assistance agrobioénergétique au paysan après sa rupture avec le parti [57].

36Le populisme écologique permet donc de rassembler, au niveau multilatéral, des positions qui peuvent être divergentes au niveau national, sans pour autant remettre en cause les points d’accord fondamentaux au sein des blocs sociaux qui ont favorisé les victoires électorales de Rafael Correa et Evo Morales. Les acteurs peuvent, selon la formule de Louise Rebeyrolle, rester « amis à l’ONU » tout en étant « ennemis politiques en Équateur » ou en Bolivie. Cela n’atteste pas nécessairement une « disjonction des arènes » nationale et internationale [58], mais renvoie plutôt, selon nous, à une performativité du discours international, possible vecteur d’unification interne, s’il survit aux contradictions apparentes.

Quelle performativité pour le populisme écologique ?

37L’objectif d’une stratégie populiste, articulée à la création d’une totalité, d’un sujet politique qui n’est jamais totalement clos, est d’agréger continuellement. Or les ponts constitués entre des demandes sociales hétérogènes et des secteurs sociaux différenciés peuvent s’effondrer, l’équilibre du discours populiste étant toujours « précaire » [59]. La dynamique posée par la construction, via les sphères multilatérales, d’un sujet global – les peuples en défense de la Pachamama – est donc sujette à d’éventuels points de déséquilibre. Deux effets peuvent toutefois être d’emblée constatés : tout d’abord, cette stratégie prolonge le discours altermondialiste au sein des arènes multilatérales ; ensuite, elle permet aux deux diplomaties d’augmenter considérablement leur capital symbolique international.

La paradoxale continuation étatique du discours altermondialiste

38Fait nouveau, le populisme écologique donne une voix étatique à un discours altermondialiste qui, pour l’essentiel, s’est constitué en dehors de l’État, voire contre lui [60]. Militants écologistes, socialistes, anarchistes, néo-indigénistes, paysans : les appuis des gouvernements recoupent nationalement la composition internationale des forums altermondialistes. Le relais étatique du discours altermondialiste est constitutif de la stratégie du populisme écologique, qui réunit un ensemble de secteurs transnationaux mobilisés autour des projections internationales contre-hégémoniques. En cela, il s’adresse avant tout aux intellectuels et aux militants qui écoutent les discours en dehors des enceintes, aux tiers-exclus des instances multilatérales.

39Le discours tenu par Evo Morales en 2018 devant le Conseil de sécurité des Nations unies illustre cette dimension anti-impérialiste du populisme écologique : « Les États-Unis ne sont pas intéressés par le multilatéralisme, sinon, ils ne se seraient pas retirés des Accords de Paris (...). Ce mépris pour le multilatéralisme est motivé par la soif de contrôle géopolitique et l’appropriation des ressources naturelles » [61]. Enfin, l’Équateur et la Bolivie insistent sur les dispositions juridiques des processus nationaux : Constitution qui reconnaît les droits de la Pachamama adoptée en Équateur en 2008, loi sur les droits de la Madre Tierra votée en Bolivie en 2011. Chaque initiative nationale est présentée dans le discours international comme une avancée qui revêt un caractère inédit. Ramiro Noriega insiste ainsi sur la cohérence des positions équatoriennes : « L’Équateur a maintenu depuis Correa une ligne de grande conscience, non ? Mais nous avons également été, si le terme est approprié, les plus radicaux ; par exemple, l’Équateur est le seul pays qui a dans sa Constitution le thème fondamental des droits de la nature. Pas une loi, comme dans d’autres pays. C’est un fait fondateur du pays » [62], tandis qu’un conseiller diplomatique de l’ambassade bolivienne à Quito nous assure que les avancées pour les indigènes et les droits de la nature sont plus poussées du côté du gouvernement de La Paz [63].

Augmentation du capital symbolique de la Bolivie et de l’Équateur sur la scène internationale

40En dépit des divisions internes aux blocs nationaux et aux mouvements altermondialistes, et compte tenu des nuances qui séparent ces deux gouvernements pourtant proches idéologiquement, le populisme écologique se construit donc à partir de la puissance étatique en élaborant un discours venu des « mouvements sociaux ». La Bolivie d’Evo Morales pousse cette stratégie au plus loin, la centralité de l’État y est affirmée à partir de la puissance passée des mouvements sociaux [64], à la grande consternation de Carlos Crespo, intellectuel critique à l’égard du gouvernement d’Evo Morales, qui regrette que, lors des forums mondiaux sur l’eau, la délégation bolivienne soit accueillie « comme s’ils étaient des activistes » (como si fueran activistas) [65].

41La vocation contre-hégémonique du populisme écologique de la Bolivie comme de l’Équateur s’inscrit donc dans la tendance historiquement militante du mouvement des non-alignés, incarnée par exemple par Cuba, distincte selon Baghat Korany d’une tendance moins idéologique, celle de l’Inde de Nehru [66]. Le renouvellement de cette perspective permet à ces deux gouvernements de capter à l’international la sympathie et l’attention des militants altermondialistes, des intellectuels proches de ces mouvements – par exemple Boaventura de Sousa Santos ou Joan Martínez Alier [67] – et des militants indigénistes et environnementalistes avec qui les alliances tactiques étaient déjà établies depuis les années 1990 [68]. Ces soutiens leur permettent de renforcer leur prestige international et de se présenter comme des diplomaties au cœur d’un enjeu crucial, celui de l’écologie politique, tout en renouvelant sur cette base le discours anti-impérialiste.

42La performativité de ces discours est donc double : elle permet, d’une part, d’importer le discours altermondialiste dans la sphère étatique, d’autre part, de s’assurer des sympathies, des soutiens et des relais parmi les militants, intellectuels et ONG qui l’ont élaboré en dehors des cénacles gouvernementaux.

Une stratégie précaire, ou les difficultés du populisme écologique

43Si elles sont parvenues à construire un récit contre-hégémonique, les projections internationales bolivienne et équatorienne n’ont pas provoqué de changements importants au sein des négociations multilatérales de l’environnement, caractérisées par un très haut niveau de technicité peu favorable à la performativité des discours contestataires [69]. Même le Venezuela, leur principal allié régional, ouvertement anti-impérialiste, est loin d’être enthousiasmé par des propositions comme celle de ne pas exploiter le pétrole, émise par le gouvernement équatorien [70]. En fait, ni les propositions issues des déclarations de Tiquipaya ni l’initiative Yasuní-ITT n’ont influé sur les accords de la CCNUC.

44Formulée depuis l’Asie ou l’Europe, et par des États centraux, cette volonté contre-hégémonique aurait sans doute eu plus d’effets sur la transformation du régime international climatique [71], mais les blocs formés par La Paz et Quito autour de leurs projections sont composés de forces non étatiques et de puissances étatiques périphériques. La stratégie offensive choisie par ces deux gouvernements a permis à une voix dominée de se faire entendre plus fort que d’habitude, tout en agitant la menace d’une sortie du cadre [72], mais elle n’est pas parvenue à transformer celui-ci.

45Dès lors, à partir du moment où s’éloigne la possibilité d’une transformation de l’ordre international, l’équilibre précaire de l’unité fondée sur le discours de la stratégie populiste risque d’être mis à mal. Dans les deux pays, les enjeux liés à la protection des parcs nationaux, le Yasuní en Équateur, le Tipnis en Bolivie, ont entraîné des tensions non seulement au sein des blocs nationaux, les plus notables étant la division des organisations indigènes entre elles qui a entraîné des scissions et l’hostilité d’une partie des militants environnementalistes [73], mais aussi au niveau international, entre ceux qui se méfient des institutions étatiques et ceux qui suivent la rhétorique internationale des deux diplomaties.

46Le populisme écologique est donc rattrapé par la réalité des enjeux de pouvoir, la permanence du système et la capacité de résistance de la puissance hégémonique [74]. C’est au demeurant la spécificité d’une telle stratégie appliquée au niveau international. S’il est possible de faire appel aux peuples pour constituer un bloc de soutien aux projections internationales, il est moins aisé de transformer ce soutien en atout maître dans les négociations.

47Le populisme en tant que stratégie est un concept qui peut être employé au niveau international. L’exemple des gouvernements de Rafael Correa et Evo Morales le démontre pour ce qui est de la politique internationale de l’environnement : il est possible d’établir une ligne de clivage, celle d’un anti-impérialisme renouvelé par l’écologie, et de mettre en avant la défense de la Pachamama, signifiant vide qui permet d’unir les écologistes, les socialistes et les indigénistes.

48Fondée négativement sur une hostilité affirmée aux puissances hégémoniques de l’ordre international, positivement sur l’intégration du vivant et de ses droits en politique, la stratégie du populisme écologique à vocation internationale a prolongé le discours altermondialiste contre-hégémonique au sein des arènes multilatérales et s’est attiré la sympathie des défenseurs de ce discours. Le capital symbolique des diplomaties bolivienne et équatorienne s’en est trouvé renforcé. Pourtant, cette stratégie n’a pas provoqué de changements substantiels dans les processus de négociation. Périphériques, ces deux États le sont restés en dépit de la reconnaissance acquise. Le bloc de soutiens transnationaux qu’ils s’étaient constitué sur la scène internationale n’a pas tenu dans la durée, principalement en raison de l’inertie des structures internationales. Cette stratégie s’est également de plus en plus heurtée à des tensions socio-écologiques au niveau national. L’impossible transformation a eu tendance à désarticuler le discours, produisant comme par un effet boomerang la division des forces un temps réunies. Il semble que le caractère introuvable des peuples comme sujet d’action au sein des instances multilatérales soit bien la principale limite des capacités fédératrices du populisme écologique.

Notes

  • [1]
    Joel Wainwright, Geoff Mann, « After Paris », dans J. Wainwright, G. Mann, Climate Leviathan : A Political Theory of Our Planetary Future, Londres, New York, Verso, 2018, p. 157-172.
  • [2]
    Soraya Sidani, Intégration et déviance au sein du système international, Paris, Presses de Sciences Po, 2015.
  • [3]
    Cas Mudde, « The Populist Zeitgeist », Government and Opposition, 39 (4), 2004, p. 541-563 ; Cas Mudde, Cristóbal Rovira Kaltwasser, Populism : A Very Short Introduction, New York, Oxford University Press, 2017.
  • [4]
    Jan-Werner Müller, Qu’est-ce que le populisme ? Définir enfin la menace, Paris, Gallimard, 2017.
  • [5]
    Gérard Bras, « Le peuple entre raisons et affects. À propos d’un concept de la politique moderne », Actuel Marx, 54 (2), 2013, p. 24-38 ; Catherine Colliot-Thélène, Florent Guénard (dir.), Peuples et populisme, Paris, PUF, 2014.
  • [6]
    Federico Tarragoni, L’esprit démocratique du populisme : une nouvelle analyse sociologique, Paris, La Découverte, 2019 ; Jason Frank, « Populism Isn’t the Problem », Boston Review, 15 août 2018.
  • [7]
    Ernesto Laclau, On Populist Reason, Londres, New York, Verso, 2005.
  • [8]
    Ibid., p. 74.
  • [9]
    Mélanie Albaret, Simon Tordjman, « Usages et effets politiques », dans Guillaume Devin, Franck Petiteville, Simon Tordjman, L’Assemblée générale des Nations unies, Paris, Presses de Sciences Po, 2020, p. 17-33.
  • [10]
    Par projection, nous entendons les politiques internationales proposées par ces deux pays, les stratégies qu’elles impliquent et les récits mobilisés pour renvoyer une image politiquement cohérente.
  • [11]
    Larry Lohmann, Camila Moreno (dir.), Capitalismo verde, Quito, Instituto de estudios ecologistas del tercer mundo, 2012 ; Jairus V. Grove, Savage Ecology : War and Geopolitics at the End of the World, Durham, Duke University Press, 2019 ; J. Wainwright, G. Mann, Climate Leviathan : A Political Theory of Our Planetary Future, op. cit.
  • [12]
    Né en 1959, Evo Morales Ayma est un dirigeant syndicaliste cocalero du Chapare dans le département de Cochabamba. Élu en 1996 à la tête de la fédération des six syndicats de paysans du Chapare, qui cultivent essentiellement la coca, il devient une figure montante de l’opposition politique. En 1997, il est élu député au Parlement bolivien. En 2002, il obtient 20,94 % des voix à l’élection présidentielle et devient dès lors une figure possible de l’alternance politique. Il est élu à la présidence de la République en 2005, puis réélu en 2009 et en 2014.
  • [13]
    Né en 1963, Rafael Correa est un universitaire et dirigeant politique équatorien. De 1993 à 2005, il enseigne les sciences économiques à l’Université San Francisco de Quito. Conseiller du vice-président Alfredo Palacio, il devient ministre de l’Économie quand celui-ci accède à la présidence de la République après la destitution de Lucio Gutiérrez (2003-2005). Il démissionne au bout de quatre mois et s’engage dans la campagne présidentielle de 2006, qu’il remporte avec 56,8 % au second tour. Il est réélu au premier tour en 2009, puis en 2013.
  • [14]
    Bertrand Badie, Quand le Sud réinvente le monde : essai sur la puissance de la faiblesse, Paris, La Découverte, 2018.
  • [15]
    Ces entretiens ont été réalisés en espagnol et traduits ici par nos soins.
  • [16]
    La Bolivie était la puissance invitante, mais l’Équateur y a participé en 2010, au titre particulier de l’initiative Yasuní-ITT.
  • [17]
    James Rosenau, Turbulence in World Politics, Princeton, Princeton University Press, 1990 ; Sidney Tarrow, « La contestation transnationale », Cultures & Conflits, 38-39, 2000 (en ligne).
  • [18]
    Matthieu Le Quang, Laissons le pétrole sous terre ! L’initiative Yasuní-ITT en Équateur, Montreuil, Omniscience, 2012 ; Joseph-Henri Vogel, The Economics of the Yasuní Initiative. Climate Change as if Thermodynamics Matters, Londres, Anthem Press, 2009 ; Alberto Acosta, « La iniciativa Yasuní ITT : Una crítica desde la economía política », Coyuntura, 16, 2014 (en ligne) ; Pamela L. Martin, Oil in the Soil : The Politics of Paying to Preserve the Amazon, Lanham, Rowman and Littlefield Publishers, 2011.
  • [19]
    Sunniva Labarthe, « Yasuní-ITT en Équateur : le projet peut-il encore atterrir au niveau local ? », Mouvements, 76, 2013, p. 90-104.
  • [20]
    Entretien avec C. Viterí Gualinga, président de la Commission ressources naturelles et biodiversité à l’Assemblée nationale équatorienne, Quito, 23 janvier 2015.
  • [21]
    Erving Goffman, Stigmate, Paris, Éditions de Minuit, 1975.
  • [22]
    Entretien avec Álvaro García Linera, vice-président de l’État plurinational de Bolivie, La Paz, 21 août 2016.
  • [23]
    Grupo de trabajo sobre deuda externa y desarrollo, Deuda externa, desarrollo y ecología, Quito, FONDAD, 1992.
  • [24]
    Christophe Bonneuil, Jean-Baptiste Fressoz, L’événement anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Paris, Le Seuil, 2013.
  • [25]
    Dipesh Chakrabarty, « The Climate of History : Four Theses », Critical Inquiry, 35 (2), 2009, p. 197-222.
  • [26]
    Entretien avec C. Viterí Gualinga, cité.
  • [27]
    Franz J. Broswimmer, Une brève histoire de l’extinction en masse des espèces, Marseille, Agone, 2010.
  • [28]
    Karoline Postel-Vinay, L’Occident et sa bonne parole : nos représentations du monde, de l’Europe coloniale à l’Amérique hégémonique, Paris, Flammarion, 2005.
  • [29]
    Entretien avec Sarela Paz, anthropologue, Cochabamba, 9 août 2016.
  • [30]
    Gloria Chicaiza, Mineras chinas en Ecuador. Nueva dependencia, Quito, Elisabeth Bravo, 2014.
  • [31]
    Entretien avec Á. García Linera, cité.
  • [32]
    François Gemenne, L’enjeu mondial : l’environnement, Paris, Presses de Sciences Po, 2015.
  • [33]
    Ibid.
  • [34]
    Boaventura de Sousa Santos, « Epistemologies from the South and the Future », From the European South, 1, 2016, p. 17-29.
  • [35]
  • [36]
    G. Devin, Les organisations internationales, Paris, Armand Colin, 2016, p. 142.
  • [37]
    Á. García Linera, Geopolítica de la Amazonía. Poder hacendal-patrimonial y acumulación capitalista, La Paz, Vicepresidencia del Estado plurinacional de Bolivia, 2012.
  • [38]
    Guillaume Blanc, L’invention du colonialisme vert : pour en finir avec le mythe de l’Éden africain, Paris, Flammarion, 2020.
  • [39]
    Esperanza Martínez, Yasuní. El tortuoso camino de Kioto a Quito., Quito, Abya Yala, 2009 ; E. Martínez, « Carta de Esperanza Martínez a Rafael Correa », 28 janvier 2010 (https://www.cadtm.org/Ecuador-Carta-de-Esperanza).
  • [40]
    Entretien avec Pablo Rojas, porte-parole de la campagne en faveur du Tipnis, « Tipnis es la vida », Cochabamba, 11 août 2016 ; entretien avec E. Martínez, directrice d’Acción Ecológica, Quito, 12 janvier 2015.
  • [41]
    Forrest Hylton, Sinclair Thomson, Horizons révolutionnaires. Histoire et actualité politiques de la Bolivie, Paris, Imho, 2010 ; Allen Gerlach, Indians, Oil and Politics : A Recent History of Ecuador, Wilmington, SR Books, 2003.
  • [42]
    Entretien avec Ramiro Noriega, conseiller spécial auprès de l’ambassadeur d’Équateur en France, Paris, 19 septembre 2014.
  • [43]
    B. Badie, Le temps des humiliés : pathologie des relations internationales, Paris, Odile Jacob, 2014.
  • [44]
    E. Martínez, Yasuní. El tortuoso camino de Kioto a Quito., op. cit.
  • [45]
    E. Laclau, On Populist Reason, op. cit., p. 96.
  • [46]
    Irène Bellier, « Les peuples autochtones aux Nations unies : un nouvel acteur dans la fabrique des normes internationales », Critique internationale, 54, 2012, p. 61-80.
  • [47]
    Franck Poupeau, « L’eau de la Pachamama. Commentaires sur l’idée d’indigénisation de la modernité », L’homme, 198-199 (2-3), 2011, p. 247.
  • [48]
    Entretien avec Juan Carlos Nuñez, directeur de la Fundación Jubileo, La Paz, 23 août 2016.
  • [49]
    ONU, « Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 22 avril 2009 – 63/278. Journée internationale de la Terre nourricière », 1er mai 2009.
  • [50]
    Ibid.
  • [51]
    Evo Morales, « La Tierra no nos pertenence, nosotros pertenencemos a la Tierra », 22 avril 2009.
  • [52]
    Ibid.
  • [53]
    Entretien avec C. Viterí Gualinga, cité.
  • [54]
    James Lovelock, La terre est un être vivant : l’hypothèse Gaïa, Paris, Flammarion, 2017.
  • [55]
    Rafael Correa, « Discurso en la cumbre sobre cambio climático COP21 », 30 novembre 2015.
  • [56]
    Entretien avec E. Martínez, cité.
  • [57]
    Magdalena Medrano, directrice du Proyecto de asistencia agrobioenergética al campesino (PAAC), Cochabamba, 3 août 2016.
  • [58]
    Louise Rebeyrolle, « Amis à l’ONU, ennemis politiques en Équateur. Les stratégies d’alliances au prisme de la question environnementale (2006-2016) », Cahier des Amériques latines, 92, 2019, p. 188.
  • [59]
    E. Laclau, On Populist Reason, op. cit., p. 70.
  • [60]
    Ezequiel Adamovsky, « Penser le passage du social au politique », Mouvements, 63 (3), 2010, p. 111-129.
  • [61]
    Intervención del Presidente Evo Morales en el Consejo de Seguridad de la ONU, 26 septembre 2018 (https://www.youtube.com/watch?v=IYbinNLZkGk).
  • [62]
    Entretien avec R. Noriega, cité.
  • [63]
    Entretien, Quito, 21 janvier 2015.
  • [64]
    Partido por la Victoria del Pueblo, « Alvaro García Linera : “El movimiento social empuja el cambio político” », 16 octobre 2011 (https://www.pvp.org.uy/2011/10/16/alvaro-garcia-linera-%e2%80%9cel-movimiento-social-empuja-el-cambio-politico%e2%80%9d/).
  • [65]
    Entretien avec Carlos Crespo, anthropologue à l’Université de Cochabamba, Cochabamba, 2 août 2016.
  • [66]
    Bahgat Korany, « End of History, or Its Continuation and Accentuation ? The Global South and the “New Transformation” Literature », Third World Quaterly, 15 (1), 1994, p. 7-15.
  • [67]
    Joan Martínez Alier, « De l’économie à l’écologie en passant par les Andes », Mouvements, 54, 2008, p. 111-126 ; B. de Sousa Santos, Revueltas de indignación y otras conversas, Centro de Estudos Sociais, Laboratório Associado, Universidade de Coimbra, Editor José Luis Exeni Rodrigez 2015 (http://arks.princeton.edu/ark:/88435/dsp018p58pg46t).
  • [68]
    Benjamin Buclet, « Les réseaux d’ONG et la gouvernance en Amazonie », Autrepart, 37 (1), 2006, p. 93-110 ; Guillaume Fontaine, « Convergences et tensions entre ethnicité et écologisme en Amazonie », Autrepart, 38 (2), 2006, p. 63-80.
  • [69]
    F. Gemenne, « Les négociations internationales sur le climat, une histoire sans fin ? », dans Franck Petiteville, Delphine Placidi-Frot, Négociations internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2013, p. 395-422 ; Amandine Orsini, « La diplomatie environnementale », dans Thierry Balzacq, Frédéric Charillon, Frédéric Ramel, Manuel de diplomatie, Paris, Presses de Sciences Po, 2018, p. 275-290.
  • [70]
    Entretien avec Carlos Larrea, économiste à la Universidad Andina Simón Bolívar, 12 janvier 2015.
  • [71]
    J. Wainwright, G. Mann, Climate Leviathan : A Political Theory of Our Planetary Future, op. cit. Les auteurs envisagent explicitement le cas de l’Asie en comparaison de la Bolivie d’Evo Morales, trop périphérique selon eux pour produire un changement à l’échelle mondiale.
  • [72]
    Albert O. Hirschman, Exit, voice, loyalty. Défection et prise de parole, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2011.
  • [73]
    S. Labarthe, « Yasuní-ITT en Équateur : le projet peut-il encore atterrir au niveau local ? », art. cité ; Laetitia Perrier-Bruslé, « Le conflit du Tipnis et la Bolivie d’Evo Morales face à ses contradictions : analyse d’un conflit socio-environnemental », EchoGéo, janvier 2012 (http://journals.openedition.org/echogeo/12972) ; L. Rebeyrolle, « Amis à l’ONU, ennemis politiques en Équateur. Les stratégies d’alliances au prisme de la question environnementale (2006-2016) », art. cité, p. 177-195.
  • [74]
    Maristella Svampa, « Néo-“développementisme” extractiviste, gouvernements et mouvements sociaux en Amérique latine », Problèmes d’Amérique latine, 81 (3), 2011, p. 101-127 ; M. Svampa, « Mouvements sociaux, matrices sociopolitiques et nouveaux contextes en Amérique latine », Problèmes d’Amérique latine, 74 (4), 2009, p. 113-136.
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