Couverture de CRII_082

Article de revue

Construire un problème public au Japon : l’endettement des ménages et la réglementation du prêt non sécurisé

Pages 137 à 161

Notes

  • [1]
    Par exemple, Lawrence B. Glickman, Consumer Society in American History : A Reader, Ithaca, Cornell University Press, 1999.
  • [2]
    Lendol Calder, Financing the American Dream : A Cultural History of Consumer Credit, Princeton, Princeton University Press, 1999 ; Georges Gloukoviezoff, L’exclusion bancaire. Le lien social à l’épreuve de la rentabilité, Paris, PUF, 2010 ; David Graeber, Debt-Updated and Expanded : The First 5 000 Years, New York, Melville House, 2011 ; Isabelle Guérin, Solène Morvant-Roux, Magdalena Villarreal (eds), Microfinance, Debt and Over-Indebtedness : Juggling with Money, Londres, Routledge, 2014 ; Jeanne Lazarus, L’épreuve de l’argent : banques banquiers clients, Paris, Calmann-Lévy, 2012 ; Benjamin Lemoine, Quentin Ravelli (dir.), Financiarisation et classes sociales, La Revue de la régulation, dossier, 22, second semestre, automne 2017 ; Louis Hyman, Debtor Nation : The History of America in Red Ink, Princeton, Princeton University Press, 2011.
  • [3]
    Robert Boyer, « Is a Finance-Led Growth Regime a Viable Alternative to Fordism ? A Preliminary Analysis », Economy and Society, 29, 2000, p. 111-145 ; R. Boyer, Économie politique des capitalismes : théorie de la régulation et des crises, Paris, La Découverte, 2015.
  • [4]
    Sheldon Garon, Molding Japanese Minds : The State in Everyday Life, Princeton, Princeton University Press, 1998 ; Charles Yuji Horioka, « Why Is Japan’s Household Saving Rate So High ? A Literature Survey », Journal of the Japanese and International Economies, 4 (1), 1990, p. 49-92.
  • [5]
    Junko Miyasaka, Nichijôteki hinkon to shakaiteki haijo : tajûsaimusha mondai (La pauvreté quotidienne et l’exclusion sociale : le problème des personnes endettées à l’excès), Kyoto, Mineruva shobô 25, 2009.
  • [6]
    Penelope Francks, Janet Hunter, The Historical Consumer. Consumption and Everyday Life in Japan, 1850-2000, Londres, Palgrave Macmillan, 2012.
  • [7]
    Simon Partner, Assembled in Japan – Electrical Goods and the Making of the Japanese Consumer, Berkeley, University of California Press, 1999.
  • [8]
    Andrew Gordon, « Selling the American Way : The Singer Sales System in Japan, 1900-1938 », Business History Review, 82 (4), 2008, p. 671-69 ; A. Gordon, Fabricating Consumers : The Sewing Machine in Modern Japan, Berkeley, University of California Press, 2012.
  • [9]
    Johanna Niemi, Iaim Ramsay, William C. Whitford, Consumer Credit, Debt and Bankruptcy : Comparative and International Perspectives, Oxford, Hart Publishing, 2009 ; Christian Twigg-Flesner, Geraint Howells, Annette Nordhausen, Deborah Parry (eds), The Year Book of Consumer Law 2008, 1ère édition, Londres, Routledge, 2009.
  • [10]
    Patricia L. Maclachlan, Consumer Politics in Postwar Japan : The Institutional Boundaries of Citizen Activism, New York, Columbia University Press, 2001.
  • [11]
    George J. Stigler, « The Theory of Economic Regulation », The Bell Journal of Economics and Management Science, 2 (1), 1971, p. 3-21 ; Gunnar Trumbull, Consumer Lending in France and America : Credit and Welfare, Cambridge, Cambridge University Press, 2014.
  • [12]
    Kent E. Calder, Crisis and Compensation : Public Policy and Political Stability in Japan, Princeton, Princeton University Press, 1988 ; Steven Kent Vogel, Freer Markets, More Rules : Regulatory Reform in Advanced Industrial Countries, Ithaca, Cornell University Press, 1996 ; P. L. Maclachlan, Consumer Politics in Postwar Japan : The Institutional Boundaries of Citizen Activism, op. cit.
  • [13]
    Luke Nottage, Product Safety and Liability Law In Japan : From Minamata To Mad Cows, Londres, Routledge, 2004.
  • [14]
    Frank K. Upham, « After Minamata : Current Prospects and Problems in Japanese Environmental Litigation », Ecology Law Quaterly, 8 (2), 1979, p. 213-268.
  • [15]
    Masayuki Murayama, « Kawashima and the Changing Focus on Japanese Legal Consciousness : A Selective History of the Sociology of Law in Japan », International Journal of Law in Context, 9 (4), 2013, p. 565-589.
  • [16]
    Jacques Commaille, À quoi nous sert le droit ?, Paris, Gallimard, 2015.
  • [17]
    Celeste L. Arrington, Accidental Activists, Ithaca, Cornell University Press, 2017.
  • [18]
    Par exemple, le mouvement antipollution et environnemental (Margaret MacKean, Environmental Protest and Citizen Politics, Berkeley, University of California Press, 1981), le mouvement anti-karôshi (Hiroshi Kawahito, Karojisatsu (Le suicide par surtravail), Tokyo, Iwanami shinsho, 2014).
  • [19]
    Liora Israël, L’arme du droit, Paris, Presses de Sciences Po, 2009.
  • [20]
    Compte rendu de la deuxième séance du 27 avril 2005 (http://www.fsa.go.jp/news/newsj/16/kinyu/f-20050427-2. html) (consulté en avril 2018).
  • [21]
    J. Mark Ramseyer, « Bottom-Feeding at the Bar : Usury Law and Value-Dissipating Attorneys in Japan », John M. Olin Center for Law, Economics, & Business Discussion Paper No. 741, 2013.
  • [22]
    David Caplovitz, The Poor Pay More, Londres, The Macmillan Company, 1967 ; Sabine Effosse, Le crédit à la consommation en France, 1947-1965 : de la stigmatisation à la réglementation, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2014 ; Hélène Ducourant, « Crédit à la consommation et endettement des individus : des idées reçues et des outils pour les combattre. Introduction au dossier », Revue française de socio-économie, 9 (1), 2012, p. 11-21.
  • [23]
    Pierre Lascoumes, Patrick Le Galès, Sociologie de l’action publique, Paris, Armand Colin, 2e édition, 2012.
  • [24]
    Ronald Philip Dore, City Life in Japan, Londres, Routledge, 2e édition, 1958.
  • [25]
    Howard Saul Becker (ed.), Social Problems. A Modern Approach, New York, John Wiley & Sons Inc, 1966 ; Herbert Blumer, « Les problèmes sociaux comme comportements collectifs », Politix, 17 (67), 2004, p. 185-199 ; Daniel Cefaï, « La construction des problèmes publics. Définitions de situations dans des arènes publiques », Réseaux, 75, 1996, p. 43-66 ; Malcolm Spector, John I. Kitsuse, Constructing Social Problems, New York, Transaction Publishers, 1987, Londres, Routledge, 2017.
  • [26]
    Roger W. Cobb, Charles D. Elder, Participation in Politics : The Dynamics of Agenda-Building, Boston, Alyn and Bacon, 1972 ; Frank R. Baumgartner, Bryan D. Jones, Agendas and Instability in American Politics, Chicago, The University of Chicago Press, 2009.
  • [27]
    Laurie Boussaguet, Sophie Jacquot, Pauline Ravinet (dir.), Le dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presses de Sciences Po, 3e édition, 2010 ; Érik Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 2005.
  • [28]
    Joseph R. Gusfield, The Culture of Public Problems : Drinkind-Driving and the Symbolic Order, Chicago, The University of Chicago Press, 1981.
  • [29]
    Georges Gloukoviezoff, Sébastien Plot, Flavien Neuvy, Sabine Effosse, Isabelle Gaillard, Jeanne Lazarus (débat), « Crédit à la consommation et surendettement des ménages », Entreprises et histoire, dossier, Consommer à crédit en Europe au XXe siècle, 59 (2), 2010, p. 112-121.
  • [30]
    Claude Gilbert, Emmanuel Henry, Comment se construisent les problèmes de santé publique, Paris, La Découverte, 2009.
  • [31]
    Ibid.
  • [32]
    C. Yuji Horioka, « Why Is Japan’s Household Saving Rate So High ? A Literature Survey », art. cité ; S. Effosse, Le crédit à la consommation en France, 1947-1965 : de la stigmatisation à la réglementation, op. cit.
  • [33]
    S. Effosse, Le crédit à la consommation en France, 1947-1965 : de la stigmatisation à la réglementation, op. cit.
  • [34]
    Ryuichi Shibuya, Shichiya taisaku rippô no tenkai (Modification de la loi de réglementation appliquée aux prêteurs sur gage), Tokyo, Komazawa daigaku keizai gakurônshû, 1972.
  • [35]
    Promise Co. Ltd., Puromise sanjyûnen shi (Promise - 30 ans d’histoire), Tokyo, 1994 (livre d’entreprise).
  • [36]
    Risques que l’on retrouvait dans la société nord-américaine. Voir Simon Bittmann, « From Loan Sharks to Commercial Banks : Moral Crusades and the Segmentation of the Credit Market in the United States, 1900-1945 », La Revue de la régulation, 23, 1er semestre, printemps 2018 ; Rudolph Nugent, Consumer Credit and Economic Stability, New York, Russell Sage Foundation, 1939.
  • [37]
    Jun Mizusawa, 2010nen 6gatsu 500mannin ga yonige suru (Juin 2010, 5 millions de personnes ont fui leurs créanciers) (Yonige désigne un phénomène social qui fait référence à la fuite de familles ou d’individus durant la nuit pour échapper aux créanciers), Tokyo, Kôdansha, 2010.
  • [38]
    F. K. Upham, Law and Social Change in Postwar Japan, Cambridge, Harvard University Press, 1987 ; Hiroshi Itoh, « Judicial Review and Judicial Activism In Japan », Law and Contemporary Problems, 53, 1990, p. 169-179.
  • [39]
    Asahi, 13 octobre 1978.
  • [40]
    Kashikingyô hakusho (Livre blanc de l’Association des prêteurs), Tokyo, Japan Consumer Finance Association, 1983.
  • [41]
    Le MITI, devenu le METI (ministère de l’Économie et du Commerce international) au début des années 1990.
  • [42]
    Une partie des débats qui se sont tenus lors des deux commissions d’examen n’étant pas rendue publique, l’accès à ces informations nous a été possible grâce à la collaboration d’un haut fonctionnaire du METI, rencontré plusieurs fois à Paris et à Tokyo, dans le cadre de nos recherches.
  • [43]
    Intervention de maître Shiragami lors de la 96e session de la Diète - Commission relative aux questions financières - Chambre des représentants, Tokyo, 4 août 1982.
  • [44]
    Intervention du député Ohara (PLD) lors de la 96e session de la Diète - Commission relative aux questions financières - Chambre des représentants, Tokyo, 4 août 1982.
  • [45]
    Disposition Minashibenzai, art 43. Proposition de loi Kashikingyôhô (Loi sur le contrôle des prêteurs d’argent), votée le 28 avril 1983.
  • [46]
    Interview de l’avocat Tetsuya Kitamura au cours de laquelle il a expliqué la règle de responsabilité individuelle partagée (jiko sekinin) (http://blog.livedoor.jp/bengoshiretsuden/archives/51321341.html).
  • [47]
    Cette partie du débat n’a pas été rendue publique.
  • [48]
    Cette partie du débat n’a pas été rendue publique.
  • [49]
    Jess Diamond, Ulrike Schaede, « Self-Employment in Japan : A Microanalysis of Personal Profiles », Social Science Japan Journal, 16 (1), 2013, p. 1-27.
  • [50]
    En l’absence de couverture sociale, ces petites entreprises étaient intégrées dans la politique sociale indirecte du gouvernement fondée sur la redistribution et soutenue par le compromis social de l’après-guerre. Marguarita Estevez-Abe, Welfare and Capitalism in Postwar Japan : Party, Bureaucracy, and Business, Cambridge, Cambridge University Press, 2008.
  • [51]
    C. Gilbert, E. Henry, « La définition des problèmes publics : entre publicité et discrétion », Revue française de sociologie, 53 (1), 2012, p. 35-59.
  • [52]
    Shôhisha shinyô no arikata ni tsuite – kinyûseidô chôkai senmon iinkai hôkoku, zaikei shôhosha (Les particularités du crédit aux consommateurs – Comité spécial pour les questions relatives au système financier), document publié par le ministère des Finances, 1987.
  • [53]
    Asahi, 15 juin 1978.
  • [54]
    Asahi, 17 juin 1978, 1er septembre 1983, 2 septembre 1983, 20 octobre 1983, 4 septembre 1984, 12 novembre 1984. Le système politique et électoral (appelé le système de 1955) était caractérisé par des relations clientélistes liées au financement des partis politiques par des groupes de soutien qui, en retour, pouvaient compter sur une meilleure représentation de leurs intérêts de la part des élus. Voir, par exemple, Arthur Stockwin, Governing Japan : Divided Politics in a Major Economy, Oxford, Blackwell, 1999. Il n’est donc pas surprenant de voir ce lien se former entre le PLD et les établissements de prêts dont le nombre a permis de constituer un groupe de soutien influent. À la fin des années 1970 et durant les années 1980, les informations relatives aux sources de financement des partis politiques n’étaient pas rendues publiques et seule la médiatisation par la presse permettait d’en avoir connaissance.
  • [55]
    Cette partie du débat n’a pas été rendue publique.
  • [56]
    F. R. Baumgartner, B. D. Jones, Agendas and Instability in American Politics, op. cit.
  • [57]
    David A. Rochefort, Roger W. Cobb, The Politics of Problem Definition, Shaping the Policy Agenda, Lawrence, University Press of Kansas, 1994.
  • [58]
    É. Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, op. cit.
  • [59]
    Jacques Gerstlé, « La persuasion de l’actualité télévisée », Politix, 37, 1997, p. 81-96 ; William A. Gamson, Talking Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1992.
  • [60]
    Souichirou Kozuka, Luke R. Nottage, « The Myth of the Cautious Consumer : Law, Culture, Economics and Politics in the Rise and Partial Fall of Unsecured Lending in Japan », dans Johanna Niemi, Iaim Ramsay, William C. Whitford (eds), Consumer Credit, Debt and Bankruptcy : Comparative and International Perspectives, Londres, Hart Publishing, 2009.
  • [61]
    P. L. Maclachlan, Consumer Politics in Postwar Japan : The Institutional Boundaries of Citizen Activism, op. cit.
  • [62]
    Anne Gonon, Précarité et isolement social : le monde des travailleurs journaliers japonais, Tokyo, Maison franco-japonaise, 1995.
  • [63]
    Le cas d’un prêteur demandant à l’emprunteur de vendre un de ses reins pour rembourser ses dettes a été l’un des plus médiatisés (Kashikingyô hakusho (Livre blanc de l’Association des prêteurs), Tokyo, Japan Consumer Finance Association, 1998).
  • [64]
    Paul Jobin, « L’après-guerre pour le syndicalisme ouvrier et les mouvements contre la pollution industrielle », dans Michael Lucken, Anne Bayard-Sakai, Emmanuel Lozerand (dir.), Le Japon après la guerre, Arles, P. Picquier, 2007, p. 323-340 ; P. Jobin, « Causes locales et causes à faire, la maladie de Minamata », dans Élisabeth Claverie, Luc Boltanski, Nicolas Offenstadt, Patrick Boucheron, Affaires, scandales et grandes causes : de Socrate à Pinochet, Paris, Stock, 2007 ; P. Jobin, « Au Japon, les procès contre les maladies industrielles », dans Edwige Rude-Antoine (dir.), Le procès : enjeu de droit, enjeu de vérité, Paris, PUF, 2007.
  • [65]
    Asahi, 18 août 1994, 16 septembre 1994, 17 septembre 1994, 14 juin 1998.
  • [66]
    Asahi, 11 mai 1995.
  • [67]
    Asahi, 7 novembre 1996, 5 mars 1997, 28 juin 1999, 19 septembre 1999, 29 octobre 1999, 30 octobre1999, 1er novembre 1999, 2 novembre 1999, 6 novembre 1999.
  • [68]
    Asahi, 7 juin 2002, 9 juillet 2002, 11 juillet 2002, 4 octobre 2002.
  • [69]
    Asahi, 12 mai 2003.
  • [70]
    Asahi, 25 janvier 1994, 17 octobre 2004, 26 janvier 2006, 25 mars 2006.
  • [71]
    Michel Offerlé, « Retour critique sur les répertoires de l’action collective (XVIIIe-XXIe siècles) », Politix, 81, 2008, p. 181-202.
  • [72]
    Asahi, 21 février 2001, 10 avril 2001, 16 février 2003, 3 mars 2003, 26 avril 2006.
  • [73]
  • [74]
    Kimura Tatsuya et Utsunomiya Kenji ont construit un récit autour des victimes des sarakin, dont la portée a influencé la formation au niveau local de plusieurs associations de défense (http://utsunomiyakenji.com).
  • [75]
    La définition juridique de tajûsaimu a évolué au fil du temps notamment sur la question du nombre d’établissements de crédit. Dans les années 1980, le terme s’appliquait à toute personne ayant emprunté auprès de plus de sept établissements. Dans les années 1990, les avocats ont baissé ce nombre à cinq, et après la réforme de 2006 à trois.
  • [76]
    Rapports publiés par le Barreau japonais de 1997 à 2008 montrant que les bas revenus et les strates précaires étaient les plus touchés par le problème de l’endettement excessif.
  • [77]
    En 1999, le vote de la loi de réhabilitation civile (minji saisei hô), qui était à l’origine réservé aux petites et moyennes entreprises, est devenu également applicable aux particuliers. La priorité a été donnée à la mise en place d’une procédure simple et accessible.
  • [78]
    La réforme du droit de cautionnement en 2004 était un outil de politique économique visant à favoriser le financement des PME et à lutter contre le surendettement des personnes physiques. Yuki Saito, « La protection de la caution personne physique au Japon », dans Denis Mazeau, Mustapha Mekki, Naoki Kanayama, Hatsumi Yoshida (dir.), Les notions fondamentales de droit civil. Regards croisés franco-japonais, Journées organisées par l’IRDA, l’Association Henri Capitant et l’ARIDA. LGDJ, Extenso Éditions, 2014.
  • [79]
    Utsunomiya Kenji, tajûsaimu no tadashii kaiketsu hô (Une loi juste contre le problème du surendettement), Tokyo, Kadensha, 2007.
  • [80]
    Mark D. West, Law in Everyday Japan : Sex, Sumo, Suicide, and Statutes, Chicago, The University of Chicago Press, 2005 ; Andrew M. Pardieck, « Japan and the Moneylenders : Activist Courts and Substantive Justice », Pacific Rim Law and Policy Journal, 17 (3), 2008, p. 529-594.
  • [81]
  • [82]
    Certains juristes comme A. M. Pardieck analysent la série d’arrêts rendus par les juges de la Cour suprême comme un révélateur à la fois de l’activisme judiciaire, et du rapprochement entre les citoyens et les tribunaux. Cette tendance, visible depuis plusieurs années, est le résultat de la réforme du système judiciaire de 2001, qui donne davantage de marge de manœuvre aux avocats pour défendre les parties civiles.
  • [83]
    J. M. Ramseyer, « Bottom-Feeding at the Bar : Usury Law and Value-Dissipating Attorneys in Japan », cité.
  • [84]
    Ibid.
  • [85]
    Ibid.

1 Si l’histoire du capitalisme a longtemps été associée à l’analyse du modèle productif, c’est de plus en plus sous l’angle des consommateurs qu’elle est appréhendée depuis une vingtaine d’années [1]. Après la crise financière de 2008, les chercheurs en sciences sociales se sont centrés sur la question du surendettement des ménages et de la financiarisation de la vie quotidienne [2]. L’histoire du crédit, intimement liée à celle du capitalisme, permet de rendre compte de l’hétérogénéité croissante du salariat et de la montée de la précarisation financière sous un angle différent de celui du rapport salarial [3].

2 Comparée à l’analyse du modèle productif japonais et aux travaux sur l’évolution de l’épargne des ménages, la question de l’endettement, voire du surendettement privé est restée peu développée, et ce malgré une montée de la précarisation financière [4]. Le cas japonais est particulièrement instructif car le débat public portant sur l’endettement excessif des ménages a été structuré quasi exclusivement autour des pratiques des établissements de prêt à taux d’intérêt élevés. Le processus de judiciarisation de la dette et sa médiatisation ont contribué à faire connaître le problème de l’endettement excessif des ménages, auquel le gouvernement a répondu par le projet de réforme du prêt non sécurisé en 2006. Pendant longtemps, les prêteurs qui dominaient ce marché avaient profité d’un cadre juridique et réglementaire peu contraignant. La loi de 2006, qui faisait suite aux arrêts rendus par la Cour suprême de 2003 à 2005, a marqué un renversement du rapport de force en faveur des emprunteurs. Elle représente l’aboutissement d’un long mouvement de défense des droits de ces derniers, mouvement organisé par des avocats et soutenu à la fois par les partis d’opposition et la faction réformiste du parti de la majorité (Parti libéral démocrate - PLD). Bien que les juges de la Cour suprême aient joué un rôle majeur dans le processus de judiciarisation de la dette, nous analyserons ici la façon dont des avocats sont parvenus à rendre publique une situation problématique en obtenant un changement juridique qui a conduit in fine à un changement législatif.

Endettement, surendettement et recours au droit

3 Au Japon, après la crise de 2008, plusieurs études ont révélé la montée de la vulnérabilité financière au sein de la strate la plus précaire de la société [5]. Or, s’ils mettaient en évidence l’hétérogénéité grandissante du salariat, rares étaient les chercheurs qui analysaient ce phénomène en lien avec l’évolution de la réglementation du marché du crédit aux ménages. De fait, les systèmes bancaire et productif au Japon ont beaucoup plus attiré leur intérêt, laissant, jusqu’au milieu des années 2000, le terrain des études de la consommation des ménages en friche [6]. Le constat est le même pour les travaux sur le crédit aux consommateurs. Bien que l’ouvrage de Simon Partner ait commencé à combler un vide dans ce champ de recherche en analysant l’essor de l’industrie électronique des années 1950 et 1960 sous l’angle de l’émergence de la société de consommation et de son financement à crédit, les études comparatives incluant le Japon sont restées peu nombreuses [7].

4 C’est donc à partir du milieu des années 2000, dans le cadre de la dynamique internationale des recherches sur le crédit aux ménages, que l’historien Andrew Gordon a analysé la vente à tempérament au Japon. Il a notamment mis en évidence l’influence des stratégies clientélistes sur la réglementation du marché pour protéger les détaillants et les petits commerces de la concurrence des grands magasins [8]. Néanmoins, l’évolution de l’endettement des ménages demeurait peu évoquée dans ces travaux, sans doute en raison de l’absence du prêt non sécurisé dans la littérature sur le crédit aux consommateurs au Japon. Depuis 2006, cette lacune est en partie comblée, des juristes ayant souligné le caractère peu courant de cette évolution législative initiée par les décisions des juges de la Cour suprême, ainsi que ses effets sur les prêteurs à taux d’intérêt élevés qui ont en grande majorité fait faillite [9].

5 Les trois champs de recherche que sont le crédit aux consommateurs, la réglementation du prêt à taux d’intérêt élevés et la montée de l’endettement des ménages ont été étudiés séparément. Nous proposons donc d’analyser conjointement l’évolution de l’endettement des ménages et le marché du prêt pour comprendre les mécanismes de la loi de 2006 qui visait, d’une part, à lutter contre l’endettement excessif des ménages japonais (tajûsaimu), d’autre part, à protéger les consommateurs-emprunteurs (shôhisha hogo).

6 Plusieurs chercheurs, dont Patricia Maclachlan, ont montré que le droit japonais des consommateurs était relativement faible comparé à celui des autres pays avancés [10]. Elle a souligné en particulier la grande difficulté à entamer des poursuites judiciaires contre une entreprise en cas de préjudice subi par le consommateur. Face à la forte coalition instaurée entre l’industrie et l’État, la société civile japonaise disposait d’une faible marge de manœuvre [11]. Cependant, Kent Calder a montré que, dans les rares cas où les intérêts des politiques, des bureaucrates et de l’industrie divergeaient, les groupes de consommateurs parvenaient à faire entendre leurs voix, grâce au soutien de l’opinion publique et des médias [12]. Lors de l’alternance politique de 1993-1994 par exemple, plusieurs lois ont été votées en faveur d’une plus grande protection des consommateurs [13]. Si l’analyse des mouvements de défense des consommateurs a donné lieu à des travaux de recherche en japonais et en anglais, le rôle déterminant des avocats y était donc très peu mentionné.

7 Pourtant, depuis les années 1950, et malgré des obstacles institutionnels [14], culturels [15], et un faible taux d’avocature par rapport aux autres pays industrialisés [16], plusieurs mouvements sociaux avaient recours au droit et aux procès pour défendre les intérêts de leurs membres [17]. Au sein de ces mouvements, des juristes se sont engagés, notamment des avocats, pour construire la cause qu’ils défendaient [18]. Dans certains cas, cette appropriation de la cause par des professionnels du droit a suscité des tensions avec les victimes et leurs familles, posant ainsi plusieurs questions relatives à cette profession et à son engagement [19].

8 Dans notre cas d’étude, ce sont pourtant bien des avocats qui ont forgé le cadre cognitif du problème de l’endettement excessif en rapport avec le marché du prêt à taux d’intérêt élevés. En 2005, l’avocat Utsunomiya Kenji a estimé à trois millions le nombre d’emprunteurs susceptibles d’être « victimes » des pratiques abusives des prêteurs [20]. Certes, le nombre de déclarations de faillite personnelle rapporté à la population japonaise restait faible comparé aux autres pays, mais il faut évaluer l’opportunité juridique dont se sont saisis les avocats du mouvement de défense des emprunteurs défaillants à l’aune de l’ensemble des emprunteurs sur ce marché. En effet, après les arrêts de 2003-2005, et plus encore après l’inflation des procédures juridiques Kabarai de 2006 (littéralement kabarai signifie « payer un trop-perçu ») qui permettaient aux emprunteurs d’obtenir le remboursement des taux d’intérêt situés au-dessus du seuil plafond (9 257 en 2007, 12 900 en 2008 et 22 200 en 2009, soit 56 % du total des procédures judiciaires [21]), le nombre de procès défendus contre les établissements de prêt a considérablement augmenté.

9 Pour expliquer les mécanismes qui ont conduit à un renversement du rapport de force entre les avocats et les établissements de prêt à la fin des années 1990, nous proposons de croiser les travaux sur l’histoire du crédit aux ménages [22] avec ceux de la sociologie de l’action publique et des problèmes publics [23]. Au Japon, la morale ne constituait pas un obstacle à la légitimité du crédit. Contrairement à la France ou aux États-Unis, il n’existait pas dans ce pays de contrainte majeure à l’essor des établissements de prêt. Dès lors, jusqu’en 2006, la faible institutionnalisation du secteur du prêt non sécurisé a été intimement liée au maintien d’une forme de régulation par la menace. S’il ne payait pas sa dette, l’emprunteur s’exposait au risque de tomber aux mains de la pègre, l’essor non contrôlé depuis les années 1970 du nombre de prêteurs ayant systématisé des pratiques telles qu’agressions, menaces, harcèlements et usure. Il subissait également l’opprobre de la faillite dans une société fortement marquée par des valeurs de responsabilité individuelle [24].

10 De nombreuses études ont analysé les conditions d’émergence et de prise en charge des problèmes publics [25] et leur inscription à l’agenda politique [26]. Elles permettent de rendre compte des logiques spécifiques qui favorisent la prise en charge d'un problème par les institutions publiques en montrant le processus sous-jacent de mobilisation et d’action collective [27]. Les diverses formes d’existence que peut revêtir un problème sont également analysées par rapport à ses nombreuses définitions [28]. Georges Gloukoviezoff et Sébastien Plot montrent notamment à propos du surendettement en France [29] que l’imputation de la responsabilité, lorsqu’un emprunteur est défaillant, dépend de trois interprétations : la première insiste sur l’inconscience des emprunteurs et leur course à la consommation, la deuxième pointe les prêteurs cyniques, la troisième met en lien le niveau d’endettement et le niveau de salaire, soulignant que l’endettement est encouragé par les politiques publiques afin de soutenir la consommation dans des périodes de faible augmentation du pouvoir d’achat. Dans le cas japonais, la primauté donnée à l’une ou l’autre de ces trois interprétations a dépendu de l’évolution du rapport de force entre les établissements de prêt et les avocats engagés dans la défense des droits des emprunteurs. Un problème public est donc appréhendé en analysant notamment les « luttes définitionnelles » qui opposent les différents groupes concernés [30]. L’étude du processus définitionnel permet par ailleurs de rendre compte de l’imbrication entre la sphère publique et la sphère plus discrète des logiques de compromis. La diffusion de l’une des définitions du problème élaborée par des acteurs qui occupaient jusque-là une position périphérique peut résulter par exemple de la rupture du consensus consenti en dehors du débat public [31].

11 Nous analyserons tout d’abord la période allant de 1978 à 1983 au cours de laquelle le problème des sarakin (contraction du terme sarary men (salarié) et kinyû (finance), prêteurs légaux qui consentent des prêts non garantis à des taux d’intérêt élevés) a été rendu public, et qui correspond à l’agenda de la première proposition de loi de réglementation des établissements de prêt à taux d’intérêt élevés (1983). Nous considèrerons le processus définitionnel sous-jacent sous l’angle du rapport de force entre les établissements de prêt, représentés par des parlementaires conservateurs issus principalement du PLD, et des avocats engagés dans le mouvement anti-sarakin proches des partis de l’opposition, à savoir le Parti socialiste japonais (PSJ) et le Parti communiste japonais (PCJ). Pour rendre compte des « luttes définitionnelles » entre les acteurs concernés, nous avons eu recours aux procès-verbaux et aux rapports des commissions parlementaires relatives à la proposition de loi de 1983. Nous avons également consulté les rapports gouvernementaux publiés par le ministère des Finances et le Bureau des banques en 1985, 1987 et 1989 portant sur les politiques économiques relatives au marché du crédit aux ménages.

12 Nous analyserons ensuite le rôle de deux quotidiens de la presse japonaise, l’Asahi shinbun et le Nihon Keizai shinbun dans la construction du problème des sarakin et sa médiatisation de 1978 à 2006. Nous étudierons plus particulièrement l’évolution de cette médiatisation, qui est passée d’une approche quasi exclusivement criminelle (1978 à 1998) à une approche plus socioéconomique (1998 à 2006) qui a entraîné un changement dans le rapport de force entre établissements de prêt et avocats. Dans le contexte de la crise économique et sociale de la fin des années 1990, la définition élaborée par ces derniers pour rendre public le problème de l’endettement excessif des ménages (tajûsaimu mondai) a fait l’objet d’une plus grande médiatisation. L’étude des rapports publiés par le Barreau japonais (la Nichibenren) sur l’évolution de l’endettement des ménages et celle des statistiques publiées par la Cour suprême nous ont permis d’analyser plus finement les stratégies utilisées par les avocats engagés dans le mouvement de défense des emprunteurs défaillants pour médiatiser le problème tel qu’ils l’ont défini. Nous avons également conduit plusieurs entretiens entre 2013 et 2017 auprès de quelques avocats engagés dans la défense des consommateurs-emprunteurs.

L’essor du prêt personnel et la première réglementation de 1983

13 Après la guerre, au Japon comme en France, les banques étaient tournées exclusivement vers le besoin de financement des entreprises et ne proposaient pas de crédit aux particuliers [32]. Le prêt aux ménages, aux entrepreneurs individuels et aux très petites entreprises était donc proposé dans le secteur non bancaire ou de manière informelle par des officines de prêt. Alors que le gouvernement français est intervenu dès 1954 pour réglementer le crédit à la consommation, contrôler le marché noir et soutenir l’essor des établissements de crédit [33], le gouvernement japonais a laissé prospérer les prêteurs à taux d’intérêt élevés sur un marché faiblement institutionnalisé.

Un secteur non bancaire très faiblement institutionnalisé

14 Le cadre légal définissant les taux d’intérêt applicables par les établissements de prêt non bancaires à taux d’intérêt élevés se caractérise principalement par un vide juridique. En effet, depuis 1954 ce cadre dérive de l’application de deux lois : la « loi sur les taux d’intérêt plafond » (risokuseigen hô), inscrite dans le Code civil, et la « loi sur les investissements » (shusshi hô), inscrite dans le Code pénal. Le Code civil fixe un taux d’intérêt maximum de 20 %, mais, en cas de dépassement par le prêteur, aucune sanction n’est prévue. Le Code pénal, lui, fixe un taux d’intérêt maximum de 109,5 % et prévoit des sanctions en cas de dépassement. Il en résulte que l’application de taux d’intérêt élevés dans la limite de la zone grise comprise entre 20 % et 109,5 % n’est pas sanctionnée. Comme le montre le schéma ci-dessous (graphique 1), plusieurs réformes ont progressivement réduit cette zone grise en abaissant les taux d’intérêt prévus par le Code pénal.

Graphique 1

L’abaissement des taux d’intérêt plafond et l’évolution de la zone grise

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L’abaissement des taux d’intérêt plafond et l’évolution de la zone grise

Source : Gekkan shôhisha shinyô (Monthly Consumer Credit), 23, 9 septembre 2005, p. 58. Réalisé par l’auteure

15 Le prêt non sécurisé était initialement prévu pour répondre aux besoins de financement des paysans ; puis, en raison de l’industrialisation rapide du Japon, il a surtout répondu à la demande de crédit des entrepreneurs individuels et des très petites entreprises [34]. Depuis 1954, du fait de l’absence d’une offre de crédit institutionnalisée, le maintien de l’ambigüité juridique autour de la zone grise des taux d’intérêt favorisait les prêts aux petites entreprises et au commerce de détail. À partir des années 1960, quelques anciens prêteurs sur gage (shichiya) ont profité des possibilités offertes par la généralisation du salariat, la hausse des revenus et l’essor de la société de consommation, plus particulièrement des loisirs [35], pour commencer à développer une nouvelle activité de crédit tournée vers les ménages, sur le modèle des Consumer Finance Companies américaines. Dès lors, un processus de dualisation du marché du prêt non sécurisé s’est mis en place avec, d’un côté, des officines de prêt locales tournées surtout vers les besoins des petites entreprises et des entrepreneurs individuels, de l’autre, des établissements de prêt aux consommateurs de plus en plus sophistiqués au niveau national. Quatre de ces établissements de prêt sont devenus des acteurs dominants du secteur (ôte shôhisha kinyû gaisha), formant progressivement un marché oligopolistique à destination des consommateurs.

16 L’augmentation du nombre de prêteurs jusqu’à la fin des années 1970 témoigne à la fois de la multiplication des demandes de prêts et du manque de contrôle et de supervision des autorités publiques. Dans un article de l’Asahi shinbun daté du 6 juin 1978, ce nombre était estimé à 150 000 alors que le ministère des Finances en recensait seulement 50 000, écart qui reflète l’activité informelle d’une majorité de ces prêteurs, laquelle activité explique pourquoi, outre le fait qu’ils s’exposaient souvent à des pratiques abusives ou illicites [36], les emprunteurs avaient de grandes difficultés à distinguer les bons prêteurs des mauvais.

17 En réaction à l’essor incontrôlé des sarakin, quelques avocats se sont mobilisés pour défendre les intérêts des emprunteurs défaillants. En 1964, ils ont obtenu des juges de la Cour suprême une première décision favorable dans le cas du suicide d’un père de famille endetté [37]. Les juges ont en effet rendu un arrêt admettant que le dépassement du seuil de 20 % fixé par le Code civil entraînait la nullité du contrat de prêt. En 1968, ils ont rendu un nouvel arrêt qui donnait droit à l’emprunteur d’obtenir le remboursement rétroactif des taux d’intérêt versés au-delà du seuil des 20 % et donc situés dans la zone grise.

18 Des juristes ont analysé ces décisions comme relevant de l’activisme judiciaire dans le contexte économique, social et juridique des années 1960 [38]. Au Japon comme dans les autres pays industrialisés, l’absence de procédure de faillite personnelle ne permettait pas aux emprunteurs défaillants de se protéger de leurs créanciers, alors même que les taux d’intérêt appliqués dépassaient souvent le seuil légal fixé par le Code pénal. Le recours au droit pour se défendre des prêteurs illicites n’étant pas suffisamment répandu, les affaires criminelles liées au marché des sarakin ont continué d’augmenter. D’après les données publiées par l’Agence de police, en 1978, soit après la courte période de récession des années 1970, 130 suicides avaient été causés par une situation d’endettement auprès des prêteurs à taux d’intérêt élevés, 1 502 personnes avaient disparu (fuite) et 3 546 prêteurs étaient supposés être liés à la pègre [39]. Historiquement responsable du contrôle du marché du prêt non sécurisé jusqu’en 1937, l’Agence de police a insisté auprès du ministère des Finances pour qu’il réglemente et contrôle plus efficacement ce marché [40]. La médiatisation de ces affaires criminelles et la diffusion publique du problème des sarakin par l’Agence de police ont amené le gouvernement à proposer un projet de loi.

La première proposition de loi de 1983

19 De 1978 à 1983, la proposition de loi de réglementation des établissements de prêt à taux d’intérêt élevés (kashikingyô hôan) soutenue par le député Kazumi Ohara (PLD) a fait l’objet de nombreux débats entre les membres des ministères de la Justice, de l’Industrie [41], des Finances, les parlementaires du PLD, ceux du PCJ et du PSJ et le représentant du Barreau, maître Katsuo Shiragami. L’analyse des débats qui se sont tenus lors des commissions d’examen de la proposition de loi permet de rendre compte du rapport de force dans le processus de définition du problème des sarakin entre les juristes représentés par maître Shiragami, soutenus par les partis de l’opposition, et les parlementaires du PLD, représentant les intérêts des établissements de prêt [42].

20 Les partis de l’opposition ont présenté une proposition rédigée par des juristes pour améliorer la protection des consommateurs-emprunteurs et prévenir l’apparition de l’endettement excessif par cumul de crédits chers et faciles. Le 4 août 1982, lors de la 96e session de la Diète (Chambre des représentants) - Commission relative aux questions financières, maître Shiragami a pris la parole pour expliquer le problème des sarakin sous l’angle des emprunteurs : « Le nombre d’emprunteurs victimes des pratiques illicites des sarakin a augmenté rapidement. De 750 cas en 1981, nous sommes passés à 1 400 l’année suivante. À Tokyo, en un mois, nous avons traité 200 cas. Le problème du surendettement touche des personnes dont le niveau d’endettement dépasse les 5 millions de yens. Les taux d’intérêt sont trop élevés puisqu’ils sont en moyenne de 60 % à 70 %, ce qui augmente de plus de la moitié la somme totale à rembourser » [43]. Ayant présenté le risque d’endettement excessif induit par le maintien de la zone grise et les pratiques abusives des prêteurs, selon la définition du problème élaborée par les juristes, il a argumenté en faveur d’une baisse des taux d’intérêt plafond et d’une meilleure protection des consommateurs-emprunteurs qui nécessiterait de différencier les prêts aux petites entreprises des prêts aux consommateurs. Or, bien qu’ils aient pris en considération la dimension criminelle du problème rendue publique par l’Agence de police, les législateurs du PLD ont maintenu dans le flou la distinction entre les bons et les mauvais prêteurs en défendant le rôle de cette profession dans la société japonaise et la nécessité de maintenir un cadre réglementaire peu contraignant pour leur permettre de continuer d’exercer leur activité. De même, la question de la segmentation entre prêts aux entreprises et prêts aux ménages est restée en suspens : « Parmi les sarakin, il y a aussi des prêteurs honnêtes comme les prêteurs issus de la finance populaire dont le rôle est nécessaire. Réduire soudainement les taux d’intérêt et retirer la marge de manœuvre laissée par la zone grise ne me semble pas la meilleure manière de procéder » [44].

21 L’issue du débat montre que le cadre cognitif du problème des sarakin a été principalement élaboré en fonction des intérêts des prêteurs, comme l’indique l’introduction de la disposition Minashibenzai dans l’art. 43 de la proposition de loi, qui stipule : « Un dépassement du taux d’intérêt fixé par le Code civil entraîne la nullité du contrat de prêt. Cependant, si l’emprunteur accepte consciemment et volontairement l’application d’un taux d’intérêt supérieur au taux d’intérêt inscrit dans le Code civil, le taux d’intérêt qui figure dans le contrat de prêt est valide au moment de l’échange de consentement entre les parties » [45].

22 Cette disposition, très controversée, retirait la possibilité d’ester en justice que permettaient les jurisprudences de 1964 et 1968, et ce faisant réduisait la capacité d’action des avocats pour défendre les victimes des pratiques abusives des prêteurs. Avec cette loi, le législateur invalidait la jurisprudence et instaurait une nouvelle norme qui imputait la responsabilité de l’impayé à l’emprunteur. Comme l’explique maître Tetsuya Kimura, la responsabilité de l’individu (jiko sekinin), profondément ancrée dans la mentalité des citoyens japonais, l’emportait déjà sur la responsabilité de l’État, de la société, voire du prêteur [46]. Or, avec cette disposition, cette responsabilité n’était plus seulement sociale, mais aussi instituée juridiquement. Lors de la 98e session de la Chambre des conseillers - Commission des affaires financières le 3 mars 1983, le sénateur Kumao Terada (PSJ) a questionné l’auteur de la proposition de loi au sujet de cette disposition : « Les prêteurs exercent leur activité en appliquant des taux d’intérêt excessivement élevés. Si, par l’intermédiaire de cette loi, on baissait le taux d’intérêt limite, ce serait une mesure extrêmement douloureuse. Aussi, il est question d’ignorer les deux arrêts émis par la Cour suprême, en proposant cette loi. (…) Il s’agit donc d’une sorte de compensation donnée aux prêteurs pour leur laisser le temps de s’adapter ? » [47]. Ce à quoi le député K. Ohara a répondu : « Il n’y a aucun doute sur l’existence d’une demande de crédit. Il s’agit de la structure du système financier japonais. (…) Au Japon, l’industrie du prêt aux ménages et aux petites entreprises est particulière, 10 % seulement des prêts sont proposés par les banques. Le reste est donc pris en charge par les établissements non bancaires. (…) Pour les prêteurs, il faut comprendre qu’il s’agit d’une mesure très sévère. Mais cette loi a pour but de faire baisser progressivement le nombre de prêteurs » [48].

23 L’analyse des débats parlementaires montre que la définition du problème des sarakin telle qu’elle a été reprise dans le discours du législateur s’inspirait des logiques sociales associées au dualisme de l’économie japonaise [49]. Ce dualisme justifiait le maintien de la complémentarité entre le secteur bancaire, tourné vers les besoins des grandes entreprises, et le secteur non bancaire, tourné vers les petites entreprises et les ménages. De fait, comme les très petites entreprises et les économies individuelles avaient recours aux prêts de soudure, une baisse brutale des taux d’intérêt risquait d’entraver l’accès au financement de ces agents sociaux dont l’estimation du risque qu’ils représentaient justifiait des marges de bénéfices plus élevées pour les prêteurs [50]. Les élus locaux, les hauts fonctionnaires et les prêteurs avaient donc un intérêt commun pour intervenir dans le processus de l’action publique en s’accordant sur plusieurs décisions majeures, dont le maintien de la zone grise, tout en acceptant de baisser progressivement le seuil des taux d’intérêt plafond. Les sarakin ont donc bénéficié d’une loi de compromis qui leur permettait d’obtenir une compensation sous la forme du maintien de la zone grise et de l’introduction de la disposition Minashibenzai dans la loi de 1983 [51].

Une loi de compromis élaborée sans bruit

24 L’analyse des rapports gouvernementaux publiés par le ministère des Finances révèle que cette compensation répondait avant tout à la perte des parts de marché des établissements de prêt à la suite de l’entrée des banques dans le secteur de la finance personnelle depuis le début des années 1980 (graphique 2). L’adoption de cette proposition de loi correspondait donc à un compromis acceptable pour les établissements de prêt sans toutefois remettre en cause la priorité donnée au développement du crédit bancaire dans le cadre de la politique de déréglementation poursuivie par le ministère des Finances pour obtenir, à terme, l’assainissement du secteur non bancaire [52].

Graphique 2

L’évolution du marché total du crédit aux consommateurs (1976-2010) Réalisé par l’auteure

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L’évolution du marché total du crédit aux consommateurs (1976-2010) Réalisé par l’auteure

Source : Japan Consumer Finance Association, Annual Statistics, 2010

25 Bien qu’il soit difficile de rendre compte des collusions d’intérêts entre les prêteurs et les élus locaux, plusieurs articles de presse ont mis en lumière le lien entre la sphère politique et les sarakin, dénonçant les contributions financières effectuées par ces établissements de prêt au PLD [53]. À plusieurs reprises, le PCJ a dénoncé les relations entretenues par les sarakin avec des membres du parti de la majorité [54]. Lors de cette même 98e session de la Chambre des conseillers du 3 mars 1983, le sénateur K. Terada a mentionné l’influence de certains sarakin sur les élus locaux : « Dans le cadre de mon activité personnelle, j’ai défendu plus d’une centaine de cas devant la Cour suprême, et j’ai à plusieurs reprises négocié avec les sarakin, au point que lors des élections municipales d’Okayama, les sarakin m’ont fait savoir que j’étais dérangeant » [55].

26 Notons la contradiction entre le contenu de la loi de 1983, notamment la disposition Minashibenzai de l’art. 43, et le discours publiquement assumé dans le cadre d’une politique publique chargée de garantir la protection des consommateurs emprunteurs [56]. Cette loi soulevait plusieurs problèmes majeurs. Il y avait toujours la possibilité d’appliquer des taux d’intérêt élevés situés dans la zone grise et ces taux n’étaient pas appliqués en fonction du risque de l’emprunteur, en grande partie à cause de l’absence de centrale de crédit. Les pratiques informelles entre les différents établissements de prêt n’étaient pas contrôlées. Le marché fonctionnait toujours selon la régulation par la menace : aucune norme juridique contraignante n’était instituée pour les prêteurs, et les normes sociales demeuraient associées à la responsabilité de l’emprunteur.

27 Les avocats impliqués dans le processus législatif de la loi de 1983 ont donc occupé une position périphérique. D’après David A. Rochefort et Roger W. Cobb, un problème ne devient public que lorsque des acteurs se mobilisent et l’inscrivent dans l’espace public afin que quelque chose soit fait pour le traiter [57]. L’absence de prise en considération de la définition élaborée par les avocats mobilisés pour défendre les emprunteurs défaillants démontre donc plusieurs choses. D’une part, que ces avocats n’ont peut-être pas suffisamment construit le problème public de l’endettement, d’autre part, que le soutien de l’opinion publique pour la cause défendue était sans doute faible [58]. Il convient alors de prendre en considération d’autres facteurs que la mobilisation seule de ce groupe d’acteurs et de s’interroger sur le rôle des médias dans l’élaboration de la définition du problème des sarakin et l’appréciation de son urgence [59].

Évolution de la médiatisation et diffusion publique du problème de l’endettement excessif

La médiatisation de la dimension criminelle du problème des sarakin

28 Si les juristes ont tenu compte de la couverture du problème des sarakin par les médias dans leur analyse de la réforme du prêt non sécurisé de 2006 [60], leur sélection d’articles a été en général arbitraire puisqu’elle s’est portée principalement sur ceux qui relayaient les pratiques frauduleuses des prêteurs et les scandales. Nous avons donc procédé à une recherche par le mot clé sarakin sur la période allant de 1955 à 2010, en sélectionnant deux journaux de presse, l’Asahi shinbun, quotidien de presse nationale et régionale, tiré à 8 millions d’exemplaires pour l’édition du matin, et à 3 millions d’exemplaires pour l’édition du soir, et le Nihon Keizai shinbun (Nikkei), quotidien spécialisé dans l’économie, tiré à 3 millions d’exemplaires. Nous avons obtenu 168 articles pour le Nikkei et 3 869 articles pour l’Asahi. Cette différence tient notamment à la ligne éditoriale et au lectorat des deux journaux. L’Asahi reflète un positionnement politique de centre gauche. Réputé pour avoir dénoncé différents scandales impliquant des hommes politiques et des industriels influents, il donne régulièrement la plume à des personnalités du monde universitaire et à des intellectuels, engagés politiquement, pour exposer leur point de vue sur différents sujets en rapport avec l’actualité. Le Nikkei propose une information destinée surtout aux chefs d’entreprise, aux cadres supérieurs et aux décideurs politiques. Nous avons donc sélectionné ces deux journaux pour leur complémentarité éditoriale. Dans les deux graphiques ci-dessous, nous n’avons pas tenu compte du nombre très faible d’articles publiés sur la période 1955-1977.

Graphique 3

Variation du nombre d’articles publiés par l’Asahi de 1977 à 2006 (recensés par catégorie)

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Variation du nombre d’articles publiés par l’Asahi de 1977 à 2006 (recensés par catégorie)

Graphique 4

Variation du nombre d’articles publiés par le Nikkei de 1977 à 2006 (recensés par catégorie)

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Variation du nombre d’articles publiés par le Nikkei de 1977 à 2006 (recensés par catégorie)

Articles recensés par l’auteure

29 La couverture du problème des sarakin de 1978 à 2006 par l’Asahi montre que, jusqu’à l’éclatement de la bulle spéculative en 1991, les articles relatant des faits divers (vols, crimes) ont été nettement plus nombreux que les articles portant sur les actions des agents sociaux en général, et en particulier des avocats mobilisés pour défendre les emprunteurs défaillants. Comme la grande majorité des articles relataient surtout les crimes commis par des emprunteurs pour rembourser leurs dettes, la médiatisation du problème des sarakin a eu pour conséquence d’individualiser la question de l’endettement et de présenter les emprunteurs défaillants comme des déviants. Le Nikkei n’a pratiquement pas couvert la dimension criminelle du problème, conformément à sa ligne éditoriale. Son intérêt pour le problème des sarakin est resté très faible sur toute la période.

30 Jusqu’en 1991, les articles publiés par l’Asahi ont souligné en général le manque d’action du gouvernement pour réglementer les pratiques illicites des prêteurs et le manque de scrupules de certains emprunteurs tournant à leur avantage les faiblesses du système pour commettre des fraudes et des vols afin de rembourser, ou non, leurs dettes. Quelques articles traitent de cas de suicides et de fuites pour dettes. L’une des raisons de la faible médiatisation des actions organisées par les avocats est le manque d’intérêt de l’opinion publique pour leurs mobilisations et plus largement pour le problème de l’endettement auprès des sarakin. En effet, jusqu’à la fin des années 1980, les taux d’épargne japonais étaient parmi les plus élevés des pays de l’OCDE, et le niveau d’endettement était encore faible comparé à ceux des autres pays industrialisés (graphique 5). L’autre raison est le manque d’expérience des avocats dans la promotion de leurs actions, encore peu nombreuses, de défense des victimes des sarakin.

Graphique 5

Évolution de la richesse et de la dette des ménages

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Évolution de la richesse et de la dette des ménages

Source : OCDE, Statistiques sur les comptes nationaux - Japon, 2017 Réalisé par l’auteure

31 De surcroît, durant les années 1980 marquées par la politique d’inspiration néolibérale du gouvernement Nakasone, les demandes des associations de consommateurs ont très peu abouti [61]. La formation de la bulle en 1991 et son éclatement au début des années 1990 ont entraîné un changement de paradigme. Au cours de ce que l’on a appelé la décennie perdue, période de stagnation économique de 1992 à 2004, les conditions économiques et politiques ont permis indirectement aux établissements de prêt à taux d’intérêt élevés d’accroître considérablement leur profit.

Vers la construction d’une nouvelle dimension du problème des sarakin ?

32 Après 1991, malgré la formation d’une bulle spéculative autour du crédit immobilier non sécurisé (jûsen), le gouvernement n’a pas introduit de nouvelles mesures visant à mieux encadrer le crédit non bancaire. S’il a baissé le plafond des taux d’intérêt dans la loi sur les investissements à hauteur de 40,004 %, il a conservé la zone grise. À la suite du retrait des banques du marché du crédit aux ménages, les établissements de prêt à taux d’intérêt élevés ont connu un nouvel essor alors que les problèmes structurels du marché n’étaient pas résolus. Ainsi, la segmentation du marché du crédit aux consommateurs et le manque de centralisation des données permettaient toujours le risque d’un cumul d’emprunts. La situation s’est aggravée à partir des années 2000 avec le développement rapide du marché des cartes de crédit dont la diffusion n’a pas été encadrée juridiquement. Il s’est ensuivi de nombreux problèmes de fraudes et de crédits excessifs, liés au manque de sécurisation des moyens de paiement et des données personnelles. Par ailleurs, en 1993, dans le cadre des politiques de déréglementation appliquées dans le secteur de la finance et des télécommunications, le gouvernement a levé la restriction imposée aux établissements de prêt, les autorisant à entrer sur les marchés boursiers. Les gros établissements en ont profité pour développer un large réseau de distribution et bénéficier de capacités de refinancement à taux bas. Grâce à la mise en œuvre d’une stratégie de volume, ils se sont démarqués des autres prêteurs par la hausse significative de leurs encours de crédit (graphique 6).

Graphique 6

L’encours de crédit en fonction de la taille des établissements de prêt (en millions de yens)

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L’encours de crédit en fonction de la taille des établissements de prêt (en millions de yens)

Source : Japan Consumer Finance Association, Annual Statistics, 2010 Réalisé par l’auteure

33 L’offre totale des prêts sur ce marché est toutefois restée principalement pourvue par les établissements spécialisés dans le prêt aux entreprises, généralement au niveau local, mais réglementés par la même loi de 1983. D’après le Livre blanc de l’Association des prêteurs, ces établissements répondaient surtout à la demande des petites entreprises du secteur de la construction et du bâtiment et du secteur manufacturier. Durant la période de stagnation économique des années 1990, le secteur de la construction et du bâtiment a permis au gouvernement de lisser les chiffres du chômage en intégrant sur le marché du travail les travailleurs irréguliers et journaliers [62].

34 Après la crise bancaire de 1998, plusieurs scandales liés au financement des PME, des entreprises individuelles et familiales ont été relayés par les médias. Il s’agissait surtout de prêteurs appliquant des taux d’intérêt supérieurs au seuil des 40,004 % par des frais supplémentaires (assurance, caution). Les montants prêtés dépassaient largement les capacités de remboursement des emprunteurs et les méthodes de recouvrement étaient agressives. Plusieurs emprunteurs défaillants ont été contraints de prendre un contrat d’assurance-vie mentionnant le prêteur comme bénéficiaire principal [63]. La médiatisation de ces scandales dans le contexte de crise des années 1990 a permis aux avocats du mouvement anti-sarakin de construire le problème de l’endettement excessif pour modifier la perception de l’opinion publique vis-à-vis des emprunteurs en substituant la notion de « victime » à la dimension criminelle privilégiée jusque-là.

La construction du problème public par le groupe des avocats : mobilisations et recours au tribunal

35 Au Japon, les premières actions collectives de l’avocature militante affiliée aux partis de gauche ont été organisées dans les années 1950 pour défendre les malades de Minamata (minamata byô) intoxiqués par le mercure déversé dans les rivières par l’entreprise Chissô [64]. Pour autant, la mobilisation des professionnels du droit est restée marginale pendant longtemps. Le mouvement anti-sarakin a officiellement vu le jour en 1978 à l’initiative de maître Kimura Tatsuya qui a créé l’Association de victimes des sarakin à Osaka. Peu de temps après, le mouvement s’est organisé à Tokyo sous l’égide de maître Utsunomiya Kenji. Au début des années 1980, il regroupait toutes les actions organisées par des avocats mobilisés pour défendre les droits des emprunteurs défaillants. Les avocats collaboraient avec des collègues mobilisés dans la défense des droits des consommateurs ou dans celle des victimes d’autres problèmes publics comme le karôshi (mort par surmenage) et la pollution. Les collectifs qu’ils ont constitués mettaient à la disposition des citoyens une permanence juridique pourvue directement dans les cabinets d’avocats ou dans des centres d’aide sociale par l’intermédiaire d’une ligne d’appel téléphonique. Pour répondre à l’afflux des demandes, ces collectifs se sont ensuite spécialisés dans des cas particuliers en organisant des permanences juridiques au niveau local. Dans le cas du problème des sarakin, ces permanences devaient pouvoir traiter des aspects particuliers – les pratiques illicites et la violence des prêteurs [65], le remboursement des dettes [66], la transparence du contrat [67], les prêteurs illégaux (yamikin) [68], la protection des données personnelles [69] – mais aussi plus généraux – la dépendance au jeu et l’alcoolisme [70]. Au cours des années 1990, les avocats engagés dans le mouvement anti-sarakin ont élargi la sphère de leurs actions en organisant des colloques afin de mobiliser plusieurs agents de la société civile (centres de conseil, associations de consommateurs, associations de citoyens) [71] et ainsi d’occuper une place de plus en plus visible dans l’espace public [72]. Ils ont également eu recours au répertoire de la « scandalisation » pour sensibiliser l’opinion publique. Chaque fois qu’un scandale était relayé par la presse, ils condamnaient haut et fort les pratiques des établissements de prêt, notamment en utilisant de manière récurrente certaines expressions comme sarakin jigoku (l’enfer des sarakin) et en évoquant les prêteurs requins américains (loan shark). L’expression « l’enfer des sarakin » a été politisée par le député Mikishi Daimon du PCJ qui soutenait le mouvement anti-sarakin depuis les années 1980 [73].

36 Ces avocats ont ensuite construit le terme de tajûsaimu (endettement excessif) [74] pour désigner les mécanismes de cumul de crédits chers et faciles auprès de plusieurs établissements [75]. Ce terme a permis, d’une part, d’informer les emprunteurs et les pouvoirs publics sur le cercle vicieux consistant à emprunter pour rembourser des dettes antérieures, d’autre part, de construire la notion de « victime » pour contourner la responsabilité individuelle instituée par la disposition Minashibenzai de l’art. 43. Enfin, par l’intermédiaire de la Nichibenren, ils ont publié des études statistiques annuelles sur l’évolution de l’endettement des ménages en portant un intérêt particulier au profil socioprofessionnel des personnes déclarées en faillite [76]. La production de ces statistiques a été rendue possible grâce à la réforme de la loi sur les faillites personnelles (1994-2001) dont le but était de faciliter les procédures (durée, coûts) [77] dans le contexte de crise économique et financière de la fin des années 1990 (graphique 7) [78]. Les avocats ont utilisé les données de la Cour suprême pour mettre en évidence la surreprésentation des cas d’endettement lié à un cumul de prêts chers et faciles auprès des établissements à taux d’intérêt élevés (graphique 8) [79]. Ils ont également utilisé les données sur le suicide publiées par le ministère de la Santé, du Travail et du Bien-Être dans le Livre blanc sur le suicide pour en montrer le lien avec l'endettement excessif (graphique 9) [80]. Le recours à des outils de mesure (statistiques, enquêtes, nombre de procès) leur a donc permis de rendre compte de l’ampleur du phénomène et d’organiser le mouvement de défense des emprunteurs.

Graphique 7

La progression des déclarations de faillite personnelle

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La progression des déclarations de faillite personnelle

Source : Publications de la Nichibenren, 2006 Réalisé par l’auteure
Graphique 8

Évolution de la part des déclarations de faillite personnelle causées par une situation de cumul de crédits chers auprès des sarakin

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Évolution de la part des déclarations de faillite personnelle causées par une situation de cumul de crédits chers auprès des sarakin

Source : Rapports publiés par la Nichibenren, 2006 Réalisé par l’auteure
Graphique 9

Évolution du nombre de suicides déclarés pour raisons financières

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Évolution du nombre de suicides déclarés pour raisons financières

Source : Rapports publiés par la Nichibenren, 2006Réalisé par l’auteure

37 En s’appuyant sur la définition étroite du problème (endettements massifs liés aux pratiques abusives des établissements de prêt, mouvement anti-sarakin), ils en ont étendu la dimension à la question sociale de la paupérisation d’une partie de la population dans le contexte de la crise économique des années 1990. Ils ont ainsi pu établir un rapport entre endettement excessif et hausse des inégalités socioéconomiques (mouvement tajûsaimu) [81]. Après la crise financière et bancaire de 1997-1998, leurs actions de défense des emprunteurs défaillants ainsi que les actions organisées en collaboration avec plusieurs associations au niveau local ont été de plus en plus médiatisées (graphique 10).

Graphique 10

Évolution du nombre d’articles publiés par l’Asahi sur le thème « Actions organisées par les avocats et la société civile » de 1991 à 2006

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Évolution du nombre d’articles publiés par l’Asahi sur le thème « Actions organisées par les avocats et la société civile » de 1991 à 2006

Articles recensés pas l’auteure

38 Le dernier changement majeur qui a permis de rendre public le problème de l’endettement excessif provient d’une série d’arrêts rendus par la Cour suprême entre 2003 et 2005. Chaque décision rendue a remis en question les conditions d’application de l’art. 43 et la légalité du prêt à des taux situés dans la zone grise. Toutes ont invalidé la zone grise et entraîné la nullité du contrat de crédit. En vertu de la procédure Kabarai, les juges ont permis aux emprunteurs de se retourner juridiquement contre les établissements de prêt pour obtenir le remboursement rétroactif des intérêts appliqués au-dessus du seuil fixé par le Code civil. Cette procédure s’inscrit dans la lignée des deux jurisprudences de 1964 et de 1968.

39 Grâce à ces nouveaux arrêts, les avocats ont pu accroître leurs interventions dans les arènes judiciaires et bénéficier d’une plus grande médiatisation (graphique 11), tandis que les juges de la Cour suprême déclenchaient un processus de judiciarisation de la dette [82], qui a contribué à la diffusion publique du problème de l’endettement excessif construit par les avocats du mouvement.

Graphique 11

Évolution du nombre d’articles publiés par l’Asahi sur le thème « Actions en justice » (1993-2006)

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Évolution du nombre d’articles publiés par l’Asahi sur le thème « Actions en justice » (1993-2006)

Articles recensés pas l’auteure

40 Les avocats du mouvement de défense des emprunteurs défaillants ont finalement réussi à s’emparer d’une niche juridique. À la suite des décisions rendues par les juges de la Cour suprême, le nombre de procès défendus contre les établissements de prêt a augmenté de manière significative [83]. En 2009, les sommes versées par les plus gros établissements de prêt à taux d’intérêt élevés étaient estimées à plus de 3 700 milliards de yens, dont une large partie correspondait aux honoraires des avocats [84]. Le nombre d’avocats a également augmenté pour répondre à la demande croissante de procédures [85]. L’inflation judiciaire, exclusivement limitée aux procédures Kabarai, témoigne d’un phénomène social propre au Japon.

41 En 2006, le gouvernement Koizumi (2001-2006), connu pour ses élans réformateurs, s’est appuyé sur les décisions de la Cour suprême et l’effervescence médiatique qui s’est ensuivie pour proposer son projet de réforme du marché des prêts non sécurisés. Le but était de « lutter contre l’endettement excessif des ménages » en reprenant les principaux changements juridiques, notamment l’abolition de la zone grise, tout en introduisant de nouvelles dispositions telles que la limitation des établissements de crédit à trois et de la somme empruntable à un tiers du revenu. Il s’agissait surtout pour le gouvernement Koizumi de profiter d’une opportunité politique pour affaiblir le clan des conservateurs qui jugeaient cette réforme trop sévère à l’égard des établissements de prêt.

42 Le processus par lequel la question de l’endettement excessif est devenue publique s’explique donc par l’interaction de plusieurs forces et de différents acteurs qui ont, par la convergence de leurs intérêts, conduit à la loi de 1983. Celle-ci a entraîné un changement institutionnel majeur sur le marché du crédit aux ménages et aux petites entreprises en ce qu’elle a permis aux banques de prendre la place des acteurs non bancaires. Grâce à cette réforme, les avocats du mouvement de défense des emprunteurs défaillants sont parvenus à construire un canal d’influence institutionnalisé auprès des pouvoirs publics sur les questions liées aux consommateurs. En effet, les avocats spécialisés dans la défense des consommateurs ont rejoint l’Agence des consommateurs instituée en 2003 sous le gouvernement Koizumi et rattachée directement au Cabinet du Premier ministre pour renforcer son pouvoir face aux bureaucrates. En 2009, l’avocat Utsunomiya Kenji s’est présenté aux élections pour le poste de gouverneur de la métropole de Tokyo. Cette figure d’entrepreneur politique s’appuyant sur son engagement pour servir ses ambitions professionnelles ravive les interrogations relatives à l’investissement dans une cause des professionnels du droit.

Notes

  • [1]
    Par exemple, Lawrence B. Glickman, Consumer Society in American History : A Reader, Ithaca, Cornell University Press, 1999.
  • [2]
    Lendol Calder, Financing the American Dream : A Cultural History of Consumer Credit, Princeton, Princeton University Press, 1999 ; Georges Gloukoviezoff, L’exclusion bancaire. Le lien social à l’épreuve de la rentabilité, Paris, PUF, 2010 ; David Graeber, Debt-Updated and Expanded : The First 5 000 Years, New York, Melville House, 2011 ; Isabelle Guérin, Solène Morvant-Roux, Magdalena Villarreal (eds), Microfinance, Debt and Over-Indebtedness : Juggling with Money, Londres, Routledge, 2014 ; Jeanne Lazarus, L’épreuve de l’argent : banques banquiers clients, Paris, Calmann-Lévy, 2012 ; Benjamin Lemoine, Quentin Ravelli (dir.), Financiarisation et classes sociales, La Revue de la régulation, dossier, 22, second semestre, automne 2017 ; Louis Hyman, Debtor Nation : The History of America in Red Ink, Princeton, Princeton University Press, 2011.
  • [3]
    Robert Boyer, « Is a Finance-Led Growth Regime a Viable Alternative to Fordism ? A Preliminary Analysis », Economy and Society, 29, 2000, p. 111-145 ; R. Boyer, Économie politique des capitalismes : théorie de la régulation et des crises, Paris, La Découverte, 2015.
  • [4]
    Sheldon Garon, Molding Japanese Minds : The State in Everyday Life, Princeton, Princeton University Press, 1998 ; Charles Yuji Horioka, « Why Is Japan’s Household Saving Rate So High ? A Literature Survey », Journal of the Japanese and International Economies, 4 (1), 1990, p. 49-92.
  • [5]
    Junko Miyasaka, Nichijôteki hinkon to shakaiteki haijo : tajûsaimusha mondai (La pauvreté quotidienne et l’exclusion sociale : le problème des personnes endettées à l’excès), Kyoto, Mineruva shobô 25, 2009.
  • [6]
    Penelope Francks, Janet Hunter, The Historical Consumer. Consumption and Everyday Life in Japan, 1850-2000, Londres, Palgrave Macmillan, 2012.
  • [7]
    Simon Partner, Assembled in Japan – Electrical Goods and the Making of the Japanese Consumer, Berkeley, University of California Press, 1999.
  • [8]
    Andrew Gordon, « Selling the American Way : The Singer Sales System in Japan, 1900-1938 », Business History Review, 82 (4), 2008, p. 671-69 ; A. Gordon, Fabricating Consumers : The Sewing Machine in Modern Japan, Berkeley, University of California Press, 2012.
  • [9]
    Johanna Niemi, Iaim Ramsay, William C. Whitford, Consumer Credit, Debt and Bankruptcy : Comparative and International Perspectives, Oxford, Hart Publishing, 2009 ; Christian Twigg-Flesner, Geraint Howells, Annette Nordhausen, Deborah Parry (eds), The Year Book of Consumer Law 2008, 1ère édition, Londres, Routledge, 2009.
  • [10]
    Patricia L. Maclachlan, Consumer Politics in Postwar Japan : The Institutional Boundaries of Citizen Activism, New York, Columbia University Press, 2001.
  • [11]
    George J. Stigler, « The Theory of Economic Regulation », The Bell Journal of Economics and Management Science, 2 (1), 1971, p. 3-21 ; Gunnar Trumbull, Consumer Lending in France and America : Credit and Welfare, Cambridge, Cambridge University Press, 2014.
  • [12]
    Kent E. Calder, Crisis and Compensation : Public Policy and Political Stability in Japan, Princeton, Princeton University Press, 1988 ; Steven Kent Vogel, Freer Markets, More Rules : Regulatory Reform in Advanced Industrial Countries, Ithaca, Cornell University Press, 1996 ; P. L. Maclachlan, Consumer Politics in Postwar Japan : The Institutional Boundaries of Citizen Activism, op. cit.
  • [13]
    Luke Nottage, Product Safety and Liability Law In Japan : From Minamata To Mad Cows, Londres, Routledge, 2004.
  • [14]
    Frank K. Upham, « After Minamata : Current Prospects and Problems in Japanese Environmental Litigation », Ecology Law Quaterly, 8 (2), 1979, p. 213-268.
  • [15]
    Masayuki Murayama, « Kawashima and the Changing Focus on Japanese Legal Consciousness : A Selective History of the Sociology of Law in Japan », International Journal of Law in Context, 9 (4), 2013, p. 565-589.
  • [16]
    Jacques Commaille, À quoi nous sert le droit ?, Paris, Gallimard, 2015.
  • [17]
    Celeste L. Arrington, Accidental Activists, Ithaca, Cornell University Press, 2017.
  • [18]
    Par exemple, le mouvement antipollution et environnemental (Margaret MacKean, Environmental Protest and Citizen Politics, Berkeley, University of California Press, 1981), le mouvement anti-karôshi (Hiroshi Kawahito, Karojisatsu (Le suicide par surtravail), Tokyo, Iwanami shinsho, 2014).
  • [19]
    Liora Israël, L’arme du droit, Paris, Presses de Sciences Po, 2009.
  • [20]
    Compte rendu de la deuxième séance du 27 avril 2005 (http://www.fsa.go.jp/news/newsj/16/kinyu/f-20050427-2. html) (consulté en avril 2018).
  • [21]
    J. Mark Ramseyer, « Bottom-Feeding at the Bar : Usury Law and Value-Dissipating Attorneys in Japan », John M. Olin Center for Law, Economics, & Business Discussion Paper No. 741, 2013.
  • [22]
    David Caplovitz, The Poor Pay More, Londres, The Macmillan Company, 1967 ; Sabine Effosse, Le crédit à la consommation en France, 1947-1965 : de la stigmatisation à la réglementation, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2014 ; Hélène Ducourant, « Crédit à la consommation et endettement des individus : des idées reçues et des outils pour les combattre. Introduction au dossier », Revue française de socio-économie, 9 (1), 2012, p. 11-21.
  • [23]
    Pierre Lascoumes, Patrick Le Galès, Sociologie de l’action publique, Paris, Armand Colin, 2e édition, 2012.
  • [24]
    Ronald Philip Dore, City Life in Japan, Londres, Routledge, 2e édition, 1958.
  • [25]
    Howard Saul Becker (ed.), Social Problems. A Modern Approach, New York, John Wiley & Sons Inc, 1966 ; Herbert Blumer, « Les problèmes sociaux comme comportements collectifs », Politix, 17 (67), 2004, p. 185-199 ; Daniel Cefaï, « La construction des problèmes publics. Définitions de situations dans des arènes publiques », Réseaux, 75, 1996, p. 43-66 ; Malcolm Spector, John I. Kitsuse, Constructing Social Problems, New York, Transaction Publishers, 1987, Londres, Routledge, 2017.
  • [26]
    Roger W. Cobb, Charles D. Elder, Participation in Politics : The Dynamics of Agenda-Building, Boston, Alyn and Bacon, 1972 ; Frank R. Baumgartner, Bryan D. Jones, Agendas and Instability in American Politics, Chicago, The University of Chicago Press, 2009.
  • [27]
    Laurie Boussaguet, Sophie Jacquot, Pauline Ravinet (dir.), Le dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presses de Sciences Po, 3e édition, 2010 ; Érik Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 2005.
  • [28]
    Joseph R. Gusfield, The Culture of Public Problems : Drinkind-Driving and the Symbolic Order, Chicago, The University of Chicago Press, 1981.
  • [29]
    Georges Gloukoviezoff, Sébastien Plot, Flavien Neuvy, Sabine Effosse, Isabelle Gaillard, Jeanne Lazarus (débat), « Crédit à la consommation et surendettement des ménages », Entreprises et histoire, dossier, Consommer à crédit en Europe au XXe siècle, 59 (2), 2010, p. 112-121.
  • [30]
    Claude Gilbert, Emmanuel Henry, Comment se construisent les problèmes de santé publique, Paris, La Découverte, 2009.
  • [31]
    Ibid.
  • [32]
    C. Yuji Horioka, « Why Is Japan’s Household Saving Rate So High ? A Literature Survey », art. cité ; S. Effosse, Le crédit à la consommation en France, 1947-1965 : de la stigmatisation à la réglementation, op. cit.
  • [33]
    S. Effosse, Le crédit à la consommation en France, 1947-1965 : de la stigmatisation à la réglementation, op. cit.
  • [34]
    Ryuichi Shibuya, Shichiya taisaku rippô no tenkai (Modification de la loi de réglementation appliquée aux prêteurs sur gage), Tokyo, Komazawa daigaku keizai gakurônshû, 1972.
  • [35]
    Promise Co. Ltd., Puromise sanjyûnen shi (Promise - 30 ans d’histoire), Tokyo, 1994 (livre d’entreprise).
  • [36]
    Risques que l’on retrouvait dans la société nord-américaine. Voir Simon Bittmann, « From Loan Sharks to Commercial Banks : Moral Crusades and the Segmentation of the Credit Market in the United States, 1900-1945 », La Revue de la régulation, 23, 1er semestre, printemps 2018 ; Rudolph Nugent, Consumer Credit and Economic Stability, New York, Russell Sage Foundation, 1939.
  • [37]
    Jun Mizusawa, 2010nen 6gatsu 500mannin ga yonige suru (Juin 2010, 5 millions de personnes ont fui leurs créanciers) (Yonige désigne un phénomène social qui fait référence à la fuite de familles ou d’individus durant la nuit pour échapper aux créanciers), Tokyo, Kôdansha, 2010.
  • [38]
    F. K. Upham, Law and Social Change in Postwar Japan, Cambridge, Harvard University Press, 1987 ; Hiroshi Itoh, « Judicial Review and Judicial Activism In Japan », Law and Contemporary Problems, 53, 1990, p. 169-179.
  • [39]
    Asahi, 13 octobre 1978.
  • [40]
    Kashikingyô hakusho (Livre blanc de l’Association des prêteurs), Tokyo, Japan Consumer Finance Association, 1983.
  • [41]
    Le MITI, devenu le METI (ministère de l’Économie et du Commerce international) au début des années 1990.
  • [42]
    Une partie des débats qui se sont tenus lors des deux commissions d’examen n’étant pas rendue publique, l’accès à ces informations nous a été possible grâce à la collaboration d’un haut fonctionnaire du METI, rencontré plusieurs fois à Paris et à Tokyo, dans le cadre de nos recherches.
  • [43]
    Intervention de maître Shiragami lors de la 96e session de la Diète - Commission relative aux questions financières - Chambre des représentants, Tokyo, 4 août 1982.
  • [44]
    Intervention du député Ohara (PLD) lors de la 96e session de la Diète - Commission relative aux questions financières - Chambre des représentants, Tokyo, 4 août 1982.
  • [45]
    Disposition Minashibenzai, art 43. Proposition de loi Kashikingyôhô (Loi sur le contrôle des prêteurs d’argent), votée le 28 avril 1983.
  • [46]
    Interview de l’avocat Tetsuya Kitamura au cours de laquelle il a expliqué la règle de responsabilité individuelle partagée (jiko sekinin) (http://blog.livedoor.jp/bengoshiretsuden/archives/51321341.html).
  • [47]
    Cette partie du débat n’a pas été rendue publique.
  • [48]
    Cette partie du débat n’a pas été rendue publique.
  • [49]
    Jess Diamond, Ulrike Schaede, « Self-Employment in Japan : A Microanalysis of Personal Profiles », Social Science Japan Journal, 16 (1), 2013, p. 1-27.
  • [50]
    En l’absence de couverture sociale, ces petites entreprises étaient intégrées dans la politique sociale indirecte du gouvernement fondée sur la redistribution et soutenue par le compromis social de l’après-guerre. Marguarita Estevez-Abe, Welfare and Capitalism in Postwar Japan : Party, Bureaucracy, and Business, Cambridge, Cambridge University Press, 2008.
  • [51]
    C. Gilbert, E. Henry, « La définition des problèmes publics : entre publicité et discrétion », Revue française de sociologie, 53 (1), 2012, p. 35-59.
  • [52]
    Shôhisha shinyô no arikata ni tsuite – kinyûseidô chôkai senmon iinkai hôkoku, zaikei shôhosha (Les particularités du crédit aux consommateurs – Comité spécial pour les questions relatives au système financier), document publié par le ministère des Finances, 1987.
  • [53]
    Asahi, 15 juin 1978.
  • [54]
    Asahi, 17 juin 1978, 1er septembre 1983, 2 septembre 1983, 20 octobre 1983, 4 septembre 1984, 12 novembre 1984. Le système politique et électoral (appelé le système de 1955) était caractérisé par des relations clientélistes liées au financement des partis politiques par des groupes de soutien qui, en retour, pouvaient compter sur une meilleure représentation de leurs intérêts de la part des élus. Voir, par exemple, Arthur Stockwin, Governing Japan : Divided Politics in a Major Economy, Oxford, Blackwell, 1999. Il n’est donc pas surprenant de voir ce lien se former entre le PLD et les établissements de prêts dont le nombre a permis de constituer un groupe de soutien influent. À la fin des années 1970 et durant les années 1980, les informations relatives aux sources de financement des partis politiques n’étaient pas rendues publiques et seule la médiatisation par la presse permettait d’en avoir connaissance.
  • [55]
    Cette partie du débat n’a pas été rendue publique.
  • [56]
    F. R. Baumgartner, B. D. Jones, Agendas and Instability in American Politics, op. cit.
  • [57]
    David A. Rochefort, Roger W. Cobb, The Politics of Problem Definition, Shaping the Policy Agenda, Lawrence, University Press of Kansas, 1994.
  • [58]
    É. Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, op. cit.
  • [59]
    Jacques Gerstlé, « La persuasion de l’actualité télévisée », Politix, 37, 1997, p. 81-96 ; William A. Gamson, Talking Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1992.
  • [60]
    Souichirou Kozuka, Luke R. Nottage, « The Myth of the Cautious Consumer : Law, Culture, Economics and Politics in the Rise and Partial Fall of Unsecured Lending in Japan », dans Johanna Niemi, Iaim Ramsay, William C. Whitford (eds), Consumer Credit, Debt and Bankruptcy : Comparative and International Perspectives, Londres, Hart Publishing, 2009.
  • [61]
    P. L. Maclachlan, Consumer Politics in Postwar Japan : The Institutional Boundaries of Citizen Activism, op. cit.
  • [62]
    Anne Gonon, Précarité et isolement social : le monde des travailleurs journaliers japonais, Tokyo, Maison franco-japonaise, 1995.
  • [63]
    Le cas d’un prêteur demandant à l’emprunteur de vendre un de ses reins pour rembourser ses dettes a été l’un des plus médiatisés (Kashikingyô hakusho (Livre blanc de l’Association des prêteurs), Tokyo, Japan Consumer Finance Association, 1998).
  • [64]
    Paul Jobin, « L’après-guerre pour le syndicalisme ouvrier et les mouvements contre la pollution industrielle », dans Michael Lucken, Anne Bayard-Sakai, Emmanuel Lozerand (dir.), Le Japon après la guerre, Arles, P. Picquier, 2007, p. 323-340 ; P. Jobin, « Causes locales et causes à faire, la maladie de Minamata », dans Élisabeth Claverie, Luc Boltanski, Nicolas Offenstadt, Patrick Boucheron, Affaires, scandales et grandes causes : de Socrate à Pinochet, Paris, Stock, 2007 ; P. Jobin, « Au Japon, les procès contre les maladies industrielles », dans Edwige Rude-Antoine (dir.), Le procès : enjeu de droit, enjeu de vérité, Paris, PUF, 2007.
  • [65]
    Asahi, 18 août 1994, 16 septembre 1994, 17 septembre 1994, 14 juin 1998.
  • [66]
    Asahi, 11 mai 1995.
  • [67]
    Asahi, 7 novembre 1996, 5 mars 1997, 28 juin 1999, 19 septembre 1999, 29 octobre 1999, 30 octobre1999, 1er novembre 1999, 2 novembre 1999, 6 novembre 1999.
  • [68]
    Asahi, 7 juin 2002, 9 juillet 2002, 11 juillet 2002, 4 octobre 2002.
  • [69]
    Asahi, 12 mai 2003.
  • [70]
    Asahi, 25 janvier 1994, 17 octobre 2004, 26 janvier 2006, 25 mars 2006.
  • [71]
    Michel Offerlé, « Retour critique sur les répertoires de l’action collective (XVIIIe-XXIe siècles) », Politix, 81, 2008, p. 181-202.
  • [72]
    Asahi, 21 février 2001, 10 avril 2001, 16 février 2003, 3 mars 2003, 26 avril 2006.
  • [73]
  • [74]
    Kimura Tatsuya et Utsunomiya Kenji ont construit un récit autour des victimes des sarakin, dont la portée a influencé la formation au niveau local de plusieurs associations de défense (http://utsunomiyakenji.com).
  • [75]
    La définition juridique de tajûsaimu a évolué au fil du temps notamment sur la question du nombre d’établissements de crédit. Dans les années 1980, le terme s’appliquait à toute personne ayant emprunté auprès de plus de sept établissements. Dans les années 1990, les avocats ont baissé ce nombre à cinq, et après la réforme de 2006 à trois.
  • [76]
    Rapports publiés par le Barreau japonais de 1997 à 2008 montrant que les bas revenus et les strates précaires étaient les plus touchés par le problème de l’endettement excessif.
  • [77]
    En 1999, le vote de la loi de réhabilitation civile (minji saisei hô), qui était à l’origine réservé aux petites et moyennes entreprises, est devenu également applicable aux particuliers. La priorité a été donnée à la mise en place d’une procédure simple et accessible.
  • [78]
    La réforme du droit de cautionnement en 2004 était un outil de politique économique visant à favoriser le financement des PME et à lutter contre le surendettement des personnes physiques. Yuki Saito, « La protection de la caution personne physique au Japon », dans Denis Mazeau, Mustapha Mekki, Naoki Kanayama, Hatsumi Yoshida (dir.), Les notions fondamentales de droit civil. Regards croisés franco-japonais, Journées organisées par l’IRDA, l’Association Henri Capitant et l’ARIDA. LGDJ, Extenso Éditions, 2014.
  • [79]
    Utsunomiya Kenji, tajûsaimu no tadashii kaiketsu hô (Une loi juste contre le problème du surendettement), Tokyo, Kadensha, 2007.
  • [80]
    Mark D. West, Law in Everyday Japan : Sex, Sumo, Suicide, and Statutes, Chicago, The University of Chicago Press, 2005 ; Andrew M. Pardieck, « Japan and the Moneylenders : Activist Courts and Substantive Justice », Pacific Rim Law and Policy Journal, 17 (3), 2008, p. 529-594.
  • [81]
  • [82]
    Certains juristes comme A. M. Pardieck analysent la série d’arrêts rendus par les juges de la Cour suprême comme un révélateur à la fois de l’activisme judiciaire, et du rapprochement entre les citoyens et les tribunaux. Cette tendance, visible depuis plusieurs années, est le résultat de la réforme du système judiciaire de 2001, qui donne davantage de marge de manœuvre aux avocats pour défendre les parties civiles.
  • [83]
    J. M. Ramseyer, « Bottom-Feeding at the Bar : Usury Law and Value-Dissipating Attorneys in Japan », cité.
  • [84]
    Ibid.
  • [85]
    Ibid.
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