Notes
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[1]
« Wierzysz w Boga, nie wierzysz w Ko?ció?. »
-
[2]
Oskar Czeczot, « Tombeau de la libre pensée polonaise », L’Autre Europe, 21-22, 1989, p. 114-122.
-
[3]
L’expression est de Marek Beylin, éditorialiste à Gazeta Wyborcza. Il l’a prononcée lors de la conférence « Pologne 1980-2010, un anniversaire sur fond de tragédie. Leçons et conséquences » qu’il a donnée à l’Université Paris Dauphine, le 6 décembre 2010.
-
[4]
Janina Paradowska, « Le Président, la croix et la bannière », Polityka, repris dans Courrier international, 1033, 19- 20 août 2010, p. 10.
-
[5]
Norman Davies, Histoire de la Pologne, Paris, Fayard, 1986, p. 305.
-
[6]
Marcin Frybes, Patrick Michel, Après le communisme. Mythes et légendes de la Pologne contemporaine, Paris, Bayard, 1996. Voir également P. Michel (dir.), Europe centrale, la mélancolie du réel, Paris, Autrement, 2004.
-
[7]
Pour l’ensemble de cette problématique, voir P. Michel, La société retrouvée. Politique et religion dans l’Europe soviétisée, Paris, Fayard, 1988.
-
[8]
Voir Adam Michnik, L’Église et la gauche. Le dialogue polonais, Paris, Le Seuil, 1977.
-
[9]
Voir notamment les enquêtes réalisées annuellement par l’Institut de sociologie de l’Université de Varsovie, Polacy 80, Polacy 81...
-
[10]
Irena Borowik, « Religion et politique en Pologne » (http://www.eurotopics.net/fr/archiv/magazin/gesellschaft-verteilerseite/religion/religion_polen/), 15 septembre 2008 (consulté le 15 mars 2011).
-
[11]
On peut illustrer cette analyse en rappelant que le cardinal Wyszy?ski (archevêque de Varsovie et Gniezno de 1948 à 1981, primat de Pologne de 1952 à sa mort en 1981) n’avait pas été compris lorsqu’il avait plaidé, à Vatican II, pour le port de la soutane par les prêtres. Cette attitude, critiquée à l’Ouest pour son archaïsme supposé, avait en fait en Pologne un sens tout à fait explicite. La seule existence de prêtres en soutane dans les rues attestait la pluralité de la société polonaise et révélait donc l’aspect illusoire de l’unanimisme dont se réclamait le régime.
-
[12]
A. Michnik, La deuxième révolution, Paris, La Découverte, 1990, p. 64.
-
[13]
Mgr Józef Glemp a succédé en 1981 au cardinal Wyszy?ski comme primat de Pologne, titre qu’il a conservé jusqu’en décembre 2009.
-
[14]
Les élections législatives de septembre 1993 ont été les premières en Europe centrale à rendre la majorité aux partis issus de l’ancien bloc communiste. Elles ont été suivies par la victoire de Kwa?niewski, candidat du SLD (Sojusz Lewicy Demokratycznej - Alliance de la gauche démocratique), parti issu de la dissolution de l’ancien parti unique du régime communiste, le PZPR (Polska Zjednoczona Partia Robotnicza - Parti ouvrier unifié polonais), à l’élection présidentielle de 1995, face à Lech Wa?esa très fortement soutenu par l’Église. Kwa?niewski a été réélu en 2000.
-
[15]
Le Monde, 19 mars 1993.
-
[16]
Ewa Nowicka, « Roman Catholicism and the Contents of Polishness », dans Irena Borowik, Grzegorz Babinski, New Religious Phenomena in Central and Eastern Europe, Cracovie, Nomos, 1997, p. 81-92.
-
[17]
Sur ce thème, voir P. Michel, Politique et religion. La grande mutation, Paris, Albin Michel, 1994.
-
[18]
Tadeusz Mazowiecki, intellectuel catholique, expert de Solidarité, a été le premier Premier ministre non communiste en Europe de l’Est en 1989. Candidat malheureux contre Wa?esa à l’élection présidentielle de 1991, il a été l’une des principales figures de Unia Wolno?ci (Union pour la liberté) (libéral, centre-droit) puis du Parti démocratique. Le Président Bronis?aw Komorowski l’a nommé conseiller politique en octobre 2010.
-
[19]
Aleksander Kwa?niewski, ministre dans les derniers gouvernements communistes, est l’un des fondateurs du SLD. Il a été responsable du groupe parlementaire de ce parti à la Diète de 1991 à 1995, puis élu à deux reprises président de la République, en 1995, contre Wa?esa, et en 2000.
-
[20]
Philippe Demenet, « Le match des deux Pologne », La Vie, 22 novembre 1990.
-
[21]
AFP, 24 juin 1991.
-
[22]
Archevêque de Lublin, mort à Rome le 10 février 2011.
-
[23]
Tygodnik Powszechny, 37, 1993.
-
[24]
Libération, 22 juin 1994.
-
[25]
Cette initiative conduite par Barbara Labuda, député du parti de l’ex-Premier ministre Mazowiecki, l’Union de la liberté (UW), a provoqué une crise au sein de cette formation, qui s’est terminée par son exclusion.
-
[26]
Le Concordat signé le 28 juillet 1993 donnait au Vatican toute latitude pour organiser comme il l’entendait l’Église polonaise (texte en italien et en polonais sur le site du Vatican : http://www.vatican.va/roman_curia/secretariat_state/ archivio/documents/rc_seg-st_19930728_sede-ap-polonia_it.html) (consulté le 12 mars 2011).
-
[27]
Gazeta Wyborcza, 18 septembre 1995.
-
[28]
Ce titre renvoyait à deux textes de A. Michnik : L’Église et la gauche. Le dialogue polonais (op. cit.) et « L’Église et la droite. Le monologue », essai publié dans Gazeta Wyborcza. Le premier avait marqué la rencontre des intellectuels de la « gauche laïque » et de certains milieux catholiques autour du thème de la défense des droits de l’homme ; le second dénonçait certaines ré-instrumentalisations politiques du religieux survenues après 1989. Voir, sur ces textes, l’interview de Adam Michnik, « Ko?ció?, Michnik, dialog », Gazeta Wyborcza, 17 mai 2009 (http://wyborcza.pl/ 1,76842,6612476,Kosciol__Michnik__dialog.html?as=1&startsz=x) (consulté le 17 mars 2011).
-
[29]
Polityka, 29 septembre 2001.
-
[30]
Voir à ce sujet Andrzej Walicki, Philosophy and Romantic Nationalism. The Case of Poland, Oxford, Clarendon Press, 1982 ; ou encore les travaux de Michel Mas?owski, notamment Chantal Delsol, Michel Mas?owski, Joanna Nowicki (dir.), Mythes et symboles politiques en Europe centrale, Paris, PUF, 2002.
-
[31]
En 1941, 1 600 juifs de Jedwabne avaient été massacrés par leurs « voisins », leurs concitoyens chrétiens. Le massacre, révélé par un livre de l’historien Tomasz Gross paru en 2000, a suscité une véritable onde de choc en Pologne et d’intenses polémiques.
-
[32]
Cité dans « À l’Est le Sida », Le Nouvel Observateur, Paris, 5 mai 1993.
-
[33]
http://www.episkopat.pl/?a=dokumentyKEP&year=2001 (consulté le 17 mars 2011).
-
[34]
Katolicka Agencja Informacyjna, 28 juin 1996.
-
[35]
Tomasz Potkaj, « Kosciol nie jest cool », Tygodnik powszechny, 51-52, 22-29 décembre 2002, p. 13.
-
[36]
http://dziedzictwo.ekai.pl/text.show?id=4501 (consulté le 17 mars 2011).
-
[37]
Voir Centrum Badania Opinii Spo?ecznej, Z?ycie po Zmianie. Warunki z?ycia i satysfakcje Polaków, Varsovie, Wydawnictwo Naukowe Scholar, 2009.
-
[38]
J. Glemp, « Trudny pokój », Stowarzyszenie Pisarzy Polskich (SPP), Varsovie, 15 septembre 1995.
-
[39]
Z?ycie, 18 septembre 2001.
-
[40]
Le Monde, 10 juin 2003.
-
[41]
http://www.wprost.pl (consulté le 17 mars 2011). Mgr Dziwisz est l’ancien secrétaire particulier de Jean-Paul II.
-
[42]
http://blogcharentenay.revue-etudes.com/index.php/post/Une-eglise-polonaise-decale (consulté le 17 mars 2011).
-
[43]
« To nieprzypadkowa prowokacja wobec katolików ». Ma?gorzata Rutkowska, « “Troskliwe” rozbijanie Ko?cio?a », Nasz Dziennik, 16 décembre 2010.
-
[44]
Secrétaire général de la Conférence épiscopale de 1993 à 1998.
-
[45]
http://www.cbos.pl/SPISKOM.POL/2010/K_125_10.PDF (consulté le 17 mars 2011).
-
[46]
« Pologne 1980-2010, un anniversaire sur fond de tragédie. Leçons et conséquences », conférence citée.
-
[47]
http://www.entraide-eglises.be/pages/archives/bulletin19933.html (consulté le 17 mars 2011).
« Croyez en Dieu, ne croyez pas en l’Église » [1]
Affiche de l’Akademickie stowarzyszenie katolickie - Soli Deo.
Université de Varsovie, mai 2009
1 Peu avant l’effondrement du communisme, la revue L’Autre Europe avait publié un dossier consacré aux religions à l’Est qui incluait un texte intitulé « Tombeau de la libre pensée polonaise » [2]. Dans cet article, l’auteur dressait un amer constat de la totale disparition, dans son pays, d’une tradition de refus de tout dogmatisme, au profit d’une Église catholique constituée, du fait de la pratique communiste même, en opérateur central de la scène polonaise. Conscient du caractère à plusieurs égards hérétique de sa contribution, l’auteur avait tenu à la publier sous pseudonyme, afin de s’éviter des ennuis non de la part du pouvoir mais peut-être bien de celle de ses amis membres de l’opposition.
2 Vingt ans après, une forte vague de protestation dans l’opinion et ce qu’il apparaît possible de désigner comme « la première manifestation spontanée pour la Pologne laïque » [3] conduisaient au retrait de la croix dressée devant le Palais présidentiel à Varsovie pour, selon ceux qui l’avaient placée là, célébrer le souvenir du Président Lech Kaczy?ski, disparu dans la catastrophe aérienne de Smolensk le 10 avril 2010. Mais aussi pour signifier, à travers la transformation du Palais présidentiel en un sanctuaire d’une mémoire nationale retravaillée et orientée, le caractère illégitime de l’occupation du Palais par le libéral Bronis?aw Komorowski, pourtant élu président le 4 juillet, contre Jaros?aw Kaczy?ski, frère et ancien Premier ministre du défunt. La construction de cette croix avait suscité l’appel de la gauche démocratique à un rétablissement (sic) de l’État laïque. Une revendication, soulignait Polityka, « de plus en plus partagée par l’opinion publique, fatiguée par tous ces symboles dégoulinant de fourberie politicienne » [4].
3 L’analyse d’une évolution qui a conduit à passer, en l’espace de deux décennies, d’une quasi-impossibilité, pour forcer le trait, de critiquer l’Église et sa place dans l’espace public à une exigence socialement formulée de laïcisation de cet espace suppose de s’intéresser aux usages politiques de l’équation (ou du stéréotype) « polonais = catholique ». Ce qui ouvre à une triple réflexion : sur la permanence de la fonction dévolue à la religion en Pologne, indépendamment de la rupture qu’a constitué 1989 ; sur la signification des réemplois de la référence au religieux dans l’évolution de la scène polonaise depuis l’instauration de la démocratie ; enfin, sur le rôle du religieux comme ressource en matière de gestion simultanée de l’identité et du mouvement, c’est-à-dire des recompositions identitaires induites par les profondes mutations auxquelles la société polonaise, comme toutes les autres sociétés, se trouve confrontée.
La religion, indicateur de la relation au pluriel
4 La fonction effective de la religion en Pologne est demeurée la même après le communisme que pendant : indicateur fort de la relation de la société polonaise au pluriel, la religion a permis d’attester, pendant le communisme, le pluralisme réel de la société face à la fiction unanimiste sur laquelle campait le socialisme réel. Plus, elle a participé, à différents niveaux, à la réintroduction de ce pluralisme, dans la perspective de son institutionnalisation. Après l’instauration de la démocratie, la religion est demeurée un indicateur privilégié du rapport au pluriel, mais, le contexte ayant changé, elle a servi, sinon à refuser ce pluriel, du moins à le questionner, tout en fournissant d’ailleurs des ressources susceptibles de permettre de « l’apprivoiser ».
5 L’intérêt du stéréotype « polonais = catholique » ne réside donc pas tant dans les contenus sur lesquels il est bâti et dont il s’alimente que dans les réopérationnalisations politiques successives qu’il a subies. La configuration nouvelle de la Pologne après 1945, où les catholiques constituaient la presque totalité de la population, a permis de le valider tout en autorisant, lorsque les conditions en étaient réunies, son redéploiement politique, dans le sens d’une mise en cause de la légitimité du système officiel. . Sans s’attarder sur cette réactivation, dont le caractère opérationnel n’était pas acquis d’emblée, il est à souligner qu’elle bénéficiait de cette épaisseur de référence historique mise en évidence par Norman Davies dans son analyse du XIXe siècle polonais : « Ce que le patriote romantique et le catholique pieux avaient en commun, c’était bien sûr la foi dans le primat de la spiritualité. (...) Tous acceptaient sans discussion l’idée que la clef de l’avenir du pays comme le but de leur vie se trouvaient dans l’exercice de la maîtrise spirituelle » [5]. Il est bien évident, dans cette perspective, que l’élection en 1978 d’un pape d’origine polonaise n’a pu que renforcer la croyance diffuse en un rôle particulier dévolu au catholicisme polonais.
6 L’Église a sans nul doute contribué à permettre à la société polonaise d’accoucher d’une démocratie. Son problème était dès lors d’y trouver sa place, ce qui supposait l’abandon de toute prétention à perpétuer la centralité qui avait été la sienne, pour opératoire et donc provisoire qu’elle ait pu être, pendant le communisme. Or, en ne protestant pas contre l’utilisation du catholicisme comme critère d’une identité polonaise bricolée à des fins politiciennes et en intervenant dans le champ politique, l’Église a pris le risque du désaveu et, surtout, celui de devenir un instrument aux mains d’acteurs cherchant à se doter d’une définition « religieusement construite » de la nation. D’inclusif (tous ceux, catholiques ou non, qui ne se reconnaissent pas dans un communisme étranger à la Pologne peuvent s’identifier à un catholicisme vecteur privilégié de sa mise en cause), le stéréotype « polonais = catholique » est devenu exclusif (tous ceux qui ne sont pas catholiques, et catholiques comme il convient de l’être, ne sont pas polonais et n’ont dès lors pas droit à participer au débat public).
7 C’est cette veine qu’a exploitée le Père Rydzyk, fondateur en 1991 de Radio Maryja. Ce groupe de presse, qui touche chaque jour plusieurs millions de personnes, diffuse une vision du monde nationaliste et ultracléricale, où le libéralisme apparaît, au même titre que le communisme et le fascisme, comme criminel. Pour nombre d’observateurs, la victoire des frères Kaczy?ski aux élections de 2005 avait constitué « une victoire de Radio Maryja ». Mais cette victoire témoignait aussi du désarroi de la société et de la difficulté persistante du catholicisme polonais à s’inscrire dans une modernité politique. Difficulté dont l’analyse est inséparable d’une interrogation sur la poursuite d’un processus d’européanisation des mentalités, où continuerait à se dissoudre progressivement la croyance en une Pologne « élue ».
8 Sans doute en lien avec cette « élection », Jaros?aw Kaczy?ski, en affirmant vouloir promouvoir les valeurs chrétiennes, entendait s’élever contre le libéralisme à l’usage des riches. Nombre d’observateurs avaient été jusqu’à considérer que cette référence couplée à la religion et à la nation ressortissait à la tentative de faire de la Pologne un laboratoire de l’ordre moral. En fait, elle n’a jamais constitué, pour une société polonaise qui s’est construite, après 1989, sur l’épuisement de ses mythes organisateurs [6], que la nouvelle et simple expression d’un rapport au politique organisé par la disqualification et le désenchantement.
9 À cet égard, la spectaculaire démission, le 7 janvier 2007, de l’archevêque de Varsovie, Mgr Wielgus, convaincu d’avoir collaboré avec la police politique communiste, revenait à contraindre la Pologne, après que la mort de Jean-Paul II au printemps 2005 l’eut laissée « orpheline », à faire explicitement son deuil de l’ultime mythe fondant sa « différence » : celui d’une Église toute résistante. La Pologne se voyait donc une nouvelle fois confrontée à cette supposée « exception polonaise » que l’élection de Karol Wojty?a et le rôle prêté à l’Église catholique dans l’effondrement du communisme tendaient à valider.
10 Face à la fiction unanimiste qui fondait la légitimité du système politique officiel s’était donc construite, comme en écho, la contre-fiction d’une société tout entière regroupée derrière son Église. À la disparition de la première devait donc logiquement correspondre la fin de la seconde. Le retour au réel qu’a constitué la pluralisation du paysage politique a mis en évidence l’existence d’une ambiguïté, qui conditionnait le fonctionnement même du dispositif de résistance sociale : en opposant sa propre conception de la totalité à celle que prétendait imposer le système officiel, l’Église défendait en dernière instance, qu’elle en ait été consciente ou pas, le relatif. Par sa seule présence, elle attestait le caractère authentiquement pluraliste de la société. Les diverses composantes de cette dernière utilisaient emblématiquement l’Église, ses discours et ses valeurs, comme autant d’instruments de mise en cause de la légitimité du régime et donc de passage au politique. Cela entraînait-il pour autant une adhésion globale à ces valeurs, et aux normes qui en découlent ? À l’évidence non. Ce constat pourrait être longuement nuancé par la prise en compte de certaines trajectoires individuelles, mais, au niveau collectif, la massivité du recours à un religieux instrumentalisé, tant sur le plan symbolique que sur le plan politique, permet de le fonder. Il est d’ailleurs étayé par les observations des acteurs eux-mêmes, et notamment de certains membres de la hiérarchie. La Pologne a ainsi produit ce type sociologique original du « non-croyant pratiquant », utilisant le religieux à des fins explicitement affichées comme non religieuses [7].
11 La défense des droits de l’homme est ici un excellent analyseur. Vers le milieu des années 1970, l’Église a fait de ce thème le cœur même de son engagement, ce qui a entre autres permis la constitution, sur une plate-forme commune, du triptyque ouvriers-Église-intellectuels, à l’origine de Solidarité. Or l’existence même de cette priorité qu’était la mise en cause du système officiel a permis de faire l’économie d’une définition plus précise du contenu affecté par chacun des constituants du « front antitotalitaire » au concept de droits de l’homme. Peu importait que la défense des droits religieux de l’homme fût utilisée comme bannière : dans une société où le pouvoir se légitimait, en dernière instance, par un projet totalisant, le droit à la liberté religieuse passait pour représenter symboliquement toutes les libertés [8]. La société renonçait-elle par là même à affirmer son droit simultané à ne pas croire ? Tout simplement, dans la conjoncture d’alors, il n’y avait aucune urgence à défendre ce droit. Les enquêtes sociologiques réalisées en Pologne dans les années 1980 montraient que les Polonais articulaient très majoritairement deux affirmations apparemment contradictoires : ils souhaitaient que l’Église joue un rôle important sur le terrain politique et déploraient parallèlement qu’elle ait un comportement trop politicien [9]. Le paradoxe n’était ici qu’apparent : symbole, oui, y compris et peut-être surtout dans le champ sociopolitique, mais pas acteur engagé travaillant à modeler ce champ dans le sens de ses intérêts propres.
12 Comme le note Irena Borowik, cette attitude de rejet face à l’engagement politique de l’Église s’est perpétuée après 1989, de façon encore plus aiguë, les représentants de l’Église ne prenant pas en compte cette « métamorphose fondamentale » qu’est la pluralisation de la scène politique, et ne cessant dès lors d’appliquer « un modus operandi de l’ère totalitaire » [10].
13 Troisième équivoque, enfin, après celles de l’unanimisme d’une société tout entière regroupée derrière son Église et d’un accord supposé sur la définition du contenu des droits de l’homme, la relation à la modernité. Le régime de type soviétique avait permis à l’Église polonaise de faire l’économie de la définition de ce rapport à la modernité auquel étaient confrontées les Églises occidentales, en prétendant confisquer cette modernité et rejeter appartenance et pratique religieuses dans le seul registre d’un archaïsme supposé s’effacer avec l’approfondissement du passage au socialisme. La société, quant à elle, s’était saisie de cet « archaïsme » pour en faire un élément majeur d’une modernité réelle, opposée à la modernité fictive dont se prévalait le système [11].
Réemplois de la référence au religieux et démocratie
14 Après 1989, la situation à laquelle avait donné lieu la pratique de type soviétique, en constituant la religion en un espace potentiel de mise en cause de la légitimité du régime, ne pouvait que disparaître. La pluralisation du paysage sociopolitique induite par le passage à la démocratie entraînait naturellement pour l’Église une redéfinition de son rapport au politique et au social, cette démarche s’inscrivant pour elle dans un processus plus large de réévaluation de sa relation au pluriel. Cette évolution a été fonction de la perception, par la société, de ce qu’avait été le rôle de l’Église pendant la période communiste, d’une épaisseur historique de référence dont le resurgissement a été massif, enfin d’instrumentalisations plurielles et parfois contradictoires.
15 « Vivre dans le pluralisme – pour reprendre une formule de Adam Michnik –, c’est savoir se limiter, c’est savoir qu’on habite avec d’autres et rendre cette cohabitation vivable. » [12] Or se limiter contraint à quitter le terrain de la totalité pour entrer dans celui du relatif. Malgré la diversification accélérée que connaissait le paysage catholique, l’Église a d’emblée manifesté combien il lui était difficile de s’y résoudre. Ainsi, dès après 1989, lors du débat sur l’introduction du catéchisme à l’école, le primat Glemp [13] s’est élevé contre ceux qui, à la « nation », préféraient la « société ». La référence à cette totalité que constitue la nation visait à tenter de faire l’économie du pluriel, fût-ce en maniant l’exclusive nationaliste et la soi-disant norme morale, au risque de toutes les dérives. Outre qu’elle exprimait la nostalgie, alors très répandue dans la société, d’une époque où l’adversaire était clairement identifiable, cette référence témoignait de la difficulté à passer d’un système de discours clos à un système ouvert, de l’utopie mobilisatrice à la gestion d’un réel polymorphe et éclaté.
16 Le discours éthique, sous le communisme discours libérateur et formidablement opératoire, est devenu, avec la pluralisation de la société, un discours d’exclusion fondé sur des catégories perverties. En acceptant que le catholicisme soit utilisé comme critère d’une identité polonaise produite aux fins de construction d’un clivage présenté comme organisateur de la scène politique, l’Église, campant sur le prestige mérité que lui avait valu son rôle face au pouvoir communiste, semblait s’appliquer à compenser par un accroissement de son poids institutionnel la diminution constatable de son influence sociale. Or, en intervenant directement dans le champ politique, elle a pris, comme indiqué, le risque du désaveu : de 1993 à 2000 se sont succédé des résultats électoraux contraires à ses vœux (et à ses appels appuyés) [14]. Elle s’est également placée en situation de devenir un instrument aux mains d’acteurs politiques ne s’identifiant ni nécessairement à elle ni a fortiori à l’ensemble du paysage catholique polonais, et cherchant à se doter de critères « fermés » de définition de la nation. À plusieurs reprises, notamment en 1995 et en 1997, le Père Henryk Jankowski, curé de l’église Sainte Brigitte de Gda?sk et ancien confesseur de Lech Wa?esa, a affirmé en chaire que les juifs n’avaient pas le droit de représenter la nation. En 1993, le vice-Premier ministre de l’époque, Henryk Goryszewski, est allé jusqu’à dire : « Peu importe que la Pologne soit capitaliste, peu importe qu’y règne une liberté d’expression ou le bien-être, ce qui importe c’est que la Pologne soit catholique » [15]. Rares sont ceux qui se souviennent aujourd’hui de Henryk Goryszewski ; c’est pourtant dans la même veine que Radio Maryja s’est donné pour objectif la recatholicisation des Polonais. Il s’agissait, sur fond de malaise d’une société confrontée à la redéfinition de l’ensemble de ses repères, de réitérer la pertinence de critères présentés comme stables pour asseoir l’identité. De perpétuer donc le clivage hérité de la période communiste en termes de « eux » et « nous ». Toute la question devient dès lors de la crédibilité de cette entreprise pour les différentes composantes d’une société évidemment plurielle.
17 À cette question, Ewa Nowicka a fourni dès 1997 quelques éléments de réponse dans une étude où elle commentait les résultats de plusieurs enquêtes. Lorsqu’on leur demandait « qu’est-ce qui, selon vous, fait de quelqu’un un Polonais ? », seuls 9,2 % des personnes interrogées considéraient que la foi catholique était très importante, 17,1 %, plutôt importante, 19,1 %, pas très importante et 41,1 %, pas importante du tout. Plus significatif encore, peut-être, à la question « quelle condition doit remplir un étranger pour devenir polonais », « être catholique » arrivait à la neuvième (et avant-dernière) position en tant que condition la plus importante (1,3 % des réponses) et à la première position en tant que condition la moins importante (30,3 %) [16].
18 La période ouverte par la fin du communisme s’est caractérisée, en ce qui concerne les redéploiements du religieux, fondamentalement par deux tendances : la levée des « équivoques nécessaires » évoquées plus haut [17], et sur lesquelles s’étaient édifiés les recours sociaux au religieux, et la ré-instrumentalisation politique du religieux.
19 Cette dernière signait un double désarroi : l’État, dépassé par l’ampleur des tâches auxquelles il était confronté, a instrumentalisé le religieux, pour l’essentiel à des fins de légitimation ; l’Église, quant à elle, frappée de plein fouet par la perte d’une centralité acquise sous le régime précédent, et dont elle n’avait que faiblement mesuré le caractère conjoncturel, a instrumentalisé l’État soit directement, soit moins explicitement en se prêtant aux instrumentalisations dont elle faisait l’objet, à des fins de perpétuation de cette centralité en instance de disparition. Le ministre des Cultes de l’époque nous confiait ainsi à l’automne 1992 qu’une part importante de son énergie était employée à persuader les représentants de l’épiscopat qu’il ne pouvait pas accorder dans les textes officiels émis par ses services une place particulière (c’est-à-dire prééminente) à l’Église catholique, au détriment des autres confessions présentes en Pologne.
20 Se sont déployées en arrière-plan des conceptions très différentes de l’incontournable « démocratie » qui servait de modèle : outre la démocratie « à l’occidentale », à laquelle se sont d’emblée identifiés un Geremek, un Mazowiecki [18] ou, d’ailleurs, par la suite, un Kwa?niewski, [19] deux autres conceptions ont pu être développées.
21 Le primat Glemp s’est ainsi réclamé d’une « démocratie unanimiste », en vertu de laquelle l’identité polonaise se définirait fondamentalement par le catholicisme. En fait, cette référence traduisait de la part de l’Église une incapacité à admettre l’autonomie du politique, d’où la persistance d’une attitude tendant à le contrôler. Elle révélait également une absence de réflexion sur la nature même de la démocratie et sur les changements que celle-ci induit. La réintroduction du catéchisme dans les écoles n’a ainsi fait l’objet d’aucune consultation préalable et nombre de clercs ont manifesté de l’agacement face aux réactions négatives que cette réintroduction a pu susciter. Ainsi, Mgr Goc?owski, évêque de Gda?sk, n’hésitait pas à corriger la question qui lui était posée par un journaliste occidental : « L’école publique ? Disons plutôt l’école polonaise. C’est l’école d’une nation où 100% des enfants suivent l’enseignement religieux. La nation doit conserver son identité catholique, comme nous l’enseigne l’histoire polonaise ». [20] Un sondage publié par Gazeta Wyborcza en juillet 1992 a pourtant montré que, parmi les jeunes, 57 % se prononçaient pour l’enseignement de la religion dans les paroisses, 21 % seulement pour la religion dans les écoles, tandis que 10 % se déclaraient hostiles à cet enseignement, où qu’il soit effectué, 12 % étant sans opinion.
22 La conception « populiste » de la démocratie, que le Président Wa?esa incarnait assez bien, et dont on retrouvera par la suite des éléments (nationalisme et référence chrétienne) dans le discours de formations telles que le SRP (Samoobrona Rzeczpospolitej Polskiej - Autodéfense de la République de Pologne) ou la LPR (Liga Polskich Rodzin - Ligue des familles polonaises), empruntait nombre de ses thèmes à l’unanimisme, largement utilisé pour disqualifier ses adversaires politiques, c’est-à-dire la partie de la société qui ne pensait pas comme était censée penser la « nation ». Ainsi, le 23 juin 1991, en sortant de l’église Sainte Brigitte de Gda?sk où il avait assisté à la messe, Lech Wa?esa s’en est pris aux députés Adam Michnik et Bronis?aw Geremek, ses anciens conseillers devenus ses adversaires : « Nous allons virer ces petits crâneurs. (...) La démocratie et le pluralisme ne sont peut-être pas la bonne solution en Pologne » [21]... À l’issue du débat sur l’avortement, le sénateur Kaczy?ski, futur successeur de Wa?esa et de Kwa?niewski à la présidence de la République, n’hésitait pas, quant à lui, à affirmer que tous les « bons Polonais » étaient contre l’avortement, ceux qui étaient pour constituant « la mauvaise part » de la nation...
23 Les évêques n’ont pas caché leur déception devant les résultats des élections de 1993. D’autant que la coalition des partis politiques, Ojczyzna (la Patrie), créée à quelques mois des élections à l’initiative de l’évêque de Gda?sk, Mgr Goc?owski, n’avait pas réussi à faire entrer un seul député au Parlement. Situation difficilement imaginable dans un pays comme la Pologne comptant 95 % de catholiques.
24 À l’automne 1993, après la formation de la nouvelle coalition, un autre évêque, Mgr Z?yci?ski [22], n’a pas hésité à demander comment aurait évolué l’Allemagne si, après la guerre, les anciens militants du NSDAP étaient revenus au pouvoir [23]… Allusion à peine voilée aux militants de l’ancien parti communiste. À la mi-juin 1994, les évêques ont déclaré assister « au retour de la Pologne populaire » : « Il est difficile de ne pas voir dans les agissements des hommes au pouvoir le triste reflet des méthodes communistes et de l’esprit totalitaire ». [24] Et le primat Glemp de déclarer qu’il « n’avait pas peur de la guerre », à la suite du vote d’un texte visant à assouplir la loi sur l’avortement, à l’initiative d’un groupe de femmes parlementaires [25]. Le gouvernement a alors préféré jouer l’apaisement, et le projet de loi a été finalement rejeté par le Sénat. Cela n’a plus été le cas en 1995, lorsque le débat s’est déplacé sur la question de la ratification par le Parlement du Concordat avec le Vatican [26]. Après la décision du Parlement, en septembre 1995, de rejeter l’avis d’une commission spéciale censée déterminer dans quelle mesure le Concordat était en accord avec les lois existantes, l’Église a entamé une véritable croisade contre le gouvernement de gauche. La victoire de Kwa?niewski à la présidentielle a été mise sur le compte de « la passivité d’une grande partie de la société qui [faisait] que les intérêts partisans et non pas l’intérêt de la nation étaient aujourd’hui prédominants ». [27] Un article intitulé « L’Église et la gauche - La confrontation » [28] fera la Une de Gazeta Wyborcza…
Religieux et recompositions identitaires
25 Le discours de Radio Maryja comme d’ailleurs la mise en garde du primat Glemp, peu après le 11 septembre 2001, contre les dangers que ferait peser l’immigration musulmane sur l’identité polonaise [29] constituent autant d’indicateurs du malaise d’une société qui, sur fond de changement rapide et de recompositions plurielles, est placée en situation d’avoir à redéfinir l’ensemble des repères sur lesquels elle fonctionnait.
26 La question du religieux ne peut dans cette perspective qu’être centrale en matière de gestion du désenchantement politique. L’Église intervient – ou le religieux est invoqué – pour freiner la pluralisation, c’est-à-dire perpétuer une lecture du réel où l’espace public est pensé comme espace total, indifférencié, où l’autre n’a pas droit de cité, ne jouit pas des droits du citoyen dans la mesure où il n’obéit pas aux critères fermés d’appartenance supposés déterminer l’accès même à cet espace public. Et ce freinage de la pluralisation politique est justifié, sur le plan symbolique, par la réactivation du paradigme romantique [30].
27 L’analyse des évolutions politiques est inséparable d’une interrogation sur le rapport au politique de la société polonaise, d’une part, sur la poursuite d’un processus d’européanisation des mentalités, où continuerait à se dissoudre progressivement la croyance en une Pologne « élue », en charge d’une « mission », d’autre part. De ce point de vue, la quasi-coïncidence dans le temps des législatives de 2001 et de l’affaire de Jedwabne [31] n’est en rien anodine. « Durant quarante ans – notait Ireneusz Krzemi?ski –, les Polonais se sont repliés sur eux-mêmes. Ils ont ruminé leurs aigreurs et fait taire leur xénophobie. Maintenant que le couvercle du communisme est levé, cette société construite sur l’antagonisme du bien et du mal ne sait plus à qui reprocher son mal-être. Alors elle s’en prend aux plus faibles (…) : les homosexuels, les prostituées, les Tsiganes, les alcooliques, les séropositifs et, loin derrière, les juifs ». [32] Les Polonais, qui s’éprouvaient comme ayant été, durant la seconde guerre mondiale, de pures victimes du totalitarisme nazi, ont dû se confronter à l’idée que la ligne de partage entre le bien et le mal n’était pas aussi aisément identifiable. Cette confrontation, traumatisante, a suscité de vives réactions allant jusqu’au déni de réalité.
28 La campagne de 2001, dont les résultats ont conduit à tourner simultanément la page du communisme et de Solidarité, de post-Solidarité et du postcommunisme, s’est déroulée dans un climat très différent des précédentes. Alors que deux ans auparavant, 87 % des citoyens polonais estimaient que la participation électorale constituait un « devoir envers l’État » (sondage OBOP), le taux de fréquentation des bureaux de vote a témoigné du faible engagement de la société, bien que toutes les autorités du pays aient appelé à participer au scrutin.
29 Ainsi l’Église catholique : résolument aux côtés de la droite issue de Solidarité, l’épiscopat a stigmatisé, sans citer nommément le SLD, « un parti qui renoue avec la tradition idéologique propre à un parti communiste » et qui annonce la levée de l’interdiction de l’avortement : « Une société catholique ne peut soutenir un parti déclarant ouvertement son intention d’instaurer une législation qui viole le droit fondamental à la vie », a proclamé la Conférence épiscopale dans sa lettre aux fidèles, lue dans toutes les églises de Pologne. Les évêques ont souligné que « dans les pays démocratiques, les catholiques passent un examen éthique au moment où il leur faut clairement distinguer entre le bien et le mal, sans se borner à une vision purement politique ou économique de l’État » [33]. Or, malgré ces appels à la mobilisation, et pour la première fois, les catholiques pratiquants ne se sont pas plus déplacés que le reste de la société.
30 Ce qui participe de la mise en évidence de l’achèvement d’une période : les possibilités d’utilisation de certaines ressources symboliques tendaient à disparaître. Si le primat Glemp a souligné à maintes reprises que « Solidarité constitu [ait] aujourd’hui comme une vertu qui [devait] se diffuser dans toutes les sociétés, particulièrement dans le contexte d’une Europe commune » [34], ce discours est apparu profondément déphasé à un moment où non seulement Solidarité avait disparu, mais où son héritage même semblait en proie à une crise d’identité.
31 Cet épuisement constitue le corollaire d’une perte d’emprise et d’influence de l’institution ecclésiale. Dès mai 1991, un sondage montrait déjà que 58 % seulement des Polonais étaient satisfaits de leur Église, contre 83 % un an plus tôt ; 60 % des personnes interrogées affirmant que l’influence de l’Église était « trop grande » ; 77 % des Polonais se prononçaient en faveur de la séparation de l’Église et de l’État et 57 % pensaient que l’Église ne devrait pas s’occuper de politique. En 2002, dans les grandes villes, moins de 30 % des jeunes avaient une pratique religieuse et plus de la moitié se tenaient en dehors de toute influence ecclésiale. Certes, 60 % des jeunes disaient être croyants, mais cela représentait une baisse de 30 % par rapport à la fin des années 1980. Les jeunes affirmaient préférer écouter leur propre conscience plutôt qu’obéir aux normes catholiques ; 70 % des filles et 66 % des garçons acceptaient la contraception (contre respectivement 35 % et 46 % en 1988), et plus de 60 % considéraient comme normal d’avoir des rapports sexuels avant le mariage [35]. En 2006, Marcin Przeciszewski notait, pour la Katolicka Agencja Informacyjna, que le pourcentage des croyants parmi les jeunes avait diminué dans les années 1989-2005 ; que seuls 10,1 % d’entre eux déclaraient une foi profonde, contre 17,1 % en 1989, et que les pratiques religieuses avaient baissé de 50 % à 36 %, le nombre des pratiquants occasionnels étant monté de 10 % à 19 % [36].
32 Cette perte d’influence s’est inscrite dans le cadre plus large d’une prise de distances marquée de la société polonaise à l’égard de la sphère publique dans son ensemble, attestée par le repliement sur la famille ou les relations amicales et renforcée par une forte méfiance à l’égard de toute totalisation [37], de toute autorité censée tirer cette autorité d’un statut d’autorité. Une prise de distances dont l’Église a été victime au même titre que toutes les autres instances dotées d’un pouvoir, et que nombre de clercs ont vécue souvent sur le mode de l’amertume, stigmatisant l’ingratitude de la société à leur égard. Les grands conflits des premières années de l’après-communisme – l’avortement, l’invocatio dei ou encore l’euthanasie – semblaient apaisés lorsque le débat européen les a réveillés. Le projet d’intégration a suscité une vive émotion au sein de l’institution catholique. L’adhésion de la Pologne à l’Union européenne, et les conséquences concrètes prévisibles de celle-ci, étaient-elles porteuses du risque de dilution dans l’Europe d’une spécificité nationale polonaise, où le catholicisme jouerait un rôle central, et qu’il conviendrait de défendre ? Le primat Glemp ne faisait guère confiance à l’Occident. Il ne s’est jamais opposé à l’intégration, mais n’a cessé d’évoquer les conditions que les pays occidentaux, accusés de mépriser la Pologne et les Polonais, devaient garantir : « Il existe en Occident une certaine stratégie, visant non seulement la Pologne mais toute l’Europe centrale, une volonté d’appauvrir ces pays sur le plan économique et spirituel afin de favoriser une sorte de néocolonialisme économique et de les subordonner idéologiquement » [38]. C’était là une formule dans laquelle pouvaient se reconnaître nombre de partisans et d’électeurs tant du PiS (Prawo i Sprawiedliwo?? - Droit et Justice), parti des frères Kaczy?ski fondé en 2001, que du SRP ou du LPR, qui se disaient menacés par les « autres civilisations ».
33 Au premier chef, bien évidemment, par un modèle occidental accusé de remettre en cause les valeurs fondamentales d’une supposée tradition polonaise. Il n’est de ce point de vue pas neutre que de vifs débats se soient engagés autour de l’un des objets les plus symboliques de l’Occident : les hypermarchés. L’Église a ainsi soutenu avec détermination un amendement au Code du travail interdisant tout commerce le dimanche, à l’exception de l’alimentation. Il s’agissait, sous couvert de défendre le droit des employés au repos dominical, de tenter de mettre un terme à la pratique, désormais répandue en Pologne, de passer le dimanche en famille dans de grands centres commerciaux. Le président Kwa?niewski y avait posé son veto.
34 Parallèlement, la conviction que l’islam ferait peser une menace sur la civilisation de l’Europe chrétienne s’est répandue. J.M. Nowakowski, ex-conseiller de l’ancien Premier ministre Jerzy Buzek, a déclaré dans Z?ycie qu’« il [fallait] revenir aux sources de la civilisation occidentale – la chrétienté, le droit romain, le personnalisme » et qu’on ne pouvait « rester dans du relativisme ». [39]
35 Concernant l’entrée dans l’Union européenne, les évêques polonais n’ont eu de cesse de souligner le principe de respect des différences et le rôle particulier qu’aurait à jouer la Pologne dans une Europe unie. Ils se sont appliqués à parler d’une seule voix, en se référant au pape, partisan décidé de l’adhésion polonaise, sans parvenir pour autant à dissimuler les divergences entre pro et anti-européens au sein de la Conférence épiscopale, et les clivages croissants au sein d’un paysage catholique pluralisé, allant de la dénonciation par la mouvance Radio Maryja de « l’Europe de Sodome et Gomorrhe » à l’appel de Jean-Paul II (« La Pologne a besoin de l’Union européenne et l’Union européenne de la Pologne » [40]. Toutefois, la défense polonaise de la mention du rôle de l’héritage chrétien en Europe dans le préambule de la Constitution européenne, même si elle a redonné une actualité forte à l’affichage d’une identité polonaise-catholique, pourrait bien avoir eu d’abord pour fonction de permettre de feindre, à destination du monde extérieur, une cohésion nationale en réalité battue en brèche par l’évolution d’une société dont la diversification, amorcée dès avant l’effondrement du régime communiste, ne cessait de se confirmer. Et cette évolution est allée de pair avec une pluralisation du paysage catholique lui-même. Alors que l’opinion du primat avait constitué durant des décennies un point de repère légitime et indiscutable pour les fidèles, en 2009, 36,7 % d’entre eux semblaient penser, selon un sondage publié par Wprost, que la voix la plus influente de l’Église était le Père Rydzyk et seulement 12,5 % le primat, d’autres estimant que c’était Mgr Dziwisz [41].
36 Les grandes tendances à l’œuvre dans les pays occidentaux, en termes d’individualisation de la croyance, de prise de distances vis-à-vis de l’institution et d’adoption d’un rapport de consommateur exigeant à l’égard de l’offre religieuse, sont aujourd’hui parfaitement repérables en Pologne. Et si « l’Église polonaise vit dans le flou d’un malentendu permanent sur sa place réelle dans la société polonaise », pour reprendre une formule de Pierre de Charentenay [42], le catholicisme s’étant pluralisé, chaque Polonais peut y mettre ce qu’il veut. La thématique des valeurs ou de l’héritage chrétiens devient dès lors une sorte d’auberge espagnole, organisée comme un espace neutre, partant consensuel (à condition bien sûr de ne pas s’interroger trop avant sur ce que les uns et les autres investissent dans ladite thématique).
37 Le 14 décembre 2010, le quotidien Gazeta Wyborcza publiait une lettre adressée, au mois de septembre précédent, au nonce apostolique en Pologne, Celestino Migliore. Son auteur, le père dominicain Ludwik Wi?niewski, 74 ans, l’une des plus célèbres figures de l’opposition au régime communiste, y mettait sévèrement en cause l’Église polonaise, lui imputant à faute le soutien de certains de ses représentants à des initiatives « formellement catholiques » mais « divisant » en réalité « la société et l’Église elle-même ». Étaient visés ceux des évêques qui publient dans Nasz Dziennik (quotidien ultracatholique, propriété du père Tadeusz Rydzyk). L’organe de presse, taxé d’abonder en propos diffamatoires, n’a d’ailleurs pas tardé à réagir, dénonçant dans la publication de cette lettre une « provocation contre les catholiques ». [43]
38 Pour Ludwik Wi?niewski, la moitié des prêtres de Pologne est « infectée par la xénophobie, le nationalisme et un antisémitisme honteusement caché », la frontière entre religion et politique n’existant plus pour eux, comme l’attestent les homélies où s’expriment soutiens ou critiques à l’égard d’hommes ou de partis politiques. La lettre évoquait également le soutien aux protestations « irrationnelles » des « défenseurs de la croix » devant le Palais présidentiel à Varsovie, à la suite de la catastrophe de Smolensk. Elle mentionnait enfin Radio Maryja (également propriété du père Rydzyk), qui diffuse des leçons « de fanatisme et d’antipathie, voire de haine envers ceux qui pensent différemment ». Plus généralement, le père dominicain pointait l’incapacité de la hiérarchie catholique polonaise à communiquer avec un monde en constante mutation.
39 Réagissant à cette prise de position, l’archevêque Józef Michalik, président de la Conférence épiscopale, a mis en cause l’objectivité du père Wi?niewski. Pourtant, même si pour l’archevêque Józef Z?yci?ski ou pour l’évêque Tadeusz Pieronek [44], la volonté de transparence dont témoigne cette lettre vaut d’être encouragée, les maux qu’elle dénonce et dont souffre l’Église ne sont jamais, en dernière instance, que le reflet de ceux de la société.
40 Celle-ci semble de plus en plus verser dans la critique : selon l’Institut de sondage CBOS, alors que 70 % des Polonais déclaraient avoir confiance en l’Église en avril 2010, au lendemain du crash de Smolensk, en septembre, ce chiffre est tombé à 50 % [45]. En cause, l’ingérence de nombreux membres du clergé dans l’élection présidentielle (le soutien à Jaros?aw Kaczy?ski, présenté par certains comme le seul vrai partisan de l’indépendance polonaise) et le conflit autour de la croix évoqué en introduction.
41 La « catastrophe de Smolensk » et ses conséquences auront donc contribué à accélérer un processus d’épuisement de l’autorité et de l’influence d’une institution catholique qui se voit contestée jusque dans les registres où cette autorité pouvait apparaître comme naturelle (par exemple dans le débat sur la fécondation in vitro à laquelle s’oppose farouchement l’Église alors qu’une nette majorité de la population y est favorable). Le succès de Lech Kaczy?ski en 2005 a sans doute constitué, comme souligné, une victoire de Radio Maryja, mais il résultait aussi du vote de ceux qui se sentaient exclus, que cette exclusion procède de facteurs économiques ou qu’elle découle de la rapidité du changement. L’échec de son frère en 2010, malgré l’exploitation de l’émotion générée par l’accident, le lien avec la tragédie de Katyn, la rhétorique du complot attestent le caractère désormais socialement non opératoire de la construction du clivage grâce à l’instrumentalisation politique du religieux, quand bien même cette instrumentalisation servirait encore à tenter de disqualifier l’adversaire. Et tandis que le PiS devient de plus en plus « un parti hors système », [46] pour citer à nouveau Marek Beylin, l’Église se mure dans des positions fondamentalistes et, rêvant d’unanimisme, retrouve la situation de citadelle assiégée qui était la sienne à l’époque communiste. Sauf qu’elle ne se bat plus désormais contre un ennemi clairement identifié, mais contre les menaces dont le temps lui-même serait lourd. Ce qui justifie qu’un observateur comme le sociologue Pierre Delooz puisse considérer, après avoir constaté que la foi chrétienne avait survécu à quarante années d’oppression, que « le défi pour l’avenir [était] clair : comment survivra-t-elle aux années de liberté ? » [47].
Notes
-
[1]
« Wierzysz w Boga, nie wierzysz w Ko?ció?. »
-
[2]
Oskar Czeczot, « Tombeau de la libre pensée polonaise », L’Autre Europe, 21-22, 1989, p. 114-122.
-
[3]
L’expression est de Marek Beylin, éditorialiste à Gazeta Wyborcza. Il l’a prononcée lors de la conférence « Pologne 1980-2010, un anniversaire sur fond de tragédie. Leçons et conséquences » qu’il a donnée à l’Université Paris Dauphine, le 6 décembre 2010.
-
[4]
Janina Paradowska, « Le Président, la croix et la bannière », Polityka, repris dans Courrier international, 1033, 19- 20 août 2010, p. 10.
-
[5]
Norman Davies, Histoire de la Pologne, Paris, Fayard, 1986, p. 305.
-
[6]
Marcin Frybes, Patrick Michel, Après le communisme. Mythes et légendes de la Pologne contemporaine, Paris, Bayard, 1996. Voir également P. Michel (dir.), Europe centrale, la mélancolie du réel, Paris, Autrement, 2004.
-
[7]
Pour l’ensemble de cette problématique, voir P. Michel, La société retrouvée. Politique et religion dans l’Europe soviétisée, Paris, Fayard, 1988.
-
[8]
Voir Adam Michnik, L’Église et la gauche. Le dialogue polonais, Paris, Le Seuil, 1977.
-
[9]
Voir notamment les enquêtes réalisées annuellement par l’Institut de sociologie de l’Université de Varsovie, Polacy 80, Polacy 81...
-
[10]
Irena Borowik, « Religion et politique en Pologne » (http://www.eurotopics.net/fr/archiv/magazin/gesellschaft-verteilerseite/religion/religion_polen/), 15 septembre 2008 (consulté le 15 mars 2011).
-
[11]
On peut illustrer cette analyse en rappelant que le cardinal Wyszy?ski (archevêque de Varsovie et Gniezno de 1948 à 1981, primat de Pologne de 1952 à sa mort en 1981) n’avait pas été compris lorsqu’il avait plaidé, à Vatican II, pour le port de la soutane par les prêtres. Cette attitude, critiquée à l’Ouest pour son archaïsme supposé, avait en fait en Pologne un sens tout à fait explicite. La seule existence de prêtres en soutane dans les rues attestait la pluralité de la société polonaise et révélait donc l’aspect illusoire de l’unanimisme dont se réclamait le régime.
-
[12]
A. Michnik, La deuxième révolution, Paris, La Découverte, 1990, p. 64.
-
[13]
Mgr Józef Glemp a succédé en 1981 au cardinal Wyszy?ski comme primat de Pologne, titre qu’il a conservé jusqu’en décembre 2009.
-
[14]
Les élections législatives de septembre 1993 ont été les premières en Europe centrale à rendre la majorité aux partis issus de l’ancien bloc communiste. Elles ont été suivies par la victoire de Kwa?niewski, candidat du SLD (Sojusz Lewicy Demokratycznej - Alliance de la gauche démocratique), parti issu de la dissolution de l’ancien parti unique du régime communiste, le PZPR (Polska Zjednoczona Partia Robotnicza - Parti ouvrier unifié polonais), à l’élection présidentielle de 1995, face à Lech Wa?esa très fortement soutenu par l’Église. Kwa?niewski a été réélu en 2000.
-
[15]
Le Monde, 19 mars 1993.
-
[16]
Ewa Nowicka, « Roman Catholicism and the Contents of Polishness », dans Irena Borowik, Grzegorz Babinski, New Religious Phenomena in Central and Eastern Europe, Cracovie, Nomos, 1997, p. 81-92.
-
[17]
Sur ce thème, voir P. Michel, Politique et religion. La grande mutation, Paris, Albin Michel, 1994.
-
[18]
Tadeusz Mazowiecki, intellectuel catholique, expert de Solidarité, a été le premier Premier ministre non communiste en Europe de l’Est en 1989. Candidat malheureux contre Wa?esa à l’élection présidentielle de 1991, il a été l’une des principales figures de Unia Wolno?ci (Union pour la liberté) (libéral, centre-droit) puis du Parti démocratique. Le Président Bronis?aw Komorowski l’a nommé conseiller politique en octobre 2010.
-
[19]
Aleksander Kwa?niewski, ministre dans les derniers gouvernements communistes, est l’un des fondateurs du SLD. Il a été responsable du groupe parlementaire de ce parti à la Diète de 1991 à 1995, puis élu à deux reprises président de la République, en 1995, contre Wa?esa, et en 2000.
-
[20]
Philippe Demenet, « Le match des deux Pologne », La Vie, 22 novembre 1990.
-
[21]
AFP, 24 juin 1991.
-
[22]
Archevêque de Lublin, mort à Rome le 10 février 2011.
-
[23]
Tygodnik Powszechny, 37, 1993.
-
[24]
Libération, 22 juin 1994.
-
[25]
Cette initiative conduite par Barbara Labuda, député du parti de l’ex-Premier ministre Mazowiecki, l’Union de la liberté (UW), a provoqué une crise au sein de cette formation, qui s’est terminée par son exclusion.
-
[26]
Le Concordat signé le 28 juillet 1993 donnait au Vatican toute latitude pour organiser comme il l’entendait l’Église polonaise (texte en italien et en polonais sur le site du Vatican : http://www.vatican.va/roman_curia/secretariat_state/ archivio/documents/rc_seg-st_19930728_sede-ap-polonia_it.html) (consulté le 12 mars 2011).
-
[27]
Gazeta Wyborcza, 18 septembre 1995.
-
[28]
Ce titre renvoyait à deux textes de A. Michnik : L’Église et la gauche. Le dialogue polonais (op. cit.) et « L’Église et la droite. Le monologue », essai publié dans Gazeta Wyborcza. Le premier avait marqué la rencontre des intellectuels de la « gauche laïque » et de certains milieux catholiques autour du thème de la défense des droits de l’homme ; le second dénonçait certaines ré-instrumentalisations politiques du religieux survenues après 1989. Voir, sur ces textes, l’interview de Adam Michnik, « Ko?ció?, Michnik, dialog », Gazeta Wyborcza, 17 mai 2009 (http://wyborcza.pl/ 1,76842,6612476,Kosciol__Michnik__dialog.html?as=1&startsz=x) (consulté le 17 mars 2011).
-
[29]
Polityka, 29 septembre 2001.
-
[30]
Voir à ce sujet Andrzej Walicki, Philosophy and Romantic Nationalism. The Case of Poland, Oxford, Clarendon Press, 1982 ; ou encore les travaux de Michel Mas?owski, notamment Chantal Delsol, Michel Mas?owski, Joanna Nowicki (dir.), Mythes et symboles politiques en Europe centrale, Paris, PUF, 2002.
-
[31]
En 1941, 1 600 juifs de Jedwabne avaient été massacrés par leurs « voisins », leurs concitoyens chrétiens. Le massacre, révélé par un livre de l’historien Tomasz Gross paru en 2000, a suscité une véritable onde de choc en Pologne et d’intenses polémiques.
-
[32]
Cité dans « À l’Est le Sida », Le Nouvel Observateur, Paris, 5 mai 1993.
-
[33]
http://www.episkopat.pl/?a=dokumentyKEP&year=2001 (consulté le 17 mars 2011).
-
[34]
Katolicka Agencja Informacyjna, 28 juin 1996.
-
[35]
Tomasz Potkaj, « Kosciol nie jest cool », Tygodnik powszechny, 51-52, 22-29 décembre 2002, p. 13.
-
[36]
http://dziedzictwo.ekai.pl/text.show?id=4501 (consulté le 17 mars 2011).
-
[37]
Voir Centrum Badania Opinii Spo?ecznej, Z?ycie po Zmianie. Warunki z?ycia i satysfakcje Polaków, Varsovie, Wydawnictwo Naukowe Scholar, 2009.
-
[38]
J. Glemp, « Trudny pokój », Stowarzyszenie Pisarzy Polskich (SPP), Varsovie, 15 septembre 1995.
-
[39]
Z?ycie, 18 septembre 2001.
-
[40]
Le Monde, 10 juin 2003.
-
[41]
http://www.wprost.pl (consulté le 17 mars 2011). Mgr Dziwisz est l’ancien secrétaire particulier de Jean-Paul II.
-
[42]
http://blogcharentenay.revue-etudes.com/index.php/post/Une-eglise-polonaise-decale (consulté le 17 mars 2011).
-
[43]
« To nieprzypadkowa prowokacja wobec katolików ». Ma?gorzata Rutkowska, « “Troskliwe” rozbijanie Ko?cio?a », Nasz Dziennik, 16 décembre 2010.
-
[44]
Secrétaire général de la Conférence épiscopale de 1993 à 1998.
-
[45]
http://www.cbos.pl/SPISKOM.POL/2010/K_125_10.PDF (consulté le 17 mars 2011).
-
[46]
« Pologne 1980-2010, un anniversaire sur fond de tragédie. Leçons et conséquences », conférence citée.
-
[47]
http://www.entraide-eglises.be/pages/archives/bulletin19933.html (consulté le 17 mars 2011).