L’ouvrage de Camille Riquier Métamorphoses de
Descartes. Le secret de Sartre s’articule autour de deux
thèses distinctes, mais étroitement solidaires. La première
concerne la physionomie interne du champ de la philosophie
française et affirme que le texte des Méditations métaphysiques de Descartes en constitue la matrice structurante. La
deuxième a trait à l’œuvre de Sartre et avance que celle-ci
doit être envisagée comme une réactivation contemporaine
du geste cartésien, et que c’est seulement lorsqu’elle est placée dans le sillage de Descartes qu’elle acquiert son unité et
sa profondeur véritables.
À première vue, affirmer que la référence à Descartes
joue un rôle décisif pour la configuration de l’espace philosophique français revient à énoncer une évidence. En effet, il est
incontestable que Descartes occupe une place centrale au sein
de ce champ, qu’il est régulièrement convoqué par les penseurs français, que nombre d’entre eux ont cherché à placer
leurs démarches sous sa « tutelle protectrice » et ont reconnu
en lui leur plus vénérable devancier. Pourtant, Riquier ne se
contente pas de soutenir que le spectre de Descartes hante la
philosophie française, ni d’accumuler les preuves textuelles
confirmant cette présence massive. L’ambition théorique de
l’ouvrage est d’une portée plus ample et d’une formulation
plus précise. En effet, pour Riquier, le recours constant à
Descartes ne relève pas seulement d’une stratégie de légitimation mise en place par les différents penseurs afin d’étayer
leurs propos sur son autorité, d’une procédure qui pourrait
être analysée avec profit par l’histoire intellectuelle ou la
sociologie des savoirs…