La production de Philippe Artières se situe au croisement d’un double héritage : celui de Foucault et celui de Perec. Elle s’attache, dans le sillage du philosophe, aux rencontres entre individu et dispositifs de pouvoir, à la question de la subjectivation dans l’écrit ; elle cherche, à la façon de l’auteur de La Vie mode d’emploi, à aiguiser l’attention pour l’ordinaire et l’infra-ordinaire, qui fut au cœur de ses expérimentations au temps de la revue Cause commune. Le bref volume intitulé La Banderole. Histoire d’un objet politique (Autrement, 2014) est à cette exacte jonction. L’ attention pour cet objet, relevant du type d’écrits que les Oulipiens nommaient le « troisième secteur », permet de brosser une histoire des luttes militantes, par le prisme de la culture matérielle graphique. Mais l’invention d’une posture auctoriale qui mette à profit cette filiation double est une véritable gageure : quel type d’autorité, et quelle forme de savoir peut-on construire, si l’on entend tenir ensemble ancrage disciplinaire et inventivité littéraire ?
Les choix éditoriaux de Philippe Artières sont à l’image de cette posture auctoriale ambiguë. Polygraphe prolifique, il disperse ses écrits auprès d’éditeurs variés. Une part d’entre eux est accueillie par les éditions Verticales, dont la ligne valorise les expérimentations fictionnelles et les frictions avec les sciences sociales : au sein d’un catalogue résolument littéraire, elles ont publié à plusieurs reprises les entours de Foucault – le volum…