« Il y a des vies dont on aimerait faire le récit avec la concision des Vies imaginaires de Marcel Schwob (lequel était allé finir la sienne aux îles Samoa, sur les traces de son héros Robert Louis Stevenson, mais c’est une autre histoire), des vies emplies d’armes à feu, de chansons populaires et de hasards féconds » (TAF, p. 73). Avec Pura Vida. Vie et mort de William Walker et La Tentation des armes à feu, qui font diptyque, Patrick Deville s’inscrit au nombre des écrivains français qui pratiquent aujourd’hui la fiction biographique, genre dans lequel se cristallisent en une prose érudite une interrogation sur la mémoire et un art singulier du portrait. Pierre Michon l’a illustrée avec Vies minuscules, Vie de Joseph Roulin et Rimbaud le fils. Gérard Macé l’a explorée avec Le Manteau de Fortuny, Le Dernier des Égyptiens ou Vies antérieures. Pascal Quignard l’a mise à sa main avec Les Tablettes de buis d’Apronenia Avitia et Une Gêne technique à l’égard des fragments. Récemment, Jean Echenoz lui a prêté son ironie inquiète le temps d’un Ravel. Ces textes hybrides se placent sous l’égide de Schwob en ce qu’ils préfèrent, comme autrefois l’écrivain symboliste, le souci du détail à l’appréhension synthétique d’une vie, la brièveté intensive du récit à la linéarité explicative du roman, les analogies poétiques à la justification documentaire de l’écriture historienne. Ces fictions biographiques disent en outre un présent en quelque sorte absenté, face auquel la littérature se sait tard venue et se veut alexandrine…