Couverture de CRIS_1447

Article de revue

Des ACEC à l'Union minière.

L'éclatement d'une grande entreprise (1983-1992)

Pages 1 à 82

Notes

  • [1]
    Sur l’évolution de la SGB puis son contrôle par le groupe Suez dès 1988, voir notamment Anne Vincent, Les groupes d’entreprises en Belgique. Le domaine des principaux groupes privés, CRISP, 1990 ; M. Capron, "Stratégies des groupes et mutation des relations collectives de travail. La stratégie industrielle et financière de la Société Générale de Belgique et du groupe Suez (1981-1991)", Cahiers Oranges, n° 38, IST-UCL, Louvain-la-Neuve, avril 1993.
  • [2]
    La SGB restait actionnaire minoritaire des ACEC en gardant une participation directe de 6,6% et indirecte de 3,1%.
  • [3]
    A propos de l’évolution des ACEC sous le contrôle de Westinghouse, voir "Les ACEC : l’évolution d’une grande entreprise industrielle belge", Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 868-869, 15 février 1980.
  • [4]
    Avec l’aide de l’Etat, plusieurs institutions publiques de crédit accordèrent un crédit de BEF 500 millions pour faciliter le financement d’un plan d’investissement de BEF 1,145 milliard. Westinghouse reprit les ACEC pour BEF 1,230 milliard.
  • [5]
    Cette participation, domiciliée à la Banque Degroof, appartient en fait à la banque américaine Mellon, principal actionnaire de Westinghouse. Cela permet d’éviter à Westinghouse de devoir consolider les comptes des ACEC dans son bilan. En 1982, Westinghouse ramenait sa part dans ACEC à 42%.
  • [6]
    Chiffre d’affaires 1983 : BEF 76,7 millions ; bénéfice net : BEF 1,2 million ; effectifs : 30 personnes.
  • [7]
    Etudes techniques et constructions aérospatiales-ETCA a réalisé en 1984 un chiffre d’affaires de BEF 628,8 millions, un bénéfice net de BEF 3,3 millions en occupant 19 personnes.
  • [8]
    Chiffre d’affaires 1983 : BEF 1,292 milliard ; bénéfice net : BEF 29,9 millions ; effectifs : 461 personnes.
  • [9]
    Voir CRISP, Répertoire permanent des groupes d’entreprises, ACEC, 1983, pp. 1313-1316.
  • [10]
    Voir notamment à ce sujet : Groupe de sociologie wallonne, "Westinghouse : nettoyage ACEC. Un enjeu politique pour les travailleurs", Les Dossiers wallons, n° 2,1976, pp. 25-37.
  • [11]
    Voir S. Lambert, "La grève des ACEC", L’Année sociale, 1979, Eds. de l’ULB, Bruxelles, 1981, pp. 116-127.
  • [12]
    La convention collective de 1980 leur octroya 36h30 au 1er mai 1980 et 36 heures/semaine au 1er janvier 1981.
  • [13]
    Issus du Japon, ces cercles se regroupent, à l’initiative de la direction, des travailleurs appartenant à un même atelier ou un même bureau ou travaillant sur un même produit, qui se réunissent, sur une base volontaire avec animation par l’encadrement, en vue notamment d’améliorer la qualité des produits. Voir à ce sujet J.-L. Cantignau, "Les cercles de qualité chez ACEC", G. Wamotte et al., Innovation sociale et entreprise, Presses universitaires de Namur, 1985, pp. 39-54 ; et plus largement B. Monteil (e. a.), Cercles de qualité et de progrès : pour une nouvelle compétitivité, Eds. d’Organisation, Paris, 1985.
  • [14]
    Voir ACEC, Rapports annuels, 1983, 1984.
  • [15]
    SGB, Rapport annuel, 1983, p. 102 ; la synthèse des activités d’ACEC durant l’année 1983 étant présentée page 36.
  • [16]
    SGB, Rapport annuel, 1984, p. 4.
  • [17]
    Idem. Toutefois, si la participation directe de la SGB en ACEC demeure inchangée à 6,5%, sa participation indirecte (via Solina) recule de 3,1 % à 2,27%.
  • [18]
    Cette part est cédée à une filiale commune de Tractionel et Electrobel, Telfin, constituée en décembre 1984 au capital de BEF 500 millions pour agir dans les domaines de l’électronique, la télématique et les télécommunications.
  • [19]
    Groupe français (BEF 500 milliards de chiffre d’affaires, 600 filiales et 160.000 personnes occupées), la CGE occupait en 1985 le premier rang mondial en terminaux vidéotex, le 2ème rang en télécopie et câbles, le 3ème rang en construction ferroviaire et le 5ème rang en télécommunications publiques.
  • [20]
    SGB, Rapport annuel, 1985, Complément, p. 43.
  • [21]
    En juillet 1984, CIT-Alcatel avait déjà fait une offre, patronnée par la SGB et la CGE, pour le contrat du siècle. Or, au même moment, ACEC concluait un accord à cet effet avec le groupe suédois Ericsson.
  • [22]
    En 1985, ACEC a revendu au groupe américain Inductotherm ses filiales Elphiac (Herstal), HWG (RFA) et Elphiac do Brasil, productrices d’équipements d’électrothermie industrielle. En 1986, les divisions transformateurs de Gand et Marcinelle sont cédées à Pauwels Trafo et, dans le même secteur, les filiales ACEC Far East et ACEC Ireland sont revendues au groupe norvégien National Industri ; Cogebi est revendue à la Compagnie royale asturienne des mines ; les filiales françaises Clarel et MEMN sont revendues.
  • [23]
    Par ailleurs, en janvier 1986, est constituée SORACEC, société de reconversion mixte dont le capital est fourni par la SRIW (pour BEF 250 millions) et par ACEC (pour BEF 275 millions), en vue, en un premier temps, de racheter l’outil de production à Charleroi, en le relouant à ACEC à un taux avantageux, mais aussi, à moyen terme, en vue de reconvertir les activités de fabrication et de vente de matériel de traction et de propulsion de véhicules de transport urbain.
  • [24]
    En novembre 1986, ACEC a procédé à une augmentation de capital de SDM et acquis une participation majoritaire dans ABSY, entreprise spécialisée dans la télématique industrielle.
  • [25]
    Sur la situation d’ACEC et du groupe ACEC fin 1986, voir CRISP, Répertoire permanent des groupes d’entreprises, avril 1987, pp 2359-2377.
  • [26]
    Voir notamment à ce sujet J. Dujardin, "L’empoignade du siècle", Tendances, 26 septembre 1986, pp. 75-78.
  • [27]
    La Nouvelle Gazette, 14 juin 1985.
  • [28]
    ACEC, Rapport annuel, 1987, p. 13.
  • [29]
    "ACEC, l’électrochoc", interview de P. Klees, Tendances, 30 avril 1987, pp. 10-13.
  • [30]
    La part des commandes à l’exportation, si elle atteint 36% en 1985 et 42% en 1986, retombe à 32% en 1987 (voir ACEC, Rapport annuel, 1987, p. 15) pour un total de commandes déjà nettement en baisse.
  • [31]
    Début juin, la Défense nationale préfère attribuer une commande de BEF 300 millions pour des groupes électrogènes à la filiale belge du groupe allemand KHD plutôt qu’à ACEC-Drogenbos, dont l’offre était moins performante et plus chère, ce qui met en cause l’avenir de ce siège.
  • [32]
    Aux termes de cet accord, Bell se réservait la commutation (avec le système 12), tandis qu’ACEC se spécialisait en transmission de signaux et RNIS, ce qui leur permettait, selon E. Davignon, de couvrir l’ensemble de la gamme sur le marché en télécommunications. ACEC avait toutefois dû rompre l’accord avec Ericsson qui lui aurait permis de faire une offre en commutation.
  • [33]
    Quelques jours après les déclarations d’E. Davignon, on apprend que la SGB pourrait ouvrir son capital à Sumitomo et à la CGE. Or, la CGE et la SGB sont liées par un accord-cadre de coopération en télécommunications et en électronique, plus large que le seul contrôle d’ACEC via la CEDEE.
  • [34]
    L’accord ITT-CGE donna finalement naissance, début janvier 1987, à Alcatel NV, deuxième groupe mondial en télécommunications et leader mondial en ciblerie. La CGE y détient directement 21,5% et indirectement (via sa filiale Alcatel) 34,1% contre 37% à ITT, 5,7% à la SGB et 1,7% au Crédit Lyonnais. E. Davignon siège au comité de surveillance d’Alcatel NV, dont Bell Téléphoné est une filiale à 100%.
  • [35]
    Asea Brown Boveri est issu de la fusion, à parité, en août 1987, du groupe suédois Asea et du groupe suisse Brown Boveri.
  • [36]
    La stratégie de la CGE consiste à prendre des marchés lui permettant d’obtenir, comme c’est le cas en France, des quasi-monopoles dans des secteurs à clientèle publique (énergie, transports, télécommunications) et d’en contrôler les prix, tout en cédant les activités grand public (électroménager ou bâtiment par exemple). Voir Le Monde, 17 janvier 1987.
  • [37]
    Le Drapeau Rouge, 4-5 avril 1987.
  • [38]
    Sur la prise de contrôle de la Société générale de Belgique par le groupe français Suez et ses conséquences, voir A. Vincent, Les groupes d’entreprises en Belgique, op. cit., pp. 11-16 ; voir aussi B. Dethomas et J. Fralon, Les milliards de l’orgueil. L’affaire de la Société générale de Belgique, Gallimard, 1989.
  • [39]
    Celle-ci s’explique par une perte de BEF 751,9 millions et des bénéfices exceptionnels de BEF 213,7 millions résultant eux-mêmes de produits exceptionnels pour BEF 4,764 milliards (notamment la plus-value liée à la cession de Barco Industries en décembre 1988) et de charges exceptionnelles pour BEF 4,550 milliards (dues notamment à l’amortissement des charges de restructuration en 1987 et 1988 et du solde en recherche et développement dans le cadre de la filialisation, à des réductions de valeur et des provisions pour risques et charges).
  • [40]
    ACEC, Rapport annuel, 1988, p. 11.
  • [41]
    Jusqu’à ce moment, la SRIW envisageait d’intervenir au niveau de certaines filiales, à condition qu’il y ait un accord social et un partenaire extérieur majoritaire. Ainsi, la SRIW pourrait reprendre la part d’ACEC (BEF 100 millions) dans Teleburotec et mettre BEF 500 millions en provenance de la trésorerie de cette société à la disposition d’une filiale d’ACEC. De même, la SRIW pourrait convertir sa participation de BEF 250 millions dans SORACEC en participation dans une des filiales. Ces intentions devaient toutefois encore être finalisées fin 1988.
  • [42]
    A cet égard, l’exécutif de la Région wallonne avait marqué son accord pour l’intervention du Fonds des fermetures à condition que le plan de restructuration soit accepté par toutes les parties et qu’ACEC présente un plan de remboursement en dix ans maximum.
  • [43]
    Sur la problématique de la prépension aux ACEC, son évolution et le vécu des ouvriers, voir M-C. Segers, L’expérience vécue des prépensionnés ouvriers des ACEC de Charleroi, mémoire non publié, FOPES, UCL, Louvain-la-Neuve, septembre 1989.
  • [44]
    ITT cédera ces actions à la CGE dont elle acquerra en contrepartie 2,84% du capital.
  • [45]
    Celle-ci avait donné lieu, à l’époque, à l’ébauche d’alternatives qui auraient permis une présence continuée de la SGB dans le secteur des télécommunications via le holding ACEC. Voir M. Capron, "ACEC ou l’angoisse du lendemain", La Revue Nouvelle, décembre 1988, pp. 73-74.
  • [46]
    Durant les premiers mois de 1988, la position de la FGTB oscilla entre un refus pur et simple de toute filialisation et une solution de filialisation "belge".
  • [47]
    Alsthom exigeait le dégagement de quelque 1.000 personnes dans les deux divisions, une hausse du temps de travail, la suppression des primes automatiques et l’instauration d’un système de primes au mérite.
  • [48]
    Parallèlement, 150 employés seraient licenciés début 1989 sans prime de départ ni recours à la prépension.
  • [49]
    Ph. Busquin, alors ministre régional de l’Economie, avait été plus clair en février : l’intervention de la région était liée à un projet industriel de maintien ou de développement d’une activité économique source d’emplois, notamment au niveau de la recherche.
  • [50]
    Voir T. Dickson, "How the mighty are fallen", The Financial Times, 13 février 1989. Par ailleurs, le 2 janvier, ACEC a ramené de 99,9% à 30% sa participation dans Computer and Management Services-COMASE, spécialisée dans l’informatique appliquée à la gestion industrielle, dont les cadres et l’administrateur-délégué détiennent désormais 70%.
  • [51]
    Avec la SdM (microélectronique) et ETCA (espace), ACEC-SDT occupe 714 personnes.
  • [52]
    Néanmoins, début mai, ACEC-TRA instaure un chômage économique dans la division Moteurs suite aux retards intervenus dans la commande de ces automotrices.
  • [53]
    Le 22 mai, ACEC cède 99,9% d’Elnor à la société nééerlandaise Red Fox qui produit des moteurs et des générateurs.
  • [54]
    Voir Tendances, 30 mars 1989.
  • [55]
    La cession de sa participation dans Alcatel NV a, par ailleurs, permis à la SGB d’accroître de 1,9% à 4,2% sa participation dans le capital de la CGE, tout comme la cession au groupe Suez des 3,3% détenus par la CGE dans la SGB a permis à la CGE d’accroître sa participation en Suez. Il s’agit, à chaque fois, d’accroître la part détenue directement au niveau du holding de tête de l’autre groupe.
  • [56]
    L’assemblée générale d’ACEC a décidé le 14 juin, après approbation des comptes de 1988, de poursuivre les activités et, pour ce faire, de proposer à l’assemblée générale extraordinaire du 26 juillet une augmentation de capital du holding ACEC à hauteur de BEF 1,77 milliard.
  • [57]
    Le 4 septembre, la SRIW acquiert 25% du capital d’Alcatel Bell SDT ; Alcatel Bell garde 55% et le holding ACEC 20%.
  • [58]
    Interview de P. Suard, L’Echo de la Bourse, 25-26 février 1989.
  • [59]
    Cette nouvelle société devient le premier groupe européen dans les métiers du transport et de la production d’énergie.
  • [60]
    Dans le domaine des câbleries, les Câbles de Lyon (filiale à 75% de la CGE) contrôlent les Câbleries de Dour, Financâble et les Nouvelles câbleries de Charleroi. Par ailleurs, la CGE est actionnaire principal de la Générale occidentale, active dans les domaines de l’édition (le Groupe de la Cité) et de la communication (elle détient 20% de CEP Communication dont Havas détient 35%).
  • [61]
    Dans les domaines de la production d’énergie (centrales électriques, turbines à gaz) et de la distribution et transformation d’électricité, GEC Alsthom s’affirme comme le principal concurrent du groupe Asea Brown Boveri pour le leadership mondial. Voir D. Pourquery, "ABB-Alsthom : le face-à-face, "Le Monde-Affaires, 15 avril 1989 et "Power Génération Equipment", The Financial Times, 6 juin 1989.
  • [62]
    Début novembre, cette société occupe 47 personnes, mais reprend également sur ses listes du personnel 304 malades et 67 chômeurs de longue durée, ainsi que les quelque 5.000 pensionnés et prépensionnés ACEC.
  • [63]
    Voir L’Echo de la Bourse, 28-29 janiver 1989.
  • [64]
    Cette convention garantit aux prépensionnés l’intégralité de leur revenu. Une dénonciation unilatérale de la part de la SGB créerait un grave précédent social en portant atteinte au statut des prépensionnés.
  • [65]
    En décembre 1988, ACEC a cédé sa part de 57% dans Barco Industries à la GIMV. Le solde du produit de cette vente est venu combler ses déficits de trésorerie.
  • [66]
    La SRIW subordonne son intervention non seulement à la couverture financière intégrale du passif social, mais aussi à une convention avec Alsthom garantissant à long terme une activité industrielle à Charleroi et à une convention de coopération entre ETCA, ACEC-SDT et ACEC-Automatisme relative aux bancs de contrôle informatisés pour le domaine spatial.
  • [67]
    ACEC dispose de participations dans ACEC-PPES, ACEC-OSI, ACEC-Energie, ACEC-Automatisme et ACEC-SDT. La SRIW reprend pour BEF 200 millions 29% d’ACEC-Energie et ACEC-Automatisme, laissant à ACEC une participation de 20% dans chacune de ces sociétés. L’activité industrielle conservée par ACEC permettrait de valoriser à raison d’au moins 10% des pertes fiscales atteignant BEF 7 milliards.
  • [68]
    La SGB ayant racheté le 13 juin à la CGE sa participation, détient désormais 100% de CEDEE.
  • [69]
    Ce prix d’émission a donné lieu à controverse. En fait, en additionnant l’actif net d’ACEC, proche de zéro, quelques actifs résiduels et les pertes fiscales utilisables (à concurrence de 10 à 20% du total de BEF 7 milliards) et compte tenu du rendement très faible de l’action, puisqu’il n’y a plus eu de dividendes depuis 1968, la société Touch Ross and Co estime la valeur de l’action ACEC à moins de BEF 100. Eu égard à la cotisation en bourse, elle a proposé de fixer un prix d’émission de BEF 250.
  • [70]
    Ces petits actionnaires, qui détiennent 49,9% du capital d’ACEC sont répartis, selon P. Klees, administrateur-délégué d’ACEC, en trois catégories : près de 30% seraient des actionnaires passifs, indifférents à l’évolution du titre ; quelque 15%, des professionnels, sont satisfaits de l’opération proposée, car elle leur assurerait des dividendes à partir de 1990 ; enfin, quelque 4% seraient des pensionnés et prépensionnés, en majorité des cadres, contestant toutes les solutions proposées. Voir L’Echo de la Bourse, 15 juillet 1989.
  • [71]
    Ces actions se répartissent comme suit : 283.200 actions pour la SGB, 212.398 actions pour CEDEE et 35.403 pour Sogenbel, ces deux dernières sociétés étant des filiales à 100% de la SGB. Cet ensemble représente 50% du total des actions, le solde étant pour 177.000 actions dans le public et pour 354.000 actions sujet à souscription publique.
  • [72]
    Cet ensemble d’actions se répartit comme suit : 18.400.000 actions pour la SGB, 2.557 actions pour d’autres sociétés du groupe SGB et 2.300 actions dans le public. En fait, l’on a créé des parts sociales, regroupées ensuite en actions, à raison de dix parts sociales pour une action. Par ailleurs, le rapport d’échange entre les deux sociétés a été fixé à une action UM contre 184 actions ACEC.
  • [73]
    Fin 1989, la CMB rachète & ACEC-UM sa part dans ABT-Stocatra.
  • [74]
    Sur l’évolution de l’Union minière, de ses principales filiales et sur la création d’ACEC-UM, voir A. Vincent, Les groupes d’entreprises en Belgique, op. cit, pp. 123-144. Le Rapport d’activités 1989 d’ACEC Union minière fournit des indications sur les différentes activités industrielles de MHO, Vieille Montagne et Asturienne des mines.
  • [75]
    Union minière contrôle 65,5% de Vieille Montagne tandis que ses filiales Financuivre et la Compagnie financière de la place Stéphanie détiennent respectivement 19,7 et 10,6%. En 1988, UM avait racheté la paît minoritaire des actionnaires flamands du groupe luxembourgeois Flin.
  • [76]
    Voir Tendances, 16 février 1989.
  • [77]
    Cette société, dont l’Etat guinéen détient 49%, est contrôlée à 51% par la société britannique Chevaning Mining Cy, elle-même détenue à 50,1% par une filiale luxembourgeoise d’ACEC-UM, Financial and Investment Cy-Fininco, en association avec Pancontinental.
  • [78]
    Voir L’Echo de la Bourse, 8 décembre 1989.
  • [79]
    Voir E. Lentzen et A. Vincent, "La concentration économique et les groupes Société Générale de Belgique, Cobepa, Bruxelles Lambert et Frère-Bourgeois en 1981-1982", Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 993-994, 1983, pp. 4-7 et 120.
  • [80]
    Début 1990, la division Vieille Montagne reprend les unités de production de MHO à Overpelt, les usines du Tennesse d’Union Zinc et l’usine portugaise d’Asturienne, achevant ainsi le regroupement de l’ensemble des activités zinc d’ACEC-UM.
  • [81]
    C’est l’activité principale de sa filiale américaine Carolmet.
  • [82]
    Pour rappel, dans sa division ACEC, ACEC-UM détient 100% d’ACEC-OSI et ACEC Centrifugal Pumps et 20% dans ACEC Automatisme, ACEC Energie et Alcatel Bell SDT.
  • [83]
    En septembre 1989, la Generale Trading Cy est devenue Sogem, après cession de plusieurs de ses composantes, notamment Transcor à Groupe Bruxelles Lambert-GBL et Mines, Minerais, Métaux à Sadacem (filiale de Gechem). La logique de la stratégie de la SGB impliquait un retrait du commerce international multiproduits pour opérer des synergies de commercialisation avec les sociétés du groupe leaders en non-ferreux.
  • [84]
    Voir T. Dickson, "La Générale irons out problems", The Financial Times, 12 décembre 1989.
  • [85]
    Au plan organisationnel, la division MHO est structurée en quatre "business units" : cuivre, cobalt, germanium et métallurgie complexe (plomb, métaux précieux et spéciaux).
  • [86]
    La plus ou moins grande sensibilité d’ACEC-UM aux variations cycliques des cours mondiaux des métaux non ferreux est une variable cruciale au niveau des résultats du groupe SGB. Ainsi, en 1989, sur les BEF 16,7 milliards de bénéfice courant du groupe, BEF 9,S milliards provenaient du pôle des non- ferreux. ACEC-UM représentait, fin 1989, 34% de la valeur boursière du groupe SGB (BEF 30S milliards). Voir L’Echo de la Bourse, 19 septembre 1990.
  • [87]
    Via ses filiales CEDEE, Sogenbel, GIF et autres, la SGB détient en outre, indirectement, 4,6% dans ACEC-UM, auxquels s’ajoute 1,6% détenu par l’Asturienne des mines. Au total, le groupe SGB contrôle donc 88,3% d’ACEC-UM. Le groupe anversois Belcofi possède toujours, pour sa part, 2,4% et 9,3% des actions sont réparties dans le public.
  • [88]
    La répartition est la suivante : SGB 76,1%, CEDEE 3,4%, Sogenbel 0,4%, GIF 0,4%, Asturienne 1,6% et Contassur 0,01%. Pour sa part, Belcofi maintient ses 2,4%, tandis que la part des autres actionnaires atteint 15,7%.
  • [89]
    Générale de banque, Corporate Research, ACEC-Union minière, un groupe belge de dimension mondiale dans le secteur des non-ferreux, Bruxelles, mai 1990.
  • [90]
    Générale de banque, op. cil., p. 44.
  • [91]
    Id., p. 42.
  • [92]
    Un changement de parité de BEF 1 entre USD et BEF entraîne une variation d’au moins BEF 350 millions pour les résultats d’exploitation de la division zinc.
  • [93]
    Entre décembre 1990 et décembre 1991, l’emploi total au sein du groupe ACEC-UM est passé de 16.713 à 14.730 personnes, dont quelque 8.835 en Belgique. La diminution est due en majeure partie à des modifications du périmètre de consolidation d’ACEC-UM, dont sont sorties des entreprises occupant au total 1.432 personnes.
  • [94]
    Le comité de direction est présidé par J.-P. Rodier, tandis que P. Klees et N. Masson en sont les vice-présidents.
  • [95]
    Voir M. Vandermeir, "Un coup de neuf pour ACEC", La Libre Entreprise, 29 juin 1991.
  • [96]
    Voir S. Kalisz, "Du passé, faisons table rase ?", Tendances, 23 mai 1991.
  • [97]
    Union minière, Rapport d’activités, 1992, p. 14.
  • [98]
    Interview dans Le Soir, 13 juillet 1992. J.-P. Rodier fait allusion à ACEC Centrifugal Pumps. Outre celle-ci, il reste encore quelques participations majoritaires dans des sociétés financières et de commercialisation et une participation minoritaire (ACEC-OSI). Elles sont, il est vrai, insignifiantes au niveau d’UM.
  • [99]
    Les pertes successives en 1991 et en 1992 limitent considérablement les possibilités de récupération fiscales attendues de la fusion d’ACEC.
  • [100]
    La SGB détient 76,5%, CEDEE 3,4%, Sogenbel 0,4%, Asturienne 1,6% et Contassur 0,03%. Belcofi a ramené sa part à 1,4% et 16,7% sont dans le public.
  • [101]
    En juin 1993, UM cédera à Trasys, filiale de Tractebel, sa part de 25% dans ACEC-OSI.
  • [102]
    Fin janvier 1992, plusieurs mouvements de grève ont affecté les sièges de Gand, Geel, Colfontaine et Hoboken pour s’opposer à 261 licenciements décidés au moment où le groupe prévoit d’importants investissements. J. Goossens, président-directeur général d’Alcatel Bell justifie cette politique pour des raisons de productivité, par l’impact du progrès technologique et par la nécessité d’un recours à du personnel plus qualifié. Voir son interview, L’Echo, 28-30 mars 1992.
  • [103]
    Bell SDT contrôle désormais ETCA à 100%, après rachat de la participation de 49% détenue par General Dynamics.
  • [104]
    Voir J. Cech, "La seconde vie de Julien Dulait", Tendances, 3 septembre 1992, pp. 32-35.
  • [105]
    P. Klees, Le Soir, 19-20 juin 1993.
  • [106]
    Au niveau national, FGTB et CSC n’ont pas davantage réussi à élaborer une stratégie globale lors de la prise de contrôle de la SGB par le groupe Suez, même si des tentatives ont été effectuées dans ce sens par la CSC wallonne et la CNE.

Introduction

1Créé en 1881 par l’ingénieur Julien Dulait, l’ensemble industriel constitué autour de la Compagnie générale d’électricité, qui prit en juillet 1904 le nom d’Ateliers de constructions électriques de Charleroi-ACEC, a disparu comme tel de la carte industrielle fin juin 1989 à l’occasion de la filialisation de la dernière de ses entités. Un des fleurons industriels du bassin de Charleroi sombrait ainsi sans gloire ; en mai 1992 le nom ACEC a été symboliquement abandonné par la nouvelle Union minière issue de la fusion ACEC-Union minière réalisée à la fois pour des raisons fiscales et pour regrouper le reliquat des participations d’ACEC.

2Le présent Courrier hebdomadaire s’attache essentiellement à retracer l’évolution des ACEC durant les dix dernières années de son existence (1983-1992). L’analyse s’articule à un double niveau : celui des stratégies industrielles et financières déployées par et autour des ACEC et celui des stratégies mises en œuvre par les délégations syndicales des ACEC au plan des relations collectives de travail.

3Dans une première partie, nous examinons la situation des ACEC à la fin de l’ère Westinghouse (1983-1984), et notamment le contentieux des relations sociales dont cette situation est porteuse.

4La deuxième partie est consacrée au retour de la Société générale de Belgique-SGB, en association avec le groupe français Compagnie générale d’électricité-CGE, aux commandes des ACEC (1985-1988). Ce retour va de pair avec les premières restructurations industrielles, financières et sociales auxquelles se sont opposées, sur un mode essentiellement défensif, les organisations syndicales. L’année 1987 est marquée à la fois par de nouvelles rationalisations, par des problèmes liés aux commandes publiques et par le pari de la Société générale de Belgique d’entrer, notamment via ACEC, dans le secteur des télécommunications. La stratégie syndicale se centre principalement sur la négociation du volet social du plan de restructuration de septembre 1986 et sur la problématique de l’avenir d’ACEC : comment en éviter le démembrement en de multiples PME ?

5La filialisation d’ACEC est mise en œuvre dès l’année 1988 : des activités relativement semblables sont regroupées dans des entreprises distinctes pour lesquelles le holding ACEC, qui y garde une participation, cherche des repreneurs industriels. Ces entreprises ont connu au préalable la rationalisation du personnel excédentaire et des activités jugées ni prioritaires ni rentables. Le principal repreneur s’avère être, indirectement ou directement, le groupe français CGE. Ce démantèlement d’ACEC, les organisations syndicales essaient en vain de l’empêcher : la force syndicale s’est effritée, les décisions ne sont plus aux mains de la direction d’ACEC, mais du groupe SGB et, dès juin 1988, du groupe Suez [1]. La stratégie syndicale d’action directe, si souvent efficace au niveau des ACEC, n’est plus opérante face à des groupes qui mènent leurs transactions relatives à la filialisation d’ACEC à un niveau supérieur.

6La troisième partie (1989-1992) traite de l’évolution d’ACEC après la filialisation. L’année 1989 connaît l’achèvement de la filialisation d’ACEC, le contentieux lié au passif social et la création d’ACEC-Union minière. Durant les années 1990-1992, ACEC-UM, devenu le pôle des non-ferreux de la SGB après absorption de Métallurgie Hoboken Overpelt, de Vieille-Montagne, de Mechim et de Sogem, incorpore les participations encore détenues par le holding ACEC. ACEC-UM connaît à la fois une réorganisation structurelle et une restructuration industrielle destinées à conforter ses positions de leader mondial et à lutter plus efficacement contre les variations cycliques affectant les métaux non ferreux. Tout au long de cette période, la place des participations d’ACEC devient de plus en plus marginale dans ACEC-UM, tandis que les ex-filiales, intégrées dans Alcatel Alsthom (ex-CGE), peuvent y déployer leurs compétences, sous une contrainte stricte de rentabilité. Finalement ACEC-UM devient l’Union minière-UM en mai 1992, une manière de signifier que la page ACEC est définitivement tournée et qu’Union minière, dont la SGB se dégagera en partie tout en y demeurant majoritaire, se recentre essentiellement autour de ses activités "cuivre et zinc".

7Au cours de cette dernière période, l’on constate que l’activité syndicale s’est faite fort discrète après le démantèlement d’ACEC. Hormis quelques arrêts de travail, les organisations syndicales ne disposent plus, dans les ex-filiales d’ACEC, d’un réel rapport de forces. Comme par ailleurs la fusion ACEC-UM n’a pas provoqué de synergies entre les syndicalistes d’ACEC et ceux du secteur non ferreux, l’action syndicale au sein d’ACEC-UM surgit par à-coups, localement, sans aucune stratégie à opposer aux dirigeants d’ACEC-UM, puis d’UM. Cette impuissance syndicale illustre bien, au travers de l’exemple d’ACEC, la difficulté d’organiser une activité, de penser et d’appliquer une stratégie syndicale, dès lors que le champ d’affrontement se déplace d’une entreprise vers le groupe qui la contrôle, soit d’ACEC vers la Société générale de Belgique, soit auparavant déjà mais dans une mesure moindre, d’ACEC vers Westinghouse.

8En dix années, le démantèlement d’ACEC a non seulement désintégré l’entreprise en plusieurs PME sur les sites de Marcinelle et Mont-sur-Marchienne, mais engendré un coût social extrêmement lourd pour le bassin de Charleroi (sans même prendre en compte l’abandon des sites de Gand, Drogenbos et Herstal). En 1983, le groupe ACEC occupait 14.454 personnes. Dix ans plus tard, il ne reste plus guère, dans les différentes entités issues de la filialisation, que quelque 2.000 travailleurs.

La fin de l’ère Westinghouse (1983-1984)

9La prise, par le groupe Westinghouse, d’une participation de 67%, en février 1970, dans le capital des ACEC par la reprise de l’ensemble des parts du groupe Empain et d’une partie des parts détenues par la Société générale de Belgique-SGB et ses filiales [2], répondait à une stratégie précise dans le chef du groupe américain [3]. Westinghouse visait en effet à créer en Europe - notamment pour assurer sa position sur le marché nucléaire - un groupe électromécanique transnational comprenant Jeumont-Schneider (France), les ACEC et des sociétés italiennes et espagnole, mais ce projet ne se réalisa que dans le cas des sociétés belge et espagnole.

10Les deux grands actionnaires des ACEC, les groupes Empain et SGB, - tout comme les pouvoirs publics [4] - étaient favorables à l’intégration de la société dans un groupe multinational chez qui il semblait possible de trouver le soutien technique et organisationnel ainsi que la consolidation de la structure financière dont les ACEC avaient besoin pour assurer leur développement ultérieur. Le front commun syndical des ACEC exprima de son côté son inquiétude quant à l’avenir de l’emploi et des produits fabriqués aux ACEC lors d’une rencontre avec E. Leburton, ministre des Affaires économiques. La stratégie européenne de Westinghouse ne rencontre cependant pas le succès escompté. Dès 1977, la participation de Westinghouse est ramenée à 47,9%, après cession de 19,1% à la Banque Degroof [5], tandis que les pouvoirs de la direction générale d’ACEC sont étendus.

11En 1983, alors qu’il n’est pas encore question d’une reprise de participation significative de la Société générale de Belgique dans le capital d’ACEC, l’entreprise carolorégienne apparaît comme étant la seule entité de construction électrique intégrée du pays. ACEC dispose de quatre sièges d’exploitation situés à Charleroi, Herstal, Gand et Ruisbroeck-Drogenbos. En 1980, ACEC a regroupé dans "ACEC Noord" les sièges de Gand et de Drogenbos, ainsi que les activités de ses filiales Elnor, ENI et Barco Industries. En septembre 1982, la direction d’ACEC décide de ne plus investir à Charleroi au-delà de ce qui est strictement nécessaire - hormis en recherche-développement - et d’y arrêter toute embauche, après avoir cédé au groupe suédois Electrolux son secteur de produits son-vision-électrodomestique et mis fin aux activités du secteur micromoteurs.

12ACEC dispose en Belgique d’un ensemble de filiales, notamment : Elnor (détenue à 99,9%), COMASE (informatique appliquée à la gestion industrielle [6], filiale détenue à 99,9%), ENI (même pourcentage), ACEC International (détenue à 99,9%), Cogebi (détenue à 99,4%), ETCA (détenue à 50,9%, en association avec General Dynamics) [7], Barco Industries (écrans vidéo et messageries électroniques, société détenue, directement et indirectement, à 64,9%, conjointement avec la GIMV (35%) [8], Elphiac (détenue par le groupe ACEC à 99,6%). ACEC contrôle par ailleurs des filiales en Allemagne, aux Pays-Bas, en Irlande, en Suède, en France, en Argentine, au Brésil et au Portugal [9].

Le contentieux des relations sociales

13Sans retracer ici l’évolution du mouvement ouvrier aux ACEC depuis 1945 [10], certains éléments caractéristiques de son mode d’action méritent néanmoins d’être relevés. D’une part, les délégations syndicales ouvrières ont, au cours des années, mis au point une stratégie d’action en front commun et en intersièges, d’où la formulation de revendications et le recours à des actions concertées face à la direction des ACEC. D’autre part, si le souci de l’amélioration du statut social (notamment au niveau salarial) des travailleurs des ACEC reste important, la volonté se marque d’exercer un contrôle sur les objectifs économiques de l’entreprise et ce même après la prise de contrôle par Westinghouse. En troisième lieu émerge le souci d’élargir le contentieux socio-économique avec le patronat au plan politique, soit par des revendications relatives au rôle de l’Etat dans l’octroi des commandes publiques, soit par la lutte pour des avantages ou la défense d’acquis sociaux menacés par la politique gouvernementale (diminution du temps de travail, indexation des salaires). Ce mode d’action se heurte à une direction réputée socialement dure, ce qui donne lieu à deux conflits majeurs, en 1979 et 1982, dont les effets se font sentir durant les années ultérieures.

14Le premier conflit, déclenché le 19 mars 1979 à Charleroi pour l’obtention des 36 heures par semaine, une augmentation salariale et d’autres avantages sociaux - après l’échec des négociations régionales avec Fabrimétal - s’étendit aux autres sièges et ne prit fin que le 15 juin [11]. A Charleroi, les ouvriers obtinrent les 38 heures dès la reprise du travail et 37h30 au 1er décembre 1979 [12], une augmentation salariale de 3 francs et divers avantages, soit une hausse de charge salariale pour la direction de 7,4% alors qu’au départ les organisations syndicales revendiquaient une hausse globale de 16% et que la direction refusait d’aller au-delà de 3%. La durée exceptionnellement longue du conflit ne reflète pas uniquement la détermination des ouvriers à obtenir une diminution significative du temps de travail : elle est également liée à la fois à des pratiques peu orthodoxes de la direction et à l’affrontement sans concessions entre R. Dussart, président de la délégation syndicale et sénateur du Parti communiste de Belgique-PCB et J. Mayeur, directeur du personnel chez ACEC. Ainsi, vers la mi-avril, la direction décida la mise en chômage d’une partie des employés en arguant du cas de force majeure que constituait la grève des ouvriers. Au vu des vives réactions des employés, la direction retira sa mesure le 27 avril et conclut dans la foulée une nouvelle convention avec les employés (prévoyant notamment le passage aux 38 heures au 1er juillet 1979). Parallèlement, la direction des ACEC assignait au tribunal du travail G. Staquet (FGTB) et F. Cammarata (CSC), permanents régionaux, pour interdire aux syndicats le versement d’indemnités de grève à leurs affiliés, le conflit ayant été déclenché, selon la direction, à l’encontre des conventions en vigueur. Le tribunal se déclara incompétent le 9 mai et la direction n’insista pas. Enfin, le 7 juin, la direction exposa son point de vue devant une assemblée générale du personnel qu’elle avait elle-même convoquée.

15L’importance du conflit n’échappa à personne. La direction, après des tentatives de casser le mouvement, finit par céder, eu égard à l’impact de la grève sur la situation économique de l’entreprise, en considérant que ce n’était là que partie remise et qu’il y avait lieu d’améliorer la communication interne à l’entreprise. A partir de l’expérience des cercles de qualité chez Westinghouse, le premier cercle de qualité vit le jour aux ACEC le 25 janvier 1982 et le système se développa lentement, pour atteindre cinquante cercles dans l’ensemble des sièges début 1985 [13]. L’attitude syndicale, à part une réaction totalement négative, fut globalement teintée de réserves plus ou moins fortes. Par ailleurs, au plan syndical, R. Dussart accrut son crédit, non seulement au sein des ACEC, mais aussi face à la CSC et surtout à la FGTB régionale à qui l’opposaient des divergences de tactique et de politique syndicales.

16Le deuxième conflit important est lié à la problématique de l’indexation des salaires et prit la forme d’une multitude d’actions et d’arrêts de travail ponctuels entre la mi-mars et fin octobre 1982. Les travailleurs des ACEC revendiquent une compensation pour la non-indexation des salaires décidée par le gouvernement. Fin avril, un référendum auprès du personnel ouvrier donne une large majorité pour l’organisation d’actions en vue de lutter contre le blocage de l’index. Devant le refus persistant de la direction, les "actions-surprise" se développent jusque fin juin, puis reprennent fin août. Début octobre, les antagonismes subsistent, aucune négociation n’ayant eu lieu et la direction des ACEC, au vu de la désorganisation persistante due aux grèves ponctuelles, des retards de fabrication et du mécontentement des clients, veut absolument rétablir l’ordre social au siège de Charleroi. Elle décide dès lors l’arrêt de tout nouvel investissement et de toute embauche, ainsi que le blocage des nouvelles activités à Charleroi. Cela ne surprend pas outre mesure les délégations syndicales qui estiment que, non seulement le rythme d’investissements mis en œuvre depuis 1978 ne peut se prolonger indéfiniment, mais que la détérioration de l’emploi est déjà effective depuis plusieurs années, 500 emplois ayant été perdus entre 1978 et 1982.

17Au total, les années 1979-1982, révèlent un contentieux social particulièrement lourd aux ACEC. D’une part, une direction qui ne concède des acquis sociaux que sous forte pression syndicale et qui, par ailleurs, élabore un plan visant à bloquer le développement futur à Charleroi si l’action syndicale n’y devient pas davantage "responsable" et "respectueuse" des conventions sociales. D’autre part, une délégation syndicale qui présente un front FGTB-CSC, en concurrence mutuelle mais uni face au patronat, où l’action ouvrière est largement prédominante et qui, tout en luttant pour des améliorations salariales, choisit de mener l’essentiel de sa lutte au sein des ACEC sur des objectifs sociaux dépassant largement le cadre de l’entreprise et constituant des enjeux politiques, qu’il s’agisse de la diminution du temps de travail ou de l’indexation des salaires.

Les ACEC en 1983-1984

18En 1983 et 1984 [14], la conjoncture est défavorable pour les principaux produits d’ACEC : la production et la distribution d’énergie électrique (centrales nucléaires, hydrauliques, thermiques) pour lesquels la demande se tasse dans les pays industrialisés et diminue pour les pays en voie de développement du fait de leurs problèmes de financement ; la demande de fournitures d’équipements pour l’industrie (métallurgie, pétrole et chimie, cimenteries, construction navale, textile) stagne. Si le marché des transports ferroviaire et urbain reste actif, la négociation de grands contrats internationaux est ralentie et le transport maritime est en crise ; l’activité en matériel spatial (ETCA) est en expansion, les livraisons en matériel militaire plafonnent, tandis que des perspectives se dessinent en télécommunications et télématique (télex RTT, vidéotex Barco), en services informatiques et en microélectronique (Teleburotec et SDM). En 1984, ACEC se restructure en cinq groupes : énergie, transports, industrie, secteur tertiaire (qui comprend notamment la bureautique, la biotechnologie (avec la création d’Arbios à Charleroi et de Biotim à Anvers), l’utilisation rationnelle de l’énergie), défense et télécommunications.

19En termes de commandes, de chiffre d’affaires et de résultat net, l’évolution d’ACEC en 1983 et 1984 est plutôt mitigée, comme il ressort du tableau 1.

Tableau 1

Evolution des commandes, du chiffre d’affaires et du résultat net (1975-1984) (en millions de BEF)1

Tableau 1
1975-1978 1979-1982 1983 1984 Moyennes Moyennes Commandes 12.938 11.670 10.346 11.649 Chiffres d’affaires 12.660 12.807 14.622 12.639 Résultat net 52,5 -158 1 0 0

Evolution des commandes, du chiffre d’affaires et du résultat net (1975-1984) (en millions de BEF)1

1 La production et les résultats ont été influencés par la longue grève du personnel ouvrier en 1979.
Source : ACEC, Rapport annuel, 1984

20Par rapport aux tendances des années précédentes, on note le niveau relativement faible des commandes, particulièrement en 1983, se répercutant sur le chiffre d’affaires 1984. La légère reprise des commandes en 1984 ne suffit toutefois pas à assurer un volume d’activité suffisant, ce qui pousse la direction d’ACEC à recourir à de nouvelles mesures d’austérité. Par ailleurs, pour 1983 et 1984, le bénéfice net, qui atteignait respectivement BEF 108,9 millions et BEF 117,8 millions, est ramené à zéro par son affectation au remboursement d’une diminution provisoire de 5,5% des rémunérations consentie conventionnellement par le personnel appointé, dans le cadre du plan anticrise de 1983 et sous réserve d’une restitution liée aux résultats des exercices 1983 et suivants.

21La Société générale de Belgique se contente de mentionner dans son Rapport annuel 1983 [15], sa présence minoritaire dans ACEC, entreprise caractérisée comme axée sur deux types de produits : l’étude, la production et la vente de matériels électriques, mécaniques et électroniques et l’étude, la fourniture et le montage d’équipements électromécaniques et électroniques d’ensembles industriels. Par contre, le Rapport annuel 1984 mentionne comme une des quatre options fondamentales de la SGB la mise en œuvre d’une stratégie de développement centrée sur un nombre restreint d’activités sélectionnées "en fonction de leur potentiel de croissance, de leurs perspectives de rentabilité et des atouts dont le groupe dispose déjà" [16]. Dans cette perspective, un des champs d’action retenus est constitué par "la filière électronique/informatique/télécommunications" [17].

22Dès août 1984, Tractionel et Electrobel prennent une participation conjointe de 10,6% [18] dans la société Alcatel-Thomson-Gigadisc-ATG, filiale de la CGE, spécialisée dans la production et la commercialisation de disques optiques numériques pour le stockage de l’information. Dans les domaines susmentionnés, la filiale ETCA d’ACEC a participé à l’équipement de la fusée Ariane, tandis qu’est constituée, en partenariat avec la SRIW, la société Téléburotec et qu’un accord de licence est conclu avec le groupe suédois L.M. Ericsson pour participer au marché des centraux téléphoniques de la RTT. Le secteur "télécommunications" est incorporé à l’électronique militaire et spatiale qui constitue 3,8% du chiffre d’affaires d’ACEC en 1983. En 1984, le secteur "électronique militaire, spatiale et télécommunications" entre pour 6,5% dans le chiffre d’affaires d’ACEC. Quant aux filiales actives dans les domaines de l’électronique, de l’informatique et des télécommunications, leurs résultats sont en progrès, comme l’indique le tableau 2.

Tableau 2

Evolution des filiales ACEC en électronique, informatique et télécommunications

Tableau 2
Chiffre d’affaires (BEF millions) Bénéfice net (BEF millions) Effectifs 1983 1984 1983 1984 1983 1984 Barco 1.292,1 1.513 29,9 95,3 461 490 Comase 76,7 95,3 1.2 2,5 30 44 ETCA 232,7 628,8 0,6 3,5 23 19 SDM 10,6 64,8 -5,3 0,6 23 23

Evolution des filiales ACEC en électronique, informatique et télécommunications

Source : ACEC, Rapport annuel, 1984

23Ces résultats positifs ne suffisent toutefois pas à conforter la situation financière et sociale du groupe ACEC. C’est ainsi que, outre des mesures d’austérité salariale appliquées en 1983-1984, la tendance à la diminution de l’emploi, perceptible depuis 1975, se poursuit de façon permanente, comme l’indique le tableau 3, au niveau de l’ensemble du groupe, une certaine stabilité au sein des filiales et sous-filiales ne parvenant pas à contrebalancer les pertes d’emploi au niveau d’ACEC SA.

Tableau 3

Groupe ACEC : Evolution de l’emploi 1975-1984 (personnel inscrit au 31 décembre)

Tableau 3
1975 1980 1981 1982 1983 1984 ACEC SA 9.716 7.895 7.676 7.271 6.701 6.321 Filiales 7.516 6.824 7.607 7.982 7.753 7.491 Groupe 17.232 14.719 15.283 15.253 14.454 13.812

Groupe ACEC : Evolution de l’emploi 1975-1984 (personnel inscrit au 31 décembre)

Source : ACEC, Rapport annuel, 1984

Un calme social précaire

24Cette évolution n’a pas été sans inquiéter les travailleurs d’ACEC, mais la longue grève de 1979 et les remous sociaux de 1982 ont laissé des traces durables. Ainsi, pour la période 1983-1984, le degré de tension sociale semble présenter un profil relativement étale, les ACEC ne connaissant aucun conflit majeur. En 1983, c’est le plan anti-crise de la direction qui provoque des remous. Pour freiner des frais généraux jugés excessifs, la direction décide une restructuration des départements liée à des investissements de productivité, soumet les ouvriers au chômage technique (qui atteint 15% des salariés) et demande aux appointés de renoncer à 5,5% de leur rémunération sous forme d’un prêt remboursable à concurrence des bénéfices réalisés en 1983-1984. En mars, 58% des appointés d’ACEC marquent leur accord sur ces modalités, précisées dans une convention. Pour le reste de l’année, les arrêts de travail aux ACEC sont d’abord motivés par l’opposition à la politique du gouvernement Martens-Gol : arrêt de 24 heures le 16 juin et participation à une manifestation FGTB à Bruxelles, grève du 21 au 28 septembre en appui à la grève des services publics et pour des problèmes liés à l’aménagement du chômage partiel aux ACEC. Enfin, le 24 novembre, les propositions patronales en réponse au cahier de revendications 1983-1984 du personnel des ACEC (diminution du temps de travail, 5ème semaine de vacances, assurance-hospitalisation et maintien de l’emploi) sont acceptées en Flandre et en Wallonie par la CSC, la CNE et le Setca, mais refusées par les ouvriers FGTB à Liège et à Charleroi, sans qu’il y ait toutefois recours à la grève. Le protocole d’accord prévoit, outre 67 embauches, des modalités de diminution du temps de travail liées, dans certains sièges, à des actions de formation, ainsi que l’extension de l’assurance-hospitalisation.

25La majeure partie de l’année 1984 est également fort calme, hormis la participation des travailleurs des ACEC à une manifestation des sidérurgistes de Charleroi (le 2 avril), des arrêts de travail en soutien aux sidérurgistes (le 4 avril) ainsi qu’une grève des ouvriers d’entretien à Charleroi (le 28 août) pour protester contre le recours à des travailleurs extérieurs pour effectuer certaines tâches. Toutefois, la tension sociale resurgit en fin d’année à l’occasion de l’annonce par la direction d’un nouveau plan d’austérité nécessité, selon elle, par le niveau insuffisant des commandes (notamment dans le secteur transport), la trop grande dépendance à l’égard de commandes publiques souvent aléatoires (45% des commandes d’ACEC proviennent du secteur public, belge (25%) ou étranger (20%)) et le coût élevé de ses charges fixes. La direction veut dès lors conquérir de nouveaux marchés avec de nouveaux produits, donc intensifier la recherche et pratiquer des prix concurrentiels, moyennant un accroissement du chômage technique des ouvriers (qui passerait de 15% à 25% des salariés à Charleroi), une nouvelle réduction des appointements et la mise à l’arrêt de productions déficitaires (les divisions transformateurs à Gand et Charleroi et électro-thermique à Charleroi, qui occupent quelque 400 personnes). Simultanément la direction déclare vouloir investir à nouveau à Charleroi. Les négociations s’engagent à un double niveau : sur les modalités de mise en œuvre du plan de la direction et sur l’application aux ACEC de l’accord national 1985-1986 en fabrications métalliques. Quant aux appointés, les discussions continuent durant plusieurs mois en 1985, la position de départ du Setca et de la CNE consistant à refuser toute nouvelle diminution de rémunérations qui serait imposée par la direction. Le Setca pourrait accepter des mesures concertées, tandis que la CNE n’entrevoit qu’un nouveau prêt remboursable à terme défini.

26Chez les ouvriers, le front commun initialement formé sur les questions de la cinquième semaine de congés, de l’indexation des primes et du maintien de l’emploi, est rompu par la signature d’un accord, le 23 janvier 1985, par la CSC. Cet accord prévoit la prépension à 54 ans pour les ouvriers (elle concerne 284 personnes) et à 50 ans pour les ouvrières - ce qui diminue de 50% le chômage partiel -, l’octroi définitif de deux jours de congé (accordés pour la seule période 1983-1984), la garantie de 90% du salaire net pour chômeurs et prépensionnés jusque fin 1986. La FGTB réagit vivement en soulignant que la CSC, minoritaire aux ACEC avec 30% des affiliés, fait à nouveau cavalier seul et en mettant l’accent sur la faiblesse et le caractère temporaire (jusque fin 1986) des quelques avantages obtenus. La FGTB continue à revendiquer la 5ème semaine de congés et refuse toute paix sociale.

27Quelques mois avant le retour de la SGB, la situation est fort tendue aux ACEC. D’une part, la direction veut imposer une politique d’austérité et ouvrir des brèches entre ouvriers et employés et au sein du front commun ouvrier. Mais fin janvier 1985, si elle a obtenu un accord avec l’aval de la CSC, elle est à la merci des réactions de la FGTB et rien n’est encore conclu avec les employés. D’autre part, côté syndical, ouvriers et employés négocient en parallèle, il y a rupture du front commun ouvrier et, au sein même de la délégation FGTB à Charleroi, se font jour des divisions entre une majorité proche du PS, plus pragmatique et plus réaliste, et une minorité autour de R. Dussart, délégué principal et membre du Parti communiste, plus combative et encline à l’affrontement avec la direction. Cette stratégie d’épreuve de force permanente s’est avérée payante durant les années 1970, mais les séquelles de la grève de 1979 et des actions de 1982, conjuguées à la crise du secteur, dont les ACEC subissent le contrecoup, refroidissent bien des ardeurs combatives et privent partiellement R. Dussart du soutien massif qu’il avait toujours connu dans les conflits avec la direction. En outre, les relations sociales aux ACEC se déroulent toujours à un triple niveau : les problèmes spécifiquement liés à l’organisation du travail dans l’entreprise, les "temps forts" du renouvellement des conventions collectives de deux ans dans le secteur des fabrications métalliques, les actions interprofessionnelles (opposition à la politique gouvernementale, actions de solidarité régionales) se traduisant en arrêts de travail aux ACEC. La mécanique mise au point par R. Dussart commence à connaître ses premiers ratés, la situation plus précaire des ACEC tendant à inciter les travailleurs à davantage de prudence.

Le retour de la Société générale de Belgique (1985-1988)

28Les années 1985 et 1986 furent marquées à la fois par le retour de la Société générale de Belgique-SGB aux ACEC, en association avec le groupe français Compagnie générale d’électricité-CGE, et par la mise en œuvre d’un ensemble de mesures, financières et industrielles, destinées à déplacer le centre de gravité industriel des ACEC vers l’électronique et plus particulièrement les télécommunications. Ce faisant, la SGB alignait les ACEC comme une des pièces maîtresses de l’axe des télécommunications qu’elle visait à développer dès 1984. Cette reconversion ne s’opéra toutefois pas sans mal, notamment au plan social où les cessions de divisions et de filiales suscitèrent des remous, tempérés par la prise de conscience syndicale de ce que l’avenir des ACEC se jouait au sein de stratégies transnationales sur lesquelles il n’y avait guère de prise.

29Si, durant les années 1987 et 1988, l’offensive fut poursuivie au niveau des télécommunications, il fallut néanmoins assez vite déchanter, pour diverses raisons. D’une part, la SGB, quelle qu’imposante qu’elle fût au niveau belge, ne faisait pas le poids face aux géants des télécommunications, qu’il s’agisse d’ATT ou d’Alcatel (associant ITT et la CGE et où la SGB ne détenait que 5,6%) ; d’autre part, les atermoiements répétés des pouvoirs publics belges quant au "contrat du siècle" de la RTT et à d’autres commandes pesèrent négativement sur le chiffre d’affaires d’ACEC. Les efforts consentis par ACEC en recherche et développement, notamment au niveau des télécommunications, ne purent se traduire en captation de parts de marché suffisantes pour assurer la survie de l’entreprise. Enfin, la prise de contrôle de la SGB par le groupe Suez et les modifications stratégiques qui en découlèrent, ne firent que précipiter la fin de l’axe des télécommunications : retrait de la SGB d’Alcatel fin 1988, filialisation et cession des différentes composantes à des repreneurs internationaux.

Le retour de la SGB et les premières restructurations (1985-1986)

30L’année 1985 fut marquée, pour l’essentiel, par le retour de la SGB aux commandes des ACEC, dans la ligne de son rapprochement avec le groupe français CGE [19]. Fin juillet 1984, la SGB avait conclu une convention de coopération avec la CGE dans le domaine des technologies de pointe. Cette coopération fut renforcée par le rachat conjoint, le 29 mars 1985, des 42% encore détenus par Westinghouse dans le capital des ACEC. L’on procéda, en fait, à une double opération. D’une part fut créée une société holding de droit belge, la Compagnie européenne pour le développement électrique et électronique-CEDEE, constituée le 10 mai 1985 au capital de BEF 500 millions, détenu directement à 40% par la SGB et indirectement à 25% via Telfin (filiale commune de Tractionel et Electrobel) et à 35% par la CGE. Son objet était de constituer "(…) un réceptacle de participations dominantes dans des entreprises de technologie avancées, et en particulier dans (…) « ACEC »" [20]. La CEDEE, gérant également les parts déjà détenues par la SGB (8,9%), contrôlait ACEC à 50,9%, le solde étant aux mains de la banque Degroof (9,6%) et dans le public. D’autre part, le 19 avril fut constituée une société holding de droit français, Compagnie européenne de technologies avancées-EURTEC au capital de FRF 100 millions, détenu à 65% par la CGE et à 35% par la SGB. Son objet était de développer des actions dans les technologies nouvelles (réseau numérique à intégration des services, vidéocommunication, productique, intelligence artificielle, énergies nouvelles).

31A court terme, la captation de pouvoir dans ACEC semblait ouvrir une opportunité, pour la SGB et la CGE (via sa filiale CIT-Alcatel) [21], de mieux se positionner au niveau du "contrat du siècle" de la RTT, c’est-à-dire du renouvellement des centraux téléphoniques (un marché estimé, au départ, à quelque BEF 65 milliards en cinq ans) face aux fournisseurs traditionnels (ÎTT-Bell et GTE-ATEA) et à d’autres concurrents potentiels comme Siemens et Philips. A cet égard, les ACEC pouvaient présenter un point d’appui utile, essentiellement du fait de leur potentiel de recherche dans des domaines comme les télécommunications, dont la mise en application nécessitait le soutien d’un puissant partenaire industriel. Cela postulait toutefois un effort de redressement financier et une restructuration des activités plus traditionnelles des ACEC. La SGB, en prenant le contrôle d’ACEC, s’adjoignait une pièce d’importance dans son axe électronique-télécommunications-media, tout en se positionnant mieux pour les commandes de la RTT, tandis que la CGE pouvait à la fois espérer neutraliser un concurrent (en grands équipements électriques, métro lourd et construction ferroviaire), obtenir une part des commandes de la RTT, bénéficier du réseau européen des ACEC (notamment via Efacec au Portugal) et se développer au plan des télécommunications militaires dans le cadre du programme IDS.

Les premières restructurations

32La prise de participation majoritaire de la SGB et de la CGE dans le capital des ACEC recentra, en un premier temps, pour 1985, le plan à moyen terme élaboré par la direction des ACEC, autour de quatre axes :

  • priorité à l’électronique, en particulier dans ses applications aux télécommunications ;
  • sélectivité dans l’électromécanique pour privilégier les produits requis pour les systèmes industriels ;
  • adaptation des services commerciaux à ces options ;
  • absorption des charges du passé par désinvestissement des activités non essentielles et prise en charge accélérée du passif social cumulé (la charge des prépensions).
Cette orientation est poursuivie en 1986, notamment sur base de l’audit du consultant français Orgex rendu public début septembre 1986, qui émet à la fois un diagnostic et des recommandations. Orgex a mis en évidence un ensemble de handicaps : une structure de production trop lourde eu égard au chiffre d’affaires et notamment un morcellement excessif des activités ; des dysfonctionnements dans les services commerciaux et des faiblesses au niveau du marketing ; des prix en moyenne supérieurs de 25% à ceux de la concurrence. Au plan social, Orgex pointe les rémunérations trop élevées par rapport à la productivité et le coût des prépensions et du chômage partiel (qui dépasse 5% du prix de revient). Le consultant propose comme remèdes l’allègement des structures par la concentration des activités et l’abandon de produits sans avenir ou à faible rendement, une nouvelle structure de marketing, la réduction du prix de revient par l’amortissement des charges de prépension et par la diminution du personnel en proportion des activités maintenues, la vente de certaines activités rentables pour obtenir des liquidités.

33Les recommandations d’Orgex ne font, en définitive, que cautionner un train de mesures déjà arrêté par la direction d’ACEC sous la pression de ses actionnaires principaux. Il s’agit, d’une part, d’obtenir des ressources financières. A cet effet, il est décidé début juin 1986 d’accroître les fonds propres de BEF 1,524 milliard, de recourir à des emprunts à long terme (pour BEF 2,6 milliards) et d’accélérer le programme de cessions d’activités initié en 1985 [22]. D’autre part, les ACEC procèdent au recentrage de leurs activités autour de deux entités opérationnelles : l’électromécanique (qui comprend les activités en énergie électrique, transports et équipements industriels) et l’électronique (qui regroupe l’électronique de puissance, la télématique industrielle, les télécommunications, les activités spatiales et de défense), tandis que le marketing et la commercialisation sont regroupés en un seul pôle. ACEC s’oriente ainsi vers deux types d’activités (définies comme "activités d’excellence" permettant d’accéder à une part significative du marché mondial) : la réalisation de systèmes faisant appel à la télématique industrielle et à l’électronique de puissance et la production des équipements électriques et mécaniques requis à cet effet et les télécommunications (telex et télétextes pour la RTT en association avec le groupe français Sagem, télescripteurs, recherches en systèmes de transmission par fibres optiques, équipement des stations de base pour la mobilophonie avec le groupe finlandais Mobira).

34Ce recentrage a comme implication, outre la restructuration de certaines activités (regroupement des activités en chauffage domestique dans une nouvelle filiale, ACEC Heating, cession des activités d’électrothermie industrielle et de transformateurs) [23], un effort soutenu d’investissement en recherche et développement (BEF 1,565 milliard en 1985 et BEF 1,209 milliard en 1986, dont près de 60% dans les filières liées à l’électronique [24]) et une réduction importante du volume de l’emploi en fonction d’un chiffre d’affaires attendu de BEF 12 milliards. Ainsi, lors du conseil d’entreprise extraordinaire du 16 septembre 1986, la direction annonce la suppression de 1.140 emplois (739 salariés, 305 employés et 96 cadres), dont restent à négocier (outre les départs naturels et les prépensions) les modalités de départ de 210 salariés à Charleroi, 60 salariés à Drogenbos, 115 salariés et 45 employés à Herstal. La ponction au niveau de l’emploi est d’autant plus sévère que celui-ci n’a cessé de décroître, passant, pour ACEC SA, de 7.895 personnes en 1980 à 6.321 en 1984, puis à 5.807 en 1985 et à 4.744 fin 1986.

35Toutefois, la prise de contrôle par la SGB et la CGE n’a pas eu d’incidence immédiate sur les activités et les résultats d’ACEC en 1985 et 1986 [25]. En outre, la forte dépendance des ACEC par rapport à des commandes publiques en réduction sensible et sujettes à des lenteurs administratives et à des blocages politiques (c’est le cas du "contrat du siècle" pour les télécommunications) ne permettent pas de réaliser des performances appréciables. Ainsi, si les commandes reçues sont de BEF 13,119 milliards en 1985 et de BEF 11,056 milliards en 1986 (compte tenu des activités cédées), le chiffre d’affaires atteint BEF 13,516 milliards en 1985 et BEF 12,734 milliards en 1986, et l’on y note pour les deux années une progression significative des secteurs électronique et ingéniérie de systèmes. Quant aux résultats, le bénéfice d’exploitation 1985 se monte à BEF 743,5 millions, mais l’exercice se clôture sur une perte nette de BEF 997,047 millions du fait notamment d’un amortissement de BEF 515,6 millions d’engagements pris envers les prépensionnés en 1984 et de la constitution d’une provision de BEF 1 milliard pour couvrir le coût des prépensions en 1986. L’exercice 1986 s’avère nettement moins performant : une perte d’exploitation de BEF 718,964 millions et une perte nette de BEF 4,252 milliards liée à une charge extraordinaire de BEF 3,775 milliards due aux coûts de personnel provoqués par les réorganisations et les prépensions.

36Les différentes mesures, financières, sociales et de réorganisation industrielle prises en 1986 devraient normalement permettre à ACEC de repartir sur des bases assainies à l’horizon 1988, mais une série de questions demeurent en suspens, qui ne sont pas sans effet sur l’avenir de l’entreprise. Ainsi, l’incertitude persistante quant à l’attribution du "contrat du siècle" et d’autres commandes de la RTT fait peser une hypothèque sur l’engagement d’ACEC dans le secteur des télécommunications. A cet égard, la SGB avait, en juin 1985, conclu un accord avec Bell Téléphoné, qui a amené ACEC à rompre avec Ericsson. Un an plus tard, Bell-SGB (ACEC) - compte tenu de l’échéance du contrat de fournitures de la RTT en faveur de Bell et d’ATEA en octobre 1986 - propose, pour l’ensemble des besoins de la RTT (estimés à BEF 176 milliards en dix ans), l’attribution de 50% des commandes à Bell, de 30% à ACEC et de 20% aux autres, à savoir Siemens-Atea et Philips-ATT, qui ne l’entendent évidemment pas ainsi. C’est que ce contrat du siècle comprend [26], outre la commutation (les centraux et les lignes téléphoniques), les équipements périphériques (notamment le RNIS, combinaison texte-image-son alliant informatique, fibres optiques, satellites de télécommunication et téléphone et susceptible de bien des applications), ainsi que la possibilité, pour les fournisseurs de la RTT, de bénéficier d’un surcoût de 30% pour financer leur recherche et développement en télécommunications.

37Par ailleurs, l’accord conclu fin juillet 1986 entre ITT et la CGE prélude à la constitution d’un nouveau géant dans le secteur des télécommunications et modifie les enjeux au plan européen (dont il détiendrait 45% du marché). Alcatel NV résulte, en un premier temps, de la fusion des activités de télécommunications d’ITT (à savoir ITT Télécommunications qui réalise 30% du chiffre d’affaires d’ITT et dont Bell Téléphoné Manufacturing Company est la filiale belge) et de la CGE (à savoir Alcatel et ses filiales CIT-Alcatel et Telic, qui réalise 39% du chiffre d’affaires de la CGE). ITT y détiendrait 30% des parts, le solde, soit 70%, allant à un consortium devant comprendre, outre la CGE (60%), la SGB et le groupe espagnol Telefonica. En un second temps, la fusion est étendue au secteur câbles de la CGE (les Câbles de Lyon) et aux fibres optiques d’ITT. Dès lors, ITT détient 35% de la nouvelle société, la CGE plus de 50%, tandis que la part de la SGB (pour un montant de BEF 12 milliards) passe de 10% à 6% et que la participation de Telefonica devient de plus en plus improbable. Au plan belge, ce regroupement européen donne une autre portée à l’accord conclu entre la SGB et Bell et pourrait intéresser le secteur des câbleries où l’Union minière se trouve en position de force.

38Mais l’avenir d’ACEC dépend aussi d’autres commandes publiques en attente, qu’il s’agisse du transport automatisé urbain à Liège, du métro lourd bruxellois, de la centrale nucléaire N8 ou d’équipements pour la défense nationale. Ces retards irritent E. Davignon, directeur à la SGB, en charge d’ACEC qui, fixant en juin 1986 à ACEC comme objectif d’atteindre en quatre ans un chiffre d’affaires en hausse de 25% réparti entre l’activité en systèmes industriels (22%), l’électronique (44%) et l’électromécanique (34%), indique clairement que, faute d’impulsions en provenance des pouvoirs publics, ce programme pourrait se voir au moins en partie compromis. Fin 1986, les étapes du redéploiement d’ACEC sont tracées : à court terme, il s’agit de réussir, sans conflit majeur, le plan d’"élagage" social et l’orientation vers les secteurs d’avenir ; à moyen terme, il y a lieu de stabiliser la nouvelle structure industrielle, de réaliser des actifs d’ACEC à l’étranger pour se donner davantage de moyens financiers et d’obtenir le soutien des pouvoirs publics par l’octroi de commandes substantielles ; enfin, à long terme, ACEC peut alors espérer se redéployer par la production de systèmes industriels automatisés et par une pénétration significative sur le marché des télécommunications.

39Au travers de ces premières restructurations se profile une orientation d’ACEC vers des produits d’avenir (systèmes intégrés, télécommunications), orientation dont les leviers de décision ressortissent de plus en plus nettement de la politique de la SGB et échappent à la direction d’ACEC. Cette évolution conditionne également les relations sociales, les organisations syndicales étant obligées de développer une stratégie assez différente de celle qu’elles avaient utilisée avec succès durant les années antérieures.

Les réactions syndicales

40Durant la période 1985-1986, l’action syndicale aux ACEC va se polariser autour de trois points perçus comme cruciaux : en avril 1985, les employés mènent une grève contre les restrictions que la direction veut leur imposer (en prélude à des restrictions salariales plus globales) ; la prise de contrôle des ACEC par la SGB et la CGE suscite des prises de position syndicales critiques et, en 1986, le plan de restructuration et de diminution de l’emploi aux ACEC donne lieu à plusieurs mouvements sociaux préludant aux négociations qui s’engageront en 1987. Nous assistons à la fois à une période de transition entre les épreuves de force des aimées 1979 et 1982 et les luttes liées à la survie des ACEC en 1988 et à une mutation du cadre des relations sociales dont le centre de gravité se déplace des ACEC (bien qu’intégrés alors au groupe américain Westinghouse) vers la SGB, ce qui constitue un défi nouveau pour l’action syndicale.

41Le 7 février 1985, les employés d’ACEC observent 24 heures de grève en front commun pour s’opposer aux plans de la direction qui envisage plusieurs hypothèses pour diminuer la masse des traitements de 11%, à savoir une réduction de personnel, une prépension forcée, un remplacement des gratifications par une prime liée aux résultats de l’entreprise, un retour de 36 à 38 heures par semaine à revenu inchangé. Le 14 février, un référendum auprès des employés des différents sièges donne 87% des votes en faveur du recours à l’action si la direction refuse de prendre en compte les contre-propositions syndicales portant notamment sur des prépensions volontaires, des modalités d’un nouveau "prêt" à l’entreprise, le refus de licenciements et l’engagement de la direction de procéder à des investissements. Les négociations sont entamées en mars mais, devant le maintien des ponctions sur les traitements prévues par la direction (et déjà refusées au niveau des cadres), les employés se mettent en grève le 1er avril. Le mouvement se prolonge jusqu’au 22 avril à Charleroi, après un vote en intersièges ratifiant à 53,4% le contenu du nouvel accord proposé. Celui-ci prévoit, pour 1985-1986, outre le remboursement du solde des prêts consentis antérieurement par les employés, une embauche de 80 employés par an, le non-recours aux licenciements collectifs, le maintien du système de prépension en vigueur, un plan d’investissements, un plan d’épargne-pension et une réévaluation financière des gratifications en fonction des résultats de l’entreprise. Enfin, le 20 juin 1985, le Setca obtient de la direction un meilleur contrôle sur la gestion, notamment via une information annuelle sur les finances et les investissements, la politique de recherche-développement, les programmes de production et la politique de marketing.

42Du côté des ouvriers, deux faits sont à retenir : une grève de 24 heures de la FGTB le 29 mai contre le chômage partiel et en solidarité avec les ouvriers de CDC, grève à laquelle ne s’associe pas la CSC - pour la première fois depuis longtemps - car elle lui paraît peu justifiée. Une divergence d’approches qui ne fait que prolonger la rupture du front commun syndical. Tout en s’attaquant à la CSC lors d’une conférence de presse le 13 juin, la FGTB reconnaît l’existence de tensions en son sein, mais rejette le soupçon de noyautage de la majorité socialiste de la délégation (autour du vice-président R. Hennaux) par une minorité communiste (sous l’influence de R. Dussart). Or, en fait, il y a bien affrontement entre une ligne de politique syndicale plus modérée et plus sensible à la négociation, proche du PS, et un syndicalisme de combat plus radical et plus enclin à poursuivre une tactique de harcèlement de la direction. Toutefois, ces divergences vont passer à l’arrière plan dès lors que le contrôle d’ACEC aura changé de mains.

43L’essentiel des prises de position de l’intersiège FGTB en mai et juin s’articule en effet autour de l’interprétation critique de la prise de contrôle d’ACEC par la SGB et la CGE. Les délégués FGTB estiment avoir été mis devant un fait accompli et, au vu de la similitude de certains produits ACEC et CGE (gros équipements électromécaniques, transformateurs, matériel de traction), ils dénoncent les risques de démantèlement et de pertes d’emplois corollaires. La FGTB considère en outre que la direction d’ACEC ne détient plus le pouvoir de décision : "Il est "ailleurs". Où ? On ne sait pas. Et on ne sait pas à qui s’adresser, qui est le bon interlocuteur. La direction des ACEC est tenue à l’écart des négociations" [27]. La question se pose dès lors de la pertinence de la poursuite d’une stratégie syndicale qui, si elle a pu prouver son efficacité face à la direction d’ACEC, se voit dorénavant obligée de tâtonner à la recherche de l’interlocuteur, détenteur du pouvoir réel, qui se cache derrière le paravent d’une direction désormais réduite à exécuter des consignes venues d’ailleurs.

44Ainsi, durant l’année 1986, les organisations syndicales n’auront pas l’initiative et se verront acculées tantôt à formuler leurs craintes d’une restructuration radicale de l’entreprise et de ses conséquences sociales, tantôt à s’organiser pour s’opposer aux intentions des dirigeants des ACEC une fois qu’elles sont rendues publiques. En février 1986, la CSC et la CNE d’ACEC, tout en appréciant le nouveau dynamisme insufflé dans ACEC, expriment leur inquiétude de voir glisser des produits et des parts de marché d’ACEC vers la CGE en échange de l’accès, pour la SGB, au marché français des nouvelles technologies. Pour sa part, R. Dussart - qui quitte les ACEC en juin 1986 - identifie la SGB, en la personne d’E. Davignon, comme détentrice du pouvoir aux ACEC, où le rôle de la direction se borne à organiser la restructuration future en évitant des heurts sociaux majeurs. Mais l’analyse syndicale semble tourner court dès lors qu’il s’agit de mettre au point des stratégies qui, dépassant le cadre des ACEC, seraient susceptibles de peser sur la politique de la SGB, voire d’amener la CGE à préciser ses intentions. Il est significatif, à cet égard, qu’il n’est fait aucune mention d’un quelconque contact avec les organisations syndicales françaises présentes dans le groupe CGE.

45Ce n’est qu’en septembre 1986, une fois connu le plan de restructuration et de pertes d’emplois programmées au niveau d’ACEC, que la politique syndicale semble retrouver une certaine cohérence et une plus grande cohésion. FGTB et CSC refusent dès l’abord tout licenciement. Pour sa part, la FGTB contre-attaque en déposant un cahier de revendications comprenant les 32 heures/semaine et une revalorisation salariale pour compenser les effets de la modification salariale et les pertes d’emploi déjà subies. Le 16 septembre, à l’issue du conseil d’entreprise où sont rendues publiques les pertes d’emploi prévues, il y a un arrêt de travail à Herstal, où se déroulera une manifestation le 24 septembre. Les leaders de la FGTB liégeoise, C. Gluza et U. Destrée, expriment leur refus de négocier le volet social tant qu’ACEC ne réalise pas les engagements économiques promis, notamment une reconversion, après la cession d’Elphiac en 1985. En outre, la direction d’ACEC veut recentrer la division d’Herstal sur le seul secteur électromécanique qu’elle estimait en 1985 ne pouvoir, à lui seul, assurer la survie de cette division. Quant à la délégation FGTB de Charleroi (désormais présidée par R. Hennaux avec W. De Waele comme vice-président), elle entend d’abord discuter avec la direction de l’avenir industriel d’ACEC avant de négocier le volet social.

46Dans la foulée, les organisations syndicales rencontrent en septembre-octobre Ph. Maystadt et E. Knoops pour leur demander d’appuyer les dossiers des commandes publiques en faveur d’ACEC, puis J.-C. Van Cauwenberghe pour solliciter l’intervention du Comité d’animation et d’action économique du bassin de Charleroi-CAAEC dans le sens du maintien de l’emploi chez ACEC. Enfin, une démarche conjointe de ce comité, des secrétaires régionaux FGTB (G. Staquet) et CSC (J.-M. Lepage) et de l’administrateur-délégué d’ACEC, J.-L. Dalcq, chez W. Martens amène ce dernier à promettre une décision à bref délai pour le dossier RTT et le déblocage du financement du transport automatisé urbain à Liège. Ces promesses ne rassurent pas les travailleurs. Le 5 novembre, le front commun ouvrier arrête le travail à l’initiative de la CSC en exigeant des précisions sur le volet industriel et plus de clarté au niveau du volet social du plan, tandis qu’à la fin du mois les ouvriers d’Herstal acceptent la prépension dès 50 ans et 75 licenciements avec primes de départ. Par ailleurs, E. Davignon laisse entendre aux représentants syndicaux ouvriers et employés qu’ils doivent conclure rapidement un accord avec la direction d’ACEC, faute de quoi la SGB interviendrait elle-même.

47La tension renaît à Charleroi début décembre. Une grève éclate pour protester contre les pressions au transfert exercées, avec menace de licenciement, par la direction sur des ouvriers de l’électromécanique. Il s’en suit une vive polémique entre P. Klees, directeur, et la délégation FGTB d’ACEC qui redit son inquiétude quant à l’avenir des produits "de pointe" et défend le maintien de secteurs comme les grosses machines tournantes et la traction qu’elle appréhende de voir cédées à la CGE. Pour la CSC, la priorité est le maintien de l’emploi et, si elle ne suit pas la FGTB dans ses revendications salariales, elle s’accorde avec elle pour demander la prépension à 50 ans. Une première négociation s’engage le 12 décembre à Charleroi, la direction opposant aux revendications syndicales une augmentation de vingt minutes du temps de travail journalier, une diminution de 10% de certaines primes, des embauches à durée déterminée et un nombre de 326 travailleurs excédentaires (au lieu de 210), du fait de la révision à la baisse du chiffre d’affaires pour 1987 (BEF 10,5 milliards au lieu de BEF 12 milliards).

48Les réactions syndicales témoignent, on l’a vu, d’une volonté de maintenir l’emploi et d’obtenir les commandes publiques attendues, mais les actions destinées à soutenir ces objectifs sont sporadiques et dispersées, à Herstal et à Charleroi. La tension monte, la direction a clarifié ses intentions, les syndicats ont redit leurs inquiétudes pour l’avenir, mais chacun veut éviter à ce moment une épreuve de force que l’on pressent comme néfaste pour l’avenir de l’entreprise et ce d’autant plus que le pouvoir de décision réel échappe à la direction d’ACEC. Les syndicalistes ont effectué des démarches auprès du pouvoir politique et auprès d’E. Davignon, mais se voient en définitive renvoyés à la négociation avec une direction dénuée de pouvoir. Ils sont sous la contrainte de trouver un accord début 1987, faute de quoi la SGB trancherait elle-même, restructurations et pertes d’emplois à la clé, sans chercher nécessairement à en adoucir les effets sociaux.

Le mirage des télécommunications (1987)

49L’année 1987 est, à divers titres, à marquer d’une pierre noire pour ACEC. Les rationalisations sévères imposées aux commandes publiques suite aux accords de Val Duchesse ont lourdement hypothéqué l’avenir d’ACEC, notamment dans le domaine des télécommunications et révélé une de ses principales faiblesses, à savoir sa dépendance excessive à l’égard des commandes publiques, qui n’a pu être compensée par une croissance significative des commandes du secteur privé ou à l’exportation. Il en résulte un volume de commandes en chute libre par rapport à l’année précédente (BEF 5,794 milliards, soit une diminution de 48%) ; à défaut de croître en valeur absolue, la part des commandes du secteur électronique atteint 48,1% (dont 28,5% pour l’électronique militaire, spatiale et les télécommunications, voir tableau 4). Quant au chiffre d’affaires, s’il accuse une baisse sensible (BEF 10,659 milliards), il voit se prolonger la croissance de la part de l’électronique (34,8%) et notamment de l’électronique militaire, spatiale et des télécommuniations (15,8%), comme l’indique le tableau 5. En termes de résultats, ACEC accuse une perte nette de BEF 590,4 millions, qui résulte d’une perte courante de BEF 322 millions, de produits exceptionnels pour BEF 1,026 milliard (provenant pour une large part de plus-values liées à la cession des 51,4% détenus dans EFACEC) et de charges exceptionnelles à concurrence de BEF 1,290 milliard (liées à l’arrêt de l’activité transformateurs, à l’amortissement de charges de restructuration et à des réductions de valeur sur des immobilisations financières). La perte cumulée d’ACEC atteint ainsi BEF 5,829 milliards.

Tableau 4

ACEC SA. Evolution des commandes et part des principaux secteurs (1985-1987)

Tableau 4
1985 1986 1987 Total (BEF milliards) 13,119 11,056 5,794 Paît des secteurs (en %) 70,7 69,1 51,9 Electromécanique, dont : - Machines tournantes 19,7 19,3 13,6 - Transformateurs, appareillage 21,6 12,9 5,8 - Ingéniérie de systèmes 17,4 28,1 22,1 Electronique dont : 29,3 30,9 48,1 - El. industrielle 14,2 15,1 19,6 - El. militaire, spatiale, télécoms 15,1 15,8 28,5

ACEC SA. Evolution des commandes et part des principaux secteurs (1985-1987)

Source : ACEC, Rapports annuels
Tableau 5

ACEC SA Evolution du chiffre d’affaires, des parts des principaux secteurs et des résultats (1985-1988)

Tableau 5
1985 1986 1987 1988 Chiffre d’affaires (BEF milliards) 13,516 12,734 10,659 7,973 Part des secteurs (en %) : Electromécanique, dont : 71,0 69,5 65,2 71,9 - Machines tournantes 21,0 21,3 23,2 29,5 - Transformateurs, appareillage 18,0 17 14,7 4,7 - Ingéniérie de systèmes 18,4 23,1 19,2 25,7 Electronique dont : 29,0 30,5 34,8 28,1 - El. industrielle 18,5 17,1 19 13,1 - El. militaire, spatiale, télécoms 10,5 13,4 15,8 15,0 Résultat brut d’exploitation +743,0 -719,0 -401,0 -751,9 (BEF millions) Résultat net (BEF millions) -998,0 -4.256,0 -590,0 -3.492,9

ACEC SA Evolution du chiffre d’affaires, des parts des principaux secteurs et des résultats (1985-1988)

Source : ACEC, Rapports annuels

50Malgré ce bilan en net recul, l’effort d’investissement en recherche et développement au niveau des technologies de l’électronique (télématique industrielle, alimentation électronique des moteurs d’engins de traction, télécommunications et électronique spatiale) atteint BEF 1,030 milliard. La poursuite de cet investissement centré sur l’électronique à courant faible (et notamment les transmissions numériques et les terminaux en télécoms) ne suffît toutefois plus à assurer l’unité industrielle d’ACEC. Dès la fin de 1987, la direction d’ACEC laisse entendre que, pour chacun de ses grands secteurs, ACEC devra s’insérer dans des ensembles industriels plus importants "(…) car le marché belge ne suffit plus pour fournir un volume d’affaires permettant à ACEC de maintenir ses efforts en technologie et en commercialisation" [28]. Bref, il n’est plus question de se limiter à une politique de filialisation de certains sous-secteurs (comme pour l’activité moteurs de Drogenbos, devenue ACEC Motors, où ACEC est actionnaire minoritaire aux côtés du groupe français Leroy-Sommer) ou de cession de certaines activités (vente des parts d’ACEC dans EF ACEC, cession du secteur biotechnologies : Biotim à Fabricom et Arbios à OWS et ABAY, la part de 17,7% dans Ecuatran à des sociétés locales et au groupe norvégien National Industri) : c’est le démantèlement pur et simple d’ACEC qui sera à l’ordre du jour en 1988.

51Le constat de l’impuissance à assurer une activité autonome d’ACEC au sein de l’axe télécommunications du groupe de la SGB (une part minoritaire dans Alcatel NV et un contrôle indirect sur Bell Téléphoné) est révélateur du mirage qu’a constitué l’activité de télécommunications pour ACEC. La SGB a voulu privilégier ce secteur et lui a sacrifié un ensemble d’activités plus traditionnelles dont la cession a permis de générer un financement à court terme, mais a privé ACEC de rentrées régulières à long terme et d’une diversification qui, si elle gagnait à être progressivement resserrée, assurait à ACEC une certaine rentabilité. L’intervention de la SGB a élagué trop rapidement une série d’activités et a, de ce fait, accru la dépendance d’ACEC par rapport à un ensemble de commandes publiques dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles se sont révélées fort aléatoires.

L’impasse des commandes publiques

52Lors d’un interview [29], P. Klees, directeur général d’ACEC, explique en quoi les objectifs que s’était fixés la SGB pour ACEC ont été atteints. Les activités d’ACEC ont été réorientées autour de trois axes : les sytèmes faisant appel à l’électronique (le contrôle et la commande de processus industriels, les systèmes de transmission en télécoms), les produits-clés électroniques ou mécaniques de ces systèmes, les composants et équipements électroniques pour engins spatiaux et systèmes d’armes de défense. Cette réorientation s’est accompagnée d’une simplification des structures de l’entreprise, réduites à deux groupes opérationnels (électromécanique et électronique) et deux groupes fonctionnels : commercialisation (comprenant notamment une cellule marketing pour définir les couples produits-marchés) et planification et gestion (en vue d’identifier les marchés accessibles).

53Enfin, ACEC s’est fixé un objectif de chiffre d’affaires de BEF 12 milliards par an, dont quelque BEF 5 milliards provenant de commandes publiques en Belgique et BEF 5 milliards à l’exportation [30], le solde étant lié à des commandes privées. Cet objectif impliquait, sur base d’un chiffre d’affaires de BEF 3,5 millions par personne, une importante diminution du personnel, entamée dès 1986. Toutefois, la réalisation de l’objectif à l’exportation postule, outre une hausse de compétitivité et le remaillage du réseau commercial, de disposer d’une vitrine pour l’étranger : pour y remporter des contrats, ACEC doit pouvoir faire état de commandes, essentiellement publiques, obtenues en Belgique. D’où l’importance, par exemple, du contrat TAU à Liège pour l’exportation de projets en métro léger. Par ailleurs, les commandes publiques obtenues sur le marché national doivent fournir à ACEC des marges suffisantes pour pouvoir mener une politique de prix au coût marginal à l’exportation. Or cela n’est possible que si l’Etat belge accepte les offres d’ACEC, souvent effectuées à des prix supérieurs à ceux de concurrents étrangers. Ces différents éléments permettent de comprendre pourquoi ACEC a tellement besoin de commandes publiques.

54Or, début 1987, plusieurs de ces commandes sont soit bloquées (comme le projet de centrale nucléaire N8 à Doel dont ACEC attend BEF 1 milliard par an sur sept ans), soit en attente : le contrat du siècle pour les télécommunications (dont ACEC attend un montant de BEF 1,5 à 2 milliards par an) ; les commandes militaires (projet BAMS pour des postes de radio haute-fréquence, où ACEC est associé à Bell, MBLE et SAIT ; groupes électrogènes [31] ; mines antichar) dont ACEC attend BEF 1 à 2 milliards par an ; les commandes en transport ; métro lourd à Bruxelles, vicinaux à Gand, TAU à Liège, commandes de la SNCB. En fait, suite à la politique de restrictions budgétaires, la plupart de ces commandes seront annulées, reportées ou réduites.

55Ainsi le contrat du siècle s’est réduit comme peau de chagrin au fil des mois, pour ne plus atteindre que quelque BEF 50 milliards, au moment où est prise une première décision, à la mi-juin, au niveau de la RTT : les câbles sont attribués aux fournisseurs habituels (la nouvelle CDC, les Câbleries d’Eupen et de Dour pour BEF 10 milliards sur cinq ans) ; les autres équipements de transmission vont pour l’essentiel à Philips dont les prix sont inférieurs à ceux d’ACEC qui garde néanmoins les stations de base en mobilophonie (BEF 750 millions). Au plan des terminaux, ACEC garde les télex (BEF 480 millions sur deux ans). Quant à la commutation (les centraux téléphoniques), qui constitue la majeure partie du "contrat du siècle", soit BEF 30 milliards, les commandes sont réparties entre Bell et ATEA-Siemens. Pour ces différentes commandes, la RTT a imposé une réduction des prix à l’offre et mis fin au financement de la recherche pratiqué jusqu’alors sous forme de paiement d’un surprix, les bénéfices de la RTT pouvant, à l’avenir, être consacrés à ce financement. Des différents concurrents en lice, c’est ACEC qui est le plus atteint. A part les fournitures en mobilophonie et télex, la plus grande partie des équipements de transmission lui échappe et, du fait de l’accord conclu avec Bell [32], ACEC n’avait pas introduit d’offre en commutation.

56Interpellée, la SGB, en la personne d’E. Davignon, s’engage le 22 juin à rappeler aux ministres concernés que la réussite du plan de restructuration visant à maintenir une industrie de pointe à Charleroi dépend en grande partie des commandes publiques. Le 1er juillet, A. Decléty, ministre régional wallon de l’Economie, réunit, en table ronde, ministres et direction de la SNCB, E. Davignon et P. Klees. Guère de nouvelles positives pour ACEC : la SNCB renonce à sa commande d’automotrices dans l’immédiat, tandis que des promesses sont faites pour le métro bruxellois et le TAU, la décision à propos de la centrale N8 ne devant intervenir qu’en novembre. Au mois d’août, la RTT s’engage à financer à 80% les recherches pour le RNIS (BEF 200 millions sur cinq ans, dont 50% pour Bell-ACEC) et des projets pour la RTT (BEF 1,3 milliards, dont 48% pour Bell et 16% pour ACEC), ce qui accorde quelque BEF 230 millions à ACEC. Pour sa part, E. Davignon estime que les décisions des pouvoirs publics en matière de télécommunications recèlent des éléments positifs : les subsides à la recherche, le volume de commandes revenant à Bell, lui permettant de garder sa place au sein d’Alcatel NV et la possibilité pour Bell-ACEC de faire une nouvelle offre en transmissions en 1988. A propos d’ACEC, E. Davignon déclare qu’il faudra ajuster ses structures et donc son emploi aux nouvelles réalités du marché, ce qui laisse présager de nouvelles restructurations et indique la part prépondérante réservée, dans le groupe SGB et en accord avec la CGE [33], à Bell Téléphoné au détriment d’ACEC.

57Fin septembre, la direction d’ACEC estime que l’ouverture des marchés publics découlant du grand marché européen début 1993 impliquera des rationalisations au niveau des différents constructeurs et que, dès lors, ACEC se doit de rechercher des partenaires susceptibles de promouvoir la pénétration de nouveaux marchés par ACEC et de soutenir significativement ses efforts en recherche-développement. Ce prélude à un démantèlement d’ACEC est confirmé, fin novembre, par la direction de la SGB pour qui le faible niveau des commandes publiques (quelque BEF 800 millions) impose de nouvelles restructurations chez ACEC. Le 18 décembre, suite à diverses actions syndicales, la direction d’ACEC confirme l’existence de négociations avec des partenaires étrangers pour la reprise des différents fabricats d’ACEC. Le 21 décembre E. Davignon précise la structure envisagée : un holding de tête, ACEC, avec quatre filiales : électromécanique, nucléaire, transports, télécoms et télématique, qui seraient gérées en association avec des partenaires étrangers. Le projet d’éclatement d’ACEC, allant de pair avec une nouvelle rationalisation de l’emploi, devient réalité et l’année 1988 en verra la matérialisation, malgré les efforts déployés par la délégation syndicale pour éviter le démantèlement.

58Pour ACEC, l’année 1987 constituait en quelque sorte l’épreuve de vérité, du moins quant à ses prétentions au développement en télécommunications. S’il est vrai que le choc fut rude et que les maigres commandes publiques furent loin d’être à la hauteur des espoirs d’ACEC, il serait trop simple de mettre ses mécomptes exclusivement à charge des pouvoirs publics même si leur politique restrictive vint lourdement grever l’avenir d’ACEC. ACEC souffre en fait d’une triple dépendance : vis-à-vis de l’Etat pour une part importante de ses commandes, vis-à-vis de la SGB, qui y investi BEF 1,3 milliard mais a englouti BEF 10 milliards dans Alcatel NV pour n’y occuper qu’un strapontin, et vis-à-vis de Bell envers qui ACEC est lié par un accord limitant ses perspectives au seul domaine des transmissions. La marge de manœuvre de la direction d’ACEC est d’autant plus faible que le recentrage imposé par la SGB sur les seuls secteurs électromécanique et électronique a trop rapidement privé ACEC de débouchés plus stables bien que plus traditionnels. Cela a également empêché ACEC de compenser, à l’exportation où elle était déforcée vis-à-vis de grands groupes comme Alcatel NV [34], Philips, GEC, ATT, Siemens, la CGE, et, plus récemment, ABB [35], et auprès de la clientèle privée, le manque à gagner résultant de l’insuffisance des commandes publiques.

59On pouvait à ce moment se poser la question de savoir si, en reprenant ACEC en association avec la CGE, la SGB ne cherchait pas essentiellement à mettre la main sur le potentiel de recherche présent chez ACEC, notamment en télécommunications, au détriment des activités industrielles proprement dites qu’elle envisageait de revendre ou de filialiser, de manière à monnayer ce potentiel contre une plus grande influence chez Bell Téléphoné, voire dans Alcatel NV. Dans cette hypothèse, la carence des commandes publiques pouvait être un prétexte à saisir pour accélérer le démantèlement d’ACEC. Quoiqu’il en soit, il est apparu très rapidement que la stratégie de l’axe télécommunications avait fait long feu et que, pour pouvoir la développer avec quelque chance de succès, il eût fallu y investir des moyens financiers et humains nettement plus considérables.

Une strategie syndicale inopérante

60Si l’année 1987 a été par moments fort agitée chez ACEC, et principalement à Charleroi, elle ne vit toutefois pas déboucher les actions syndicales sur des résultats susceptibles de rassurer les travailleurs sur leur sort. L’activité syndicale chez ACEC s’est organisée autour du volet social du plan de restructuration présenté par la direction d’ACEC en septembre 1986 et de l’avenir d’ACEC. La première question fut réglée assez rapidement, pour les ouvriers et les employés, par un compromis accordant à la direction la diminution d’emplois souhaitée et aux délégations syndicales à la fois un assouplissement des restrictions financières prévues et l’assurance du non-recours aux licenciements jusque fin 1988. Le second problème fut souvent (en mars, juin, novembre et décembre) à l’avant-plan des préoccupations et des actions du front commun syndical. Critiquant à la fois l’absence de commandes publiques dans le chef du gouvernement, les choix industriels imposés à ACEC par la SGB et les lacunes dans la politique commerciale d’ACEC, le front commun syndical a voulu, par des arrêts de travail répétés mais aussi par des démarches auprès de la direction de la SGB et une manifestation à Bruxelles, infléchir aussi bien les options des pouvoirs publics que celles de la SGB. Ces efforts, s’ils parvinrent à mobiliser l’ensemble du personnel d’ACEC, y compris le groupement des ingénieurs, se révèlent néanmoins inopérants. Si bien que les organisations syndicales furent réduites à organiser des arrêts de travail et à recourir à des pratiques de séquestration de la direction pour être informées des restructurations prévues par l’actionnaire principal, à savoir l’éclatement d’ACEC en quatre entités destinées à être associées à des partenaires industriels étrangers.

61Dès le début de l’année 1987, les négociations reprennent chez ACEC à Charleroi avec pour objectif d’aboutir à un accord sur le volet social du plan de restructuration de septembre 1986. A la mi-janvier, les ouvriers sont appelés à se prononcer par référendum sur des nouvelles propositions patronales : la prépension dès 50 ans (avec 88% du salaire net), les prépensionnables étant mis en chômage de longue durée ; 123 départs volontaires avec une prime de quelque BEF 600.000 ; une diminution de la prime unique individuelle et un accroissement de 45 minutes de la durée hebdomadaire du travail. La FGTB ne défend pas l’accord car, s’il évite les licenciements il coûte aux travailleurs 6,85% de la masse salariale, affectés en partie à la prépension. Par contre, la CSC le défend en estimant qu’il faut accorder la priorité à l’emploi. Le 20 janvier, la proposition est rejetée par 808 voix (59,1%) contre 524. La direction d’ACEC propose quelques modifications qui atténuent l’effort financier demandé au personnel, mais accroît le nombre de départs attendus (155 personnes auxquelles s’ajoutent 60 personnes déclarées "inaptes") et limite les possibilités de prépension à 50 ans jusque fin 1988. Après de multiples discussions, la direction accepte de renoncer à tout licenciement en 1987-1988, mais fixe le nombre de 173 prépensions et de 123 départs volontaires avant la fin 1987 (si ce n’est pas le cas, certains avantages seront réduits) et propose des possibilités de formation pour faciliter la reconversion interne de certains travailleurs. Cette fois, les deux organisations syndicales défendent l’accord, qui est accepté début février à 52,2%. La convention sociale est conclue et assortie d’une paix sociale de deux ans.

62Au niveau des employés, la direction propose la prépension à 50 ans (obligatoire à Drogenbos et à Herstal, facultative à Charleroi et Gand) pour 190 personnes, un horaire de 7h45 par jour (avec compensation par 10 jours de congé), l’intégration partielle des gratifications dans les salaires et renonce à tout licenciement jusque fin 1988. Cette proposition est acceptée le 17 février par 54,03% des employés. La conclusion de ces deux accords ne suffît toutefois pas à apaiser toute tension sociale, essentiellement à Charleroi.

63En effet, deux arrêts de travail de 24 heures, les 12 et 26 mars à Charleroi, reflètent l’inquiétude croissante des travailleurs quant à l’avenir d’ACEC. Constatant l’absence de commandes publiques et en écho à des rumeurs de vente de certains secteurs (réglage des transformateurs, traitement thermique et construction soudée), les ouvriers redoutent la fermeture d’ACEC. P. Klees avait en effet laissé entendre au Comité d’action et d’animation économique du bassin de Charleroi-CAAEC que, faute de BEF 5 milliards de commandes publiques, il faudrait déposer le bilan d’ACEC. Les arrêts de travail signifient aussi la fureur des syndicalistes, ayant le sentiment d’avoir été dupés par la direction qui avait tu ces perspectives lors de la négociation du volet social. Par ailleurs, la FGTB accuse, fin avril, la direction et la SGB d’abandonner les productions traditionnelles d’ACEC pour se lancer dans des produits porteurs de rentrées financières sans doute plus importantes mais dont l’avenir est précarisé entre autres par leur dépendance vis-à-vis des choix politiques des pouvoirs publics. Cette même inquiétude se manifeste une nouvelle fois à Charleroi par un arrêt de travail de 24 heures le 11 mai et des arrêts épars le lendemain.

64En juin 1987, c’est le siège de Drogenbos qui est en effervescence suite à la non-obtention d’une commande de la Défense nationale, avec arrêts de travail, manifestation à Bruxelles, séquestration de membres de la direction. Par ailleurs, le 12 juin, la CSC et la CNE d’ACEC-Charleroi font le point lors d’une conférence de presse : les délégations syndicales accusent le gouvernement de réduire ou de différer des commandes importantes pour l’avenir d’ACEC ; elles reprochent à la SGB et à la CGE de tout miser sur les télécommunications dont les commandes apparaissent fort aléatoires et à la direction d’ACEC de mal préparer les dossiers soumis aux différents ministres concernés. Cette prise de position publique apparaît comme le catalyseur de l’inquiétude croissante de l’ensemble du personnel d’ACEC. Le 17 juin, des assemblées générales réunissant ouvriers et employés en front commun avec des représentants du groupement des ingénieurs, ont lieu dans les différents sièges. On y dénonce la faiblesse du carnet de commandes et l’absence de commandes publiques. Une délégation rencontre W. Martens en exigeant le déblocage des dossiers, tandis qu’une lettre est remise à E. Davignon, lui faisant remarquer que les travailleurs, ayant respecté leurs engagements, attendent de la SGB qu’elle fasse le maximum pour obtenir des commandes publiques. Le 22 juin, E. Davignon reçoit le front commun et une délégation d’ingénieurs des quatre sièges en présence de la direction. Il s’engage à effectuer des démarches auprès des ministres concernés pour souligner l’importance de l’obtention de commandes publiques pour ACEC. Le 23 juin, c’est l’ensemble du personnel d’ACEC qui exprime ses revendications et ses inquiétudes dans les rues de Bruxelles. Toutefois, cette succession d’actions et de démarches n’aboutit qu’à amener les pouvoirs publics à préciser leurs intentions, notamment lors de la table ronde organisée le 1er juillet par le ministre A. Decléty, mais ne suffit pas à forcer une quelconque décision de leur part en faveur d’ACEC.

65La tension sociale reprend en septembre quand la FGTB et la CSC se disent convaincues que l’éclatement d’ACEC en plusieurs PME se prépare et revendiquent un autre partenaire pour la SGB que la CGE [36], si l’on veut assurer l’unité future d’ACEC. Ce refus du démantèlement d’ACEC donne lieu, les 24 et 26 novembre, à de nouveaux arrêts de travail à Charleroi, le front commun syndical entendant ainsi manifester son refus de toute filialisation des secteurs d’ACEC qui entraînerait de nouvelles pertes d’emploi et l’éparpillement de la force de mobilisation ouvrière. La tension monte encore quand, le 3 décembre, les délégations syndicales occupent le bâtiment de la direction générale à Charleroi pour obliger la direction à faire la clarté sur la restructuration d’ACEC qui se prépare. Les organisations syndicales refusent que le marasme d’ACEC soit le seul fait de la diminution des commandes publiques : qu’en est-il des clients privés et de l’exportation ? Les syndicalistes de la CNE estiment, quant à eux, que si les résultats des recherches sont stimulants, leur commercialisation, notamment en électronique, ne suit pas. Le 17 décembre, c’est le conseil d’entreprise d’ACEC qui est séquestré, ce qui oblige la direction à indiquer qu’elle devra procéder à des regroupements de fabricats avec des partenaires étrangers, vu le niveau insatisfaisant des commandes. Le 22 décembre, nouvelle grève de 24 heures pour protester contre les projets de démantèlement d’ACEC. La fin de l’année connaît un regain d’intensité de la tension sociale, quand la direction d’ACEC licencie à Charleroi deux militants FGTB pour leur "manque de discipline" et leur "esprit négatif", ce qui entraîne l’exigence de leur réintégration par le iront commun syndical.

66Si la menace de démantèlement se profile, l’emploi, lui, n’a cessé de diminuer au cours de l’année. Fin 1987, le personnel disponible d’ACEC SA est de 3.295 travailleurs (contre 4.257 en 1986), le personnel inscrit atteignant 3.823 (contre 4.744 l’année précédente). Quant au groupe ACEC, compte tenu des diverses cessions intervenues durant l’année, il ne comprend plus que 6.750 personnes inscrites (contre 11.260 fin 1986).

67L’année 1987 se révéla fort décevante au plan de l’action syndicale chez ACEC. Ayant commencé par accepter, à de courtes majorités, les modalités sociales du plan de restructuration de la direction pour 1987-1988, les organisations syndicales furent rapidement confrontées à la dégradation de la situation industrielle de l’entreprise. Leurs actions (essentiellement des arrêts de travail de 24 heures) reflétaient plus leur exaspération et la crainte des travailleurs quant à l’avenir d’ACEC qu’une stratégie mûrement réfléchie en vue de reprendre l’initiative face à une direction de la SGB s’abritant derrière le prestige et l’habileté d’un E. Davignon tentant de canaliser le mécontentement du personnel vers les carences en commandes émanant des pouvoirs publics.

68Les interpellations visant E. Davignon et les ministres concernés par les commandes, tout comme la dénonciation de la stratégie de la SGB, si elles dénotaient une conscience critique chez les syndicalistes, ne pouvaient tenir lieu de stratégie visant à établir un nouveau rapport de forces qui eût pu obliger les dirigeants de la SGB et d’ACEC à modifier leurs options.

69En avril 1987, R. Dussart, désormais observateur à distance de l’évolution d’ACEC, notait très lucidement [37] que l’inquiétude quant à l’avenir d’ACEC ne pouvait faire oublier la stratégie de la SGB par rapport à l’entreprise : l’insertion d’ACEC dans un holding transnational (Alcatel NV) et l’utilisation des ressources d’ACEC en électronique et télécommunications au détriment des autres activités. Il estimait dès lors qu’il fallait créer des alliances avec les travailleurs d’autres entreprises industrielles des secteurs concernés, liés à la SGB, comme FN ou Bell, pour peser davantage sur le holding, plutôt que de se replier sur des actions locales au seul plan d’ACEC. C’est sans doute là que réside une des raisons de la relative inefficacité syndicale : une stratégie essentiellement centrée sur le siège d’ACEC à Charleroi, parfois accompagnée d’actions en intersiège ACEC, mais une absence de recherche d’alliances avec des travailleurs d’autres entreprises dépendant de la SGB, sans même parler de démarches vers les travailleurs d’Alcatel ou de la CGE. Il en est résulté une inadéquation entre les stratégies patronales se déroulant au niveau du holding SGB décidant des options industrielles d’ACEC et les stratégies syndicales confinées, pour l’essentiel, au niveau d’ACEC-Charleroi. Très logiquement, une stratégie syndicale aussi limitée ne pouvait avoir de réels effets par rapport aux desseins stratégiques de la SGB.

La filialisation d’ACEC (1988)

70L’année 1988 est importante à plus d’un titre pour l’avenir d’ACEC. Entre janvier et avril 1988 se déroule la lutte pour la prise de contrôle de la Société générale de Belgique entre la Compagnie de Suez et C. De Benedetti, Cerus et leurs alliés. Cette lutte se solde par l’acquisition de la Société générale de Belgique par Suez, après l’assemblée générale du 14 avril 1988 [38]. Dès la fin 1988, le groupe Suez procède à une restructuration des activités des sociétés contrôlées par la Société générale de Belgique. Dans ce cadre vient s’insérer le processus de filialisation d’ACEC, la perspective étant un désengagement aussi large que possible de l’actionnaire principal par la cession de la majorité des composantes d’ACEC.

71L’année 1988 voit aussi se prolonger la détérioration de la situation économique et financière d’ACEC apparue en 1987. Un chiffre d’affaires et un volume d’emploi en forte baisse, une perte nette d’autant plus importante qu’il a fallu constituer des réserves pour assurer le passif social, témoignent de la mauvaise santé de l’entreprise. Si bien que, début 1989 - suite également aux charges résultant de la filialisation - ACEC se retrouve avec des fonds propres en négatif (-BEF 1,628 milliard) et qu’une assemblée générale extraordinaire est appelée à se prononcer le 14 juin 1989 sur les conditions de survie d’ACEC devenue un holding gérant, outre les obligations sociales envers les prépensionnés et les pensionnés, ses participations dans un ensemble de filiales dont elle partage le contrôle avec des partenaires étrangers.

72La filialisation d’ACEC, c’est-à-dire le regroupement d’activités relativement semblables au sein de plusieurs entreprises distinctes mais liées au holding ACEC qui y détient des participations après rationalisation du personnel excédentaire et des activités ni prioritaires ni rentables, constitue l’événement central de l’année 1988. Elle implique, dans les faits, le démembrement de l’entité ACEC, certaines cessions (ACEC-Gand notamment) et l’association selon le type de produits, avec des opérateurs industriels étrangers plus puissants. Au plan social, les enjeux sont importants : de nouvelles réductions de personnel, la modification du statut des travailleurs repris dans les filiales et la remise en cause d’engagements pris envers prépensionnés et pensionnés. L’année sociale 1988 fut fort agitée chez ACEC mais, après différentes escarmouches, l’épreuve de force liée au plan de filialisation ne fit qu’accentuer la faiblesse syndicale, déjà manifeste en 1987 : malgré de multiples actions de grève, les délégations syndicales durent se borner à négocier le volet social du plan et à assurer au mieux les modalités de départ du personnel excédentaire et les conditions de travail des "rescapés". Notamment sous l’influence des dirigeants de Suez, la SGB et la direction d’ACEC parvinrent à museler l’opposition syndicale.

73Par ailleurs, l’année 1988 consacra aussi l’abandon de toute stratégie autonome de la SGB (puis du groupe Suez/SGB) en matière de télécommunications : retrait d’Alcatel NV et projet de filialisation d’ACEC-SDT (Spatial, Défense, Télécommunications) revenaient à octroyer à la CGE une influence accrue dans le secteur.

La mise en place de la filialisation

74Déjà évoquée fin 1987, la filialisation apparut rapidement, aux yeux des dirigeants d’ACEC, comme le seul remède à la situation catastrophique de l’entreprise. Selon la direction de la SGB, chaque activité d’ACEC ne pouvait en effet survivre qu’en se rattachant à un groupe industriel de taille mondiale dans son secteur. Au cours de l’année 1988, ACEC enregistra un volume de commandes de BEF 6,650 milliards, caractérisées par une légère reprise des commandes publiques (une commande de transformation de tramways pour la STIB, une tranche d’équipement de signalisation pour le métro bruxellois, le déblocage du projet B AMS pour la Défense nationale et des commandes de stations de base en mobilophonie) et quelques projets en télématique industrielle (rénovation du train de laminoirs à chaud de Boël et automatisation pour le train à chaud de Chertal), en électromécanique (aménagement hydro-électrique de Mobayi au Zaïre et une centrale géothermique au Salvador). Sur le marché des commandes privées en Belgique et surtout à l’exportation, ACEC, soumise à forte concurrence, souffre des lacunes d’une politique de marketing mal maîtrisée par la direction.

75L’année 1988 se clôtura, pour un chiffre d’affaires de BEF 7,974 milliards (en recul de 25% par rapport à 1987, du fait notamment de la faiblesse des commandes à long cycle et de la cession de plusieurs activités), par une perte de BEF 3,493 milliards. Elle résulte d’un transfert de BEF 2,955 milliards aux réserves immunisées, la perte brute atteignant BEF 538,2 millions [39], d’où une perte cumulée de BEF 9,323 milliards. Face à cela, le capital de BEF 2,8 milliards, les réserves de BEF 3,974 milliards, les prime d’émission, plus-value de réévaluation et subsides en capital pour un total de BEF 920 millions ne suffisent plus : les fonds propres de BEF -1,628 milliard sont de loin inférieurs au minimum légal.

76Parallèlement, le rétrécissement du volume de l’emploi s’est poursuivi, ACEC SA et ses divisions filialisées ne comptant plus, fin 1988, que 2.373 personnes disponibles, soit 1.028 ouvriers (moins 623), 826 employés (moins 203) et 519 cadres (moins 96), contre un effectif de 6.321 personnes fin 1984. Ces pertes d’emploi sont notamment liées au plan de restructuration qui fut adopté par l’assemblée générale des actionnaires d’ACEC le 8 juin 1988.

77Le plan de restructuration prévoit tout d’abord la filialisation des activités industrielles, regroupées en cinq divisions dotées chacune d’un personnel réduit : ACEC-Electromécanique (ACEC-EM), ACEC-Transport (ACEC-TRA), ACEC Contrôle Industriel (ACEC-CI), ACEC Spatial, Défense, Télécommunications (ACEC-SDT) et ACEC Turbopower Systems (ACEC-TS), ACEC devenant elle-même un holding chargé d’assumer les obligations sociales envers prépensionnés et pensionnés et les dettes des futures filiales. En un second temps, ces divisions seront filialisées par association avec des partenaires industriels plus puissants, dont l’effet attendu est, outre la poursuite des activités, la réduction des coûts de recherche et développement, la rationalisation de la production et de la commercialisation et l’ouverture de nouveaux marchés. Ces nouvelles sociétés seront "autonomes, dotées d’une trésorerie de départ, dépourvues de passif social et de dettes financières" [40].

78Fin 1988, la situation et les perspectives de filialisation sont les suivantes :

  • ACEC-EM (devenue ACEC-Energie), filialisée le 18 novembre 1988, comprend 599 personnes (307 ouvriers, 193 employés et 99 ingénieurs) et est contrôlée à 51% par Alsthom, filiale de la CGE, et à 49% par ACEC. Elle produit des machines électriques, des turbines hydrauliques et des équipements pour centrales électriques et nucléaires ;
  • ACEC-CI (devenue ACEC-Automatisme) est filialisée en janvier 1989 et occupe 257 personnes (26 ouvriers, 125 employés et 106 ingénieurs). Elle est contrôlée à 51% par CGEE-Alsthom et à 49% par ACEC. Son principal domaine d’activités est l’ingéniérie et la gestion de projets de systèmes de contrôle commande et de systèmes électriques et automatisés pour l’industrie lourde ;
  • ACEC-TRA est cédée en janvier 1989 à Altshom, qui en détient la totalité du capital ; elle comprend 414 personnes (254 ouvriers, 147 employés et 113 ingénieurs) et assure la signalisation, le contrôle et l’automatisation du transport sur rail et la traction électrique ;
  • ACEC-CS (Construction soudée) est cédée pour 90% à la société Cassait, 10% restant détenus par ACEC ; elle occupe 40 personnes ;
  • ACEC-OSI (Organisation et services informatiques), filiale à 100% d’ACEC, constituée en mars 1989 avec 60 personnes ;
  • ACEC-TS (la division de Gand) est cédée en avril 1989 à Asea Brown Boveri et occupe 132 personnes (65 ouvriers, 42 employés et 25 ingénieurs) dans le domaine des turbines à vapeur et des turbo-détendeurs.
Le holding ACEC occupe une vingtaine de personnes.

79En mai 1989, il reste à filialiser :

  • ACEC-SDT (Espace, Défense, Télécommunications), occupant 661 personnes (315 ouvriers, 204 employés et 142 ingénieurs) et couvrant les domaines de l’électronique spatiale et de défense et les télécommunications ;
  • ACEC Pompes centrifuges, liée au secteur pétrolier et occupant quelque 70 personnes.
Au total, au terme de la filialisation, ACEC et ses filiales ne devraient plus compter que 2.253 personnes, chiffre qui est déjà presque atteint fin 1988.

80La filialisation va de pair avec la cession d’un certain nombre d’actifs du porte-feuile d’ACEC. Il en est ainsi de la participation de 57% dans Barco Industries qui est cédée pour BEF 3,5 milliards à la GIMV en décembre 1988 ; ACEC vend ses filiales ACEC Zaïre et Kiepe Elektrik (vendue à Alsthom en novembre 1988), cède 80% de ses parts dans COMASE pour n’y garder que 10% début 1989 et envisage de céder, en 1989, ACEC Heating, Elnor et ACEC Ballast.

81Par ailleurs, estimant ne plus pouvoir faire face sur ses ressources propres au coût des désengagements sociaux (BEF 2,435 milliards pour la seule période 19851987), le holding ACEC introduit une demande d’intervention auprès du Fonds des fermetures, tout en récoltant des revenus de la location de bâtiments, de la gestion et des dividendes des filiales. Cela ne suffit toutefois pas et, fin novembre, la SGB fait officiellement savoir que, si la CEDEE est prête à contribuer pour BEF 1 milliard (soit BEF 650 millions pour la SGB et BEF 350 millions pour la CGE) au coût social de la restructuration d’ACEC, elle invite les autres parties à en faire autant. Elle attend donc BEF 600 millions des institutions publiques de crédit et de la Région wallonne [41], BEF 1 milliard du Fonds des fermetures [42], BEF 600 millions des prépensionnés et BEF 100 millions des pensionnés d’ACEC pour couvrir le passif social qui atteint BEF 6,5 milliards, dont une bonne moitié est prélevée sur le patrimoine d’ACEC. La demande d’amputation de l’équivalent de 15% de leurs avantages complémentaires suscite l’opposition véhémente des 1.600 pensionnés et des quelque 4.000 prépensionnés d’ACEC [43]. FGTB et CSC refusent toute négociation sur ce point, d’autant que le financement, à cet effet, du holding ACEC provient pour partie de l’apport des partenaires étrangers repreneurs des filiales et qu’Alsthom, lors de la reprise d’ACEC-Energie, y a investi sa part comme fonds de roulement, privant ainsi le holding ACEC d’une rentrée non négligeable. En outre, le front commun syndical estime que céder à la requête d’ACEC qui, pour modifier la convention, a besoin de l’accord explicite de ses ex-travailleurs, ce serait risquer de remettre en question toutes les conventions de prépension. Fin décembre, la direction d’ACEC menace de ne plus payer aux prépensionnés le capital leur tenant lieu de pension complémentaire dès leur 60ème anniversaire, ce qui ne fait qu’accroître une tension sociale qui a affecté ACEC durant toute l’année 1988.

82Mais avant d’examiner l’évolution des relations sociales chez ACEC, il convient d’analyser quelque peu à la fois l’intérêt pour Alsthom de reprendre certaines activités d’ACEC et le retrait de la SGB de l’axe pourtant réputé "stratégique" des télécommunications. Alsthom, filiale de la CGE, réalisait en 1987 un chiffre d’affaires consolidé de quelque BEF 172 milliards, principalement dans l’électromécanique et le transport ferroviaire. Face à la saturation des marchés et à la concentration industrielle dans ces secteurs (où Alsthom affronte ABB, Siemens et GEC), la stratégie d’Alsthom consiste à s’implanter sur les marchés étrangers en Europe (acquisition de 45% de MAN Energie - turbines à vapeur - en République fédérale d’Allemagne, majorité dans ACEC-Energie et projet de reprise d’ACEC-Transport dans la perspective de l’obtention de commandes publiques, obtention de commandes en matériel ferroviaire en Espagne) ou ailleurs (création de sociétés mixtes en Chine pour la coproduction de matériel électrique). Les acquisitions de certaines divisions d’ACEC contribuent à renforcer la stratégie multinationale d’Alsthom qui procède par absorption d’entreprises moyennes et fusion avec des groupes plus importants dans ses créneaux stratégiques.

83Quant au retrait des télécommunications en décembre 1988 - qui fait suite à la cession des câbleries aux Câbleries de Lyon, filiale de la CGE -, elle apparaît comme dictée par Suez à la SGB, notamment par l’urgence d’engranger des liquidités et parce que ce secteur n’est pas (sauf à y consacrer des investissements très considérables) une priorité pour les nouveaux actionnaires de la SGB. C’est pourquoi Belgatel Nederland NV, filiale de Belgatel (détenue à 56% par la SGB et à 20% par Tractebel) cède ses 5,16% détenus dans Alcatel NV à la CGE et à ITT [44] pour BEF 10,24 milliards dont une partie sera consacrée à accroître, de 2,8% à 4,2%, la part de la SGB dans le capital de la CGE, le solde venant renforcer les liquidités de la SGB. Le retrait d’Alcatel NV et la filialisation d’ACEC [45] consacrent l’échec de la stratégie télécommunications chère à E. Davignon.

L’effritement de la force syndicale

84La perspective, puis la mise en œuvre du plan de restructuration impliquant la filialisation d’ACEC constituent l’axe central des actions et des réflexions syndicales en 1988. Leur principale caractéristique réside dans l’absence d’alternative et dans l’incapacité des organisations syndicales à mener la lutte sur un terrain autre que celui délimité par la direction, à savoir l’aménagement du volet social de la restructuration. On constate en effet que, malgré de nombreuses actions (grèves, manifestations, occupation), le front commun syndical - pas toujours unanime - ne réussit plus, comme dans les années 1970, à prendre l’initiative dans l’épreuve de force qui l’oppose à la direction d’ACEC et au groupe Suez/SGB. Globalement, les organisations syndicales chez ACEC ont d’abord dû faire face à différentes manœuvres de la part de la direction, qui ont laissé des traces au sein de la délégation FGTB. En février-mars, un premier long conflit ayant pour enjeu la survie du siège, a agité ACEC-Herstal, qui cède le relais à Charleroi où se manifeste dès le mois d’avril l’opposition au plan de restructuration. La problématique est double : négocier des conditions de départ acceptables pour le personnel "excédentaire" et assurer le statut des travailleurs (ouvriers et employés) repris dans les filiales. Sur ces deux points, les délégations syndicales ont dû se borner à limiter les dégâts, sans pouvoir empêcher le démantèlement de fait de la société.

85La direction d’ACEC a mené, à plusieurs reprises, une guerre des nerfs contre la délégation et les militants FGTB à Charleroi. Fin 1987 déjà, deux militants étaient licenciés pour "attitude négative" et "indiscipline", en violation de la convention de non-licenciement en vigueur. Il en résulte une grève de 24 heures le 5 janvier, mais la délégation syndicale refuse la grève au finish, de crainte de voir la direction saisir cet affrontement pour accélérer le plan de restructuration. Les deux militants ne seront pas réintégrés. Deux jours plus tard, la délégation FGTB est ébranlée par un "scandale" : le secrétaire de la délégation syndicale, W. De Waele, est surpris en tête-à-tête avec le directeur P. Klees et est exclu de la délégation. Le délégué proteste de son innocence ; il pensait rencontrer le directeur pour discuter des deux licenciements et est tombé dans un piège qui le discrédite auprès de ses collègues. Une semaine plus tard, la délégation FGTB, s’estimant en butte à une provocation patronale visant à rompre sa cohésion, réhabilite W. De Waele qui retrouve son mandat de délégué. Dès ce moment, apparaissent deux tendances au sein de la délégation FGTB : une tendance modérée autour de R. Henaux, cherchant à négocier des accords sociaux pour éviter la faillite d’ACEC, et une tendance plus radicale qui, à la suite de L. Mengoni, conteste le principe même de la restructuration, refuse toute perte d’emploi et opte pour le recours à l’action directe. Tout au long des conflits ultérieurs avec la direction, cette dualité de stratégies affaiblira la force d’action de la délégation FGTB.

86Enfin, fin avril, la direction licencie dix ouvriers et adresse un avertissement à quatre délégués FGTB accusés d’avoir été à l’origine de la grève qui a éclaté à Charleroi le 26 avril. Le 3 mai, la grève prend fin, les licenciés sont réintégrés mais inscrits sur la liste des chômeurs de longue durée. Cette fois, la direction avait été explicite : en cas de prolongement de la grève, elle aurait appliqué immédiatement le plan de restructuration et procédé à de nombreux licenciements. Ces quelques incidents sont révélateurs d’une tactique de harcèlement dans le chef d’une direction qui a réussi, depuis le départ de R. Dussart, à renverser en sa faveur un rapport de forces dont la maîtrise lui avait souvent échappé durant les années antérieures.

87Le premier conflit d’envergure est déclenché à Herstal. Une grève de 24 heures, le 1er février, manifeste l’inquiétude des travailleurs quant à l’avenir de cette division dépendant à la fois de la commande du TAU et de nouvelles implantations en électromécanique qui se font attendre. Le 11 février, les travailleurs empêchent toute sortie de produits finis et manifestent devant l’hôtel de ville de Liège pour attirer l’attention du pouvoir communal et des responsables de la Société des transports intercommunaux liégeois-STIL sur l’urgence de la commande pour le TAU. D’autres actions suivent : séquestration de la direction (le 26 février) et actions de harcèlement à partir du 29 février, pour déboucher sur une grève totale le 8 mars, déclenchée contre l’intention de la direction de récupérer la perte de l’exercice 1987 (BEF 60 millions) par l’accroissement du temps de travail et une moindre intervention dans le chômage partiel, dont le taux monte à 50%. Un accord intervient finalement le 22 mars. Le revenu net est maintenu, l’emploi est garanti jusque fin 1988, mais les crédits d’heures syndicaux sont rabotés et les travailleurs doivent accepter le principe de leur mobilité professionnelle. Le conflit rebondit néanmoins à la mi-octobre, en l’absence d’éléments nouveaux et au vu de l’accroissement du chômage partiel : arrêts de travail, manifestations à Liège puis, le 30 octobre, devant le siège de la SGB à Bruxelles, sans que cela suffise à débloquer la situation ni à obliger la direction à attribuer une part des nouvelles commandes publiques à Herstal. Par ailleurs, un accord est conclu en mars pour le maintien d’ACEC-Drogenbos ; il prévoit, outre le développement d’une activité électronique, une garantie d’emploi aux mêmes conditions qu’à Herstal.

88C’est au niveau d’ACEC-Charleroi que l’affrontement est le plus vif et le plus long, eu égard au fait qu’il constitue l’épicentre de la restructuration. Dès le mois de février, on y observe plus que des nuances entre les positions des deux organisations syndicales. Pour la FGTB, une riposte aux intentions patronales est nécessaire, mais difficile ; elle craint une diminution d’emplois via le chômage de longue durée ; les discussions sont compliquées par le fait que la direction d’ACEC exécute les directives de la SGB (elle-même à ce moment au centre de la lutte pour son contrôle entre Suez et De Benedetti) et elle constate que les travailleurs d’ACEC ont déjà dû acepter une diminution salariale pour financer en partie les prépensions. Enfin, tout en refusant le démantèlement mais en admettant implicitement une filialisation sous contrôle d’un ou de groupes belges [46], la délégation FGTB souhaite se concerter avec les délégations syndicales de la FN et les câbleries, contrôlées elles aussi par la SGB. Cette perspective, pour intéressante qu’elle soit, ne sera néanmoins jamais mise en pratique. Pour la CSC, la filialisation est la moins mauvaise solution ; il s’agit toutefois de tenter de sauver le plus possible d’emplois par le maintien d’un maximum de filières susceptibles de redémarrage et, en tout cas, d’éviter la faillite d’ACEC.

89A la mi-février toutefois, les délégations syndicales, tout comme le groupement des ingénieurs, incriminent l’absence d’informations précises au sujet du plan industriel, à un moment où, par ailleurs, la bataille fait rage pour le contrôle de la SGB. C’est l’objet d’une première grève d’avertissement les 17 et 18 février, inaugurant un ensemble de mouvements de grève qui vont s’échelonner entre fin avril et fin juin. Entre-temps, les délégations rencontrent F. Sureau pour Cerus, qui leur explique la volonté de C. De Benedetti de développer des projets industriels, notamment pour ACEC, dont le démantèlement lui paraît exclu. Dès lors, en l’absence persistante de plan industriel précis et eu égard aux menaces pesant sur l’emploi, notamment suite aux exigences formulées par Alsthom lors des négociations pour la reprise d’ACEC-Energie et D’ACEC-TRA [47], les travailleurs d’ACEC-Charleroi repartent en grève du 26 avril au 2 mai. La tension est d’autant plus vive que la direction d’ACEC pratique une politique de non-information qui permet la circulation des rumeurs les plus diverses et avive les inquiétudes du personnel. Les premières négociations sur le volet social du plan proposé par la direction s’engagent à la mi-mai. Les délégations syndicales ont reçu un double mandat du personnel (à la suite d’un référendum qui rejette à 83% le plan patronal) : négocier le contenu du plan, puis négocier les modalités de dégagement du personnel. Sur ce dernier point, les délégations syndicales proposaient, pour les 444 ouvriers excédentaires, une prime de départ de BEF 140.000 par année d’ancienneté. La direction se limite à une prime de BEF 400.000 par départ volontaire, montant porté à BEF 500.000 début juin.

90Face aux propositions de la direction, la délégation CNE estime d’une part que le dégagement de personnel doit s’effectuer prioritairement par prépension et, en cas de licenciements, qu’il y a lieu de recourir au Fonds des fermetures ; d’autre part, elle revendique un contrôle financier sur le futur holding dont relèverait, en outre, l’ensemble du personnel (avec son statut social) qu’il louerait aux filiales. Cette prise de position n’est toutefois pas relayée au niveau ouvrier, où l’on observe une nouvelle grève de 24 heures le 13 juin, à la veille de négociations où la direction définit ses critères de licenciement (motivation au travail, polyvalence, formation spécifique, absentéisme et charges de famille) et ajoute une prime de dédommagement moral au préavis légal pour les licenciés. Ceux-ci seraient au nombre de 353 [48], compte tenu de 47 départs volontaires. La réaction ne se fait pas attendre ; dès le 16 juin, une assemblée des ouvriers décide à 83% la grève totale, qui durera jusqu’au 4 juillet.

91L’enjeu de cette "ultime" épreuve de force est double : d’une part, elle porte sur des alternatives au licenciement (chômage partiel ou de longue durée, reclassement dans la région) et sur un accroissement substantiel des primes de départ ; d’autre part, il s’agit de négocier le statut futur des travailleurs des filiales à qui la direction veut imposer un allongement de la durée du travail (39h30 par semaine) sans accroissement de salaire. Durant la grève les négociations se poursuivent et la majorité au sein des délégations syndicales ouvrières est d’avis que, s’il s’avère impossible d’éviter les licenciements (dont le nombre est descendu à 285 suite à 115 demandes de départ volontaire), il faudra en négocier au mieux les conditions. Le front commun syndical connaît toutefois plusieurs failles : il n’y a pas d’unité entre ouvriers et employés, ces derniers restant au travail et, en outre, les ouvriers sont divisés sur la tactique à adopter. Les plus radicaux refusent tout licenciement et toute modification statutaire et poussent à la grève au finish en prônant l’occupation, tandis que l’aile "réaliste" de la FGTB et la CSC se limitent à l’amélioration du volet social du plan de restructuration. Mettant à profit ces divisions, la direction annonce l’envoi à l’ensemble du personnel ouvrier d’une lettre stipulant soit le licenciement "en raison de l’important manque de travail résultant de causes économiques" à une date non précisée, soit la filiale à laquelle il sera affecté.

92Le 27 juin, un préaccord intervient pour les ouvriers après de longues heures de négociation. Il est soumis, sans être défendu, par les délégations syndicales à un référendum du personnel et porte sur les points suivants : le statu quo pour les prépensionnés ; des modifications de statut pour le personnel des filiales : 38 heures par semaine avec maintien du salaire horaire, trois jours de congés en moins et l’attribution d’augmentations salariales en fonction du mérite ; enfin, compte tenu de 130 départs volontaires, il est prévu 200 licenciements (avec des indemnités oscillant entre BEF 450.000 en cas d’ancienneté inférieure à vingt ans et BEF 500.000 au-delà), la constitution d’une cellule d’aide au reclassement et certaines formules de chômage de longue durée. Le 1er juillet, sur 85% des bulletins qui ont été remis, 71,8% optent pour le contenu du préaccord, 26,2% pour la grève au finish et 2,2% sont nuis. Ce résultat conforte la tendance modérée, mais confirme aussi l’affaiblissement de l’opposition syndicale, les délégations n’ayant en définitive pu obtenir que certains aménagements sociaux, sous la contrainte de la cessation d’activités avancée par la direction.

93Le 4 juillet, les employés adoptent à leur tour, à 80%, les propositions de la direction, qui prévoient une quarantaine de prépensions à 50 ans, quelque 110 licenciements avec une indemnité minimum de BEF 450.000 et, pour les employés des filiales, des modifications analogues à celles concernant les ouvriers. La direction d’ACEC a réussi à faire passer l’essentiel des revendications d’Alsthom et peut dès lors conclure un accord définitif, le 3 août, qui entérine la filialisation d’ACEC-Energie, contrôlée désormais à hauteur de 51% par Alsthom. Le processus de démantèlement d’ACEC est sur les rails et devrait être parachevé au cours de l’année 1989.

94Si défaite syndicale il y a eu, le pire - la faillite d’ACEC - a été évité et il faut bien reconnaître que les travailleurs d’ACEC, principalement à Charleroi, se sont retrouvés isolés dans leur lutte pour l’emploi : pas de solidarité active d’autres entreprises ni de soutien des fédérations syndicales régionales, peu ou pas d’appui politique. R. Dussart dénonça en juillet l’indifférence et le silence du monde politique et des pouvoirs publics régionaux et locaux, interpellés pourtant à plusieurs reprises par les travailleurs d’ACEC. Si, en juin, B. Anselme, ministre-Président de l’exécutif régional wallon, a entendu chez ACEC les arguments des deux parties, il s’est borné à subordonner toute intervention régionale à la mise au point d’un accord social [49]. Pour sa part, Ph. Maystadt avait souligné, en février, la nécessité de filialiser, mais à condition qu’ACEC demeure majoritaire dans les filiales et, en août, il reconnaissait que le gouvernement n’avait que trop tardé au niveau de plusieurs commandes, dont certaines seront effectivement débloquées fin 1988. Quant au Comité d’action et d’animation économique du bassin de Charleroi-CAAEC, il fut remarquablement discret, alors qu’il ne pouvait ignorer l’importance pour la région de disposer du potentiel de recherche ACEC. Ces quelques prises de position ne suffisaient pas, à l’évidence, à assurer non seulement l’emploi mais, à terme, la survie des différentes filiales. D’ailleurs, en n’y prenant au mieux que des participations minoritaires, la SGB amorçait un premier désengagement d’un dossier que les dirigeants de Suez s’accordaient à reconnaître comme particulièrement encombrant.

95Au plan des relations sociales, il est apparu que le démantèlement d’ACEC signait également la fin d’une époque syndicale à Charleroi. De baromètre social régional, le bastion syndical qu’était ACEC s’est effrité et a, en quelque sorte, implosé. Cette fin, amère pour les syndicalistes, était toutefois prévisible dès la mise en œuvre des restructurations successives engendrant non seulement d’énormes pertes d’emplois, mais aussi la cession d’un ensemble d’activités qui auraient pu permettre la survie à terme de l’entité ACEC dans sa globalité. Or, à défaut de mener une action offensive, y compris aux plans économique et industriel, et pour s’être isolés en se centrant sur leur seule entreprise, les organisations syndicales d’ACEC ne pouvaient que subir une stratégie qui leur fut imposée par la SGB sous la pression de Suez et par l’intermédiaire d’une direction qui n’était sans doute plus l’interlocuteur le plus efficace. Le destin d’ACEC aurait probablement pu être infléchi si la stratégie syndicale, dépassant les murs de l’entreprise de Marcinelle, avait pu trouver des relais régionaux et nouer des alliances stratégiques avec les travailleurs des autres entreprises liées à la SGB, notamment la FN, Gechem, la Générale de banque, etc. Mais là, la stratégie syndicale fut dépassée et réduite à répondre, mal et au coup par coup, aux décisions émanant d’un groupe qui avait auparavant bien balisé le champ des affrontements.

D’ACEC à l’Union minière (1989-1992)

ACEC integree dans ACEC-Union miniere (1989)

96Dès le début de l’année 1989, le groupe Suez concentre l’activité de la Société générale de Belgique sur douze entreprises-clés regroupées en quatre domaines (matériaux, énergie et services techniques, leaders dans d’autres secteurs et services financiers) et sélectionnées en fonction de leurs capacités de croissance et de rentabilité pour composer la partie stable de son portefeuille. ACEC n’est pas considérée comme une entreprise-clé ; il convient, pour le groupe Suez, de mener à bien le processus de filialisation et d’intégrer les participations résiduelles dans un sous-ensemble plus large qui s’avère être, fin 1989, l’entité ACEC-Union minière.

97L’année 1989 est marquée dès lors par plusieurs événements majeurs qui vont déterminer l’avenir d’ACEC. En premier lieu, la filialisation des différentes divisions d’ACEC est parachevée fin juin avec la reprise d’ACEC-SDT par Alcatel-Bell et le contrôle prépondérant exercé par la CGE et ses filiales sur les principaux éléments issus du démembrement d’ACEC. Deuxièmement, une solution est finalement trouvée pour le financement du passif social d’ACEC, c’est-à-dire pour assurer le respect de ses engagements envers les prépensionnés et pensionnés. Enfin, sous la pression du groupe Suez, la SGB procède à la fusion-absorption de l’Union minière par ACEC, pour des raisons essentiellement fiscales, et opère ensuite une restructuration au sein de son pôle des non-ferreux. Fin décembre 1989, Le holding ACEC et ses participations dans les différentes divisions de l’ex-ACEC sont intégrées au conglomérat des non-ferreux dominé par l’Union minière pour ne plus représenter qu’une activité très minoritaire au sein d’un des pions industriels majeurs du groupe Suez-SGB.

98Parallèlement, le déclin syndical se poursuit dans les divisions filialisées de l’ex-ACEC. Même si, à certains moments, des réactions syndicales se manifestent, les travailleurs se voient contraints de subir les effets des tractations entre la SGB et les repreneurs industriels des différentes divisions. De même, l’opération de fusion-absorption qui mène à la constitution de l’ensemble ACEC-Union minière (ACEC-UM) ne rencontre pas d’opposition syndicale significative et ne donne pas lieu à une réelle coordination entre les délégations syndicales d’UM et de ses filiales et les divisions de l’ex-ACEC. Seuls les pensionnés et prépensionnés d’ACEC manifestent leurs revendications, bien décidés à défendre leurs acquis face aux menaces liées aux difficultés de financement du passif social d’ACEC. La grande entreprise carolorégienne a éclaté, elle s’est émiettée en différentes entreprises, moyennes et petites, désormais aspirées dans le sillage de la CGE et, pour le reste, englouties dans ACEC-UM. Même si le nom d’ACEC subsiste, le temps des illusions est révolu : ACEC a été démembré et une page de l’histoire sociale de Charleroi est définitivement tournée.

L’achèvement de la filialisation

99Dès début janvier 1989, la filialisation des divisions restantes d’ACEC se poursuit [50]. Ainsi, le 5 janvier intervient un accord de principe pour la reprise d’ACEC- Transports (ACEC-TRA, BEF 2,275 milliards de chiffre d’affaires) par Alsthom, filiale de la CGE, après avoir reçu des assurances quant à des commandes pour la SNCB (BEF 800 millions), à la rénovation des transports en commun d’Anvers (BEF 650 millions) et à la participation au TGV Nord et Transmanche. ACEC-TRA est absorbé par Alsthom, qui décide de la fermeture du siège de Herstal au 31 janvier, non sans déclencher une vive opposition des 136 travailleurs. Le 10 janvier, CGEE-Alsthom (contrôlée à 51% par la CGE et à 45,2% par Alsthom) acquiert 51% d’ACEC-Automatisme (49% restant à ACEC), à laquelle ACEC fait apport de ses activités de contrôle industriel. Le 25 janvier, les activités agro-électroniques du siège de Drogenbos sont reprises par l’entreprise d’électronique Velleman, tandis que l’intercommunale de développement économique du Brabant flamand en reprend les installations pour BEF 242 millions.

100Le 8 février, Matra, Prominvest et Gillam formulent ensemble une offre de reprise de la totalité d’ACEC-SDT, se mettant ainsi en concurrence avec les propositions de Bell-Alcatel-Tractebel et d’ATT-Philips. Les candidats repreneurs sont intéressés à des titres divers par ACEC-SDT [51] : Matra a des activités en espace-défense et télécommunications, Gillam s’intéresse aux télécommunications civiles et militaires, tandis que Alcatel-Bell-Tractebel lorgne vers les télécommunications civiles et est déjà liée à la SGB, directement (Tractebel) ou via la CGE (Alcatel-Bell est contrôlée à 100% par Alcatel NV dont la CGE détient 61%). ATT-Philips, pour sa part, pourrait utiliser le savoir-faire d’ACEC-SDT et sa présence dans le projet Ariane pour s’ouvrir un accès au marché de l’espace et se renforcer sur le marché des centraux téléphoniques face à Siemens et Bell.

101Par ailleurs, le 20 mars, le département informatique d’ACEC est regroupé en un "centre de profit", ACEC-OSI, au capital de BEF 40 millions, contrôlé à 100% par ACEC. Cette entité se consacre à l’étude et à l’exploitation de systèmes opérationnels dans les différents secteurs d’ACEC : ordinateurs et réseaux informatiques, intégration de logiciels, location et maintenance de matériel informatique et bureautique.

102C’est le 23 mars qu’ACEC-Transport (ACEC-TRA) devient officiellement une filiale à 100% d’Alsthom, avec un capital de BEF 375 millions. Elle obtient une partie d’une commande SNCB de BEF 3,483 milliards, soit 42% des automotrices [52] et 7% des voitures intercalaires. En outre, ACEC-TRA et BN obtiennent 12% des commandes du TGV Transmanche (sur un total de BEF 4,2 milliards) et 42% des rames TGV Paris-Francfort (sur un total de BEF 10,24 milliards). On apprend par ailleurs que, dans le cadre du financement du passif social d’ACEC, la Région wallonne reprendrait, pour BEF 300 millions, les 49% détenus par le holding ACEC dans ACEC-Energie et ACEC-Automatisme.

103Le holding ACEC devient ainsi progressivement une coquille vide puisque, ayant cédé 100% d’ACEC-TRA à Alsthom, 100% d’ACEC Turbopower Systems (Gand) à ABB et mettant en vente 100% d’ACEC-SDT, il ne lui reste plus qu’ACEC-OSI et les pompes centrifuges [53]. D’autre part, on peut se poser des questions quant aux conditions de cession de plusieurs filiales [54], notamment ACEC-TRA, ACEC-Energie et ACEC-Automatisme. Si ACEC perçoit un prix de cession, elle effectue par contre des dépenses à la fois pour apurer le passif des filiales cédées et pour leur fournir une trésorerie initiale. Or, les cessions étant effectuées (pour la totalité ou la majorité des parts) à des filiales de la CGE qui contrôle elle-même indirectement via la CEDEE (où elle détient 35%) 18% d’ACEC, les dépenses en apurement du passif et en constitution de trésorerie formeraient, indirectement, une ristourne au profit de la CGE [55].

104Le 28 avril, on apprend que, pour la reprise d’ACEC-SDT, la proposition d’Alcatel-Bell est retenue, car elle préserve l’emploi, prévoit un développement des activités en télécommunications et reprend l’ensemble de la société pour plus de BEF 1 milliard, un montant destiné à rester au sein d’ACEC-SDT pour apurer le passif. Toutefois, comme on le verra, en liaison avec le montage financier destiné à couvrir le passif social d’ACEC, ACEC absorberait l’Union minière, mais elle devrait conserver une activité industrielle propre, ce qui explique sa décision de garder 20% du capital d’ACEC-SDT, 80% étant cédés à Alcatel-Bell. Parallèlement, la SGB rachète à la CGE sa part de 35% dans CEDEE. Ce faisant la SGB contrôle CEDEE à 100% et détient dès lors 50% (soit 20% en propre, 20% via la CEDEE et 10% via Sogenbel) du holding ACEC, le solde étant réparti dans le public. En juillet, la SGB procède à une augmentation de capital du holding ACEC (de manière à apurer les fonds propres négatifs à hauteur de BEF 1,62 milliard) [56] avant de fusionner avec Union minière, son activité industrielle étant constituée par ses participations dans les pompes centrifuges (ACEC-PPES), ACEC-OSI, ACEC-Energie, ACEC-Automatisme et ACEC-SDT.

105Le 20 juin, ACEC-SDT devient Bell-SDT (puis le 5 juillet Alcatel-Bell-SDT) au capital de BEF 1,2 milliard, contrôlé à 80% par Alcatel Bell Téléphoné (filiale d’Alcatel NV, contrôlée par la CGE) et à 20% par le holding ACEC [57]. La nouvelle société contrôle ETC A, SdM, SdMA (société de microélectronique appliquée) et devient opérationnelle le 1er juillet. La cession de 80% d’ACEC-SDT parachève le long processus de filialisation d’ACEC et consacre le démembrement définitif d’une grande entreprise considérée jadis comme un fleuron industriel du bassin carolorégien.

106Au terme de ce processus, l’ensemble des sociétés filialisées ne compte plus que 2.196 emplois. Le tableau 6 indique la répartition de l’emploi et la structure de l’actionnariat de chaque société filialisée au 1er juillet 1989, tandis que l’organigramme 1 présente la situation au 1er octobre 1989.

Tableau 6

Filialisation d’ACEC : emploi et actionnariat au 1er juillet 1989

Tableau 6
Sociétés Emploi Actionnariat (en %) ACEC-Automatisme 220 CGEE-Alsthom : 51 ACEC : 49 ACEC-Energie 500 Alsthom : 51 ACEC : 49 ACEC-Transport 500 GEC Alsthom : 100 ACEC-SDT 708 Alcatel-Bell : 80 ACEC : 20 ACEC-TPS 100 ABB : 100 ACEC-CS 50 Cassait : 90 ACEC : 10 ACEC-OSI 55 ACEC : 100 ACEC-PPES 63 ACEC : 100

Filialisation d’ACEC : emploi et actionnariat au 1er juillet 1989

107Durant le second semestre de 1989, certaines de ces entreprises obtiennent des commandes intéressantes. Ainsi, associée à la BN, ACEC-Transport se voit octroyer des commandes pour trois rames TGV et dix-sept automotrices pour la SNCB. ACEC-TRA a obtenu en outre une commande (BEF 168,5 millions) de la Région wallonne pour les équipements de signalisation d’un tronçon du métro léger de Charleroi. Toutefois, à moyen terme, des menaces pèsent sur la division Moteurs (60 emplois) d’ACEC-TRA (son transfert est envisagé vers GEC Alsthom à Belfort, avec maintien de l’emploi à Charleroi grâce à des commandes en électronique de transport) et sur la division Armoires industrielles (60 emplois), condamnée à disparaître après exécution des commandes en cours, mais sans recours à des licenciements. ACEC-Energie décroche, à la tête d’un consortium international une commande de BEF 2,3 milliards pour une centrale hydro-électrique en Turquie. Cette entreprise réalise d’ailleurs l’essentiel de son chiffre d’affaires à l’étranger (Irak, Zaïre, Angola), dans l’attente de commandes en provenance du plan d’équipement des électriciens, après l’abandon de la filière nucléaire par les pouvoirs publics. Pour sa part, ACEC-Automatisme (contrôlé à 51% par Cegelec - anciennement CGEE-Alsthom) obtient un contrat de fourniture d’installations électriques de contrôle et de mesure (BEF 750 millions) pour l’ascenseur de Strépy-Thieu. Cette société emploie 220 ingénieurs et techniciens spécialisés dans la conception et la réalisation de matériel de contrôle assurant l’automation d’installations d’industrie lourde.

Organigramme 1

Filialisation d’ACEC - Situation au 1er octobre 1989

Organigramme 1

Filialisation d’ACEC - Situation au 1er octobre 1989

108L’on ne peut pas dire que les réactions syndicales aient été très vives au cours de cette dernière phase du processus de filialisation d’ACEC. La seule action notable a été le fait des travailleurs du siège de Herstal, fermé le 31 janvier. Pour marquer son opposition à la fermeture et au faible niveau des propositions d’accompagnement social (une prime de départ de BEF 450.000 bruts, préavis compris), la FGTB décide, à la mi-janvier, l’occupation du siège, avec mainmise sur un "trésor de guerre" (BEF 50 millions de stocks et de produits finis). L’occupation prend fin le 10 février, après un accord entre FGTB et direction octroyant une prime de départ de BEF 230.000 nets, une prime de BEF 10.000 bruts pour dommage moral, les indemnités du Fonds des fermetures et les préavis légaux à cinquante-cinq travailleurs, tandis que vingt-cinq ouvriers sont transférés à Charleroi comme chômeurs de longue durée. Par ailleurs, le 17 février, les ouvriers d’ACEC-Transport observent une journée de grève pour protester contre l’absence de commandes publiques. Notons également une journée de grève le 20 avril chez ACEC-CS contre la perte de 22 emplois (sur 50) suite à la baisse des commandes.

109L’essentiel d’une action syndicale anémiée se concentre, durant le premier semestre 1989, sur la défense des pensionnés et prépensionnés ACEC, en maintenant une pression constante pour qu’ACEC et son actionnaire principal, la SGB, respectent intégralement leurs engagements antérieurs et notamment le financement correct, sans contribution supplémentaire des pensionnés et prépensionnés, du passif social d’ACEC. Faute de pouvoir encore s’opposer au processus de filialisation, les délégations syndicales d’ACEC ont choisi d’assurer la défense des intérêts des quelque 5.000 ex-travailleurs d’ACEC, une manière comme une autre de reconnaître le cours irréversible du démantèlement d’ACEC et de tenter de sauver ce qui peut encore l’être au plan social au bénéfice des pensionnés et prépensionnés.

110Le coût social des restructurations et de la filialisation d’ACEC s’avère de toute manière extrêmement lourd : la suppression de 3.370 emplois en trois ans, soit quelque BEF 7,1 milliards d’indemnités de licenciement, financées par la vente de participations ACEC (notamment dans Barco) et la mobilisation de tous ses actifs. Au terme du processus de filialisation, il apparaît que l’atomisation qui en résulte provient d’un ensemble d’erreurs stratégiques. Ainsi, ACEC a réalisé trop tard le processus de régression continue affectant la vente de biens d’équipements à l’industrie lourde : en misant trop sur les capacités techniques de ses ingénieurs et trop peu sur une politique de marketing, ACEC a raté une reconversion que Philips avait su, non sans mal, gérer avant elle. Par ailleurs, le retour de la SGB en 1985 visait essentiellement deux objectifs : participer aux commandes liées au "marché du siècle" en télécommunications et bénéficier des retombées de la construction de nouvelles centrales nucléaires. Or les restrictions et les retards dans les commandes publiques (aussi bien en télécommunications qu’en transports publics) ont réduit le volume à attendre des marchés publics, tandis que l’accident de Chemobyl est venu précipiter la fin du programme nucléaire.

111Le principal bénéficiaire de cette filialisation est le groupe français CGE qui, via plusieurs de ses filiales, a acquis les éléments d’ACEC utiles à sa propre stratégie industrielle. Celle-ci consiste, selon les propos de son président-directeur général P. Suard [58], à se développer dans les secteurs d’avenir : télécommunications (RNIS et mobilophonie notamment), production électrique, transport (surtout le transport ferroviaire et notamment le TGV) en vue d’y occuper des positions de premier plan au niveau européen, voire mondial. Privatisé en 1987, le groupe CGE a réalisé en 1988 un chiffre d’affaires de FRF 127,9 milliards et un bénéfice net de FRF 4,152 milliards et occupe quelque 220.000 personnes dans plus de 80 pays.

112Par l’accord du 22 mars 1989, la CGE et le groupe britannique General Electric Company-GEC créent une société de droit néerlandais, GEC Alsthom NV [59], détenue à parité par CGE et GEC et à laquelle sont apportées les activités exercées par la filiale Alsthom de la CGE et par la division Power Systems de GEC. Il s’en suit que les principaux actifs industriels de la CGE (dans les secteurs de l’énergie, du transport, des télécommunications, de la communication d’entreprise et des câbleries [60]) sont contrôlés via deux holdings : Alsthom et la Compagnie financière Alcatel (majoritaire à 61% dans Alcatel NV, pôle européen en télécommunications). Le capital de la CGE est contrôlé par la Société générale (7,8%), la SGB (4,2%), l’UAP (3,5%), la Compagnie générale des eaux (3,1%), ITT (2,8%), la Société de banque suisse (2,6%), Dumez (0,9%), le Fonds commun de placement du personnel (6%) et l’autocontrôlé (6,6%), soit près de 33% détenus par un actionnariat stable. C’est essentiellement via Alsthom, puis GEC Alsthom, que la CGE va réaliser ses acquisitions parmi les diverses filiales d’ACEC, en vue de renforcer le potentiel en transport (ACEC-TRA) et en activités électriques (ACEC-Energie, ACEC-Automatisme) du groupe [61], tout comme l’acquisition de la majorité d’Alcatel Bell SDT s’intègre dans l’activité télécommunications d’Alcatel NV.

113Malgré les différentes cessions réalisées, qui ne laissent au sein du holding ACEC [62] que quelques participations industrielles, les restructurations et les coupes sombres dans l’emploi (par un large recours au système de prépensions) qui ont accompagné ces cessions ont pesé très lourd sur la situation financière d’ACEC. Il a fallu de longs mois de négociations, de tractations et de multiples montages financiers pour aboutir en juillet 1989 à une solution qui permette à la fois d’assurer la couverture financière du passif social d’ACEC et la valorisation de ses pertes fiscales via l’absorption de l’Union minière.

Le financement du passif social d’ACEC

114Fin novembre 1988, la question du passif social d’ACEC avait suscité de vives tensions parmi les prépensionnés et pensionnés. Si le patrimoine d’ACEC pouvait intervenir pour BEF 2,7 milliards, il restait à trouver BEF 3,8 milliards pour assurer la couverture complète de ce passif social. Evalué à BEF 6,5 milliards pour la période 1974-2004, le passif social d’ACEC [63] concernait plus de 5.000 personnes, dont 4.000 prépensionnés et comprenait :

  • un complément pour les prépensionnés de moins de 60 ans, ainsi qu’une cotisation à l’assurance-groupe ;
  • un solde de prépension pour les prépensionnés entre 60 et 65 ans, sous forme d’un capital tenant lieu de pension une fois atteint l’âge de 65 ans ;
  • une cotisation de pension complémentaire pour les ingénieurs et employés âgés de plus de 65 ans.
En un premier temps, la SGB proposait d’intervenir, via la CEDEE, pour BEF 1 milliard (dont BEF 350 millions à charge de la CGE), à condition d’obtenir BEF 1,6 milliard des pouvoirs publics (Région wallonne et Fonds des fermetures), BEF 600 millions des institutions publiques de crédit (par remise de dettes et report d’intérêts), BEF 600 millions des prépensionnés et pensionnés. En janvier 1989, la question revient à l’ordre du jour, les prépensionnés FGTB et CSC considérant que leurs acquis sont non négociables, sur base de la convention conclue avec ACEC le 28 juin 1988 [64], et ce d’autant moins qu’ils estiment avoir déjà donné, notamment en renonçant, parfois fort tôt, à leur emploi et aux avantages qui y étaient attachés. Ils mettent d’ailleurs en doute le succès du montage financier proposé par la SGB et s’interrogent sur l’utilisation des montants résultant des différentes cessions. A cet égard, selon E. Davignon, ACEC s’est vue dans l’obligation d’équilibrer les bilans des différentes entités cédées en y réinjectant le produit des ventes, y compris une partie des BEF 3,5 milliards en provenance de la cession de Barco [65], tandis que les résultats d’exploitation d’ACEC ne permettent pas de couvrir l’impasse financière de BEF 3,8 milliards. Le problème immédiat pour ACEC consiste bien plutôt à trouver un moyen d’éviter le dépôt de bilan.

115Le mécontentement des pensionnés et prépensionnés est d’autant plus vif que cette proposition de la SGB s’apparente au tout ou rien : ou bien les autres parties sollicitées interviennent dans le sens demandé, ou bien elles ne contribuent pas et l’on s’achemine vers le concordat ou la faillite, ce qui siginifie perte de 2.000 emplois, perte d’avantages extra-légaux pour les retraités, perte de leurs créances pour les banques et paiement d’allocations de chômage et d’indemnités de fermeture pour les pouvoirs publics.

116Les réactions ne se font pas attendre. L’interrégionale wallonne de la FGTB et PostACEC, regroupement des cadres préretraités et retraités, refusent toute remise en question des engagements antérieurs. Pour sa part, Ph. Maystadt dénonce ce chantage début février, alors qu’une négociation est lancée entre les pouvoirs publics, les créanciers d’ACEC et la SGB. Il juge en outre que la présentation incomplète du dossier ACEC auprès du Fonds des fermetures rend impossible, pour le moment, l’intervention de celui-ci. Par ailleurs, le 13 février, l’assemblée générale extraordinaire d’ACEC approuve la poursuite des activités malgré la perte de plus de 75% du capital social et décide de poursuivre les négociations en vue de la mise en œuvre du plan financier relatif au passif social avant fin avril 1989 pour éviter la mise en liquidation.

117La deuxième phase du plan financier est entamée le 17 février, par le groupe interministériel chargé du dossier ACEC, qui formule une proposition comprenant les contributions suivantes :

  • SGB : BEF 2 milliards (dont BEF 700 millions liées aux réductions fiscales) ;
  • Région wallonne : BEF 300 millions par transfert de créances (via l’acquisition d’une participation dans ACEC-SDT) ;
  • Fonds des fermetures : BEF 500 millions ;
  • institutions publiques de crédit : BEF 300 millions (notamment par remise de dettes) ;
  • réalisation de BEF 400 millions en immobilisé ;
  • BEF 300 millions actualisés correspondant aux intérêts générés par le placement des BEF 3,5 milliards.
L’ensemble permet d’éviter toute ponction au détriment des pensionnés et prépensionnés. Le 27 février, le gouvernement modifie quelque peu sa proposition en intégrant dans la contribution des institutions publiques de crédit les BEF 400 millions à réaliser en immobilisé, ce qui accroît leur contribution à BEF 700 millions. Le gouvernement stipule en outre que le Fonds des fermetures ne peut intervenir que moyennant la réalisation de trois conditions par ACEC, à savoir la présentation d’un plan de remboursement, l’absence de précédent et la capacité du Fonds de supporter financièrement l’intervention demandée. Or le dossier introduit par ACEC ne répond pas de manière satisfaisante à ces conditions, et notamment à la première.

118A la fin avril, le plan de financement connaît une troisième version, à savoir BEF 1 milliard provenant de la SGB via CEDEE, BEF 600 millions par valorisation du crédit fiscal d’ACEC lié à ses pertes reportées, BEF 600 millions provenant de l’actualisation de ses obligations sociales (par capitalisation des liquidités générées par l’actualisation du passif social étalé sur quinze ans), BEF 225 millions obtenus par abandon de créances et reports d’échéances par les institutions publiques de crédit, BEF 400 millions suite aux cessions d’ACEC-Herstal et d’ACEC Turbo Power Systems (Gand), BEF 300 millions apportés par la Région wallonne [66] et BEF 520 millions attendus du Fonds des fermetures. Un premier répit est ainsi accordé au holding ACEC, mais les discussions continuent pour affiner le plan de financement, dont la quatrième version - censée être l’ultime - voit le jour le 2 juin. Elle prévoit les apports suivants :

  • BEF 520 millions avancés par le Fonds des fermetures (et remboursés progressivement par la vente d’immeubles) ;
  • BEF 180 millions en provenance des institutions publiques de crédit ;
  • BEF 700 millions par actualisation du fonds social de BEF 2,9 milliards sur quinze ans ;
  • BEF 700 millions fournis en partie par la vente des sièges de Herstal et Gand (BEF 400 millions) et en partie par la cession progressive à la Région wallonne de 49% d’ACEC-Energie et ACEC-Automatisme (BEF 300 millions) ;
  • BEF 1,7 milliard apporté par la SGB sous forme d’une augmentation de capital contre espèces, selon des modalités à définir en juillet, pour apurer les fonds propres négatifs à hauteur de BEF 1,63 milliard au 31 décembre 1988.
Toutefois, même si au fil des différents montages financiers, la SGB a renoncé à exiger directement une contribution de la part des pensionnés et prépensionnés, tous les problèmes ne sont pas résolus pour autant. Pensionnés et prépensionnés s’élèvent notamment contre l’intention d’ACEC de geler quatre indexations successives des allocations allouées aux prépensionnés (soit une économie de BEF 300 millions) et de supprimer la prime de complément de pension pour les cadres (économie de BEF 180 millions). Ce litige entre pensionnés et prépensionnés d’une part et la SGB de l’autre reste en suspens en juin-juillet, l’effort principal de la SGB portant sur les opportunités de valoriser les pertes fiscales d’ACEC.

119L’assemblée générale extraordinaire d’ACEC décide le 14 juin à la fois la poursuite des activités (financée par une augmentation de capital) et la finalisation du plan de financement du passif social. Dans ce cadre, la valorisation des pertes fiscales d’ACEC requiert la recapitalisation projetée, l’absorption d’une société industrielle bénéficiaire et le maintien d’une activité industrielle en propre pour la société absorbante, ainsi qu’une mise en œuvre rapide de l’opération d’absorption pour valoriser au maximum les latences fiscales. En pratique, ACEC absorberait l’Union minière-UM, qui échapperait ainsi pendant plusieurs années à l’impôt sur les sociétés en délayant ses profits dans les déficits cumulés d’ACEC ; mais en même temps ACEC renoncerait à céder la totalité d’ACEC-SDT, afin de conserver une activité industrielle suffisante [67]. Une nouvelle assemblée générale extraordinaire d’ACEC approuve, le 26 juillet l’absorption d’Union minière et la recapitalisation d’ACEC. Filiale à 50% de la SGB [68], ACEC absorbe l’Union minière, sous-holding contrôlé à 100% par la SGB et qui détient 26% de Vieille-Montagne, 75% de Métallurgie Hoboken-Overpelt et près de 50% d’Asturienne des mines, la SGB devenant actionnaire à 98,5% de la société fusionnée dénommée ACEC-Union minière (ACEC-UM). Cette opération, dont le détail sera exposé ci-après, a reçu l’aval de l’assemblée générale extraordinaire d’Union minière le 25 juillet, ACEC jouissant rétroactivement au 1er janvier 1989 des actifs et passifs d’UM sur base de sa situation bilantaire au 31 décembre 1988. Le conseil d’administration d’ACEC-UM est présidé par H. de Carmoy, le vice-président étant P. Oury (président du conseil d’administration d’ACEC), tandis que sont nommés deux administrateurs-délégués : P. Klees (pour la partie ACEC) et N. Masson (pour la partie UM).

120Si la question de la valorisation des pertes fiscales trouve ainsi une solution avantageuse pour ACEC, par contre il n’y a toujours pas, fin juillet, d’accord satisfaisant, notamment pour les cadres prépensionnés et pensionnés, regroupés dans l’association PostACEC. En fait, il avait été convenu que le passif social dû par ACEC aux intéressés serait assuré par une double opération : d’une part, le paiement d’une prime unique de BEF 3 milliards par ACEC à une compagnie d’assurance indépendante tenue d’honorer les obligations d’ACEC en matière de pensions et de prépensions ; d’autre part, le financement d’une asbl prenant en charge, outre le paiement des cotisations au Fonds de sécurité d’existence pour les ouvriers, le financement des bourses d’étude pour les enfants et de l’assurance-hospitalisation pour les prépensionnés et leur conjoint, ainsi que le paiement de l’indexation de certains éléments des versements confiés à la compagnie d’assurance.

121PostACEC réitère dès lors son opposition radicale au gel de quatre indexations et à la suppression du complément de pension alloué aux cadres. Fin septembre, ACEC-UM accepte finalement d’accorder aux pensionnés et prépensionnés la totalité des avantages issus des conventions collectives de travail. Toutefois, la question du complément alloué aux cadres pensionnés ne trouve pas de solution satisfaisante durant l’année 1989. La question du passif social d’ACEC se trouve ainsi réglée, après bien des tâtonnements. Même si la détermination des pensionnés et prépensionnés ne s’est pas traduite en grandes manifestations, elle leur a néanmoins permis, avec l’appui des pouvoirs publics, de maintenir la quasi-totalité des dispositions conventionnelles les concernant. Finalement, le plan de financement élaboré initie une nouvelle restructuration au sein du groupe Suez-SGB, via la fusion-absorption ACEC-Union minière et le regroupement de l’ensemble des actifs et non-ferreux dans cette nouvelle société. C’est ce troisième élément majeur de l’année 1989 pour ACEC que nous nous proposons d’analyser plus en détail.

La création d’ACEC-Union minière

122L’assemblée générale extraordinaire d’ACEC a décidé le 14 juin, on l’a vu précédemment, du principe de l’absorption de l’Union minière par ACEC, de manière à pouvoir valoriser au mieux les pertes fiscales d’ACEC dans le cadre du plan de financement de son passif social. La SGB apporte, par souscription à une hausse de capital, BEF 1,77 milliard à ACEC, pour apurer ses fonds propres négatifs à concurrence de BEF 1,62 milliard, sous forme d’actions émises au prix de BEF 250 l’action, alors que le cours en Bourse d’ACEC atteint BEF 500 [69]. On peut donc souscrire deux nouvelles actions contre une ancienne, les petits actionnaires [70] ayant la possibilité de participer à cette souscription fin septembre.

123Au moment de la fusion-absorption de l’Union minière par ACEC, la rémunération des apports respectifs en actions de la nouvelle société s’établit comme suit. D’une part, l’apport de l’ex-ACEC est représenté par 1.062.000 actions [71], d’autre part, l’apport de l’ex-Union minière est représenté par 18.404.857 actions (de BEF 250) [72], le capital de la nouvelle société, qui prend la dénomination d’"ACEC Union minière" (ACEC-UM), étant libéré entièrement au 26 juillet 1989 à concurrence de BEF 10 milliards, représentés par 19.466.857 actions nouvelles. La SGB contrôle 95,9% d’ACEC- UM, CEDEE 1,1%, Sogenbel 0,2% et d’autres sociétés du groupe SGB 0,01%, soit au total 97,3%. L’opération de fusion-absorption s’est effectuée sur base des valeurs suivantes : après recapitalisation, la valeur d’ACEC a été estimée à BEF 2,665 milliards, tandis que la valeur d’UM a atteint BEF 46,080 milliards en juillet 1989, alors qu’elle était établie à BEF 34,449 milliards fin mars 1989. Pour répondre à l’objection de surévaluation de la valeur d’UM, la SGB fait valoir que la valeur d’UM à fin mars résulte d’une synthèse des cours en bourse des filiales d’UM (Vieille-Montagne, Métallurgie Hoboken-Overpelt-MHO et Compagnie royale asturienne des mines), UM n’étant elle-même pas cotée, tandis que la valeur de juillet est liée à une évaluation prospective des bénéfices escomptés (y compris la synergie fiscale) pour les années 1990-1992, à partir de deux critères : la conjoncture favorable sur le marché des non-ferreux et le redressement du cours du dollar. La SGB ajoute qu’il s’agit d’une opération purement financière qui ne modifie en rien ni la stratégie, ni les activités d’UM.

124Au moment de l’absorption d’UM par ACEC, les principales participations d’ACEC-UM sont les suivantes : 58,4% dans Métallurgie Hoboken-Overpelt-MHO, (dont la SGB détient en outre 12,5%), 95,8% dans Vieille-Montagne, 55,2% dans la Compagnie royale asturienne des mines, 47% dans Mechim (dont MHO contrôle 33%, 16% et Asturienne 2%), 94% dans Union Mines (et 6% via MHO), 100% dans Soracec, 34,4% dans Generale Trading Cy (et 9% via MHO) et 55% dans l’association ABT-Stocatra (après absorption de sa filiale Goffin and Co ; l’associée CMB détient 45% de cette société de gestion des installations de manutention et stockage de marchandises au port d’Anvers) [73].

125La récupération des pertes fiscales d’ACEC n’est possible sur plusieurs années que si UM dispose de suffisamment de revenus imposables. Pour ce faire, il faudra réaliser une restructuration dans les non-ferreux, principalement par l’absorption de MHO et Vieille-Montagne. En effet, depuis l’absorption de l’ancienne Union minière par la SGB en décembre 1981, la nouvelle Union minière, filiale à 99% de la SGB, est devenue un holding gérant des participations dans différentes sociétés industrielles du secteur des métaux non ferreux [74]. Dès lors, pour valoriser au mieux les pertes fiscales d’ACEC, il s’avère nécessaire qu’UM absorbe, par fusion, les plus importantes d’entre elles, à savoir MHO et VM, tout en accompagnant cette opération financière d’une restructuration organisationnelle achevant de constituer ACEC-UM en pôle de non-ferreux de la SGB. Voyons brièvement ce que représentent les plus importantes filiales d’UM.

126Métallurgie Hoboken Overpelt-MHO est une société leader en métallurgie extractive et raffinage des métaux non ferreux dans ses usines d’Overpelt (zinc), Hoboken (fonderie plomb-cuivre, raffinerie de plomb et raffineries de métaux précieux et spéciaux) et Olen (transformation et production de cuivre, cobalt et germanium). MHO a réalisé en 1988 un chiffre d’affaires de BEF 58,993 milliards, un bénéfice net de BEF 837 millions et dispose de BEF 11,369 milliards de capitaux propres. MHO contrôle à 100% deux filiales : Carolmet (aux Etats-Unis) qui transforme le cobalt en poudres extra-fines et Overpelt-Plascobel, spécialisée en matières plastiques. MHO est elle-même contrôlée à 75,3% par la SGB et ses filiales, soit 19,95% SGB, 42,8% ACEC-UM, 4,44% Asturienne (une participation rachetée à Plancontinental), 8% CEDEE. Le groupe flamand Belcofi détient 7,17% de MHO.

127Vieille-Montagne, dont UM détient, directement et indirectement, 95,8% [75] en avril 1989, est le premier producteur mondial de zinc et traite également le cadmium. La société est présente au niveau de l’extraction (contrôle d’une mine en Suède), de la production, de la transformation et de la commercialisation du zinc. Elle est implantée dans de très nombreux pays ; ses sièges en Belgique se situent à Balen, Zolder, Eisden et Angleur. Elle occupe 5.095 personnes. Fort touchée par la crise du zinc jusque fin 1987, la société a restructuré l’ensemble de ses activités, d’où une nette amélioration des résultats, allant de pair avec la remontée des prix du zinc et la hausse du cours du dollar, en 1988 : le chiffre d’affaires a atteint BEF 35,855 milliards et le bénéfice net BEF 2,98 milliards, tandis que les capitaux propres atteignent BEF 5,449 milliards. La capacité de production de zinc de VM sera nettement augmentée par l’intégration envisagée de la division zinc de MHO à Overpelt et d’Union Zinc (USA), filiale d’Union Mines.

128Quant à l’Asturienne des mines [76], elle n’exerce plus d’activité dans le secteur des non-ferreux depuis 1987 (après la vente de l’usine de zinc d’Auby à Vieille-Montagne) et s’est investie dans le secteur du mica par le rachat à ACEC de sa filiale à 100%, Compagnie belge des isolants-Cogebi fin 1986, puis la fusion avec celle-ci. Cogebi est le leader mondial pour les matériaux isolants à base de mica. Asturienne détient des participations dans une société de transformation de zinc au Portugal, dans deux mines de plomb au Maroc et a acquis 9,7% dans la société australienne Pancontinental Mining (mines d’or et d’uranium, jugées rentables à moyen et long terme). Asturienne ne présente toutefois pas d’intérêt dans le cadre d’un regroupement des non-ferreux. Ses capitaux propres atteignent BEF 3,054 milliards en 1988 pour un bénéfice net de BEF 262 millions.

129La constitution d’ACEC-UM en centre européen d’excellence industrielle dans le domaine des métaux non ferreux de la SGB, selon les termes de H. de Carmoy, s’opère en décembre 1989. Elle se réalise par le biais d’une double opération. D’une part, la fusion de VM, MHO et de la filiale d’ingéniérie Mechim et leur absorption par ACEC- UM. D’autre part la réorganisation de la structure d’ACEC-UM en plusieurs divi sions : MHO, VM et ACEC, auxquelles s’ajoutent quatre entités : Sogem, Mechim Engineering, Asturienne et Aurifère de Guinée [77], non directement concernées par la fusion qui prend effet, rétroactivement, au 30 septembre 1989.

ACEC-UM, pôle des métaux non ferreux de la SGB

130Le 7 décembre 1989 est annoncée la double opération de fusion-absorption [78]. L’absorption de MHO s’effectue dans le rapport d’échange de neuf actions ACEC-UM (les titres étant regroupés par blocs de dix) pour deux MHO, avec création nette de 4.899.708 actions. Cette opération suscite toutefois un différend avec le groupe flamand Belcofi, qui détient 7,17% de MHO. Il est convenu que la SGB et Belcofi apportent chacune une participation équivalente dans ACEC-UM à une société dont elles contrôlent le capital à parité et qui détiendra 6% dans ACEC-UM. Belcofi obtient un siège au conseil d’administration et la SGB prend une participation de 5% dans Belcofi. Dans le cas de VM, le rapport d’échange est de onze actions ACEC-UM pour une VM, avec création nette de 358.699 actions. En outre, Mechim est absorbée selon le même rapport d’échange, avec création de 21.714 actions nouvelles. La branche ingéniérie devient Mechim Engineering, qui continue à assurer le rôle de bureau d’études pour ACEC-UM. A l’issue de ces opérations approuvées par les assemblées générales extraordinaires d’ACEC-UM, de MHO et de VM le 28 décembre 1989, le capital d’ACEC-UM de BEF 15 milliards est représenté par 24.744.421 actions, les fonds propres atteignent BEF 31,202 milliards et ACEC-UM est contrôlée à 87,5% par la SGB (contre 97% auparavant), qui la conforte ainsi comme un des piliers de sa stratégie industrielle.

131A cet égard, il n’est pas sans intérêt de remarquer que, depuis 1981, la volonté était présente au sein de la SGB, d’opérer un regroupement de ses avoirs dans le secteur des métaux non ferreux. En 1981, après une vaste restructuration financière, la nouvelle "Union minière", filiale à 100% et sous-holding de la SGB, devient la société-pivot rassemblant les divers intérêts de la SGB dans ce secteur [79]. Entre 1985 et 1988, l’Union minière, qui détient 60,4% de MHO, 39,6% de VM, 79,2% d’Asturienne et 80,1% de la Société générale des minerais, se développe dans le transport, le traitement et la transformation des minerais non ferreux. C’est ainsi que l’Union minière prend des participations dans des projets miniers, s’investit dans la recherche technologique et conclut des alliances pour réaliser des synergies avec des partenaires industriels. Elle est présente en Australie, au Brésil, au Canada, au Maroc, en Suède, en Guinée et aux Etats-Unis. Ses activités d’ingéniérie, de fourniture d’équipements et de services sont assurées par Mechim. Quant à la Société générale des minerais, ses activités d’approvisionnement en matières premières et de vente des produits raffinés sont intégrées dans les sociétés productrices. Le commerce international est assuré par la Generale Trading, dont l’Union minière détient 43%. Les problèmes d’ACEC et la nécessité d’en valoriser les pertes fiscales ont précipité une première fusion dont est née ACEC-UM et accéléré le processus de fusion-absorption des principales filiales durant les derniers mois de 1989.

132Parallèlement aux opérations de fusion-absorption, la structure organisationnelle d’ACEC-UM est modifiée (voir l’organigramme 2). En premier lieu, les activités d’ACEC-UM sont recentrées autour de trois divisions. La division Vieille-Montagne regroupe les activités zinc [80] et cadmium, de l’extraction minière à la transformation des métaux et à leur commercialisation. VM développe une triple stratégie : consolidation de son leadership, diversification de ses sources d’ approvisionnement et amélioration du service à la clientèle. Fin 1989, l’ensemble de la division occupe 5.014 personnes, a réalisé un chiffre d’affaires de BEF 40.773 milliards et un bénéfice avant impôts de 5,945 milliards, suite à la conjoncture particulièrement favorable pour le zinc.

133La division MHO comprend quatre unités opérationnelles traitant le cuivre, le germanium, le cobalt et les métaux complexes (plomb, argent, or, palladium, platine, rhodium, etc.). Chacune de ces unités a élaboré des plans d’action. Ainsi, pour les métaux complexes, MHO vise des adaptations technologiques pour accroître sa souplesse vis-à-vis de son approvisionnement en matières premières. Au niveau du cuivre, il s’agit de conclure des contrats à long terme pour mieux assurer l’approvisionnement. Dans le secteur du colbat, MHO cherche à consolider sa position de leader mondial dans des créneaux tels que les poudres fines et extra-fines [81], tandis que pour le germanium il s’agit essentiellement d’améliorer la rentabilité. En 1989, la valeur des produits livrés a atteint BEF 125,597 milliards générant un bénéfice avant impôt de BEF 2,005 milliards, avec un effectif de 5.188 personnes.

134Face à ces deux grandes divisions, la division ACEC apparaît assez marginale, à la fois du fait de l’absence de liens entre les activités de ses filiales et les métaux non ferreux et vu la faiblesse du chiffre d’affaires, en 1989, de l’ensemble des filiales [82], soit BEF 9,5 milliards. La division ACEC occupe 2.100 travailleurs sur le site, récemment inauguré, de Technopole Renaissance Villette à Marcinelle dont elle assure la gestion, où sont en outre implantées d’autres entreprises (notamment CDC, Restaura, les Ateliers Temporin, Pauwels Servicing).

Organigramme 2

Les divisions et participations d’ACEC-Union minière

Organigramme 2

Les divisions et participations d’ACEC-Union minière

Source : ACEC Union minière, Rapports d’activités, 1989.

135Par ailleurs, quatre sociétés sont constituées en filiales d’ACEC-UM. Sogem (l’ancienne Generale Trading Cy, contrôlée à 95%) [83] est recentrée sur son rôle d’entreprise de commerce international et offre un support aux services commerciaux de MHO et VM. Mechim Engineering (filiale à 100%) continue comme bureau d’études d’ACEC-UM, l’Asturienne des mines (contrôlée à 55,2%) se concentre sur la production d’isolants à base de mica et sur l’exploitation de mines de plomb et d’argent au Maroc. Enfin, ACEC-UM détient 25% dans la Société aurifère de Guinée.

136Le conseil d’administration d’ACEC-UM comprend notamment H. de Carmoy, président, E. Davignon et P.M. Oury, vice-présidents, N. Masson, administrateur-directeur pour les divisions MHO et VM, P. Klees, administrateur-directeur pour la division ACEC.

137La constitution d’ACEC-UM en une seule entité correspond, selon les dires de ses dirigeants, à un triple objectif : "renforcer l’outil industriel" grâce aux synergies dans l’approvisionnement et l’exploitation des métaux, à la diminution des prix de revient qui en résulte et à une meilleure résistance aux fluctuations des cours des métaux, sans compter l’appui fourni par les services de Sogem et de Mechim Engineering ; "constituer un réel pôle des non-ferreux" en valorisant l’interdépendance industrielle et commerciale des activités de MHO et VM ; "privilégier le développement du groupe" par le renforcement de son potentiel humain et la mise en œuvre d’alliances stratégiques au plan mondial. Par ailleurs, au plan financier, la mise en commun des moyens facilite l’accès aux marchés internationaux des capitaux, tandis qu’au plan fiscal l’opération permet de valoriser au mieux les pertes fiscales d’ACEC.

138Les bilan et comptes consolidés d’ACEC-UM au 31 décembre 1989 font apparaître un total de capitaux propres du groupe de BEF 46,641 milliards, un chiffre d’affaires de BEF 176,647 milliards et un bénéfice net (part du groupe) de BEF 18,953 milliards. La contribution au chiffre d’affaires est de BEF 90,039 milliards pour MHO, BEF 40,773 milliards pour VM, BEF 6,817 milliards pour Union Mines, BEF 30,8 milliards pour Sogem et BEF 8,218 milliards pour les autres sociétés, ce qui ne fait que confirmer la part très marginale prise par la division ACEC dans l’ensemble des activités d’ACEC-UM.

139Quant à ACEC-UM, il lui reste plusieurs défis à relever. En premier lieu se pose la question de savoir dans quelle mesure ACEC-UM pourra continuer à garder, à terme, en son sein le "corps étranger" constitué par le résidu des filiales d’ACEC : une fois les pertes Escales valorisées, la tentation sera grande de se débarrasser des vestiges d’ACEC. Par ailleurs, dans quelle mesure la SGB a-t-elle intérêt à détenir 87,5% d’ACEC-UM ? On peut s’attendre à ce qu’elle cède une partie de ses participations tout en conservant la majorité. Enfin, au niveau même d’ACEC-UM, une des questions cruciales concerne l’extension de ses sources d’approvisionnement propres [84], à savoir les mines de métaux non ferreux, condition indispensable pour pouvoir parer aux fluctuations cycliques, notamment des cours du zinc et du cuivre, susceptibles de peser lourd, en positif comme en négatif, sur les résultats futurs d’ACEC-UM.

ACEC-UM devient l’Union minière (1990-1992)

140Au moment de la création, puis de la constitution d’ACEC-UM en pôle des non-ferreux de la SGB, le rôle marginal qu’y joue la composante ACEC apparaît à l’évidence et sera confirmé par la suite, tout comme le caractère purement fiscal de l’opération d’absorption de l’Union minière par ACEC. Notre analyse se limitera, pour l’essentiel, à cerner l’évolution des ex-filiales d’ACEC durant la période 1990-1992. Les 2.100 travailleurs qui subsistent après le démembrement d’ACEC sont répartis entre les multiples entreprises moyennes et petites que constituent ces ex-filiales, dont la plupart sont insérées dans le groupe CGE, les autres faisant partie de la division ACEC d’ACEC-UM. Par ailleurs, le financement du passif social d’ACEC semble assuré, d’où la résorption du dernier contentieux potentiel entre les organisations syndicales et la SGB.

ACEC immergée au sein d’ACEC-UM (1990)

141Fin 1990, les résultats d’ACEC-UM ont subi le contrecoup de la récession conjoncturelle qui a influencé négativement les cours du cuivre et du zinc et du recul du cours du dollar US. Le chiffre d’affaires du groupe a atteint BEF 120,550 milliards, le bénéfice de l’exercice s’est chiffré à BEF 3,820 milliards, tandis que les fonds propres sont montés à BEF 45,911 milliards. ACEC-UM poursuit une stratégie privilégiant la rentabilité et articulée autour de deux axes. En premier lieu, l’intégration industrielle par la consolidation de l’approvisionnement en matières premières (dont témoigne notamment l’acquisition, conjointement avec la Mexicana de Cobre, de 21% dans la mine de cuivre mexicaine de Cananea) et le renforcement des activités en aval (investissements dans l’usine de Balen de Vieille-Montagne et dans sa filiale française d’Auby, acquisition de la société italienne Metalrame pour renforcer la division MHO). En second lieu, une rationalisation de l’outil de production [85] pour abaisser le prix de revient (restructuration de l’usine de zinc de Vieille-Montagne à Overpelt, après le rattachement, en janvier 1990, de l’usine MHO-Overpelt et de la filiale Union Zinc à la division Vieille-Montagne) et assurer le respect de contraintes écologiques. Par ailleurs, en août 1990, Sogem est devenue filiale à 99% d’ACEC-UM par augmentation de capital et offre publique d’achat. Enfin, dans la perspective d’une meilleure résistance aux variations cycliques des cours des non-ferreux [86], ACEC-UM a racheté à la SGB sa participation de 54,4% dans Sibeka (secteur diamant, peu sensible à la conjoncture) pour BEF 6,9 milliards.

142Durant l’année 1990, la SGB s’est fixé comme objectif de réduire quelque peu sa participation (82,1% fin 1989) [87] dans le capital d’ACEC-UM. Dans cette perspective, elle a procédé, en mai 1990, à une offre publique de vente portant sur 8% de sa participation (en proposant 2 millions de titres à BEF 4.250 par action) et répondant à un triple objectif : assurer une plus large participation du public belge, accroître la liquidité du titre ACEC-UM pour attirer les investisseurs internationaux et faciliter l’appel au marché des capitaux. Au terme de celle-ci, seuls 45,3% des actions offertes ont été vendus, ce qui constitue un demi-échec pour la SGB, qui détient, fin 1990, directement et indirectement, 81,9% d’ACEC-UM [88].

143En ce qui concerne les actifs détenus par la division ACEC d’ACEC-UM, leur part déjà fort marginale a encore diminué, notamment suite à la prise de participation, en octobre, de 75% du capital d’ACEC-OSI par Trasys, filiale de Tractebel en vue de développer en commun des activités de produits et de services en informatique industrielle et de gestion. ACEC Centrifugal Pumps, filiale à 100%, pour laquelle ACEC-UM cherche un repreneur, dispose de BEF 119,5 millions de fonds propres et a connu une perte de BEF 417.000 en 1990. Ces deux sociétés n’entrent plus dans le périmètre de consolidation d’ACEC-UM. Quant aux filiales financières et de commercialisation à l’étranger, contrôlées à 100% (ACEC Espana, ACEC France, ACEC Inc (USA) et ACEC International), elles disposent de fonds propres négligeables, affichent toutes des pertes et sont en voie de liquidation à terme. Seule ACEC Argentina, contrôlée à 72,5%, dégage un léger bénéfice.

144Quant aux autres ex-filiales d’ACEC dans lesquelles ACEC-UM détient une participation minoritaire, leur évolution varie selon les cas. Alcatel Bell SDT occupe 721 personnes (y compris ses filiales ETCA et SdM). Son chiffre d’affaires, pour un premier exercice s’étendant sur dix-huit mois, atteint BEF 3,1 milliards avec un bénéfice net de BEF 9 millions ; BEF 600 millions ont été investis en recherche et développement et BEF 262 millions ont été consacrés à la modernisation de l’outil et des lieux de travail. Alcatel-Bell-SDT est active dans trois secteurs : l’espace (équipements électroniques pour satellites et lanceurs, d’où la participation aux programmes Hermes et Colombus ; bancs de support et de contrôle au sol) ; la défense (téléimprimeurs, postes-radio VHF, systèmes antichar) ; les télécommunications (transmission par câbles, mobilophonie). Un problème réside dans le retard apporté à la mise en œuvre du programme de postes-radio à haute fréquence pour l’armée belge. ETCA (espace) a réalisé un chiffre d’affaires de BEF 1,2 milliard avec un bénéfice net de BEF 9,4 millions et SdM (microélectronique) un chiffre d’affaires de BEF 16,4 millions et un bénéfice net de BEF 15,3 millions. ACEC Automatisme (250 personnes) est intégrée progressivement dans le groupe Cegelec (GEC-Alsthom) et prend la dénomination Cegelec ACEC. Pour un chiffre d’affaires de BEF 1,28 milliard, elle a réalisé un bénéfice de BEF 11 millions. Les perspectives à moyen terme sont intéressantes dans le secteur électrique (commandes pour des centrales à turbines gaz-vapeur - TGV - et pour des installations électriques dans les chemins de fer) et le contrôle de processus d’installation d’industrie lourde (démarrage du laminoir chez Boël, sidérurgie dans les pays de l’Est). ACEC Energie a connu un début d’exercice déficitaire, notamment suite aux retards dans les commandes destinées aux électriciens belges. GEC Alsthom a intensifié la sous-traitance en faveur d’ACEC Energie dont le carnet de commandes en moteurs et alternateurs est en hausse sensible (commandes en Chine, aux Etats-Unis, en Inde). ACEC Energie a cependant opéré une restructuration au niveau de son personnel, qui s’est traduite par la perte de 35 emplois (22 employés et 13 ingénieurs) pour ramener le personnel à 420 unités.

145Par ailleurs, ACEC-UM a procédé, dans ses services centraux, à sept licenciements à Charleroi (sur un total de 200 personnes occupées à Charleroi et Bruxelles), fin juin 1990, au niveau des services informatique et paiement du personnel. La direction justifie cette mesure par la nécessité de supprimer les doubles emplois résultant des différentes opérations d’absorption des filiales. A l’occasion d’un arrêt de travail, CNE et Setca dénoncent le contraste entre les quelque BEF 20 milliards de bénéfices réalisés par ACEC-UM et l’économie de quelques millions résultant des suppressions d’emplois à Charleroi. Ce seul différend social au cours de l’année 1990 dans les filiales de l’ex-ACEC indique bien dans quelle mesure l’éclatement d’ACEC a pesé sur le rapport de forces dans les relations collectives de travail. Alors que l’ex-ACEC est intégrée dans le vaste complexe d’ACEC-UM, les forces syndicales sont dispersées entre les différentes sociétés subsistantes, sans concertation avec les délégations syndicales des différentes autres composantes d’ACEC-UM. Le creux de la vague est atteint et les organisations syndicales semblent vouées à l’incapacité de réagir avec une quelconque efficacité face à des mesures, même restreintes, s’attaquant directement à l’emploi.

146Les seules mentions concernant ACEC dans les comptes d’ACEC-UM pour 1990 font apparaître une réalisation de BEF 302 millions d’actifs immobilisés par la division ACEC, tandis que, dans le cadre de la restructuration de l’ex-ACEC, c’est-à-dire pour assurer les engagements sociaux envers le personnel, BEF 3 milliards ont été prélevés sur les provisions pour risques et charges. Cette immersion des quelques participations dans les filiales de l’ex-ACEC au sein du groupe ACEC-UM ressort très clairement de l’analyse que lui a consacrée la Générale de banque [89]. Cette étude confirme d’une part le caractère marginal de l’impact d’ACEC : "La part d’ACEC dans l’ensemble des activités du groupe ACEC-UM est faible et tout-à-fait marginale. L’objectif financier fixé pour ACEC est que cette division n’ait pas une influence négative sur les résultats" [90]. Le terme même de "division ACEC" qui impliquait une sorte d’équivalence structurelle avec les divisions MHO et VM n’est plus de mise. En effet, les différentes participations composant cette "division" sont classées dans la rubrique "Autres participations", étrangères au secteur des non-ferreux à propos desquelles l’analyse de la Générale de banque estime que : "On doit s’attendre à ce que, tôt au tard, une partie de ces activités soit transférée vers d’autres parties du groupe de la Société Générale de Belgique ou vendue" [91]. D s’agit maintenant de vérifier dans quelle mesure en 1991 l’évolution des filiales de l’ex-ACEC au sein d’ACEC-UM confirme cette tendance.

La restructuration d’ACEC-UM (1991)

147L’année 1991 se clôture, pour le groupe ACEC-UM, par une perte importante (BEF 4,798 milliards). Le poids d’une conjoncture déprimée qui a pesé sur les prix des métaux non ferreux et notamment du zinc (suite à la stagnation de la demande et à la hausse de la production mondiale), la faiblesse du cours du dollar [92] et certains excédents de capacité constituent une partie des raisons de ce déficit. Par ailleurs ACEC-UM a dû faire face à une perte exceptionnelle liée principalement à une dotation aux provisions pour risques et charges exceptionnels (BEF 2,169 milliards) en couverture des charges probables entraînées par les plans sociaux pour BEF 1,847 milliard (suite à la restructuration accélérée d’ACEC-UM), à la fermeture d’installations (BEF 252 millions) et à des risques ACEC (BEF 169 millions). Enfin, d’autres éléments sont intervenus, comme la mise sur le marché des stocks de non-ferreux détenus par les pays de l’Est, le risque de voir l’Anglo American sud-africaine mettre la main sur la commercialisation des réserves en non-ferreux de la CEI, mais aussi l’accroissement des charges financières suite à la reprise de Sibeka et à l’acquisition d’une participation dans la mine de Cananea. Le problème de la diversification des sources d’ approvisionnement reste par ailleurs crucial. Début mai 1991, la Gécamines zaïroise invoque une clause de force majeure pour réduire de 55% ses exportations de cuivre, qui constituent un tiers de l’approvisionnement de la division MHO. Celle-ci cherche dès lors d’autres sources, notamment au Chili, aux Etats-Unis, au Canada et en Zambie et vise à acquérir des participations dans des fonderies de cuivre au Texas, au Portugal et au Chili.

148Par ailleurs, les modifications organisationnelles d’ACEC-UM (voir ci-après) ont mené à la mise en commun des compétences en recherche-développement, de l’engineering et du réseau de commerce international. A cela s’ajoute la structuration largement décentralisée en "business units" (centres de profit) des différentes activités. Quant à la rationalisation dans la production, ACEC-UM concentre sa production de zinc sur les installations de Balen et Auby, ce qui signifie l’arrêt d’outils à Overpelt. Début décembre 1991, les différentes mesures de rationalisation de la production et de réorganisation d’ACEC-UM sont reprises dans un plan de restructuration (voir ci-après) impliquant une réduction de 1.312 personnes sur les 14.730 que comptait le groupe fin 1991 [93]. La prise en charge du coût social atteint BEF 3,2 milliards en 1991, mais le groupe en attend une économie annuelle de BEF 1,5 milliard.

149En vue de redresser sa situation, ACEC-UM entend baser sa politique sur trois principes :

  • priorité à la rigueur de la gestion et à l’amélioration de la rentabilité de chaque activité ;
  • une grande sélectivité dans le choix des investissements : pas de hausse de capacité non justifiée par les besoins du marché et prise en compte du respect de l’environnement ;
  • maintien ou développement des positions de tête occupées par le groupe dans les activités en aval.
Le net recul des activités d’ACEC-UM en 1991 ressort des bilan et comptes de résultats. Le groupe ACEC-UM a réalisé en 1991 un chiffre d’affaires de BEF 114,160 milliards, en recul de 5,3% par rapport à l’année précédente, tandis que la part du groupe dans la perte totale de l’exercice atteint BEF 5,068 milliards (contre un bénéfice de BEF 3,638 milliards en 1990). Les fonds propres du groupe se chiffrent à BEF 41,259 milliards (soit 10,5% de moins qu’en 1990), alors que la provision pour risques et charges atteint BEF 11,472 milliards (en hausse de 26,2% par raport à 1990). Quant à la société-mère ACEC-UM, son chiffre d’affaires est de BEF 65,337 milliards (en recul de 16,3% par rapport à 1990) et la perte pour 1991 atteint BEF 3,987 milliards contre un bénéfice de 3,702 milliards en 1990. Les fonds propres se montent à BEF 27,611 milliards (soit 12,9% de moins qu’en 1990) et les provisions pour risques et charges à BEF 6,629 milliards, en hausse de 38,7% par rapport à l’année précédente.

150Si l’actionnariat d’ACEC-UM connaît peu de modifications, par contre la direction du groupe a connu plusieurs changements. La part du groupe SGB dans le capital d’ACEC-UM est de 81,9% soit une légère hausse (0,9%) due à la reprise par CEDEE d’actions appartenant aux "autres actionnaires". Suite à la démission de H. de Carmoy, remplacé début février par G. Mestrallet comme administrateur-délégué de la SGB, et à la nomination de J.-P. Rodier comme administrateur-délégué d’ACEC-UM, le conseil d’administration du pôle des non-ferreux subit certaines modifications. G. Mestrallet en devient le président, E. Davignon reste vice-président, J.-P. Rodier devient administrateur-délégué, P. Klees et N. Masson restent administrateurs-directeurs généraux, tandis que P. Liotier, directeur de la SGB délégué aux participations industrielles et à la stratégie, entre au conseil d’administration. En plaçant des hommes à lui, le groupe Suez presse la SGB de suivre de plus près l’évolution d’ACEC-UM, dans l’optique de réduire au maximum l’impact négatif des résultats d’ACEC-UM sur ceux du groupe SGB (dont le bénéfice net atteint BEF 7,602 milliards en 1991, soit un recul de 38% par rapport aux résultats de 1990).

Organigramme 3

Organisation du groupe ACEC-UM

Organigramme 3

Organisation du groupe ACEC-UM

Source : ACEC-Union minière, Rapport annuel, 1991, p. 90

151Durant l’année 1991, la direction d’ACEC-UM travaille à la réorganisation de la structure du groupe. Les activités d’ACEC-UM sont groupées en douze "business units" (unités d’exploitation et centres de profit à autonomie relative et pouvant notamment conclure des alliances industrielles, voir organigramme 3) combinant les différents stades de production (mines, raffinage, transformation, services tels que Mechim et Sogem) et les produits (zinc, cuivre, plomb et métaux précieux et spéciaux, cobalt, germanium, etc.) et dont la responsabilité s’étend à l’approvisionnement, au développement, à la fabrication et à la vente des produits et services. En certains lieux de production (Hoboken, Olen, Overpelt, Auby), des "services units" (centres de services) aident les "business units". En outre, des activités communes aux "business units", à savoir la recherche et développement au niveau des procédés de fabrication, la protection de l’environnement, l’informatique et les transports sont regroupées en une entité séparée (les fonctions opérationnelles partagées), tout comme la gestion des autres filiales et participations ainsi que les différentes directions fonctionnelles. Toutes ces entités ("business units", fonctions opérationnelles, autres filiales et directions fonctionnelles) sont directement responsables devant un comité de direction [94], qui constitue l’organe central de contrôle et de décision et agit par délégation du conseil d’administration. ACEC-UM s’attend à ce que cette organisation décentralisée soit opérationnelle en juillet 1992.

152Afin de faire face à la mauvaise conjoncture en métaux non ferreux et de parvenir progressivement à un équilibre financier, même en période de basse conjoncture, la direction d’ACEC-UM annonce, début décembre 1991, la mise en œuvre d’un nouveau programme de rationalisation. Celui-ci comporte un triple volet. En premier lieu, l’accélération du programme de rationalisation de la production de zinc, qui implique l’arrêt des activités de raffinage à Overpelt (d’où la perte de 497 emplois) et le report du démarrage d’une nouvelle usine à Balen à 1995. En deuxième lieu, la concentration de la direction et des services administratifs du groupe à Bruxelles, d’où la suppression de 225 emplois (sur 675) à Bruxelles, Hoboken et Angleur. Troisièmement, la suppression de 270 emplois supplémentaires à Olen et Hoboken, de 190 emplois en France et 130 en Suède.

153Compte tenu des possibilités de recours aux pensions et prépensions et du non-renouvellement de cinquante contrats à durée déterminée, la direction reconnaît ne pas encore disposer de solution pour 370 personnes sur les 992 à "dégager" en Belgique. Dans chaque site concerné sera mise en place une cellule d’aide au reclassement. Après négociation avec les délégations syndicales, un plan social d’accompagnement est accepté le 20 décembre par les travailleurs des sièges de Hoboken, Overpelt, Olen, Balen, Bruxelles et Angleur. Cet accord prévoit la possibilité de prépension dès 52 ans, exclut tout licenciement collectif d’ici 1994 à conjoncture inchangée et fournit aux chômeurs une allocation complémentaire qui leur assure 80% de leur salaire net antérieur. En outre, les travailleurs licenciés de Vieille-Montagne recevront une prime de licenciement, les départs volontaires seront assortis d’une prime brute de BEF 450.000, sans compter des primes pour les travailleurs déplacés vers d’autres sites. Le volet social du plan de rationalisation ne semble pas avoir donné lieu à de fortes tensions sociales vu le recours aux moyens désormais classiques d’"adoucissement" des pertes d’emplois.

154Dans cette double restructuration d’ACEC-UM, à la fois organisationnelle et productive, les participations dans les filiales de l’ex-ACEC passent à l’arrière-plan ; elles ne font même plus l’objet d’un commentaire dans le "rapport de gestion" du Rapport 1991 d’ACEC-UM. Quelques éléments permettent néanmoins de se faire une idée de l’évolution de certaines d’entre elles au cours de l’année 1991.

155Signalons tout d’abord qu’ACEC-UM a vendu le site et les bâtiments d’ACEC Herstal à la société BL2, dont le directeur, J.-M. Longueville avait racheté auparavant la Forge de précision de la FN. ACEC Centrifugal Pumps (92 personnes) n’a toujours pas trouvé de repreneur en octobre 1991, un candidat américain, J. White, ayant finalement estimé le prix à payer (BEF 145 millions) trop élevé par rapport à la valeur de l’entreprise, dont la perte pour 1991 dépassait BEF 25 millions en septembre. ACEC Energie a subi le contrecoup de l’arrêt de la construction de centrales nucléaires en devant se limiter à la maintenance du parc nucléaire existant. Elle bénéficie cependant de la commande de deux centrales TGV (turbines gaz-vapeur), soit BEF 1,5 milliard pour des alternateurs et BEF 1 milliard pour des turbines à vapeur. Au plan social, une tension est apparue, ponctuée par une grève de 24 heures le 9 septembre 1991. En cause, le refus de la direction du retour à certains avantages abandonnés par les travailleurs lors de la filialisation. Après de longues négociations, un accord est dégagé le 14 octobre, qui prévoit l’octroi d’un jour de congé supplémentaire, l’intégration de la prime de productivité au salaire et une prime pour prestations lors de jours de récupération, le tout étant subordonné à un accord de paix sociale. Pour sa part, Cegelec ACEC (dont ACEC-UM détient toujours 20%) a clôturé l’exercice 1991 avec un bénéfice net de BEF 10,5 millions pour un chiffre d’affaires de BEF 1,111 milliard. La société poursuit l’intégration de ses deux activités (énergie et industrie, notamment l’équipement des centrales hydroélectriques et la rénovation des centrales nucléaires) dans les secteurs correspondants de Cegelec.

156Alcatel Bell SDT, contrairement aux autres filiales, n’apparaît plus dans la rubrique "Participations et actions détenues dans d’autres sociétés" du Rapport 1991. Alcatel Bell, déjà actionnaire majoritaire à 55%, a racheté la part d’ACEC-UM (20%) et détienne dès lors 75%, le solde demeurant aux mains de la SRIW. Elle comptabilise un chiffre d’affaires de BEF 3,3 milliards et un bénéfice de BEF 126 millions en 1991. Si les activités "défense" (19% du chiffre d’affaires) et "espace" (54% du chiffre d’affaires) se portent plutôt bien, des inquiétudes se font jour à Charleroi quant à l’avenir du secteur "télécommunications" (27% du chiffre d’affaires) dont les activités production et recherche sont, selon les organisations syndicales, progressivement transférées vers le nord du pays (Hoboken, Geel). En outre, bien qu’ayant bénéficié d’une convention (de BEF 1,5 milliard sur cinq ans) avec la RTT en recherche et développement, Alcatel Bell Téléphoné n’a guère encouragé la recherche à Charleroi et les syndicalistes appréhendent la disparition de la branche télécommunications qui occupe la moitié du personnel d’Alcatel Bell SDT. En juin 1991, J. Goossens, administrateur-délégué, répond qu’il a été décidé de redéployer les activités en télécommunications de la transmission par câble vers les radiocommunications, dans deux créneaux spécifiques : la mobilo-phonie cellulaire et les réseaux radio utilisés par la gendarmerie, les pompiers, la SNCB et les compagnies de taxis. Il en attend un chiffre d’affaires de BEF 5 milliards dans cinq ans, soit un taux de croissance de 11,5% par an. Malgré cet optimisme, le climat social se tend en automne et un arrêt de travail de 24 heures en octobre traduit l’inquiétude du personnel face aux rumeurs persistantes de restructuration, au-delà des points de cristallisation immédiats que constituent un licenciement jugé arbitraire et des pratiques de travail en noir.

157L’évolution d’ACEC Transport (ACEC TRA), filiale à 100% de GEC Alsthom, est plus positive [95]. Elle occupe 500 personnes et son chiffre d’affaires est de BEF 2 milliards. ACEC TRA est partie prenante dans des contrats pour le TGV (train à grande vitesse) TransManche, TGV Nord et TGV au Texas, dans le cadre de différents consortiums. Par ailleurs, la Région bruxelloise a commandé à ACEC TRA cinquante et un nouveaux trams pour la STIB (soit BEF 3,2 milliards), en association - après de longs pourparlers - avec Bombardier Eurorail (ex-Brugeoise et Nivelles-BN), à qui est sous-traitée la partie mécanique (soit BEF 1,5 milliard). Enfin, la SNCB a passé, dans le cadre du plan Star 21, une première commande de BEF 117 millions, mais d’autres commandes sont attendues en modernisation du matériel et en investissements en locomotives et automotrices, sans compter les systèmes électroniques destinés à accroître la sécurité du trafic ferroviaire.

158Pour en revenir à l’immersion des filiales de l’ex-ACEC au sein d’ACEC-UM, la cession de la participation en Alcatel Bell SDT vient encore amoindrir leur importance, déjà faible. Si les unes semblent bénéficier de leur insertion dans un groupe plus vaste, d’autres continuent à dépendre des aléas des commandes, notamment publiques, ou sont soumises aux impératifs globaux de rentabilité de GEC Alsthom. Enfin, les deux arrêts de travail chez ACEC Energie et Alcatel Bell SDT marquent un premier regain d’une action syndicale extrêmement discrète depuis 1989 [96] dans ces deux sociétés où la CCMB et la CNE ont acquis la majorité des mandats au détriment de la CMB et du Setca.

ACEC-UM fait place à l’Union minière (1992)

159C’est le 13 mai 1992 que l’assemblée générale extraordinaire d’ACEC-UM décide de modifier la dénomination sociale du groupe par abandon du nom ACEC ; le groupe s’appelle dorénavant Union minière-UM. Il s’agissait, après la cession de la plupart des activités ACEC, de mettre en avant l’activité en non-ferreux du groupe et à cet égard "le nom Union minière recelait toujours un fort capital de confiance, tant dans les milieux industriels que financiers" [97]. Comme le remarque J.-P. Rodier en juillet 1992 : "La disparition d’Acec s’imposait. Nous n’avons plus rien dans nos activités de l’ex-Acec, à l’exception d’une petite société qui pourrait bientôt être vendue. Il fallait choisir un nouveau nom" [98].

160Ainsi délestée symboliquement, UM a dû affronter une mauvaise conjoncture en 1992. Le groupe et la société-mère ont toutefois mieux résisté qu’en 1991, comme en témoignent leurs bilans et comptes de résultats. Le groupe UM a réalisé un chiffre d’affaires de BEF 120,759 milliards, avec une part du groupe de BEF 2,814 milliards dans la perte totale (BEF 2,277 milliards). Les fonds propres du groupe atteignent BEF 38,229 milliards avec une provision pour risques et charges de BEF 10,463 milliards. La société-mère a réalisé un chiffre d’affaires de BEF 69,885 milliards et limité la perte à BEF 2,296 milliards (contre une perte de BEF 3,987 milliards en 1991) [99]. Les fonds propres atteignent BEF 25,226 milliards et les provisions pour risques et charges BEF 5,324 milliards (dont BEF 2,810 milliards pour les pensions et prépensions).

161La conjoncture s’est dégradée, malgré une remontée du cours du zinc, au niveau des métaux précieux et spéciaux (notamment du fait d’exportations en provenance de la CEI), tandis que le cours du dollar est resté à la baisse. Par ailleurs, l’assainissement systématique du bilan du groupe a entraîné une perte exceptionnelle de BEF 2,550 milliards. Quant au programme de rationalisation industrielle, il se poursuit et doit mener à une nouvelle réduction d’effectifs de 400 personnes d’ici 1994, l’objectif étant d’atteindre à moyen terme une amélioration de BEF 4 milliards de la marge brute. En outre, le groupe UM introduit au niveau de l’encadrement un management plus participatif. L’effectif total du groupe est passé à 13.903 personnes fin 1992, dont quelque 7.757 personnes dans les usines belges. D’une manière générale, UM n’a pas connu de conflit marquant en 1992 et les conventions collectives de travail conclues début 1992 prévoient des augmentations salariales et une prolongation du régime en vigueur au niveau des prépensions.

162L’actionnariat d’UM n’a pratiquement pas varié ; la SGB contrôle, directement et indirectement [100], 81,9% de son capital. E. Davignon est devenu président et G. Mestrallet vice-président (du fait de son accession à la présidence de Tractebel). Quant à la restructuration organisationnelle du groupe en "business units", elle vise à améliorer leur rentabilité et donc à les situer parmi les meilleurs dans leur métier respectif. A terme J.-P. Rodier n’exclut ni des accords de partenariat ni la cession des "business units" les moins performantes.

163Les quelques participations d’UM détenues dans les ex-filiales d’ACEC ont connu des fortunes diverses. ACEC Centrifugal Pumps - spécialisée en pompes de forage pétrolier - a connu quelques mois de sous-activité avant d’être cédée à 100% en novembre au groupe américain BW/IP International, moyennant seize licenciements (quatorze employés et deux ingénieurs) sur un total de quatre-vingts personnes. A l’issue d’un arrêt de travail et de négociations, certains aménagements ont pu être obtenus par la délégation syndicale, sans qu’aucune garantie puisse être fournie quant au maintien du volume de l’emploi à l’avenir. Si UM détient toujours 25% d’ACEC-OSI [101], la totalité du capital des petites filiales (ACEC France, ACEC Inc (USA) et ACEC Mexico) et 72,6% dans ACEC Argentina, les autres participations minoritaires (ACEC CS, Cegelec ACEC, ACEC Energie) ont été cédées.

164En avril 1992, ACEC CS (quarante-cinq personnes), spécialisée en grosse chaudronnerie, introduit une requête en concordat, suite à une perte de BEF 15 millions due à une commande impayée et à des problèmes liés aux primes de licenciement payées en 1989 à l’ensemble du personnel, puis au réengagement de quarante-huit personnes. Finalement, les sociétés Enerco Sud et Mouyard reprennent les activités d’ACEC CS, mais seulement quinze emplois, dans une nouvelle société dénommée ACEC Constructions soudées métalliques au capital de départ de BEF 11 millions. Si ACEC Energie (51% GEC Alsthom, 49% SRIW) a réalisé un chiffre d’affaires satisfaisant (BEF 3,5 milliards), les relations sociales s’y sont nettement dégradées, ce qui a entraîné un arrêt de travail de 24 heures fin janvier. Quant à Cegelec ACEC, son capital est désonnais contrôlé à 51% par Cegelec et 49% par la SRIW et elle réalise un chiffre d’affaires de BEF 1,204 milliard et un bénéfice de BEF 26,4 millions.

165Alcatel Bell SDT est une filiale à 75% d’Alcatel Bell ; elle a un chiffre d’affaires de FRF 109,9 milliards et un bénéfice net de FRF 11,8 milliards en 1991. Le groupe français Compagnie générale d’électricité dans lequel s’insère cette société, change sa dénomination en janvier 1991 en Alcatel-Alsthom. C’est également de ce groupe que dépendent Cegelec (dont dépend Cegelec ACEC), Alcatel SEL et Electro-Banque ; il partage avec le groupe britannique GEC le contrôle de GEC Alsthom (dont dépendent ACEC Energie et ACEC Transport). En Belgique, le sous-groupe Alcatel Bell occupe 7.450 personnes [102] et comprend Bell Téléphoné (télécommunications et micro-électronique), Bell SDT et sa filiale ETCA [103], Mietec (production de puces électroniques) et Bell Business Systems (traitement de courrier). En 1992, Bell SDT, qui occupe 781 personnes à Charleroi, a réalisé un chiffre d’affaires de BEF 3,4 milliards (dont 57% dans le spatial, 20% en télécommunications et 16% en défense) avec un bénéfice de BEF 71 millions.

166Le développement de Bell SDT se situe en télécommunications, au niveau des réseaux radio privés et de la mobilophonie même si, pour le moment, les activités dans le secteur espace restent dominantes. Bell SDT a notamment décroché la commande de la troisième phase du réseau de mobilophonie GSM pour Belgacom, soit 500 stations de base et 87 contrôleurs de station pour un total de BEF 1,6 milliard, commande confirmée par Belgacom en janvier 1993. Au niveau social cependant, les travailleurs ne sont pas entièrement rassurés par les propos optimistes de J. Goossens, d’autant que les relations sociales restent tendues chez Bell SDT. En témoigne un arrêt de travail de 24 heures début septembre pour protester contre les entraves mises par la direction à la tenue d’une assemblée d’information syndicale.

167Avec la disparition du nom ACEC de la raison sociale de la nouvelle Union minière, il est mis symboliquement un terme à l’existence d’ACEC, démembrée en 1989 et dont les différentes composantes, qu’elles aient été intégrées au sein du groupe Alcatel Alsthom (ex-CGE) ou cédées à d’autres repreneurs, continuent, avec un personnel nettement moindre, à exercer certaines des activités ayant auparavant assuré la réputation internationale d’ACEC, qu’il s’agisse de la grosse chaudronnerie, de la traction, des systèmes électriques, de l’électronique ou des télécommunications. Dispersés également, en partie prépensionnés ou pensionnés, les syndicalistes d’ACEC ont dû, faute d’avoir pu empêcher en 1988-1989 le démantèlement de l’entreprise, adopter un profil bas et travailler à reconstituer, difficilement, une activité syndicale dont témoignent les arrêts de travail de ces deux années dans plusieurs filiales. Mais là aussi, il ne sera plus jamais question du "bastion ACEC" qui a pu, à certains moments, constituer un des points forts de l’action syndicale dans le bassin de Charleroi.

168Evoquons brièvement, pour terminer, l’évolution récente de l’Union minière. En 1993, dans une conjoncture économique toujours plus détériorée (chute du prix des non-ferreux et surcapacités en zinc), le groupe UM a réalisé un chiffre d’affaires de BEF 105,179 milliards et accusé une perte (part du groupe) de BEF 2,484 milliards. Pour la société-mère UM, le chiffre d’affaires atteint BEF 59,035 milliards avec une perte de BEF 2,563 milliards. Devant la persistance de la crise, le groupe s’est fixé trois priorités : un recentrage sur les métiers de base, une réduction des activités en zinc brut et un développement prudent aux niveaux du cuivre et du recyclage des métaux précieux. Dans cette perspective, UM et la SGB ont vendu, début 1994, leurs parts dans l’Asturienne des mines au groupe franco-suisse FOCEP ; UM a cédé la totalité de ses activités zinc aux Etats-Unis regroupées dans Union Mines au groupe australien Savage Resources, ainsi qu’une mine de zinc en Suède. Le produit de ces ventes est réaffecté à des investissements de modernisation à Hoboken et Olen, ainsi qu’à la consolidation de l’activité cuivre. Fin juillet 1994, J.-P. Rodier est nommé président de Pechiney et quitte UM après l’avoir réorganisée et amorcé son recentrage, principalement autour des activités zinc et cuivre.

169Par ailleurs, la SGB a procédé, en 1993, à un désengagement vis-à-vis d’UM, tout en y gardant la majorité, de manière à réduire l’impact de la forte sensibilité d’UM aux variations cycliques sur le marché des non-ferreux, ce qui constituait une des préoccupations majeures du groupe Suez. En juillet 1993, la SGB a cédé 5,2% du capital d’UM à des investisseurs institutionnels américains, britanniques et asiatiques. En novembre 1993, la SGB voit souscrite son offre de vente internationale de 12,5% du capital d’UM sous forme d’unités comprenant une action et un warrant. Ce dernier est exerçable jusqu’au 15 décembre 1994. La participation totale de la SGB (qui a intégré dans son offre la part de 1,6% d’UM rachetée à Asturienne) est ainsi descendue à 63,4% et pourrait atteindre 50,1% en cas d’exercice de la totalité des warrants. Faute d’avoir trouvé un partenaire industriel (mais sans exclure à l’avenir des partenariats pour certaines "business units"), la SGB a placé les actions auprès d’investisseurs internationaux. En gardant la majorité au sein d’UM, la SGB espère bénéficier des effets des mesures d’assainissement et de recentrage, tout en atténuant sensiblement l’effet cyclique auquel sont soumis les produits d’UM, dont les résultats positifs se font toujours attendre à l’heure actuelle.

Une grande entreprise atomisée

170Le déclin puis la disparition d’ACEC sont liés à une pluralité d’éléments. Certains tiennent à la politique générale suivie par l’entreprise, d’autres à des objectifs poursuivis par ses actionnaires successifs. D’une manière générale, et dès avant la reprise par Westinghouse, la culture des ACEC apparaissait comme une culture d’ingénieurs et de chercheurs [104]. Cela s’est traduit au fil des années par un ensemble relativement hétéroclite de produits de qualité allant de l’électroménager aux centrales nucléaires en passant par les télévisions, la traction électrique, l’électronique, les communications pour la défense, l’espace, les turbo-altemateurs, etc. Par ailleurs, les ACEC ont été trop longtemps habitués à se baser sur les commandes publiques ; la part de celles-ci dans le total des commandes plafonne en 1981 à 55%, à un moment où les opportunités offertes par les marchés publics amorcent leur déclin.

171Westinghouse fut attiré par le potentiel de recherche en matière de centrales nucléaires, espérant réussir, notamment via les ACEC, une percée sur le marché nucléaire en Europe. Celle-ci ayant échoué, Westinghouse a cherché dès 1977 à se débarrasser des ACEC et s’en est progressivement désintéressé, accordant une plus grande autonomie à sa direction. Mais dès 1982, celle-ci, lasse d’interminables conflits avec les délégations syndicales, décide de ne plus investir à Charleroi, sauf en recherche et développement et cède le secteur son-vision-électro-domestique. Dès 1983-1984, le volume des commandes est en baisse, le chiffre d’affaires s’en ressent, le bénéfice net est ramené à zéro et l’emploi diminue suite à la mise en œuvre d’un plan d’austérité requis, selon la direction, par le niveau insuffisant des commandes, la trop grande dépendance à l’égard des commandes publiques et le montant élevé des coûts fixes.

172Le retour de la SGB aux commandes des ACEC s’insérait dans sa stratégie de développement de l’axe télécommunications dont ACEC était destinée, vu son potentiel de recherche, à devenir une des pièces maîtresses, notamment dans l’optique du "contrat du siècle" de la RTT. Il s’est toutefois avéré illusoire de profiler ACEC essentiellement en fonction des télécommunications et des commandes publiques y afférant ; celles-ci ont été soit largement réduites, soit considérablement retardées, voire annulées, y compris dans des domaines tels que le transport ferroviaire, le TAU, les commandes militaires, les centrales nucléaires. L’impact en a été durement ressenti au niveau de l’équilibre financier d’ACEC dont la direction voit par ailleurs sa marge de manœuvre limitée du fait du recentrage sur l’électromécanique et l’électronique imposé par la SGB au détriment de produits plus stables, bien que plus traditionnels. La stratégie télécommunications a été un échec ; pour percer sur ce marché, la SGB aurait dû investir bien davantage en ACEC, au lieu d’affecter des milliards à une participation très minoritaire au sein d’Alcatel NV.

173La situation d’ACEC se détériore au point que, faute d’un nouvel apport de son actionnaire principal et sous la pression du groupe français Suez qui reprit la SGB et qui avait besoin de liquidités, la direction d’ACEC ne voit plus comme solution que la filialisation, c’est-à-dire la vente à d’autres opérateurs industriels d’une série d’entités devenues des entreprises distinctes exerçant des activités plus ou moins homogènes. On a vu comment s’est déroulé ce processus de filialisation, qui a finalement profité à la CGE devenue en 1991 Alcatel Alsthom dans les secteurs du transport (ACEC Transport), de l’ingéniérie électrique (Cegelec ACEC), des télécommunications (Alcatel Bell SDT) et de l’électromécanique (ACEC Energie). Que dire de la fusion ACEC-UM où l’intérêt de la SGB était fiscal, puisque permettant à l’époque de récupérer en toute légalité des milliards de pertes reportées en les imputant aux résultats futurs d’ACEC-UM ? Le démantèlement d’ACEC aura néanmoins permis d’opérer une large restructuration dans le secteur des non-ferreux dont les résultats grevaient très lourdement les comptes de la SGB, puis du groupe Suez.

174ACEC méritait mieux que le traitement auquel elle a été soumise par les dirigeants du groupe Suez et de la SGB, même si ces derniers continuent à considérer que l’avenir des sociétés filialisées d’ACEC, intégrées dans des groupes mondiaux, est assuré en raison des investissements importants, du personnel plus qualifié, du développement technologique considérable, d’une trésorerie saine et de résultats intéressants [105]. L’autonomie de ces ex-filiales est très relative, soumises qu’elles sont aux orientations et aux impératifs de rentabilité et de productivité que leur impose leur actionnaire principal (GEC Alsthom, Cegelec ACEC, Alcatel Bell). De leurs côtés, les pouvoirs publics régionaux, en l’occurrence la SRIW, se sont, dans la plupart des cas, substitués au holding ACEC comme partenaire minoritaire (49% dans ACEC Energie, 49% dans Cegelec 25% dans Alcatel Bell SDT), renflouant ainsi quelque peu la trésorerie de l’ex-ACEC (et donc d’ACEC-UM), mais sans prendre part à la stratégie qui les concerne. A ce démembrement industriel s’ajoute un volume de l’emploi divisé par sept en dix ans (même s’il y a eu des reclassements et si le financement des prépensions est assuré).

175Quant aux organisations syndicales, le déclin de leur influence est allé de pair avec l’émiettement d’ACEC. Au départ d’une stratégie dont l’épicentre se trouvait à Charleroi, privilégiant le rapport de forces face à la direction des ACEC, un front commun syndical à prépondérance FGTB a su obtenir des acquis importants en matière de rémunérations, de durée et de conditions de travail, tant que la conjoncture n’était pas défavorable aux ACEC. La longue grève de 1979 pour l’obtention des 36 heures par semaine, puis la guérilla syndicale de 1982 contre le blocage de l’indexation des salaires, ont laissé des traces. Contrainte de céder, la direction a durci ses positions en bloquant les investissements à Charleroi, en introduisant une politique d’austérité et en créant des failles dans la solidarité entre ouvriers et employés et au sein du front commun syndical. Sous le contrôle de Westinghouse qui avait laissé, depuis 1977, un large pouvoir de décision à la direction des ACEC, l’interlocuteur patronal était clairement identifié : les dirigeants d’ACEC à Charleroi, à Liège et à Gand étaient habilités à négocier avec les délégations syndicales pour les problèmes concernant chacune de ces entités, tandis que les revendications communes étaient traitées en intersièges avec la direction générale d’ACEC. Or, en 1986, après la prise de contrôle par la Société générale de Belgique, la situation se modifie. Aussi bien sur la problématique du volume de l’emploi qu’au niveau de la question des commandes publiques, le front commun se retrouve sur la défensive, démuni d’alternatives face à un interlocuteur, la direction d’ACEC, dénué d’un réel pouvoir de décision, celui-ci étant transféré au niveau de la SGB.

176En 1987 et 1988, toutes les actions syndicales (arrêts de travail, manifestations, séquestration de la direction) s’avèrent impuissantes à endiguer les effets du plan de restructuration de septembre 1986 au niveau de l’emploi et à contrer la mise en œuvre de la politique de filialisation. En se confinant pour l’essentiel au siège de Charleroi (et par moments à Herstal), les organisations syndicales ont négligé d’œuvrer à une stratégie syndicale plus globale au niveau d’autres entreprises contrôlées par le groupe SGB, voire au niveau des filiales françaises de la CGE [106]. Une stratégie aussi étroitement locale, focalisée sur une seule entreprise au sein d’un groupe comme la SGB, puis au sein du groupe français Suez, était vouée à l’échec dans la mesure où elle n’avait aucune influence sur des décisions prises au niveau de groupes industriels nationaux ou multinationaux. Si l’on ajoute à cela les dissensions au sein de la délégation FGTB à Charleroi, l’on comprend que les organisations syndicales en aient été finalement réduites à négocier un double volet social qui comprenait les conditions de la prépension pour les travailleurs "dégagés" et les conditions de salaire et d’horaires de travail pour les travailleurs repris dans les différentes filiales.

177Le processus se poursuit en 1989, où la seule action syndicale significative consiste à appuyer les revendications des prépensionnés et pensionnés d’ACEC pour obliger la SGB à respecter ses engagements et à trouver une solution acceptable pour financer le passif social d’ACEC. La création d’ACEC-UM ne donne lieu à aucune réaction syndicale particulière. Enfin, une fois entamé le processus de marginalisation de l’ex-ACEC au sein d’ACEC-UM et d’insertion des ex-filiales au sein d’Alcatel Alsthom, les réactions syndicales se sont limitées la plupart du temps à quelques arrêts de travail liés à des différends au niveau des relations collectives de travail, sans qu’aucun mouvement d’ensemble n’ait lieu.

178A partir de la prise de contrôle de la Société générale de Belgique par le groupe français Suez en 1988, les conditions de l’action syndicale, notamment chez ACEC, sont devenues plus difficiles. C’est que l’interlocuteur patronal habilité à prendre des décisions s’avère moins proche et moins sujet à des pressions sociales directes au niveau de l’entreprise. Ainsi, le pouvoir de décision ultime, qui échappe déjà à la direction d’ACEC, n’est plus que partiellement du ressort des dirigeants de la Société générale de Belgique. C’est la direction du groupe Suez qui décide des entreprises-clés à promouvoir, des métiers dans lesquels investir, des restructurations et des cessions à opérer dans les secteurs non stratégiques auxquels ressortit notamment ACEC. Or, au niveau de la société-mère du groupe Suez - comme de la Société générale de Belgique - il n’existe aucune structure de relations et de négociations professionnelles. Dès lors, avant la fusion avec l’Union minière, les délégations d’ACEC se trouvaient dans l’impossibilité d’exercer une quelconque pression sur la direction du groupe Suez quant à l’avenir de leur entreprise. Il ne leur restait plus qu’à négocier les conditions d’accompagnement social des décisions de filialisation d’ACEC prises au niveau des directions de groupes multinationaux. Dès l’insertion des composantes résiduelles d’ACEC dans ACEC-UM, où elles sont largement marginalisées, les délégations syndicales voient s’insérer un nouvel échelon entre la direction locale et la Société générale de Belgique : la direction d’ACEC-UM, centrée pour l’essentiel sur le secteur des non-ferreux et qui ne traite pas avec les délégations en question. Dans ce cadre, l’espace pour l’action syndicale est particulièrement restreint. En outre, il n’a pas été question d’action ou de stratégie communes entre les délégations de l’ex ACEC et celles des entreprises du secteur des non-ferreux : à la disparité des secteurs et des problèmes sociaux s’est ajouté le très faible impact syndical des travailleurs de l’ex-ACEC.

179La dégradation accélérée de l’influence syndicale au niveau d’ACEC et d’UM illustre la nécessité de repenser l’action et la stratégie syndicales au sein des groupes d’entreprises. En particulier, dans le cas d’ACEC, une prise de conscience de ce qui unissait les travailleurs de l’entreprise carolorégienne à ceux d’autres entreprises - en difficulté ou non, de tradition, de dimension et de secteurs hétérogènes - à savoir leur commune dépendance par rapport à un même pouvoir de groupe, aurait pu modifier les données du problème.

Notes

  • [1]
    Sur l’évolution de la SGB puis son contrôle par le groupe Suez dès 1988, voir notamment Anne Vincent, Les groupes d’entreprises en Belgique. Le domaine des principaux groupes privés, CRISP, 1990 ; M. Capron, "Stratégies des groupes et mutation des relations collectives de travail. La stratégie industrielle et financière de la Société Générale de Belgique et du groupe Suez (1981-1991)", Cahiers Oranges, n° 38, IST-UCL, Louvain-la-Neuve, avril 1993.
  • [2]
    La SGB restait actionnaire minoritaire des ACEC en gardant une participation directe de 6,6% et indirecte de 3,1%.
  • [3]
    A propos de l’évolution des ACEC sous le contrôle de Westinghouse, voir "Les ACEC : l’évolution d’une grande entreprise industrielle belge", Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 868-869, 15 février 1980.
  • [4]
    Avec l’aide de l’Etat, plusieurs institutions publiques de crédit accordèrent un crédit de BEF 500 millions pour faciliter le financement d’un plan d’investissement de BEF 1,145 milliard. Westinghouse reprit les ACEC pour BEF 1,230 milliard.
  • [5]
    Cette participation, domiciliée à la Banque Degroof, appartient en fait à la banque américaine Mellon, principal actionnaire de Westinghouse. Cela permet d’éviter à Westinghouse de devoir consolider les comptes des ACEC dans son bilan. En 1982, Westinghouse ramenait sa part dans ACEC à 42%.
  • [6]
    Chiffre d’affaires 1983 : BEF 76,7 millions ; bénéfice net : BEF 1,2 million ; effectifs : 30 personnes.
  • [7]
    Etudes techniques et constructions aérospatiales-ETCA a réalisé en 1984 un chiffre d’affaires de BEF 628,8 millions, un bénéfice net de BEF 3,3 millions en occupant 19 personnes.
  • [8]
    Chiffre d’affaires 1983 : BEF 1,292 milliard ; bénéfice net : BEF 29,9 millions ; effectifs : 461 personnes.
  • [9]
    Voir CRISP, Répertoire permanent des groupes d’entreprises, ACEC, 1983, pp. 1313-1316.
  • [10]
    Voir notamment à ce sujet : Groupe de sociologie wallonne, "Westinghouse : nettoyage ACEC. Un enjeu politique pour les travailleurs", Les Dossiers wallons, n° 2,1976, pp. 25-37.
  • [11]
    Voir S. Lambert, "La grève des ACEC", L’Année sociale, 1979, Eds. de l’ULB, Bruxelles, 1981, pp. 116-127.
  • [12]
    La convention collective de 1980 leur octroya 36h30 au 1er mai 1980 et 36 heures/semaine au 1er janvier 1981.
  • [13]
    Issus du Japon, ces cercles se regroupent, à l’initiative de la direction, des travailleurs appartenant à un même atelier ou un même bureau ou travaillant sur un même produit, qui se réunissent, sur une base volontaire avec animation par l’encadrement, en vue notamment d’améliorer la qualité des produits. Voir à ce sujet J.-L. Cantignau, "Les cercles de qualité chez ACEC", G. Wamotte et al., Innovation sociale et entreprise, Presses universitaires de Namur, 1985, pp. 39-54 ; et plus largement B. Monteil (e. a.), Cercles de qualité et de progrès : pour une nouvelle compétitivité, Eds. d’Organisation, Paris, 1985.
  • [14]
    Voir ACEC, Rapports annuels, 1983, 1984.
  • [15]
    SGB, Rapport annuel, 1983, p. 102 ; la synthèse des activités d’ACEC durant l’année 1983 étant présentée page 36.
  • [16]
    SGB, Rapport annuel, 1984, p. 4.
  • [17]
    Idem. Toutefois, si la participation directe de la SGB en ACEC demeure inchangée à 6,5%, sa participation indirecte (via Solina) recule de 3,1 % à 2,27%.
  • [18]
    Cette part est cédée à une filiale commune de Tractionel et Electrobel, Telfin, constituée en décembre 1984 au capital de BEF 500 millions pour agir dans les domaines de l’électronique, la télématique et les télécommunications.
  • [19]
    Groupe français (BEF 500 milliards de chiffre d’affaires, 600 filiales et 160.000 personnes occupées), la CGE occupait en 1985 le premier rang mondial en terminaux vidéotex, le 2ème rang en télécopie et câbles, le 3ème rang en construction ferroviaire et le 5ème rang en télécommunications publiques.
  • [20]
    SGB, Rapport annuel, 1985, Complément, p. 43.
  • [21]
    En juillet 1984, CIT-Alcatel avait déjà fait une offre, patronnée par la SGB et la CGE, pour le contrat du siècle. Or, au même moment, ACEC concluait un accord à cet effet avec le groupe suédois Ericsson.
  • [22]
    En 1985, ACEC a revendu au groupe américain Inductotherm ses filiales Elphiac (Herstal), HWG (RFA) et Elphiac do Brasil, productrices d’équipements d’électrothermie industrielle. En 1986, les divisions transformateurs de Gand et Marcinelle sont cédées à Pauwels Trafo et, dans le même secteur, les filiales ACEC Far East et ACEC Ireland sont revendues au groupe norvégien National Industri ; Cogebi est revendue à la Compagnie royale asturienne des mines ; les filiales françaises Clarel et MEMN sont revendues.
  • [23]
    Par ailleurs, en janvier 1986, est constituée SORACEC, société de reconversion mixte dont le capital est fourni par la SRIW (pour BEF 250 millions) et par ACEC (pour BEF 275 millions), en vue, en un premier temps, de racheter l’outil de production à Charleroi, en le relouant à ACEC à un taux avantageux, mais aussi, à moyen terme, en vue de reconvertir les activités de fabrication et de vente de matériel de traction et de propulsion de véhicules de transport urbain.
  • [24]
    En novembre 1986, ACEC a procédé à une augmentation de capital de SDM et acquis une participation majoritaire dans ABSY, entreprise spécialisée dans la télématique industrielle.
  • [25]
    Sur la situation d’ACEC et du groupe ACEC fin 1986, voir CRISP, Répertoire permanent des groupes d’entreprises, avril 1987, pp 2359-2377.
  • [26]
    Voir notamment à ce sujet J. Dujardin, "L’empoignade du siècle", Tendances, 26 septembre 1986, pp. 75-78.
  • [27]
    La Nouvelle Gazette, 14 juin 1985.
  • [28]
    ACEC, Rapport annuel, 1987, p. 13.
  • [29]
    "ACEC, l’électrochoc", interview de P. Klees, Tendances, 30 avril 1987, pp. 10-13.
  • [30]
    La part des commandes à l’exportation, si elle atteint 36% en 1985 et 42% en 1986, retombe à 32% en 1987 (voir ACEC, Rapport annuel, 1987, p. 15) pour un total de commandes déjà nettement en baisse.
  • [31]
    Début juin, la Défense nationale préfère attribuer une commande de BEF 300 millions pour des groupes électrogènes à la filiale belge du groupe allemand KHD plutôt qu’à ACEC-Drogenbos, dont l’offre était moins performante et plus chère, ce qui met en cause l’avenir de ce siège.
  • [32]
    Aux termes de cet accord, Bell se réservait la commutation (avec le système 12), tandis qu’ACEC se spécialisait en transmission de signaux et RNIS, ce qui leur permettait, selon E. Davignon, de couvrir l’ensemble de la gamme sur le marché en télécommunications. ACEC avait toutefois dû rompre l’accord avec Ericsson qui lui aurait permis de faire une offre en commutation.
  • [33]
    Quelques jours après les déclarations d’E. Davignon, on apprend que la SGB pourrait ouvrir son capital à Sumitomo et à la CGE. Or, la CGE et la SGB sont liées par un accord-cadre de coopération en télécommunications et en électronique, plus large que le seul contrôle d’ACEC via la CEDEE.
  • [34]
    L’accord ITT-CGE donna finalement naissance, début janvier 1987, à Alcatel NV, deuxième groupe mondial en télécommunications et leader mondial en ciblerie. La CGE y détient directement 21,5% et indirectement (via sa filiale Alcatel) 34,1% contre 37% à ITT, 5,7% à la SGB et 1,7% au Crédit Lyonnais. E. Davignon siège au comité de surveillance d’Alcatel NV, dont Bell Téléphoné est une filiale à 100%.
  • [35]
    Asea Brown Boveri est issu de la fusion, à parité, en août 1987, du groupe suédois Asea et du groupe suisse Brown Boveri.
  • [36]
    La stratégie de la CGE consiste à prendre des marchés lui permettant d’obtenir, comme c’est le cas en France, des quasi-monopoles dans des secteurs à clientèle publique (énergie, transports, télécommunications) et d’en contrôler les prix, tout en cédant les activités grand public (électroménager ou bâtiment par exemple). Voir Le Monde, 17 janvier 1987.
  • [37]
    Le Drapeau Rouge, 4-5 avril 1987.
  • [38]
    Sur la prise de contrôle de la Société générale de Belgique par le groupe français Suez et ses conséquences, voir A. Vincent, Les groupes d’entreprises en Belgique, op. cit., pp. 11-16 ; voir aussi B. Dethomas et J. Fralon, Les milliards de l’orgueil. L’affaire de la Société générale de Belgique, Gallimard, 1989.
  • [39]
    Celle-ci s’explique par une perte de BEF 751,9 millions et des bénéfices exceptionnels de BEF 213,7 millions résultant eux-mêmes de produits exceptionnels pour BEF 4,764 milliards (notamment la plus-value liée à la cession de Barco Industries en décembre 1988) et de charges exceptionnelles pour BEF 4,550 milliards (dues notamment à l’amortissement des charges de restructuration en 1987 et 1988 et du solde en recherche et développement dans le cadre de la filialisation, à des réductions de valeur et des provisions pour risques et charges).
  • [40]
    ACEC, Rapport annuel, 1988, p. 11.
  • [41]
    Jusqu’à ce moment, la SRIW envisageait d’intervenir au niveau de certaines filiales, à condition qu’il y ait un accord social et un partenaire extérieur majoritaire. Ainsi, la SRIW pourrait reprendre la part d’ACEC (BEF 100 millions) dans Teleburotec et mettre BEF 500 millions en provenance de la trésorerie de cette société à la disposition d’une filiale d’ACEC. De même, la SRIW pourrait convertir sa participation de BEF 250 millions dans SORACEC en participation dans une des filiales. Ces intentions devaient toutefois encore être finalisées fin 1988.
  • [42]
    A cet égard, l’exécutif de la Région wallonne avait marqué son accord pour l’intervention du Fonds des fermetures à condition que le plan de restructuration soit accepté par toutes les parties et qu’ACEC présente un plan de remboursement en dix ans maximum.
  • [43]
    Sur la problématique de la prépension aux ACEC, son évolution et le vécu des ouvriers, voir M-C. Segers, L’expérience vécue des prépensionnés ouvriers des ACEC de Charleroi, mémoire non publié, FOPES, UCL, Louvain-la-Neuve, septembre 1989.
  • [44]
    ITT cédera ces actions à la CGE dont elle acquerra en contrepartie 2,84% du capital.
  • [45]
    Celle-ci avait donné lieu, à l’époque, à l’ébauche d’alternatives qui auraient permis une présence continuée de la SGB dans le secteur des télécommunications via le holding ACEC. Voir M. Capron, "ACEC ou l’angoisse du lendemain", La Revue Nouvelle, décembre 1988, pp. 73-74.
  • [46]
    Durant les premiers mois de 1988, la position de la FGTB oscilla entre un refus pur et simple de toute filialisation et une solution de filialisation "belge".
  • [47]
    Alsthom exigeait le dégagement de quelque 1.000 personnes dans les deux divisions, une hausse du temps de travail, la suppression des primes automatiques et l’instauration d’un système de primes au mérite.
  • [48]
    Parallèlement, 150 employés seraient licenciés début 1989 sans prime de départ ni recours à la prépension.
  • [49]
    Ph. Busquin, alors ministre régional de l’Economie, avait été plus clair en février : l’intervention de la région était liée à un projet industriel de maintien ou de développement d’une activité économique source d’emplois, notamment au niveau de la recherche.
  • [50]
    Voir T. Dickson, "How the mighty are fallen", The Financial Times, 13 février 1989. Par ailleurs, le 2 janvier, ACEC a ramené de 99,9% à 30% sa participation dans Computer and Management Services-COMASE, spécialisée dans l’informatique appliquée à la gestion industrielle, dont les cadres et l’administrateur-délégué détiennent désormais 70%.
  • [51]
    Avec la SdM (microélectronique) et ETCA (espace), ACEC-SDT occupe 714 personnes.
  • [52]
    Néanmoins, début mai, ACEC-TRA instaure un chômage économique dans la division Moteurs suite aux retards intervenus dans la commande de ces automotrices.
  • [53]
    Le 22 mai, ACEC cède 99,9% d’Elnor à la société nééerlandaise Red Fox qui produit des moteurs et des générateurs.
  • [54]
    Voir Tendances, 30 mars 1989.
  • [55]
    La cession de sa participation dans Alcatel NV a, par ailleurs, permis à la SGB d’accroître de 1,9% à 4,2% sa participation dans le capital de la CGE, tout comme la cession au groupe Suez des 3,3% détenus par la CGE dans la SGB a permis à la CGE d’accroître sa participation en Suez. Il s’agit, à chaque fois, d’accroître la part détenue directement au niveau du holding de tête de l’autre groupe.
  • [56]
    L’assemblée générale d’ACEC a décidé le 14 juin, après approbation des comptes de 1988, de poursuivre les activités et, pour ce faire, de proposer à l’assemblée générale extraordinaire du 26 juillet une augmentation de capital du holding ACEC à hauteur de BEF 1,77 milliard.
  • [57]
    Le 4 septembre, la SRIW acquiert 25% du capital d’Alcatel Bell SDT ; Alcatel Bell garde 55% et le holding ACEC 20%.
  • [58]
    Interview de P. Suard, L’Echo de la Bourse, 25-26 février 1989.
  • [59]
    Cette nouvelle société devient le premier groupe européen dans les métiers du transport et de la production d’énergie.
  • [60]
    Dans le domaine des câbleries, les Câbles de Lyon (filiale à 75% de la CGE) contrôlent les Câbleries de Dour, Financâble et les Nouvelles câbleries de Charleroi. Par ailleurs, la CGE est actionnaire principal de la Générale occidentale, active dans les domaines de l’édition (le Groupe de la Cité) et de la communication (elle détient 20% de CEP Communication dont Havas détient 35%).
  • [61]
    Dans les domaines de la production d’énergie (centrales électriques, turbines à gaz) et de la distribution et transformation d’électricité, GEC Alsthom s’affirme comme le principal concurrent du groupe Asea Brown Boveri pour le leadership mondial. Voir D. Pourquery, "ABB-Alsthom : le face-à-face, "Le Monde-Affaires, 15 avril 1989 et "Power Génération Equipment", The Financial Times, 6 juin 1989.
  • [62]
    Début novembre, cette société occupe 47 personnes, mais reprend également sur ses listes du personnel 304 malades et 67 chômeurs de longue durée, ainsi que les quelque 5.000 pensionnés et prépensionnés ACEC.
  • [63]
    Voir L’Echo de la Bourse, 28-29 janiver 1989.
  • [64]
    Cette convention garantit aux prépensionnés l’intégralité de leur revenu. Une dénonciation unilatérale de la part de la SGB créerait un grave précédent social en portant atteinte au statut des prépensionnés.
  • [65]
    En décembre 1988, ACEC a cédé sa part de 57% dans Barco Industries à la GIMV. Le solde du produit de cette vente est venu combler ses déficits de trésorerie.
  • [66]
    La SRIW subordonne son intervention non seulement à la couverture financière intégrale du passif social, mais aussi à une convention avec Alsthom garantissant à long terme une activité industrielle à Charleroi et à une convention de coopération entre ETCA, ACEC-SDT et ACEC-Automatisme relative aux bancs de contrôle informatisés pour le domaine spatial.
  • [67]
    ACEC dispose de participations dans ACEC-PPES, ACEC-OSI, ACEC-Energie, ACEC-Automatisme et ACEC-SDT. La SRIW reprend pour BEF 200 millions 29% d’ACEC-Energie et ACEC-Automatisme, laissant à ACEC une participation de 20% dans chacune de ces sociétés. L’activité industrielle conservée par ACEC permettrait de valoriser à raison d’au moins 10% des pertes fiscales atteignant BEF 7 milliards.
  • [68]
    La SGB ayant racheté le 13 juin à la CGE sa participation, détient désormais 100% de CEDEE.
  • [69]
    Ce prix d’émission a donné lieu à controverse. En fait, en additionnant l’actif net d’ACEC, proche de zéro, quelques actifs résiduels et les pertes fiscales utilisables (à concurrence de 10 à 20% du total de BEF 7 milliards) et compte tenu du rendement très faible de l’action, puisqu’il n’y a plus eu de dividendes depuis 1968, la société Touch Ross and Co estime la valeur de l’action ACEC à moins de BEF 100. Eu égard à la cotisation en bourse, elle a proposé de fixer un prix d’émission de BEF 250.
  • [70]
    Ces petits actionnaires, qui détiennent 49,9% du capital d’ACEC sont répartis, selon P. Klees, administrateur-délégué d’ACEC, en trois catégories : près de 30% seraient des actionnaires passifs, indifférents à l’évolution du titre ; quelque 15%, des professionnels, sont satisfaits de l’opération proposée, car elle leur assurerait des dividendes à partir de 1990 ; enfin, quelque 4% seraient des pensionnés et prépensionnés, en majorité des cadres, contestant toutes les solutions proposées. Voir L’Echo de la Bourse, 15 juillet 1989.
  • [71]
    Ces actions se répartissent comme suit : 283.200 actions pour la SGB, 212.398 actions pour CEDEE et 35.403 pour Sogenbel, ces deux dernières sociétés étant des filiales à 100% de la SGB. Cet ensemble représente 50% du total des actions, le solde étant pour 177.000 actions dans le public et pour 354.000 actions sujet à souscription publique.
  • [72]
    Cet ensemble d’actions se répartit comme suit : 18.400.000 actions pour la SGB, 2.557 actions pour d’autres sociétés du groupe SGB et 2.300 actions dans le public. En fait, l’on a créé des parts sociales, regroupées ensuite en actions, à raison de dix parts sociales pour une action. Par ailleurs, le rapport d’échange entre les deux sociétés a été fixé à une action UM contre 184 actions ACEC.
  • [73]
    Fin 1989, la CMB rachète & ACEC-UM sa part dans ABT-Stocatra.
  • [74]
    Sur l’évolution de l’Union minière, de ses principales filiales et sur la création d’ACEC-UM, voir A. Vincent, Les groupes d’entreprises en Belgique, op. cit, pp. 123-144. Le Rapport d’activités 1989 d’ACEC Union minière fournit des indications sur les différentes activités industrielles de MHO, Vieille Montagne et Asturienne des mines.
  • [75]
    Union minière contrôle 65,5% de Vieille Montagne tandis que ses filiales Financuivre et la Compagnie financière de la place Stéphanie détiennent respectivement 19,7 et 10,6%. En 1988, UM avait racheté la paît minoritaire des actionnaires flamands du groupe luxembourgeois Flin.
  • [76]
    Voir Tendances, 16 février 1989.
  • [77]
    Cette société, dont l’Etat guinéen détient 49%, est contrôlée à 51% par la société britannique Chevaning Mining Cy, elle-même détenue à 50,1% par une filiale luxembourgeoise d’ACEC-UM, Financial and Investment Cy-Fininco, en association avec Pancontinental.
  • [78]
    Voir L’Echo de la Bourse, 8 décembre 1989.
  • [79]
    Voir E. Lentzen et A. Vincent, "La concentration économique et les groupes Société Générale de Belgique, Cobepa, Bruxelles Lambert et Frère-Bourgeois en 1981-1982", Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 993-994, 1983, pp. 4-7 et 120.
  • [80]
    Début 1990, la division Vieille Montagne reprend les unités de production de MHO à Overpelt, les usines du Tennesse d’Union Zinc et l’usine portugaise d’Asturienne, achevant ainsi le regroupement de l’ensemble des activités zinc d’ACEC-UM.
  • [81]
    C’est l’activité principale de sa filiale américaine Carolmet.
  • [82]
    Pour rappel, dans sa division ACEC, ACEC-UM détient 100% d’ACEC-OSI et ACEC Centrifugal Pumps et 20% dans ACEC Automatisme, ACEC Energie et Alcatel Bell SDT.
  • [83]
    En septembre 1989, la Generale Trading Cy est devenue Sogem, après cession de plusieurs de ses composantes, notamment Transcor à Groupe Bruxelles Lambert-GBL et Mines, Minerais, Métaux à Sadacem (filiale de Gechem). La logique de la stratégie de la SGB impliquait un retrait du commerce international multiproduits pour opérer des synergies de commercialisation avec les sociétés du groupe leaders en non-ferreux.
  • [84]
    Voir T. Dickson, "La Générale irons out problems", The Financial Times, 12 décembre 1989.
  • [85]
    Au plan organisationnel, la division MHO est structurée en quatre "business units" : cuivre, cobalt, germanium et métallurgie complexe (plomb, métaux précieux et spéciaux).
  • [86]
    La plus ou moins grande sensibilité d’ACEC-UM aux variations cycliques des cours mondiaux des métaux non ferreux est une variable cruciale au niveau des résultats du groupe SGB. Ainsi, en 1989, sur les BEF 16,7 milliards de bénéfice courant du groupe, BEF 9,S milliards provenaient du pôle des non- ferreux. ACEC-UM représentait, fin 1989, 34% de la valeur boursière du groupe SGB (BEF 30S milliards). Voir L’Echo de la Bourse, 19 septembre 1990.
  • [87]
    Via ses filiales CEDEE, Sogenbel, GIF et autres, la SGB détient en outre, indirectement, 4,6% dans ACEC-UM, auxquels s’ajoute 1,6% détenu par l’Asturienne des mines. Au total, le groupe SGB contrôle donc 88,3% d’ACEC-UM. Le groupe anversois Belcofi possède toujours, pour sa part, 2,4% et 9,3% des actions sont réparties dans le public.
  • [88]
    La répartition est la suivante : SGB 76,1%, CEDEE 3,4%, Sogenbel 0,4%, GIF 0,4%, Asturienne 1,6% et Contassur 0,01%. Pour sa part, Belcofi maintient ses 2,4%, tandis que la part des autres actionnaires atteint 15,7%.
  • [89]
    Générale de banque, Corporate Research, ACEC-Union minière, un groupe belge de dimension mondiale dans le secteur des non-ferreux, Bruxelles, mai 1990.
  • [90]
    Générale de banque, op. cil., p. 44.
  • [91]
    Id., p. 42.
  • [92]
    Un changement de parité de BEF 1 entre USD et BEF entraîne une variation d’au moins BEF 350 millions pour les résultats d’exploitation de la division zinc.
  • [93]
    Entre décembre 1990 et décembre 1991, l’emploi total au sein du groupe ACEC-UM est passé de 16.713 à 14.730 personnes, dont quelque 8.835 en Belgique. La diminution est due en majeure partie à des modifications du périmètre de consolidation d’ACEC-UM, dont sont sorties des entreprises occupant au total 1.432 personnes.
  • [94]
    Le comité de direction est présidé par J.-P. Rodier, tandis que P. Klees et N. Masson en sont les vice-présidents.
  • [95]
    Voir M. Vandermeir, "Un coup de neuf pour ACEC", La Libre Entreprise, 29 juin 1991.
  • [96]
    Voir S. Kalisz, "Du passé, faisons table rase ?", Tendances, 23 mai 1991.
  • [97]
    Union minière, Rapport d’activités, 1992, p. 14.
  • [98]
    Interview dans Le Soir, 13 juillet 1992. J.-P. Rodier fait allusion à ACEC Centrifugal Pumps. Outre celle-ci, il reste encore quelques participations majoritaires dans des sociétés financières et de commercialisation et une participation minoritaire (ACEC-OSI). Elles sont, il est vrai, insignifiantes au niveau d’UM.
  • [99]
    Les pertes successives en 1991 et en 1992 limitent considérablement les possibilités de récupération fiscales attendues de la fusion d’ACEC.
  • [100]
    La SGB détient 76,5%, CEDEE 3,4%, Sogenbel 0,4%, Asturienne 1,6% et Contassur 0,03%. Belcofi a ramené sa part à 1,4% et 16,7% sont dans le public.
  • [101]
    En juin 1993, UM cédera à Trasys, filiale de Tractebel, sa part de 25% dans ACEC-OSI.
  • [102]
    Fin janvier 1992, plusieurs mouvements de grève ont affecté les sièges de Gand, Geel, Colfontaine et Hoboken pour s’opposer à 261 licenciements décidés au moment où le groupe prévoit d’importants investissements. J. Goossens, président-directeur général d’Alcatel Bell justifie cette politique pour des raisons de productivité, par l’impact du progrès technologique et par la nécessité d’un recours à du personnel plus qualifié. Voir son interview, L’Echo, 28-30 mars 1992.
  • [103]
    Bell SDT contrôle désormais ETCA à 100%, après rachat de la participation de 49% détenue par General Dynamics.
  • [104]
    Voir J. Cech, "La seconde vie de Julien Dulait", Tendances, 3 septembre 1992, pp. 32-35.
  • [105]
    P. Klees, Le Soir, 19-20 juin 1993.
  • [106]
    Au niveau national, FGTB et CSC n’ont pas davantage réussi à élaborer une stratégie globale lors de la prise de contrôle de la SGB par le groupe Suez, même si des tentatives ont été effectuées dans ce sens par la CSC wallonne et la CNE.
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