1 C’est bien sûr en tant que Président de la CIPPA que je vais dire maintenant quelques mots.
2 La CIPPA est en deuil et nous sommes tous encore sous le coup de cette disparition si douloureuse de Geneviève, disparition qui nous laisse en quelque sorte hébétés avec un sentiment de vide intense.
3 * Mais c’est à vous, Geneviève, que je voudrais maintenant m’adresser directement.
4 Psychiatre, psychanalyste de la SPP, vous avez été, Geneviève, une grande observatrice de bébés et une grande spécialiste des traitements analytiques d’enfants autistes mais, en fait, je n’ai pas envie de faire une description détaillée de votre parcours professionnel.
5 D’autres s’en chargeront et le feront sans doute mieux que je ne saurais le faire moi-même.
6 Je voudrais seulement évoquer quelques étapes importantes de ce trajet avant de dire surtout la personne que vous êtes à mes yeux et qui allez tant nous manquer, à tous.
7 * À l’IME de Champrosay, à l’Institut Claparède, vous avez accompli un travail impressionnant de profondeur, de rigueur et de créativité.
8 Nous savons tous l’importance qu’ont eue pour vous les travaux de Frances Tustin, d’Esther Bick et de Donald Meltzer et à quel point vous avez contribué à la diffusion en France de ce courant de pensée post-kleinien, courant de pensée si important pour la psychanalyse de l’enfant.
9 Vous étiez très proche aussi des travaux de James Gammill et je me souviens encore avec émotion du séminaire que vous avez animé dans mon service à Saint-Vincent de Paul avec lui, avec Didier Houzel ainsi qu’avec Claudine et Pierre Geissmann.
10 Il est vrai que la psychanalyse des temps précoces de la vie a eu du mal à pénétrer certains milieux psychanalytiques un peu traditionnels, mais il est clair aussi que c’est en grande partie grâce à vous que les choses ont pu progressivement changer…
11 Je ne sais pas si vous le diriez ainsi mais il me semble que sous un air si doux… vous avez en fait initié une authentique révolution !
12 C’est ainsi que vous avec activement contribué en 1984 à la création du GERPEN dont vous êtes l’un des membres fondateurs – création souhaitée par James Gammill – et c’est ainsi qu’avec Dominique Amy vous avez fondé la CIPPA en 2004 que j’ai l’honneur et le plaisir de présider aujourd’hui après Dominique Amy elle-même.
13 Michel, votre mari sans lequel vous avez eu tant de mal à vivre depuis un an, vous a beaucoup aidée à la fondation de cette CIPPA.
14 L’assemblée constituante de la CIPPA a eu lieu en 2006, mais avant cela, et dès le début (dès 2004), Michel avait travaillé sur les statuts de l’association et c’est lui qui a œuvré à la constitution de tout un réseau de communication autour de la CIPPA.
15 La CIPPA va avoir à cœur- je le sais et je m’y engage – de maintenir vivant l’esprit de recherche et d’ouverture qui est celui que vous avez voulu pour cette association si particulière et si précieuse d’un point de vue scientifique mais aussi d’un point de vue sociétal afin de garantir aux enfants autistes et à leurs familles une approche véritablement humaine et digne, dans un contexte actuellement si difficile à ce propos.
16 Avec Michel, tous les deux, vous avez aussi beaucoup fait pour implanter en France l’observation de bébé selon la méthode d’Esther Bick et, avec d’autres collègues enfin, vous avez été à l’origine de l’AFFOBEB (Association Francophone des Formateurs à l’Observation du Bébé) dès ses débuts, soit dans les années 1970-75.
17 * Mais j’en viens maintenant à vous en tant que personne qui nous avez tous si profondément marqués.
18 J’ai participé à un groupe d’observation que vous animiez avant de faire moi-même une observation en tant qu’observateur dans un groupe animé par Françoise Jardin et cette formation à l’OD a été décisive pour moi.
19 Mais l’important n’est pas là.
20 Quand on était en contact avec vous, il se passait toujours quelque chose de tout à fait spécial.
21 J’ai dit tout à l’heure que vous étiez une grande observatrice de bébés et une grande spécialiste des traitements analytiques d’enfants autistes, et bien je crois que ce que je veux dire maintenant a quelque chose à voir avec cela.
22 Quand je vous parlais, de choses importantes ou moins importantes, je sentais que vous m’écoutiez avec une attention et une profondeur d’une intensité incroyable.
23 Je sais que je ne suis pas le seul à avoir ressenti cela.
24 Je crois que votre regard nous renvoyait à quelque chose du bébé que nous pensions nous-mêmes avoir été et que votre écoute dédramatisait toujours les craintes que nous pouvions avoir à l’égard de nos propres parties autistiques…
25 D’où une relation qui nous touchait au plus profond de nous-mêmes, et qui nous parlait à la fois de la vie, des bébés, des autistes et finalement de nous-mêmes.
26 * Chère Geneviève, je suis heureux d’avoir pu vous aider à publier au Fil rouge des P.U.F. votre ouvrage, Le Moi corporel, en 2018 et celui sur la grille qui porte désormais votre nom qui paraîtra également au « Fil rouge » dans quelques semaines.
27 Pour ce dernier livre, Géraldine Cerf et Hélène Suarez-Labat vous ont beaucoup aidée et nous leur en sommes tous bien sûr extrêmement reconnaissants.
28 Mais ce dont je suis tout particulièrement heureux, c’est que vous ayez pu assister, en personne, en mai dernier, à la Journée scientifique de la CIPPA qui était consacrée à la 1re édition du « Prix Geneviève Haag ».
29 Vous avez pu voir l’immense affection que nous avions toutes et tous pour vous et je crois que cela vous a véritablement fait plaisir.
30 Cela nous a fait également très plaisir, ce jour-là, de vous faire plaisir, de vous dire tout ce que nous vous devions, et de vous faire sentir que nous étions tous très conscients de cette dette à votre égard.
31 Il y a les souvenirs, il y a les photos … je crois que nous n’oublierons jamais ce jour de mai encore si proche.
32 * Votre œuvre est immense, Geneviève, votre personne est irremplaçable.
33 37 ans après l’écriture de votre article sur « Le bébé et la mère dans les deux moitiés du corps », nous aimerions tous mettre notre pouce gauche dans le creux de notre main droite, et pouvoir ressentir que nous sommes ensemble avec vous, en présence.
34 Ce que je sais, en tout cas, c’est que vous serez toujours avec nous de mille et mille manières dans nos pensées.
35 J’espère que vous allez pouvoir désormais vous reposer tranquillement aux côtés de Michel.
36 Au nom de nous tous, je vous embrasse, Chère Geneviève, très affectueusement et du fond du cœur, une dernière fois et avec une infinie tendresse.