Notes
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[1]
L’Inca Garcilaso de la Vega naquit à Cusco, le 12 avril 1539. Fils du conquistador Garcilaso de la Vega et de la princesse Isabel Chimpu Ocllo, nièce du dernier Inca, Túpac Yupanqui, Garcilaso, bien qu’appartenant à la noblesse inca et à l’aristocratie espagnole, fut toujours considéré comme un métisse. Il passa sa jeunesse à Cusco, et fut le témoin des guerres civiles qui ravagèrent le Pérou au xvi e siècle. À l’âge de 20 ans, il partit en Espagne et en 1606 rédigea Los Comentarios Reales où il narre l’histoire des Incas, la conquête et la colonisation. Dans cette œuvre se manifestent non seulement ses qualités littéraires mais aussi une certaine vision de l’empire inca décrit comme le modèle idéal. Il meurt le 24 avril 1616 à Cordoue.
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[2]
« Pachamama lives. As she begets the worms in the earth, so too are we begotten. She has bones and blood. And hair too. The pastures are her hair. She has milk as well. She lives in August from the firts to the sixth. Christmas she lives no more. She receives offerings. Wine and drink for her ceremony of pouring, this is what Pachamama wants. She knows how to drink. The offering must contain feed, incense, sugar, fetus of lamas and his wool. » Rosalind Gox et Bernabe Condori, Kay Pacha, Cuzco, Center for Rural Andean Studies, 1976, 99 p., cité par Constance Classen.
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[3]
Ce chroniqueur est d’origine indigène. Il descendait d’une lignée de nobles Collaguas. Il prétendait que son arrièregrand-père fut le premier baptisé de l’empire. On ne sait rien d’autre de lui. L’intérêt de sa chronique réside dans la transcription de chants épiques et de poèmes de l’époque inca.
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[4]
Ce diagramme de Joan de Santacruz de Pachacuti Yamqui tiré de Relacion de antigüedades deste reyno del Peru paru en 1615-1620 et repris dans de la Espada M.J. (éd.), 1879, Tres relaciones de antigüedades peruanas, Ascunsion, Madrid, Impr. De M. Tello, est analysé par Constance Classen.
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[5]
Selon les régions, le corps est divisé en quatre quartiers ou en trois. Chez les Aymaras, étudiés par Joseph Bastien, cette division, socle de l’ordre spatial andin, se fonde sur le mouvement du soleil en relation avec la terre. Elle correspond aussi aux champs, et aux communautés réparties en quatre.
-
[6]
« Alors que les Incas s’identifiaient à la domination masculine et les peuples vaincus à des femmes soumises, la conquête renversa les positions, les conquistadores occupant la position dominante. Les Incas, en fait, se représentaient l’épée des Espagnols comme un pénis, cette image montrant qu’ils considéraient l’invasion comme une violation sexuelle symbolique. » (Whereas the Incas had previously identified themselves with dominant masculinity and their subject peoples with subordinate femininity, with the Conquest they found themselves in the latter position, while Spanish occupied the former. The Incas, in fact, conceived of the swords of the Spanish as penises, indicating that they experienced their defeat at the hands of the Spanish as a symbolic sexual violation).
1 Les informations sur la place du corps chez les peuples andins avant la conquête hispanique sont partielles et dispersées. On ignore totalement comment étaient perçues des catégories telles que la souillure, la pourriture ou encore l’impureté, dont on sait combien elles contribuent à la constitution d’un code symbolique. On suppose que les déchets corporels de l’Inca, ongles, cheveux, vêtements usagés ont été vénérés. Comme le remarque Thérèse Bouysse-Cassagne, « les représentations corporelles et le rôle qu’elles purent jouer dans la constitution du système symbolique restent encore à étudier dans le monde andin » (Bouysse-Cassagne, 1997 : 523). Seuls quelques indices ténus émergent dans les écrits des chroniqueurs. L’Inca Garcilaso de la Vega [1] répète que les Indiens « avaient un soin extraordinaire de mettre en sûreté les ongles et les cheveux qu’ils coupaient ou qu’ils s’arrachaient avec le peigne. Ils les cachaient dans les trous ou les fentes des murs. Et si par hasard ils tombaient et qu’un Indien les apercevait, il les ramassait et les mettait en lieu sûr » (Garcilaso de la Vega, 1982 : 177).
2 Il reste tout de même quelques traces des pratiques liées au corps dans la société andine précolombienne. Par exemple, lors des veillées funèbres et avant le cinquième jour qui voyait revenir les morts, on recueillait dans la région du lac Titicaca les crachats, les cheveux, les ongles des défunts et on les cousait sur leurs vêtements. Puis on les brûlait un an après le jour anniversaire de la disparition de la personne. Thérèse Bouysse-Cassagne considère que ces déchets apparentés quelque peu à des ornements rendent tangibles l’identité individuelle (ou collective) et marquent la frontière du corps. Aussi, l’identité est renforcée et ce rite permet de reconnaître socialement le défunt. Pourtant, tout n’est pas qu’obscurité et interrogations. Les chroniqueurs métisses et espagnols sauvèrent de l’oubli des pans entiers de la cosmologie inca et permirent de mieux connaître les rapports entre leur religion et le corps.
Corps et cosmologies
3 Un des points essentiels de la cosmologie des anciens Incas comme de leurs descendants quechuas contemporains est avant tout la recherche de l’équilibre et de l’ordre dans l’univers où des forces antagonistes et puissantes s’affrontent : « Pour les habitants des Andes, souligne Constance Classen, une des conditions essentielles pour survivre et prospérer dans cette austère région est de maintenir un équilibre précaire entre eux et leur environnement, et d’établir un système d’échanges entre des communautés vivant à différentes altitudes et qui ont, par conséquent, accès à des ressources variées. Cette recherche de l’équilibre et de l’échange se manifestait aussi dans la cosmologie andine et était mise en pratique dans les mythes et les rituels de l’empire inca mais aussi chez les populations andines contemporaines […] Cet équilibre des forces cosmiques a pour résultat de créer un univers statique. Pour l’animer, un système d’échange s’avère indispensable. La combinaison – équilibre, échange – est contenue dans le mot quechua ayni, qui signifie réciprocité, équilibre […] La première fonction de la religion andine est de maintenir l’harmonie de l’univers, d’établir des relations entre ses différentes parties. Dans cet effort, le corps humain sert de modèle au cosmos et devient un médiateur entre les forces cosmiques. » (Classen, 1993 : 11-12).
4 Ces forces supérieures et antagonistes, clarté et obscurité, solide et liquide, doivent se compléter et se neutraliser entre elles. C’est la condition sine qua non de la survie de l’univers et la base du système pour éviter à tout prix le chaos. L’harmonie et la stabilité sont les deux maîtres mots de cette cosmologie.
5 Tout comme dans l’univers, la dualité, chez l’homme, est de mise : mâle et femelle, droite et gauche, haut et bas associés au cosmos sont intimement liés à l’humain. Le soleil, inti, identifié à la clarté, l’énergie fertilisante, est un symbole masculin alors que la lune, quilla, liée à la fluidité, l’obscurité, la fécondité, est un symbole typiquement féminin. Globalement, le haut, le masculin, la droite sont associés au supérieur et le bas, l’humide, la gauche, le féminin à l’inférieur. Mais bien que le masculin, la droite soient supérieurs au féminin et à la gauche, dans la pensée andine, l’un ne peut pas exister sans l’autre. Le corps humain est composé des côtés droit et gauche et d’une partie masculine et féminine. Cette dualité n’est pas rigide et parfois, des éléments changent de nature, de sexe selon le contexte. L’eau, généralement associée à la femme, peut devenir mâle quand elle représente la semence qui fertilise la terre.
6 Ces dualismes qui se référaient à l’existence corporelle (gauche et droite, mâle et femelle, haut et bas) étaient métaphoriquement appliqués pour élucider aussi bien la relation entre les différentes strates de la société que celle entre la terre et le ciel, le temps et l’espace. Par exemple, dans le système de parenté à descendance parallèle, la ligne des hommes représentait le bras droit, la ligne des femmes, le bras gauche, et un ancêtre commun occupait la position de la tête. Ces dualismes se complétaient plus qu’ils ne s’opposaient.
7 D’autre part, dans l’aire andine, on considérait à l’époque préhispanique les divinités comme des êtres humains. Pour les Incas et leurs descendants, le corps humain était une construction qui offrait aussi bien une structure que des concepts pour expliquer comment le cosmos fonctionnait. Respirer, digérer, pleurer, se reproduire, ces caractéristiques du corps humain servaient à expliquer la dynamique de la nature et sa cohérence. Par exemple, la déesse mère ou Pachacamac a un corps avec des os, des cheveux, du sang et elle donne du lait. Un habitant de la communauté de Pinchimuro, dans les Andes péruviennes, assure que les forces cosmiques vivent parmi les humains, se comportent comme eux et leur ressemblent : « Pachamama vit. Comme elle a créé le ver de terre, elle a engendré l’être humain. Elle a des os et du sang. Et aussi des cheveux. Les prairies sont ses cheveux. Elle a aussi du lait. Elle vit au mois d’août, du premier au six. À Noël, elle ne vit plus. Elle reçoit des offrandes. Beaucoup de vin et des boissons pour la célébrer, voilà ce que veut la Pachamama. Elle sait comment boire. Les offrandes doivent contenir de la nourriture, de l’encens, du sucre, des foetus de lamas, ainsi que sa laine. » (Classen, 1993 : 109) [2]. Un autre habitant de cette communauté ne dit pas autre chose : « La terre [la Pachamama] les élève [les Indiens] et les soigne comme une mère […] Elle a des os et du sang. Elle a aussi des cheveux. L’herbe est sa chevelure. Son sang est dans le sol. Elle saigne toujours quand on la laboure […] Nous lui donnons des graines et elle nous met au monde […] Nous faisons des offrandes à la Pachamama pour nos récoltes et notre bétail, ainsi nos animaux ne tomberont pas malades et nos récoltes seront bonnes. » (Classen, 1993 : 109).
8 De même, les populations andines donnaient une apparence humaine à des parties du milieu physique. Les Qollahuaya, qui vivent à la frontière bolivo-péruvienne, fournissent une illustration parfaite de cette association corps/nature. Bien qu’actuel, cet exemple pourrait s’appliquer aux temps préhispaniques. Dispersés dans trois communautés, ils usent de métaphores corporelles pour désigner les montagnes qui les entourent. Les plus hautes ont une tête (uma), des yeux (nawi) et une bouche (wayra) ; les moyennes possèdent un estomac (sixa) et un cœur (sonco) ; les plus petites ont des jambes (chaqis) et des pieds (sillus). Un habitant explique en ces termes à Joseph Bastien cette métaphore montagne/corps : « Je suis semblable à la montagne, Pachamama. Pachamama a des fluides qui circulent en elle, et j’ai des fluides qui circulent en moi. Pachamama prend soin de mon corps, et je dois donner de la nourriture et de la boisson à la Pachamama. » (Bastien, 1985 : 597).
La Création
La Création
Illustration extraite de Nueva Coronica y Bien Gobierno par Felipe Guaman Poma de Ayala. (Codex péruvien illustré de 1613), Paris, Institut d’Ethnologie, 1936. Documentation photographique, n°6075, 1985.1. Ce dessin représente la création du monde par le dieu chrétien, mais on s’aperçoit que les éléments préhispaniques dominent totalement. Le Créateur est debout, la tête dans le ciel, tenant le soleil dans la main droite et la lune dans la gauche. Cette illustration qui dépeint le corps humain et un modèle cosmologique nous rappelle que la création ne se réalise que par l’intermédiaire du corps, symbole de l’univers.
9 Henrique Urbano apporte une explication convaincante sur cette attention particulière portée à la Terre-Mère par les populations andines et plus globalement à leur environnement. Dans sa préface à l’ouvrage de Rosalind Gox et Bernabé Condori, il explique qu’« isolé, exploité, dominé, l’homme de Pinchimuro vit avec la faim, la maladie et la mort à ses côtés. La Pachamama atténue un peu la faim, les montagnes protègent contre les dangers d’une nature ingrate, les fleuves et la pluie fournissent l’eau nécessaire pour les cultures, la délicieuse coca permet d’oublier la souffrance et la dureté du travail » (Gox et Condori, 1982, V).
10 Le diagramme dessiné par l’inca Pachacuti Yamqui [3] et analysé par Constance Classen résume parfaitement la cosmologie inca (Classen, 1993 : 20 et suiv.) [4].
Diagramme de la cosmologie inca
Diagramme de la cosmologie inca
par Pachacuti Yamqui11 L’homme et la femme situés au centre constituent le cœur du diagramme, illustrant l’importance des humains dans le cosmos, mais aussi la complémentarité des deux sexes. Le haut du dessin contient les phénomènes célestes alors que tout en bas figurent un entrepôt et une terrasse, symboles de la terre et de la vie. Au centre, Viracocha, créateur du monde, successeur du Pachacamac des anciens Péruviens, apparaît comme un médiateur entre la terre et le ciel, celui qui trace une ligne entre la droite et la gauche, en somme le lien indispensable à l’harmonie et à l’équilibre de l’univers.
12 Au-dessus du couple, le cosmos est divisé en deux avec le soleil, élément masculin, et la lune, symbole féminin. Cela représente le lignage : les hommes descendent des hommes et les femmes des femmes. Masculin et féminin sont des catégories indépendantes et complémentaires, et dans les faits les femmes héritaient de leur mère et les hommes de leur père. Les éléments du côté masculin symbolisent la lumière et la sécheresse : le soleil, l’étoile du matin, la foudre, l’arc-en-ciel et le terre car elle s’oppose ici à la mer. Les éléments du côté féminin sont associés à l’obscurité et l’humidité : la lune, l’étoile du soir, les nuages, le brouillard, la grêle, la mer et la source.
13 D’autres symboles faisant référence au sacré apparaissent ici : le maïs, plante indispensable à la survie des communautés (masculin), la coca, utilisée pour les cérémonies religieuses (féminin). Tout ce qui est indispensable à la vie sur terre est décrit dans ce diagramme : l’entrepôt et la terrasse, bases de la civilisation ; le couple humain, base de la société ; les plantes domestiques et les animaux (lamas) symbolisés par les étoiles et socles de la vie, et Viracocha, le créateur sans qui la vie n’existerait pas.
14 En définitive, le diagramme est autant un modèle de l’univers sacré des Incas que la représentation d’un système agricole et des relations entre l’homme et la nature. Il suffit de noter que les forces météorologiques sont très présentes : la foudre, l’arc-en-ciel, la grêle, ce qui semble normal pour une civilisation agraire.
Corps métaphorique
15 En dehors de la cosmologie, le corps humain est un système qui permet d’expliquer clairement le fonctionnement de l’empire et le rôle que chacun devait y tenir. L’empire inca fut comparé à un corps humain où les quatre quartiers de Tahuantinsuyu correspondraient aux quatre quartiers du corps [5]. L’Inca était intimement lié à son empire et lors d’une maladie, la santé de l’empire était en jeu. Il représentait la tête et le cœur de ses États. Par conséquent, sa capitale, Cuzco, là où il résidait, devint le centre névralgique de l’organisation incaïque. Cette ville, divisée par quatre principales artères se rejoignant sur la place centrale, symbolisait l’empire (Classen, 1993, 98-107). La capitale fut comme le corps, un organe qui liait le centre aux confins du territoire.
16 Aujourd’hui, le Pérou est pour de nombreux Quechuas la représentation métaphorique d’un corps humain. Dans l’une des versions de l’Inkarri, c’est-à-dire du retour de l’Inca et d’une société idéale débarrassée des Espagnols, le Pérou est considéré comme un corps dont le lac Titicaca serait le sexe de la Pachamama, la Terre-Mère, Quito le front, Lima la bouche, Cuzco le cœur battant… et l’Espagne le bras. Ses veines sont les fleuves. Gilles Brunel a analysé le cas de l’Inkarri. Celui-ci, dispersé aux quatre coins du Pérou après l’invasion, ne réalisera la prophétie, chasser les envahisseurs européens, qu’après le rassemblement de tous ses membres épars. « Cette image fait référence à la réunification de la société dissoute. » (Brunel, 1985, 40). La conquête espagnole et l’asservissement de l’empire furent vécus comme la destruction du corps humain, d’où un violent traumatisme. Les Incas comparaient, nous dit Constance Classen reprenant Felipe Guaman Poma de Ayala, les épées des Espagnols à des pénis qui auraient violé le corps social (Classen, 1993 : 119) [6].
17 Désormais, l’ordre était inversé puisque les Incas se retrouvaient tout en bas, piétinés par des conquérants qui les humiliaient et les dominaient. Le chaos s’installait et, comme le dit si souvent Poma de Ayala dans sa chronique, le monde tournait à l’envers : « Les images d’animaux s’attaquant aux hommes, note Constance Classen, sont évocatrices de cette inversion de l’ordre au cours de ce premier chaos, de cet âge sans soleil de la mythologie andine, quand une sorte d’anticulture l’emportait alors que les animaux, dit-on, se nourrissaient d’êtres humains. Cette inversion métaphorique du monde qui survint lors de la conquête pouvait s’entendre comme un renversement des positions du haut et du bas, exprimé dans le concept andin du Pachacuti, qui veut dire littéralement “renversement du temps/de l’espace”. Dans cette perspective, la mort de l’Inca, symboliquement associé au Soleil et l’incompréhension face aux décisions espagnoles renvoyèrent le monde dans le premier âge de l’obscurité.
18 Les Péruviens contemporains se rappellent la conquête comme un temps de fléaux, une période de chaos. Ce moment funeste fut caractérisé par le désordre des corps où des parents dévorèrent leurs enfants, des cochons se nourrirent de cadavres. Les peuples andins actuels se considèrent comme les descendants des survivants de cette période. » (Classen, 1993, 124).
Conclusion
19 En fin de compte, pour les anciens Incas comme pour leurs descendants, tout s’incarne dans le corps humain avec une remarquable continuité. L’empire, symbolisé par l’empereur dont il représentait la tête de manière à la fois métaphorique et physique, vivait de la même façon qu’un être humain : « Du point de l’organisation sociopolitique et religieuse, remarque Henrique Urbano, la hiérarchie reproduisait l’ordre du monde et du cosmos. L’Inca était le Soleil, l’Inti, habitant parmi ses sujets, et les autres membres de l’organisation administrative de l’espace sociopolitique andin participaient aux privilèges du dieu suprême, l’Inca sur terre. Ils étaient à son service et les gardiens de l’ordre qu’il représentait. » (Urbano, 1992 : 294).
20 Que l’on supprime l’Inca et tout l’édifice s’écroulait ; un corps sans tête ne peut survivre. Cette image a traversé les siècles et le Pérou actuel est toujours comparé à un homme alors que l’on attribue à la terre des caractéristiques humaines. Le cosmos fonctionne également toujours de façon identique au corps humain. Les fluides qui le parcourent, sang, eau, etc., l’animent, le font vivre, lui apportent force et vitalité tout comme chez les hommes.
Bibliographie
Bibliographie
- Bastien J. 1985, « Qollahuaya-Andean Body Concepts : a Topographical-Hydraulic Model of Physiology » in American Anthropologist, vol. 87, n°3 : 595-611.
- Bouysse-Cassagne T. 1997, « “Si votre plumage…”. Signes d’identité, signes de pouvoir chez les Incas », in Musset A. & Calvo T. (éds.), Des Indes occidentales à l’Amérique latine, Paris, ENS Éditions, vol. II : 515-543.
- Brunel G. 1985, « L’homme qui cherchait son corps et sa bonne fortune : les dimensions socio-économiques du messianisme andin », in Anthropologie et Sociétés, vol. 9, n°1 : 32-42.
- Classen C. 1993, Inca Cosmology and The Human Body. Salt Lake City, University of Utah Press.
- Gox R. & Condori B. 1982, Kay Pacha. Cuzco, Center for Rural Andean Studies (Biblioteca de la tradicion oral andina).
- Inca Garcilaso de la Vega 1982, Commentaires royaux sur le Pérou des Incas. Paris, Maspéro (La Découverte. Mémoire américaine), vol. I.
- Urbano H. 1992, « Sentiment religieux amérindien dans les Andes. L’invention de l’expérience chrétienne aux xvi e et xvii e siècles », in Religiologiques, n°6 : 291-312.
Notes
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[1]
L’Inca Garcilaso de la Vega naquit à Cusco, le 12 avril 1539. Fils du conquistador Garcilaso de la Vega et de la princesse Isabel Chimpu Ocllo, nièce du dernier Inca, Túpac Yupanqui, Garcilaso, bien qu’appartenant à la noblesse inca et à l’aristocratie espagnole, fut toujours considéré comme un métisse. Il passa sa jeunesse à Cusco, et fut le témoin des guerres civiles qui ravagèrent le Pérou au xvi e siècle. À l’âge de 20 ans, il partit en Espagne et en 1606 rédigea Los Comentarios Reales où il narre l’histoire des Incas, la conquête et la colonisation. Dans cette œuvre se manifestent non seulement ses qualités littéraires mais aussi une certaine vision de l’empire inca décrit comme le modèle idéal. Il meurt le 24 avril 1616 à Cordoue.
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[2]
« Pachamama lives. As she begets the worms in the earth, so too are we begotten. She has bones and blood. And hair too. The pastures are her hair. She has milk as well. She lives in August from the firts to the sixth. Christmas she lives no more. She receives offerings. Wine and drink for her ceremony of pouring, this is what Pachamama wants. She knows how to drink. The offering must contain feed, incense, sugar, fetus of lamas and his wool. » Rosalind Gox et Bernabe Condori, Kay Pacha, Cuzco, Center for Rural Andean Studies, 1976, 99 p., cité par Constance Classen.
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[3]
Ce chroniqueur est d’origine indigène. Il descendait d’une lignée de nobles Collaguas. Il prétendait que son arrièregrand-père fut le premier baptisé de l’empire. On ne sait rien d’autre de lui. L’intérêt de sa chronique réside dans la transcription de chants épiques et de poèmes de l’époque inca.
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[4]
Ce diagramme de Joan de Santacruz de Pachacuti Yamqui tiré de Relacion de antigüedades deste reyno del Peru paru en 1615-1620 et repris dans de la Espada M.J. (éd.), 1879, Tres relaciones de antigüedades peruanas, Ascunsion, Madrid, Impr. De M. Tello, est analysé par Constance Classen.
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[5]
Selon les régions, le corps est divisé en quatre quartiers ou en trois. Chez les Aymaras, étudiés par Joseph Bastien, cette division, socle de l’ordre spatial andin, se fonde sur le mouvement du soleil en relation avec la terre. Elle correspond aussi aux champs, et aux communautés réparties en quatre.
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[6]
« Alors que les Incas s’identifiaient à la domination masculine et les peuples vaincus à des femmes soumises, la conquête renversa les positions, les conquistadores occupant la position dominante. Les Incas, en fait, se représentaient l’épée des Espagnols comme un pénis, cette image montrant qu’ils considéraient l’invasion comme une violation sexuelle symbolique. » (Whereas the Incas had previously identified themselves with dominant masculinity and their subject peoples with subordinate femininity, with the Conquest they found themselves in the latter position, while Spanish occupied the former. The Incas, in fact, conceived of the swords of the Spanish as penises, indicating that they experienced their defeat at the hands of the Spanish as a symbolic sexual violation).