Notes
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[1]
Éric Plaisance est professeur des Universités, Brigitte Belmont et Aliette Vérillon sont chargées de recherche à l’université Paris-V - Centre de recherche sur les liens sociaux.
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[2]
Fédération nationale pour l’accompagnement scolaire des élèves présentant un handicap.
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[3]
Cette nouvelle terminologie est proposée par le rapport pour éviter une confusion avec le sigle AIS qui désigne le secteur Adaptation et intégration scolaire de l’Éducation nationale.
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[4]
Circulaire 2003-92 du 11 juin 2003.
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[5]
Classe d’intégration scolaire (CLIS). Unité pédagogique d’intégration (UPI).
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[6]
Commission départementale d’éducation spéciale.
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[7]
Circulaire 2003-93 du 11 juin 2003.
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[8]
Note DESCO-MAIS n° 2004-0200 du 17 juin 2004.
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[9]
Dispositifs de formation sur le mode « d’une aide négociée » dans des collèges où se créent des UPI dans l’académie de Créteil.
1La notion d’accompagnement va de pair avec la logique d’intégration. Il s’agit de mutualiser les compétences professionnelles afin de répondre aux besoins des enfants, là où ils peuvent se trouver en difficulté dans les établissements scolaires ordinaires, plutôt que de les déplacer dans une structure spéciale, marginale, en vue de les préparer à une éventuelle insertion en milieu ordinaire à plus long terme. La loi du 11 février 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » pose même le principe de l’inscription de tout enfant handicapé ou présentant un problème de santé invalidant, dans l’établissement scolaire le plus proche du domicile qui sera appelé « établissement de référence ». Cette mesure n’exclut d’ailleurs pas des modalités diverses de formation, qui peuvent se dérouler, totalement ou en partie, dans d’autres établissements. En fait, dans les établissements scolaires ordinaires, différents professionnels spécialisés sont en mesure de contribuer, d’une façon ou d’une autre, à l’accompagnement des enfants en difficultés diverses : enseignants, éducateurs ou rééducateurs de SESSAD, de RASED, de CMPP, etc. Mais nous nous intéressons ici plus particulièrement au rôle assuré, dans cette perspective d’accompagnement, par les auxiliaires de vie scolaire (AVS), chargés de l’aide à l’intégration. Les services d’AVS se sont développés à partir de la « rencontre », à la fin des années 1990, de deux préoccupations sociales importantes : développer la scolarisation des enfants en situation de handicap à l’école ordinaire et faciliter l’insertion professionnelle des jeunes. D’une part, les mesures réglementaires et les dispositifs institutionnels mis en œuvre depuis 1975 pour promouvoir l’intégration scolaire n’ayant pas produit les effets attendus, diverses analyses de la situation avaient été effectuées vers la fin des années 1990 : évaluations statistiques de la scolarisation des enfants handicapés (Raveau, 1995), rapport interministériel (« Scolariser les jeunes handicapés », 1999), comparaisons internationales (Fardeau, 2000). Elles ont conduit au constat des lacunes de la scolarisation – et surtout de l’intégration – et à la décision d’une relance de la politique d’intégration scolaire pour améliorer les conditions d’accueil et d’orientation de ces enfants à l’école (programme Handiscol’). D’autre part, l’augmentation du chômage qui sévissait depuis les années 1980 a entraîné des effets négatifs sur l’accès des jeunes à une première embauche. Le plan social, lancé pour créer des emplois, visait à répondre à « des besoins émergents ou non satisfaits présentant un caractère d’utilité sociale » (loi sur les emplois jeunes, 1997). C’est dans ce contexte économico-social que des mesures ont été prises, notamment pour accroître les ressources humaines en appui aux actions d’intégration. Ces dispositions, qui répondaient à des attentes sociales évidentes, ont reçu un accueil très favorable. Elles ne sont pas, cependant, sans soulever quelques problèmes.
Évolution des politiques éducatives concernant les jeunes en situation de handicap : de l’éducation spéciale à l’intégration, puis à l’inclusion
2Les mesures prises pour accroître les possibilités d’accompagnement dans l’intégration s’inscrivent dans un contexte qui a vu se dessiner de nouvelles orientations dans la façon de concevoir la scolarisation des élèves en situation de handicap.
3En France, l’éducation spéciale a une longue histoire : des classes et des établissements « spéciaux » pour enfants présentant différentes « difficultés » sont des dispositifs anciens, qui ont été progressivement mis en place sur le modèle traditionnel du « spécial », c’est-à-dire sur le modèle de la différence par rapport aux institutions scolaires ordinaires. La première brèche dans ces orientations classiques a été ouverte vers la fin des années 1960 et au début des années 1970 au nom de la « prévention des inadaptations » et c’est dans ce contexte qu’ont été créés les Centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) et, au sein de l’Éducation nationale, les Groupes d’aide psycho-pédagogique (GAPP). Ensuite, la loi du 30 juin 1975 dite d’orientation en faveur des personnes handicapées a préconisé des actions destinées aux enfants, aux adolescents et aux adultes, leur permettant d’accéder aux institutions ordinaires, ouvertes à l’ensemble de la population. Cela suggérait des formes d’intégration scolaire et sociale, mais la même loi énonçait seulement une « obligation éducative » à l’égard des enfants handicapés, qui pouvait être assurée dans le cadre soit d’une éducation ordinaire, soit d’une éducation spéciale.
4En réalité, c’est dans les années 1980 que les objectifs et les moyens de l’intégration scolaire des enfants ou des adolescents handicapés sont formulés plus explicitement dans des textes officiels communs au ministère de l’Éducation nationale et au ministère chargé des Affaires sociales (circulaires de 1982 et de 1983). L’intégration scolaire y est définie selon plusieurs modalités : l’intégration « individuelle » (présence d’un enfant handicapé dans une classe ordinaire) ; l’intégration « collective » (présence d’un enfant handicapé dans une classe spécialisée insérée dans une école ordinaire) ; l’intégration à temps partiel dans l’un ou l’autre de ces dispositifs. Mais on y énonce aussi la nécessité d’un « projet intégratif », formulé par écrit pour chaque enfant, et qui doit comprendre trois dimensions : scolaire, éducative et thérapeutique. L’intégration « à la française », définie officiellement, fait coexister une multiplicité de dispositifs possibles. Cette situation particulière est plus perceptible lorsqu’on la confronte à certains modèles étrangers, par exemple à la situation italienne, où l’intégration est une mesure radicale, voire révolutionnaire, impliquant nécessairement la présence des enfants handicapés en classe ordinaire (avec des enseignants de « soutien ») et où n’existent ni classe spéciale ni établissement spécial. À l’opposé de ce modèle, le modèle français est de type « réformiste », ajoutant la formule de l’intégration aux modalités antérieures de scolarisation spécialisée.
5Pourtant, des évolutions sensibles se sont amorcées depuis les années 1990, en partie liées aux travaux internationaux, en partie suscitées par des revendications au sein du pays lui-même. Sur le plan international, c’est la nouvelle classification dite du fonctionnement qui insère la question du handicap dans le cadre large des interactions de la personne avec son environnement. Ce sont aussi les déclarations sur l’« éducation inclusive », par exemple, faites sous l’égide de l’UNESCO (déclaration de Salamanque de 1994). Avec ce vocabulaire de l’inclusion, nous passons sans doute à une autre phase des orientations pour la scolarisation des enfants handicapés. On y affirme la nécessité de réformer les pratiques des écoles ordinaires pour qu’elles accueillent l’ensemble des différences. Selon les auteurs britanniques qui analysent les transformations de l’éducation autrefois nommée « spéciale », l’inclusion ne se limiterait plus à un problème technique, notamment pour augmenter la présence d’enfants handicapés dans les écoles ordinaires par l’adjonction de rampes d’accès, d’ascenseurs, ou de personnel supplémentaire. Elle impliquerait que « les écoles se transforment elles-mêmes en communautés scolaires où tous les apprenants sont accueillis sur la base d’un droit égal » (Armstrong, 1998, p. 53). C’est précisément cette revendication en termes de droit qui est la caractéristique essentielle des évolutions depuis la loi de 1975. On le voit dans la dénonciation actuelle des discriminations à l’égard des personnes handicapées, la demande de l’accessibilité généralisée aux lieux publics, l’insistance avec laquelle nombre de parents d’enfants handicapés réclament la scolarisation dans l’école ordinaire. D’une certaine manière, la loi de 2005 sur les personnes handicapées est le reflet de ces évolutions. La notion d’éducation dite spéciale a disparu, et la scolarisation est traitée sous le thème général de l’accessibilité pour tous. Concrètement, rappelons-le, les enfants doivent être inscrits dans l’école ordinaire la plus proche de leur domicile qui est leur établissement de référence. Dans ces conditions, la question de l’accompagnement scolaire des enfants handicapés se pose avec encore plus d’acuité, bien que la loi de 2005 n’ait en soi ni inauguré ni défini de nouvelles modalités d’accompagnement. Néanmoins, comment peut-on définir l’accompagnement en fonction de cette orientation officielle en faveur d’une amplification de l’« inclusion » ?
6Un regard rapide sur la situation italienne est ici utile. Car l’Italie, qui a adopté la radicalité de l’intégration (en fait une politique « d’inclusion ») a parallèlement mis en place un grand nombre de professeurs dits de soutien, qui fournissent un appui à l’accueil d’enfants handicapés en classe ordinaire, à raison d’un professeur de soutien pour quatre enfants « intégrés » (accueillis, en général, dans des classes différentes). Mais ils ne sont pas limités à l’accompagnement des enfants concernés, ils ont une tâche plus large d’aide à l’ensemble de la classe, voire le rôle de « ressources » pour l’école elle-même. On note enfin qu’ils ont le même statut que les autres professeurs, tout en bénéficiant d’une formation spécifique. Par contraste, dans la situation française, de nouveaux professeurs ne sont pas sollicités pour cet accompagnement quotidien, mais des auxiliaires, dont nous allons examiner l’émergence puis la situation présente.
L’émergence d’une fonction d’accompagnement : les auxiliaires d’intégration scolaire
7Les premiers auxiliaires d’intégration scolaire (AIS), ainsi qu’on les a d’abord appelés, apparaissent dans les années 1980. Ils sont recrutés à l’initiative de parents ou de militants soucieux de favoriser l’ouverture de l’école à l’accueil d’enfants handicapés et de proposer un appui pour faciliter la réussite de leur parcours de scolarisation. Ils sont, par exemple, objecteurs de conscience, embauchés en contrat emploi solidarité ou, parfois, rétribués par des parents. Dans le prolongement de ces démarches, des associations de parents d’enfants handicapés mettent en place des services d’auxiliaires d’intégration scolaire ayant pour rôle de gérer les personnels et d’assurer une médiation avec les établissements d’accueil. En 1996, la FNASEPH [2] se constitue pour regrouper ces associations avec comme objectif notamment de partager ces expériences éparses, de mieux définir cette fonction et de mettre en commun des idées sur des moyens de financement (Réadaptation, 2002).
L’accompagnement dans le cadre du dispositif emplois jeunes
8En 1997, la possibilité de recruter sur des statuts d’emplois jeunes offre une occasion nouvelle de développement des services d’AIS. Ce recrutement permet aux associations d’embaucher des jeunes dont les salaires sont financés à 80 % par le ministère de l’Emploi. Des solutions diverses sont recherchées pour réunir les 20 % restants sous forme de subventions, de financements municipaux. Parallèlement, l’Éducation nationale a également recours aux emplois jeunes pour recruter des aides-éducateurs. On leur confie, le plus souvent, des missions d’encadrement, de surveillance, parfois aussi des missions plus spécialisées : formation des élèves à l’informatique, animation de bibliothèques centres documentaires (BCD), aide à l’intégration scolaire (le Bulletin officiel de l’Éducation nationale, 1998). Le dispositif emplois jeunes est prévu, au départ, pour fonctionner cinq ans au maximum. La logique de ce dispositif consiste à proposer à des jeunes de 19 à 25 ans des emplois de courte durée mais leur donnant le droit de consacrer une partie de leur temps de travail à des formations en lien avec un projet professionnel personnel, dans une perspective d’emploi ultérieur autre que l’activité temporaire qui les occupe dans le cadre de ce contrat. À l’Éducation nationale, un dispositif, piloté au niveau des rectorats, était prévu pour assister les aides-éducateurs dans l’élaboration de ce qu’on appelle un « parcours de professionnalisation » : informations sur le marché de l’emploi, les diplômes et les filières de formation correspondantes ; entretiens pour une aide à la réflexion ; bilan de compétences ; possibilité d’attestation d’activités, de validation des acquis… (circulaire 99-156 du 8 octobre 1999, circulaire 2002-084 du 17 avril 2002).
9Une réflexion a été menée dans le cadre associatif pour mieux structurer ces emplois et a donné lieu à la production de différents documents. La FNASEPH a élaboré, outre des outils de formation, un référentiel emploi, une grille d’évaluation des besoins et un protocole d’accompagnement qui seront repris par les textes officiels de l’Éducation nationale en 2003.
10Les AIS relevant des associations, comme les aides-éducateurs relevant de l’Éducation nationale, avaient pour fonction d’apporter une aide aux enfants en situation de handicap :
Bilan des premières expériences
11Du point de vue des associations, le dispositif emplois jeunes a permis d’augmenter très sensiblement le nombre d’AIS mis à disposition des établissements scolaires par les associations, montrant par là que la fonction assumée par ces personnels correspondait à un réel besoin dans la mise en œuvre de l’intégration (Fessard, 2000).
12Un certain nombre de problèmes se posaient cependant :
- La possibilité de disposer de ressources humaines supplémentaires pour l’intégration est inégalement répartie sur le territoire, selon la présence, ou non, d’associations investies dans le recrutement d’AIS.
- Si l’on reconnaît qu’il y a permanence de besoins d’accompagnement pour des élèves handicapés scolarisés en milieu ordinaire, il paraît justifié de pérenniser cette fonction. Dans cette perspective, les associations demandent que ces emplois soient complètement financés par l’État.
- Certaines associations souhaitent également que l’Éducation nationale assure la formation, l’encadrement et la gestion de ces personnels. Mais sur ce point, les avis sont partagés. Des initiatives ont été prises dans le cadre privé, médico-social, pour assurer une formation et un encadrement des AIS, selon des modalités diverses (durée de formation variable, recours à des organismes de formation différents, formations qualifiantes ou non). Le débat sur l’opportunité de laisser ou non à l’Éducation nationale la responsabilité de ce champ d’action suscite des réticences. Des associations s’expriment pour dire qu’elles tiennent à ce que l’expérience acquise dans ce domaine ne soit pas ignorée et proposent de travailler en partenariat avec l’Éducation nationale.
13Le débat entre associations porte encore sur un autre point : le statut de cette fonction et des personnes qui l’exercent. Nombre d’associations considèrent que ce devrait être un vrai métier exercé par des personnes dont l’emploi ne serait pas précaire. L’exercice de ce métier nécessiterait une formation qualifiante sanctionnée par un diplôme qui garantirait la qualité du service rendu. Les réticences à pérenniser les emplois des personnes semblent associées à la crainte que cet emploi ne vienne combler des fonctions défaillantes, comme le soutien des enseignants par des professionnels spécialisés. Le rapport Malot (2001) propose de continuer à recourir, dans l’immédiat, aux dispositifs emplois jeunes, pour la généralisation des services d’auxiliaires de vie scolaire, mais envisage d’étudier, dans un second temps, « les possibilités de faire de cette fonction un vrai nouveau métier, en l’affranchissant définitivement des dispositifs toujours provisoires d’aide à l’emploi » (point 4, proposition 13).
14Dans la période qui suit, la question est débattue dans différentes instances : consultation organisée en 2001-2002 dans le cadre de la réforme de la loi de 1975 (Assante, 2002), groupe de travail interministériel réunissant l’ensemble des partenaires associatifs impliqués dans la gestion des auxiliaires (octobre 2002), entre autres. C’est à l’issue de ces consultations qu’en 2003 un texte législatif paraît, définissant de nouvelles modalités d’accompagnement par des auxiliaires de vie scolaire (AVS).
Les auxiliaires de vie scolaire : un dispositif d’accompagnement de l’Éducation nationale
Pérennisation du dispositif mais maintien de la précarité des emplois
15La loi du 30 avril 2003 crée les postes d’assistants d’éducation, qui se substituent aux aides-éducateurs. Comme ces derniers, ils ont globalement des fonctions d’assistance aux équipes éducatives dans les établissements scolaires. Parmi ces fonctions figure « l’aide à l’accueil et à l’intégration des élèves handicapés ». Les assistants d’éducation exerçant les fonctions d’AVS regroupent sous un même statut des personnes qui assumaient auparavant les fonctions d’auxiliaires dans le cadre d’associations et les aides-éducateurs chargés d’aide à l’intégration. Les anciens AIS associatifs peuvent, en effet, être recrutés par l’Éducation nationale, sous certaines conditions [4]. Les aides-éducateurs en cours de contrat peuvent continuer à travailler dans le nouveau dispositif jusqu’au terme de ce contrat. La création de ces postes d’assistants d’éducation correspond à une reconnaissance officielle de la fonction d’accompagnement scolaire. Elle se traduit concrètement par une prise en charge, sur tous les plans, des emplois attachés à cette fonction. Le financement complet, non limité dans le temps, pris en charge par l’Éducation nationale, crée les conditions de la pérennisation et de la généralisation unanimement demandées par les associations. En revanche, en ce qui concerne les personnels, le statut des assistants d’éducation reprend en grande partie celui des aides-éducateurs. Il s’inscrit dans la même perspective d’aide à l’insertion professionnelle des jeunes, notamment d’aide aux étudiants dans la poursuite de leurs études. Comme pour ce qui concerne les aides-éducateurs, ces emplois sont conçus pour être temporaires (contrat de trois ans au maximum, renouvelable jusqu’à six ans). Ils doivent permettre aux jeunes de s’inscrire dans un parcours de professionnalisation. Ce statut, comme le précédent, leur garantit la possibilité de suivre une formation en lien avec leur projet professionnel. Ils ont également la possibilité de faire valoir les compétences développées dans cette fonction en vue d’une valorisation des acquis de l’expérience. Mais s’ils bénéficient d’une formation d’adaptation à l’emploi, il ne s’agit pas d’une procédure qualifiante. Contrairement aux attentes, ces dispositions ne font toujours pas de la fonction d’AVS un métier à part entière.
Une définition de l’accompagnement mettant l’accent sur l’individualisation du soutien
16Dans la législation de 2003, les assistants d’éducation sont globalement chargés d’apporter un appui à l’équipe éducative en participant à des activités menées dans le cadre du projet d’établissement. La législation distingue, cependant, deux types d’assistants d’éducation chargés d’accompagnement à l’intégration scolaire :
- l’auxiliaire de vie scolaire individuel (AVS-I), qui a pour mission d’assurer un suivi individualisé des élèves handicapés ;
- l’auxiliaire de vie scolaire collectif (AVS-CO), qui a pour mission d’apporter une aide à l’intégration des élèves handicapés dans les dispositifs collectifs (CLIS ou UPI) [5].
- l’attribution d’un AVS-I relève de la décision de la CDES [6], elle se fait en fonction des besoins d’aide pour un enfant donné. C’est l’inspecteur d’académie, en tant que directeur des services départementaux d’éducation, qui recrute la personne, en fonction notamment de la nature de ses besoins ;
- l’attribution d’un emploi d’AVS-CO est décidée par l’inspecteur d’académie, mais c’est le chef d’établissement qui se charge du recrutement. On peut penser que son choix est alors déterminé par les actions envisagées dans le projet d’établissement.
- les AVS-I sont affectés à des élèves. Le plus souvent, ils ne sont pas appelés à accompagner un enfant sur la totalité du temps scolaire mais à suivre plusieurs enfants qui peuvent fréquenter des établissements différents ;
- les AVS-CO sont affectés à un seul établissement pour apporter un appui à un dispositif collectif d’intégration.
- dans la classe, selon des modalités définies par l’enseignant, pour une aide matérielle, une aide à la participation aux enseignements, à la communication, au développement de l’autonomie,
- lors des sorties de classe,
- dans l’accomplissement de gestes techniques qui ne requièrent pas de qualifications médicales ou paramédicales et pour une aide à l’hygiène,
- dans les réunions qui concernent les projets des élèves qu’ils suivent.
17Si les textes ne comportent pas de précisions concernant les fonctions des AVS-CO, on peut penser que leur cadre de travail n’est pas sans incidence sur la façon dont, concrètement, ils assurent leur fonction d’accompagnement. Du fait qu’ils interviennent auprès d’un groupe d’élèves, les AVS-CO sont amenés, avec les enseignants, à partager des préoccupations en termes de fonctionnement de la classe et, plus largement, d’intégration de la CLIS ou de l’UPI dans l’école.
Formation : une ouverture vers la prise en compte de la diversité des élèves
18La prise en charge des AVS par l’Éducation nationale est assortie d’un plan de formation palliant la disparité des initiatives qui avaient été prises dans le milieu associatif auparavant. Dans un premier temps, les contenus et les modalités de formation, en ce qui concerne les sessions d’adaptation à l’emploi, ne sont précisés que pour les AVS-I. Il est cependant conseillé de faire bénéficier les AVS-CO des actions de formation organisées pour les AVS-I. Globalement, cette formation comprend des informations générales sur le système éducatif et les établissements médico-sociaux, les handicaps, leurs conséquences sur la vie quotidienne, les besoins éducatifs particuliers en situation scolaire, éventuellement une préparation à des gestes techniques spécifiques. De plus, elle prévoit des moments réguliers de regroupement pour permettre des échanges entre AVS et une régulation des pratiques. Elle puise dans les ressources du milieu associatif en sollicitant des expertises destinées à partager des savoir-faire dans le domaine de l’aide aux personnes handicapées. Il est également recommandé d’utiliser le référentiel d’emploi élaboré par la FNASEPH comme support à la réflexion dans la formation. Ainsi, pour la formation comme pour la définition des fonctions, l’Éducation nationale s’est appuyée sur l’expérience acquise par les associations, dont la synthèse est présentée dans le rapport Malot de 2001. Elle est conçue dans la même logique d’aide individualisée. Cependant, dans le cahier des charges élaboré pour la formation [8] en 2004, des changements interviennent dans les propositions de formation. Des thèmes nouveaux sont appliqués aux contenus. Il est notamment fait place à l’acquisition de savoirs sur le plan pédagogique (programme scolaire, situation d’apprentissage, situation d’évaluation, diversité des supports d’apprentissage, méthodes éducatives). Cette approche montre une sensibilisation aux questions qui préoccupent l’école pour tous les enfants et ouvre à la possibilité de mieux appréhender le fonctionnement global de la classe et de concevoir, dans le cadre de l’enseignement, une fonction d’accompagnement s’inscrivant dans l’ensemble des dispositions envisagées pour prendre en compte la diversité des élèves. De plus, la formation qui, auparavant, s’adressait prioritairement aux AVS-I s’adresse dorénavant indistinctement à tous les AVS. Ainsi peut-on penser que l’on attend de tous ceux qui suivent des enfants, en intégration individuelle ou collective, qu’ils disposent d’éléments pour appréhender le fonctionnement pédagogique du milieu d’accueil dans une perspective d’adaptation des pratiques.
Collaboration et formation
19Dans le cahier des charges élaboré par l’Éducation nationale pour la formation des AVS, il est question de susciter une réflexion sur leurs relations avec l’équipe pédagogique et éducative, avec l’élève accompagné et les autres élèves, avec les parents et les équipes de soin. De fait, lorsqu’on se réfère aux témoignages, maintenant nombreux, sur les problèmes auxquels les AVS sont confrontés dans la pratique, il apparaît que la fonction d’accompagnement qui leur incombe sollicite des compétences certaines sur le plan relationnel. Ce qui est en jeu, c’est tout d’abord la nature de la relation à établir avec l’élève accompagné. Leur mission consiste à apporter une aide tout en se plaçant dans une perspective favorisant le développement de l’autonomie. Ce double objectif nécessite de la part des AVS de trouver un équilibre entre une certaine proximité – pour bien connaître les enfants et saisir au mieux comment répondre à leurs besoins – et une certaine distance affective, permettant l’instauration de rapports de confiance respectant la démarche propre des enfants dans leur abord des situations scolaires. Les AVS sont par ailleurs confrontés à des situations qui peuvent susciter des questions d’ordre déontologique. Dans leur rapport avec les parents, dans les réunions auxquelles ils participent, ils sont considérés comme des professionnels à part entière. À ce titre, ils ont, comme leurs partenaires, à prendre en compte le caractère de confidentialité de certaines informations qui font l’objet des échanges auxquels ils participent. De manière générale, les moments de formation, organisés en regroupement pour une analyse des pratiques sont l’occasion de donner des repères, de suggérer des conduites, de permettre l’expression des questions, des sources d’inquiétude, de partager des solutions (Laurent-Cognet, 2005).
20La fonction d’accompagnement scolaire inclut nécessairement une dimension de collaboration. Les AVS ont à prendre des initiatives pour aménager les situations de scolarisation en interaction avec différents partenaires : un ou des enseignants, des professionnels spécialisés, les parents. Leurs interventions se situent à la frontière du champ d’action des autres acteurs. Il est nécessaire aussi d’avoir une vision dynamique de l’accompagnement, qui tienne compte de l’évolution des besoins des enfants et de l’évolution de leur environnement. La fonction d’AVS nécessite donc une concertation avec les uns et les autres, et des réajustements constants. Les travaux d’Ébersold (2003) montrent que la qualité du travail d’accompagnement réside dans la cohérence des liens et des relations qui s’instaurent entre les différents acteurs. C’est dans la mise en œuvre de projets d’actions conçues collectivement, en fonction des problèmes à résoudre pour chaque enfant, que la place et le rôle de chacun se déterminent, que la spécificité des interventions et leur complémentarité se clarifient. Mais développer des modalités de collaboration satisfaisantes ne va pas de soi. Il arrive que les AVS expriment des difficultés de relation, qu’ils vivent comme un manque de reconnaissance de leur fonction, comme un problème d’identité professionnelle. Ils peuvent ressentir que leur présence en classe est vécue comme une intrusion, qu’on ne leur fait pas confiance. La question de la collaboration entre partenaires est nécessairement abordée entre AVS, lors des regroupements consacrés aux analyses de pratiques. Cependant, il est difficile de concevoir une formation sur ce thème, permettant d’aborder l’ensemble des problèmes soulevés par la question, dans le cadre d’un regroupement monocatégoriel. D’autres perspectives de travail, qui présentent des conditions intéressantes pour une formation à la collaboration, sont actuellement développées dans le cadre de la formation continue. Il s’agit de dispositifs de formation qui s’adressent à des établissements scolaires en tant que tels [9]. Ils permettent à différents professionnels, impliqués dans les mêmes actions d’intégration, de réfléchir ensemble, notamment à la façon dont ils peuvent collaborer entre eux.
Conclusion
21Le développement d’un dispositif d’accompagnement scolaire au sein de l’Éducation nationale, à la suite des initiatives prises dans un premier temps par les associations, correspond au choix d’apporter des moyens supplémentaires en appui à l’intégration. On estime que l’introduction des AVS dans le cadre exclusif de l’Éducation nationale a contribué à la progression du nombre d’élèves handicapés accueillis à l’école. Bien que cela paraisse encore insuffisant pour couvrir les besoins, la pertinence de cet accompagnement n’est pas remise en cause. Il est prévu de continuer progressivement à recruter de nouveaux AVS, tout en considérant, tant du point de vue de l’Éducation nationale que de celui des associations, que leur intervention n’est pas nécessaire pour tous les élèves. Cependant, la mise en œuvre de ce dispositif laisse un certain nombre de questions en suspens.
22D’une part, les AVS-I affectés au suivi de plusieurs enfants se trouvent souvent intervenir dans des établissements différents. Comment, dans ces conditions, développer avec les équipes éducatives les liens qui sont nécessaires à la collaboration ? Ce problème est relatif à la façon dont sont définies les fonctions des AVS et à la conception du type d’accompagnement qui sous-tend leur définition. Dans le cadre de l’Éducation nationale, la fonction d’accompagnement individualisé des AVS, telle qu’elle avait été déterminée dans le cadre associatif, s’est élargie. En effet, l’accompagnement nécessaire à la scolarisation d’élèves handicapés en milieu ordinaire est également envisagé comme appui aux enseignants pour le fonctionnement de classe. Cette évolution va dans le sens d’une conception inclusive de l’éducation qui s’inscrit dans la double perspective d’apporter une aide aux élèves handicapés tout en transformant le milieu scolaire pour qu’il soit plus accessible. Elle est portée par un programme de formation qui vise à procurer à tous les AVS les mêmes compétences. De fait, dans la pratique, les AVS-CO, en CLIS, en UPI, peuvent être amenés à accompagner individuellement des intégrations ponctuelles. Les AVS-I, dans les classes ordinaires, peuvent intervenir auprès d’autres élèves pour un assouplissement du fonctionnement pédagogique facilitant notamment la participation de l’élève handicapé. On peut alors se demander s’il convient de maintenir la distinction entre AVS-I et AVS-CO, ainsi que l’idée d’attacher l’affectation des personnels à des enfants plutôt qu’à un établissement ?
23D’autre part, concernant la formation, on relève souvent que les AVS sont placés dans une position stratégique particulière qui leur permet d’appréhender la situation scolaire d’un élève de façon globale, sous des angles à la fois pratique, technique et pédagogique. Étant amenés à être des interlocuteurs pour différents partenaires, il semble souhaitable qu’ils soient sensibilisés à diverses cultures professionnelles (milieu enseignant, secteur médico-social, entre autres). Ils partagent également avec ces partenaires des difficultés similaires, notamment par rapport au problème de la collaboration. Le rapport établi en vue de la révision de la loi de 1975 proposait de développer des formations intercatégorielles pour les différents acteurs du système éducatif (Assante, 2002). On peut penser que les AVS bénéficieraient tout particulièrement d’une telle possibilité.
24Par ailleurs, les fonctions dévolues actuellement aux AVS ne couvrent pas l’ensemble des besoins. Des difficultés se font jour pour l’accompagnement périscolaire ou hors des temps scolaires proprement dits, par exemple au moment des repas à l’école. Certaines municipalités se trouvent désormais obligées de prendre financièrement en charge ce type d’accompagnement. Le nouveau dispositif des assistants d’éducation, auxquels sont maintenant assimilés les auxiliaires, met en péril l’accompagnement périscolaire.
25Enfin, concernant le statut professionnel des AVS, il paraît contradictoire que, pour assumer une fonction répondant à des besoins reconnus permanents, soient proposés des emplois si peu stables. On peut se demander si ces situations d’activités provisoires, considérées comme un passage vers des perspectives professionnelles différentes de la fonction assurée, offrent un cadre de travail propre à susciter de la part des jeunes un investissement suffisant. Ce statut précaire présente un autre inconvénient. Il conduit à un turn-over important des personnels et donc à un type de travail mené en permanence avec une grande proportion de débutants. Ces conditions ne risquent-elles pas de nuire à la qualité du service rendu ?
Notes
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[1]
Éric Plaisance est professeur des Universités, Brigitte Belmont et Aliette Vérillon sont chargées de recherche à l’université Paris-V - Centre de recherche sur les liens sociaux.
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[2]
Fédération nationale pour l’accompagnement scolaire des élèves présentant un handicap.
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[3]
Cette nouvelle terminologie est proposée par le rapport pour éviter une confusion avec le sigle AIS qui désigne le secteur Adaptation et intégration scolaire de l’Éducation nationale.
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[4]
Circulaire 2003-92 du 11 juin 2003.
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[5]
Classe d’intégration scolaire (CLIS). Unité pédagogique d’intégration (UPI).
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[6]
Commission départementale d’éducation spéciale.
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[7]
Circulaire 2003-93 du 11 juin 2003.
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[8]
Note DESCO-MAIS n° 2004-0200 du 17 juin 2004.
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[9]
Dispositifs de formation sur le mode « d’une aide négociée » dans des collèges où se créent des UPI dans l’académie de Créteil.